REGARDS CROISÉS JUSTICE SOCIALE - Mont-de...

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1 Comment Les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale? Être capable de définir Notions à acquérir en terminale Notions acquises en première ● égalité ● discrimination ● assurance ● assistance ● services collectifs ● prestations sociales ● cotisations sociales ● redistribution ● protection sociale ● Etat providence ● prélèvements obligatoires ● revenus de transferts Sur quoi se fonde la justice sociale? Pour lutter contre les inégalités, quelles sont les divers types d'égalité? Par quels moyens, les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale? Ces politiques publiques sont-elles efficaces? 1/ Fondement de la justice sociale, l'égalité de quoi? A: Les différents types d'égalité Les sociétés démocratiques se caractérisent par la recherche de l'égalité c.-à-d. elle consiste à traiter les individus de manière identique, elle établit une équivalence des ressources, des conditions, des attributs entre individus. Par exemple: dans le domaine politique, l'égalité se réalise par le principe "un homme = une voix". Pour Alexis de Tocqueville, la démocratie ne correspond pas seulement à un régime politique mais aussi à un "état social". Les sociétés démocratiques se constituent autour de l'égalité des conditions qui relève de trois types d'égalité: égalité des droits, égalité des chances, égalité des situations. 1) Égalité des droits Document 1 p.286 Les citoyens bénéficient de droits civils et politiques. L'égalité des droits est le principe selon lequel les hommes sont des citoyens qui ont tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. REGARDS CROISÉS JUSTICE SOCIALE Alexis de Tocqueville ( 1805-1859), aristocrate français, qui découvre les effets de la seule démocratie de son temps au cours d'un voyage aux États-Unis. Il en revient avec une œuvre "De la démocratie en Amérique" qui analyse les conséquences de l'égalisation des conditions comme le matérialisme, l'individualisme ou la "tyrannie de la majorité.

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Comment Les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale?

Être capable de définir

Notions à acquérir en terminale Notions acquises en première ● égalité ● discrimination ● assurance ● assistance ● services collectifs ● prestations sociales ● cotisations sociales ● redistribution ● protection sociale

● Etat providence ● prélèvements obligatoires ● revenus de transferts

Sur quoi se fonde la justice sociale? Pour lutter contre les inégalités, quelles sont les divers types d'égalité?

Par quels moyens, les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale? Ces politiques publiques

sont-elles efficaces?

1/ Fondement de la justice sociale, l'égalité de quoi?

A: Les différents types d'égalité Les sociétés démocratiques se caractérisent par la recherche de l'égalité c.-à-d. elle consiste à traiter les individus de

manière identique, elle établit une équivalence des ressources, des conditions, des attributs entre individus.

Par exemple: dans le domaine politique, l'égalité se réalise par le principe "un homme = une voix".

Pour Alexis de Tocqueville, la démocratie ne correspond pas seulement à un régime politique mais aussi à un "état

social". Les sociétés démocratiques se constituent autour de l'égalité des conditions qui relève de trois types d'égalité:

égalité des droits, égalité des chances, égalité des situations.

1) Égalité des droits

Document 1 p.286

Les citoyens bénéficient de droits civils et politiques. L'égalité des droits est le principe selon lequel les hommes sont des citoyens qui ont tous les mêmes droits et les mêmes devoirs.

REGARDS CROISÉS

JUSTICE SOCIALE

Alexis de Tocqueville ( 1805-1859), aristocrate français, qui découvre les effets de la seule démocratie de son

temps au cours d'un voyage aux États-Unis. Il en revient avec une œuvre "De la démocratie en Amérique" qui

analyse les conséquences de l'égalisation des conditions comme le matérialisme, l'individualisme ou la "tyrannie

de la majorité.

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Par exemple: droit au travail; droit au logement; droits civils = reconnaissance des droits de l'homme, liberté individuelle, de conscience, présomption d'innocence, droit à la défense....; droits politiques = droit de vote, droit d'éligibilité...

Doc 2 p.286 : quelques dates permettant d’appréhender l’égalité des droits entre femme et homme, pendant plusieurs siècles, les femmes ont été considérées comme « mineures » au plan des droits civiques et politiques. Depuis deux siècles, elles ont acquis certaines égalités par rapport à l’homme. 2) Égalité des chances

Document 1 p.286

Situation caractérisée par l'absence de déterminismes sociaux pesant sur les destinées individuelles. Absence d'hérédité sociale qui permet à tout individu quelque soit son sexe, ses origines sociales ou ethniques d'avoir les mêmes probabilités d'accéder à diverses positions sociales. Accès théorique à toute position sociale en fonction de son mérite personnel, c'est le principe de la méritocratie c.-à-d. principe de répartition des positions et des ressources, qui consiste à rétribuer les individus en fonction de leurs talents et de leurs efforts. Pour être effective, la méritocratie suppose que l'égalité des chances soit réalisée. Dans un système méritocratique, les inégalités sont justifiées si tout le monde est persuadé que l'égalité des chances est réellement mise en place par des dispositifs spécifiques : bourses sur critères sociaux, ZEP, etc. L'égalité est un idéal démocratique qui consiste à rechercher l'égalité réelle ou effective entre les individus ou les groupes sociaux. Donc l'égalité des chances consiste principalement à favoriser les populations qui font l'objet de discrimination afin de leur garantir une équité de traitement. Elle implique que les écarts du milieu d'origine soient neutralisés, donc compenser les inégalités initiales (des bourses pour un étudiant dont les parents ne pourraient pas lui payer des études supérieures du fait de leurs ressources financières peu importantes). Doc 4 p. 287 : On constate que les inégalités de capital culturel entraîne des inégalités des chances entre groupes sociaux (voir les inégalités sociales)

3) Égalité des situations

Document 1 p.286

L'égalité des situations suppose la suppression de toute forme d'inégalités. Il existe deux possibilités pour atteindre l'égalité de situations, soit de lutter contre les inégalités, soit de protéger toutes les places, donc consiste à assurer à tous un même accès concret aux ressources valorisées dans une société, donc de réduire le plus possible la hiérarchie entre les différentes places dont elle se compose. L'État intervient par le biais de politiques pour corriger les inégalités de situations: → politique de redistribution permet de réduire les inégalités → État-providence (conception de l’intervention de l’Etat qui s’est imposée après la seconde guerre mondiale, selon laquelle l’Etat doit jouer un rôle actif dans la recherche du progrès économique et social. Dans une approche plus restrictive, l’Eta providence désigne le système de protection sociale) et assistance collective permettent de sécuriser les places. Doc 2 p. 286 : Les écarts de salaires entre hommes et femmes entre 1952 = 64.9 % donc les femmes gagnaient 35.1% de moins que les hommes et 2010 = 82.4% donc les femmes gagnaient moins de 17.6% que les hommes donc une réduction de l’écart divisé par 2. Les inégalités de salaires sont toujours présentes mais elles se sont réduites.

B:Inégalités et justice sociale Les sociétés démocratiques reposent toujours sur l’idée d’égalité parce qu’un ordre social ne peut être accepté que

s’il repose sur une certaine égalité entre les individus. Toute démocratie cherche donc à atteindre une égalité

croissante entre les citoyens (ce que l’on appelle l’idéal égalitaire). La lutte contre les inégalités menée par les pouvoirs

publics s’inscrit dans la recherche d’une plus grande justice sociale

La question de la justice sociale c.-à-d. idéal qui définit la situation qui paraît la plus juste en termes de répartition de

revenus et de patrimoine mais aussi symbolique (le prestige) relève d'un point de vue normatif, puisqu'elle renvoie

aux valeurs, aux idéaux qu'une société se donne. La définition de la justice sociale peut varier d’une société à l’autre,

en fonction de la culture de celle-ci. Il s’agit en effet d’une construction politique, mais également morale. Elle est le

résultat de choix collectifs, mis en œuvre par la puissance publique, sur ce que doivent être les actions à mener pour

rendre la société plus «juste».

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Il existe plusieurs approches de la justice sociale. Par exemple: les économistes du bien être soutiennent que la justice sociale existe quand "taxer le riche diminue son bien-être d’une quantité inférieure à l’accroissement du bien-être retiré par le pauvre du transfert ainsi réalisé", donc tout le monde y gagne puisque redistribuer les richesses sous certaines conditions fait augmenter le bien être de toute une population. Doc 2 p.288 : Pour certains, la simple garantie des droits fondamentaux civils et politiques (égalité des droits) suffit pour assurer la justice sociale. Friedrich A. HAYEK (1899-1992) position libérale de la justice sociale, l’individu vit dans une société où il existe le libre choix, donc il est normal que des inégalités de situations et de chances apparaissent. Pour d'autres, la justice sociale doit donner à chacun des individus les mêmes chances de réussir (égalité des chances). (Voir John RAWLS 1921-2002), ci-dessous) Pour d’autres, comme Karl MARX, la justice sociale doit entraîner l’égalitarisme, donc pas d’inégalités, ce système se base sur l’égalité des situations, pas de domination de l’homme sur un autre être humain. Au-delà de la recherche de l’égalité des chances, une société peut lutter contre les inégalités en mettant en place des mesures d’équité. L'équité consiste à traiter inégalement des individus inégaux, afin d'assurer une exigence d'égalité jugée essentielle. (doc 1 poly)

Document 1: Concilier justice et égalité: le principe d'équité

Le concept d’équité est souvent associé à celui de justice sociale, et plus particulièrement à l’analyse qu’en fait John RAWLS (1921-2002). La justice sociale doit conduire à une certaine équité et non l'égalité dans son absolu. Des règles «équitables» reposent sur quelques caractéristiques majeures: → tous les individus doivent bénéficier d’un droit égal aux libertés fondamentales (liberté d’expression, de propriété, etc.) → les individus doivent tous disposer des mêmes chances pour accéder à n’importe quelle position sociale (l’égalité des chances doit donc être la norme) → les moins favorisés peuvent être traités différemment (par les pouvoirs publics) pas d'égalitarisme (doctrine qui vise l'égalité dans tous les domaines, afin que leur situation s’améliore. Ce dernier principe justifie donc des inégalités de traitement. Pour lui, toutes les inégalités qui améliorent la situation des plus démunis ne sont pas injustes. des inégalités justes peuvent permettre d'atteindre l'égalité. Mais trois limites à cette conception rawlsienne de la justice: → distinguer la justice redistributive (opère au niveau des richesses matérielles : elle taxe les plus riches et transfère aux individus les plus pauvres) et la justice distributive (attribue des droits et des chances, si possible identiques, à tous les individus) → ne pas envisager de limites aux inégalités ; →il n’y a pas de minimum vital envisagé par cette théorie. Doc 4p.289 : La perception des inégalités dépend du système culturel des individus. Le texte présente le modèle de justice méritocratique libéral comme dominant aux États-Unis, pendant qu’en Europe les individus seraient plus attachés à la redistribution donc à une certaine égalité des situations. Donc la notion de justice, relative, relève aussi de déterminants propres à une histoire et à une « culture ». Les pouvoirs publics disposent d'instruments permettant de réduire les inégalités de situations considérées comme trop importantes.

Amartya SEN (économiste indien, né en 1933)

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2/ Les pouvoirs publics au service de la justice sociale Les pouvoirs publics vont intervenir par le biais de divers moyens pour réduire les inégalités de revenus mais aussi les

inégalités d'accès aux services tel que l'école ou la santé.

A: Fiscalité et services collectifs Les pouvoirs publics interviennent sur le revenu des ménages par le biais de la redistribution des richesses (doc 1

p.290).

Rappel: le revenu disponible d'un ménage = revenus d'activité (travail, capital, mixte) - prélèvements obligatoires +

transferts sociaux, représente l'argent dont dispose le ménage pour consommer ou épargner.

Le consommateur n'est pas pénaliser par les prélèvements puisqu'il les récupère sous forme de prestations en nature

(services publics) ou en monétaire (allocations diverses)

La fiscalité représente l'ensemble des réglementations définissant les impôts d'une collectivité locale, d'un pays ou

d'un organisme international et sa perception. Par exemple: types de prélèvements, barème d'imposition...

L'État prélève ainsi que les collectivités locales, toutes sortes d'impôts: impôts directs = impôts sur le revenu, sur les

sociétés...; impôts indirects = sur les achats de consommateurs (TVA), sur les tabacs, sur les alcools, produits

pétroliers....

La fiscalité est un sous ensemble des prélèvements obligatoires puisqu'elle ne comporte que les impôts. l'État lutte

contre les inégalités suivant une logique verticale par le biais de la fiscalité.

Un exemple d'impôt: les impôts sur le revenu en France

L'impôt sur le revenu en France est un impôt progressif

Par exemple: D10 = décile le plus riche consacre plus de 15.6% de leur revenu à l'IRPP (impôt sur le revenu des

personnes physiques, tandis que D1 le plus pauvre moins de 1.2% de son revenu (impôt négatif = au lieu de payer

l'impôt, il y a versement de monnaie de la part des pouvoirs publics).

L'ISF (impôt sur la fortune) est aussi un impôt progressif mais celui-ci est plus juste que le précédent puisqu'il s'applique

à une base fiscale plus inégalitaire et permet de réduire les inégalités de revenus du fait que se sont les patrimoines

qui sont visés.

Le système fiscal est globalement progressif pour 95% de la population française.

Par exemple: pour un individu ayant 1700 euros, 45% environ de prélèvements soit 765 euros

pour un individu ayant 4200 euros, ceci représente 49% soit 2058 euros. En revanche, il devient régressif pour les

autre revenus plus élevés, 63000 euros, 42% soit 26460 euros.

L'impôt devient régressif pour les 5% de la population la plus aisée.

Les recettes tirées de l'IRPP reposent sur 50% des foyers fiscaux les plus riches tandis que 50% des foyers fiscaux ne

paient pas cet impôt. (doc 2 poly).

Les 3/4 des recettes proviennent des foyers fiscaux les plus riches mais qui ne représentent que 34% des revenus

déclarés.

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Document 2: Distribution des revenus bruts et de l'impôt net (net de réduction et de crédit d'impôt) sur le

revenu parmi les foyers fiscaux

Source: Conseil ses prélèvements obligatoires, "Prélèvements obligatoires sur les ménages: progressivité et effets redistributifs",

mai 2011

Mais tout de même, l'impôt progressif permet de réduire la concentration des revenus et des patrimoines. En partie,

les impôts vont permettre aux pouvoirs publics d'offrir à tous les citoyens des services collectifs.

Les services publics, ce sont les activités d'intérêt général prise en charge par une administration publique ou

entreprise publique ou par une entreprise privée sous le contrôle d'une personne publique. Donc, ce sont des

productions non marchandes du secteur public financées par les prélèvements obligatoires. Par exemple: éducation,

santé, transports en commun, bibliothèques....

L'État doit prendre en charge le domaine de la santé car la santé est une activité où il y a beaucoup d'externalités qui

ne sont pas prises en charge par le marché. (doc 2 p.292)

Par exemple: la recherche en biologie effectué par le CNRS, accidents du travail...

Mais aussi l'État doit réduire les inégalités de conditions de vie pour augmenter l'équité des individus devant la mort

Par exemple: toutes les personnes n'ont pas les mêmes moyens financiers, mais les pouvoirs publics doivent permettre

à tous de se soigner dans de bonnes conditions, donc de mettre à disposition de la population, des hôpitaux, des

médecins gratuits.

On constate que plus la prise en charge se fait par l'État, plus il y a de l'équité devant la mort. Cependant, certains pays

comme l'Allemagne et la Grande Bretagne ont une part des dépenses à la charge du patient plus élevée qu'en France

mais un indice d'équité devant la mort plus fort donc le lien n'est pas toujours vérifié. Cela peut signifier que la dépense

publique pourtant élevée peut se révéler inefficace si mauvaise gestion ou utilisation.

Doc 2 p.290 : Plusieurs missions ont pour objet explicite la lutte contre les inégalités : « solidarité, insertion et égalité

des chances ; « égalité des territoires, logement et ville » ; d’autres missions sont censées y contribuer indirectement

(Enseignement scolaire, Travail et emploi). Premier poste : « Enseignement scolaire » (65 milliards) ; deuxième poste

: « Engagements financiers de l’État » (50,9 milliards). Enseignement scolaire : 21,3 % des dépenses de l’État. Les

dépenses de l’État ne représentent « qu’ » un tiers environ du total des dépenses publiques. Les dépenses de

protection sociale en représentent presque la moitié. Un lycéen peut bénéficier : de l’enseignement public ; de la

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défense du territoire par l’armée ; de la protection physique par les services de sécurité ; d’un système judiciaire ; de

mesures territoriales préférentielles s’il vit dans une « zone prioritaire ».

B: Redistribution et protection sociale

Au terme d'un long parcours, l'État providence (ensemble des interventions des pouvoirs publics dans le domaine social pour garantir un niveau minimum de ressources à toute la population en particulier par un système de protection sociale) a mis en place un système qui permet de protéger la population de la plupart des risques sociaux. Donc la volonté d'assurer à tous, un certain bien-être matériel, a conduit les pouvoirs publics à mettre en place un système de protection sociale basé sur la redistribution = ensemble de prélèvements et de réaffectations des ressources opérées par les administrations publiques sur les revenus afin de protéger les individus contre certains risques sociaux. Ce système repose sur deux principes: doc 3 p.291 → l'assurance = principe qui consiste à se prémunir contre certains risques sociaux. Il repose sur des cotisations volontaires ou obligatoires en contrepartie de prestations monétaires. La redistribution horizontale repose sur le principe de l'assurance. Les cotisations assises sur le travail ouvrent des droits qui permettent de bénéficier de prestations (plus on cotise pour la retraite, plus on percevra une retraite élevée dans le futur). La solidarité, ici, s'effectue des actifs vers les inactifs, des biens portants vers les malades.. → l'assistance = système de protection sociale qui verse aux membres de la collectivité les plus pauvres des aides sociales financées par l'impôt. La redistribution verticale repose sur le principe de l'assistance. La solidarité et les transferts s'effectuent des plus aisés vers les plus modestes. Donc, elle couvre des transferts sans contrepartie à destination des plus modestes. Par exemple: le RSA, CMU... La protection sociale qui résulte, en France, de la mise en place en 1945 de la sécurité sociale, repose en premier lieu sur le principe de l'assurance, l'assistance étant plutôt résiduelle. Avec le développement du chômage de masse et la précarité des emplois, les cotisations issues du monde du travail diminuant et avec elles les droits acquis par le travail, les pouvoirs publics ont été obligés de trouver de nouveaux moyens pour protéger les individus qui n'étaient plus couverts par le travail, et aussi de nouvelles sources de financement. Donc l'assurance a du être compléter par l'assistance et mise en place de prestations non contributives. Le poids des cotisations sociales dans le financement va se réduire et l'on assiste à une fiscalisation de la protection sociale. (doc 4 p.291) L'assistance se développe depuis 40 ans, ce qui se traduit par le développement d'actions en faveur de certains publics. Par exemple (doc 3 p.291): création de minimas sociaux: RSA pour la population la plus pauvre, allocation de solidarité spécifique destinée aux chômeurs en fin de droits, allocations pour les handicapés en difficulté pour trouver un emploi. Depuis 1990, on assiste à une montée de la protection sociale dans les missions de l'État: 68.2% des prélèvements obligatoires financent la protection sociale. Elle représente 1/3 de la richesse française, ce qui est relativement important. La répartition des prestations sociales a aussi évolué: en 2009, la maladie représentait 28% de l'ensemble des prestations sociales, vieillesse 45.5%, l'emploi 6%, pauvreté et exclusion 1.75%. Les prestations qui ont augmenté le plus ce sont celles concernant la pauvreté (22.7%) et l'emploi (10.8%) dont les allocations chômage (16.6%). Ceci s'explique par la crise économique qui a fait augmenter le chômage donc la pauvreté et l'exclusion. En résumé:

Prestations sociales

Transferts versés (en espèces ou en nature) à des individus ou à des familles afin de réduire la charge financière que

représente la protection contre divers risques.

Les prestations sociales sont des allocations (revenu en espèce) ou des fournitures (revenu en nature) versées à un

assuré social ou à un ayant droit conformément à la réglementation.

a. Certaines prestations sont contributives, c’est-à-dire que leur versement et/ou leur montant sont liés au paiement préalable de cotisations.

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b. D’autres sont non contributives, c’est-à-dire qu’elles sont versées aux individus même s’ils ne peuvent pas se couvrir contre les risques sociaux par le paiement de cotisations ou de primes d’assurance. Ces dernières relèvent en général de l’aide sociale.

Elles sont associées à six grandes catégories de risques :

a- la vieillesse et la survie (pensions de retraite, pensions de réversion, prise en charge de la dépendance) b- la santé (prise en charge totale ou partielle de frais liés à la maladie, à l’invalidité, aux accidents du travail et

aux maladies professionnelles) c- la maternité-famille (prestations familiales : prestations liées à la maternité, allocations familiales, aides pour

la garde d’enfants) d- la perte d’emploi (indemnisation du chômage) et les difficultés d’insertion ou de réinsertion professionnelle e- les difficultés de logement (aides au logement) f- ainsi que la pauvreté et l’exclusion sociale (minima sociaux : revenu minimum d’insertion – RMI, minimum

vieillesse, etc.).

Doc 4 p.293 exemples d’outils redistributifs : Si ce sont les vendeurs (les entreprises) qui versent la TVA aux services fiscaux, celle-ci est en réalité supportée par le consommateur final. Le taux de TVA étant identique pour tous les consommateurs, cet impôt serait progressif à condition que la part que représente la consommation dans le revenu augmente avec ce dernier. Or, empiriquement, c’est l’inverse qui est vérifié : la TVA pèse proportionnellement plus sur les plus bas revenus et peut être qualifiée de dégressive. Remarque : bien qu’il existe des taux différenciés de TVA (qui augmentent pour les biens dits de luxe), l’impact global de cette taxe demeure anti-redistributif. Si la mise en place de prestations aidant les locataires à payer leur loyer conduit les propriétaires à augmenter ce dernier d’une somme équivalente, alors le gain est nul pour le locataire. Le gain sera positif pour ce dernier si l’augmentation des loyers est suffisamment encadrée et limitée par la loi. Le texte explique que dans l’enseignement supérieur (ou « post-bac »), le système public est en réalité anti-redistributif (il bénéficie proportionnellement plus aux ménages les plus aisés), effet compensé par les bourses (attribuées en partie sur critères sociaux) et la progressivité des impôts finançant l’enseignement supérieur. D’où l’idée de neutralité (ou de proportionnalité) du bilan redistributif dans le domaine de l’éducation.

C: Mesures de lutte contre les discriminations Les pouvoirs publics peuvent mettre en œuvre des politiques lorsque certaines discriminations existent et donnent

lieu à de véritables inégalités. Les discriminations constituent une rupture avec le principe d'égalité. Elles frappent des

populations très diverses = femmes, handicapés, minorités ethniques...

Trois stratégies sont mises en œuvre par les pouvoirs publics pour lutter contre les discriminations (doc 1 p.294):

● la loi

● le principe d'égalité

● la discrimination positive

En France, l'importance accordée au problème des discriminations a conduit à mettre en place des institutions comme

la HALDE (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) et des mesures spécifiques de

discriminations positives c.-à-d. mettre en place des inégalités de traitement pour favoriser l'égalité.

Par exemple aux USA (doc 2 p.294) la discrimination positive repose sur une base ethnique (noirs, indiens,

hispaniques...) et obéit à un certain élitisme c.-à-d. elle vise à réduire les écarts d'accès aux plus défavorisés aux élites

sans réduire les inégalités socioéconomiques.

En France, les politiques de discrimination positive sont des politiques ciblées sur les territoires les plus défavorisés

pour lutter contre la pauvreté (zones franches urbaines, inégalités des chances scolaires ZEP, intégration à IEP de

Paris...)

Exemple : doc 3 p.295

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Les motifs de plainte les plus fréquents sont liés à l’origine (ou à la nationalité), à l’état de santé ou à la grossesse.

Le graphique ne présente que les données des plaintes réellement formulées et traitées par les tribunaux. Or on peut

supposer que de nombreuses discriminations ne font pas l’objet de plaintes officiellement enregistrées et traitées par

le système judiciaire (en raison de l’autocensure ou de la méconnaissance des lois et des procédures de défense).

L’exemple ici donné (une plainte non déposée) peut résulter d’un comportement d’autocensure de la part de Madame

X, en partie lié à l’intériorisation de ce que Pierre Bourdieu appelait la « domination masculine ».

Par exemple doc 3 poly

Document 3: Discrimination positive, l'exemple de sciences politiques

En 2009, 13% des élèves de sciences po Paris étaient des enfants d'ouvriers, d'employés ou d'agriculteurs.

La convention éducation prioritaire permet de recruter des élèves issus de ZEP sur des épreuves spécifiques. On

constate qu'en 2011 127 élèves en ont bénéficié. Peu d'entre eux auraient pu entrés par le biais du concours classique

compte tenu du poids de la culture générale et de la maitrise de l'écrit et de l'oral. Le fait d'accorder un traitement

préférentiel à certaines populations défavorisées et discriminées par les voies de recrutement traditionnelles permet

de réduire les inégalités scolaires entre les groupes sociaux et de permettre à certains étudiants de pouvoir accéder à

l'élite.

Cependant malgré, les traitements préférentiels et une augmentation de ce type d'élèves depuis 2001 (X 7.5), la

proportion des élèves des catégories populaires dans cette école est encore très modeste (13% contre 50% de fils de

cadres).

Certaines politiques peuvent être mobilisée dans cette lutte contre les inégalités, par exemple: la politique du

logement (doc 4 poly)

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Document 4: Inégalités face au logement et politiques publiques

Hachette, 2012

Les mesures présentées, ici, visent à faciliter l'accès au logement de certaines catégories sociales. Elles bénéficient à

ceux qui ont des difficultés à se loger et contribuent à réduire les inégalités d'accès au logement. Par exemple:

construction de logements sociaux qui permettent à des ménages modestes qui n'offrent pas de garanties suffisantes

pour un bailleur privé, d'accéder au logement avec des loyers inférieurs au parc privé. Dans le même sens, les

allocations logement permettent de faire face aux dépenses de loyers. Le contrôle du prix des loyers contribue aussi

à limiter la hausse des loyers afin de ne pas accroître les difficultés d'accès au logement. Les dispositifs incitatifs à la

construction permettent d'élever le nombre de logements par exemple sociaux et de mieux répondre à terme à la

demande, le prêt à taux zéro joue un rôle identique.

Par exemple: la loi PINEL (Sylvia Pinel ministre du logement) 2014

Pour rappel, la loi Duflot est entrée en vigueur le 1er janvier 2013 et remplaçait la loi Scellier. Le 29 août 2014, le

premier ministre a profondément modifié et renommé la loi Duflot qui s'appellera désormais la "loi PINEL". La date

de prise d'effet de la défiscalisation Pinel est le 01 septembre 2014.

Le principal avantage du dispositif Pinel porte sur une défiscalisation qui octroie une incitation fiscale, permet de

défiscaliser de son impôt sur les revenus, 12 %, 18% ou 21 % du montant d'un investissement immobilier neuf pendant

une durée minimum respective de 6 ans, 9 ans ou 12 ans. Le respect de certains engagements de la LOI PINEL est

nécessaire pour bénéficier de l'avantage fiscal: durée de location minimum, la qualité du locataire, et l'avantage fiscal

procuré.

De plus, les propriétaires auront la possibilité (sous conditions) de loger des membres de leur famille dans un logement

acquis en PINEL (à condition que ceux-ci ne soient pas rattachés au foyer fiscal de l'investisseur).

Sont concernés par le dispositif PINEL . Les logements acquis neufs, Les logements en l'état futur d'achèvement (VEFA), Les logements que vous faites construire, Les logements anciens faisant l'objet de travaux pour être transformés en logements neufs, Les logements vétustes faisant l'objet de travaux de réhabilitation, Les locaux affectés à un usage autre que l'habitation et faisant l'objet de travaux de transformation en logement.

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3/ Les politiques d'équité sont-elles efficaces? Pas assez d'État ou trop d'État? L'intervention de l'État en matière de lutte contre les inégalités est contestée.

A: Des politiques sous contraintes L'action des pouvoirs publics par la dépense est contrainte par la situation financière actuelle.

Tous les acteurs publics ont cumulé des déficits depuis plus de 20 ans ce qui les a contraints régulièrement à faire

appel aux emprunts. Donc les difficultés économiques limitent les ressources fiscales et conduisent à réduire les

dépenses publiques. On parle de crise financière de l'État providence.

La dette publique réduit les marges de manœuvre tant pour les dépenses que pour la capacité à emprunter dans le

futur. Plus la crédibilité française sera remise en cause, plus il sera difficile d'emprunter avec des taux d'intérêt peu

élevés. Donc la réduction des déficits publics et des dettes apparaît nécessaire. Donc, dans un contexte de

rationnement des ressources, les pouvoirs publics ont de moins en moins de moyens financiers ce qui réduit

inévitablement leur portée sur la réduction des inégalités.

Par exemple: doc 3 p.301

La dette publique désigne le stock de titres de dette des administrations publiques (centrales, locales, de Sécurité

sociale) à rembourser auprès de prêteurs à plus ou moins longue échéance moyennant le paiement d’intérêts. Elle est

« alimentée » par le flux d’éventuels déficits publics.

La dette publique en France a fortement augmenté depuis 35 ans, passant de 21,1 % du PIB en 1978 à 95,1 % en 2014

(son ratio a été multiplié par presque cinq). Le rythme d’augmentation fut le plus fort dans la première moitié des

années 1990 (période de marasme au niveau européen) et après 2007 (répercussions de la « crise des subprimes »).

Un des problèmes que pose un endettement public important quant au financement futur des politiques de justice

sociale est le caractère auto-entretenu de la hausse des intérêts dans les remboursements annuels : plus une dette

est élevée, plus le poids des intérêts est important, plus il est difficile de stabiliser son ratio (a fortiori de le faire

baisser). La notion de « soutenabilité » de la dette publique fait certes débat (à partir de quel ratio celle-ci serait-elle

« insoutenable »?), mais il est généralement admis qu’un pays dont la dette croît fortement aura plus de difficultés à

financer ses politiques sociales.

Doc 4 p.301 :

D’après le texte, l’accroissement de la dette publique a « débuté » par une diminution des recettes publiques (pour

de nombreux pays, dans le sillage des États-Unis au début des années 1980), non par une augmentation excessive des

dépenses. Ces baisses d’impôts, dont les défenseurs prétendaient qu’elles augmenteraient les recettes fiscales en

stimulant la croissance (cf. « effet-Laffer »), n’auraient pas eu l’effet escompté.

Ainsi, non seulement les déficits publics (partant la dette publique) auraient crû sous l’effet de ces politiques fiscales

mais les inégalités économiques aussi. Pourquoi ? Certainement parce que les baisses d’impôts ont davantage

bénéficié aux plus aisés (le texte parle de politiques « anti-redistributives »). Cette hypothèse est confirmée par l’idée

d’« effetjackpot » ; les plus riches auraient été doublement gagnants : en payant moins d’impôts, en tirant une rente

importante de l’épargne ainsi dégagée (prêtée aux administrations publiques à des taux d’intérêt élevés).

Remarque : ces politiques fiscales ne semblent pas favorables à l’égalisation des situations. Mais, d’un point de vue

libertarien, elles ont contribué à la justice sociale.

L'État social fait également face à une crise de légitimité et d'efficacité c.-à-d. le principe même de la protection sociale

est rejeté par certains et l'État ne parvient pas à traiter tous les problèmes sociaux.

L'État est défaillant du fait qu'il perd de l'information entre ses administrations centrales et ses citoyens.

Les systèmes de protection sociale sont directement affectés par les changements démographiques: vieillissement de

la population pose des problèmes de financement des retraites. (doc 5 poly)

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Document 5: Le système de retraites face aux questions de financement et d'inégalités

B: Désincitation et effets pervers

La crise fait apparaître un besoin de financement plus important que prévu à cause de deux mécanismes. D'un côté le ralentissement économique pesant sur les rentrées fiscales et sociales, moins de prélèvements obligatoires prévus car les entreprises et les ménages touchent moins de revenus. D'un autre côté, les dépenses augmentent car le chômage est en nette augmentation ce qui se répercute sur le versement d'un plus grand nombre de prestataires. En France, la retraite est fondée sur le principe de répartition c.-à-d. le financement se fait par les cotisations des actifs occupés. Donc, plus le ratio cotisants/retraités diminue plus l'actif occupé aura une charge supplémentaire. Par exemple: en 2006 1.82 actif occupé cotisé pour 1 retraité; en 2050 se sera 1.21 actif occupé pour 1 retraité. En reculant l'âge de la retraite, cela peut permettre d'augmenter le montant des cotisations sociales et de diminuer le volume des retraites à verser. Donc chaque personne va rester moins longtemps à la retraite. Or, on observe que suivant les catégories sociales, l'espérance de vie à 35 ans n'est pas la même. L'ouvrier a une espérance de vie moins élevée que celle du cadre. Si l'âge de la retraite est repoussée une partie non négligeable des ouvriers risque ne pas profiter de leur retraite (maladie, physique usé par le travail). Donc, dans le domaine des retraites, les réformes successives ont aboutit à un arbitrage entre des objectifs de justice sociale et des objectifs économiques du fait de vouloir sécuriser financièrement le système.

Dans un système de retraite par répartition, les actifs occupés de l'année financent les retraites de l'année.

Dans un système de retraite par capitalisation, les actifs épargnent une partie de leur revenu en vue de leur

future retraite

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B: Désincitation et effets pervers Pour Arthur Laffer (1940), des taux d'imposition trop élevés réduiraient l'activité économique donc les recettes fiscales. (doc 3 p.299) La courbe de Laffer permet d'illustrer l'impact de deux effets contradictoires: → effet de substitution qui conduit un agent à utiliser son temps à autre chose qu'à travailler (loisir, famille, bénévolat...) → effet revenu qui incite les agents à augmenter leur temps de travail pour augmenter leur revenu. Lorsque le taux d'imposition est trop élevé c'est l'effet de substitution qui prend le pas sur l'effet revenu. Pour Laffer "Trop d'impôts, tue l'impôt". Le raisonnement de Laffer semble rejoindre le rejet de l’intervention publique caractéristique du modèle libertarien de justice sociale : l’« expropriation » fiscale excessive est de ce point de vue non seulement liberticide mais inefficace économiquement. Le modèle méritocratique-rawlsien peut aussi correspondre à l’analyse de Laffer, dans la mesure où un État trop interventionniste ne permettrait ni de maximiser le sort des plus défavorisés (car inefficace), ni de respecter le droit de propriété des plus favorisés.

Document 6:

Friedrich HAYEK (1899-1992), prix Nobel d'économie en 1974, est également philosophe. Promoteur du libéralisme,

il est le défenseur acharné de l'ordre naturel issu du marché et un adversaire de l'intervention de l'État dans

l'économie.

Pour Friedrich Hayek (1899-1992), l'intervention de l'État au nom de "l'égalitarisme" n'assure ni l'efficacité économique, ni la justice sociale. Le marché, dont les effets ne peuvent être anticipés, est un ordre spontané. Il sanctionne les comportements inefficaces (par exemple: faillite, perte de revenus...). L'intervention de l'État, au nom de la justice sociale, est un mirage. En s'opposant aux sanctions du marché, elle gèle les fortunes et les écarts de revenus, désincite les individus à adopter des comportements rationnels au bénéfice de tous et réduit les libertés. Par exemple: les prélèvements obligatoires empêcheraient les chefs d'entreprise d'embaucher davantage. Le résultat du marché permet de sanctionner les efforts de chacun (principe de la méritocratie = celui qui réussit est celui qui mérite). Les inégalités sont justes car elles permettent de stimuler l'effort des individus. Mais, avec ce point de vue, les plus démunis sont livrés à leur sort et certaines activités d'intérêt général auraient des difficultés à être instaurées. La fiscalité touche-t-elle équitablement les différentes catégories sociales? (doc 7 poly)

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Document 7: Un système fiscal faiblement progressif, voire dégressif

On constate que les cotisations sociales et autres taxes sur les salaires sont régressives, elles pèsent plus lourdement sur les revenus les plus bas et moyens que sur les hauts revenus. Cela s'explique par le fait que les cotisations sociales pèsent très peu sur les revenus du capital et sont plafonnés sur les hauts salaires.

Les impôts sur la consommation (TVA) sont également régressifs. En effet, les plus pauvres consomment la quasi totalité de leur revenu, les plus aisés peuvent épargner une large part. Les impôts sur le capital sont progressifs mais du fait de leur concentration des patrimoines, une toute petite partie de la population est concernée. Les impôts sur le revenu sont progressifs, pour les revenus modestes, mais plus régressifs pour les hauts revenus. Donc, globalement, la progressivité du système est faible et les plus aisés contribuent moins que les autres au regard de leur situation financière. Même si l'intervention de l'État semble légitime pour lutter contre les inégalités, la pauvreté n'en reste pas moins difficile à éradiquer. Tout d'abord, du fait que la pauvreté a changé. Elle augmente chez les actifs qui se répercute sur les jeunes et les enfants, alors qu'elle s'est réduite chez les retraités.(doc 10 poly) La pauvreté est une notion relative puisque le seuil de pauvreté augmente avec l'évolution du revenu médian. Ce seuil s'évalue à 60% du revenu médian. Par exemple: en 2012, 993 euros. (doc 8 poly)

Document 8:

La pauvreté touche de plus en plus de familles monoparentales dont le chef de famille est une femme. Mais aussi, la montée du chômage, le développement des emplois précaires, des emplois à faible salaire ont entraîné de nouveaux pauvres. (doc 9 poly)

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Par exemple: les travailleurs pauvres ont un salaire inférieur au seuil de pauvreté.

Document 9:

Document 10: La pauvreté change de visage

Les difficultés que rencontrent les ménages nécessitent un accroissement des dépenses sociales. Mais, on peut se demander si une protection sociale trop généreuse ne peut-elle pas aggraver le phénomène plutôt que de le réduire? (doc 11 poly)

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Document11: Une protection sociale généreuse peut-elle aggraver la pauvreté?

1: Augmentation de la prise de risque du fait d'être protégé financièrement de ses conséquences.

Un haut niveau de protection sociale est associé à des prestations sociales importantes, par exemple: des revenus de remplacement élevés, bonne couverture maladie, prise en charge de certaines dépenses pour les plus démunis (frais de logement) ...Ces dépenses élevées de protection sociale nécessitent des moyens de financement importants. Ceci se traduit par des cotisations sociales élevées pesant sur les entrepreneurs ce qui favorise la croissance des prix donc de l'inflation. Il en résulte une dégradation de la compétitivité prix des entreprises, ce qui peut entraîner des licenciements donc du chômage donc une montée de la pauvreté. Elle peut aussi favoriser les trappes à l'inactivité du fait que le revenu de l'activité peut être inférieur à la prestation de l'inactivité, donc peu d'incitation pour intégrer l'emploi d'où augmentation du chômage et pauvreté. Par exemple: l'instauration du RSA (doc 12 poly, doc 3 p.297)

Document 12: RSA, des effets pervers?

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Document 10: De l'utilité des inégalités

En principe la protection sociale vise à mettre les individus à l'abri du besoin et non à accentuer les situations de pauvreté. Or elle peut générer des effets pervers en pesant sur la croissance et en favorisant les trappes à la pauvreté. On constate qu'il n'est pas forcément rationnel de reprendre un emploi si l'on procède à un calcul coût avantage qui est évalué uniquement en termes monétaires. En reprenant une activité, certaines aides liées au RSA disparaissent: CMU complémentaire, les aides pour la restauration scolaire... Donc les aspects financiers peuvent dans une certaine mesure intervenir dans le retour à l'emploi. Cependant l'emploi ne dépend pas seulement de l'aspect monétaire car il procure aussi un statut social, un sentiment d'utilité, il structure le temps, permet de se projeter dans l'avenir, de nouer des relations sociales et de se sentir intégré. (voir le thème sur l'intégration par le travail) De plus le RSA peut inciter la reprise de l'activité puisqu'il permet pendant une certaine durée de cumuler RSA et revenus d'activité faibles. En voulant augmenter les recettes fiscales par le biais des impôts, les pouvoirs publics peuvent se heurter à l’évasion ou fraude fiscale. Doc 4 p.299 : Paradis fiscal : territoire où les taux de prélèvements obligatoires sont très faibles. Fraude fiscale : ensemble des comportements consistant à éviter illégalement les services fiscaux vis-à-vis desquels on est redevable, en ne déclarant qu’une partie de son activité, en dissimulant des résultats réels ou en domiciliant de manière opaque cette activité dans un paradis fiscal. Optimisation fiscale : comportement consistant pour une entreprise à déclarer l’essentiel de ses profits dans des paradis fiscaux afin de minimiser son taux d’imposition. Si l’on considère que des politiques égalitaires efficaces requièrent un État-providence fort disposant de recettes socio-fiscales élevées, alors on comprend que la multiplication des paradis fiscaux incite les très grandes entreprises à pratiquer l’évasion fiscale, ce qui grève les recettes de l’État. L’aspect financier de la « crise de l’État-providence » (selon l’expression de P. Rosanvallon) n’est en rien étranger à l’existence de paradis fiscaux. Selon l’OCDE, un territoire est classé comme paradis fiscal lorsqu’il présente les caractéristiques suivantes : 1) un niveau d’imposition relatif très faible pour les entreprises et les particuliers ; 2) un manque de transparence sur le mode de calcul des impôts ; 3) un manque de coopération avec les autres pays (montants d’impôts déclarés, identité des déclarants, grâce aux secrets bancaire et juridique). Pour échapper à l’impôt, la plupart des entreprises créent des sociétés « fictives », ou holdings, domiciliées dans le paradis fiscal. Ces holdings vendent des produits (biens et services) à l’entreprise-mère à un prix artificiellement élevé, ce qui réduit ses bénéfices déclarés donc ses impôts ; dans le même temps, la holding fait de gros bénéfices mais peu imposés, grâce au paradis fiscal. Par définition, un paradis fiscal pratique de faibles taux d’imposition, qui laissent supposer que ses recettes fiscales sont faibles. Souvent, ce sont de petits territoires avec peu de ressources et de capacités de production. Mais, si l’on reprend le raisonnement de Laffer, un très faible taux risque d’attirer de très nombreuses entreprises ainsi que de riches ménages, ce qui peut engendrer de substantielles recettes fiscales, car si les taux d’imposition sont faibles, ils s’appliquent à des sommes très importantes. La massification de l’enseignement et le principe de la méritocratie ont entraîné des effets pervers sur les politiques de lutte contre les inégalités scolaires. Doc 1 p.296 Ségréguer signifie séparer. On parle de démocratisation ségrégative lorsque l’accès à l’école devient effectivement universel mais que s’opère une hiérarchisation des établissements, des filières et des sections qui sépare en réalité les enfants en fonction de leur milieu social d’origine, ce qui favorise la reproduction sociale. La massification scolaire aurait au mieux engendré une translation des inégalités : la scolarité s’est allongée pour tous, mais les individus issus de milieux sociaux modestes demeurent pour la plupart au bas de l’échelle scolaire puis socio-professionnelle. L’augmentation des inégalités et de la concurrence dans le monde du travail se serait même répercutée sur l’institution scolaire, les places élevées devenant plus rares et plus convoitées. Si bien que le diplôme seul ne suffit plus à opérer une sélection : le capital social est devenu une ressource indispensable.

La couverture maladie universelle (CMU) Ce dispositif permet l'accès, sous conditions de ressources, à l'assurance maladie (remboursement des soins, médicaments...). Elle assure aussi les missions d'une complémentaire santé (CMU complémentaire) en complément ou non de la CMU de base.

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La phrase soulignée évoque implicitement le « paradoxe d’Anderson » : des enfants plus diplômés que leurs parents n’ont pas forcément une position sociale plus élevée. Cela peut être vécu comme un déclassement (voir les travaux de Camille Peugny) engendrant, si l’on reprend les termes de la psychologie sociale, de la frustration et des sentiments d’injustice. La démocratisation scolaire aboutit alors à l’effet inverse de celui escompté (c’est-à-dire une société plus juste au sens de la méritocratie) : il s’agit bien d’un effet pervers Doc 2 p.296 Le tableau présente des résultats dans l’ensemble très « moyens » du système scolaire français. Si l’on excepte l’augmentation de la part d’élèves « très performants » en compréhension écrite, l’école serait de plus en plus inégalitaire (les écarts se creusent entre les plus performants et les plus en difficulté) et ne parvient pas à réduire l’échec scolaire (qui croît lui aussi). Il serait intéressant de connaître par ailleurs les limites de l’enquête PISA (qui contient nécessairement des biais statistiques) ; prendre garde également de ne pas sur-interpréter le document : l’« échec » relatif de l’école française a sûrement des causes extra-scolaires (augmentation de la pauvreté et de la précarité par exemple) qui ne sont pas toujours mises en avant. D’après l’enquête, le poids de l’origine sociale dans la réussite scolaire est de plus en plus important, signe d’une école moins méritocratique (ceci confirme l’analyse de M. Duru-Bellat présentée dans le Doc. précédent) et sans doute plus « ségrégative » (P. Merle). Ce constat d’une anxiété relativement élevée est difficile à interpréter, notamment parce qu’il s’appuie sur une somme de réponses très « subjectives » (on ne sait d’ailleurs pas l’âge des enfants interrogés sur ce point, ce qui peut constituer un biais statistique). L’écart présenté est cependant suffisamment important (+ 13 points de pourcentage par rapport à la moyenne) pour qu’on puisse faire l’hypothèse d’un manque relatif d’autonomie et de confiance en soi des élèves français (presque la moitié d’entre eux se disaient « perdus » face à la résolution d’un problème) par rapport à l’ensemble des système scolaires testés, et d’un cadre scolaire plus « anxiogène » que la moyenne. Doc 1 p.298 La démocratisation scolaire a contribué à accorder la primauté (voire l’exclusivité) au jugement porté par l’école sur le « niveau » des individus. Le sentiment d’échec et d’inaptitude des plus mal notés s’en est trouvé accru. Mais c’est surtout la diffusion de l’idée d’une école méritocratique ayant une fonction d’« ascenseur social » qui contribue à décourager les jeunes en échec scolaire. Le titre de l’article dont est tiré le texte est éloquent : il défend la thèse d’un « mythe méritocratique comme entreprise de démoralisation ». Analyse « psychologisante » s’oppose ici à analyse « sociologisante ». Selon la méthode durkheimienne, le sociologue doit tâcher d’expliquer des faits sociaux (ici la réussite scolaire) par d’autres faits sociaux (l’origine sociale, la transmission de diverses formes de capitaux, etc.). Sans nier le rôle joué par la liberté et la responsabilité individuelles, il s’agit de mettre l’accent sur les grands déterminismes à l’œuvre et dépassant les volontés individuelles (extériorité et pouvoir coercitif des faits sociaux pour Durkheim). Une « analyse psychologisante des rapports sociaux » consiste en revanche à interpréter les faits sociaux comme résultant des seules libertés et responsabilités individuelles. Une analyse psychologisante du chômage pourrait consister à réduire ce phénomène à une somme d’actes volontaires, délibérés, liés notamment à la paresse et au manque de « moralité sociale » d’individus cherchant à « profiter » du système d’aides sociales par exemple. Cela reviendrait aussi à culpabiliser les chômeurs, rendus seuls responsables de leur situation. Cela revient enfin à ne plus considérer l’existence du chômage (comme fait social) mais seulement celle de chômeurs. Mais aujourd'hui, la réduction des déficits et de la dette apparaît comme une priorité. Cette réduction implique notamment une réduction des dépenses sociales qui risquent affecter les plus démunis, mais aussi une augmentation des recettes qui risquent d'engendrer une baisse de la solidarité, par exemple: prolongement de l'activité des plus âgés , en période de stagnation de l'emploi, peut avoir des répercussions sur les nouvelles générations qui entrent sur le marché de l'emploi.