Regarder vers l'avenir avec les agricultures de la Pointe de Caux

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REGARDER VERS L’AVENIR Thomas ANDRIEU Septembre 2014 Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Caux valorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole avec les agricultures de la Pointe de Caux

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REGARDER VERS L’AVENIR

Thomas ANDRIEU Septembre 2014

Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Cauxvalorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole

avec les agricultures de la Pointe de Caux

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Travail encadré par Boris MENGUY - Chef de projetsAlix GUILLEMETTE - Chargée d’études

Suivi Agro ParisTech : François LÉGER - Enseignant - ChercheurMise en page par Véronique LEDIER et Boris MENGUY

AURH - Étude 1457

REGARDER VERS L’AVENIRPour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Cauxvalorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole

avec les agricultures de la Pointe de Caux

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Sommaire

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S O M M A I R E

DES ÉVOLUTIONS AGRICOLES ET SOCIÉTALES DIVERGENTES ..................................................................................................... 9

I - UN TERRITOIRE RÉINTERROGÉ À LONG TERME POUR FONDER UN DIALOGUE PORTEUR D’AVENIR .................................... 17

1 - Agriculture, territoire et « résilience » ...................................................................................................................................................... 19

2 - L’élaboration de scénarios à l’échelle de l’Estuaire de la Seine ......................................................................................................... 26

3 - Les trois scénarios retenus........................................................................................................................................................................ 31

II - DES ÉCHANGES RICHES FAISANT EMERGER LES BASES D’UN PROJET AGRICOLE « RÉSILIENT » ........................................ 43

1 - Un accueil chaleureux malgré une tension palpable avec les pouvoirs publics ............................................................................. 46

2 - Pistes d’innovation et opportunités – l’agriculteur, véritable acteur du territoire ? ............................................................................ 50

III - VISION STRATÉGIQUE POUR LA MISE EN PLACE D’UN PROJET AGRICOLE TERRITORIAL ................................................... 67

1 - L’enjeu de la « résilience » pour l’action publique ................................................................................................................................ 69

2 - Une vision stratégique basée sur une réflexion sur le système alimentaire ....................................................................................... 72

3 - Axes de travail pour entreprendre un projet agricole territorial durable ........................................................................................... 73

QUELS AXES DE TRAVAIL ? .......................................................................................................................................................... 79

ANNEXES ...................................................................................................................................................................................... 85

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Des évolutions agricoles etsociétales divergentes

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Des évolutions agricoles et sociétales divergentes

Les mutations sociologiques de l’espace rural périurbainLes cinquante dernières années ont été marquées par de profondes mutations d’ordres sociologique et démographique, motivées par de nouveaux modes d’habitation et de déplacement. Ceci a conduit à la croissance des communes rurales proches des villes et au déve-loppement des hameaux, phénomène appelé périurbanisation. De nombreux citadins continuent à déménager en zone rurale où l’agricul-ture était auparavant exclusive. Cette situation a transformé les surfaces périurbaines, où un mode de vie citadin s’installe dans les campagnes environnantes, touchant des zones continuellement plus éloignées du centre-ville (jusqu’à 50 à 80 kilomètres aujourd’hui). L’agriculture en place doit, par conséquent, composer sur une toile nouvelle, car les surfaces périurbaines ne sont plus uniquement le support des activités agricoles, mais aussi celui de lieux de vie et de loisirs de la population issus d’un certain fantasme de la nature lié à l’idée de campagne. En d’autres termes, l’agriculture périurbaine concerne aujourd’hui une multitude d’acteurs, n’évoluant pas tous dans le secteur agricole, avec des motivations différentes voire divergentes.

Les transformations agricoles de l’après-guerreParallèlement à ces changements, les techniques agricoles ont évolué. Une forte mécanisation des techniques a permis de rendre le travail agricole auparavant difficilement soutenable physiquement plus acceptable. Cette dernière a fortement réduit les besoins en main d’œuvre. L’utilisation de la chimie pour amender les sols et contrôler les maladies s’est rapidement démocratisée. Les parcelles ont été remembrées, l’élevage s’est intensifié, conduisant dans un premier temps à l’augmentation de la surface enherbée. A partir des années 80, cette dernière a diminué avec l’apparition de la stabulation permanente. Notre agriculture s’est insérée dans un schéma

d’exportation, marquant un fort développement des grandes cultures. L’ensemble de ces éléments a conduit à la diminution du nombre d’exploitants agricoles, ne représentant aujourd’hui plus que 3% de la population active (contre 30% en 1945), ce qui explique leur quasi-dis-paration ou leur moindre place dans le débat public. Aujourd’hui, une promenade en campagne peut soulever un sentiment de vide face au caractère improbable d’apercevoir un agriculteur dans les champs et aussi de moins en moins d’animaux.

Une agriculture qui s’efface ?Les deux tendances présentées plus ci-dessus ont peu été prises en compte dans les processus d’aménagement du territoire. L’observation d’une carte topographique est révélateur : l’espace entre les villages et petites villes rurales apparaît blanc. Qu’est-il advenu de l’agriculture aux yeux des cartographes ? Le monde agricole n’a suscité qu’un intérêt limité de la part de l’appareil politique territorial, engendrant une rupture sociale. D’un côté, la consommation foncière des terres agricoles par la périurbanisation crée des tensions au sein de la population agricole. De l’autre, les externalités négatives générées par l’agriculture conventionnelle inquiètent l’opinion publique quant à la pollution et l’augmentation des risques pour l’environnement et de leurs impacts sur la santé humaine. De ce fait, les collectivités locales accordent depuis une dizaine d’années une importance croissante aux questions portant sur le lien entre l’agriculture, le développement et l’aménagement du territoire (voir encadré n°1). La naissance des intercommunalités a également impulsé une nouvelle démarche dans les projets de territoires. Des élus citadins aujourd’hui travaillent avec des élus ruraux, et sont donc à même de se questionner sur l’agriculture, activité occupant généralement la majorité de la surface de leur territoire d’action.

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Susciter l’intérêt pour l’agriculture du SCoT LHPCE et de l’Estuaire de la SeineA l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du Schéma de Cohérence Territoriale Le Havre Pointe de Caux Estuaire (SCoT LHPCE), territoire comprenant la Communauté de l’Agglomération du Havre (CODAH) et la Communauté de Communes Caux Estuaire, ces évolutions sont avérées et un certain nombre d’indicateurs laissent à supposer qu’il existe aujourd’hui un décalage entre les attentes du territoire et la réalité agricole présente. Si le terme de fracture sociale est probablement un peu fort, la protection des ressources naturelles, garante d’une qualité de vie pour l’épanouissement de la population, est fragilisée par le manque de collaboration entre les acteurs. Comment considérer ou reconsidérer l’agriculture ? Est-elle uniquement une force de production ? Représente-t-elle un facteur de cohésion sociale ? Peut-elle s’insérer à part entière dans un schéma d’aménagement du territoire, afin d’être le moteur d’un renouveau, qui permettrait d’asseoir une attractivité qui semble faire actuellement défaut ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une étude sur l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE a été réalisée, afin de déterminer les marges de manœuvre pour valoriser l’agriculture et ses différents potentiels au sein du territoire. Cette étude se positionne de manière originale par rapport aux travaux existants de par la mobilisation de nombreux acteurs du territoire et notamment ceux du monde agricole pour témoigner avec « un regard de l’intérieur ».

Source : AURHOcteville-sur-Mer : Une forte identité agricole pour une commune très attractive aux portes du Havre (maraîchage, grandes cultures, agriculture de loisir, un mélange typique des bordures d’agglomération)

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Des évolutions agricoles et sociétales divergentes

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Encadré n°1

Intérêt grandissant des collectivités territoriales pour l’agriculture

Extraits de l’article de Bertille Thareau et Mathilde Farby paru dans Terres Agricoles, Editions Quae, pages 135 à 153 : Actions foncières au nom de l’environnement : des élus locaux interviennent dans l’évolution de l’agriculture.

« Depuis une quinzaine d’années, les politiques d’aménagement et de développement des territoires ont été particulièrement auscultées sous cet angle [prise en compte de l’agriculture par les politiques locales] […]. On assiste de ce fait à une prise en compte de plus en plus prégnante de l’agriculture par les collectivités dans le cadre de leurs projets de planification et de développement local. Cette prise en compte amène une redéfinition, à partir de débats locaux, de la place et du rôle de l’agriculture sur les territoires ».

L’origine de cet intérêt croissant pour l’agriculture est la protection de l’eau, autour des bassins d’alimentation de captage. Face à une pollution croissante générant des coûts de dépollution importants, « certains maires se substituent au préfet pour réglementer l’agriculture, certains proposent aux agriculteurs qui le souhaitent de faire évoluer leurs pratiques afin de prévenir les risques de pollution, soit par des actions de formation, de sensibilisation, d’animations de groupes, soit par des contrats […], d’autres utilisent l’acquisition foncière afin de maîtriser et imposer sur ces espaces un usage compatible avec la préservation de la ressource ».

Les dispositifs d’intervention sont contrastés, et sont souvent fonction de l’agriculture en place. Trois formes se dégagent :

• La préemption agricole ou « l’exit de l’agriculture comme projet pour la protection des ressources » : la collectivité devenue propriétaire, impose les techniques agronomiques. Cette mesure n’est pas toujours acceptée par le monde agricole, car jugée brutale.

• « Le soutien à une forme d’agriculture minoritaire » via la formation et la sensibilisation : les techniciens soutiennent une agriculture minoritaire souvent alternative sur le territoire. Cette démarche est souvent considérée en décalage avec les réalités agricoles locales par l’agriculture en place, d’autant plus si celle-ci s’insère dans le schéma conventionnel.

• « L’adaptation des formes agricoles présentes » : le but premier estdemaintenirl’agricultureenplace.L’établissementd’uneconfianceentre acteurs agricoles et les collectivités nécessite une production de connaissances mutuelles pour négocier et mettre en place des projets de protection de la ressource. Il s’agit pour le monde agricole de reconnaître que les activités actuelles ont un impact sur la qualité de l’environnement, et pour les collectivités de reconnaître l’impact des contraintes sur les activités agricoles.

« Les formes d’action proposées sont fortement liées à la posture des maîtres d’œuvre. Quand ces derniers adoptent la troisième posture (adaptation des formes agricoles présentes), on assiste à la mise en place de négociations entre l’autorité compétente en matière de qualité de la ressource et la profession agricole ».

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En 2011-2012, l’agriculture se fait une place dans le SCoT LHPCE et les travaux de la Charte Paysagère et Environnementale – Un virage progressif

Lorsque le premier SCoT du Pays Le Havre Pointe de Caux Estuaire est approuvé en 2008, la question agricole y apparaît en filigrane à travers quelques recommandations. Aussi, les élus majoritairement ruraux et les services de l’État souhaitent-ils un approfondissement de la thématique. L’élaboration d’une politique de préservation des espaces agricoles est attendue.

Dans la perspective d’une modification du document, L’AURH lance fin 2008 un travail de fond pour apporter des compléments. En 2009, ce travail est marqué par l’apport de trois ateliers associant des représentants du monde agricole à des personnes aux sensibilités plus urbaines (en tout, une quarantaine d’acteurs : agriculteurs, institutionnels, techniciens, élus référents). Le but est de réduire la méconnaissance, mieux identifier les besoins et les enjeux de chacun afin de co-construire les orientations agricoles du SCoT.

Après un portrait agricole collectif effectué au premier atelier, les possibilités offertes dans le cadre du SCoT et les premières pistes sont explorées et discutées au deuxième atelier. Enfin, le troisième atelier permet de valider avec l’ensemble des participants des propositions qui seront soumises au vote des élus.

Compte tenu de la richesse du travail plusieurs types de valorisation des travaux ont été utilisés :

• L’étude paysagère et environnementale (étude visant à enrichir globalement le SCoT) a permis d’apporter une meilleure connaissance et des perspectives pour redonner une place de choix à l’agriculture du territoire (ces éléments sont accessibles dès la mise en ligne du site internet du SCoT en octobre 2011

http://www.scot-lhpce.fr/ et « sous forme papier » dans la publication « Vers une plus grande attractivité » sortie en juillet 2014),

• La signature d’une Charte Paysagère et Environnementale par l’ensemble des élus en octobre 2011 dans laquelle l’agriculture est très présente,

• Enfin, une dimension réglementaire autour de l’agriculture se fait jour avec l’approbation de la 2e version du SCoT en février 2012.

Dans le SCoT 2012, des avancées majeures apparaissent pour l’agriculture :

• Le mitage est jugulé,• Le cadre d’application de la loi littoral est clairement défini par

secteur et l’urbanisation s’en trouve strictement contrôlée sur tout le secteur côtier,

• Des secteurs qualifiés « d’espaces agricoles d’enjeux partagés » sont identifiés et cartographiés sur les zones soumises aux plus fortes pressions urbaines afin d’y garantir durablement une vocation agricole (cf – carte ci-contre),

• Pour des raisons de qualité de paysage et de maîtrise de l’urbanisation linéaire, de vastes secteurs d’inconstructibilité sont définis le long des principales voies de circulation routières et ferroviaires du territoire du SCoT. Cette mesure s’avère tout à fait favorable au maintien et à l’accessibilité des espaces agricoles.

Agriculture en filigrane en 2008, logique de préservation des espaces agricoles en 2012, les élus progressivement plus conscients des enjeux agricoles pour leur territoire souhaitent désormais aller plus loin et sentent que le débat doit être mieux posé.

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Carte du SCoT approuvé en Février 2012

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I - Un territoire réinterrogé à long termepour fonder un dialogue porteur d’avenir

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1 - Agriculture, territoire et « résilience »

L’agriculture, un élément incontournable des projets de territoire ?A l’échelle d’un territoire, l’agriculture représente une force souvent sous-estimée. Pourtant, c’est un acteur qui s’implique à différentes échelles avec plusieurs fonctions, comme l’illustre la figure 1 :

L’agriculture produit des biens alimentaires, énergétiques, des matériaux ; elle définit le paysage et intègre une dimension sociale large. Elle est entièrement dépendante de la qualité des sols, mais aussi de leur disponibilité. En France, elle représente une source d’emplois avec 970 000 personnes travaillant directement dans le secteur agricole et 5 millions de personnes travaillant dans le secteur agro-alimentaire (soit 18% de la population active). L’agriculture conditionne la qualité environnementale avec laquelle les collectivités doivent composer.

Au niveau du SCoT LHPCE, les deux-tiers du territoire sont couverts par des surfaces agricoles. Si l’on raisonne en matière d’espace, c’est l’activité majoritaire. De surcroît, les bassins de captage fournissant l’eau courante s’alimentent via des circuits de récupération des eaux pluviales débutant au niveau des parcelles agricoles. Parallèlement, la gestion de ces eaux pluviales, problématique lors d’orages, doit aussi être intégrée à la réflexion sur l’agriculture. En matière d’aménagement, cette dernière conditionne les espaces de respiration, tout en permettant la fourniture d’aliments locaux comme les légumes, certains produits laitiers (beurre par exemple), de la viande, ou encore du cidre.

À l’échelle de l’Estuaire, l’agriculture du Pays de Caux, principale-ment tournée vers l’exportation, génère une valeur économique non négligeable. L’agriculture du Pays d’Auge, situé sur l’autre rive de la Seine, est reconnue comme activité à haute valeur naturelle. Ainsi, une certaine diversité se dégage entre les deux rives de l’Estuaire de la Seine (voir encadré n°2). En Haute-Normandie, l’agriculture génère 1.2 milliards d’euros par an. Certaines cultures sont spécifiques. Le lin régional, culture emblématique, représente 30% de la production mondiale et est reconnu pour sa haute qualité, fruit d’une maîtrise de savoir-faire. Les terres du Pays de Caux sont parmi les plus riches d’Europe d’un point de vue agronomique, ce qui leur confère un avenir agricole certain. On remarque donc que cette agriculture est importante à l’échelle européenne et mondiale. Cependant, des voix s’élèvent souvent concernant les impacts que les techniques de production peuvent occasionner.

Un territoire réintérrogé à long terme ...

Figure 1 : L’agriculture multifonctionnelle

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Encadré n°2

L’agriculture duale de l’Estuaire de la Seine : Pays de Caux et Pays d’Auge

• L’agriculture du Pays de Caux

Le paysage agricole du plateau de Caux est très ouvert, composé de plaines étendues contrastées par des clos-masures, des villes et villages repérables de loin par le clocher de leur église. Les parcelles de polyculture reposant sur un sol très riche parent les plaines d’une couverture en mosaïque. La taille de ces parcelles varie de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares.

Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH)

Ces dernières ont tendance à devenir de plus en plus grandes avec le processus de remembrement débuté au début des années 60, dû à l’agrandissement continudesexploitationsentraînantunesimplificationetunerationalisationdes pratiques. Certaines exploitations peuvent atteindre plusieurs centaines d’hectares. En zone périurbaine proche du Havre, on observe tout de même que la taille reste plus limitée, autour de cent hectares en général.

Les cultures sont principalement organisées autour du blé (plus précisément blé, orge, escourgeon). Sont également cultivés la pomme de terre, le colza, le lin, la betterave, le maïs ensilage, la luzerne, la féverole (les trois derniers pour nourrir l’élevage). Le modèle économique est orienté vers l’exportation. C’est une agriculture mondialisée, représentée par des cultures que l’on retrouve ailleurs (à part le lin). Les exploitations ayant conservé l’élevage maintiennent des prairies permanentes ou temporaires, pour faire pâturer les vaches. La race normande tendàdiminuerauprofitde laPrim’Holsteinoude laMontbéliarde,plusperformantes en production de lait. Le maraîchage, présent aux abords des villes, a fortement reculé ces dernières décennies. Des projets sont réalisés pour tenter d’enrayer cette évolution. Des systèmes de vente directe se développent çà et là, via des organisations de producteurs, de cueillette, etc.

Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH)

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Un territoire réintérrogé à long terme ...

• L’agriculture du Pays d’Auge

Le paysage offert sur la rive sud de l’Estuaire de la Seine est totalement différent. L’organisation est celle du bocage, où les haies d’arbres et d’arbustes structurent les parcelles. L’élevage est la principale activité agricole (bovine et équine). Les cultures associées sont principalement destinées à l’alimentation animale, avec tout de même l’existence de zones de grandes cultures. Des fromages labellisés y sont produits : camembert, pont l’évêque, ou encore le livarot. Les vergers de pommiers, également très présents, permettent la fabrication du cidre, du calvados et du pommeau. Il est à noter que ces alcools sont aussi fabriqués dans le Pays de Caux, à une moindre échelle.

Figure 2 : Les complémentarités agricoles à l’échelle de l’Estuaire de la Seine entre le Pays de Caux au nord marqué par les grandes cultures et le Pays d’Auge au sud de l’Estuaire, traditionnellement un pays d’élevage.

Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie (source AURH)

Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie(source AURH)

Ce paysage agricole est qualifié à haute valeur naturelle (comprenant entre autre la diversité d’assolement, l’extensivité des pratiques et la densité des éléments paysagers). Cette agriculture est un vecteur d’attractivité, d’activité touristique et de résidences secondaires non négligeable.

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Ainsi, la gestion de l’eau potable, de l’eau de ruissellement et la consommation foncière semblent être une source de tensions entre les collectivités et les agriculteurs. L’ensemble de ces difficultés a marqué le territoire depuis des années sans qu’il y ait de plan d’actions à proprement parler. L’intuition d’une situation tendue entre les différents acteurs du territoire justifie l’étude présente.

La Politique Agricole Commune européenne (PAC), dont la nouvelle version est entrée en vigueur en 2014, a marqué une certaine transition. Même si cette dernière est encore loin d’être aussi verte qu’annoncée, elle marque le début d’une meilleure prise en compte de l’environne-ment au niveau de l’agriculture européenne. Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler que le budget de cette politique représente 40% du budget européen. C’est le plus important poste de dépense, atteignant 200 euros par européen prélevés par an pour assurer le fonctionnement de l’agriculture de l’Union.

Si l’agriculture paraît incontournable à première vue, elle a été assez peu prise en compte à l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE dans les projets de territoire. Ce contexte semble avoir généré des tensions entre le monde agricole et les collectivités. Contrainte par sa spécificité géographique, la ville du Havre s’étend vers l’Est avec un angle de 50° environ, accentuant la pression sur les terres agricoles concernées. Ce phénomène est réputé comme mal vécu car les terres sont riches, comme il a été précisé en amont. De plus, il est important d’ajouter que malgré cette consommation foncière, la population de la CODAH et en particulier de la ville du Havre diminue chaque année d’environ mille habitants, comme illustré dans la figure 3.

Malgré la diminution de la population, on observe un étalement urbain, que l’on peut supposer comme une source de tensions assez vives entre le monde agricole et les collectivités. Si l’on compare l’évolution de l’urbanisation à l’échelle de la CODAH sur trente ans, le constat est remarquable, comme en témoigne la figure 4.

Figure 3 : Évolution des zones artificialisées comparée à celle de la population sur le territoire de la CODAH de 1973 à 2011 (source Audrey Malicorne, SIGU)

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Figure 4 : L’étalement urbain à l’échelle de la CODAH entre 1973 et 2011Source : Rapport de stage d’Audrey Malicorne, SIGU, AURH

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La « résilience » comme outil d’approcheS’interroger sur l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE, c’est étudier son impact sur les capacités du territoire à s’adapter aux changements socio-économiques et climatiques qui sont susceptibles de se produire durant les prochaines décennies. Autrement dit, c’est étudier sa « résilience ». Ce terme dépend de trois caractéristiques principales :

• la quantité de changements que peut endurer le système sans altérer ses fonctions

• le degré d’auto-organisation• le degré de plasticité et la capacité d’apprendre et de s’adapterEn d’autres termes, la « résilience » fait référence aux capacités des communautés humaines (celles du SCoT en ce qui concerne l’étude) à ne pas se désorganiser ou disparaître lors d’une crise, d’un choc, d’une pénurie, mais d’y répondre en s’adaptant.

« La résilience, ce n’est pas accepter les caprices de la nature. C’est gérer notre environnement naturel de manière responsable, dans la quête d’un avenir meilleur pour chacun d’entre nous » (Joseph Michel Martelly, président de Haïti).

L’outil de la « résilience » permet ainsi de ré-interroger de manière prospective et transversale le territoire à long terme. Pour réaliser cette étude, l’hypothèse selon laquelle l’agriculture est une des clés de la « résilience » de notre territoire a été formulée. Il s’est agit de considérer

une multitude d’aspects afin de connaître le degré de « résilience » socio-économique et environnementale du territoire en matière d’autonomie alimentaire, d’indépendance énergétique, de cohésion sociale, d’emploi, de préservation des ressources naturelles, de gestion des pollutions ou des externalités négatives au sens large et de sécurité sanitaire.

L’agriculture à l’épreuve des changements

Afin de vérifier et d’approfondir les intuitions présentées plus haut à propos du défaut de communication entre le monde agricole et les collectivités, la démarche adoptée lors de cette étude a d’abord consisté à élaborer des scénarios d’évolution à long terme (à l’horizon 2050), afin de voir quels sont les possibles chocs ou crises que pourrait endurer l’agriculture du territoire du SCoT et de l’Estuaire de la Seine. Ensuite, les scénarios ont été présentés de manière individuelle à divers acteurs du monde agricole dans l’optique de les faire réagir, puis aborder dans la mesure du possible des champs d’actions potentiels pour intégrer l’agriculture dans un projet de territoire durable. La réflexion sur le long-terme est centrale, car il ne s’agit pas de savoir si un projet agricole plus durable est pertinent aujourd’hui, mais s’il paraît réaliste pour demain. Il convient de se demander si le territoire actuel est résilient ou non, et comment il serait possible d’améliorer la situation aussi bien du point de vue économique que social ou environnemental : c’est le principe du développement durable.

Figure 5 : Déroulement des événements marquants de l’étude entre février et juin 2014

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Le propre de la démarche est la mobilisation de l’analyse qualitative, générique d’une approche sociologique. Il est effectivement primordial de connaître les acteurs d’un territoire pour proposer des axes de travail cohérents et rétablir un lien pérenne entre l’agriculture et le monde urbain. Cet élément est d’autant plus important que la plupart des travaux réalisés jusqu’alors sur l’Estuaire de la Seine n’ont pour ainsi dire pas pris en compte l’information qualitative. De même, la plupart des techniques développées en agronomie depuis le début des années 1950 sont critiquées pour le manque d’intégration de l’outil sociologique. On a pensé aux cultures mais peut-être oublié l’agriculteur. Les rendements ont été décuplés, mais qu’en est-il de la condition sociale des agriculteurs ? Il est connu qu’aujourd’hui, il existe un certain malaise au sein de la profession. À titre d’exemple, les agriculteurs figureraient parmi les plus représentés en ce qui concerne le taux de suicide. Par conséquent, il est nécessaire de rétablir un côté humain à cette activité, quelle que soit l’échelle de travail, du SCoT à l’Union Européenne.

Réaliser un travail de prospective comme celui-ci est un premier pas vers la « résilience ». Il représente en quelque sorte un diagnostic transversal du territoire. Un diagnostic agricole de la pointe du Pays de Caux a été réalisé en 2011. Celui-ci reprend les évolutions jusqu’en 2011, mais n’en-treprend pas de retranscrire le discours des acteurs du monde agricole, ni d’offrir une perspective à long terme. Le travail réalisé dans cette étude de 2011 est primordial pour appréhender le paysage agricole et pour le compléter, il s’agit à présent de réaliser un diagnostic qualitatif pour comprendre ce paysage de l’intérieur, mettant en lumière le potentiel agricole du territoire pour espérer atteindre une situation de « résilience » à long terme, dans une démarche de développement durable. Une frise chronologique reprenant l’organisation de l’étude est présentée en figure 5.

Un territoire réintérrogé à long terme ...

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2 - L’élaboration de scénarios à l’échelle de l’Estuaire de la Seine

Des lectures clés à la base des scénariosDans un premier temps, un travail de bibliographie provenant d’études existantes a été mené. L’objectif ici est d’enrichir les hypothèses quant à l’avenir du territoire, en intégrant des données agricoles, climatiques et socio-économiques. Il ne s’agit pas de parler uniquement d’agri-culture, mais bel et bien de connecter l’agriculture à son territoire, pas seulement dans une logique de long terme. Les lectures sont présentées en figure 6.

Les prospectives présentes dans cette bibliographie sont le résultat de plusieurs mois de travail et ont été réalisés par des équipes d’experts, répondant à des commandes où le propre du sujet est centré sur les scénarios. Dans le cas de l’étude présente la démarche de travail est différente. Elle s’appuie sur les études scientifiques de la bibliographie ci-contre, mais ne vise pas à être exhaustive. Son but principal est la production d’éléments caricaturaux visant à faire réagir l’interlocuteur, à susciter l’interrogation. Les éléments retenus dans les lectures sont donc condensés et résumés, pour que la communication soit par la suite plus aisée. Les scénarios produits sont donc différents des documents dont ils s’inspirent. Il ne s’agit pas de produire une étude scientifique, mais un matériel qui servira de base lors de la phase d’en-tretiens avec les différents acteurs agricoles du territoire. En d’autres termes, l’élaboration de ces scénarios correspond à une étape de travail essentielle puisqu’elle représente le fondement de l’étude. Figure 6 : Sources utilisées pour l’élaboration des scénarios

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La force publique n’aurait ici que peu d’influence sur un monde privé, représenté par des firmes dont le capital et les instances décisionnelles sont extérieures au territoire. Ce territoire étant déjà en déficit d’attractivité, on note que l’évolution tendancielle n’améliore en rien la situation.

Ce scénario tendanciel n’a pas été utilisé directement lors des entretiens avec les acteurs du territoire. Il a en revanche permis de réaliser une première approche de l’avenir du territoire en déterminant une liste d’événements tendanciels, nourrisant la réflexion pour l’élaboration des trois scénarios présentés dans la partie suivante.

Proposer un premier scénario tendancielL’objet principal de cette phase a été d’adapter les données récoltées dans un contexte local, à l’échelle du SCoT LHPCE, ainsi que de les combiner à des hypothèses. Les éléments tendanciels pour le territoire sont les suivants :

• hausse du prix des énergies fossiles,• menace sanitaire (qualité de l’eau, exposition aux résidus de produits

phytosanitaires via les aliments pour les consommateurs et exposition directe pour les producteurs),

• impacts de la zone industrielle sur la qualité de vie,• passage de l’exploitation agricole familiale conventionnelle à

l’agriculture industrielle de firme,• réduction du budget de la PAC,• changement climatique, hausse de la température moyenne,• élévation du niveau de la mer.

À première vue, on constate que la plupart des éléments ici n’intègrent pas d’informations tendancielles relatives aux comportements alimentaires et aux modes de vie, bien que ces derniers soient conditionnés par l’ensemble des facteurs tendanciels présentés ci-dessus. L’espace de vie pour la population du SCoT LHPCE peut paraître confiné, pris en double étau entre un espace industriel d’un côté et une activité agro-industrielle ou agro-business de l’autre (voir figure 7). On peut préciser que la zone industrialo portuaire est un élément représentatif du territoire, car générateur incontestable d’emplois. Néanmoins, l’aspect sanitaire concernant ce secteur d’activité peut questionner quant à la sécurité pour la population.

Figure 7 : Scénario tendanciel du double étau

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Élaborer trois scénarios, socles des futurs entretiens• Journée séminairePour structurer ces scénarios, la stratégie adoptée a été celle de la co-construction. Il a été décidé de réunir une équipe de techniciens experts du territoire concernés lors d’une journée séminaire, pour valider et enrichir les idées récoltées dans la partie précédente et obtenir une base solide afin de gagner en crédibilité auprès des entretiens de la phase suivante de l’étude. Cette étape s’est avérée être le premier événement fondamental de l’étude, allant au-delà des espérances en matière de résultats.

La journée séminaire a réuni quinze techniciens du territoire provenant des entités suivantes :

• Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie (ADEME),• Communauté de l’agglomération havraise (CODAH),• Communauté de communes Caux Estuaire,• Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’estuaire de la

Seine (AURH),• Ville du Havre,• Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement 76 (CAUE

76),• SCoT Le Havre Pointe de Caux Estuaire (SCoT LHPCE),• Syndicat Mixte de Bassin Versant.

Un maraîcher retraité a également été convié. Les compétences mobilisées sont les suivantes : urbanisme, développement durable, agriculture, gestion des risques, espaces verts, écologie, paysagisme… L’ensemble des personnes invitées n’appartiennent pas ou plus directement au monde agricole, car il a semblé préférable de garder l’exclusivité des acteurs du monde agricole pour la suite du travail, lors des entretiens futurs. Un modérateur a été invité : François Léger, enseignant chercheur à AgroParisTech et à l’Inra, co-encadrant de l’étude présente. Lors de cette journée, trois ébauches de scénarios ont été proposées aux invités, afin de cadrer la discussion, intégrant au maximum deux facteurs tendanciels, en les caricaturant suffisamment pour qu’ils passent du statut de tendanciel à celui de rupture.

L’équipe de la journée séminaire a été répartie en trois groupes équilibrés en fonction des compétences présentes, afin que chacun travaille sur un scénario pendant la matinée. Après la présentation des ébauches des scénarios, un guide de balayage des scénarios a été distribué pour ne pas considérer uniquement l’échelle du SCoT LHPCE, mais intégrer la réflexion avec une vision plus large et globale (voir figure 8).

Figure 8 : Guide de balayage des scénarios

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scénarios élaborés par chaque groupe ont été présentés, commentés et discutés. Pour conclure sur l’atmosphère de la journée, il semble que ce modèle d’échange est à retenir, d’autant plus que les techniciens n’ont pas toujours l’occasion de pouvoir communiquer librement entre eux, sans avoir à rester dans le cadre de l’entité pour laquelle ils travaillent.

On peut considérer aujourd’hui que les résultats proposés ont sans doute permis de comprendre et d’analyser la moitié des résultats de l’étude globale, au vu de la qualité et de la complémentarité des arguments avancés.

La co-construction lors de cette journée séminaire s’est avérée très efficace et a suscité une remarquable ébullition d’idées. Le fait de croiser les compétences de techniciens de spécialités différentes s’est avéré très riche pour l’étude. Un soin particulier a été apporté pour permettre des échanges constructifs dans une ambiance détendue mais studieuse. Une des règles majeures lors de cette journée était de ne surtout pas se cantonner à sa compétence, mais plutôt proposer une discussion large, libre de tout cadre institutionnel. Le terme de « brainstorming » (signifiant la recherche d’idées originales en se basant sur une communication libre au sein d’un groupe) est ici adéquat pour qualifier l’ambiance de travail. Les échanges se sont poursuivis dans la deuxième phase de la journée séminaire, pendant laquelle les

Discussion des scénarios lors de la journée séminaire, à l’Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine

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3 - LES TROIS SCÉNARIOS RETENUS

Trois scénarios visant à faire réagir

La journée séminaire a permis de dégager trois scénarios d’évolution distincts. Il est important de noter que dans un souci d’efficacité des entretiens, le travail produit a fait l’objet de synthèse.

La présentation des scénarios qui suit ne sous-entend pas un ordre d’importance entre les trois possibilités d’évolution, dans la mesure où chaque proposition inclut seulement un à deux éléments de rupture pour organiser la discussion ultérieure avec le monde agricole. Les supports utilisés lors des entretiens illustrant les scénarios sont présentés en Annexe 1. Des résumés respectifs sont présentés ici, visant à formuler les événements marquants pour assurer une bonne compréhension des différentes situations déterminées lors du séminaire. Chaque scénario comporte une entrée spécifique : crise politique et fin de la PAC, changement climatique et hausse du potentiel de rendements agricoles, élévation du niveau de la mer et transposition de la ville du Havre et de la zone industrielle sur le plateau de Caux.

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« LA CRISE EUROPÉENNE ET DE LA FIN DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC) »

• Entre aujourd’hui et 2030 :L’Union Européenne continue de se fragiliser jusqu’à se disloquer et les États ferment leurs frontières. Le budget européen s’effondre. Ce scénario qui pourrait tendre vers une guerre dans le pire des cas a deux conséquences principales pour notre étude. Le pouvoir national est affaibli et les collectivités territoriales tentent d’assurer un minimum de qualité de vie aux habitants, suivant le modèle de la ville-territoire.

La fermeture des frontières rend les exportations difficiles. Si le budget européen périclite, cela s’accompagne de la fin de la PAC. Ces deux éléments vont avoir pour conséquence une fragilisation et disparition d’un grand nombre d’exploitations agricoles.

Ainsi, au niveau de la Pointe de Caux, Le Havre essaie de gérer tant que possible sa zone périurbaine en décrétant des « zones à enjeux » visant la protection de certaines ressources vitales pour la population comme l’eau ou le bois. La fermeture des frontières génère des tensions et la faim apparaît, (d’autant plus que nous vivons aujourd’hui sous la dépendance d’importations alimentaires). Ceux qui peuvent avoir accès à des lopins de terre commencent à produire des légumes, sous la forme de jardins potagers. Ce n’est pas pour le plaisir, mais bel et bien pour pouvoir se nourrir. Cette situation de crise force à la « débrouille », et des techniques novatrices sont inventées pour pouvoir produire de la nourriture pour sa famille, en essayant de parfaire les circuits fermés, économes en intrants et en énergie, que l’on pourrait qualifier d’agroécologiques.

Plus loin, au-delà des zones à enjeux, la collectivité ne peut pas gérer la situation. On assiste à l’apparition de zones « déterritorialisées ». Une des possibles évolutions pour ces zones est le regroupement des

exploitations agricoles les plus puissantes cherchant à rester dans le modèle actuel d’agriculture conventionnelle et continuent d’exporter leur production. Vu qu’aucune réglementation n’est en vigueur, un certain retour en arrière s’effectue quant aux progrès environnementaux qui avaient été réalisés jusqu’alors, dans la recherche du profit immédiat.

Entre 2030 et 2050 :

Un nouvel élément de rupture vient s’ajouter à la situation : la crise pétrolière. Après avoir été maintenu à un prix acceptable dans la mesure du possible jusqu’en 2030, la raréfaction puis la disparition du pétrole devient une réalité. C’est la fin du système mondialisé. En revanche, le système de « ville territoire », déjà forcé de fonctionner à une échelle locale, s’est armé pour faire face à ce nouveau choc. L’agriculture qui s’était maintenue dans les zones déterritorialisées, dépendante des énergies fossiles et fortement affaiblie, disparaît. En parallèle, les techniques agroécologiques développées dans les espaces interstitiels et dans les zones à enjeux se répandent peu à peu. Une nouvelle agriculture conquiert le territoire, localisée, avec la possibilité d’alimenter l’hinterland via l’Axe Seine et grâce à une complémentarité avec le Pays d’Auge.

• Prise de recul :Ce scénario, catastrophique dans un premier temps, montre qu’une fois le choc passé, des possibilités d’adaptation sont possibles et envisageables à l’échelle d’un territoire local. Il pose cependant des questions importantes pour le monde agricole : est-il possible de rester agriculteur si le schéma actuel devait changer ? Doit-on continuer à avoir un seul modèle d’agriculture, visant le rendement à tout prix ? Plus largement, si l’on rapproche cette réflexion de la situation actuelle, on peut se questionner à propos de la vision du métier d’agriculteur au sein du monde agricole.

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• « Résilience » :Ce système subit de plein fouet la crise politique et économique européenne, ainsi que la crise énergétique. Le seuil a été franchi. On remarque une bascule vers un nouvel état basé sur une économie différente, d’échelle territoriale et locale. Cette idée de production agroécologique s’applique à un schéma n’intégrant pas seulement les techniques appliquées sur les parcelles agricoles, mais aussi à une

réflexion à propos du système alimentaire. La gestion de crise est aussi préoccupante : quid des comportements relatifs à la tension générée par la faim sur le territoire ?

Cet aspect est dépendant de la gestion politique locale, qui se doit d’être autoritaire pour asseoir le partage des ressources. Le modèle de ville territoire peut dans ce cas avoir un rôle important.

Figure 9 : Scénario de la crise européenne et de la fin de la Politique Agricole Commune (PAC) Cf. annexe page 88

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« L’AGRICULTURE, ACTIVITÉ PHARE DU TERRITOIRE »

Une des conséquences du changement climatique est l’augmentation des températures. Au niveau de l’Estuaire de la Seine, il est fort probable que la température moyenne augmente de 2°C d’ici 2050. L’agriculture mondiale subit des perturbations. En France, la moitié sud a des difficultés à produire. Dans le Nord-Ouest de la France, la situation est différente. Bien que les prévisions ne prennent pas forcément en compte l’ensemble des facteurs agronomiques (l’activité microbienne du sol par exemple), on peut prévoir une hausse des rendements et l’intégration de nouvelles cultures dans les rotations.

En poussant ces éléments à l’extrême, il est alors possible d’avancer le fait que les terres normandes deviennent convoitées pour leur potentiel productif alors que certaines régions du pays ou d’autres États perdent leurs capacités de production agricole. L’agriculture est alors considérée comme un potentiel certain pour le territoire de l’Estuaire de la Seine. Elle occupe la place d’activité phare du territoire. En d’autres termes, tout est bon pour produire, la moindre parcelle de terre est utilisée. En ville, c’est le développement de l’agriculture urbaine à destination directe de la population. Le potentiel marin devient pleinement exploité : aquaculture, cultures d’algues pour en tirer de l’énergie, pour amender les sols, pour la consommation ; éoliennes offshore, hydroliennes. L’agriculture terrestre évolue : elle devient écologiquement intensive. Les normes sanitaires et environ-nementales sont de plus en plus contraignantes et cela va inciter la recherche agronomique à développer des procédés innovants, inspirés par exemple de l’agroforesterie pour faire de l’agriculture une activité de production respectueuse de l’environnement. Cet appui de la R&D (recherche et développement) est d’autant plus important que l’agriculture génère d’importants bénéfices avec ses rendements accrus. La zone industrielle actuelle, en déclin, peut saisir une

remarquable opportunité pour se diriger vers des activités nouvelles qui s’intègrent au cœur de la chimie verte. L’agriculture en place n’est pas uniquement dirigée vers la production alimentaire, mais se diversifie vers des cultures énergétiques. Cela génère une demande de traitement des produits, qui peut apporter une haute valeur ajoutée pour le territoire. Le scénario du territoire agricole se réalise alors complètement.

Le secteur agricole génère donc des profits considérables. En effet, le capital extérieur entre en jeu, ou que des firmes agroalimentaires actuellement détachées de la production saisissent l’opportunité de déposer leur marque sur la phase de production. Il est intéressant de préciser que ce dernier élément est déjà en vigueur dans certains secteurs de l’élevage comme l’activité avicole. Ce capital peut également provenir de la nouvelle zone industrielle de chimie verte.

Figure 10 : Scénario de l’agriculture, activité phare du territoire

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À l’échelle du territoire de l’Estuaire de la Seine, du Pays de Caux ou encore du SCoT LHPCE, on pourrait aboutir à une agriculture à deux vitesses. Une agriculture locale et diversifiée dans la ville et dans la première ceinture périurbaine se rétracte au profit d’une agriculture de firme écologiquement intensive, intégrée dans la chaîne agroalimen-taire ou dans celle de la zone industrielle de chimie verte.

• Prise de recul :La question de gouvernance territoriale se pose dans ce scénario. Quel peut-être l’impact d’une politique locale d’aménagement du territoire sur des zones agricoles certes écologiques, mais dont les représentants ne sont pas sur le territoire ?

Au niveau du monde agricole, la question est tout aussi préoccu-pante : un chef d’exploitation acceptera-t-il de devenir salarié d’une multinationale, dont le capital est par exemple étranger ? Certains pays investissent actuellement à l’étranger pour assurer leur avenir alimentaire. Pourquoi ne se dirigeraient-ils pas vers nos terres alors si convoitées ?

• « Résilience » :Ce scénario représente une opportunité environnementale certaine pour le territoire. Néanmoins, si une agriculture de firme se met en place, la politique locale, nationale, ou même européenne pourrait voir son emprise réduite sur ce modèle de production. Une incertitude apparaît alors sur le volet socio-économique, rendant le système peu résilient. En effet, si la concertation et la communication entre acteurs est difficile, les capacités d’adaptation sont limitées.

Cf. annexe page 90

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dans un futur proche, en prenant la vision actuelle de l’agriculteur par les aménageurs du territoire, il est alors probable qu’il se réaliserait de cette manière. Pourquoi garde-t-on une image de réserve foncière quand on fait allusion à l’agriculture ? Certainement car le lien entre l’agriculture et le territoire de l’Estuaire de la Seine est quasiment inexistant. La plupart des élus, comme les citoyens, ne connaissent pas l’agriculture du Pays de Caux. Que cultive-t-on ? Qui y travaille ? Quelle est la valeur économique de l’agriculture en place ? Qui sont les agriculteurs ? Le fait que 90% des produits agricoles produits sur ce territoire soient exportés n’aide pas forcément. Il est d’ailleurs nécessaire de rappeler que la zone havraise est plutôt orientée vers une activité industrialo-portuaire, plutôt que vers son arrière-pays. Autrement dit, comment régénérer du lien pour que les citoyens et les élus soient les premiers à défendre « leur » agriculture ?

« LA FUITE VERS LE PLATEAU »

Pour ce scénario, une autre conséquence du changement climatique est utilisée : l’élévation du niveau de la mer. D’ici 2050, si l’on combine cet effet à des tempêtes hivernales plus fréquentes (selon MétéoFrance) et à des marées de coefficients importants, la plaine alluviale de l’Estuaire de la Seine est submergée à plusieurs reprises, rendant l’activité industrielle installée compromise, questionnant également la sécurité pour la population du centre-ville du Havre. Ces conditions menacent de pousser la zone industrielle et la ville basse à se délocaliser. Où ? Il est important de rappeler que l’Estuaire de la Seine constitue un espace stratégique pour le territoire, car le port est un atout réel. Il est alors envisageable que le port actuel soit aménagé de manière à ce qu’il soit offshore. La reconstruction sur le plateau va nécessiter des imports conséquents et le port joue un rôle clé dans ce processus.

Ainsi, pour rester au niveau de l’Estuaire de la Seine, la zone industrielle et la ville basse du Havre se transposent sur la pointe du plateau de Caux. Cet événement ne peut se faire que si le pilotage des opérations est conditionné à une autorité forte, d’ordres préfectoral, national et européen. Cette transposition entraîne une préemption agricole massive pour dégager de l’espace pour les « naufragés », ce qui pourrait déclencher des tensions sociales marquées. L’autorité qui accompagne le déménagement est indispensable.

• Prise de recul :Ce scénario, comme le premier présenté ci-dessus, semble catastro-phique. S’il est pris au premier degré, il n’est pas très engageant pour commencer une discussion avec le monde agricole. La puissance financière paraît trop prégnante pour pouvoir espérer lutter contre la consommation foncière des terres agricoles. Néanmoins, la question soulevée par ce scénario est essentielle. Si ce scénario devait avoir lieu

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Figure 11 : Scénario de la fuite vers le plateau

• « Résilience » :Comme pour le scénario de la fin de la PAC, la crise n’est pas évitée. L’impact de l’élévation du niveau de la mer est conséquent. En fonction de la gestion de cet événement, la « résilience » peut être très différente. Avec les détails présentés ici, la transposition de la ville et de la zone industrielle sur le plateau se fera en remplaçant l’agri-culture en place, menaçant les possibilités de développer des projets d’autonomie alimentaire. Des issues sont néanmoins possibles. Il est important de noter que lors du séminaire, les personnes ayant travaillé sur ce scénario ont été force de propositions. Ces dernières ont été gardées en ressource pour de futurs travaux concernant le SCoT, afin d’optimiser la discussion avec les différents acteurs rencontrés pendant la phase suivante.

Cf. annexe page 86

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Les trois scénarios élaborés sont représentés schématiquement dans la figure 12. L’élément déclencheur est dans le cadre violet, la conséquence directe dans le cadre turquoise et la question émergente dans le cadre vert.

S’interroger à long terme permet de questionner judicieusement le présent. Cela permet d’interroger l’agriculture différemment, sans uniquement recourir à une approche environnementale de la problématique.

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Figure 12 : Bilan des scénarios à long terme et questions actuelles

On peut constater que cela dure depuis quelques années, sans qu’il y ait un réel succès dans la démarche. Les scénarios ici présents amènent plutôt à se poser des questions identifiant des points de convergence sur lesquelles collectivités et agriculteurs pourraient travailler ensemble.

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Les scénarios, base de discussion avec les acteurs rencontrés La deuxième phase de l’étude a consisté en la rencontre individuelle de 32 acteurs du territoire du SCoT LHPCE ou extérieurs à celui-ci, ayant une activité directement liée à l’agriculture, ou ayant une vision à considérer sur la filière agricole dans son ensemble (voir la répartition géographique des entretiens en figure 13). 15 agriculteurs (dont deux maraîchers) ont été rencontrés, dont certains sont élus à la Chambre d’Agriculture. D’autres acteurs, plus ou moins éloignés du monde agricole ont été également rencontrés, pour leur vision du territoire. Ils proviennent des structures suivantes :

• Communauté de l’Agglomération Havraise (CODAH),• Ville de Montivilliers,• Communauté d’Agglomération Seine-Eure (CASE),• Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la

Seine (AURH),• Conseil général de la Seine Maritime,• Chambre d’agriculture de la Seine Maritime,• SAFER de Haute Normandie,• Associations (Défis Ruraux, Terres de Lien, GRAB),• Centre de Formation Professionnelle Pour Adultes (CFFPPA),• Entreprises spécialisées (Kusmitea),• Coopérative (Senalia, Agylin),• Grand Port Maritime de Rouen (GPMR),• Fondation Sefacil.Il est à noter que ces acteurs ont été identifiés via des réseaux différents, afin d’obtenir des discours distincts et ouvrir les débats vers des horizons variés. Un grand merci est adressé à tous pour leur disponi-bilité. La méthodologie appliquée pour les entretiens est détaillée dans l’encadré n°3.

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Figure 13 : Carte de localisation des entretiens réalisés lors de l’étude (source Google Maps)

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Encadré n°3

Méthodologie appliquée pour les entretiens

Organisation

Il n’y a pas eu d’ordre défini entre les entretiens avec les agriculteurs etles autres acteurs. Le printemps étant une période très chargée pour les agriculteurs,lesrendez-vousontétéfixésenfonctiondeleurdisponibilité.Le faitd’avoirpu rencontrerquasiment laplupartdeceux identifiéspourl’étude est une réussite en soi. Il n’y a donc pas eu d’organisation logique quant à l’agenda, mais plutôt une gestion pragmatique de celui-ci, en fonction des contraintes de chacun.

Entre l’entretien semi-directif et la conversation

Initialement, le type d’entretien semi-directif avait été choisi. Cependant, dans un souci de maintenir le climat de bienveillance tout au long de chaque entrevue et afin de générer de la discussion avec des acteurs tous trèsdifférents les uns des autres, c’est plutôt sous la forme de conversation que se sont déroulés les échanges. Une des règles de base annoncées à l’entame delarencontreaétéjustementdenepastropfixerdecadre,afinquechacunse libère de sa structure professionnelle. Le but est de trouver des solutions pour le territoire et la notion de « brainstorming » peut aussi s’appliquer dans ce contexte.

Plasticité et modèle d’enquête judiciaire

Defilenaiguille,chaqueentretienaconstruitlesentrevuessuivantes.Desidées proposées ont été « testées » avec les personnes rencontrées par la suite. Dans ce sens, le titre d’enquête sociologique ne correspond pas d’un pointdevuescientifique,carlematérielexpérimental,leguided’entretien,n’a pas été le même pour chaque acteur rencontré. L’étude se situe dans un contexte de recherche appliquée. Une liberté a été prise par rapport à la rigueur méthodologique nécessaire en recherche. Une adaptation constante a été appliquée entre chaque conversation, permettant de faire avancer la discussion. Il ne s’est pas agi de placer la comparaison des discours des différents acteurs en objet central de l’étude, mais plutôt d’avancer pas à pas, à l’image d’une enquête judicaire. Par exemple, l’idée de dégager une grande question par scénario a été proposée par un technicien du territoire etcelaapermisunediscussionplusefficaceetrichependantleséchangessuivants.

D’une certaine manière, la mission de l’enquête, source de proposition pour un projet agricole résilient dont il est question pour le territoire du SCoT LHPCE s’apparente à la transcription des idées des acteurs du territoire. C’est la première étape de la valorisation de ces derniers au sein du territoire et cela représente une porte d’entrée pour les ateliers de concertation pour le SCoT LHPCE qui seront mis en place à l’avenir.

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II - Des échanges riches faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

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meilleure prise en compte de l’agriculture dans les projets de territoire. La construction d’une vision stratégique autour de trois axes de travail pour engager le territoire sur une démarche s’articulant autour de la « résilience » et de l’agriculture sera partagée dans la partie suivante. Le plan de présentation est résumé en figure 14.

Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

Cette partie expose les résultats de la phase terrain de l’étude. Dans un premier temps, des données « à l’état brut » sont proposées à partir des entretiens avec les agriculteurs uniquement quant au climat des échanges entre le monde agricole et les collectivités. Ensuite, une analyse des entretiens avec l’ensemble des acteurs de l’étude sera exposée, illustrant les pistes d’innovation et opportunités pour une

Figure 14 : Principaux résultats de l’étude de la partie 1

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1 - Un accueil chaleureux malgré une tension palpable avec les pouvoirs publics

Un environnement propice à la discussionL’accueil offert par ces derniers a été très chaleureux. Cette ambiance a permis une communication aisée ainsi qu’une discussion riche, générée à partir des scénarios d’évolution. Le préjugé selon lequel les agriculteurs raisonnent essentiellement à court terme s’est rapidement avéré inexact. Les remarques émises et les réactions ont été proactives. Elles ont fait avancer la discussion à propos des scénarios à long terme. Ces acteurs connaissent le territoire sur lequel ils évoluent, notamment sur le plan des spécificités pédoclimatiques et leurs évolutions. Les scénarios, pourtant alarmistes pour l’activité agricole, ont été bien compris et reçus. Il ne s’est pas agi de simplement refuser les éléments avancés dans chaque scénario, mais bien de les discuter, aller plus loin.

Il existe un fort esprit d’innovation, propre à l’existence même de l’exploitation agricole. L’évolution du contexte réglementaire nécessite une adaptation constante que chaque chef d’exploitation doit intégrer en accommodant ses pratiques. La prise en compte de cet état d’esprit, s’il est sollicité et valorisé, pourrait apporter une valeur ajoutée non négligeable aux projets de territoire. Prendre en compte l’agriculture dans ces projets, c’est prendre en compte les hommes qui la font vivre, et non pas que les techniques agronomiques à l’échelle du champ.

Une volonté de communiquer davantage avec les collectivités a été formulée à plusieurs reprises par les agriculteurs, d’une part pour mieux comprendre ce que peuvent entreprendre les élus et d’autre part pour pouvoir valoriser leur expérience de terrain et leur savoir.

Une confirmation de la tension présente sur le territoireLes hypothèses concernant le contexte de tension entre le monde agricole et les collectivités ont en général été le premier élément abordé lors de la conversation après la présentation de l’objet de l’étude. Ces tensions existent pour plusieurs raisons.

• La consommation foncièreComme le montrent les figures 2 et 3, présentées plus haut, un grand nombre d’agriculteurs sont concernés par l’artificialisation des sols. C’est cependant surtout la nature des ouvrages qui pose problème. L’extension de la ville n’est pas forcément en cause, car les acteurs ne sont pas conscients de la diminution de la population à l’échelle de la CODAH. En revanche, les zones d’activité, les infrastructures routières et les ouvrages hydrauliques (bassins d’orage) ne font pas l’unanimité. Les zones d’activités sont souvent considérées comme très gourmandes en espace, notamment la construction de parkings géants, d’autant plus que l’effet de création d’emploi pour le territoire est considéré comme éphémère. Leur présence n’est donc pas jugée comme essentielle. Pour les ouvrages hydrauliques et les infrastructures de gestion du ruissellement, leur nécessité n’est pas remise en cause. C’est plutôt la nature des ouvrages qui est discutée. Les infrastructures routières consomment beaucoup d’espace (comme par exemple, les bretelles d’insertion ou les ronds-points), et l’absence de prise en compte du discours agricole aboutit à l’impossibilité d’exploiter l’espace en herbe restant. Les ouvrages hydrauliques sont déconsidérés. Il en résulte un discrédit d’une partie des techniciens et des ouvrages réalisés.

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• Le comportement des néorurauxLa périurbanisation, pendant les cinquante dernières années, s’est faite par le déplacement d’un certain nombre de citadins vers les zones rurales. Même s’il existe un certain idéal français quant à l’envie d’avoir une maison avec un jardin au calme à la campagne, la plupart des citadins qui deviennent propriétaires à la campagne font ce choix en fonction de leur budget, les prix étant plus attractifs en milieu rural. Cette population « néorurale » se retrouve au contact de l’agriculture, sans pour autant en comprendre les modalités de fonctionnement associées. Les différentes conversations avec les agriculteurs font ressortir le fait que ces néoruraux viennent vivre à la campagne, sans accepter les contraintes qu’elle peut comporter. Effectivement, il n’est pas rare que la gendarmerie se déplace pour pointer des problèmes de routes boueuses après le passage des engins agricoles par temps pluvieux, ou de bruit la nuit pendant la récolte de blé au mois de juillet. Les agriculteurs ressentent un certain mépris quand ils doivent se déplacer sur les routes avec leurs engins agricoles, gênant ainsi la circulation, alors que les infrastructures routières ne leur permettent pas de faire autrement. Ce sentiment est également éprouvé lors des traitements chimiques, ou encore des travaux de fertilisation (souvent avec les mêmes équipements que pour les traitements). On peut aussi ajouter à cette liste la grogne des riverains lors de l’épandage de fumier sur les champs, ce qui génère une forte odeur.

Ainsi, les néoruraux vivent à la campagne, mais en gardant une culture et mode de vie citadin. L’éclairage public, par exemple, est souvent contesté et considéré comme une dépense importante mais inutile aux yeux du monde agricole.

• Image de pollueurDepuis quelques années déjà, un certain nombre de scandales concernant l’agriculture ont éclaté. Il semble aujourd’hui que la plupart des messages diffusés par les médias à propos de l’agriculture soient orientés autour de l’impact des produits phytosanitaires (pesticides) et des nitrates sur la santé et sur l’environnement. Le terme « agriculteur pollueur », relayé par un grand nombre de médias, d’associations pour l’environnement, a eu un certain impact auprès de la population. Les agriculteurs pointent le fait que la communication sur l’agriculture est uniquement négative et qu’on ne démontre pas leur utilité à l’échelle d’un territoire, d’un pays, ou même de la planète. De nombreuses fois pendant les entretiens, il a été répété que le monde agricole se cache, car les agriculteurs se sentent en quelque sorte rejetés pour les raisons exposées dans les deux points précédents. Cependant, ils reconnaissent aussi que ce « repli » ne les invite pas à communiquer davantage sur leur métier, ne permettant pas aux néoruraux de mieux connaître leur activité. De même, on peut constater aujourd’hui que les agriculteurs sont beaucoup moins représentés dans les conseils municipaux qu’auparavant. La discussion n’est de ce fait pas facilitée pour exposer les contraintes du monde agricole.

• Des discours discordants au sein de la professionLe défaut de communication identifié ci-dessus s’accompagne aussi de la reconnaissance par les agriculteurs qu’il n’existe pas d’unité dans le discours agricole. Le sujet de la consommation foncière semble sensible, par manque d’unicité. Les agriculteurs considèrent cette situation comme une porte ouverte pour les promoteurs immobiliers et de travaux publics.

Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

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• Des contraintes qui se superposent sans harmonisationL’évolution constante des réglementations inquiète le monde agricole. Selon les agriculteurs, les contraintes sont de plus en plus nombreuses. Assez souvent, il y a plusieurs organismes référents en fonction des contraintes. Ces derniers ne communiquent pas toujours entre eux et il en résulte certaines contradictions réglementaires (voir encadré n°4).

• Agacement par le manque d’investissement des élusSi les agriculteurs reconnaissent qu’ils ne s’engagent pas dans des opérations de communication sur leur profession, la plupart font aussi part du manque de reconnaissance des élus du territoire envers l’agricul-ture. L’absence régulière des élus aux quelques réunions de discussion entre agriculteurs et collectivités agace. Cela traduit un intérêt peu prononcé pour l’agriculture. Effectivement, les élus urbains s’ouvrent à des territoires ruraux depuis la création des intercommunalités, mais ils restent peu enclins à discuter avec le monde agricole, soit par crainte, soit par un manque de connaissance de ce que peut apporter l’agriculture au territoire.

Ces points divers montrent l’importance de mener une étude qualitative. On peut identifier un certain manque en matière d’études sociologiques concernant le secteur agricole sur le territoire. Les collectivités semblent désarmées pour mettre en place des mesures de protection des ressources naturelles et enclencher la concertation avec le monde agricole, car une césure s’est effectuée entre le monde urbain (aussi composé des néoruraux) et le monde agricole, comme on peut le voir sur la figure 15.

Figure 15 : Un climat d’échanges difficile entre agriculteurs et collectivités

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Encadré n°4

Exemples de contradictions réglementaires autour de l’agriculture

Préservation des prairies permanentes et talus non tondus

Un grand nombre de communes ont adopté des mesures visant à réduire la tonte des talus pour promouvoir la biodiversité. Cependant, le fait de ne plus tondre les talus a un inconvénient principal sur le territoire : la pousse des chardons. Ces derniers se répandent rapidement, y compris dans les prairies permanentes, où les bovins pâturent. Les vaches sont gênées par ces végétaux et de ce fait, des parcelles en herbe peuvent devenir inexploitables pour les éleveurs.

Or, le maintien des prairies est primordial pour le contrôle du ruissellement, de l’érosion et aussi pour promouvoir la biodiversité. Les agriculteurs éleveurs sont encouragés par les collectivités à maintenir des surfaces en

herbe pour leurs troupeaux, mais cela n’est pas toujours possible si les talus voisins ne sont pas tondus.

Mare et terre polluée

Les sols du Pays de Caux sont sujets à l’érosion, car leur caractère limoneux leur confère une structure très fine. Ceci génère un risque prononcé deformation de croûte de battance pendant les fortes pluies. Cette croûte est semblable à un ciment imperméable et conduit au ruissellement. La disparition des mares et le remembrement des parcelles ont intensifié leproblème puisque l’eau circule librement et termine en général sa course dans les fonds de vallée. Des ouvrages hydrauliques ont été construits pour retenir l’eau, mais des dispositifs de concertation ont parfois également permis d’aboutir à la création d’une mare, que l’agriculteur accepte de faire sur une de ses parcelles. Avec cela, il perd donc en surface de production. L’eau de ruissellement transporte de la terre, qui se retrouve au fond de la mare. Il serait donc logique que l’agriculteur puisse la récupérer pour l’épandre sur la parcelle à nouveau, mais cela est impossible, car cette terre estconsidéréecommepolluée (par lesproduitsphytosanitaires).Aufinal,l’agriculteur perd de l’espace et de la terre.

Chardon-marie, poussant sur les talus - http://fr.wikipedia.org/wiki/Chardon-Marie

Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

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2 - Pistes d’innovation et opportunités – l’agriculteur, véritable acteur du territoire ?

Après avoir posé les bases du climat général quant à la situation entre le monde agricole et les collectivités, les résultats de la discussion sur les scénarios avec l’ensemble des acteurs sont proposés. Il est important de noter qu’on ne parle plus uniquement du discours des agriculteurs, mais aussi de la vision de territoire des autres acteurs rencontrés, qu’ils appartiennent ou non au monde agricole. Les résultats sont exposés en fonction de chaque question posée par les scénarios, ainsi que d’autres points qui ont émergé lors des différentes discussions.

Pistes d’innovation• L’agriculture de firme est-elle la solution ?Le scénario de « l’agriculture, activité phare du territoire » a démontré cette tendance vers une agriculture d’échelle industrielle même si celle-ci pourrait répondre à des normes environnementales plus exigeantes. À l’échelle du SCoT LHPCE, il faut souligner que le cadre périurbain a certainement permis de maintenir des exploitations d’une taille relativement raisonnable de l’ordre de cent hectares ou moins, alors que plus loin sur le plateau, les exploitations grandissent plus vite et il n’est pas rare à présent de rencontrer des exploitations de trois cents ou quatre cents hectares. Pour autant, aujourd’hui, des parcelles du territoire du SCoT LHPCE sont déjà rachetées par de grosses exploitations plus éloignées sur le plateau de Caux. Ce phénomène a une incidence sur le territoire, le paysage et aussi un impact psychologique auprès des agriculteurs voisins de ces parcelles rachetées. Effectivement, ces parcelles restent gérées par des exploitants agricoles, mais qui ne se trouvent pas sur le territoire. Les nouveaux propriétaires ou locataires ont moins d’états d’âme à recourir au remembrement massif. Cela pose un réel problème pour la collectivité, car les sièges d’exploitation en question peuvent se trouver très loin des intercommunalités. La logique d’entreprise peut orienter les choix en favorisant des aspects financiers aux dépens d’objectifs environnementaux, sociaux et humains. L’échelle décisionnelle risque d’être déplacée, dépassant le rôle des agriculteurs chefs d’exploita-tion, peu à peu remplacés par des groupes agricoles ou d’autres entités externes à l’agriculture. Il devient dans ce cas difficile de négocier ou discuter de mesures agro-environnementales.

Cet élément de perte de contrôle ou de capacités d’échanges sur le territoire est à même d’interpeler les agriculteurs ainsi que les collectivités. Voici sans un doute un premier élément de convergence

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susceptible de favoriser des liens nouveaux. Du côté des agriculteurs, c’est la perte de la place de chef d’exploitation, de la « liberté » décisionnelle qui entre en jeu :

« Les agriculteurs sont nés dans l’agriculture et meurent dans l’agri-culture. Ils sont des terriens et sont ancrés dans la terre. Ils ne sont pas habitués à travailler pour d’autres et aiment faire ce qu’ils veulent, avec les seules contraintes que le métier engendre. C’est mieux d’avoir une exploitation plus petite que de travailler pour les Chinois. Par contre, si c’est le seul moyen de rester dans l’agriculture, la question n’est pas anodine et il vaut mieux rester dans la terre. Il y a déjà des exploitations qui sont énormes en Seine Maritime. L’agriculteur ne fait que commander et gère ses 500 ha avec une dizaine de salariés, qu’il n’a pas de mal à trouver, car ceux-ci n’ont pas les moyens de s’installer » (propos d’un agriculteur).

Cette notion de liberté décisionnelle est discutable, car ce terme clamé à nombreuses reprises par les agriculteurs semble tout de même limité. Effectivement, le corporatisme et le système de succession familiale, très puissants en agriculture, rendent difficile l’innovation et l’expérimentation. Les agriculteurs répondent avant tout à des demandes de production provenant des coopératives, à un marché (par exemple celui de la bourse de Chicago pour les céréales) et orientent leurs productions en fonction de la PAC. Cet ensemble leur laisse finalement peu de libertés quant à la gestion des assolements. On peut relever dans la citation, ci-avant, que le rachat des terres est conditionnel au départ à la retraite qui ne génère pas forcément une nouvelle installation, mais l’agrandissement d’une autre exploi-tation, voisine ou non. L’accès au foncier est donc plus que jamais problématique. À ceci s’ajoute le risque de perdre le modèle d’exploi-tation familiale.

Trois pistes évoquées lors des échanges pourraient réduire les effets présentés ci-dessus :

• Des GAEC plus grands

Actuellement, les agriculteurs fonctionnent souvent en association avec d’autres, de la même famille ou non, au sein de Groupements Agricole d’Exploitations en Commun (GAEC), à deux, trois, ou quatre membres. On pourrait imaginer, pour garder cette base organisation-nelle, d’encourager la formation de GAEC plus grands, devenant ainsi plus puissants, à une dizaine d’exploitants. Cette structure permettrait d’insérer les plus jeunes dans le circuit, quand d’autres plus âgés partent à la retraite. De l’extérieur, ceci pourrait paraître comme un groupe de grande taille, mais à l’intérieur, c’est bien l’échelle humaine qui domine. Cela nécessite évidemment une gestion nouvelle, car plus on ajoute de membres dans un groupe, plus les modalités d’or-ganisation doivent être définies. Cependant, le contexte culturel a été évoqué à plusieurs reprises comme élément de blocage :

« Ici, on est Cauchois, on est assez individualiste. Même moi, j’ai fait une expérience d’association, je n’étais pas fait pour ça. Peut-être que nos enfants seront plus intelligents que nous » (propos d’un agriculteur).

• Attractivité pour les jeunes

L’avenir de l’agriculture repose sur l’investissement de la profession dans la réflexion autour des différences problématiques régissant l’agricul-ture, mais aussi et surtout, sur l’investissement des jeunes dans le métier. Ce qui a été dit sur les GAEC précédemment est un élément pour attirer les plus jeunes, mais un travail de communication est nécessaire pour donner une image attrayante du métier. Il est important de noter ici que cette image ne doit pas uniquement être celle de la grande culture, mais celle de la diversité. Avoir une agriculture résiliente au sein d’un territoire suppose en effet une pluralité de modèles agricoles

Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

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complémentaires. La diversité est l’élément clé pour gagner en résistance face à des crises ou à des chocs. La spécialisation de l’agri-culture à laquelle on peut assister aujourd’hui représente un problème pour la « résilience », poussé par le profit immédiat. Le désintérêt pour les activités telles que l’élevage, l’horticulture, le maraîchage et d’autres est questionnant. De même, les métiers para-agricoles souffrent, comme ceux que l’on peut trouver dans les entreprises de location de matériel agricole par exemple. Au-delà d’une certaine ségrégation entre les différents métiers du monde agricole, il est important de souligner la nécessité de renforcer l’attractivité du secteur de l’agriculture aux « hors cadre familiaux », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de famille travaillant directement dans ce secteur. Il est courant d’entendre qu’il existe un protectionnisme au sein du monde agricole et que les extérieurs ne sont pas forcément les bienvenus, d’autant plus que ces derniers sont souvent marginaux par rapport aux idées principales diffusées dans le monde agricole. Or, à travers cette étude, il a été répété de nombreuses fois par des agriculteurs qu’il faut ouvrir la profession aux extérieurs, qui sont porteurs de projets innovants.

• Organiser la session ou la vente des terres lors d’un départ à la retraite

Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont les organismes permettant d’instaurer un contrôle lors de la vente des terres. Elles sont fortes d’un droit de véto quand l’acte de vente est jugé ne pas être en cohérence avec la politique locale et l’intérêt général. Ces entités jouissent également d’un droit de préemption si les accords ne sont pas faits à l’amiable. Ceci permet de libérer de la terre aux porteurs de projets viables, qu’ils soient agricoles ou non. Cet outil pourrait représenter une aubaine pour maintenir les terres agricoles en place, ou pour permettre de vérifier que la vente s’effectue au bénéfice des exploitants agricoles respectant l’agriculture

voisine en place. Certaines voix s’élèvent contre la pertinence du contrôle des structures, car ce dernier ne tiendrait pas compte des réalités économiques. Cependant, l’agriculture gérant un espace très conséquent à l’échelle des territoires, la dérégulation n’ira pas obli-gatoirement dans l’intérêt général. Il semble alors légitime d’exercer une action de regard sur ce qui est fait. Il convient de se demander si l’agriculture est une activité purement économique, ou une activité privée qui entretient des biens publics ? De nombreux exemples dans d’autres secteurs montrent aujourd’hui les conséquences de la dérégulation. Comme il a été précisé plus haut, l’activité agricole, sortie du contexte du système alimentaire globalisé, s’exerce encore à échelle humaine. Ne serait-ce pas une fierté de pouvoir préserver et améliorer ce système ?

Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui la SAFER a un droit de regard sur environ 50% des échanges fonciers. L’autre moitié n’est pas concernée par cet organisme, car les conditions d’actions sont très précises et bien souvent, la SAFER ne peut agir.

Mettre en place un outil performant, en parallèle des autres points d’innovation présentés dans l’étude, permettrait de garder les atouts présents sur le territoire du SCoT LHPCE, tout en les intégrant à une échelle plus grande comme celle de l’estuaire de la Seine.

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• Comment générer du lien entre le territoire et son agriculture ?

• Promouvoir une agriculture diversifiée, sans favoritisme pour la vente directe ou l’export

La question du lien entre l’agriculture et le territoire, soulevée par le scénario de « la fuite vers le plateau », est essentielle. Comme il a été précisé dans le descriptif du scénario concerné, si les aménageurs du territoire se retrouvaient dans l’impossibilité d’exploiter la plaine alluviale, ils se tourneraient probablement vers le plateau de Caux dans un souci de proximité avec l’Estuaire de la Seine. Si ce constat paraît alarmant, il exprime une réalité : les élus semblent ne pas avoir une connaissance approfondie de l’agriculture présente sur leur territoire d’actions. Ils représentent la population et cela signifie que la plupart des habitants du territoire du SCoT LHPCE, l’Estuaire de la Seine, la France et plus largement les sociétés occidentales, n’ont pas conscience de ce que représente l’agriculture. Que produit-on ? Qui produit ? Qui est l’agri-culteur aujourd’hui ? Consomme-t-on ce qui est produit ? Quelle force économique représente l’agriculture ? (voir encadré n°5).

Cette méconnaissance provient certainement du fait que la consom-mation s’est totalement détachée de l’acte de production et vice versa. En d’autres termes, consommateurs et producteurs se côtoient très peu. L’idée, pour tenter de rapprocher les deux entités, n’est pas uniquement de développer ou favoriser une agriculture minoritaire. Travailler sur les circuits courts, bien qu’essentiel, ne suffit pas. Il faut aussi s’attacher à travailler à la mise en place d’une agriculture diversifiée. D’un côté, des activités agricoles de proximité permettraient d’améliorer la sécurité alimentaire locale. De l’autre, l’agriculture d’export représentera un potentiel fort pour le territoire à condition qu’elle devienne durable et qu’elle résiste au développement de l’agriculture de firme. « Durable » comprend les aspects sociaux, économiques et environnementaux.

À cette méconnaissance de l’agriculture s’ajoute un déséquilibre au niveau de la vision du territoire. L’intérêt des collectivités se concentre sur la zone industrielle et sur le port du Havre, tradition (historique) détournant l’attention d’autres réalités présentes et complémentaires. Certes, c’est un secteur d’emploi conséquent, mais est-il durable ? Des débats émergent autour de cet espace économique. A contrario, le secteur agricole, bien que générant moins d’emplois qu’auparavant, a toujours été nécessaire et le sera tout autant à l’avenir. Si un projet résilient était mis en place, le scénario de la fuite vers le plateau se déroulerait certainement d’une manière différente, les habitants et élus seraient les premiers à défendre l’agriculture de leur territoire, conscients de son importance. Les deux modèles économiques présentés dans ce paragraphe paraissent aujourd’hui déconnectés. Il semble pourtant possible d’accentuer leurs complémentarités poten-tielles, élément qui sera détaillé dans les prochains points.

• Créer une logistique pour soutenir et développer les filières courtes

De nombreux agriculteurs ont aujourd’hui orienté une partie de leur production vers des circuits courts, que ce soit en produits laitiers, ou en viande par exemple. Lors des entretiens, ceux engagés dans ce processus ont précisé à plusieurs reprises leur intérêt pour réorienter une plus grande partie de leur production. Cependant, il n’existe pas de soutien logistique fort pour appuyer cette prospective. Permettre d’ancrer certaines productions dans le territoire pourrait dégager des revenus nouveaux aux agriculteurs. Ces revenus seraient alors moins dépendants des marchés mondiaux et offriraient une fonction tampon quant à la volatilité des cours des matières premières agricoles. In fine, cette résistance aux crises, profitable aux exploitants, permettrait de faire gagner en autonomie alimentaire le territoire local.

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Encadré n° 5

Des réalités agricoles contrastées approchées à l’échelle de la CODAH

Une qualité exceptionnelle des sols pour une activité économique majeure

Le territoire bénéficie des terres parmi les plus fertiles d’Europe et d’un climat permettant un large panel de productions. Plusieurs formes d’agriculture cohabitent. Cependant le modèle traditionnel, jouant des complémentarités cultures/élevage, est en déclin au profit de formes très spécialisées d’exploitations (ex : céréaliculteurs, «patatiers»...). Le maraîchage, lui aussi en régression, reste présent essentiellement en périphérie urbaine. L’agriculture valorise 40 % du territoire de l’agglomération et y représente une activité économique majeure. Si l’élevage connaît des difficultésetsetrouveenfortrecul,lesgrandesculturesgénèrentquantàellesdes marges considérables. L’agriculture du Pays de Caux est largement mondialisée (lin pour la Chine, pommes de terre pour l’Espagne, blé pour leMaghreb...).Lesagriculteurssontdeschefsd’entreprisebénéficiantd’unbon niveau d’études.

• En 2010, la valeur de production agricole régionale était de 1,2 milliards d’euros.

• 264 emplois agricoles directs (équivalent temps plein) en 2010 sur le territoire de la CODAH.

• Le maraîchage est pourvoyeur d’emplois : il requiert plus d’1 actif par hectare. Cependant il risque de disparaître du territoire d’ici 10 ans, faute de reprise des exploitations.

• 2 hectares de maraîchage permettent de fournir en fruits et légumes 150 habitants par semaine.

• Le déclin du maraîchage

Au-delà de la production de fourrage pour les animaux, la majeure partie des productions liées aux grandes cultures est vouée à l’exportation. De leur côté, les 21 exploitations maraîchères restantes gèrent un peu plus de 100 hectares cultivés en légumes. 85 % de ces surfaces produisent pour la vente locale (grossiste, vente à la ferme, marchés, cantines scolaires, …) et n’assurent finalementque11 % de l’autonomie alimentaire du territoire. Pour un territoire adossé à des terres aussi fertiles c’est très peu. Il apparaît tout à fait paradoxal d’importer de la nourriture en masse.

• Des techniques pointées du doigt

Si le nombre d’exploitations sur la CODAH a été divisé par 3 depuis le recensement de 1979, leur surface moyenne a elle été multipliée par plus de 2.Afindegérerplusdesurfacesavecunminimumdemaind’œuvreetde s’inscrire dans des modèles portés par la Politique Agricole Commune (PAC), lesexploitationss’intensifientparfoisviadesméthodesdeculturepolluantes, encouragées également par la volonté des consommateurs de réserver une partminime du budget à l’alimentation. Ce qui est flagrantc’est que nous croisons de moins en moins d’agriculteurs et apercevons bien moins d’animaux dans nos campagnes.

Les sols du territoire sont de très grande qualité et indispensables aux cultures. Cependant, nous assistons désormais à des phénomènes d’érosion de plus en plus préoccupants. Les ruissellements ont engendré des inondations et des coulées de boue telles que la CODAH a dû démultiplier le nombre d’ouvrages de gestion des eaux (136 en 2012, peut-être 200 à termes), alors qu’il n’y en avait aucune nécessité avant les années 70. La gestion de ce risque représente un des budgets principaux de la CODAH.

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Cette question de circuit court amène une réflexion sur les questions d’échelles à considérer. L’image de circuit court fait couramment référence aux AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne)

Figure 16 : Différents niveaux d’intégration pour les circuits courts, complémentaires de l’agriculture d’export

« Avoir des structures régionales (couveuse régionale par exemple), avec une mutualisation des filières courtes, soulève la question fondamentale de la logistique. On n'a encore rien fait dans ce domaine-là. Une structure bien organisée pourrait multiplier par 10 le chiffre d’affaire dans cette situation et attirer davantage d’agriculteurs ». (Propos d’un agriculteur).

Les agriculteurs avancent souvent le fait que le circuit court ne génère pas suffisamment de revenus et que cette activité est trop chronophage pour qu’elle les intéresse. Il est crucial, face à cet argument, de travailler à une meilleure communication. D’ailleurs, l’idée n’est pas forcément d’utiliser le circuit court existant, mais d’établir des débouchés novateurs en mobilisant des acteurs de différentes compétences. En ce qui concerne le temps nécessaire à l’activité de circuit court, l’idée de GAEC plus important exposée plus haut permettrait d’organiser les tâches diffé-remment ainsi que de tisser des plus liens plus forts entre les agriculteurs, ainsi qu’entre eux et le territoire. Cela représente une motivation supplémentaire pour promouvoir le maintien de l’exploitation familiale.

qui mettent en place des réseaux à l’échelle d’une ville, mais on peut aussi imaginer d’autres réseaux intercommunaux, départementaux, régionaux, etc. (voir figure 16).

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• Produire avec une plus grande valeur ajoutée

À l’heure actuelle, autour de 90% des productions du Pays de Caux sont exportées à l’étranger. Les céréales sont expédiées au Maghreb (surtout en Algérie), les pommes de terre vers l’Espagne, le lin vers la Chine. Il s’avère que les produits sont souvent exportés à l’état brut. La principale valeur ajoutée qu’ils produisent correspond à leur stockage, dans des silos pour les céréales par exemple. Une à une, les étapes de transformation ont été délocalisées par les pays importateurs et cela représente une clé d’interrogation pour le territoire. Le lin, une des cultures phares de la Normandie, est quasiment entièrement transformé en Chine. La seule étape se faisant encore sur le territoire est celle du teillage (phase d’extraction des fibres provenant des tiges de la plante).

Est-ce pour cette raison en partie que notre agriculture génère peu d’intérêt ? Certainement. Il paraît cependant utopique d’imaginer relocaliser ou reprendre les parts de marchés perdues. Ne pourrait-on pas en revanche explorer de nouveaux débouchés pour valoriser les cultures, ou des filières permettant l’arrivée de nouvelles cultures ? Des exemples de diversification de production ont déjà émergé. Le lin n’est pas uniquement destiné au textile à présent. Deux nouveaux débouchés ont été créés localement. Le premier correspond à l’incor-poration des fibres de lin dans un matériau de construction en terre (Cématerre ®), le second permet quant à lui l’utilisation de ces fibres dans les portières de voiture (EcoTechnilin ®).

• Vers de nouvelles filières ?

La recherche de nouvelles filières représente l’avenir pour générer des débouchés viables et durables valorisant l’agriculture du territoire. La quête de valeur ajoutée s’articule autour de la mise en place de projets innovants, si possible non délocalisables, afin qu’ils durent dans

le temps. On peut imaginer différentes possibilités (voir encadré n°6). Ce qui est important dans cette démarche est la recherche de points de performances additionnels à l’argument économique. Certes, cet argument permet de convaincre les chefs d’exploitations agricoles, mais une vision globale permet de dégager une série d’avantages pour le territoire. Le scénario de l’agriculture activité phare du territoire rappelle que l’Estuaire de la Seine possède un fort potentiel marin. Les ressources marines n’ont pas été mobilisées. L’éolien offshore est à ses débuts, mais il existe d’autres sources. Outre l’hydrolien, l’aquaculture d’algues peut par exemple se positionner comme symbole moteur d’une transition de la zone industrielle vers la chimie verte, à des fins énergétiques, mais aussi alimentaires. Cet aspect alimentaire ne correspond pas uniquement à la consommation de ces algues, mais aussi (et surtout) au potentiel énergétique et à l’apport d’une possible fertilisation des terres avec ce produit inépuisable et propre si l’on en maîtrise la production d’un point de vue écologique. Peut-on y voir ici un des prémices de l’économie circulaire ?

Pendant les entretiens avec l’ensemble des acteurs, il est ressorti l’intérêt de développer ce potentiel de nouvelles filières au sein des petites et moyennes entreprises (PME). Celles-ci représentent certai-nement la clé vers une réactivité efficace par rapport à des grands groupes agro-alimentaires ou énergétiques. La force novatrice de cette échelle d’entités économiques s’accorde davantage avec l’idée d’une diversité sur le territoire. Cette diversité peut aboutir, à termes, à une « résilience ». Des PME travaillant en partenariat avec les GAEC, créatrices d’emplois, donneraient du crédit à une force politique encore tournée vers les géants industriels.

À titre d’exemple d’échelle de travail à dimension humaine, on peut citer la méthanisation. Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de cette forme d’utilisation du fumier produit en

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Encadré n° 6

Vers de nouveaux débouchés pour l’agriculture du territoire

Les propositions présentées ci-dessous doivent être considérées comme des pistes à approfondir et à ajuster en fonction des réalités de terrain. Il s’agit plutôt d’une démonstration concernant la recherche. Ces idées ont été proposées par certains acteurs rencontrés (Fondation Sefacil, Grand Porte Maritime de Rouen et agriculteurs)

La mise en valeur de l’élevage pour répondre à un besoin en lait croissant

La Normandie produit 15% du lait français (deuxième grande région productrice de lait derrière la Bretagne). En parallèle, certaines régions du monde commencent à exprimer de forts besoins en consommation de lait, notamment en Chine et en Afrique. Ces régions sont en recherche de quantitéet/oudequalité.Mêmesil’élevagetendversuneintensificationavec l’essor de la stabulation permanente, on pourrait imaginer produire un lait de qualité supérieure avec une étape de mise en poudre (car exporter du lait liquide est trop coûteux). Ce débouché, pourrait aider à conserver les prairies permanentes, car la qualité du lait de vaches élevées en plein air est supérieure. Cela pourrait représenter un argument de communication incontestable. De plus, il est intéressant de noter que le port du Havre ne possèdepasdefilièredeproduitsfrais,résultatd’unchoixstratégiquedese spécialiser en activité conteneur et en pétrole. Le fait que l’Axe Seine n’exploiteabsolumentpascettefilièrepeutsemblerregrettable.Pourquoinepasdiversifierl’activitéduportetexploitercetteaubaine?

(On considère que le lait en poudre n’est pas obligatoirement un produit frais, mais la discussion sur le lait pose la question des produits frais à une échelle plus large.)

agriculture. Même s’il est nécessaire d’avancer avec précaution dans ce domaine (un certain nombre de projets ne s’avèrent pas orientés dans une démarche de production durable, uniquement conduits pas l’attrait économique), des projets sont à l’étude et certains ont déjà été mis en place. L’idée n’est pas d’installer un méthaniseur par exploitation agricole, ce qui rendrait l’exploitant dépendant de l’instal-lation, mais de regrouper cinq à dix exploitations pour faire fonctionner un méthaniseur et alimenter une petite ville ou un village en gaz. A priori, le digestat issu du processus de méthanisation peut être utilisé pour fertiliser les champs. La combinaison de fumier et de digestat permet de gagner en indépendance quant à l’utilisation des engrais chimiques (azote minéral).

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Ainsi, cette opportunité économique pourrait valoriser une image déjà existante sur le territoire, tout en ayant un avantage environnemental. Ce gage de qualité est nécessaire pour pouvoir faire perdurer un élevage à taille humaine, sans forcément s’orienter vers l’élevage industriel en stabulation.

La création d’une filière bois

Iln’existepasàproprementparlerdefilièreboissurleterritoireduSCoTLHPCE et sur la Pointe de Caux. 121 000 tonnes de bois mobilisables ne sont pas exploités à l’échelle de l’Estuaire de la Seine. Mettre en place des projets de chaufferie collective (en plus de la méthanisation), en alimentant en partie les installations avec du bois produit localement permettrait d’augmenter le revenu des agriculteurs s’ils installent des haies autour des parcelles. Cet effet permettrait d’ailleurs de réduire le ruissellement et s’insèrerait dans le schéma de transition énergétique à l’ordre du jour de la politique nationale en 2014. Il est important de préciser qu’on ne peut alimenter une chaufferie uniquement avec les haies, mais cela peut constituer une part non négligeable de l’apport.

Source : AURH

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• Trouver des symboles forts

Ce qui a été présenté ci-dessus fait partie d’un potentiel latent sur le territoire, qu’il serait intéressant de dynamiser. Des symboles forts permettraient d’illustrer et de mettre en valeur les innovations locales. On peut faire référence à une image attractive pour le tourisme, comme peut l’être l’agriculture du Pays d’Auge, générant un débouché économique aux agriculteurs en place. Une communication accompagnant les projets peut être bénéfique pour l’ensemble des acteurs. Elle doit être multidirectionnelle. Une partie doit bien-sûr être dirigée vers la population locale, mais cette communication doit aussi viser l’extérieur du territoire pour générer de l’attractivité.

L’image d’un territoire tourné vers l’avenir, libéré de sa dépendance alimentaire, énergétique et développant de la chimie verte en lien avec une agriculture productive et durable, peut attirer des populations depuis l’extérieur. Valoriser des produits agricoles avec des labels, communiquer de manière positive sans alarmer la population, mais en restant réaliste sur les dangers actuels de l’agriculture pour les surpasser peut être une bonne stratégie. Cette notion de réalité s’accompagne d’une veille scientifique, permettant de valider les avancées techniques en matière d’agriculture durable. Une des réactions automatiques pendant les entretiens avec les agricul-teurs concernant l’agriculture biologique a été la suivante : « le bio peut-être, mais on ne produira pas ». Quelles études le montrent ? Sont-elles indépendantes ? Pour qui produit-on ? Il a souvent été stipulé qu’il faut laisser la recherche faire son travail à propos des nouvelles technologies agricoles telles que les Organismes Génétiquement Modifiés. Il est vrai que pour avoir un avis définitif sur les OGM, il faut pouvoir mener les recherches jusqu’au bout. Il en est de même pour l’agriculture biologique. Sur le plan de la sécurité sanitaire relative aux produits phytosanitaires, un certain nombre d’hypothèses quant

à l’exposition du consommateur, du producteur et de l’impact sur la biodiversité et l’environnement sont vérifiées par des études de plus en plus nombreuses. Chaque année, la pression s’alourdit sur les épaules des groupes industriels commercialisant ces produits. Le plan Ecophyto 2018 visant à réduire de moitié l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2018 a été lancé, mais il n’en est rien, la consommation continue de progresser d’année en année. Les agriculteurs se sont pour la plupart exprimés sur ce sujet. Ils se sentent concernés, mais il n’existe pas de réelle sensibilisation professionnelle à ce sujet. Ne pourrait-on pas apporter un soutien à ce niveau, de la part des collectivités ? De plus, n’y a-t-il pas un lien entre la réduction de l’emploi agricole et l’utilisation des produits phytosanitaires ? La création d’emplois est liée à la mise en place de filières qualitatives, non pas en référence à une agriculture passéiste, mais à de nouveaux modes d’organisation et de production.

Cette remarque sur les débats à propos de l’agriculture montre le besoin d’une communication indépendante et solide, qui permettra d’asseoir les symboles forts, valorisant l’ensemble des activités agricoles sur le territoire. Cette communication doit être globale et non basée sur quelques chiffres créant la stupeur quand on les considère séparément de leur système. Dans la continuité de cette réflexion, les symboles ne doivent pas s’adonner au favoritisme entre l’agriculture de proximité et l’agriculture exportatrice.

Les pistes d’innovation sont illustrées dans la figure 17. L’ensemble des éléments sont interconnectés, d’où les « ponts » entre les différentes cases. Il est important de préciser que ce ne sont pas les seules qui ont été proposées, mais celles qui ont été le plus partagées entre les acteurs rencontrés.

Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »

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Des pistes complémentaires ont été évoquées par certains acteurs, notamment les agri-culteurs :

• Organiser un certain contrôle de la grande distribution, pour assurer un prix de vente décent.

• Encourager les agricul-teurs pouvant se le permettre de mettre à disposition un hectare ou plus où pouvoir accueillir une activité de maraîchage...

Figure 17 : Pistes d’innovation pour asseoir la place de l’agriculture sur le territoire

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Opportunités• Redéfinir et enrichir le métier d’agriculteur ?

• Accepter la diversité agricole

Comme il a été précisé auparavant, le monde agricole affiche de nombreuses discordances, sans pour autant qu’il existe une solidarité palpable entre les différentes catégories d’exploitations. Entre maraîchers, éleveurs, céréaliers et d’autres, un certain dénigrement semble exister. Un véritable fossé idéologique caractérise ici la distinction entre agriculture conventionnelle et agriculture biologique. Par exemple, il a récemment été avancé par un dirigeant d’un syndicat agricole que « celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n'est pas agriculteur » (source Le Monde du 07/07/2014). Celui qui produit peu ne semble être pas considéré comme agriculteur. Toutefois, son activité est-elle vide de sens ? Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre une certaine grogne chez des agriculteurs de grandes exploitations quand une petite agriculture contractualise pour entretenir des espaces verts.

Ce précis sur la diversité agricole amène à s’interroger sur l’image du métier d’agriculteur. Une résistance au changement se fait sentir sur ce sujet. On pourrait croire que cette image de producteur est à l’affiche depuis plusieurs générations. Néanmoins, cette tradition est récente. La diversité étant une des clés de la « résilience », le monde agricole affiche-t-il une image de « résilience » en misant sur le productivisme absolu ?

• Un agriculteur seulement producteur ?

Réfléchir sur la place de l’agriculture dans le territoire amène à porter une attention particulière à la définition du métier d’agriculteur. Après la seconde guerre mondiale, la PAC a permis d’orienter la dynamique de production vers une sécurité alimentaire accrue, par un système d’aides financières aux agriculteurs les encourageant à produire le plus

possible, tout en protégeant le marché européen des prix extérieurs plus faibles. Dans ce contexte, l’agriculture française s’est modernisée, mécanisée, cette évolution s’accompagne de l’arrivée des produits phytosanitaires, permettant une forte croissance des rendements.

L’état d’esprit de production et de recherche de rendement maximal est pour ainsi dire né dans les années 60 et a été fortement promu par l’intermédiaire de l’enseignement agricole. Mais rapidement, une situation de surproduction est apparue, démontrant l’efficacité des débuts de la politique agricole européenne. Une des réformes de la PAC, celle de 2003, a apporté une modification visant à découpler les aides financières de la production, en attribuant les aides par rapport à la surface de l’exploitation. Malgré ce changement, l’idée de production est restée centrale aux yeux des agriculteurs. Une autre réaction automatique quant à la question de produire autrement a été la suivante : « il faut nourrir la planète, on nous demande toujours de produire plus et l’on doit investir pour produire plus ». Certes, les besoins à l’échelle mondiale sont croissants. En revanche, ne conviendrait-il pas mieux de s’interroger sur le système alimentaire que l’on exporte ? De même, qu’en est-il de la liberté tant clamée par les agriculteurs ? Il existe ici une sorte de blocage dans la représentation du métier d’agriculteur. Parallèlement, la société semble attendre d’autres choses que la production : qualité et sécurité sanitaire, nourriture locale, paysage, qualité environnementale… Un décalage s’est créé.

Le métier d’agriculteur est en recherche de valorisation au sein de la société civile. N’est-ce pas là une opportunité à saisir ? À plusieurs reprises pendant les échanges avec les agriculteurs, l’idée d’entretenir le territoire comme aux Pays Bas a été formulée. Il y a certainement un décalage au sein de la profession agricole entre réalité actuelle et aspirations. Certains reconnaissent que la profession s’est enfermée dans le productivisme et que le changement dans les mœurs est

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difficile à obtenir. Les agriculteurs peuvent devenir acteurs du territoire. Outre la production, ils peuvent entretenir un cadre de vie que l’on peut considérer d’une certaine manière comme bien public. L’idée de symbole fort proposée plus haut peut trouver ici une place intéressante, comme par exemple l’image d’une eau courante propre, filtrée grâce à des pratiques innovantes des agriculteurs du territoire.

L’idée d’un partenariat entre agriculteurs et collectivités est à l’ordre du jour en France et dans d’autres pays comme l’Allemagne ou les États Unis. On peut parler de contractualisation, c’est-à-dire de rému-nération des agriculteurs pour les services qu’ils rendent à la collectivité. Toutefois, ces programmes nécessitent une confiance réciproque entre le monde agricole local et les pouvoirs publics en place ainsi qu’une forme de pérennité. Cependant, il convient de répéter que les pouvoirs publics ont intérêt, parallèlement, à ne pas favoriser uniquement l’agriculture minoritaire et ne pas non plus diffuser l’image de l’agri-culture passée. Il est à noter qu’une grande partie de la population considère l’agriculture au travers d’un imaginaire passéiste et pittoresque, en décalage avec la réalité des choses.

Pour faire le lien avec ce qui a été dit auparavant, une opportunité pour le monde agricole de gagner en valeur aux yeux des citoyens, serait de travailler avec plus de solidarité dans une logique de coopération, tout en acceptant la diversité agricole, mais en gagnant en capacités de communication avec un discours cohérent et harmonisé.

• Un climat de confiance à rétablirÀ l’heure où les collectivités locales du territoire du SCoT LHPCE et plus largement de l’Estuaire de la Seine débutent des programmes agricoles, il paraît pertinent d’établir un certain nombre de points dont l’application permettra de faciliter les échanges avec le monde agricole, en fonction du climat décrit plus haut. Ce qui a été entrepris par les pouvoirs publics n’a pas toujours conquis les acteurs agricoles. Il est à présent important d’admettre certaines erreurs, certains décalages et valoriser le rôle de l’agriculteur. Des actions ont déjà été entreprises à l’échelle du SCoT. Le FILA (Fond d’Initiative Locale Agricole) permet de subventionner certains projets innovants et favorables au développement durable. Le SCoT LHPCE approuvé en 2012 a également montré des évolutions en faveur du monde agricole, en permettant d’inscrire le déclassement de terres urbanisables en terrains agricoles dans le Plan Local d’Urbanisme d’Oc-teville-sur-Mer. Au-delà de ces éléments, la conscience selon laquelle il faut considérer l’agriculture avec sérieux émerge au sein du SCoT.

• Choisir l’angle d’approche

Les agriculteurs expriment unilatéralement : le choix de l’angle d’approche à utiliser pour engager un processus de concertation. Chefs d’entreprise avant tout, ils souhaitent d’abord discuter de viabilité économique dans tout programme qu’on peut leur présenter. On constate que l’angle d’approche environnementale n’est pas bien reçu par les agriculteurs qui considèrent qu’il est devenu synonyme de contraintes sont trop nombreuses. Si une concertation est uniquement orientée vers des mesures environnementales, elle n’invite pas à la discussion. Dans le rapport de confiance à établir, il est important de noter qu’il est parallèlement nécessaire que le monde agricole reconnaisse certaines externalités négatives générées par ses activités et accepte que les collectivités doivent répondre à des normes qu’elles ne régissent pas (protection de l’eau par exemple).

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Par conséquent, rétablir la confiance implique d’engager une concer-tation en appliquant les principes du développement durable, c’est-à-dire en engageant les trois thématiques : sociale, économiques et environnementales, sans favoriser l’une ou l’autre. Cependant, entamer les discussions avec des projets et des perspectives économiques permettraient de calmer certaines ardeurs et rompre avec les usages de ces dernières années.

• Donner la possibilité de faire du cas par cas

L’échelle de la collectivité, face au géant de la PAC européenne, possède un atout incomparable. De facto, la mise en place d’un schéma agricole résilient est subordonnée à la connaissance des agriculteurs ainsi que de l’ensemble des acteurs du monde agricole, dans l’optique d’une proximité accrue pour mieux se comprendre. Face au corporatisme agricole, pouvoir négocier face à face avec les agriculteurs individuellement permet de mettre en valeur la force novatrice de chacun, sans le regard de l’autre. Pour reprendre le point précédent, cette approche permet d’établir une confiance et de donner du crédit à l’agriculteur. Des négociations avec les agriculteurs impliquent automatiquement un contact rapproché avec les négoces, les coopératives. Ces entités influentes sont également des acteurs du territoire à considérer et à responsabiliser.

• Se rapprocher entre collectivités

La journée séminaire l’a démontré : la richesse des idées générées lors des échanges entre techniciens des différentes collectivités est remarquable. Le territoire de l’Estuaire de la Seine possède la technicité pour mettre en place un projet agricole durable, d’envergure et viable. L’harmonisation et la collaboration permettront d’avancer plus efficacement, en prenant en compte le maximum d’éléments pour en asseoir la crédibilité. De surcroît, le manque de communication

entre collectivités augmente le risque d’aboutir à des répétitions, ou encore à des contradictions, discréditant les techniciens en place. Un grand nombre de techniciens rencontrés, mais aussi d’agriculteurs, contestent la posture de la chambre d’agriculture de Seine Maritime qui semblerait, trop éloignée de l’action collective. Serait-elle un peu enfermée dans la défense d’un système agricole unique faisant peu d’émules au sein des collectivités ? Même si une tendance à l’ouverture a été observée, elle ne paraitrait pas encore suffisante.

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• Reconsidérer la gestion des espaces naturels

En France, la politique environnementale a d’abord privilégié la protection des zones naturelles, afin de préserver des surfaces de richesse exceptionnelle. Ces espaces « remarquables » ont été protégés de manière plutôt efficace, mais un inconvénient surligne le déséquilibre généré par cette gestion : le focus sur ces espaces a conduit à un certain laisser-aller sur l’ensemble des autres espaces, dits de « nature ordinaire ». Or, cette dernière est essentielle. La « résilience » n’est pas uniquement conditionnelle de « hotspots » de biodiversité, mais bel et bien d’un ensemble équilibré. Les programmes de trame verte et bleue, ou corridor écologiques, visent à conserver un patrimoine écologique sur des espaces réduits, alors qu’un programme à l’échelle du territoire semblerait plus adéquat. On parle de changement de vision au sein du monde agricole, mais des changements sont aussi nécessaires au sein des collectivités en France. Par exemple, un grand nombre de techniciens recrutés pendant les dix à vingt dernières années ont un profil naturaliste et ont un idéal à propos de la nature qu’il est nécessaire d’adapter pour entamer des négociations avec le monde agricole.

• Considérer l’approche systémique

À l’heure actuelle, les collectivités sont organisées en services (service de l’eau, services des déchets, services du développement durable, etc.). Les techniciens de ces services se parlent-ils réellement ? La mise en place d’un projet global nécessite un travail transversal, dit approche systémique, pour pouvoir développer la cohérence au niveau des propositions d’actions. La mise en place d’un service « système alimentaire », qui regroupe l’ensemble des techniciens compétents dans ce domaine, pourrait dynamiser la réflexion. Les techniciens n’auraient pas d’étiquette clairement définie et leurs compétences seraient mobilisées en fonction d’un problème à résoudre. Autrement

dit, une plasticité organisationnelle permettrait de mettre en lien des individus qui coopèrent peu, alors que leurs compétences pourraient apporter beaucoup à la discussion. Convier des experts sur les risques, le tourisme, l’eau, le développement économique pour parler d’agri-culture peut paraître déplacé à première vue, mais l’espace couvert par l’activité agricole est tel, que chacun est concerné.

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En synthèse, voici schématiquement sur la figure 18, l’ensemble des opportunités à exploiter pour intégrer l’agriculture à des projets de territoire.

Figure 18 : Opportunités pour passer outre certaines difficultés, vers un projet agricole cohérent à l’échelle du territoire

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III - Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

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Les principales attentes des acteurs du territoire rencontrés ont été présentées, rendant compte des résultats de l’étude. Un certain recul a été pris afin d’organiser ces attentes, dans l’optique de poser les fondements d’un projet de territoire résilient. L’ensemble des idées récoltées seront d’abord replacées dans le contexte de la « résilience », puis dans celui d’une réflexion sur le système alimentaire. Une stratégie d’action sera par la suite proposée (voir figure 19), destinée à l’ensemble des aménageurs du territoire et des acteurs pouvant être concernés, qu’ils appartiennent au monde agricole ou non.

1 - L’enjeu de la « résilience » pour l’action publique

Même si le terme de « résilience » a été abordé à quelques reprises, il est important de replacer cette étude qualitative sur l’agriculture dans un contexte d’adaptation aux changements socio-économiques et climatiques à venir. Le travail de scénario effectué a permis de dégager une liste d’événements tendanciels concernant l’avenir du territoire dont on peut rappeler certains ici :

• dépendance vis-à-vis du prix croissant des énergies fossiles,• évolution des normes sanitaires (tolérance réduite),• perte d’attractivité de la zone industrielle pétrochimique,• instabilité de l’occupation des sols avec l’élévation du niveau de la

mer.Le questionnement sur la « résilience » concerne l’ensemble des activités du territoire du SCoT LHPCE, de l’estuaire de la Seine, ou bien encore de l’Axe Seine. L’agriculture en fait partie. Représentant un espace important du territoire (deux tiers du territoire du SCoT LHPCE), cette activité est aujourd’hui dépendante des énergies fossiles et il est prouvé que l’évolution de leur prix se répercute sur celui des aliments. L’évolution des normes sanitaires concerne la zone industrielle et certaines activités agricoles. Si l’on s’intéresse au système alimentaire local, on observe une réelle faiblesse concernant le potentiel d’autonomie alimentaire. 90% de l’agriculture en place est tournée vers les exportations, sans que le territoire puisse en profiter. L’exportation est une force, mais elle pourrait générer davantage de valeur ajoutée, créer des emplois, tout en laissant une place plus importante à des circuits locaux. On peut remarquer un certain paradoxe entre le fait d’avoir des terres riches et un climat favorable dont le potentiel permettrait avant tout d’être autonome d’un point de vue alimentaire et le fait d’importer la quasi-totalité des produits alimentaires que nous consommons.

Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

Figure 19 : Propostion d’action

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La pollution générée par les activités agricoles, même si des progrès ont été réalisés par le monde agricole dans ce domaine, coûte cher aux pouvoirs publics et collectivités locales. On parle ici de dépollution à court terme, notamment celle de l’eau. Il a été montré dans d’autres pays que la mise en place de programmes préventifs en partenariat avec les agriculteurs permettent de réduire considérablement les coûts de traitement. Par exemple, à Munich, la mise en place d’un programme d’intervention avec les agriculteurs en place pour obtenir une eau de meilleure qualité s’est traduit par une hausse de 0.005€/ m³ contre une hausse de 0.23€/m³ si une unité de traitement avait été installée. De même, à New York, un projet similaire a coûté 1,4 milliards de dollars, alors que l’installation d’une usine de traitement aurait engagé un coût de six milliards de dollars et 250 millions de dollars par an pour l’entretenir. Dans un contexte de réduction budgétaire des collectivités françaises, réfléchir à un programme d’envergure de la sorte pourrait représenter une opportunité réelle, permettant de mettre en valeur les agriculteurs dans leur contribution à l’amélioration de la qualité de l’ensemble des habitants du territoire.

L’impact de cette pollution sur la santé et l’environnement à long terme est difficilement chiffrable, mais on peut tout de même penser que la facture que l’on laissera aux générations futures sera lourde. En matière de risques, il en va de même de dire que la gestion curative, sans réfléchir en amont sur les pratiques, n’apporte pas de vertus notables pour atténuer à long terme l’impact des phénomènes mé-téorologiques extrêmes (orages).

On peut donc conclure que le territoire n’est pas réellement résilient à l’heure actuelle. Les scénarios, mêmes s’ils sont extrêmes, ont montré que la capacité de résister à une crise est aujourd’hui réduite. Le choc ne peut être en général que subi, même si un autre modèle se développe après. Une réflexion pour développer des actions durables

s’impose. Il est important de rappeler un des principaux résultats bruts de l’étude : le climat actuel régnant entre le monde agricole et les pouvoirs publics. C’est pour cette raison que la méthode qualitative a été choisie pour ouvrir la discussion entre différents acteurs. Cette approche est trop souvent délaissée, au bénéfice de l’action technique. Celle-ci est importante, mais réfléchir la faisabilité sociale d’un projet conditionne sa réussite. Dans ce même ordre idée, utiliser des projets réalisés à l’extérieur du territoire, comme par exemple ceux de Munich ou New York concernant la qualité de l’eau, en les calquant simplement est voué à l’échec. Les conditions de ces derniers sont différentes, car le contexte culturel l’est également.

Ainsi, la vision stratégique proposée ci-dessous n’est pas vouée à expliciter des exemples techniques concrets, mais à définir un cadre d’étude indispensable à la réalisation des projets qui pourront être développés dans le futur. L’approche qualitative est de ce fait aussi utilisée pour déterminer l’articulation d’un travail à l’échelle du territoire du SCoT LHPCE, de l’Estuaire et de l’Axe Seine.

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Encadré n°7

Approche chiffrée du budget français pour l’alimentation et l’agriculture

Onvoitsurlafigure20quelebudgetpourlaPACalourditlepostededépense.On entend souvent que le budget pour l’alimentation est aujourd’hui trop élevé, mais on oublie souvent de préciser que notre mode d’alimentation conditionne les pratiques agricoles, que nous payons à travers les impôts. Réduire les prix pourrait-il réellement permettre un niveau de vie décent pourlesagriculteurs?Sil’oncontrebalancecettebaisseparunehaussedesprélèvements pour la PAC oui, mais cela n’a pas grand intérêt. De plus, il est primordial de préciser qu’on ne prend pas en compte les externalités négatives agricoles dans cette estimation de budget.

À l’échelle française, il n’y a pas eu d’estimations réalisées à propos de ces externalités. Aux États Unis, elles s’élèveraient à neuf milliards d’euros par an pour les pouvoirs publics, sachant que l’étude utilisée ici date de 2004 et que les méthodes concernant l’estimation monétaire des externalités ont évolué. On peut donc penser que la facture serait bien plus lourde. Si l’on répercute ce prix sur le budget alloué à l’alimentation, on s’aperçoit alors de lafacturecolossalequecelareprésente.Devons-nouscontinuerainsi?Il parait évident de reconsidérer notre manière de consommer. Réduire uniquement le budget alimentaire engendrerait des techniques impactant davantage l’environnement et la santé. En revanche, raisonner sur le budget global, c’est-à-dire alimentaire, agricole et environnemental permettrait certainementd’entameruneréflexionpourtransformernotreagricultureafinqu’elle devienne durable pour le producteur et pour le consommateur.

On observe sur la figure que le prix de l’eau n’est pas inclut dans lesdépenses pour l’alimentation. Or, ce secteur ne cesse d’engager des dépenses croissantes. Il est intéressant de noter que la Haute Normandie est une des régions où l’eau est la plus chère en France.

Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

Figure 20 : Budget pour l’agriculture et l’alimentation en France (données 2013)

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2 - Une vision stratégique basée sur une réflexion sur le système alimentaire

Mettre en place un projet de territoire intégrant l’agriculture à part entière ne va pas sans questionner sur système alimentaire. Les aliments que nous consommons aujourd’hui s’insèrent dans un système mondialisé, déconnecté de l’acte de production, où l’on peut trouver ce que l’on désire quelle que soit l’époque de l’année. On peut s’interroger sur les coûts réels de ce système (voir encadré n°7). L’apport protéique augmente, le repas carné quotidien est aussi complètement entré dans les habitudes alimentaires. Néanmoins, l’impact d’un tel système n’est pas négligeable. En Europe, l’entretien de ce dernier est extrêmement coûteux. L’unique support de l’acte de production (la PAC), comme il a été précisé au début du rapport, représente 40% du budget européen, sans intégrer la gestion des externalités négatives. Nos activités ont des conséquences importantes sur notre cadre de vie, mais aussi sur celui de régions du monde extra-européennes. Prenons l’exemple de l’élevage breton, aujourd’hui pointé du doigt pour sa responsabilité dans le développement des algues sur les plages : il faut importer du soja sud-américain, générant de la déforestation, pour nourrir les élevages de porcs et de volaille, concentrés dans cette région. Les rejets d’azote sont massifs, impactant la qualité de l’eau et la qualité touristique du littoral. Ce système produit beaucoup de viande, qui est exportée en Amérique du Sud (ou d’autres régions), en faisant du « dumping », c’est-à-dire en vendant à des prix modiques, cassant les marchés locaux. Est-il convenable de soutenir un tel schéma ?

Il est souvent avancé que le consommateur peut décider de ce système. Or, il a récemment été prouvé qu’il est extérieur à l’ensemble des décisions qui sont prises concernant notre système alimentaire, comme on peut le voir sur la figure 21. Cette dernière représente la situation actuelle sur le cercle d’écriture périphérique. On observe dans cette liste que le consommateur ne semble pas intervenir. À l’intérieur du cercle, dans les hexagones, est proposée une organisation alternative du système alimentaire, où le consommateur occupe une place égale aux autres.

Figure 21 : D’un système alimentaire vers un plan alimentaire plus durableSource : Présentation IUFN (International Urban Food Network)

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3 - Axes de travail pour entreprendre un projet agricole territorial durable

La principale idée structurante pour ces axes de travail repose sur le fait que la première étape vers la « résilience » correspond à une meilleure entente entre les acteurs. Cet élément repose sur la stratégie de valorisation de l’agriculture telle qu’elle est aujourd’hui pour instaurer la confiance auprès des acteurs du monde agricole (correspondant à « l’adaptation des formes agricoles présentes », argument présenté dans l’encadré n°1). Pour ce faire, valoriser l’agriculture d’export est nécessaire. Ce modèle est aujourd’hui majoritaire. Si l’on veut toucher et inciter le maximum d’agriculteurs à participer à une démarche de projets de territoire incluant l’agriculture à part entière, il faut donc travailler à valoriser leur activité. Ainsi, Mettre l’accent sur cette agriculture, permettra par la suite d’engager une concertation efficace et proactive à propos de la protection des ressources, ce qui intéresse directement les pouvoirs publics. Ce processus est plus lent, certes, mais porteurs de résultats plus durables.

Définir les enjeux des différentes parties prenantesLa base d’une communication accrue entre le monde agricole et les pouvoirs publics représentés par les collectivités territoriales du SCoT LHPCE ou d’une zone plus large telle que l’Axe Seine consiste avant tout en une meilleure connaissance réciproque de chacun. Les enjeux s’établissant autour de l’agriculture ne sont

pas forcément les mêmes, comme on l’a vu plus auparavant, avec ce décalage qui s’est établi. Les enjeux à long terme, en se questionnant sur l’agriculture de demain, sont a priori assez proches. Ceux du monde agricole sont représentés dans la figure 22.

Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

Figure 22 : Les différents enjeux interdépendants du monde agricole

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La liste n’est pas exhaustive et pourra être complétée lors des prochains travaux. S’il a été évoqué que la « résilience » est réduite à l’échelle du territoire, celle des exploitations agricoles, notamment en zone périurbaine, doit être interrogée. La tendance à la spécialisation, permettant de gagner en rentabilité à court-terme, n’est pas nécessairement un facteur de « résilience » en cas de crise ou de choc. D’ailleurs, un certain nombre d’agriculteurs rencontrés ont exprimé leur satisfaction à propos de leur système de polyculture élevage, car il leur permet de résister par rapport à des crises du lait, ou des cours céréaliers.

En ce qui concerne les collectivités, les enjeux agricoles sont les suivants (voir figure 23) :

Sur cette figure, on remarque que les termes plus généraux ne sont pas spécifiques au secteur agricole. L’emploi, pour les collectivités, peut s’apparenter à la relocalisation de la transformation, à la compé-titivité et la formation, l’attractivité pour les jeunes. L’autonomie alimentaire correspond à l’équilibre entre local et export ; la préservation des sols à la gestion des inondations et la sécurité sanitaire. Le bon équilibre d’un sol permet effectivement de réduire l’utilisation de certains produits chimiques, comme les fertilisants. Confronter les enjeux de chacun, permet d’une part de créer un contact, mais aussi de trouver des priorités communes, même si elles ne sont pas formulées de la même manière. Figure 23 : Les enjeux autour de l’agriculture pour les collectivités

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Trois axes de travail à considérer dans une optique d’approche systémiqueDéfinir et mettre en place un projet agricole durable au sein d’un territoire est un processus progressif, d’autant plus, si l’on souhaite obtenir des résultats probants et d’envergure. Trois axes de travail émergent de l’étude réalisée et sont représentés dans la figure 24.

Ces trois axes (communication, stratégie filière, coopération) ne pourront être entrepris que si une logique de co-construction s’installe entre les parties prenantes. Le fait de les représenter en cercles se chevauchant signifie qu’il n’y a pas d’ordre chronologique, ni de priorités à appliquer.

Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

Figure 24 : Trois axes de travail, à appréhender en co-construction

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Si un focus est appliqué, le schéma ci-dessus évolue de la manière suivante :

Figure 25 : Trois axes de travail impliquant chacun diverses actions

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• Communication :

Pour combler un manque de connaissance identifié durant l’étude, une communication efficace et coordonnée est nécessaire. Trois volets composent cet axe de travail.

En ce qui concerne la formation, il s’agit de veiller à ne pas discréditer l’agriculture et informer sur ses fonctionnalités dès le plus jeune âge, mais aussi dans le monde étudiant. Un enseignement égal et bien-veillant en fonction des différents secteurs agricoles doit présenter la réalité des métiers. L’image dégradée du métier de maraîcher est encore trop présente. De même, orienter les étudiants agricoles vers les filières qui génèrent un maximum de profits n’est peut-être pas l’option à adopter. En termes d’enseignement, il s’agirait plutôt d’être dans l’agronomie que la mécanique agricole.

Des opérations de communications sont nécessaires entre le monde urbain (dont font partie les néoruraux) et le monde agricole, pour que chacun comprenne le style de vie de l’autre. Les acteurs sont présents sur le territoire, il ne s’agit pas de revenir en arrière. Comprendre les contraintes et aspirations de l’autre aide à devenir plus tolérant. C’est la première étape afin de développer une connaissance approfondie des citoyens du territoire sur les activités qui s’y déroulent. Le port maritime est un élément dont on peut être fier, mais l’agriculture occupe une place également non négligeable.

Le troisième volet concerne les contacts entre les pouvoirs publics et le monde agricole, lors de la mise en place de programmes de protection de la ressource et surtout la construction sur le territoire du SCoT LHPCE. La consultation permet dans un premier temps de connaître les attentes des acteurs, l’information est ensuite indispensable pour que ces derniers comprennent la nature des projets réalisés ; et la concer-tation permet de développer les phases de travail en commun, de

valoriser les idées des différents acteurs, de renforcer la compréhension mutuelle ainsi que la confiance. C’est une étape primordiale, pour cimenter les liens et construire un territoire à proprement parler.

• Stratégie filière

Cet axe de travail permet de valoriser le potentiel novateur des acteurs qui font vivre le territoire. Pour valoriser l’agriculture et générer davantage de valeur ajoutée, il est nécessaire de trouver de nouveaux débouchés. Cet élément est primordial. Penser l’agriculture de demain ne signifie pas penser en termes de filières actuelles, mais penser à ce qui n’existe pas encore mais qui a le potentiel d’exister demain. Cette démarche concerne les filières courtes et les filières longues et nécessite le recours à des études de marchés et de débouchés ambitieuses et solides prenant en compte la totalité de la chaîne, du producteur au consommateur. Entre ces deux entités se trouvent tout un secteur économique qui peut dynamiser le territoire. L’attractivité est une notion très souvent utilisée actuellement. Le potentiel agricole du territoire sur le long terme, dû à une remarquable qualité des sols d’un point de vue agronomique, est un atout indéniable pour travailler au développement de cette notion. Parmi les acteurs rencontrés, certains sont spécialistes de la logistique et ont marqué l’intérêt de prendre en compte ce domaine. C’est certainement une des clés d’articulation pour parvenir à la création d’une filière durable et compétitive. Les talents sont sur le territoire, il paraît logique de les convier à cette réflexion. Les filières du bois, de la méthanisation, de la chimie verte, d’export de produits laitiers, d’aquaculture et de production d’éco-matériaux peuvent être des exemples à considérer. Cet ensemble de possibilités est exploitable si les acteurs des petites et moyennes entreprises sont conviés. Ils représentent une force de réactivité et d’innovation pour le territoire, ce que les grands groupes n’ont pas forcément du fait de leur inertie.

Vision stratégique pour la mise en place d’un projet agricole territorial

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La formation d’une main d’œuvre qualifiée pour permettre d’alimenter les innovations locales a souvent été identifiée comme une faiblesse. Il ne s’agit pas uniquement de former des ingénieurs, mais aussi des techniciens compétents, avec une culture d’entreprise proactive et forte. Ceci représente un des éléments moteurs pour qu’une entreprise génère de la confiance, par ses capacités à s’adapter et réagir.

• Coopération

Cette démarche proposée dans l’axe de travail précédent est exigeante. Elle peut nécessiter un certain nombre de compétences et une réalité budgétaire à considérer. Un partenariat entre ressources humaines publiques et privées semble le plus adéquat, pour croiser les différentes visions. Cet axe de travail permettra indéniablement de renforcer la co-construction territoriale.

À l’heure actuelle, si des agriculteurs décident de changer certaines pratiques, ou de se lancer dans des projets comme celui de la méthanisation, la phase de diagnostic est principalement effectuée par des acteurs privés et est coûteuse. La motivation peut de ce fait être assez décourageante. Une coopération est donc nécessaire entre les différents acteurs pour diagnostiquer, étudier et mettre en place des éléments de contractualisation (méthanisation pour fournir du gaz à une collectivité, compensation financière pour des changements de pratiques sur les bassins de captage, etc.). Cette coopération est aussi nécessaire, pour une phase de commercialisation des produits agricoles, que ce soit en circuit court ou long. Elle représente quasiment l’étape finale de la chaîne du producteur au consommateur et nécessite une attention particulière. De nouveau, la formation est un élément central de la coopération, afin que les besoins des acteurs du territoire soient intégrés à des programmes de formation de main d’œuvre permettant une bonne intégration des étudiants.

Pour finir, une assistance à maîtrise d’ouvrage serait un outil de coopération intéressant pour une meilleure compréhension du mille-feuille réglementaire auquel ont à faire face certains agriculteurs, avant de parler de simplification. Cette aide permettrait aussi de pointer certaines incohérences présentes et sans doute réduire les contradictions qui peuvent apparaître et discréditer les actions aux yeux du monde agricole. Voici schématiquement (figure 26) l’ensemble des acteurs auxquels certains agriculteurs peuvent avoir affaire en ce qui concerne des contraintes.

Figure 26 : Le mille-feuille réglementaire, vers une assistance à maîtrise d’ouvrage ?

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Quels axes de travail ?

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Cette approche a permis de questionner le territoire quant à sa « résilience », en pointant le lien qui existe entre cette notion et le secteur agricole en place. L’importance de l’approche qualitative a confirmé un contexte difficile entre les pouvoirs publics et le monde agricole, principalement justifié par une méconnaissance réciproque. La mise en place d’un projet de territoire résilient doit inclure de nombreux acteurs du public et du privé et peut représenter une source d’attractivité non négligeable.

Constats de départ

• Les agriculteurs ne sont plus les seuls occupants des zones rurales périurbaines du territoire du SCoT LHPCE. Méconnaissance réciproque entre le monde agricole et urbain « néorural »,

• Échanges a priori difficiles entre les collectivités et le monde agricole : décalages entre leurs visions et leurs attentes respectives,

• Intérêt renouvelé des pouvoirs publics territoriaux vis-à-vis des différents rôles de l’agriculture en France,

• Nécessité de travailler à un projet de territoire résilient intégrant l’agriculture à part entière.

Démarche : Percevoir des réalités agricoles et territo-riales à travers la vision des acteurs

• Discuter ces scénarios lors d’un séminaire d’échange,• Utiliser le matériel produit pour faciliter un échange dynamique

avec les acteurs du territoire,• Retranscrire la vision de territoire des acteurs – ressenti.

Mots clés : approche systémique, dimension humaine, enquête

Quels axes de travail ?

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Un socle : Partager les propositions d’innovations en fonction des opportunités

• Gagner la confiance en valorisant le métier d’agriculteur,• Considérer la diversité agricole : circuits courts et circuits longs,• Se diriger vers une pérennité économique, sociale et

environnementale de l’exploitation agricole.

Rendre l’agriculteur acteur du territoire et garant de la qualité de vie de la population.

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Vision stratégique pour un projet de territoire résilient : propositions d’action

• Implication territoriale globale : participation des pouvoirs publics et implication du monde de l’entreprise incluant la profession agricole dans un projet de territoire transversal suivant le modèle de l’économie circulaire. Cette dynamique s’inscrit dans une transition vers un système durable, résilient et attractif,

• Création de filières novatrices et compétitives : exploiter les potentiels du territoire en considérant des débouchés latents, qu’ils soient locaux ou mondiaux, pouvant apporter une plus-value durable pour les acteurs du territoire (économique, sociale et environnementale),

• Accent sur la communication, et la formation : appui à la collaboration à travers une meilleure compréhension des enjeux spécifiques pour les acteurs concernés et le développement de compétences recherchées pour la mise en place de filières nouvelles.

Mots clés : prise de recul, innovation, concertaion, collaboration, communication, co-construction, attractivité, économie circulaire, « résilience », transversalité

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Quels axes de travail ?

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ANNEXES

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Fiche n°1 utilisée comme support d’échange lors des entretiens avec les différents acteurs rencontrés.

Remarque : Les images et les propos sont volontairement marquants voire caricatureaux pour susciter des réactions.

Scénario de la fuite vers le plateau

L’élévation du niveau de la mer, due au changement climatique et a des phénomènes météorologiques extrêmes, provoque la submersion de la plaine alluviale estuarienne. La ville du Havre et sa zone industrielle fuient vers le plateau, laissant une place secondaire aux terres agricoles..

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Annexes

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Scénario de la fin de la PAC

L’Union Européenne s’affaiblit fortement et le budget s’effondre, conduisantàlafindusystèmed’aideseuropéennes pour l’agriculture. Les frontières se ferment, l’agriculture d’export souffre et le territoire se replie sur lui-même.

Fiche n°2 utilisée comme support d’échange lors des entretiens avec les différents acteurs rencontrés.

Remarque : Les images et les propos sont volontairement marquants voire caricatureaux pour susciter des réactions.

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Annexes

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Scénario de l’agriculture, activité phare du territoire

Le changement climatique a un fort impact sur la production agricole mondiale. Localement, une hausse de températuers de 2°C permet d’accroître le spectre de la production, avec des terres convoitées d’un point de vue agronomique.

Fiche n°3 utilisée comme support d’échange lors des entretiens avec les différents acteurs rencontrés.

Remarque : Les images et les propos sont volontairement marquants voire caricatureaux pour susciter des réactions.

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Annexes

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Dépôt légal : octobre 2014

ISBN : 979-10-93006-07-9

Editeur : AURH – Achevé d’imprimé : octobre 2014 - Imprimeur : Imprimerie Gabel, Maromme

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Dépôt légal : octobre 2014ISBN : 979-10-93006-07-9Ne peut être vendu