Refroidissement Science et technique

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Le comportement aéraulique des frigos de ressuage des carcasses peut avoir des répercussions considérables (1), à la fois, sur la qua- lité des produits et sur l’efficacité du fonctionnement de l’installa- tion (consommation électrique, etc.). En ce qui concerne l’influence de l’aéraulique sur la qualité des produits, il a été démontré depuis longtemps que le ressuage des carcasses est une étape très importante pour la conservabilité ulté- rieure de la viande. L’opération de ressuage a également des réper- cussions considérables sur les pertes de poids (2). Or, ces deux critères de qualité (conservabilité, rendement de ressuage) dépen- dent de la température, de l’Aw en surface de la carcasse et des coefficients de transferts de chaleur et de matière à l’interface entre la carcasse et l’air de réfrigération. Ces coefficients de transferts sont étroitement liés à la vitesse de l’air (3) et à son homogénéité à l’intérieur du frigo. Les mesures de vitesse d’air dans une installation montrent des variations pouvant atteindre 1 à 10 selon l’emplacement (4). De même, des mesures ont montré que l’humidité était plus importan- te dans les zones sous ventilées, car l’hygrométrie de l’air, insuffi- samment renouvelé, tend à s’équilibrer avec l’Aw de la viande (0,98). Sur le plan microbiologique, on sait qu’il est nécessaire de maintenir une Aw < 0,92 à l’interface air/carcasse pour limiter le développement bactérien. D’autre part, des mesures effectuées dans certaines installations ont mis en évidence des erreurs de conception (ex: batteries murales et rails parallèles au mur) qui rendaient quasiment inopé- rant le système de réfrigération au-delà de la première rangée de carcasses (5). Enfin, les systèmes de réfrigération sont conçus (ou modifiés) bien souvent sur la base de connaissances empiriques des frigoristes et des sociétés d’ingénierie, qui manquent d’outils fiables. Refroidissement des carcasses de viande Validation de la simulation de l’aéraulique pour améliorer et/ou concevoir les ressuages de gros bovins PICGIRARD L. (1) , MIRADE P.S. (2 ) (1) ADIV ASSOCIATION 2 rue Chappe- 63039 CLERMONT-FERRAND Cedex 2 (2) INRA de Theix Unité Qualité des Produits Animaux, Equipe Couplage Transferts-Transformations (C2T) 63122 SAINT GENES CHAMPANELLE Science et technique La phase de ressuage est une étape importante dans l’industrie de la viande. C’est pourquoi la maîtrise de la circulation d’air, appelée aéraulique, est un paramètre déterminant. Grâce à la modélisation numérique, certains aménagements d’installations frigorifiques, voire même de nouveaux locaux pourront désormais être prévus à moindre coût. Viandes Prod. Carnés Vol 24 (4) 131

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Le comportement aéraulique des frigos de ressuage des carcassespeut avoir des répercussions considérables (1), à la fois, sur la qua-lité des produits et sur l’efficacité du fonctionnement de l’installa-tion (consommation électrique, etc.).

En ce qui concerne l’influence de l’aéraulique sur la qualité desproduits, il a été démontré depuis longtemps que le ressuage descarcasses est une étape très importante pour la conservabilité ulté-rieure de la viande. L’opération de ressuage a également des réper-cussions considérables sur les pertes de poids (2). Or, ces deuxcritères de qualité (conservabilité, rendement de ressuage) dépen-dent de la température, de l’Aw en surface de la carcasse et descoefficients de transferts de chaleur et de matière à l’interface entrela carcasse et l’air de réfrigération. Ces coefficients de transfertssont étroitement liés à la vitesse de l’air (3) et à son homogénéité àl’intérieur du frigo.

Les mesures de vitesse d’air dans une installation montrent desvariations pouvant atteindre 1 à 10 selon l’emplacement (4). Demême, des mesures ont montré que l’humidité était plus importan-te dans les zones sous ventilées, car l’hygrométrie de l’air, insuffi-samment renouvelé, tend à s’équilibrer avec l’Aw de la viande(0,98). Sur le plan microbiologique, on sait qu’il est nécessaire demaintenir une Aw < 0,92 à l’interface air/carcasse pour limiter ledéveloppement bactérien.

D’autre part, des mesures effectuées dans certaines installationsont mis en évidence des erreurs de conception (ex: batteriesmurales et rails parallèles au mur) qui rendaient quasiment inopé-rant le système de réfrigération au-delà de la première rangée decarcasses (5).

Enfin, les systèmes de réfrigération sont conçus (ou modifiés) biensouvent sur la base de connaissances empiriques des frigoristes etdes sociétés d’ingénierie, qui manquent d’outils fiables.

Refroidissementdes carcasses de viande

Validationde la simulationde l’aérauliquepour amélioreret/ou concevoirles ressuagesde gros bovins

PICGIRARD L. (1), MIRADE P.S. (2) (1) ADIV ASSOCIATION

2 rue Chappe- 63039 CLERMONT-FERRAND Cedex 2(2) INRA de Theix

Unité Qualité des Produits Animaux, Equipe CouplageTransferts-Transformations (C2T)

63122 SAINT GENES CHAMPANELLE

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La phase de ressuageest une étapeimportante dansl’industrie de laviande. C’est pourquoila maîtrise de lacirculation d’air,appelée aéraulique, estun paramètredéterminant. Grâce àla modélisationnumérique, certainsaménagementsd’installationsfrigorifiques, voiremême de nouveauxlocaux pourrontdésormais être prévusà moindre coût.

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En 1997, une étude, intitulée« Caractérisation des installations deressuage et de leur comportement aérau-lique dans les abattoirs » (5) et issue detravaux de la thèse de PS. MIRADE (6)a permis:- de mettre au point une méthode de

mesure rapide et fiable des vitesses del’air dans les ressuages (7), et doncvisualiser la cartographie des vitessesd’air, quelle que soit leur configura-tion;

- de mettre en évidence les limites(zones de sur ou sous ventilation) desconfigurations de ressuage les plussouvent rencontrées en France (8);

- à l’occasion, de démontrer que lasimulation en mécanique des fluidesnumérique pouvait être un outil pré-cieux d’aide à l’amélioration et/ou à laconception des appareils industrielsagroalimentaires: il avait été simulé,par exemple, sur un abattoir convoyéprésentant un dysfonctionnement fla-grant au niveau de la répartition desflux d’air, qu’une modification del’orientation de ce flux de 45° au lieude 0° (par rapport à l’horizontale) pou-vait permettre d’améliorer significati-vement l’homogénéité de la réparti-tion des vitesses d’air (9).

Cependant, si la méthode de caractérisa-tion développée dans le programmeétait fiable, elle avait l’inconvénientd’être longue et non prédictive. D’autrepart, il était impossible de juger de lapertinence et de la précision des solu-tions aérauliques proposées par la simu-lation numérique, puisqu’aucune vali-dation expérimentale des modificationspréconisées n’avait été réalisée.

L’objectif de l’étude est donc de validerl’efficacité et la fiabilité des outils desimulation numérique, aujourd’hui dis-ponibles, pour la conception des frigosde ressuage et/ou l’amélioration de leurcomportement aéraulique.

L’ÉTUDE PORTE SUR DEUXABATTOIRS ET SE DÉROULEEN 4 PHASES

Deux abattoirs, dont les caractéristiquessont reprises dans le tableau 1, ont étésollicités pour cette étude: un abattoir A,équipé d’un ressuage statique d’unecapacité de 66 carcasses de gros bovins,et un abattoir B, doté d’un ressuage sta-tique d’une capacité de 375 carcasses degros bovins.

Pour chaque abattoir, l’étude s’estdéroulée en 4 phases:- Phase 1: caractérisation de l’existant,- Phase 2: simulation numérique à l’ai-

de d’un logiciel de mécanique desfluides numérique (code de calculFLUENT (10)) de l’existant et desmodifications envisagées pour amé-liorer l’aéraulique,

- Phase 3: réalisation des modificationsdans chaque abattoir,

- Phase 4: mesure des écarts entre lessimulations numériques faites parordinateur et la caractérisation expéri-mentale des modifications, pour vali-der ou non la méthode, puis mesuredes conséquences de la modificationde l’aéraulique sur la qualité du res-suage des carcasses bovines.

PHASES DECARACTÉRISATION, LESPHASES 1 ET 4 SONT MENÉESDE LA MÊME FAÇON

Elles comportent trois volets:- cartographie aéraulique des locaux,- cinétique de descente en température

d’une carcasse,- mesure de pertes de poids sur plu-

sieurs carcasses,- et mesure de la température et de l’hy-

grométrie de l’air des locaux.

Seule la phase 1 comporte une étapesupplémentaire de mesure de la géomé-

trie des locaux nécessaire pour la phasede simulation numérique.Les résultats relatifs à la réfrigérationdes carcasses (température et perte depoids des carcasses, température ethygrométrie des locaux) ne sont pas pré-sentés dans cet article.

Les cartographies aérauliques deslocaux ont été effectuées à partir de laméthode développée lors du program-me: « Caractérisation des installationsde ressuage et de leur comportementaéraulique dans les abattoirs » (5).La méthode consiste à déplacer continû-ment et à vitesse faible des ané-momètres à fil chaud multidirectionnels(7) qui mesurent la vitesse de l’air toutesles secondes (cf. figure 1).

Les vitesses d’air brutes obtenues enchaque point sont traitées informatique-ment par une transformée de Fourier etl’application d’un filtrage passe-bas,dans le but d’éliminer les fluctuationstemporelles et ne conserver que la varia-tion spatiale des vitesses d’airmoyennes. Celles-ci sont ensuite repré-sentées graphiquement sur tableurExcel ©, par la méthode des surfaces,sous forme de coupes en 2 dimensions.

PHASE DE SIMULATION

Elle a été menée à l’aide du code géné-ral de calcul en mécanique des fluidesFluent 6© (10). Ce dernier résout leséquations de conservation de la masse etde la quantité de mouvement (équationsde Navier–Stokes) qui régissent le mou-vement d’un fluide.

La méthodologie utilisée pour la simula-tion numérique consiste:- à définir et à dessiner, très précisément

dans le logiciel, la géométrie du local,en prenant en compte l’ensemble desobstacles qui a une incidence sur lacirculation de l’air dans l’installation,tels que les rails, les systèmes de ven-tilation, les carcasses;

- à découper le volume global du localen petits volumes de forme hexaé-driques et tétraédriques, i.e. créer unmaillage du domaine de calcul. Pourl’abattoir A, 915000 cellules ont étéutilisées et pour l’abattoir B,1342000;

- à définir des hypothèses de calcul surla nature de l’écoulement, ainsi quesur les modèles numériques utilisés.Pour les deux abattoirs, l’écoulementa été considéré comme stationnaire,incompressible et turbulent. La turbu-lence a été prise en compte au moyendu modèle k-e standard (11). Desschémas numériques du 1er ordre

Science etTechnique

Tableau 1 : L'ÉTUDE PORTE SUR 2 ABATTOIRSDE CAPACITÉ DIFFÉRENTE

Abattoir A Abattoir B

Type de ressuage Multi-espèces Mono-espècesCapacité Gros bovins 66 375Nombre de rails 9 15Longueur des rails 5,9 m 17,33 mHauteur sous plafond 3,95 m 6,04 mHauteur sous rail 3,75 m 3,5 m

Type de ventilation Batterie sur pied Rangée centrale avec soufflage frontal de plafonniers double flux

Taux de chargement lors de la phase 1 95 % 41 %

Caractéristiques des ressuages des abattoirs expérimentés

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associés à l’algorithme de résolutionSIMPLE (12) ont été utilisés pourrésoudre les équations deNavier-Stokes;

- à définir une vitesse de ventilation à lasortie des batteries froides, avec untaux de turbulence arbitrairement fixéà 10 % (Abattoir B) et 20 % (AbattoirA). Le choix de la valeur de vitessed’air a été, en fait, déterminé parmesure fixe à l’aide d’un anémomètreportatif au cours de la phase 1, i.e.7,1 m.s-1 pour l’abattoir A, et2,3 m.s-1 pour l’abattoir B;

- à représenter les rangées de carcassespar des volumes poreux (dans lesquelsdes coefficients sont à ajuster), afin deréduire le nombre de mailles du

modèle numérique et donc, diminuerles temps de calcul;

- à effectuer les calculs à l’aide d’un PCPentium IV, 3 GHz doté de 2 Go deRAM.

Les travaux effectués en simulationnumérique se sont donc déroulésen trois étapes, pour chacun desdeux abattoirs.

L’étape 1 a consisté à faire une simula-tion numérique de l’état des lieux et àcomparer les résultats avec ceux obte-nus par mesure, lors de la phase 1. Cetteétape a aussi servi au calage des coeffi-cients de porosité à entrer dans lesvolumes poreux modélisant les rangéesde carcasses.

L’étape 2 avait pour but de tester desmodifications et d’identifier une ou plu-sieurs solutions techniques permettantd’améliorer l’homogénéité du soufflageet/ou le niveau global de la ventilation.Les solutions imaginées devaient êtresimples à mettre en œuvre, peu pertur-batrices en regard de l’activité des abat-toirs et, surtout, peu coûteuses.

L’étape 3 a consisté à établir la corréla-tion entre les vitesses d’air prédites parsimulation numérique pour la modifica-tion réalisée et les vitesses d’air réellesmesurées (phase 4) sur l’installationmodifiée, afin de vérifier la pertinencedes résultats de simulation et de juger dela fiabilité de l’outil mécanique desfluides numérique pour améliorer et/ouconcevoir les installations de ressuage.

SIMULATION NUMÉRIQUE DESMODIFICATIONS: UN MOINDRECOÛT POUR DE NOMBREUXTESTS

Simulation numérique effectuée surl’abattoir A: 64 configurations sonttestées

Le ressuage de l’abattoir A a été diviséen 915000 petits volumes. Un total de25 calculs numériques a été réalisé pourdéterminer les valeurs des coefficientsde porosité à entrer dans les volumesporeux, afin de modéliser le chargementen carcasses, et établir un état des lieuxde l’aéraulique. Un temps moyen de cal-cul égal à 8,5 h a été nécessaire pourconverger vers une solution stable.L’état des lieux effectué sur l’abattoir Aa montré que la ventilation était concen-trée au centre du local et en hauteur, etque le retour d’air au niveau de l’évapo-rateur était faible. Ce phénomène étaitvraisemblablement dû à la présence decarcasses de porc sur tinets à rallongedevant la batterie froide au niveau decette aspiration.Plusieurs solutions d’amélioration ontdonc été testées. Elles se sont attachéesà améliorer l’homogénéité de la ventila-tion par:- une remontée des carcasses- et la mise en place de déflecteurs.

Un total de 64 configurations d’amélio-ration a été testé, pour, au final, n’enretenir qu’une, i.e. celle représentant lemeilleur rapport qualité/prix. Cette der-nière a consisté à installer un déflecteurà la sortie de l’organe de soufflage et àinstaller une jupe fixée au plafond der-rière le dernier rail de carcasses. Lesschémas de l’état des lieux de l’abattoirA et de la modification entreprise sontdonnés dans les figures 2 et 3.

Science etTechnique

Figure 1 : PRINCIPE DE MESURE DE LA VITESSE DE L'AIR

Figures 2 et 3 : REMONTÉE DES CARCASSESET MISE EN PLACE DE DÉFLECTEUR AMÉLIORENT

L'HOMOGÉNÉITÉ DE LA VENTILATION

Figure 2 : État des lieux du ressuage de l'abattoir A et représentation desmodifications effectuées (en orange)

Figure 3 : Schéma précis du déflecteur de 30 cm de long conçu par simula-tion, composé de 5 éléments verticaux orientés à 20° par rapport à la verti-cale et de 3 éléments horizontaux orientés à -25° (élément du bas), 0° (élé-

ment du milieu) et +10° (élément du haut) par rapport à l'horizontale

DéflecteurJupe

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Figure 4 : ABATTOIR A - CARTOGRAPHIE AÉRAULIQUE HORIZONTALE À 135 CM DU SOL

Soufflage

Soufflage

Avantmodification

Aprèsmodification

Les différents niveaux de grisreprésentent les vitesses d'air enm/s et les " passages " corres-pondent aux zones de mesureentre les rangées de carcasses

Figure 5 : EFFET DES MODIFICATIONS PRÉCONISÉESPAR SIMULATION NUMÉRIQUE SUR LES VITESSES D'AIR MOYENNES MESURÉES POUR

CHAQUE RAIL (OU RANGÉE DE CARCASSES)

ABATTOIR A: Moyenne et écart-type des vitesses d’air mesuréespar rail, avant modification

ABATTOIR A: Moyenne et écart-type des vitesses d’air mesuréespar rail, après modification

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Le coût de la modification effectuées’est élevé à 900 € HT, fournitures etpose comprises.

Simulation numérique del’abattoir B : 17 h nécessairespour la résolution des calculs

Le ressuage de l’abattoir B a étédivisé en 1 342 000 cellules. À ladifférence de l’abattoir A, où chaquerangée de carcasses a été modéliséepar un volume poreux indépendant,le chargement du ressuage a été inté-gré au calcul au moyen de troisgrands volumes poreux, et ce, afinde faciliter la création du maillagetridimensionnel. La résolution descalculs pour retrouver l’état deslieux aéraulique défini lors de laphase 1 a nécessité 17 h.L’analyse de l’état des lieux montreque le ressuage B a une ventilationhétérogène et sous dimensionnée.La hauteur sous plafond disponibleétant suffisante, la solution retenue aconsisté à ajouter deux rangées desix ventilateurs supplémentaires surla poutraison support du réseauaérien. Chaque rangée a étéimplantée à mi-distance entre lesparois latérales et la rangée centralede batterie froide.Le coût de cette modification, soitla fourniture et la pose de 12 venti-lateurs, s’est élevé à 3 700 €HTenviron.

EFFET DES MODIFICATIONSSIMULÉES SURL’AÉRAULIQUE DESLOCAUX : UNE VENTILATIONPLUS HOMOGÈNE

Les 2 cartographies aérauliques dela figure 4 montrent que, pourl’abattoir A, les modifications pré-conisées par simulation numériqueont permis d’améliorer l’ho-mogénéité de la ventilation dans lesens de la largeur du local.De même, la figure 5, qui représen-te la vitesse d’air moyenne dechaque rail et son écart-type,montre également l’amélioration del’homogénéité apportée pour l’en-semble du ressuage.Enfin, le tableau 2 prouve que lesmodifications préconisées parsimulation numérique ont permis,pour l’abattoir A, d’améliorer larépartition globale des vitessesd’air, tant entre les différents railsde carcasses que pour un mêmerail, et pour l’abattoir B, d’augmen-ter le niveau de ventilation globale,en améliorant légèrement l’ho-mogénéité de celle-ci. On peut tou-tefois constater que, pour l’abattoirA, les modifications préconisées sesont traduites par une diminutiondu niveau global de ventilation.Cette chute du débit global de ven-tilation est en fait artificielle. Eneffet, les mesures des vitesses d’air

ne sont effectuées, pour des raisonstechniques, que dans les zones oùse situent les carcasses. Les zonesde circulation dans lesquelles lescarcasses ne sont pas stockées nesont pas prises en compte. Or, lamodification aéraulique proposée,qui s’est traduite par un balayagelatéral plus important du flux d’airen sortie de la batterie froide, a cer-tainement conduit à distribuer unepartie de ce flux d’air dans les cou-loirs de circulation non caracté-risés. De ce fait, le débit d’air dis-tribué directement sur les rails a étéréduit.

CORRÉLATION ENTRESIMULATION NUMÉRIQUE ETMESURES SUR SITE : DESRÉSULTATS SIGNIFICATIFS

Pour valider la pertinence de lasimulation numérique, il convenaitde vérifier la corrélation existantentre les valeurs de vitesse d’air sursite et celles prédites par simulationnumérique pour chaque point demesure.

Cette corrélation a été mesurée,tant avant modification des res-suages, pour vérifier si la simula-tion numérique permettait derecréer l’état des lieux aéraulique,qu’après ressuage, pour vérifier siles solutions préconisées par simu-lation numérique étaient justes.

Dans les deux cas de figure, lesrelations entre valeurs mesurées etvaleurs simulées sont linéaires etles corrélations statistiquementsignificatives.

La figure 6 montre un exemple derelation constatée pour l’abattoir Aentre les vitesses d’air simulées etles vitesses d’air mesurées aprèsmodification du ressuage.

Science etTechnique

Tableau 2 : LA RÉPARTITION GLOBALE DES VITESSES D'AIREST AMÉLIORÉE

Moyenne générale Écart type % de l'écart typedes vitesses d'air des vitesses par rapport

(m/s) d'air à la moyenneAbattoir A Avant modification 0,87 0,94 108 %

Après modification 0,7 0,58 80 %Abattoir B Avant modification 0,7 0,32 45 %

Après modification 0,97 0,39 40 %

Effet des modifications préconisées par simulation numériquesur l'aéraulique des 2 ressuages

Figure 6 : COMPARAISON DESVITESSES D'AIR MESURÉES ET

SIMULÉES APRÈSMODIFICATION DU RESSUAGE

DE L'ABATTOIR A

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B I B L I O G R A P H I E(1) F.J. BOWATER (1986) – The economics of modern beef chillingsystems - Proceedings of the International Institute of Refrigeration,Commission C2, Bristol, Vol.3, p.165-170.(2) A.E. WOOTON (1986) – Factors affecting the chilling rate ofbeef sides – Proceedings of the International Institute ofRefrigeration, Commission C2, Bristol, Vol.3, p.115-121.(3) A. KONDJOYAN, J.D. DAUDIN (1997) – Heat and mass trans-fer coefficients at the surface of a pork hindquarter – Journal ofFood Engineering, 32(2), p.225-240.(4) J.D. DAUDIN, R.J.M. VAN GERWEN (1996) – Air circulation:how to cope with this critical point? – New Developments in MeatRefrigeration, Utrecht, p.30-37.(5) L. PICGIRARD, P.S. MIRADE (1999) – La maîtrise de l’aérau-lique en abattoir – VPC, Vol.20 (6), p123-130(6) P.S. MIRADE (1996) – Contribution à l’amélioration du procédéde traitement de solide grâce à la description et à la simulation del’aéraulique – Thèse de doctorat de l’Université de Poitiers – 125 p.

(7) P.S. MIRADE, J.D. DAUDIN (1998) – A new experimentalmethod for measuring and visualising air flow in large food plants –Journal of Food Engineering, 36, p.31-49.(8) P.S. MIRADE, L. PICGIRARD (2001) – Assessment of airflowpatterns inside six industrial beef carcass chillers – InternationalJournal of Food Science and Technology, 36, p.463-475.(9) P.S. MIRADE, L. PICGIRARD (1999) – Modélisation de l’aérau-lique d’un local de ressuage de carcasses de boeuf – RevueGénérale du Froid, n°999, p.32-36.(10) Anonymous (2001) – User’s guide – Lebanon: Fluent Inc.(11) B.E. LAUNDER, D.B. SPALDING (1972) – Mathematicalmodels of turbulence – London and New York: Academic Press.(12) S.V. PATANKAR, D.B. SPALDING (1972) – A calculation pro-cedure for heat, mass and momentum transfer in three-dimensionalparabolic flows – International Journal of Heat and Mass Transfer,15, p.1787-1806.

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Le tableau 3 reprend l’ensembledes relations obtenues entre cassimulé et mesuré, pour les deuxabattoirs et les deux cas de figure(avant et après modification).

Le coefficient de corrélation mini-mum noté entre les deux grandeursest de 0,69, ce qui est très significa-tif, compte tenu du nombre devaleurs choisies pour le calcul de lacorrélation qui était supérieur à 100dans tous les cas.

On peut donc conclure que la simu-lation est un bon outil de prédictiondes modifications du comportementaéraulique d’une installation, mêmesi elle a tendance à sous-estimer lesvaleurs réelles de vitesse. Au piredes cas, la sous-estimation desvaleurs réelles atteindra 25 %.

CONCLUSION

La simulation numérique permetdonc de simuler à moindre coût desmodifications pertinentes des ins-tallations frigorifiques, sans avoirrecours à des campagnes demesures de longue durée. Seuls unrelevé de la géométrie des locauxsur site et une mesure de la vitessed’air à la sortie des organes desoufflage suffisent. Elle a aussi

l’avantage de représenter l’aérau-lique sur l’ensemble de l’installa-tion, contrairement aux mesures,qui ne caractérisent que les zonesoccupées par les carcasses.Ainsi, il semble désormais possibled’envisager des études de concep-tion de ressuages neufs, avec l’outilde mécanique des fluides numé-rique. Toutefois, pour renforcerl’attrait et la précision de la simula-tion numérique, il conviendraitd’affiner la définition des condi-tions limites (module et orientationdes vecteurs vitesses d’air à la sor-tie des organes de soufflage) et detester de nouveaux modèles derésolution des équations.

De même, il conviendrait de déve-lopper une méthodologie permet-tant de déterminer « scientifique-ment » les coefficients des volumesporeux représentant les rangées decarcasses, à partir de la forme etdes dimensions des carcasses, et àpartir de la manière dont ces der-nières sont agencées sur les rails.

Les auteurs souhaitent remercierL’Interbev et l’Ofival sans leconcours financier desquels cetteétude n’aurait pu être menée, ainsique les abattoirs qui ont participé àl’expérimentation.

Science etTechnique

Tableau 3 : RELATION ENTRE VITESSES D'AIR PRÉDITESPAR SIMULATION NUMÉRIQUE ET VALEURS MESURÉES

AVANT modification des ressuages

Équation de la courbe R²Abattoir A Y = 0,86 x 0,81Abattoir B Y = 0,78 x 0,77

APRÈS modification des ressuages

Équation de la courbe R²Abattoir A Y = 0,92 x 0,72Abattoir B Y = 0,74 x 0,69

Y = valeurs de vitesses d'air simuléesx = valeurs de vitesses d'air mesurées

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