Reflexion Stratégique

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LA REFLEXION STRATEGIQUE : OBJET ET OUTIL DE RECHERCHE POUR LE MANAGEMENT STRATEGIQUE * * * Christophe Torset Conservatoire National des Arts et Métiers 40, rue des jeûneurs 75 002 Paris Tel. : 06 80 41 28 07 E-mail : [email protected] [email protected] Résumé : La littérature sur la formation de la stratégie utilise fréquemment l’expression « réflexion stratégique ». Cette notion est susceptible de faciliter l’analyse des processus en favorisant une démarche plus systémique, capable de regrouper et prendre en considération différents niveaux organisationnels et différentes formes de genèse des idées stratégiques. Cette communication propose une revue des caractéristiques de la notion de réflexion stratégique, au regard notamment des problématiques mises en lumière dans la littérature : les liens entre réflexion, décision et action et l’opposition entre planification et réflexion. Nous proposons ensuite une définition générique de la notion de réflexion stratégique et de ses apports à la recherche sur les processus de formation de la stratégie. Mots-clés : réflexion stratégique, processus stratégiques, planification halshs-00469442, version 1 - 1 Apr 2010 Manuscrit auteur, publié dans "XIVème conférence internationale de management stratégique, Angers : France (2005)"

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Reflexion Stratégique

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  • LA REFLEXION STRATEGIQUE :

    OBJET ET OUTIL DE RECHERCHE

    POUR LE MANAGEMENT STRATEGIQUE

    * * *

    Christophe Torset

    Conservatoire National des Arts et Mtiers

    40, rue des jeneurs

    75 002 Paris

    Tel. : 06 80 41 28 07

    E-mail : [email protected]

    [email protected]

    Rsum :

    La littrature sur la formation de la stratgie utilise frquemment lexpression rflexion stratgique . Cette notion est susceptible de faciliter lanalyse des processus en favorisant une dmarche plus systmique, capable de regrouper et prendre en considration diffrents

    niveaux organisationnels et diffrentes formes de gense des ides stratgiques.

    Cette communication propose une revue des caractristiques de la notion de rflexion

    stratgique, au regard notamment des problmatiques mises en lumire dans la littrature : les

    liens entre rflexion, dcision et action et lopposition entre planification et rflexion. Nous proposons ensuite une dfinition gnrique de la notion de rflexion stratgique et de

    ses apports la recherche sur les processus de formation de la stratgie.

    Mots-cls : rflexion stratgique, processus stratgiques, planification

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    0Manuscrit auteur, publi dans "XIVme confrence internationale de management stratgique, Angers : France (2005)"

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    LA REFLEXION STRATEGIQUE :

    OUTIL DU MANAGEMENT STRATEGIQUE ?

    * * *

    Rsum :

    La littrature sur la formation de la stratgie utilise frquemment lexpression rflexion stratgique . Cette notion est susceptible de faciliter lanalyse des processus en favorisant une dmarche plus systmique, capable de regrouper et prendre en considration diffrents

    niveaux organisationnels et diffrentes formes de gense des ides stratgiques.

    Cette communication propose une revue des caractristiques de la notion de rflexion

    stratgique, au regard notamment des problmatiques mises en lumire dans la littrature : les

    liens entre rflexion, dcision et action et lopposition entre planification et rflexion. Nous proposons ensuite une dfinition gnrique de la notion de rflexion stratgique et de

    ses apports la recherche sur les processus de formation de la stratgie, notamment sous

    langle de la perspective activity-based view.

    Mots-cls : rflexion stratgique, processus stratgiques, planification

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    LA REFLEXION STRATEGIQUE :

    OUTIL DU MANAGEMENT STRATEGIQUE ?

    Historiquement, la recherche en stratgie sest focalise autour de deux concepts : le

    processus et le contenu de la stratgie (Chakravarthy & Doz 1992, Laroche & Nioche 1998,

    Elfring & Volberda 2001). Cette dichotomie reste extrmement structurante pour le champ de

    la stratgie et ne saurait pour linstant tre vritablement remise en cause, mme si les micro

    approches de la stratgie (Hendry 2000, Whittington 1996, 2001) visent notamment combler

    le foss entre les deux paradigmes.

    Le sous-champ processuel sest principalement structur autour de la notion de dcision, plus

    particulirement du processus de decision-making. La prise de dcision, au niveau

    individuel puis dans les organisations, est lun des thmes les plus abords par la recherche en

    stratgie (Desreumaux 1993, Chakravarthy & White 2002). Deux perspectives principales

    sont identifiables dans cette littrature processuelle : une approche rationnelle et analytique,

    souvent associe directement la notion de dcision, et une approche plus empirique,

    heuristique, qui tudie la formation de la stratgie en tentant de saffranchir plus ou moins de

    la notion de dcision stratgique, analysant les orientations stratgiques comme un ensemble

    de patterns rsultant de processus organisationnels multiples (Avenier 1996, Lauriol 1998,

    Martinet 2001).

    Ces deux conceptions des processus stratgiques sont largement lies aux notion de dcision

    (processus rationnel, synoptique) et de processus stratgique (processus incrmental,

    heuristique), comme le suggre lopposition propose par Pettigrew (1992) entre decision-

    making et strategy-making.

    Depuis peu, face aux notions de dcision et de processus stratgiques, un autre concept

    commence merger dans le champ stratgique : la rflexion stratgique. Si elle est trs

    largement utilise (Liedtka 1998, Torset 2002), lexpression nest que rarement dfinie. La

    littrature acadmique fait de plus en plus souvent appel cette notion, mais lutilise encore

    rarement comme un concept thorique, plutt comme une alternative smantique aux termes

    dcision stratgique, formation de la stratgie, voire analyse concurrentielle.

    Plusieurs conceptualisations de la rflexion stratgique ont t proposes dans la littrature

    (Liedtka 1998, Heracleous 1998, Grundy & Wesley 1999, Torset 2002). Ces diffrentes

    perspectives prsentent les caractristiques de la notion, mais ne la discutent que peu au

    regard des dbats importants du management stratgique. Pourtant, cette confrontation, ce

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    positionnement face aux dbats centraux du domaine est une condition sine qua non pour que

    le concept de rflexion stratgique soit reconnu, dvelopp et utilis en management

    stratgique (Liedtka1998, Balogun et al. 2003).

    Pour clarifier et discuter lintrt de ce concept, ce papier propose de le confronter deux

    dbats historiques et constitutifs de ce champ de recherche : la dichotomie rflexion/action

    lorigine de nombreuses modlisations des processus de formation de la stratgie et

    lopposition prne par certains auteurs entre planification et rflexion.

    Ce choix repose sur lanalyse de la littrature concernant la rflexion stratgique (Torset

    2002, 2003). Parce quelle y est presque systmatiquement dfinie au regard des concepts de

    dcision1 et de planification stratgique

    2, la notion de rflexion stratgique ne peut tre

    approfondie et adopte que si elle est clairement positionne dans ces deux dbats

    fondamentaux du champ de recherche sur les processus.

    Dans un premier temps, nous proposons donc dexpliciter les liens entre rflexion stratgique,

    action et dcision. Ce premier paragraphe est loccasion dune premire proposition : la

    rflexion stratgique doit tre apprhende comme englobant lanalyse, la dcision et laction

    stratgique.

    Dans un deuxime temps, nous discutons la relation entre rflexion et planification. Plutt que

    dopposer les deux concepts, nous proposons quils ne sont pas exclusifs mutuellement mais

    que la rflexion stratgique doit au contraire se baser sur les pratiques de planification.

    Enfin, la dernire partie de ce papier est consacre une discussion sur les apports de la

    notion de rflexion stratgique, en tant quobjet et outil de recherche pour le management

    stratgique.

    1 Nasi 1991, Liedtka 2001, Porter 1996, Auregan 1998

    2 Mintzberg 1994, Liedtka 1998, Heracleous 1998, Martinet 2001

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    1. REFLEXION, DECISION ET ACTION.

    Lanalyse des processus de dcision est lorigine des travaux sur la formation de la stratgie.

    Lvolution des perspectives a amen les chercheurs privilgier dans un premier temps la

    dcision en elle-mme, avant de sintresser aux processus concourrant la prise de dcision,

    puis la dmarche stratgique de faon plus globale. Les processus stratgiques sont alors

    analyss en intgrant laction, comme le rappelle la dfinition de la recherche processuelle

    propose par Chakravarthy & Doz : le sous-champ de la recherche sur le processus stratgique est

    concern par la faon dont les stratgies efficaces sont construites au sein de lentreprise puis valides et mises

    en uvre efficacement (1992 : 5).

    Deux conceptions gnriques des relations entre rflexion et action (squentielles et

    rcursives) sont identifiables dans la littrature. Elles ont fait lobjet de plusieurs critiques.

    Nous les examinerons avant de nous pencher plus avant sur les liens entre rflexion et action,

    pour proposer une nouvelle approche de la notion de rflexion.

    1.1. RELATIONS SEQUENTIELLES ET RECURSIVES

    Nous allons nous intresser successivement aux deux approches des liens entre rflexion,

    dcision et action. Ces liens ont dans un premier temps t considrs comme squentiels,

    puis comme rcursifs.

    1.1.1. Lapproche squentielle des liens entre rflexion, dcision et action

    Les modles rationnels de decision-making proposent une relation squentielle entre

    rflexion, dcision et action :

    Figure 1: lapproche squentielle des liens entre rflexion, dcision et action

    Lanalyse de lenvironnement et des ressources constitue principalement la phase de rflexion

    stratgique. Une fois cette phase acheve et diverses solutions ou opportunits envisages, la

    phase de dcision est caractrise par un moment et un endroit prcis (runion du comit de

    direction, du conseil dadministration, etc.). Une fois la dcision prise, elle est suppose tre

    mise en uvre, thoriquement exactement comme il a t prvu.

    Rflexion Dcision Action

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    Si cette prsentation est un peu caricaturale (plusieurs modles ont mis en exergue le caractre

    itratif du processus de dcision), elle est pourtant emblmatique dune grande partie des

    travaux de recherche.

    Ces liens squentiels ont t casss par plusieurs auteurs.

    Le premier lien, entre dcision et action, a t remis en cause par exemple par Langley et al.

    qui rappellent que Beaucoup de questions persistent sous une forme ou une autre pour un temps

    considrable. Elles ne meurent pas ncessairement lorsque des dcisions cls sont prises ; beaucoup restent

    dactualit et rencontrent dautres questions. Selon nous, la recherche dans ce domaine serait plus productive si

    elle tait conue en terme de courants de questions (streams of issues) continues et interagissantes qui

    entranent des actions, parfois au travers de dcisions identifiables (1995 : 273).

    De nombreux lments de rflexion peuvent donc exister dans lorganisation sans quils

    donnent ncessairement lieu dcision. Plus encore, ils ne disparaissent pas une fois la

    dcision prise. Cest ce que Romelaer appelle la maturation stratgique : on doit dissocier le

    processus stratgique (analyses, prise de dcision et mise en uvre daction) du processus de maturation

    stratgique. Par maturation stratgique, jentends lmergence, la diffusion et la prise dinfluence dides

    dalternatives stratgiques. Ces alternatives stratgique latentes peuvent tre mises ou dfendues pendant des

    annes par des acteurs de lorganisation sans quil en rsulte ncessairement quoi que ce soit de concret

    (1998 : 122).

    Si la rflexion stratgique peut exister sans dcision, linverse est difficilement envisageable,

    la phase de dcision constituant en elle-mme un processus danalyse, dvaluation, de

    comparaison assimilable un processus de rflexion. Nanmoins, le modle du garbage can

    de Cohen, March & Olsen (1972) met en lumire, au travers de lanarchie organise , des

    processus de dcision mergents et non tlologiques. Eisenhardt & Zbaracki le dfinissent

    comme un modle o la prise de dcision survient dans une rencontre stochastique de choix cherchant des

    problmes, de problmes cherchant des choix, de solutions cherchant des problmes auxquels rpondre, et de

    dcideurs cherchant quelque chose dcider (1992 : 27). Bower (1970) a montr galement que la

    dcision dinvestissement des responsables de divisions tait parfois intuitive et non base sur

    une analyse formelle pralable. Une analyse formelle tait alors effectue plus tard pour

    soutenir la dcision qui avait t prise. Ce mode de dcision sans rflexion pralable

    identifiable est appel modle sporadique par Hickson et al. (1986).

    Une autre dimension de ce premier lien entre rflexion et dcision mrite dtre discute : la

    liaison tablie entre la rflexion et lobjet de la dcision. De nombreuses dcisions peuvent

    tre prises au regard de rflexions menes autour dautres sujets que leur sujet principal.

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    Liens prcursifs :

    Une dcision propos dune question affecte les dcisions

    futures sur dautres questions (par exemple dans ce cas, A change la

    direction de B)

    Langley et al. (1995) proposent alors trois types de liens entre dcisions qui illustrent cette

    interrelation de dcisions supposes indpendantes :

    Figure 2 : Types de liens entre dcisions (Langley et al. 1995)

    La rflexion sur la stratgie nest donc pas ncessairement lie directement et instantanment

    une dcision. Une triple relation (prcursive, squentielle et latrale) peut relier rflexion et

    dcision.

    Pour rsumer, le lien squentiel et strict entre rflexion et dcision est discutable pour trois

    raisons principales :

    une rflexion stratgique, des ides stratgiques ne donnent pas ncessairement lieu

    dcision;

    il est possible dobserver des dcisions sans rflexion pralable identifiable ;

    les dcisions sinfluencent entre elles et une rflexion ne peut donc pas tre associe

    strictement une et une seule dcision.

    La seconde relation, entre dcision et action, a fait lobjet dune littrature abondante qui en

    critique les fondements.

    Brunsson (1982, 1985), Starbuck (1985), Weick (1987) ou Laroche (1995) ont mis en lumire

    les incohrences de la squence dcision action. La thorie comportementale de la firme de

    Cyert & March a mis en avant le fait que la plupart des choix ne procdent pas dun

    comportement de prise de dcision dlibr, explicite et conscient. Langley et al. considrent

    Dim

    ensi

    on

    str

    atg

    iqu

    e

    Dimension temporelle

    Issue

    stream 1

    Decision A Decision A+

    Decision B

    Liens latraux :

    Des dcisions

    concourrantes sont lies

    parce quelle partagent des ressources ou un contexte

    commun

    Liens squentiels :

    Les dcisions sur la mme

    question sont inter-relies

    au fil du temps

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    que la relation entre action et dcision peut tre beaucoup plus tnue que la majeure partie de la littrature en

    thorie des organisations ne le suggre (1995 : 266).

    Un certain nombre de recherches ont montr que laction est souvent dconnecte dune

    dcision pralable (notamment Starbuck 1983) et quelle est ensuite rationalise par la

    rflexion et la dcision ex post (Starbuck 1985). Weick considre ainsi que les organisations

    formulent la stratgie aprs lavoir mise en uvre, pas avant. Ayant mis en uvre quelque chose -nimporte

    quoi- les gens peuvent avoir un regard dessus et conclure que ce quils ont mis en oeuvre est la stratgie

    (1979 : 188). Laroche estime que la prise de dcision est la partie mergeante dun iceberg daction

    irrflchie (1995 : 68). Il peut donc y avoir action sans dcision pralable, comme lillustre

    lexemple, rapport par Langley et al. (1995), du dveloppement dune automobile pour

    lequel aucune dcision formelle ne semblait avoir t prise. Laction est alors le rsultat de

    micro procdures organisationnelles qui, additionnes dans lorganisation, crent ensemble du

    sens.

    La deuxime dimension de ce lien entre dcision et action est lexistence stricte dune action

    aprs une dcision. Si plusieurs auteurs ont montr quil y avait souvent action sans dcision,

    linverse est vrai galement. Il peut y avoir dcision sans action subsquente. Cest

    notamment le cas dans le cadre de ce que Brunsson (1989) appelle lhypocrisie

    organisationnelle : les dirigeants de lentreprise, confronts de nombreuses contradictions,

    placs au cur des relations dagence, organisent lhypocrisie en prenant des dcisions qui

    vont rassurer et satisfaire les diffrentes parties prenantes, sans que laction organisationnelle

    ne change.

    Enfin, le lien entre dcision et action est encore affaibli dans le cas de ce que Mintzberg &

    Waters (1990) ont appel les stratgies mergentes . Dans ce cas, il y a bien une dcision et

    une action, amenant un rsultat, mais dautres dcisions concommittentes, la modification des

    conditions environnementales ou organisationnelles vont profondment modifier le rsultat

    attendu de laction initie par la dcision. Plus prcisment, laction est transforme par ces

    phnomnes mergents et ne correspond alors plus ce qui avait t dcid pralablement.

    Dans ce cas, le lien entre dcision et action nest pas ncessairement bris, mais il est

    transform.

    Trois raisons principales affaiblissent donc le lien suppos entre dcision et action :

    il peut exister des actions sans dcision pralable ;

    il peut exister des dcisions sans actions suivre ;

    il arrive que les actions ralises ne soient pas conformes celles qui avaient t dcides.

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    1.1.2. Lapproche rcursive des liens entre rflexion, dcision et action

    Lapproche squentielle et rationnelle de la prise de dcision et donc des liens entre rflexion,

    dcision et action, a t remise en cause galement par la mise en avant du caractre itratif

    du processus stratgique. Les actions peuvent modifier lintention stratgique de dpart, et

    donc renvoyer la phase initiale de rflexion. Les liens entre les trois phases peuvent alors

    tre reprsents de la faon suivante :

    Figure 3 : Lapproche rcursive des liens entre rflexion, dcision et action

    Cette perspective qui admet la grande difficult dfinir une squence entre les trois concepts

    a notamment t dveloppe sous langle de la stratgie ttonnante (Avenier 1996, 1997) ou

    de la stratgie empiriste (Bahrami & Evans 1989). Laction nest plus une fin en soi, mais

    enrichit la rflexion et la dcision : laction stratgique elle-mme peut conduire les acteurs imaginer

    dautres moyens pour mettre en uvre ces fins, ces autres moyens suggrant leur tour dautres fins

    (Avenier, 1996 : 8). Bahrami et Evans ont une approche plus pragmatique encore lorsquils

    postulent que les entreprises adoptent une dmarche empiriste dlaboration de la stratgie en fusionnant

    formulation et mise en uvre de la stratgie. Cette orientation saccompagne la fois dintentions dlibres et

    dactions mergentes. Elle permet lentreprise dlaborer une vision stratgique large, de tester sa pertinence et

    sa faisabilit dans lexprimentation, laction et lobservation, ainsi que de bnficier dune certaine flexibilit

    pour modifier les stratgies et les intentions lorsque de nouveaux dveloppements surviennent (1989 : 108).

    On retrouve ici un des courants de recherche majeurs du management stratgique qui analyse

    laction organisationnelle comme rsultant dune dmarche incrmentale (Johnson 1988).

    Rflexion, action et dcision sont des activits distinctes, mais elles ne peuvent pas tre

    considres comme suivant un ordre prtabli. Leurs liens sont souvent rciproques (laction

    rsultant dune dcision quelle va ensuite faire amender) et non hirarchiss.

    Plusieurs auteurs vont plus loin en remettant en cause la distinction rflexion / action. Cette

    perspective nous amne proposer que la rflexion stratgique doit tre envisage de manire

    intgrative, pour sinscrire notamment dans les volutions rcentes du courant de recherche

    Rflexion

    Action Dcision

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    sur les processus stratgiques (Paroutis & Pettigrew 1991, Chakravarthy & White 2002,

    Johnson et al. 2003).

    1.2. VERS UNE LOGIQUE INTEGRATIVE DE LA NOTION DE REFLEXION STRATEGIQUE

    Weick (1983) propose que la pense construit laction car elle lui est intimement lie. Plus

    encore, il avance que la rflexion est une qualification dune activit, pas une activit en elle-mme. Cest

    un mode daction (1983 : 225). Selon Weick, il nest plus possible de distinguer rflexion et

    action. La rflexion qualifie lactivit, provoque lactivit et intensifie lactivit (1983 : 222).

    Il rejoint ici Quinn qui nonce que les processus utiliss pour gnrer des stratgies majeures sont

    typiquement fragments et volutionnaires avec un degr lev de contenu intuitif. Bien que lon trouve

    habituellement dans ces fragments des morceaux trs raffins danalyse formelle, les stratgies globales tendent

    merger comme des sries de dcisions internes conscientes qui interagissent avec les vnements externes

    changeants pour lentement faire voluer le consensus managrial autour des lments qui feront sens pour le

    futur (Quinn, 1982 : 613). Mangham &Pye (1991) parlent alors de laction rflexive (acting

    thinkingly) et de la rflexion tourne vers laction (thinking actingly) et citent le philosophe

    Pierce (1932) qui considre que la pense est en soi une action .

    Le dveloppement dune telle approche de la rflexion est importante pour la construction de

    la notion de rflexion stratgique. Elle permet denvisager la rflexion stratgique comme un

    processus global de formation et de dveloppement de la stratgie, qui comporte des phases

    danalyse, de dcision et daction qui interagissent. Nous utilisons ici dessein le terme

    analyse, en considrant que lutilisation du terme rflexion dans les perspectives

    processuelles de la dcision renvoie plutt lanalyse des situations et des problmes qu la

    rflexion. Si lanalyse peut tre considre comme la quintessence de la rflexion, il faut

    galement considrer que laction en elle-mme est une forme de rflexion. Agir signifie

    adapter, modeler, transformer des construits intellectuels (dcisions) en rsultats

    matriellement apprhendables, en fonction des conditions rencontres lors de leur mise en

    action. Ds lors, laction inclut la rflexion, elle est une forme de rflexion. Il serait trs

    rducteur de continuer penser que lentreprise qui met en uvre un plan stratgique a

    abandonn toute activit rflexive pour se consacrer une activit purement concrte. Le

    dploiement stratgique est une phase de rflexion, qui amne ou non repenser les

    fondements de laction telle quelle avait t envisage initialement, qui ventuellement remet

    en cause les dcisions.

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    La rflexion stratgique peut donc tre dfinie comme incluant analyse, dcision et action.

    Cette approche de la rflexion stratgique permet galement denvisager les trois niveaux de

    problme stratgique conceptualiss par Martinet (1990, 1998) : strategic problem solving,

    strategic problem finding et strategic issue enacting.

    Figure 4 : Les trois niveaux de problme stratgique (Martinet 1990, 1998)

    En fonction du type de question stratgique pose lacteur individuel ou lorganisation, la

    rflexion stratgique aura pour dominante principale, la fois dans ses phases danalyse, de

    dcision et daction, lune ou lautre de ces trois dimensions. La squence analyse-dcision-

    action sera diffrente selon quil sagira de rsoudre un problme identifi, didentifier un

    problme stratgique ou de donner du sens une situation complexe.

    Les processus de type strategic problem solving mettent laccent sur la dcision et laction

    car lanalyse est dj largement constitue et les contours du problme pos bien connus. Les

    et mettre en scne les noncs (questions-rponses) dits

    stratgiques

    Le jeu consiste rendre la situation : - saisissable cognitivement - viable cologiquement

    - traitable politiquement

    Strategic problem solving Strategic problem finding Strategic issue enacting

    Problme quasiment donn,

    facilement nonable

    Insatisfactions perues et symptmes divers pouvant

    signifier diffrents problmes

    Situation perue comme complexe et indicible, susceptible de

    constituer diverses opportunits et

    menaces

    Le jeu consiste envisager les solutions possibles (par rptition,

    application, analogie,

    imagination)

    Le jeu consiste construire

    diverses interprtations

    Signes

    Problmes Schmes

    et juger le(s) problme(s)-

    source(s) dterminant(s)

    ...et choisir une solution

    satisfaisante, voire optimale

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    processus strategic problem finding dveloppent davantage lanalyse et la dcision puisquil

    est indispensable didentifier la question stratgique, de la caractriser et de

    linstitutionnaliser dans lorganisation avant de pouvoir y rpondre. Enfin, les processus

    strategic issue enacting sont domins par lanalyse et laction puisquils confrontent

    lorganisation des problmatiques stratgiques complexes et inter-relies pour lesquelles la

    dcision nest quune tape formelle mais insuffisante (Laroche 1995).

    La rflexion stratgique nest alors plus comprise comme une activit lie exclusivement

    lanalyse ou la dcision stratgique. Elle est construite et utilise comme une activit de

    raisonnement visant produire des effets stratgiques pour lorganisation, sans

    ncessairement distinguer des phases de manire formelle. La rflexion est apprhende

    comme tant constitue des trois principales dimensions constitutives des processus

    stratgiques : lanalyse, la dcision et laction (Martinet 1990, Lacroux 1995, Whittington

    2001) .

    Figure 5 : La rflexion stratgique comme analyse, dcision et action.

    Si cette conception de la rflexion stratgique permet de la positionner, en tant quobjet de

    recherche, au regard dune problmatique majeure du champ de recherche sur les processus

    stratgiques, elle nest cependant pas suffisante pour inscrire de manire durable la notion

    dans les dbats actuels du management stratgique. Largement dfinie en opposition aux

    fondements et pratiques de la planification, la rflexion stratgique doit galement tre

    discute au regard de cet objet central de la discipline.

    Rflexion stratgique

    Analyse Dcision

    Action

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    2. REFLEXION, PLANIFICATION ET CREATIVITE.

    La rflexion stratgique a t largement discute en opposition la planification (Liedtka

    1998, Heracleous 1998, Martinet 2001). Pour poursuivre le dveloppement de ce concept, il

    est indispensable aujourdhui de tenter une clarification des liens entre rflexion et

    planification. Cette tentative sera organise en deux temps. Nous montrerons dabord en quoi

    les deux notions ne peuvent pas tre compares stricto sensu, les niveaux danalyse tant par

    essence diffrents. Nous reviendrons ensuite sur une polmique importante du management

    stratgique qui sous-tend la plupart des conceptualisations opposant planification et rflexion :

    la question du degr de crativit ou non-crativit de la planification et de la rflexion

    stratgique.

    2.1. REFLEXION ET PLANIFICATION STRATEGIQUE

    La planification stratgique nest quun outil du management stratgique, une mthode pour

    formaliser lanalyse et les processus stratgiques. Nanmoins, cet outil a acquis au fil des

    annes un statut trs particulier dans les travaux de recherche, comme en tmoigne par

    exemple la fameuse controverse entre Ansoff et Mintzberg (1991).

    Il nest alors pas tonnant que beaucoup des nouveaux concepts du management stratgiques

    soient tests et apprhends au travers du prisme conceptuel que constitue la planification,

    berceau du management stratgique (Martinet 2001).

    Mintzberg (1994) a longuement dtaill les raisons de linefficacit de la planification

    stratgique. Il oppose alors planification et rflexion stratgique. La planification stratgique

    est dfinie comme un processus analytique visant programmer des stratgies dj

    identifies, et dont le rsultat est un plan. La rflexion stratgique, linverse, est un

    processus synthtique, utilisant lintuition et la crativit, dont le rsultat est une perspective

    intgre de lentreprise.

    Mintzberg considre que la rflexion stratgique nest pas seulement une nouvelle faon de

    caractriser le processus stratgique, mais que cest au contraire un type particulier de

    rflexion, ayant des caractristiques spcifiques. Planification et rflexion stratgique

    correspondent alors deux types de processus de formation de la stratgie, la planification

    pouvant mme tre dangereuse pour la rflexion : la planification conventionnelle a tendance tre

    un processus conservateur qui parfois encourage des comportements qui sapent la pense et lactivit

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    stratgiques. Elle peut tre inflexible, encourager la rsistance aux changements stratgiques majeurs, et

    dcourager les ides rellement nouvelles en faveur dextrapolations du statu quo ou dadaptations marginales

    (Mintzberg 1994 : 167).

    Mintzberg ne propose malheureusement pas de dfinition de la rflexion stratgique, se

    contentant de considrer que cest un mode de rflexion aux caractristiques particulires,

    plus proches des aspects synthtiques et intuitifs attribus au limbique droit du cerveau

    humain : je suggre une diffrence fondamentale entre la planification formelle et le management (informel),

    une diffrence semblable celle entre les deux hmisphres [] la planification formelle semble utiliser des

    processus similaires ceux utiliss dans lhmisphre gauche, [alors que] les processus les plus importants du

    management se basent sur les facults de lhmisphre droit (Mintzberg, 1976 : 53).

    Hamel et Prahalad (1994) dcrivent la planification stratgique comme une activit

    bureaucratique de remplissage de dossiers (form filling) alors quils apprhendent la

    rflexion stratgique en utilisant des termes tels que crativit ou exploration. Il y a

    galement pour Goshal et Bartlett (1998) opposition entre planification et rflexion, la

    premire devant peu ou prou laisser la place la seconde : lge de la planification stratgique cde

    rapidement la place celui de lentreprise apprenante, base sur la mobilisation de la rflexion stratgique

    (1998 : 45). Lopposition introduite par March (1991) entre les activits dexploitation et

    dexploration, partiellement assimilable la distinction entre les concepts de simple et double

    boucle de Argyris (1977, 1992), est prsente galement dans la conceptualisation de la

    rflexion stratgique faite par Heracleous (1998). La planification stratgique est ici dcrite

    comme un apprentissage en simple boucle, alors que la rflexion stratgique est un

    apprentissage en double boucle. : le mode de formation de la stratgie qui peut tre associ avec la r-

    invention du futur, la cration de nouveaux espaces concurrentiels [] est la rflexion stratgique. La rflexion

    stratgique remet en question les paramtres stratgiques eux-mmes, et est donc assimilable lapprentissage en

    double boucle. (Heracleous, 1998 : 484).

    Liedtka (1998b) propose peu prs le mme type dapproche en questionnant les hypothses

    sous-tendant rflexion et planification stratgique.

    Elle identifie quatre diffrences dans les principes sur lesquels sont selon elle bass les deux

    concepts.

    En premier lieu, la planification stratgique considre le futur comme tant prvisible et stable,

    spcifiable en dtail, ce qui permet de sparer nettement les rles de formulation et de mise en uvre

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    (1998b : 32). La rflexion stratgique en revanche prsume dun futur dont seule la forme peut tre

    prvue, et dans lequel lintelligence locale est essentielle (Ibid).

    Le deuxime aspect qui diffrencie planification et rflexion est le rle attendu des managers

    oprationnels non dcideurs : la planification traditionnelle considre que le manager en dessous a

    seulement besoin de bien connatre son rle []Par contraste, la perspective de la rflexion stratgique ncessite

    que les managers aillent au-del de cette comprhension limite de leurs propres rles vers une comprhension

    plus large du systme, la connexion entre leurs rles et le fonctionnement de ce systme, et linterdpendance

    entre les diffrents rles compris dans le systme. (Liedtka, 1998b : 32-33).

    Selon Liedtka, la planification est base sur le contrle et les systmes de mesure, les

    processus de planification se focalisent sur la cration du plan comme objectif ultime (1998b : 33), tandis

    que la rflexion stratgique repose sur un paradigme stratgique se construisant au fil du

    temps.

    Enfin, la dernire diffrence entre planification et rflexion repose sur lobjectif : la

    planification cherche lefficience, la rflexion stratgique cherche la pertinence.

    Liedtka synthtise sa pense en avanant que rflexion et planification, bien que

    fondamentalement diffrents, ne sont pas ncessairement antinomiques. Comme Heracleous

    (1998b), elle propose un rapport complmentaire entre les deux, la rflexion stratgique tant

    associe la rupture de lalignement entre prsent et futur, tandis que la planification cre et

    renforce cet alignement :

    Figure 6 : La formation de la stratgie entre rflexion et planification stratgique (Liedtka 1998b)

    Planification stratgique

    Crer lalignement

    Ralit

    actuelle

    Futur

    dsir

    Rflexion stratgique

    Rompre lalignement

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    Pour rsumer les diffrentes approches comparant planification stratgique et rflexion

    stratgique, nous pouvons considrer que ce sont deux modes diffrents dlaboration de la

    stratgie, qui se distinguent sur les points suivants :

    la planification est centralise et formalise / la rflexion est dcentralise et opportuniste,

    donc plus informelle

    la planification est analytique et normative / la rflexion est intuitive et cratrice

    la planification est un frein au changement / la rflexion est propice au changement

    la planification cre de la frustration au sein de lorganisation / la rflexion soulve

    lenthousiasme en laissant des espaces dexpression et de libert aux oprationnels

    Ces perspectives sont rductrices et deux points mritent ici dtre discuts : la dimension

    caricaturale de la peinture de la planification propose et la confusion des niveaux

    danalyse.

    Il faut en effet nuancer la vision extrmiste que ces diffrents auteurs entretiennent propos

    de la planification stratgique. A ce propos la typologie des diffrents modes de planification

    stratgique propose par Chakravarthy (1987) peut tre mobilise :

    CARACTERISTIQUES Planification

    centralise

    Planification

    dcentralise

    Planification de

    portefeuille

    Planification

    double accent

    1- Sens de la fixation des

    objectifs Top-down Bottom-up

    Mode mixte, inclinant

    vers top-down

    Mode mixte, inclinant

    vers bottom-up

    2- Lien entre plans et

    budgets Trs troit Trs lche

    Lche pour certaines

    divisions, troit pour

    dautres

    Simultanment troit et

    lche pour toutes les

    divisions

    3- Rle du planificateur

    dans la formulation de la

    stratgie

    Stratge Catalyste Mixte Catalyste

    4- Frquence de suivi des

    plans stratgiques

    Trs frquent (une fois

    par mois)

    Frquent (une fois par

    trimestre)

    Trs frquent pour

    certains et rare pour

    dautres

    Peu frquent pour tous

    (une fois par an)

    5- Nature du contrle Strict respect du budget Strict respect du budget

    Objectifs de profit et de

    croissance, selon les

    divisions (sur-mesure)

    Objectifs de profit et de

    croissance, pour toutes

    les divisions

    6- Critres

    de rcompense Standards universels Standards universels Sur-mesure Sur-mesure

    Tableau 1 : Les types de planification stratgique selon Chakravarthy (1987)

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    Lanalyse des modes de planification opre par Chakravarthy laisse apparatre quatre types

    diffrents de planification. La planification stratgique telle quelle est envisage et brocarde

    par les auteurs cits prcdemment correspond au type 1, voire au type 3. Il existe donc

    dautres modes de planification qui sont moins centraliss, et/ou qui ne sont pas bass sur une

    batterie dindicateurs prformats.

    Le deuxime lment qui tempre trs largement lopposition entre rflexion et planification

    tient aux niveaux danalyse et au rle que lon assigne la planification stratgique.

    Quelques auteurs (De Geus 1994, Senge 1991, Nadler 1994) considrent quun des aspects les

    plus importants de la planification stratgique nest pas le plan en lui-mme, mais la faon

    dont il peut changer les modles mentaux des managers impliqus dans le processus. La

    planification doit tre perue comme un outil de la rflexion stratgique, et pas comme un

    mode diffrent de formation de la stratgie.

    Martinet et al. (1995) proposent une analyse des axes de contribution des processus de

    planification aux dynamiques de changement. La planification stratgique y est prsente

    comme permettant, entre autres, lapprentissage du raisonnement stratgique. Cette

    dimension, qui rejoint celle mise en lumire par De Geus (1994) par exemple, est

    fondamentale : la planification stratgique, par son caractre systmatique et formalis,

    dveloppe la conscience stratgique et lalphabtisme stratgique3 des acteurs qui participent

    au processus. En ce sens, la planification stratgique est un outil pertinent pour faciliter le

    passage de la rflexion stratgique individuelle la rflexion stratgique organisationnelle,

    comme le soulignent Martinet et al. en mobilisant les travaux de Daft & Weick (1984) : le

    recueil de donnes nouvelles conduit lapprentissage via les processus dinterprtation qui interviennent surtout

    au niveau conceptuel (1995 : 49).

    Loin denterrer la planification stratgique, les auteurs considrent quelle pourrait redevenir

    un concept prsentable en management stratgique : nous serions prts parier sur la renaissance de

    la planification stratgique comme outil, parmi dautres, de management stratgique et plus gnralement

    comme vecteur de changement radical dans les grandes organisations. La planification stratgique nous semble

    en effet utile pour articuler le vieux problme de la stratgie et ceux, plus la mode, de la vision et de

    lapprentissage. (Martinet et al., 1995 : 52)

    3 La notion dalphabtisme stratgique des acteurs renvoie leur capacit participer la formulation de la

    stratgie. Elle peut tre apprhende comme tant compose de deux dimensions : la capacit lire et la capacit

    crire la stratgie.

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    Plus rcemment, Martinet a approfondi cette rflexion, en sintressant cette fois-ci

    explicitement aux liens entre rflexion stratgique et planification stratgique : la plupart des

    thories des organisations, les travaux sur la faon dont travaillent les dirigeants, lobservation du

    fonctionnement quotidien des entreprises convergent sur deux points essentiels : les tches oprationnelles

    repoussent en permanence la rflexion stratgique et une certaine urgence semble ncessaire la dcision. La

    procdure de planification joue cet gard un rle relativement irremplaable. En instituant des espace-

    temps , un calendrier et des chances prcis, des preuves auxquelles doivent se soumettre diffrents niveaux

    hirarchiques -prsenter et dfendre le plan pour le niveau n-1, le comprendre et le discuter pour le niveau n-, la

    procdure peut stimuler incontestablement la rflexion stratgique. La recherche et le traitement des donnes,

    lanalyse de lenvironnement, leffort dexplicitation et dargumentation des diagnostics stratgiques, la

    crativit requise pour concevoir des stratgies peuvent tre singulirement activs par une procdure conue

    dans cette vise (Martinet, 2001 : 188).

    Il nest donc pas pertinent de confronter directement rflexion et planification, comme le font

    par exemple Liedtka (1998b), Heracleous (1998) ou Mintzberg (1994). La planification

    stratgique est un outil de la rflexion stratgique et les niveaux danalyse sont diffrents. De

    faon un peu caricaturale, nous pouvons ajouter que comparer rflexion et planification

    reviendrait peu ou prou comparer la dcision dinvestissement avec un calcul de valeur

    actuelle nette. Il ne faut pas assimiler fins et moyens. La rflexion stratgique est une fin dans

    la mesure o elle a pour ambition de dvelopper des positionnements stratgiques. La

    planification est un moyen pour gnrer cette rflexion, par la formalisation et la construction

    de sens partir de donnes environnementales, concurrentielles et organisationnelles

    complexes. Le principe de procduralit propos par Lacroux (1995) pour construire le

    concept de stratgie procdurale repose sur une vision semblable de la planification : le but

    est le chemin .

    Langley synthtise cette approche en considrant que les systmes doivent servir comme une

    discipline dans le cadre de laquelle doit seffectuer le travail (1988 : 47). Il faut alors considrer la

    planification stratgique seulement comme un support majeur de la rflexion stratgique

    (Martinet, 2001 : 187).

    La rflexion stratgique nest pas antagoniste la planification stratgique. Au contraire, elle

    sen nourrit, la planification tant un outil danalyse qui permet de formaliser les

    raisonnements et de dvelopper un langage commun tous les acteurs de lorganisation.

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    2.2. REFLEXION ET CREATIVITE

    Le dernier point qui semble devoir tre discut au regard des conceptualisations de la

    rflexion stratgique (Nasi 1991, Zabriskie & Huellmantel 1991, Calori et al. 1997, Liedtka

    1998, Heracleous 1998, Grundy & Wesley 1999) concerne le caractre intuitif et cratif de la

    rflexion stratgique.

    Mintzberg (1994), Liedtka (1998a et b) ou Heracleous (1998) considrent que la rflexion

    stratgique est par essence crative par opposition une planification norme et normalisante,

    comme le souligne Nadler : dans la plupart des organisations, il y a trop de planification stratgique et

    pas assez de rflexion stratgique. Trop de temps est dpens en analyses qui influencent finalement trs peu les

    comportements, et trop peu de temps est pass sur le processus cratif de rflexion propos de la formation, de

    la mise en uvre et de lapprentissage de la stratgie (1994 : 31).

    La question de la crativit dans la prise de dcision est un thme important du management

    stratgique. Rarement conceptualis tel quel, il est souvent prsent au travers danalyses du

    rle de lintuition dans la stratgie (Agor 1989, Lebraty 1996), ou de la distinction entre

    stratgies dlibres et mergentes (Mintzberg & Waters 1985). La logique qui prvaut dans

    ces distinctions relve globalement de celle identifie par March qui distingue les activits

    dexploitation de vieilles certitudes et les activits dexploration de nouvelles possibilits (1991 : 71) ou

    des travaux de Alexander (1979) sur la gnration dalternatives stratgiques opposant la

    dcouverte de solutions existantes et la cration de solutions nouvelles.

    Les travaux mens par Amabile (1988) et surtout Ford & Gioia (1995, 2000) sur la crativit

    dans les processus de dcision et daction organisationnelle discutent la nature de la crativit

    en matire stratgique. Ford & Gioia dfinissent une dcision crative comme tant

    dtermine par deux dimensions : sa nouveaut et sa valeur : la crativit est dfinie ici comme un

    jugement subjectif, spcifique un domaine, de la nouveaut et de la valeur dun rsultat ou produit dune action

    particulire (Ford & Gioia, 2000 : 708). En dautres termes, une dcision est crative

    lorsquelle prsente une rupture avec le paradigme stratgique dominant (Johnson 1988), mais

    galement si elle est valorisable pour lorganisation.

    Ces auteurs, opposant planification et rflexion stratgique, plaident pour le dveloppement

    dune rflexion stratgique crative et intuitive qui remplacerait la planification analytique et

    normative. La rflexion stratgique serait un apprentissage en double boucle, cest--dire

    capable de questionner les principes et hypothses sous-tendant la rflexion, alors que la

    planification serait un apprentissage en simple boucle, cest--dire ne remettant pas en cause

    les bases sur lesquelles elle se construit (Heracleous 1998).

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    Cette opposition est trs rductrice pour deux raisons principales :

    En premier lieu, rflexion et planification ne peuvent pas tre opposes, les niveaux danalyse

    tant diffrents. La rflexion stratgique peut prendre des formes trs diffrentes selon les

    acteurs impliqus, le contexte organisationnel et environnemental et les outils utiliss. Ainsi,

    le processus de planification stratgique, comme les processus stratgiques autonomes

    (Burgelman 1983a) ou le dveloppement de la stratgie ttonnante (Avenier 1996, 1997)

    relvent de la notion de rflexion stratgique. Ds lors, la rflexion stratgique peut inclure

    des analyses normes et formalises de type planification.

    En second lieu, beaucoup dauteurs (Burgelman 1983a, March 1991, Simon 1991) ont montr

    quexploration et exploitation sont deux lments indispensables la conduite stratgique

    dune organisation. Il est vain de vouloir privilgier lune ou lautre des approches, cest la

    combinaison des deux modes de formation de la stratgie qui permet lentreprise de

    dvelopper et prenniser des positions concurrentielles uniques. Il faut viter ce que Damasio

    (1994) appelle lerreur de Descartes : considrer que rflexion et sentiments, rationalit et

    motion sont spars. Dailleurs, doit-on considrer, sur les traces de Mintzberg (1994) ou

    Liedtka (1998a) que la rflexion stratgique est ncessairement crative ? Que penser alors

    des trs nombreuses dcisions visant dvelopper lefficience et la rentabilit des entreprises

    en rationalisant la production ? Sont-elles exclues des processus de rflexion stratgique ?

    La rflexion stratgique nest pas uniquement crative. Elle peut tre analytique et

    synthtique, utiliser des outils de planification. Elle peut donc avoir pour rsultat des

    stratgies mergentes comme des stratgies dlibres, notamment en fonction des acteurs qui

    la dveloppent.

    Liedtka (1998a) considre que la rflexion stratgique est une notion importante mais trop peu

    dveloppe et insuffisamment conceptualise.

    Les dveloppements prcdents avaient pour objectif de mettre en lumire et discuter les

    principales problmatiques associes ce concept. Les arguments proposs nous semblent de

    nature permettre une bauche de conceptualisation de la rflexion stratgique.

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    3. LA NOTION DE REFLEXION STRATEGIQUE : VERS UNE MEILLEURE COMPREHENSION DE LA FORMATION DE LA STRATEGIE ?

    Les volutions rcentes des connaissances et conceptualisations des processus stratgiques ont

    t marques par lmergence dun nouveau courant de recherche, baptis alternativement

    strategy as practice , strategizing , pratique de la stratgie (Whittington 1996, 2002 ;

    Johnson et al. 2003, Torset 2003). Lambition de cette perspective thorique est une

    focalisation sur les processus et pratiques dtaills qui constituent les activits quotidiennes

    de la vie organisationnelle et qui sont relatifs aux rsultats stratgiques (Johnson et al.,

    2003 : 3). Cette dmarche acadmique propose notamment de reconsidrer les objets et les

    mthodes de recherche sur les processus stratgiques, de manire rpondre aux limites des

    recherches processuelles antrieures. La notion de rflexion stratgique sinscrit dans cette

    perspective (Torset 2001), en tant quobjet et en tant quoutil de recherche.

    3.1. LA REFLEXION STRATEGIQUE, OBJET DE RECHERCHE

    La rflexion stratgique peut tre dfinie comme lactivit visant gnrer des ides

    stratgiques.

    Cette acception renvoie limportante et riche littrature de recherche sur la dcision et sur

    les processus stratgiques.

    Les trois limites gnralement attribues cette littrature sont :

    la focalisation sur le concept de dcision, les dcisions tant perues comme des

    vnements discrets, matrialiss par un moment et un lieu. Cette focalisation entrane

    notamment une distinction entre dcision et action, entre formulation et mise en uvre.

    Le caractre programmatique des analyses, qui ordonnent de faon squentielle des

    processus sociaux complexes et concourent donc une vision simpliste de la formation de

    la stratgie.

    Lassimilation -explicite ou implicite- de la formation de la stratgie un groupe de

    dcideurs, sans prise en compte des multiples acteurs organisationnels non dcideurs qui

    participent pourtant au dveloppement de la stratgie.

    Le concept de rflexion stratgique est susceptible de constituer un angle dattaque pertinents

    pour comprendre et modliser la complexit des processus stratgiques, pour deux principales

    raisons : elle permet denvisager, au moins partiellement, la rconciliation entre processus et

    contenu et le rapprochement des niveaux danalyse.

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    La rconciliation du contenu et du processus

    Un lment distinctif fondamental entre rflexion et processus stratgique est relatif la

    dichotomie frquente entre processus et contenu. Parler de processus stratgique, cest

    effectivement se couper de lobjet du processus. Chakravarthy & White (2002) considrent

    dailleurs que le champ de recherche sur les processus sest largement constitu en opposition

    aux travaux mens sur le contenu des stratgies (notamment lcole du positionnement telle

    que lont dcrite Mintzberg et al., 1998). Les logiques processuelles, dans leur souci de

    comprhension plus que description (Pettigrew, 1992), ont plbiscit les dmarches isolant le

    mode de formation des stratgies et leur produit. La dmarche est analyse, on en spcifie

    parfois le but, mais il nest que rarement pris en compte. Johnson et al. (2003) considrent que

    la perspective de la pratique stratgique doit satteler rconcilier les deux approches.

    La rflexion stratgique, contrairement aux notions de dcision ou de processus, semble un

    concept prometteur pour relever ce dfi.

    Utiliser le concept de rflexion stratgique amne en effet poser deux questions : 1) quoi

    rflchit-on ? et 2) comment y rflchit-on ?

    Contenu et processus peuvent alors tre rapprochs et des analyses croises sont

    envisageables, telles celles dveloppes part Miles & Snow (1978) ou Papadakis et al. (1998).

    Parce quelle renvoie la fois lobjet de la rflexion mais galement au processus mis en

    uvre, la notion de rflexion stratgique peut faciliter les analyses croises contenu-

    processus, les deux tant associs dans un mme cadre conceptuel.

    Le rapprochement des niveaux danalyse

    En premier lieu, les travaux prsents prcdemment lont montr, la rflexion stratgique

    peut tre apprhende sous langle individuel comme sous langle organisationnel. Un

    individu peut rflchir stratgiquement, sans ncessairement que cette rflexion devienne

    organisationnelle (voir la notion de maturation stratgique de Romelaer 1998). Ds lors, la

    rflexion stratgique sera davantage apprhende sous langle de lanalyse, du contenu de la

    stratgie. Elle ne donnera pas forcment lieu dcision ou action, mais la production

    intellectuelle constitue par une ide ou une proposition stratgique relve bien de la rflexion

    stratgique. La mme remarque peut tre faite pour les actions individuelles ou locales dans

    lorganisation. Comme lont montr plusieurs recherches (dont les travaux de Bower 1970 et

    Burgelman 1983a, 1998 et 1991), des individus plus ou moins isols dans lorganisation

    peuvent dclencher une action potentiellement stratgique pour lorganisation. Tant quelle

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    nest pas approprie, retenue par lorganisation, cette action individuelle ou locale ne peut pas

    tre considre comme tant organisationnelle. Or la perspective des processus stratgiques

    prouve des difficults prendre en compte ces niveaux individuels dans son analyse de la

    formation de la stratgie (Chakravarthy & White 2002). La notion de rflexion stratgique

    permet, en tant envisageable sous langle individuel comme sous langle organisationnel, de

    dvelopper une analyse plus fluide des liens entre activits individuelles et collectives dans la

    formation de la stratgie. Nous avons propos une conceptualisation de la rflexion

    stratgique partir des contextes dans lesquels elle se construit (Torset 2002). La rflexion

    stratgique est apprhende au niveau organisationnel et se construit partir des rflexions

    individuelles au travers de trois dimensions contextuelles : les contextes individuel,

    stratgique et organisationnel. Cette perspective permet dancrer la rflexion stratgique dans

    les pratiques organisationnelles, en prenant en considration non seulement les dimensions

    collectives des processus, mais galement les dimensions cognitives individuelles et les

    contextes dans lesquels elles se forment et sinfluencent mutuellement. Ce rapprochement des

    niveaux danalyse nest pas facilement envisageable lorsque lobjet de recherche est constitu

    uniquement des dcisions menant une position stratgique, ni mme des processus

    organisationnels menant ladoption dun choix stratgique. En cela, le concept de rflexion

    stratgique est susceptible de permettre une volution des pratiques de recherche vers une

    meilleure comprhension et une plus grande contextualisation des modes de formation de la

    stratgie, appeles de leurs vux par de nombreux auteurs (Pettigrew 1992, Chakravarthy &

    White 2002, Jarzabkowski 2003).

    En tant quobjet de recherche, le concept de rflexion stratgique peut tre dfini de la

    manire suivante.

    La rflexion stratgique consiste gnrer des ides stratgiques. Cest une activit de

    cration de sens stratgique partir de lanalyse des ressources et de lenvironnement. Cette

    cration de sens stratgique se nourrit des analyses, des dcisions et de laction. Intgrant les

    outils danalyse et de planification, la rflexion stratgique existe aux niveaux individuel et

    organisationnel. Au niveau de lorganisation, elle peut prendre de multiples formes,

    correspondant aux diffrents types de processus stratgiques identifis par la littrature.

    La rflexion stratgique peut galement tre apprhende comme outil de recherche,

    notamment parce quelle favorise la prise en compte dindividus et processus habituellement

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    invisibles dans ltude du dveloppement des stratgies et parce quelle permet de capter une

    partie plus importante des phnomnes organisationnels informels.

    3.2. LA REFLEXION STRATEGIQUE, OUTIL DE RECHERCHE

    Comme le soulignent Balogun et al. (2003), le dveloppement dune nouvelle perspective

    thorique sur la formation de la stratgie ncessite de disposer de nouveaux concepts, outils et

    dmarches permettant de comprendre comment les stratgies sont dveloppes, au travers du

    prisme des pratiques et micro-activits individuelles et organisationnelles.

    Le concept de rflexion stratgique peut tre tudi comme un objet de recherche, mais il peut

    galement tre apprhend comme outil de recherche pour rpondre ces exigences

    nouvelles. La perspective du strategizing ncessite de prendre en considration les

    multiples acteurs ayant contribu sous une forme ou une autre llaboration des stratgies

    (Whittington 1996). Pour cela, le concept de rflexion stratgique favorise dune part la

    visibilit pour le chercheur de la partie immerge de liceberg de la formation de la stratgie

    et dautre part une meilleure prise en compte des aspects informels des processus stratgiques

    tudis.

    La prise en compte de la partie immerge de liceberg de la formation de la stratgie

    La notion de rflexion stratgique se diffrencie notamment des processus stratgiques par

    son caractre non squentiel et non ncessairement formalis. Lanalyse des processus

    stratgiques est opre le plus souvent en identifiant diffrentes phases constitutives de la

    dmarche stratgique. Hormis le modle du Garbage can, la plupart des conceptualisations

    rencontrent des difficults formaliser les innombrables interactions entre analyse, dcision et

    action, et entre diffrentes questions stratgiques. La nature itrative du processus stratgique

    est totalement admise, mais elle est souvent difficile reprsenter et lanalyse des processus

    comporte alors une part importante de simplification qui ne permet pas de prendre en

    considration la grande complexit de la dmarche. La notion de rflexion stratgique permet

    de prendre en compte les aspects informels de la formation de la stratgie et donc de

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    conceptualiser les phases prcdant et suivant la dcision, ainsi que les contributions des

    diffrents acteurs.

    Si lon analyse une dcision dinvestissement stratgique dans une entreprise de taille

    moyenne, la modlisation du processus arrivera trs rapidement une reprsentation du

    processus formel ayant amen les dirigeants privilgier lune ou lautre solution. Sous

    langle de la rflexion stratgique, la mme dmarche pourra tre envisage diffremment. En

    privilgiant les questions comment avez-vous rflchi cette question stratgique ? Qui a

    particip ? au dtriment de la question comment avez-vous dcid de raliser cet

    investissement ?, le chercheur aura davantage la possibilit dinclure dans son analyse tous

    les lments informels du processus, tels que les discussions avec les responsables de

    production ou avec les dlgus commerciaux, qui ne sont que rarement identifies comme

    ayant particip au processus dinvestissement.

    La perspective intgre des processus stratgiques

    Le concept de rflexion stratgique permet de dvelopper une perspective intgre des

    processus de formation de la stratgie en intgrant dans une mme dmarche de recherche

    ltude des pratiques individuelles et collectives, des processus cognitifs et organisationnels et

    de leurs contextes.

    La littrature sur les processus stratgiques souffre notamment dtre base sur lopposition

    entre une activit individuelle danalyse stratgique et le caractre organisationnel de la

    rflexion stratgique entendue au sens de processus. La difficult analyser sur le mme plan

    les phnomnes cognitifs individuels et les processus organisationnels de dcision fragmente

    largement cette littrature (Chakravarthy & White 2002). La rflexion stratgique est la fois

    un processus cognitif individuel danalyse des possibles et un processus cognitif

    organisationnel qui, par la confrontation des analyses individuelles, construit un projet

    stratgique pour lentreprise.

    Les modles de Liedtka (1998a), de Martinet (1993) ou les dveloppements proposs par

    Martinet et al. (1995) sur les contributions de la planification la rflexion stratgique

    suggrent une caractristique importante de la rflexion stratgique. La rflexion stratgique

    est une activit de sense-making (Weick 1995), cest--dire de construction de sens partir

    des informations dont lacteur dispose propos de lenvironnement et de son organisation.

    Cest la confrontation de ces donnes et de son propre schma cognitif qui structure sa vision

    des possibles et donc les ides stratgiques dveloppes par un acteur individuel.

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    La cration de sens peut avoir lieu au niveau de lindividu comme au niveau de lorganisation,

    lorsque plusieurs acteurs apportent leur interprtation des volutions environnementales qui,

    confrontes les unes aux autres, crent du sens stratgique, cest--dire font merger une ide

    daction stratgique que les individus navaient pas dveloppe de faon isole.

    Lutilisation, dans le design de la recherche et dans le recueil des donnes, du concept de

    rflexion stratgique permet de construire un protocole intgrant ds le dpart les dimensions

    individuelles et collectives, cognitives et processuelles. Pour cela, la rflexion stratgique doit

    tre galement apprhende comme intgrant les diffrentes phases des processus tudis et

    les pratiques formelles comme la planification.

    La rflexion stratgique se base sur les analyses, se nourrit et se formalise avec les dcisions

    et senrichit ou se renouvelle par laction. Elle offre alors un cadre danalyse homogne de

    formation de la stratgie, depuis les premires ides stratgiques, jusquau rsultat de laction.

    En tant quoutil de recherche, le concept de rflexion stratgique oblige alors le chercheur

    ne pas limiter le recueil des donnes aux seuls moments formels des processus, mais

    sintresser au contraire lensemble des lments ayant contribu au dveloppement des

    choix stratgiques et leur mise en uvre. Cette perspective intgre permet de rpondre

    plusieurs des exigences mthodologiques souleves par Pettigrew (1992) ou Chakravarthy &

    White (2002) pour saisir lessence des processus complexes. Lanalyse de la rflexion

    stratgique ncessite donc des mthodes de recherche relativement lourdes pour le chercheur

    (observation participante, tudes de cas, entretiens semi-directifs approfondis, etc.), mais elle

    permet denvisager les processus tudis dans toute leur complexit, selon leurs contextes et

    en y intgrant tous les acteurs qui y ont contribu. Cest en ce sens que la rflexion stratgique

    peut tre un outil pertinent de la recherche sur les processus stratgiques, notamment dans une

    perspective strategizing ou activity-based view .

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    Conclusion

    Les nombreuses mta-analyses de la littrature de recherche sur les processus de formation de

    la stratgie mettent en lumire les difficults rencontrs par celle-ci, conceptuelles ou

    mthodologiques (analyses infodes aux processus formels, sur-reprsentation des

    dirigeants, difficults prendre en compte laction stratgique).

    Lusage de plus en plus rpandu de la notion de rflexion stratgique amne se poser la

    question de son contenu et de son intrt. Lanalyse de la notion au regard des principales

    problmatiques issues de la littrature montre que la rflexion stratgique doit tre envisage

    comme lactivit qui consiste gnrer des ides stratgiques, en faisant interagir la fois

    lanalyse cognitive proprement dite, les processus de dcision et laction stratgique. La

    rflexion stratgique peut alors tre individuelle ou collective, organise ou mergente. Elle

    inclut la planification comme laction, peut tre de nature exploratoire ou favoriser

    lexploitation dorientations existantes.

    La notion de rflexion stratgique peut tre utile au champ de recherche sur la formation de la

    stratgie. Elle permet en effet aux chercheurs dapprhender le recueil et lanalyse des

    donnes sans risque de fragmentation du fait dune focalisation sur la dcision ou les

    dirigeants. Approcher les mcanismes de dveloppement stratgique sous langle de la

    rflexion permet de ne pas choisir entre les niveaux individuel ou organisationnel, mais

    autorise galement une conceptualisation du processus prenant en considration les acteurs

    qui napparaissent habituellement pas dans les processus de dcision auxquels ils ne sont pas

    associs. Ainsi, apprhender la formation de la stratgie comme un phnomne de rflexion

    favorise la prise en compte des multiples niveaux organisationnels participant au processus.

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