RÉFACE - HERSTAL · Défense / sécurité avec la marque FN Herstal; Chasse / tir sportif avec les...

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3Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

5 PRÉFACEpar Olivier Dassault

6 EDITOPhilippe ClaessensAdministrateur délégué

8 L’histoire industrielledu pays de Liège

18 La légende Browninget le mythe Herstal 18 La naissance de la Fabrique Nationale22 Rencontre avec John Moses Browning26 Coups durs

30 Les autres secteurs d’activité :du vélo à la fusée

36 Les armes mythiques36 De l’Auto-5 à l’A5 : une révolution

dans l’arme semi-automatique à usage civil

41 Le fusil superposé Browning B2543 Le Browning B72544 Les carabines 22 LR BROWNING47 Les carabines BROWNING BAR :

origines et descendants50 La carabine Winchester modèle 70

54 La Fabrique et les armes militaires

64 Le Groupe Herstalet les grands de ce monde

68 Le Groupe Herstalaujourd’hui et demain68 Une aventure humaine71 Portraits75 Entretien avec Robert Sauvage

de la Fondation Ars Mechanica

79 BrowningCustom ShopL’atelier d’armes de luxe

86 EN GUISEDE CONCLUSION

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SOMMAIREJuin 2014HORS-SÉRIE l JOURS DE CHASSE

18La légendeBrowninget lemythe Herstal

30Les autres secteurs d’activité : du vélo à la fusée

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Browning Custom ShopL’atelier d’armes de luxe

68Le Groupe

Herstal aujourd’hui et demain

Les armes mythiquesDe l’Auto-5 à l’A5 : une révolutiondans l’armesemi-automatiqueà usage civil

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L’histoireindustrielle du pays de Liège

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n chasseur n’oublie jamais l’arme de ses débuts,qu’il l’ait acquise ou qu’elle lui ait été offerte. Ilgarde en mémoire l’émotion qui fut la siennequand il l’a, pour la première fois, tenue entre ses

mains, quand il l’a épaulée, quand il l’a mise en joue, et,bien sûr, quand il l’a étrennée face au gibier et que la réus-site fut au bout du fusil. Cette première arme, pour moi,fut un Browning. Depuis, au cours de ma déjà

longue carrière de chasseur, j’aieu l’occasion d’utiliser ou d’es-sayer de nombreux fusils, de touslabels, mais je suis resté fidèle àla marque avec laquelle j’ai faitmon apprentissage de chasseuret de tireur. A telle enseigne qu’une

demi-douzaine de B 25 et deleurs successeurs sont rangésdans mon râtelier d’armes auxcôtés d’une douzaine de Win-chester, autre marque liée à l’his-toire d’Herstal. Cet attachement va bien au-

delà des qualités intrinsèques dufusil le plus emblématique dela manufacture belge, le premiersuperposé de l’histoire de l’ar-murerie et, sans doute, le plusvendu au monde : harmonie dela ligne, fiabilité, précision,perfection de l’équilibre… A lalecture de ce hors-série, j’ai dé-couvert que plus de 155 inter-ventions manuelles étaient re-quises pour garantir un ajustageirréprochable et que 2310 opé-rations de contrôle garantis-saient la qualité des pièces qui le constituent.Sans doute est-ce la raison pour laquelle j’éprouve tant de confiance dansmes fusils : ils n’ont jamais trahi ni déçu mes exigences, etje leur demande beaucoup !Entre un chasseur et son arme préférée existe une rela-

tion particulière, une sorte d’intimité ou de connivence quicautionne la justesse et la régularité du tir. Mes Browningsont un prolongement de moi-même, de mon œil directeur

et de mon bras. Avec eux, grâce à eux, la montée à l’épauleest aisée et le tir instinctif. Combien d’oiseaux difficiles àdécrocher, combien de doublés ou de coups du roi n’ont-ilspas favorisés ! Davantage qu’une arme ils sont, à mes yeux,des compagnons loyaux et, je dirai même plus, une œuvred’art, alliance parfaite de l’esthétique et de l’efficacité. Mon grand-père, Marcel Dassault, avait coutume de

dire qu’un bon avion doit êtrebeau, et que sa beauté contribueà ses performances. En ce sens,comme j’ai pu m’en apercevoirau cours de mes visites à Hers-tal, je discerne comme une parenté entre l’armurerie fine etl’industrie aéronautique, à la-quelle le nom de ma famille estindéfectiblement attaché. Géniedes premiers inventeurs, sens de l’innovation technologique,constamment renouvelée, qualitédes matériaux, précision milli-métrique des ajustages, nécessitéd’un contrôle minutieux à toutesles étapes de la fabrication : au-tant d’impératifs communs à cesdeux branches industrielles dehaute précision. De même quele pilote doit faire corps avec sonavion, de même le chasseur doit-il faire corps avec son arme. Auxcommandes d’un Falcon ou à lachasse avec mon Browning,j’éprouve ce sentiment à la foisgrisant et rassurant. L’histoire des marques,

Browning ou Dassault, seconfond avec l’épopée indus-trielle du XXe siècle. En cette

année 2014 où Herstal-Browning célèbre son cent-vingt-cin-quième anniversaire, qu’il me soit permis de souhaiter àcette firme centenaire un avenir digne de son glorieux passé.

UPRÉFACE par Olivier Dassault

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ous célébrons aujourd’hui le125e anniversaire du GroupeHerstal, dont l’ancêtre histo-rique, la Fabrique Nationale

d’Armes de Guerre, vit le jour en 1889– afin d’honorer une commande de fu-sils Mauser émise par l’État belge. Lamême année, on inaugurait à Paris l’undes plus célèbres monuments de la mo-dernité, à la fois chef-d’œuvre artistiqueet joyau de l’industrie métallurgique :la Tour Eiffel. Comment ne verrait-onpas, dans cette heureuse coïncidence, unsymbole, et presque un signe ? L’uneet l’autre firent du temps leur allié : telest bien le propre des grandes entrepriseshumaines…Dès sa naissance – et avec une fi-

délité exemplaire – la FN contribua àperpétuer l’excellence d’un savoir-fairearmurier vieux de cinq siècles en terreliégeoise. Garants de ce précieux héri-tage, ses fondateurs furent égalementtrès sensibles aux vertus conjuguéesdu travail collectif et de l’inventivité per-sonnelle : sans doute seraient-ils fiers deconstater que l’odyssée herstaliennecontinue de s’écrire en 2014… Tant ilest vrai que le glorieux passé de l’en-treprise n’a cessé de nourrir son pré-sent – en inspirant son avenir.Au départ, l’activité « Défense » fut

au cœur de la production : c’était, enquelque sorte, sa raison d’être. Néan-moins, certaines circonstances ont viteincité les acteurs de la FN à exercerleur créativité dans d’autres domainesindustriels : la confection d’armes dechasse et de tir – bien entendu – maisaussi de bicyclettes, de motos, de voi-

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Edito parPHILIPPE CLAESSENSADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ

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tures, de camions, de matériels agricoles,de moteurs d’avion, etc. Prodigieusediversité, où la FN mit toujours lemeilleur d’elle-même !Répondant aux besoins d’époques

précises, les anticipant même quelque-fois, ces productions offrirent à la so-ciété l’opportunité de développer etd’approfondir ses multiples compé-tences – son expertise mécanique, no-tamment. Aussi la richesse de son por-tefeuille d’activités fut-elle – etreprésente-t-elle encore – un atout in-estimable : l’amplitude de son expé-rience, comme la qualité de ses techni-ciens, en attestent.Mais si l’on se souvient avec bon-

heur des nombreux succès et recordsremportés par la FN au cours de son his-toire, nous n’oublions pas, pour autant,les résultats plus mitigés auxquels elledut parfois faire face – et dont elle s’ef-força, constamment, de tirer leçon. Ledestin d’une grande entreprise n’est-ilpas, en vérité, tributaire des obstaclesqu’elle aura su dépasser ? En tout étatde cause, les valeurs fondamentales quiont jadis présidé à l’évolution de la FNsont demeurées intactes : une volontéd’entreprendre et un désir d’innovationà toute épreuve. Aujourd’hui recueillieset conservées par la Fondation Ars Me-chanica, les traces matérielles de ce passéoriginal constituent un patrimoine em-blématique, mieux : un témoignage ex-traordinairement vivant.A la fois patiente et audacieuse, la

Fabrique a peu à peu franchi les fron-tières de la Belgique pour épouser lescontours d’une véritable épopée mon-diale – avant de devenir, au début desannées quatre-vingt-dix, le GroupeHerstal, propriété de la Région Wal-lonne. Ce dernier excelle ainsi autour dedeux pôles :Défense / sécurité avec la marque FNHerstal ;

Chasse / tir sportif avec les marquesBrowning, Winchester (licence Olin)et Miroku (partenaire japonais).En moyenne, l’un et l’autre pôles re-

présentent respectivement 60 % et 40 %du chiffre d’affaires annuel.Grâce à une politique d’innovation

intensive, au déploiement toujours sou-tenu de ses gammes et au très haut ni-veau d’exigence qu’il attache à la qua-lité de ses fabrications, le Groupe Herstalse situe parmi les leaders mondiaux dans

ses deux domaines d’activité propres.Telle reste son ambition pour l’avenir.Socle historique de l’entreprise, l’ac-

tivité Défense et Sécurité n’a cessé dese développer au gré de produits deve-nus incontournables à l’échelle inter-nationale – qu’il s’agisse de pistolets,de fusils ou de mitrailleuses, sans omettreles munitions qui leur sont associées. Au-jourd’hui, nos efforts sont plus que ja-mais orientés vers la création de nou-velles générations d’armes, de nouvellesapplications (tels les systèmes aéropor-tés et terrestres), de nouveaux créneaux(comme le Less Lethal).L’histoire du Groupe est par ailleurs

indissociable de la confection d’armesde chasse. Dès la fin du XIXesiècle, celles-ci jouèrent un rôle éminent dans le dé-veloppement de l’entreprise et dans laconsolidation de sa renommée. De cetteépoque datent en effet les premiers Brow-ning– du nom du génial inventeur mor-mon John Moses Browning, armurierà Ogden (Utah), puis Liégeois d’adop-tion, qui effectua soixante-et-un voyagesà Herstal au cours de sa vie… La ren-contre de l’ingéniosité Browning et dusavoir-faire FN fut d’une rare fécondité :7.62 Browning, Auto5, B25, 9mm HighPower – parmi tant d’autres… Dansl’univers de l’armurerie, qui donc ignoreencore ces « classiques » ? Ils illustrentà eux seuls l’esprit du Groupe – un es-prit naturellement tourné vers les res-sources techniques et humaines qu’offrela mondialisation.Ancrée autour de Liège, la mon-

dialisation de notre société s’est pro-gressivement accentuée : Marketing,

R&D, Production, Contrôle Qualité,Commerce et Distribution, etc., s’ap-puient dorénavant sur les sites et équipesde Herstal (Belgique), Viana do Cas-telo (Portugal), Morgan (Utah), Co-lumbia (Caroline du Sud), Washington(Virginie), Kochi (Japon)… et sur ceuxde nos multiples partenaires à travers lemonde. Rendue possible par la révolu-tion des médias, cette internationalisa-tion des efforts et des cultures est unechance pour l’entreprise – tant sur le planindustriel, commercial et technique quesocial.Toujours est-il que les amateurs de

chasse et de tir sportif découvriront as-surément, parmi nos produits, de quoisatisfaire leurs désirs et leurs exigencesde qualité : des armes prestigieuses auxtechnologies innovantes (fusil B725,Maxus, SXP, Carabine BAR), des mu-nitions, des équipements outdoor – toussynonymes de confort, de sécurité, de fia-bilité. Sans oublier, bien entendu, lessomptueuses finitions exécutées demainde maître par le Custom Shop, l’atelierhaut de gamme de la marque Brow-ning !Chasseurs et tireurs connaissent la

devise qui unit les équipes Browning àleurs armuriers partenaires : The BestThere Is. Expression de la confiance quenous accordons à nos produits, elle ré-sume aussi – surtout – la charte de va-leurs à laquelle nous souscrivons de-puis toujours, afin de répondre au mieuxaux attentes de nos clients. Bien plusqu’une simple affirmation de compé-tences, elle est un guide : notre guide – pourl’avenir !

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L’HISTOIREINDUSTRIELLE DU PAYS DE LIÈGE

par Jean-Pierre Decourt - photographies : Francis Zimmermann

Vue de Liège en 1567. Copie ancienne du tableau de Lucas van Valckenborgh, aujourd’hui détruit.

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omme une figure de prouesur l’île Monsin, la statuedu roi des Belges, dressée,entre la Meuse et le Canal

Albert, au sommet de sa haute colonnede pierre semble toujours veiller surle destin de Liège et du troisième portfluvial européen. A Seraing, Chertalou Herstal, partout où porte le regard,des usines et des fabriques s’étendent.Certaines en pleine activité, comme leGroupe Herstal, d’autres éteintes et peuà peu transformées en décors pour lesfilms des frères Dardenne. Ce matinla lumière est splendide et illumineles barres grises striées de rouille desquais de déchargement. Sur les hau-teurs, derrière les longues rues où s’ali-gnent des dizaines de maisons debriques rouges, on distingue le stade defootball du « Standard de Liège ». Ettoujours, omniprésentes, comme en-châssées dans le paysage, les façades desanciennes manufactures qui ont faitla richesse du bassin… Toutes ces en-treprises ont en commun la même his-toire : celle du grand commerce fluvial,de l’armurerie, des houillères, de la si-dérurgie, de la cristallerie, du haut ar-tisanat et des innombrables inventions

technologiques qui, portées par la Ré-volution industrielle des XVIIIe etXIXe siècles, ont fait du pays liégeoisl’un des plus grands centres écono-miques d’Europe.Comprendre l’univers industriel de

Liège, c’est d’abord se plonger dans lagéographie intime du pays mosan etles méandres d’un fleuve navigable qui,très tôt, ouvre de nouvelles routes com-merciales. A l’époque antique, Liège estdéjà le siège d’un important domaineagricole. Une villa qui deviendra chef-lieu de diocèse. Ici, la batellerie et letrafic fluvial attirent très vite une classemarchande de plus en plus présentedans le système politique et religieux.C’est le début de l’essor des villes mo-

sanes à la fin de l’Empire Romain etau début du Moyen Âge. Grâce à l’ac-tion des évêques Éracle, Notger et Wa-zon, au Xe siècle, Liège profite de l’ac-tivité économique locale et devient lacapitale d’une puissante principautéépiscopale. Ses écoles sont célèbres.C’est le temps de la naissance de l’or-fèvrerie, de la miniature, de la sculpturesur ivoire, de l’architecture religieuse etdes « trente-deux métiers ». La sidé-rurgie, aussi, commence à se dévelop-per, comme dans le bourg de Spa, parexemple, qui a su faire de la métallur-gie un atout. Située à proximité desmines, des gisements de fer et des fo-rêts, riche en bois, cette commune a par-ticulièrement contribué à l’émergence

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des grandes familles de maîtres deforges. Les fabriques utilisent alorsl’énergie hydraulique et les moulinscomme force motrice. En plus du tra-vail de finition du fer, l’industrie de laclouterie est florissante, notammentdans la commune lainière de Verviers.Aidée par un climat économique fa-vorable, la région multiplie les corpsde métiers de la métallurgie. Favoriséepar les affluents de la Meuse, propiceà l’établissement de roues hydrauliques,les forges et fourneaux connaissent uneprospérité sans précédent. Le battagedu cuivre, le travail de l’étain et du ferdeviennent les clés d’une industrie flo-rissante et bientôt connue dans toutel’Europe. Puis, les évolutions techno-logiques de production, comme la fen-derie et l’invention des premiers lami-noirs, permettent aux clouteries et aux

forges d’augmenter leur productivitéet de se tourner vers une nouvelle spé-cialité : les armes blanches et surtout,la canonnerie, de siège, d’abord avecles bouches à feu, puis portative avecl’apparition de l’arquebuse à la fin duXVe siècle.Et puis il y a la houille et ses mi-

neurs. L’histoire de Liège et celle de ceprécieux combustible minéral sont siintimement liées, que la région reven-dique la priorité de sa découverte surle continent européen. Une affirmationcorroborée en partie par des fouilles ar-chéologiques qui ont permis, en 1907,la découverte de morceaux de houilledestinés au chauffage dans une villa an-tique. On dit même que le mot houilleproviendrait d’un très ancien mot lo-cal, « hoye », signifiant « fragment, éclat,motte ». Dans ses écrits, Jean d’Outre-

meuse en attribue l’origine à un for-geron de Plainevaux nommé Hullos.Mais d’après les historiens, son ex-ploitation intensive débute véritable-ment à la fin du XIIe siècle, quand lademande en bois s’accroît à mesure queles forêts disparaissent, transformées encharpentes pour la construction et enfagots pour le chauffage. C’est elle quicontribue aussi à la renommée du bas-sin liégeois, ainsi qu’à sa prospéritédurant des siècles. Le mineur est alorsroi. Et c’est son savoir-faire qui conduitles armées du Moyen Âge à recruter dessapeurs liégeois dans les guerres desiège, comme en 1430 devant Com-piègne où ils furent enrôlés par le ducde Bourgogne. La houille, bien évi-demment, révolutionne aussi les tech-nologies de forge. Le développement del’artisanat et l’industrialisation destechniques, grâce au charbon et au ferdes Ardennes apportent une prospéritésans égale. Les fabriques d’armes tour-nent à plein régime et la ville profitede son soutien à Charles Quint. Au XVIet au XVIIe siècles, la région est deplus en plus réputée pour son savoir-faire mécanique et particulièrement sesarmes à feu.

L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE

Siège de la ville de Liège par le ducde Bourgogne et le roi de France en 1468. Gravure sur bois de 1498.

La S.A. des Charbonnages et hauts fourneaux d’Ougrée, près de Liège, vers 1850.

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La fabrication d’armes apparaîttrès tôt dans la principauté liégeoiseet les chroniques attestent déjà de l’exis-tence, vers 1350, de bouches à feu cou-lées en bronze et en fer forgé dans lesenvirons de Liège. A cette époque lamétropole mosane est déjà réputéepour la très grande compétence de sesartisans canonniers, fondeurs de bou-lets, et fournisseurs de poudre à ca-non. En 1430, confiant dans la qualitéet l’expertise des forgerons liégeois, Phi-

lippe le Bon, Duc de Bourgogne, en-gage à son service trois « faiseurs decoulevrines » de la région : Georges Thi-baut, Gérard Oudriet et Jean Detaille.En 1520, en Wallonie, dans la pro-vince de Luxembourg, le capi-taine de cavalerie Sébastien deCorbion met au point unearme à canon court, se tirantd’une seule main qu’il baptise« Pistolet ». Le premier prototype desarmes d’arçon de la cavalerie et de toutes les

armes de poingvient d’être inventé. C’estune révolution. Puis, autour de 1550,apparaissent à Liège les premières pla-tines à Rouet. C’est ainsi que fut créé àGoffontaine, en 1578, dans le duché deLimbourg, l’un des premiers ateliersd’armurerie et de forge spécialisé du bas-sin liégeois. Le nombre d’armes fabri-quées ne cesse d’augmenter et les arti-sans se perfectionnent. Issues des« trente-deux métiers » de l’époque mé-diévale, les corporations armurières sespécialisent. Les « faiseurs de bois d’ar-quebuse » font partie des Charpentiers.Les « faiseurs de Canons » sont issus desforgerons, les fameux « Févres », tan-dis que les « horlogers » produisent aussides platines. La fabrication d’armes àfeu portatives connaît un essor fulgu-rant. Liège commence à livrer dans l’Eu-rope entière des armes ou des piècesd’armes. Il n’est pas rare, alors, de trou-ver un pistolet signé d’un grand maîtreallemand, italien, suisse, hollandais, es-pagnol, portugais, anglais ou même fran-çais, mais assemblé avec des élémentsd’armes fabriqués et fournis par desartisans liégeois dont la notoriété estpresque sans rivale. La principauté ex-porte également en Afrique du nord,aux Indes ou en Turquie, des armes deluxe gravées, ou de chasse, souvent ex-ceptionnelles.

Les artisans armuriers travaillentde façon indépendante, souvent à do-micile et se spécialisent dans certainesopérations, dans des petits ateliers com-posés d’une simple pièce équipée d’une

Cassette de pistolets à silex, par J. Lambert dit Biron, à Liège, offerteen 1813 par l’empereur Napoléon 1er

au feld-maréchal comte de Wurben -Littitz, ambassadeur extraordinaire

de l’empire d’Autriche.

Un atelier d’armuriers au XVIIe siècle.

Fusil dit de Louis XIV réalisé par Gilles Massin, fabricant d’armes à Liège (vers 1730).

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baie vitrée. Chacun produit un élémentspécifique du lever du jour au cou-cher du soleil. Ainsi, au cours de sa fa-brication, il n’est pas rare qu’un ca-non passe de main en main avant d’êtreachevé. Au sommet de la pyramide setrouvent les fabricants qui reçoivent lescommandes et confient la fabricationdes canons aux « Fèvres », chargés dela soudure du canon. Puis, mouleurs,foreurs et brunisseurs passent aux gar-nisseurs qui, à leur tour, donnent ensous-traitance la réalisation de diffé-rents éléments aux monteurs à bois etaux platineurs, chargés de réaliser lemécanisme de mise à feu. Viennentensuite les limeurs qui ouvragentchaque pièce pour les fondeurs. Puissont employés les faiseurs de sous-garde, les faiseurs de baguette, les fai-seurs à bois qui réalisent les crosses,puis les graveurs, les ciseleurs, les da-masquineurs, les argenteurs, etc. Ununivers artisanal à part entière qui créepour les cinq siècles à venir les condi-tions intellectuelles, industrielles et éco-nomiques nécessaires à l’épanouisse-

ment d’une profonde culture armurièredont le Groupe Herstal est aujourd’huil’héritier direct.C’est le temps de Jean de Corte. In-

dustriel, marchand et munitionnaireliégeois, mais aussi trésorier et four-nisseur des armées du roi d’Espagneaux Pays-Bas. Plus connu sous son nomlatinisé de Curtius, il est l’homme quirelance et vivifie l’ensemble du tissu in-dustriel de la principauté au XVIIesiècle. Construit entre 1600 et 1610, sondomicile, « La maison Curtius », aussiappelée « Palais Curtius » par la po-pulation de l’époque, très impression-née par les dimensions du bâtiment, estl’exemple le plus représentatif de l’ar-chitecture Renaissance dans la régionmosane. Devenue aujourd’hui le « Mu-sée Grand Curtius » et classée « Patri-

moine majeur de Wallonie », « La Mai-son Curtius », symbole de la prospé-rité liégeoise, est l’un des plus beaux té-moignages de l’esprit de la Renaissanceet du courant humaniste local. Unepériode où artistes, marchands, arti-sans, poètes, mathématiciens et philo-sophes insufflent une riche vie cultu-relle et intellectuelle à Liège. Pourtant,les XVIe et XVIIe siècles sont éprou-vants pour la Principauté, car elle su-bit de plein fouet la scission des Pays-Bas espagnols, ainsi que les guerresde Louis XIV. Mais l’industrie conti-nue à tourner à plein régime. Vers 1615,l’extraction de la houille est si déve-loppée que Philippe de Hurge, grandvoyageur et l’un des échevins de laville de Tournai, décrit un paysagecreusé de si nombreuses galeries demines, que le versant gauche de laMeuse apparaît presque entièrementdominé de « huttes de bure », cesconstructions qui abritaient les puits.Puis avec la révolution industrielle etson appétit insatiable en énergies, ap-paraissent des techniques nouvellespour exploiter plus rationnellement lesressources régionales. Ainsi, c’est à Je-meppe en 1720, que la « pompe à feu »du mécanicien anglais Thomas New-

L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE

Planche d’ornements d’arquebuserie,publiée à Paris, en 1743, par le Liégeois Demarteau.

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13Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

comen trouve sa pleine application dansl’industrie extractive de la houille. Deshommes d’importance, comme lebourgmestre Mathias-Guillaume deLouvrex, étudient le savoir et l’expé-rience des maîtres de fosses liégeoispour le transmettre aux autres paysd’Europe. A cette époque, les armes produites

à Liège sont faites « à l’œil » sans calibreni étalon, en « copiant » souvent l’exis-tant. Il faut attendre la commande fran-çaise de fabrication du modèle 1777,qui impose une norme de réceptionpour voir apparaître la première stan-dardisation. Cette nouvelle approchefait franchir à une grande partie del’industrie armurière liégeoise un vé-ritable seuil technologique. A tel pointque, pour qualifier un ouvrier de valeuron dira de lui : « C’est un bon, il a faitdes 77 » ! Le basculement sous régimefrançais, après la « Révolution Lié-geoise » en 1794, puis en 1801, suiteau « Traité de Lunéville » signé entrela France et l’Autriche, fait bientôt del’ancienne principauté du Cercle deWestphalie le fer de lance de la tech-nologie industrielle de la République

Française, puis de l’Empire qui espèrerattraper son retard sur l’Angleterre.Après le rattachement à la France, Liègese voit imposer un contrôle sur les armespar l’administration française, de plusen plus tatillonne. La fabrication estsoumise aux militaires de « l’Agence devérification, de réception et de paie-ment des armes » et toutes les armes quisont trouvées chez les fabricants sontréquisitionnées. En 1797 l’exporta-tion est interdite. Pendant cette périodeLiège produit seulement des piècespour toutes les manufactures fran-çaises. La manufacture impériale deLiège est fondée en 1799 par Jean Go-suin, l’homme qui mobilisa une partiedes ouvriers armuriers, leur donna lacocarde nationale jaune et rouge ets’empara de l’hôtel de ville le 18 août1789, puis par son fils Jean-Jacques.En 1801 il obtient, avec la bénédictionde Napoléon, le « privilège exclusif »de fournir la nation française en armespour six ans. Ce monopole lui permettrad’écraser ses concurrents. Les armu-riers liégeois, rassemblés près de la placeCoronmeuse à Herstal, se plaignent au-près de l’Empereur, qui répond : « As-surez-moi une fabrication de 30 à35.000 fusils par an, et je délierai Go-suin, et ses ouvriers pourront alors êtrerépartis entre tous les fabricants ». Pri-vés de leurs débouchés d’autrefois dansles armes de luxe et de chasse, beaucoupd’artisans liégeois vivent misérablementet la plupart n’ont pas d’autres choixque le travail pour les manufactures

d’État. L’atmosphère est morose. Pour-tant, la production industrielle ne cessede se perfectionner et de profiter desdernières innovations technologiques.Dès 1810, le procédé de la distillationde la houille permet la fabrication dugaz d’éclairage qui sert, en 1811, à illu-miner les rues de Liège pour célébrerla naissance du petit roi de Rome. De1810 à 1829, le bassin s’apprête à de-venir la seconde puissance industrielledu monde après l’Angleterre grâce àla houille. Mais c’est au prix de condi-tions de travail très difficiles pour lesadultes, comme pour les enfants em-ployés dans les mines. Pendant la même période, peu

après la découverte de charbon à Ou-grée, la ville de Seraing va progressi-vement se transformer en cité indus-trielle. L’arrivée de John Cockerill,encouragée par Guillaume Ier des Pays-Bas, souverain de Belgique après 1815,qui lui a vendu le château de Seraingpour y installer ses usines métallur-giques, va faire de l’agglomération la« Ville de l’acier ». William Cockerillest né en 1759 dans le Lancashire, enAngleterre. Il débute sa carrière commeforgeron, puis comme ingénieur en mé-canique. Grand voyageur et vision-naire, il commence par s’intéresser àl’autre grand secteur d’activité de larégion : l’industrie lainière de Liège etde Verviers. Grâce à sa connaissance desméthodes de mécanisation expéri-mentées au Royaume-Uni, il s’établità Verviers et commence la fabricationde machines pour le filage et le car-dage de la laine. En 1807, il déménageà Liège et y crée une usine avec sestrois fils. A cette époque, l’Europe n’apas accès aux produits industriels bri-tanniques en raison du blocus conti-nental instauré par Napoléon Ier. Lesmachines Cockerill deviennent célèbreset modifient durablement le modèleéconomique établi. En 1842, son filsJohn fonde la Société Anonyme Coc-kerill, implante ses activités sidérur-giques à Ougrée et Longdoz, en plusC

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Portrait représentant NapoléonBonaparte, Premier Consul, lors de sa viste à Liège (1803), par Dominique Ingres.

14 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

de Seraing. La famille dispose désor-mais des plus importantes usines d’Eu-rope, actives dans le textile, les machinesà vapeur, les mines de fer, l’armurerie,la construction métallique, les loco-motives… Un rayonnement mondial…Ainsi sur le pont de chemin de fer deKanchanaburi, en Thaïlande (qui a ins-piré le film « Le Pont de la rivièreKwaï »), se trouvent des rails estampillés« made by John Cockerill, 1911 ». Fu-sion après fusion Cockerill devient« Cockerill-Sambr » en 1981 avant sondéclin progressif, puis son rachat, en1998, par Usinor (devenu « groupe Ar-celor », en 2001, et « ArcelorMittal »en 2006).

Guillaume Ier va aussi attirer le chi-miste François Kemlin et le polytech-nicien Auguste Lelièvre, formés auxcristalleries de Vonêche, dans la pro-vince de Namur, pour créer dans le châ-teau et l’ancienne abbaye cisterciennedu Val-Saint-Lambert, les célèbres cris-talleries qui sont toujours actives. Lesite est idéal. Le combustible pour lesfours est abondant, il y a des carrièresde calcaire non loin, la région est ac-tive dans la métallurgie des métaux fer-reux et non-ferreux. Se procurer leplomb nécessaire à la fabrication ducristal est un jeu d’enfant. Le 6 juin1826, la « Société Anonyme des Verre-ries et Établissements du Val Saint-

Lambert » est créée. Kemlin en sera ledirecteur général jusqu’en 1838. Ra-pidement, les fours à bois sont rem-placés par des fours plus performantset fonctionnant au charbon. Au départ,le Val Saint-Lambert produit surtoutdes bouteilles, du verre à vitre et de lagobeleterie en demi-cristal. En 1836,la « Société Générale de Belgique » ra-chète l’entreprise et Léopold Ier, roides Belges, en devient un actionnaireimportant. La société connaît un suc-cès immédiat. En 1839, le catalogueest imprimé en cinq langues, ses pro-duits sont exportés dans le monde en-tier. Une chaudière à vapeur est ins-tallée pour actionner les tours destailleurs. En 1843, des services qui de-viendront célèbres apparaissent. En1880, le Val occupe 2 800 personnes etproduit 120 000 pièces par jour, soitcinquante millions par an ! Au débutdu XXe siècle, ce sont plus de 160 000objets qui sont fabriqués par jour ; 90 %de la production est exportée. 5 000 per-sonnes y travaillent… « Val-Saint-Lambert », comme la

« Société de la Vieille-Montagne », estaussi à l’origine de conceptions nou-velles dans la gestion sociale du mondeouvrier. Dès le début, les dirigeants sontconvaincus qu’une production de qua-lité passe par le bien-être des ouvriers.Ainsi, l’entreprise s’implique-t-elledans diverses actions, assimilées au-jourd’hui au courant paternaliste,comme la création d’une école primairepour les enfants des ouvriers, laconstruction de logements, la mise enplace d’une caisse d’épargne, de socié-tés d’économie, d’une caisse de secoursalimentée par un prélèvement à lasource et de sociétés de secours mu-tuels. Mais aussi d’une caisse de retraiteet de pension, de magasins alimentaireset de sociétés d’agrément. Une nouvelle fois, l’activité armu-

rière de Liège explose. Depuis 1815 etla fin des manufactures impériales, larégion s’est remise à produire des armesdites « de luxe » et ne cesse d’inventer

L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGEM

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La première locomotive belge construite en 1835 par John Cockerill.

15Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

des modèles et des systèmes nouveaux.Vers 1830-1840 Liège « percussionne »,c’est-à-dire transforme massivementdes armes à silex en armes à capsulesde fulminate. Une façon de moderni-ser les productions anciennes et d’écou-ler les stocks. La canonnerie ne cessed’évoluer. C’est la vogue du « Damas »et des plus beaux canons d’armeslongues jamais réalisés. Vers 1850, lamise au point de la « fonte malléable »permet la fabrication en quantité in-dustrielle des premiers revolvers àbroche et/ou de poche. Liège se spé-cialise de plus en plus dans la produc-tion sous licence des « Colt », des« Adams », des « Lefaucheux » ou des« Smith et Wesson »… voire de leurs« copies » bon marché. Parallèlement,les armuriers donnent libre cours à leuringéniosité en inventant, en simplifiantet en mélangeant divers systèmes. C’estl’époque des poivrières Mariette, desgrands noms tels Comblain, Rissack,Marck, Decortis, Deprez, Ghaye, Col-leye, Herman, Fagard, Desvigne, Si-monis, Polain, Spirlet, Warnant, Pirotte,etc.Dans le bassin mosan la ville de-

vient une métropole économique, por-

tée encore et toujours par son indus-trie sidérurgique et ses houillères. A titred’exemple, un rapport sur la condi-tion des ouvriers au milieu du XIXe

siècle fait état de 565 établissements in-dustriels nouveaux établis en moinsde vingt ans. Victor Hugo qui sillonnealors l’Europe, est fasciné par l’acti-vité industrielle du pays de Liège. Prèsde Seraing, aux alentours de 1842, dans« Le Rhin, lettres à un ami, (lettre VII) »,il écrit : « Nous serons à Liège dansune heure. C’est dans ce moment-là quele paysage prend tout à coup un as-pect extraordinaire. Là-bas, dans les fu-taies, au pied des collines brunes etvelues de l’occident, deux rondes pru-nelles de feu éclatent et resplendissentcomme des yeux de tigre. Ici, au bordde la route, voici un effrayant chande-lier de quatre-vingts pieds de haut quiflambe dans le paysage et qui jette surles rochers, les forêts et les ravins, desréverbérations sinistres. Plus loin, à l’en-trée de cette vallée enfouie dansl’ombre, il y a une gueule pleine debraise qui s’ouvre et se ferme brus-quement et d’où sort par instants avecd’affreux hoquets une langue deflamme. Ce sont les usines qui s’allu-

ment. Quand on a passé le lieu appeléla Petite-Flemalle, la chose devient in-exprimable et vraiment magnifique.Toute la vallée semble trouée de cra-tères en éruption. Quelques-uns dé-gorgent derrière les taillis des tour-billons de vapeur écarlate étoiléed’étincelles ; d’autres dessinent lugu-brement sur un fond rouge la noiresilhouette des villages ; ailleurs lesflammes apparaissent à travers les cre-vasses d’un groupe d’édifices. On croi-rait qu’une armée ennemie vient de tra-verser le pays, et que vingt bourgs misà sac vous offrent à la fois dans cettenuit ténébreuse tous les aspects et toutesles phases de l’incendie, ceux-là em-brasés, ceux-ci fumants, les autres flam-boyants. Ce spectacle de guerre estdonné par la paix ; cette copie effroyablede la dévastation est faite par l’indus-trie. Vous avez tout simplement là sousles yeux les hauts fourneaux de M. Coc-kerill (…) Liège n’a plus l’énorme ca-thédrale des princes-évêques bâtie enl’an 1000, et démolie en 1795 par onne sait qui; mais elle a l’usine de M. Coc-kerill. »C’est aussi la grande période de

l’exploitation et de la transformation

Tronçonnage d’une grappe de pièces obtenues par moulage de précision.

Spécimen de canon de fusil en damas fabriqué près de Liège au XIXe siècle.

16 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

du zinc. En 1835, Alfred Mosselmanfait l’acquisition, à Angleur, le long del’Ourthe, d’un terrain pour y construireune usine à zinc, des bureaux et unemaison. En 1837, avec ses enfants et laBanque de Belgique, il crée la sociétéanonyme : « Société des Mines et Fon-deries de zinc de la Vieille Montagne ».Trois sites de production sont actifs :Moresnet, Saint-Léonard et Angleur.Le zinc est laminé à Tilff, facilement ac-cessible via le canal de l’Ourthe et à Bray,en France. La production s’élève à 1 833tonnes. Vieille Montagne est le seul pro-ducteur de zinc du pays. Une manne.En 1912, avec une production de 40 000tonnes, c’est l’usine de zinc la plus im-portante du monde. Le site sera défi-nitivement abandonné en 1982, maisil aura donné naissance à un empireeuropéen comprenant essentiellementdes usines en France et en Allemagne.En 1989, les activités de la « Sociétéde la Vieille Montagne » seront inté-grées au groupe industriel « Union mi-nière », connu depuis 2001 sous le nomd’Umicore et coté sur Euronext Bel-gique…Entre 1850 et 1900, dans le bassin

liégeois, de grandes inventions, commela première dynamo à courant continu,point de départ de l’industrie électrique

moderne, inventée par Zénobe Théo-phile Gramme en 1868, continuent àrévolutionner l’industrie. Liège est de-venu un centre mondial de produc-tion et de transformation des armes,loin devant Saint-Etienne en France.La plupart des armes militaires dé-suètes, transformées en fusil de traiteavec un système du type Snider, ou dechasse par recalibrage type « Chasse-pot », passent par la ville. Vers 1875, lamachine-outil va permettre de réali-ser des armes de qualité, mais aussid’autres produits manufacturés à prixréduit. De nombreuses sociétés indus-trielles sont créées, dont beaucoup sedéveloppent ensuite à l’international :comme la « Fabrique Nationale d’armesde guerre », à Herstal, qui rassemblede nombreux artisans et ouvriers is-sus de la tradition armurière liégeoise,bien sûr, mais aussi « Englebert », lacompagnie de manufacture de pneu-matiques fondée par Oscar Englebertà Liège en 1877, qui prendra part à 61Grands Prix de Formule 1, de 1950 à1958, et remportera huit victoires avecla Scuderia Ferrari. « Impéria », crééepar Adrien Piedbœuf en 1904 à Liège,rue de Fragnée, puis dans l’usine deNessonvaux, l’une des marques les plusprestigieuses de l’histoire de l’auto-

mobile belge. La « Société des Pieux Ar-més Frankignoul », fondée par EdgardFrankignoul en 1911, qui atteint sonapogée dans les années soixante. Im-plantée dans quarante-quatre pays, elleprospère jusqu’en 1970. Une ère de dif-ficultés, puis de restructurations quis’achève par son démantèlement en1998. Citons aussi la « Société Anonymedes Ateliers de construction de LaMeuse », qui produit du matériel fer-roviaire et des constructeurs de loco-motives à vapeur dès 1872 sous l’im-pulsion de Charles Marcellis, un Maîtrede forges liégeois. L’entreprise existetoujours, concentrée sur la chaudron-nerie et la mécanique. Et puis il y a la« S.A. des Usines à Cuivre et à Zincde Liège » ou « Cuivre et Zinc », issuede la fusion des usines Francotte, Chau-doir et Pirlot, en 1882. Une société quia marqué profondément les consciencesà Liège, en Belgique, mais aussi danstoute l’Europe. Tout autour de Liège,d’immenses corps de bâtiments sem-blent attendre la reprise, misant sur l’ex-pertise et le savoir-faire des hommespour s’adapter aux nouveaux enjeux dumarché. De part et d’autre de la ville,le long de la Meuse, ce fleuve qui a mar-qué l’histoire, tous continuent à croireen l’avenir.

L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE

La dynamo de Z. Gramme.

17Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

La gare de Lièg

e-Guillemins, œ

uvre de l’architecte Santiago Calatrava.

18 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

iche d’une tradition remon-tant au XIVe siècle, le Pays liégeois constitue à lui seul,à la fin du XIXe, un véritable

arsenal où se fournissent des Etats ve-nus du monde entier. D’abord orga-nisés selon le principe de la corpora-tion, les héritiers des forges de Vulcainy sont nombreux : à cette époque, onrépertorie, rien qu’à Liège, environ4000 armuriers – et plus de 2000 àHerstal… Effet de l’extrême spéciali-sation du travail artisanal, la confectiond’une arme reste alors soumise à un cir-cuit de fabrication fort complexe et sur-tout inadapté à l’essor de la produc-

tion industrielle moderne. Aussiconçoit-on, peu avant le début de laguerre franco-prussienne, l’impérieusenécessité de collaborer plus étroite-ment. Dès 1870, différentes maisonscréèrent donc l’atelier du Petit Syndi-cat – d’où sortirent les fusils à un coupComblain que la Belgique, puis plu-sieurs pays, achetèrent. La même an-née, sur la base du Petit Syndicat, unautre regroupement vit le jour : visantà décrocher des commandes et à lesrépartir elle-même pour gagner en ef-ficacité, l’association livra notammentdes milliers de Chassepot à la France –avant de se dissoudre, à la fin du conflit.

Une commande de

cent cinquante mille

fusils à répétition,

un savoir-faire

ancestral, de

l’audace et beaucoup

de volonté : ainsi

naquit, en 1889, la

Fabrique Nationale

d’Armes de Guerre

de Herstal. Retour

sur les débuts d’une

aventure industrielle

unique.

La naissance de la Fabrique Nationale

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LaLÉGENDEBROWNING et leMYTHEHERSTAL

par Vincent Piednoir

19Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Plus tard, en novembre 1886, sept ar-muriers réitérèrent l’initiative : malgréquelques réussites, les Fabricantsd’Armes Réunis subirent partout laconcurrence du puissant groupe alle-mand Loewe, dont les usines inon-daient le marché de fusils Mauser ouMannlicher. Cependant, avec le recul,les Fabricants font aujourd’hui figurede visionnaires.En effet, à la fin des années 1880,

le Ministère de la Guerre belge sou-haita acquérir pour l’équipement deses troupes un fusil à répétition plusperfectionné que l’Albini-Braendlinà un coup alors de rigueur. Le 28 août1888, un appel d’offres fut lancé : ils’agissait d’un lot de 150.000 unités,et dont le modèle restait à définir ; onindiquait, par ailleurs, que prioritéserait donnée aux entreprises lié-geoises. Or, pour faire face aux inves-tissements requis, les Fabricants pro-murent auprès de leurs concurrents lesvertus de l’union : non sans peine par-fois, ils rallièrent à leur cause nombrede ces derniers et, le 3 juillet 1889, laFabrique Nationale d’Armes de Guerrefut officiellement fondée. Toutefois,derrière l’unité affichée, des dissen-sions sont déjà palpables parmi lesmembres. Certains veulent parier surla pérennisation de la Fabrique ;d’autres, dès le départ, limitent l’exis-tence de celle-ci à l’exécution et à lalivraison de la commande. En outre,

pour obtenir l’outillage nécessaire,on décide de se rapprocher du groupeLoewe – ce qui aura, là aussi, des consé-quences.Toujours est-il que, le 12 juillet

1889, le fameux contrat est signé. Lemodèle choisi, après maints débats,est le dernier né de Paul Mauser (Mau-ser 1889 à répétition, calibre 7,65 mm).Quelques mois plus tard, la construc-tion de l’usine débute ; les bâtiments,chose encore peu répandue, sont ali-mentés électriquement. Le 31 dé-cembre 1891, les trois premiers fusilsde l’histoire de la FN sont montés –tandis qu’en décembre 1894 l’ensemblede la commande est achevée. A y bienregarder, l’affaire fut rondement me-née : au 30 juin 1893, 42 000 Mauseravaient déjà été livrés à l’Etat belge etla production journalière était alorsde 250 armes, ce qui est considérable.D’autant qu’en février 1891 une autreopportunité s’était entre-temps pré-sentée : le Ministère de la Guerre avaitbesoin de 30 millions de cartouches…pour le Mauser, précisément. Peu ex-périmentés dans ce domaine, les diri-geants de la FN relevèrent pourtant ledéfi – érigeant, à côté de l’usine d’armes,une fabrique de munitions militaires.Le rendement puis le succès furent, làencore, au rendez-vous.Grâce à cette double commande,

l’entreprise herstalienne amortit pro-

gressivement les investissements initiaux de ses membres. Mieux, sanaissante notoriété sur la scène inter-nationale fit converger vers elle de nou-veaux contrats venus par exemple duBrésil, de la Chine, de la Norvège oudu Costa-Rica. Cependant, un pro-blème essentiel ne tarda pas à resurgir :les associés qui, depuis sa création, réduisaient l’existence de la FN à lalivraison des 150.000 Mauser redou-taient de la voir se développer aux dépens de leurs propres affaires. Re-devenus indépendants, n’auraient-ilspas à affronter une concurrence d’au-tant plus préjudiciable qu’ils avaienteux-mêmes contribué à son appari-tion ? De fait, entre novembre 1895 etfévrier 1896, il y eut quelques retraitsremarquables parmi les cadres ; maissurtout l’on découvrit, dans le mêmetemps, que la Compagnie allemandeLoewe avait racheté plus de la moitiédes titres de la société, devenant ainsimajoritaire. De nouveaux dirigeants furent désignés. Le sort de la FN étaitdorénavant lié aux décisions d’un car-tel étranger.Certes, la Fabrique apprit beau-

coup au contact de cette Allemagnealors résolument engagée dans la voiede sa révolution industrielle.D’abord,grâce au concours de capitaux bancairesvenus d’outre-Rhin (mais aussi de Bel-

Vue aérienne de la F N en 1911

20 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

gique), la situation financièrede la société fut rapidement rétablie.Ensuite, on modernisa les méthodesde production en faisant appel à desingénieurs spécialisés et à des techniciens issus des grandes écoles(certains avaient été formés dans lesusines des Deutsche Waffen und Muni-tionsfabriken (DWM) ou celles de laMauser Waffenfabrik). En 1899, on créadeux directions : l’une, commercialeet administrative ; l’autre, technique. En1904, des fonds furent spécialementaffectés à la construction d’un labora-toire de recherche destiné au contrôledes matières premières – initiative trèsnovatrice, à l’époque. La division dutravail fut rationalisée, optimisée. Ensomme, comme l’écrit Auguste Fran-cotte dans Le grand livre de la FN, l’en-treprise passa, durant cette période, « del’empirisme à la méthode scientifique ».A la veille de la guerre, elle employaitenviron 3500 personnes.Un seul problème se posait – mais

de taille : l’appartenance de la FN augroupe Loewe affaiblissait considéra-blement ses marges de manœuvre, enparticulier dans le domaine de la pros-pection commerciale. Ses contacts di-rects avec les gouvernements étrangersétaient désormais réduits parce que sou-mis aux stratégies globales d’un cartelqui favorisait volontiers les firmes alle-mandes. Dès 1896, la FN fut contrainted’accepter la stricte répartition, impo-sée par Loewe, des commandes relativesà l’équipement militaire (armes commemunitions). Certains marchés lui furenttotalement interdits ; pour d’autres,

elle devait partager le travail avec lesdifférentes usines liées au groupe :DWM, Steyr Waffenwerke, Mauser Waf-fenfabrik– un partage, il va de soi, presquetoujours arrêté en sa défaveur. Cepen-dant, pour remédier à cet état de fortedépendance (qui durera jusqu’à la finde la Première Guerre), la FN fit tôtpreuve – notamment sous l’impulsionde son directeur général, Henri Frenay– d’une grande créativité : elle explorad’autres voies.La confection d’armes de chasse et

de sport, d’abord. Les fondateurss’étaient interdit ce secteur, par crainted’instituer une concurrence supplé-mentaire ; les nouveaux dirigeants, eux,encouragèrent d’autant plus l’idéequ’elle permettait de réaffecter une par-tie du matériel initialement voué à lafabrication d’armes militaires.

Aussi décida-t-on, dès novembre1896, de produire et de commerciali-ser 50.000 carabines de sport de ca-libre 22. Un nombre important de fu-sils de chasse fut également usiné, maisexclusivement sous forme de pièces dé-tachées. Ensuite, inspirée par les États-Unis (alors à la pointe de l’industriedes machines-outils et cycles), la FNse lança, la même année, dans la réali-sation de bicyclettes. Elle conçut même,en 1898, un judicieux modèle dépourvude chaîne de transmission : le fameuxvélo acatène… Ce secteur d’activité seraexploité, avec beaucoup de succès, du-rant trois décennies.En se diversifiant de la sorte, la

Fabrique fit montre, dès ses débuts,d’une grande faculté d’adaptation. Maiselle sut aussi, quand elle se présenta,

saisir sa chance etla faire fructi-fier.

Ensuite, inspirée par les États-Unis (alors à la pointe de l’industrie des machines-outils et cycles), la FN se lança,

la même année, dans la réalisation de bicyclettes.

Vélo acatène version militaire, équipant l’armée belge aux postes frontières,flanqué de son fusil Mauser fixé au cadre.

La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL

FN Mauser 1889

Mauser Esp 1893

21Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Le bureau de contrôle des armes finies en 1914. Ici, des fusils Mauser 1889.

Vélo de course FN (1920).Détails de la selle, des poignées de freins« allégées », de la plaque FN fixée sur lecadre et des deux pignons de roue arrièrede développement différent.

Le laboratoire central.

La cartoucherie en 1908.

22 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

e hasard, a-t-on coutume dedire, fait parfois bien leschoses. Lorsqu’au cours duprintemps 1897, le Conseil

d’Administration de la Fabrique Na-tionale d’Armes de Guerre de Herstaldécide d’envoyer aux Etats-Unis sondirecteur commercial, Hart O. Berg,afin de s’informer des nouvelles tech-niques utilisées outre-Atlantique dansla fabrication des bicyclettes – on ignoreencore qu’à défaut d’honorer pleine-ment sa mission première, l’homme feralà-bas la rencontre qui marquera pourtoujours le destin de la célèbre fabriquebelge : celle d’un certain John MosesBrowning.Le grand inventeur (qui réduira

modestement la formule de son talentà la dilution d’« une goutte de géniedans un tonneau de transpiration ») naquit le 23 janvier 1855, à Ogden – pe-tite ville située non loin de Salt LakeCity, dans l’Utah. Issu d’une famillede colons anglais (l’un de ses aïeux, lecapitaine John Browning, s’établit enVirginie dès 1622), il apparaît au milieude ce dix-neuvième siècle américainrendu depuis quasi-mythique par le ci-néma et l’imaginaire collectif : c’esten effet l’époque de la conquête del’Ouest, de la Ruée vers l’Or, des pion-niers, des sectes religieuses et des cow-

boys ; celle des grands espaces, de la« Liberté », de la « Prospérité » et desfabricants d’armes aux noms légen-daires (Winchester, Colt, Remington) ;celle, surtout, de l’esclavagisme et desdéchirements politico-historiques quiculmineront lors de la guerre de Sé-cession. L’Union du pays est alors loind’être réalisée (l’Utah ne sera officiel-lement incorporé qu’en 1896) et biendes territoires, sur cet immense conti-nent, demeurent encore méconnus ouinexploités parce que notoirement hos-tiles.En 1780, Edmund Browning,

grand-père de John Moses, avait déjàbâti une ferme dans le Tennessee. Cin-quante-quatre ans plus tard, son fils,Jonathan (1805-1879), fonda une pe-tite armurerie dans l’Illinois. Assumantégalement la fonction de Juge de Paix,il se lia d’amitié avec un jeune hommede loi qui allait devenir, en 1860, leseizième Président des Etats-Unis :Abraham Lincoln. Converti par unmissionnaire mormon, Jonathan re-joignit les adeptes de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours ; ilpratiqua le mariage plural, cumulanttrois épouses et vingt-deux enfants –dont John Moses. Durant toute cettepériode, les Mormons furent l’objetd’exclusions, voire de persécutions qui

les contraignirent à émigrer souvent.Rappelons à titre d’exemple qu’en 1838le gouverneur du Missouri publia unordre d’extermination contre les Mor-mons vivant dans cet Etat – ordre quiaboutira au massacre de Haun’s Mill.Jonathan lui-même émigra avec sa fa-mille à Nauvoo – une ville du sud-ouestde l’Illinois, construite par les Mor-mons en 1839 sur une zone maréca-geuse et qui leur servit un temps derefuge. Quand, en juin 1844, leur pro-phète Joseph Smith fut incarcéré puisassassiné dans les locaux de la prisonde Carthage, les Mormons quittèrentNauvoo et empruntèrent à nouveaula route de l’ouest ; en 1846-47 – aprèsun long périple qui coûta la vie à plu-sieurs centaines de personnes – ils s’ins-tallèrent dans un endroit désertique,fort peu accueillant et accolé aux Ro-cheuses : la vallée du Grand Lac Salé.C’est ici que fut érigée la future capi-tale de l’Utah, Salt Lake City.Après un passage dans l’Iowa, le

Mormon Jonathan Browning posa àson tour ses bagages dans l’Utah – en1852. A Ogden, son petit atelier fut sur-tout destiné à la réparation des armeset à l’exécution de menus travaux re-latifs à la mécanique générale ; cepen-dant, le père de John Moses était déjàun inventeur chevronné : parmi sescréations, deux carabines à répétition(l’une à barillet ; l’autre avec un char-geur de type « harmonica »). C’est doncdans une atmosphère particulièrementpropice à l’épanouissement de ses donsnaturels que John Moses fait, si j’ose

Rencontre avec JohnMoses Browning

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La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL

23Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

dire, ses premières armes. Autodidacte,le jeune homme fréquente moins lesbancs de l’école que l’atelier paterneloù il manie déjà, avec dextérité, les ou-tils qui lui permettront bientôt de réa-liser ses propres prototypes. La faci-lité avec laquelle il s’initie aux subtilitésde la mécanique (armurière ou autre)enchante son entourage et contribueà sa naissante réputation – commel’illustre joliment la B.D. que lui ontconsacrée, en 1978, l’historien ClaudeGaier et le dessinateur Emjy (La viepassionnante de J.M. Browning). Inven-teur précoce, il dépose à vingt-trois ansson premier brevet, reprenant pro-gressivement le flambeau de l’entre-prise familiale avec l’aide de son frèreMatthew qui s’occupe, lui, du pan com-mercial de l’affaire.Le 10 mai 1869, le Transcontinen-

tal reliant Sacramento à Omaha est opé-

rationnel : 3000 km de voies entre la Californie et le Nebraska. A partir decette date, la liaison ferroviaire entre lacôte Pacifique et le réseau est des Etats-Unis est assurée – désenclavant parconséquent l’Utah : une aubaine pourle développement économique de la ré-gion, à laquelle le pouvoir fédéral n’aencore accordé, à cette époque, que lestatut restreint de territoire. L’atelierd’Ogden saura, bien entendu, tirer pro-fit de cette véritable révolution quereprésenta le Transcontinental : de fait,en 1878, les frères Browning créent lafirme qui porte leur nom et qui s’im-pose rapidement, nous apprend Gaier,comme « le plus grand centre de répa-ration d’armes de l’ouest. » En 1880,forts de ces débuts prometteurs, ilsconstruisent un nouvel atelier au seinduquel ils installent une machine à va-peur afin de fabriquer eux-mêmes la

carabine à un coup que John Mosesvient d’inventer. L’arme, qui se chargepar la culasse, est un succès ; elle attiresurtout l’attention de Winchester, le-quel obtient le droit de la produire lui-même. Et ce n’est qu’un début.En 1884, Browning mit au point

une carabine à répétition dotée d’unlevier fixé à l’arrière du pontet ; celle-ci fut, là encore, fabriquée par la Com-pagnie de New Haven et commercia-lisée sous le nom de Winchester 1886.Le principe de cette arme indissociablede la culture « western » sera par lasuite décliné en plusieurs Modèles –dont le célèbre 1894, cher à BuffaloBill et John Wayne. Entre 1883 et 1887,Winchester fera l’acquisition d’unevingtaine de brevets auprès de Brow-ning ; leur collaboration durera jusqu’en1902. Ce fut d’ailleurs en observant l’ac-tion des gaz dégagés par la bouche ducanon d’uneWinchester 1873 que l’in-venteur réalisa leur utilité potentiellepour la création d’armes automatiques.Ainsi exploita-t-il le principe dit derécupération des gaz à partir duquel ilconçut, en 1890, le prototype de sapremière mitrailleuse.

L’atelier magasin des frères Browning à Ogden, Utah, vers 1882.

J. M. Browningavec son Auto-5en 1926.

24 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Cette fois, ce fut la Compagnie Colt quilui acheta l’idée ; du reste, la mi-trailleuse Browning Modèle Colt 1895sera d’emblée adoptée par l’US Army,et du nouveau mariage contracté à cetteoccasion par la firme d’Ogden naîtrontbien d’autres réalisations couronnéesde succès (songeons par exemple auColt.45 – qui fut le pistolet de l’ar-mée américaine de 1911 à 1985).Le hasard, disions-nous, fait par-

fois bien les choses… Lorsque le di-recteur commercial de la FN rencontreles frères Browning, en avril 1897, JohnMoses vient justement de faire bre-veter un pistolet automatique 7,65 desa conception ; au demeurant, toutporte à croire qu’il cherche déjà, àcette époque, d’autres collaborateurssusceptibles d’être intéressés par sesinventions. Browning propose doncla licence de fabrication de son der-nier né à Hart O. Berg, lequel, de retour en Belgique, fait part de sonenthousiasme au Conseil d’Adminis-tration de la FN. Le contrat est signéen juillet ; une année sera cependantnécessaire pour préparer la productionet mettre au point les machines-ou-

tils adéquates. En janvier 1899, lespremiers Browning Modèle 1900 sontprêts. Vendue 30 fr. belges l’unité,l’arme est un succès commercial : en1910, le nombre d’exemplaires pro-duits dépassera les 724.000… Et, dès1900, l’Etat belge adoptera l’arme pourl’équipement de ses officiers. Enfin,le Browning 1900 aura plusieurs des-cendants, dont les Modèles 1906 et1910 – ce dernier étant « entré » dansl’histoire, puisqu’on sait, aujourd’hui,que c’est au moyen de ce pistolet quele nationaliste serbe Gavrilo Principassassina l’archiduc François-Ferdi-nand et la duchesse Sophie de Ho-henberg, le 28 juin 1914, à Sarajevo.

Quoi qu’il en soit, leBrowning 1900représenta le point de départ d’uneaventure industrielle et humaineunique en son genre. En février 1902,John Moses soumit à la FN le proto-type d’un fusil de chasse automatiqueauquel il travaillait depuis quatre anset qui allait encore constituer, à lui seul,un véritable événement dans l’his-toire armurière. Préalablement refusépar Winchester et Remington, l’Auto-5 (qui fonctionne par long recul ducanon) fera, le 24 mars de cette mêmeannée, l’objet d’un nouveau contratentre Browning et la FN. Cerise surle gâteau : l’accord e st assorti, de la partde l’Américain, d’une commande

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Les quatre champions de tir de l’Utah en 1892.

John Moses Browning est le deuxième

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ferme de dix mille fusils ! Ils serontécoulés aux Etats-Unis en l’espaced’un an… La FN, quant à elle, produiraplusieurs millions d’Auto-5 au coursdes décennies suivantes.Prodigieusement féconde, cette

collaboration fut une chance réci-proque que les deux partis surent sai-sir avec lucidité : l’entreprise hersta-lienne offrant un savoir-faire attesté pardes siècles d’armurerie wallonne, Brow-ning disposant – outre sa créativité per-sonnelle – d’une intuition très juste àl’égard des besoins issus de la moder-

nité. Autre aspect non négligeable decette complémentarité : l’extension etla diversification des marchés. Lorsquela carabine automatique .22 est lan-cée, en 1913, Browning en commandeimmédiatement 50.000 unités desti-nées à la clientèle américaine ; idempourun fusil de calibre 20 qui devait sortirla même année (25.000 exemplaires)…A telle enseigne que, dès 1907, il auto-risa la FN à faire usage de son nomcomme marque de fabrique et de com-merce (ce qu’il n’avait accordé à per-sonne auparavant), resserrant des liens

qui allaient se transmettre de généra-tion en génération. Rappelons d’ailleursqu’au cours de sa carrière Browningne déposera pas moins de 128 brevetsportant sur 80 armes différentes – de-venant ainsi « l’inventeur le plus pro-lifique, tous secteurs industrielsconfondus » (A. Francotte, Le grand livrede la FN)…La créativité de J.M. Browning a

marqué de son empreinte aussi bienle domaine des armes de sport ou dechasse que celui des armes de guerre(pensons notamment à son fusil-mi-trailleur à prise de gaz de 1917, adoptépar l’US Armyet utilisé sur le front fran-çais). A sa mort, survenue le 26 no-vembre 1926 à Herstal (tandis qu’ileffectue son soixante-et-unième voyageà la FN), le « Maître » vient d’acheverla mise au point de son ultime chef-d’œuvre : le fusil de chasse superposéB25, legs fameux que la postérité dé-clinera en de multiples modèles. Dansla salle du Conseil, où l’on a dresséune chapelle ardente, le personnel dé-file devant le corps de celui qui reçut,en 1914, la croix de chevalier de l’ordrede Léopold.

Browning propose donc la licence de fabrication de son dernierné à Hart O. Berg, lequel, de retour en Belgique, fait part de son

enthousiasme au Conseil d’Administration de la FN.

John M. Browning pose pour la photo officielle de sa mitrailleuse modèle 1895.

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Vue en coupe du fusil automatique 5 coupset schéma de fonctionnement.

26 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

usqu’en 1914, la FN est une so-ciété prospère. Son coup demaître est d’avoir su diversifierses productions afin de suppor-

ter les très lourdes contraintes que fai-sait peser sur elle, dans le domaine del’armement militaire, son appartenanceau groupe Loewe. Au tournant dusiècle, elle s’était lancée, avec brio, dansla construction d’automobiles et demotocyclettes. Entre 1902 et 1904, sixmille de ces dernières avaient été ven-dues ; entre 1911 et 1914, neuf mille.Les modèles proposés, toujours plusperfectionnés, étaient nombreux. Unesuccursale commerciale avait même étéimplantée en Grande-Bretagne, et, de-vant le développement rapide de la di-vision des engins motorisés, la FNs’était dotée, dès 1906, d’une fonde-rie. Conséquences appréciables de cetteréussite (à une époque où la condi-tion ouvrière était d’une extrême du-reté en Europe, et singulièrement enBelgique) : l’entreprise créa différentesstructures fondées sur le mutualisme(santé, retraite, épargne) et destinées àses employés – tandis que de confor-tables dividendes étaient distribués auxactionnaires.L’attentat de Sarajevo puis le dé-

clenchement de la guerre par le jeudes alliances mirent brusquement finà cette situation. Le 4 août 1914, lesAllemands violèrent la neutralité dela Belgique ; le 16, après dix jours derésistance, Liège tomba. Très vite, lesautorités occupantes firent savoir à laFN qu’elles souhaitaient la voir re-prendre le travail. Songeant que ce-lui-ci bénéficierait, à court ou moyenterme, à l’ennemi, le Conseil réponditen fermant l’usine (alors même que lamajorité de ses administrateurs étaientallemands) et en allouant des subsideset des avances au personnel. En guisede représailles, des machines-outilsfurent réquisitionnées. Cependant,

comme la guerre se prolongeait, le gou-vernement impérial se fit plus pres-sant : face à la résistance unanime duConseil, il condamna à la prison, pourrefus de collaborer, le directeur géné-ral de la FN, Alfred Andri, puis, plustard, renonçant à l’idée d’une contri-bution volontaire à l’effort de guerre,décréta la mise sous séquestre de lasociété (1917). Les troupes allemandestransformèrent elles-mêmes la fabriqueen un vaste atelier de réparation devéhicules. Le personnel de la FN en-core présent fut surtout affecté à laconstruction de machines-outils. Dansle hall d’usinage, on avait installé, dès1914, un hôpital dédié aux soldats duKaiser.Peu avant la signature de l’Armis-

tice, la Société Générale de Belgiquefonda, avec plusieurs banques belges,l’Union Financière et Industrielle Lié-geoise. Le but de cette Union était deconstituer un capital suffisant pourracheter les titres de la FN détenus,depuis 1896, par les DWM. En mars1919, ce fut chose faite : la Fabriquese libérait définitivement de l’emprisedu groupe Loewe. Néanmoins, quatreannées de guerre et d’occupationavaient profondément bouleversé la si-tuation. La fragilité du contexte poli-tique liée au démantèlement des em-pires, le protectionnisme ambiant etl’instabilité monétaire limitaient consi-dérablement la liberté des échanges. Orla FN vivait, pour l’essentiel, d’expor-tations. En outre, l’éviction de Loeweeut pour conséquence de provoquerune importante pénurie parmi lescadres ; la plupart d’entre eux, en ef-fet, étaient allemands. Et la main-d’œuvre qualifiée, inévitablement,manquait…Là encore, la Fabrique misa sur

son inventivité. Sous la directiond’Alexandre Galopin (figure historiquede la FN, il sera assassiné en 1944 pardes Belges acquis au nazisme), elleembaucha de jeunes ingénieurs et tech-niciens belges, ouvrit une école de for-

mation professionnelle à l’intérieurde l’usine, créa un centre de sélectionpsychotechnique pour améliorer lesméthodes de recrutement, restaura et modernisa ses installations. Laconjoncture internationale n’étantplus, et pour cause, propice au com-merce des armes militaires, il fut sur-tout décidé de renouer avec les véhi-cules à moteur : l’automobile et lamotocyclette remirent si bien l’entre-prise sur les rails qu’il fallut construire,en 1928, une nouvelle usine exclusi-vement destinée à leur production !La même année, une autre succursalecommerciale voyait le jour – en Suède…Entre 1919 et 1929, priorité fut certesdonnée aux engins motorisés. Cepen-dant, plusieurs gros contrats d’arme-ment militaire furent signés avec lesgouvernements brésilien, mexicain etsurtout serbe, entre 1923 et 1927. Parailleurs, après avoir absorbé deux firmesspécialisées dans les munitions, la FNconstruisit, à Bruges, une cartouche-rie dotée d’un laboratoire de balis-tique (1929). Enfin, n’oublions pas queJ. M. Browning continuait de lui sou-mettre ses inventions. Chassez le na-turel…Mais si les investissements colos-

saux engagés depuis 1919 offrirentd’abord à la FN un souffle nouveau,ils la fragilisaient également en pro-fondeur. Le jeudi 24 octobre 1929,alors que les cours de la bourse s’ef-fondrent à New York et que la crise semondialise, le talon d’Achille de la FNest durement touché. Réduits au mar-ché belge, tous les départements sontfrappés, en particulier la division desvoitures (qui sera abandonnée en 1935).La vente des motos est en chute libre.En 1929, l’usine de Herstal emploie9000 personnes ; en 1934, 2500. Fi-nancièrement, elle est au bord de lafaillite : de 1930 à 1934, le découvertbancaire de l’entreprise passe de 52 à101 millions de francs belges. Et le 30mai 1934, la valeur du titre est de…89 francs. Dès 1932, la FN se réoriente

Le jeudi 24 octobre 1929, alors que les cours de la Bourses’effondrent à New York et que la crise se mondialise,

le talon d’Achille de la FN est durement touché.

Coups durs

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La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL

27Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

L’entrée principale de la FN durant l’occupation allemande. La mission de réparation de véhicules y est manifeste.

Montage et réparations des motocyclettes. On remarque la prédominance des militaires allemands, en uniformes et en tenue de travail.

28 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

vers la fabrication de véhicules dits« spéciaux » (camions, camionnettes,trolleybus). Mais les produits civils nesuffisent pas.

Il faudraa t t e n d r e1935-36 pour observerune véritable améliora-tion. En dépit des pré-conisations de la SDN,et face, notamment, auxdispositions belliqueuses du nouveaurégime allemand, l’heure est alors, enEurope, au réarmement. Au début desannées ’30, déjà, le recentrement de laFN sur son domaine de prédilectionest perceptible : Dieudonné Saive, chefdu bureau d’études, perfectionne le fu-sil-mitrailleur Browning, crée un pis-tolet modèle réduit (le Baby 6,35mm),puis un autre à grande puissance (leGP9mm). La cartoucherie fabrique de son

côté balles perforantes, traçantes ou en-core incendiaires. En 1934, la Belgiquea acheté à la FN l’équivalent de 100 mil-lions de cartouches, adopté le FMBrowning et acquis 630 mitrailleusesd’avion. Très vite, on comprend que leredressement de l’entreprise exige unretour radical aux sources : armes lé-gères, munitions, mais aussi canonsanti-aériens, grosse artillerie, systèmesembarqués. Entre 1935 et 1939, uneclientèle venue du monde entier sebouscule : Grèce, Yougoslavie, Portu-gal, Pays-Bas, Finlande, Pérou, Para-guay, Bolivie, Roumanie, etc. La Chinede Tchang Kaï-Chek effectue d’ailleursles plus grosses commandes. A la veillede la Seconde Guerre mondiale, la Fabrique est redevenue, en un tempsrecord, un arsenal. La valeur boursièrede son titre oscille maintenant entre400 et 900 francs. Elle emploie quelque11.000 personnes.Le 10 mai 1940, l’Allemagne viola,

pour la seconde fois, la neutralité dela Belgique. Deux jours plus tard, laWehrmacht prit Liège et, le 28, l’armée

belge capitula. Un an auparavant, desdispositions avaient été prises concer-nant la FN : pressentant que l’on nepourrait défendre Herstal en cas d’at-taque, on avait décidé de transférerles machines de la Fabrique à Brugesd’abord, puis à Toulouse. En vain : laprogression allemande s’avéra trop ra-pide, et, quoiqu’une partie de l’équi-pement fût bel et bien déménagéevers la France – celle-ci signa, le 22 juin,l’armistice… A l’instar du Luxem-bourg, la Belgique fut alors soumise aurégime de l’occupation militaire. Le 17mai, les Allemands exigèrent des di-rigeants de l’usine la reprise de leursactivités. Comme en 1914, les inté-ressés s’y refusèrent – mais, dès le 5juillet, les autorités nommèrent FranzScharpinet (directeur des DWM) sé-questre curateur de la FN. Investi detous les pouvoirs, ce dernier remit im-médiatement les ateliers au travail,après avoir recruté la main-d’œuvrenécessaire (car seuls 10 % des ouvriersétaient restés au service de l’occupant).Entre-temps, plusieurs figures im-portantes de la FN – dont DieudonnéSaive et Gustave Joassart, directeur gé-néral « déchu » – avaient clandestine-ment gagné la Grande-Bretagne etoffert, là-bas, leur aide technique.Placée sous séquestre, la Fabrique

est intégrée au complexe militaro-industriel du IIIe Reich qui répartit,pour des raisons stratégiques, laconfection de l’armement entre ses dif-férents sites. A partir de 1942-43, l’af-flux de personnel réquisitionné parle service obligatoire (jusqu’à 12.000travailleurs) augmente fortement sescapacités de production – malgré lesactes de sabotage qui se traduisent, leplus souvent, par la défectuosité despièces. Durant la guerre, l’usine

La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL

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Une des cours de la FN durant l’occupation allemande.

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29Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

construisit notamment des centainesde milliers de GP, des canons et desverrous pour carabines Mauser 98K,des munitions, des éléments pour vé-hicules terrestres et aériens mais éga-lement, nous dit Auguste Francotte,« douze pièces du canon Mark 108, ca-libre 30mm, pour l’armement du pre-mier avion à réaction de l’histoire : leMesserschmidt 262 », avion qui nesera opérationnel qu’à la fin des hos-tilités.Lorsqu’en septembre 1944 les

Américains libèrent la Belgique, les

troupes d’occupation ont, depuis plu-sieurs mois, commencé à évacuer versl’Allemagne une somme considérabled’équipements en tous genres. Le 7,la direction de la FN reprend posses-sion de l’usine, mesurant l’étendue despertes : sur plus de 8000 machines-ou-tils, près de 2000 ont été détruites ouont disparu. Humainement, matériel-lement, financièrement – la Fabriqueest à l’image de l’Europe. La situa-tion est d’autant plus désastreuse que,tout au long de l’hiver 1944-45, la ré-gion liégeoise sera la cible d’intenses

pilonnages de représailles : les bombesvolantes V1et V2causeront d’énormesdommages à la Fabrique, comme entémoignent les photographies. Pour-tant, avant même l’arrêt définitif descombats, ses dirigeants parvinrent àremettre certains ateliers en route :on réalisa alors des pièces spécifiquespour les chenilles des chars américains,ainsi que des armes légères… Uneépoque se terminait. Il fallait main-tenant, malgré les coups durs, songerà demain.

Montage des pistolets-mitrailleurs M3 - groupe 48 (Août 1945).

Destructions causées à la FNpar les bombes volantes V1 et V2 à la fin de la SecondeGuerre mondiale.

30 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

u cours de son histoire, la Fabrique Nationale n’a passeulement confectionné desarmes à feu, loin s’en faut.

Elle fut parfois amenée – pours’adapter aux exigences de la moder-nité, mais aussi par l’effet de son dy-namisme propre – à étendre ses champsde compétences à des secteurs d’acti-vité très éloignés de sa vocation ini-tiale. Retracer les moments essentielsde cette extraordinaire diversité de pro-ductions, c’est peut-être d’abord sou-ligner l’audace dont cette entreprisefit sans cesse preuve pour se dévelop-per, s’imposer, ou simplement résisteraux vents contraires. Car elle n’a passept ans lorsqu’elle relève ses premiersdéfis. Nous sommes en 1896 : la Fa-brique, qui a notamment honoré une

commande de 150.000 fusils Mauserdestinés à l’Etat belge, appartient à pré-sent au groupe allemand LudwigLoewe. Soumise aux décisions de ce car-tel, elle ne jouit plus d’un accès directau marché mondial de l’armement mi-litaire. Aussi décide-t-elle, pour s’as-surer quelque indépendance,de se tourner vers la fabri-cation de bicyclettes. Parmiles très nombreux mo-dèles qui serontcommercialisésavec succès jus-qu’en 1926, ilconvient surtoutde mentionnerl’élégant véloacatène – dont lachaîne de transmis-

sion est remplacée par un pignon co-nique et dont certaines déclinaisonséquiperont la gendarmerie belge dèsle début du XXe siècle. Il est d’ailleursintéressant d’observer que les pre-

mières armes de chasseusinées par laFN datent decette époque

A

LesAUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : duVÉLO à la FUSÉE

par Vincent Piednoir

Vélo acatène militaire avec support pour fusil Mauser.

31Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

et procèdent de la même volonté de sediversifier.Une volonté qui s’appliqua très

tôt aux engins motorisés – et d’abordaux automobiles. En octobre 1897,les ingénieurs de la FN avaient déjàétudié la possibilité de concevoir cetype de produits voués, on le sait dé-sormais, à un brillant avenir. Deuxans plus tard, une série de cent voi - tures dotées d’un moteur de deux cy-lindres voyait le jour. Rudimentaires,ces étranges véhicules à l’allure defiacres dépourvus d’attelage sont en-core livrés sans carrosserie. Mais lesmodèles suivants gagneront vite entechnologie et en puissance – témoi-gnant de l’extrême fécondité de leursconstructeurs : FN 2000 (1906), FN1400 (1907), FN 1600 (1911), FN 1250(dont pas moins de 300 exemplairesseront vendus au Salon de Paris de1913), etc. Les connaisseurs appré-cieront… De fait, jusqu’au début desannées 1930, le département des voi-tures accumulera les réussites com-merciales comme les exploits sportifs :Coupe du Roi aux 24 heures de Fran-corchamps (1925, 1926, 1932 et 1933),Tour de France (1926), Liège-Madrid-

Liège (1930), Coupe des Alpes (1931),Liège-Rome-Liège (1933)… En 1928,deux automobiles FN joignaientHerstal au Cap, lors d’un raid de 105jours à travers le continent africain !Aussi est-il aisé de se figurer l’amer-tume qu’inspira, en 1935, la décisiond’abandonner cette production quiavait hissé la Fabrique au rang deconstructeur incontournable. La crisede 1929 était passée par là. En 1934,après trois décennies de réalisationsmémorables dans un domaine qui luiétait à l’origine parfaitement étranger,l’entreprise herstalienne présenta sonultime voiture : la FN 42, dite « PrinceAlbert » – ainsi nommée en l’hon-neur du futur roi des Belges…

Autre engin conçu dès 1901 dansles ateliers de la Fabrique : la motocy-clette. Aux premiers exemplaires, équi-pés d’un moteur à un cylindre, succé-dèrent des modèles toujours plusperfectionnés – telle la FN 4 cylindres(1905) dont la réputation fut d’embléeexcellente, singulièrement en Grande-Bretagne. Avant 1917, l’armée impérialerusse acheta à la FN de grosses quan-tités de motos adaptées aux besoins mi-litaires ; l’armée belge également. A lavérité, il serait fastidieux d’évoquer icidans le détail l’impressionnante va-riété de ces machines qui furent com-

mercialisées jusqu’en 1964et qui procurèrentà la F N une im-mense notoriété.

Affiche 1907, style Art nouveau représentant la diversification civile, par Raymond Tournon.

Moto FN « Oiseau bleu »125 cc (1954)

32 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

A la fin des années 1920, le succès desmotos herstaliennes était tel qu’on portaà cent unités leur production journa-lière. Par ailleurs, en 1928, on érigea, auxcôtés des anciennes installations, unenouvelle usine où l’ensemble de la division des engins motorisés futconcentré. A l’instar de leurs cousinesà quatre roues, les cylindrées FN of-frirent à la société wallonne un palma-rès éloquent : en 1927, la première tra-versée du Sahara à moto (reliant Parisà Dakar : 7000 km) fut accomplie sansincident sur des M70– modèle qui, l’an-née suivante, remporta le Grand prix deRabat ; en 1931, une jeune femme devingt-et-un ans effectua seule un pé-riple de 22 000 km entre Saigon et Pa-ris, sur une M70 Touring Standard ; en1934, le pilote René Milhoux et sa FN500établirent un nouveau record de vi-tesse pure à 224,019 km/h… Et lors-qu’on sait qu’en octobre 1935 quatre-vingt-un records du monde sur motosFN étaient officiellement répertoriés– on se dit que les dirigeants de la Fa-brique avaient été bien inspirés de créer,dès 1902, un logo FN représentant lecélèbre Mauser 1889 associé à un pé-dalier de vélo… Il est vrai que la di-

versification des productions initiée au-tour de 1900 avait, depuis, largementoutrepassé le secteur des bicyclettes.Mais l’aventure était alors loin d’êtreterminée.Lorsque la division des voitures

fut fermée, en 1935, et que le contextepolitique incita les pays du monde en-tier à se réarmer, la Fabrique opéra unpremier et très sensible retour à son mé-tier de base. Pour autant, les engins àmoteur ne furent pas abandonnés.Outre les motocyclettes, qui conti-nuaient d’être produites en grandnombre, des véhicules dits « spéciaux »firent leur apparition dans les ateliers :plusieurs modèles de camions (dontun de trois tonnes et qui bénéficiait,chose peu répandue à l’époque, dequatre roues motrices), des camion-nettes destinées à l’usage militaire maisaussi civil, des side-cars, des tricarstout terrain, des trolleybus (qui furentmis en service à Liège et à Anvers), destracteurs à chenilles en caoutchouc (fa-briqués sous licence Citroën-Kégresse),etc. Entre 1951 et 1954, la FN fournitplus de 4000 camions à l’armée belge

et, multipliant les

versions adaptées, conçut quelques an-nées plus tard le modèle « Ardennes »– qui fit date dans les annales des vé-hicules militaires. Trop restreinte aumarché intérieur, la production de cespoids lourds prit cependant fin aprèsune ultime livraison de véhicules blin-dés à la gendarmerie belge, en 1967.Par ailleurs, durant l’immédiat après-guerre, un département « matériel agri-cole » fut créé : on y fabriqua notam-ment des machines à traire, des cruchesà lait en aluminium, des armoires fri-gorifiques et des surgélateurs. Mieux :au début des années 60 (qui allaientrenouer avec la prospérité des années20), la FN se lança dans la conceptionde… métiers à tricoter – explorant, làencore, un secteur industriel nouveaupour elle. Devenues trop peu rentables,l’une et l’autre activités cessèrent res-pectivement en 1975 et 1978.Il va de soi que cette extrême di-

versification s’effectua toujours pa-rallèlement au développement de laproduction armurière. A cet égard, plusieurs événements méritent d’être

ici évoqués : lamise aupoint,

Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE

1934 : Record du monde de vitesse pure sur moto FN 500 (224 km/h). Moto militaire avec side-car équipée d’un fusil mitrailleurBrowning (1935).

Raid sur motos FN. Paris-Dakar, 1927. Raid Saigon-Paris par une jeune femme de 21 ans sur moto FN, 1931.

33Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

p a rDieudonné

Saive, du prototypede son FAL, en 1947 ; l’homologation,en 1957, du calibre 7,62 mm proposépar la FN dans le cadre de la standar-disation des munitions de l’OTAN ; lacréation, la même année, de la mi-trailleuse à gaz MAG 7,62 mm par Er-nest Vervier ; la mise au point de la mi-trailleuse légère MINIMI à la fin desannées 60 puis sa fabrication en série ;les multiples déclinaisons du B25et sur-tout la sortie, en 1967, du deux millio-nième Auto-5 usiné à Herstal depuisla fin de la guerre ; la mise au pointpar Bruce Browning (petit-fils du« Maître ») de la désormais mythiquecarabine automatique BAR, en 1966…On pourrait cumuler les exemples : auplus fort de sa politique de diversifica-tion, la FN ne perdit jamais de vue sondomaine de prédilection. Même lors-qu’elle convoita de conquérir le ciel.

Les premiers pas de laFabrique dans l’aéronautiqueremontent en réalité à la fin desannées 40. A cette époque, elle

construisit – sous licence Rolls-Royce– une série de mille moteurs Derwentdestinés aux avions de chasse Météordes forces aériennes belges. La forma-tion de techniciens spécialisés et l’achatdu matériel adéquat obligèrent à des in-vestissements très conséquents ; néan-moins, au regard des contrats qui sui-virent, ces efforts se révélèrent pour lemoins féconds. En 1954, la FN fabri-qua pour Rolls-Royce les turboréac-teurs Avon qui allaient bientôt équi-per les Hunter belges et néerlandais. Apartir de 1960, elle fut associée àla construction des turboréac-teurs General Electric J79 – pourles chasseurs-bombardiers F104 GStarfighter de plusieurs pays – assurant également, àl’échelle interna-tionale, diffé-rents services demaintenance etde réparation.Progress ive-

ment, le département des véhicules futsupplanté par l’aéronautique et ce qu’onappellera, plus tard, la « Division Mo-teurs ». Rappelons qu’en 1964 treizemille personnes travaillaient à la FN…Le contrat portant sur les J79 prit

fin en 1968. Il avait permis à la sociétéde gagner en expérience et en réputa-tion dans un domaine où l’excellencecomme le gigantisme sont habituelle-ment de mise. La même année, elle com-mença à collaborer avec la Snecma à laconception de moteurs Atar 9C vouésaux Mirage 5 de l’armée belge. Les re-lations avec le motoriste français sepoursuivront jusqu’en 1989. Au coursdes années 70, la division aéronautique

FN 1200 du directeur général,A. Andri, photographiée le 26 novembre 1910.

Salon de l’automobile, Paris 1908. FN 1300 Sport (1925).

FN 2400 (1911-1913).

34 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

connut un développement très impor-tant, marqué par de fructueux accordsde coopération. En 1976, par exemple,elle participa à la production du moteurF100 de Pratt et Whitney pour le chas-seur General Dynamics F16 qu’avaientnotamment adopté le Danemark, lesPays-Bas, la Norvège et la Belgique.Et comment ne pas évoquer, pour illus-trer l’ampleur de la diversification danslaquelle s’était engagée la FN, le fameuxcontrat que celle-ci avait signé, en 1975,avec la Société Européenne de Pro-pulsion ? Il s’agissait ni plus ni moinsde la confection de certains éléments dumoteur Viking de la fusée Ariane elle-même. Du ciel à l’espace, il n’y a ma-nifestement qu’un pas…Hélas, la récession généralisée des

années 80 survint. Il y eut bien encore,

à cette époque, de grands projets avecBoeing, Airbus et la Snecma. Mais lepôle Défense et Sécurité ne parvenaitplus à contrebalancer les investisse-ments colossaux de la FN en matièreaéronautique. D’autant que la Fabriqueavait entre-temps multiplié les filiales– FN Industry, FN Sports, FN For-métal, etc – et pris, en 1977, le contrôlede son plus ancien collaborateur : la so-ciété Browning. Directement ou non,elle avait au fil des ans diversifié en-core ses domaines de production : trai-tement des déchets, recyclage du plas-tique, technologie de pointe mais aussifabrication d’articles dits « non gun »– vêtements, clubs de golf, raquettesde tennis, cannes à pêche, planches àvoiles, etc. En sorte que le ralentisse-ment économique de cette période l’af-

fecta de plein fouet, enrayant sa straté-gie d’expansion. En 1981, 12600 per-sonnes y travaillaient ; en 1985, 10700 ;en 1987, 8400.En 1989, alors que FN Moteurs

était cédé à la Snecma et que l’entre-prise manquait cruellement de capi-taux, la Société Générale de Belgique– tutelle financière de la FN depuis lafin de la Première Guerre – se désen-gagea au profit du groupe Giat Indus-tries, lui-même propriété du Minis-tère de la Défense français et fabricantde matériel militaire. Peu avant cette re-prise, il fut décidé de renouer radica-lement avec la vocation initiale de laFN : conception, fabrication et vented’armes légères de haute qualité. La di-versification sans doute excessive desproduits avait montré ses limites et me-nacé l’existence même de la société.Le rachat, en 1987, de la marque Win-chester et des ateliers historiques deNew Haven par le Groupe Herstal fut,à cet égard, un véritable symbole. Mal-heureusement, en dépit d’investisse-ments importants incluant l’érectionsur place d’une nouvelle usine, celle-cidut être fermée, en 2006. Ajoutons pourterminer que lorsque Giat Industries,mobilisé sur d’autres activités, se re-tira à son tour, en 1997, sa participa-tion au sein du Groupe Herstal fut re-prise par le Gouvernement de la RégionWallonne. Aujourd’hui, exclusivementrecentrée sur son métier de base, l’en-treprise belge figure parmi les leadersmondiaux dans ses deux secteurs d’ac-tivité propres : le pôle Défense-Sécu-rité et le pôle Civil.

Il va de soi que cette extrême diversification s’effectua toujours parallèlement au développement

de la production armurière.

Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE

Cannes à pêche Browning

Montage du turboréacteur SNECMA Atar 9C destiné à l’avion Mirage V de la ForceAérienne Belge.

35Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

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36 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

a société Browning ArmsCompany est née en 1927 auxUSA, dans Utah. Elle a crééet produit une grande variété

d’armes militaires, de carabines etfusils de chasse, de pistolets et révol-vers, acquérant ainsi la renommée in-ternationale que l’on sait. Elle futfondée sur la base des inventions etdu savoir-faire de John Moses Brow-

ning, l’un des inventeurs les plus créa-tifs de son époque en matière d'armesà feu. De nombreux autres fabricantsd’armes ont bénéficié de ses inven-tions – tels Colt, FN Herstal, Miroku,Remington ou encore Winchester. Lesarmes les plus connues de John MosesBrowning sont le fusil semi-automa-tique Auto-5, la carabine BrowningAutomatic Rifle (BAR), ainsi que le

pistolet GP-35 en calibre 9 mm Pa-rabellum (GP pour « Grande Puis-sance » ; en Anglais HP 35pour « HighPower »). C’est sans doute avec le fu-sil semi-automatique Auto-5que JohnMoses Browning a atteint le sommetde son art. C’est en effet avec lui qu’ilconnut l’un des plus grands succèscommerciaux de sa carrière.

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De l’Auto-5 à l’A 5 : une révolutiondans l’arme semi-automatique à usage civil

LesARMESMYTHIQUES

par Joël Serre

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37Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Tableau de chasse aux canards en Corée. Browning Auto-5 coups (1928).

38 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

’Auto-5 est le premier fusilsemi-automatique de chasseapparu sur le marché inter-national. En 96 ans de pro-

duction, pas moins de 4 000 000d’exemplaires de cette arme furentvendus. Un chiffre record, inégalé dansle domaine de l’armement civil. Lafabrication de l’Auto-5, en Belgiquepuis au Japon, s’étend de 1903 à 1999– année au cours de laquelle le der-nier Auto-5 est sorti d’usine. AuxEtats-Unis, une licence de fabrica-tion fut vendue à Remington ainsi qu’àSavage-Stevens, ce qui donna nais-sance aux fusils semi-automatiques

Remington M11 et Savage 720, deuxarmes qui connurent également ungrand succès. L’Auto-5 fonctionnegrâce à un système mécanique simple,qui a souvent été repris par d’autresfabricants. Le système mécaniquetrouve la base de son fonctionnementdans le court recul du canon à l’inté-rieur du boîtier de culasse. L’Auto-5 aété fabriqué dans quatre calibres de ré-férence : le 12/76 mm ; le 12/70 mm ;le 16/70 mm ; le 20/70 mm. Sa sim-plicité et sa fiabilité lui ont offert uneimmense notoriété. Elles expliquentaussi pourquoi l’Auto-5 a pu, si long-temps, perdurer.

out d’abord, il convient d’ou-vrir la culasse en la tirant vers l’ar-rière et de permettre à l’arrêtoirde la maintenir en position pour

introduire une cartouche dans lachambre, puis de ramener la culasse enposition fermée. On introduit alors lescartouches suivantes dans le magasin tu-bulaire. Bien entendu, cette opérationpeut être répétée plusieurs fois pourréapprovisionner le magasin. Après le tirde la dernière cartouche, la culasse resteen position ouverte, ce qui permet derecharger l’arme sans perdre de temps.Pour décharger, il suffit d’extraire lacartouche qui se trouve dans la chambreen tirant la culasse vers l’arrière, puisde répéter l’opération autant de foisque l’arme contient de cartouches. Uneautre phase consiste à extraire la car-touche qui se trouve dans la chambre,à ramener la culasse en position avant,et à faire revenir l’arrêtoir du magasinégalement vers l’avant. Il convient en-suite de retourner l’arme puis, avec l’in-

dex, d’appuyer à fond sur le transpor-teur. En relâchant ce dernier, la cartoucheest poussée hors du boîtier de culasse.Il suffit de répéter l’opération autantde fois que le magasin contient de car-touches. La simplicité de ce fonction-nement a très rapidement séduit un largepublic de chasseurs et tireurs, mais aussicertaines forces de police.Autre avantage de l’Auto-5 : il offrait

la possibilité de tirer n’importe quellecartouche de calibre correspondant aumoyen d’un simple réglage du méca-nisme de recul. Pour le tir des cartouchesstandard, la bague-frein située à l’ex-trémité du magasin dispose d’une par-tie biseautée qui doit être placée versl’avant, c'est-à-dire engagée dans le guidedu canon. L’autre extrémité enserréedans la bague-ressort s’appuie sur le res-sort de recul et la partie plane de la baguerégulatrice. Pour le tir des cartouches àforte pression, la bague régulatrice estplacée derrière la bague-frein, sa partieconique vers l’avant.

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FN/Browning Auto-5

Fonctionnement de l’Auto-5

Les ARMES MYTHIQUES

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39Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

En définitive, l’Auto-5 est le seulet unique semi-automatique au mondeà offrir la technologie « SPEED LOADING ». Inventée par John MosesBrowning, cette technologie de char-gement/déchargement rapide sera, parla suite, proposée sur tous les modèlesde semi-automatiques créés par lamarque à la tête de cerf (à l’exceptiondu modèle Phoenix). Breveté, ce sys-tème de chargement envoie la premièrecartouche du magasin directementdans la chambre – et c’est grâce à larapidité du dispositif de déchargementque ces opérations sont exécutées avec

une telle facilité : en effet, la phasequi consiste à envoyer chaque car-touche dans la chambre au moyen duverrou est ainsi évitée.L’Auto-5 « Modèle Chasse » était

proposé dans différentes longueurs decanons : 61, 66, 71, 76 ou 81 cm – cequi faisait varier sa longueur totalede 110 à 130 cm. Sa carcasse pouvaitêtre d’acier ou d’aluminium (pour laversion allégée). La masse du fusil videvariait donc de 2,80 kg (pour une car-casse alliage ; canon de 61 cm) à 4,10kg (pour une carcasse acier ; canon de81 cm). La masse de l’arme chargée va-

riait également en fonction du nombrede cartouches contenues dans le tubemagasin : selon la législation natio-nale en vigueur, de 2 à 4 cartouches –plus une dans la chambre. Le modèleFN « Spécial Police » utilisait la mu-nition de calibre 12, exclusivement ;d’une longueur totale de 100 cm, il étaitdoté d’un boîtier de culasse en acierqui lui permettait d’accuser une massetotale à vide de 3,60 kg. Sa capacitéétait de quatre cartouches, plus unedans la chambre. Enfin, la crosse et ledevant de l’Auto-5 ont toujours étéen bois.

’histoire continue avec le nou-vel A5. L’Auto-5 (pour « Automatic-5 ») est certai-nement l’un des fusils de

chasse les plus reconnaissables entretous, grâce à la forme particulière del’arrière de son boîtier de culasse. Sonapparition sur le marché civil a totale-ment révolutionné le monde de lachasse en proposant un fusil aux per-formances inégalées pour son époque.L’Auto-5 était innovant ; c’était aussile premier fusil de calibre 12, 16 ou 20

à fonctionnement semi-automatiquepour la chasse et le tir ; la qualité de safabrication et sa fiabilité étaient, dureste, exemplaires. L’Auto-5 a régnéen maître pendant plus de 50 ans, etsa production a duré presque un siècle,ce qui constitue un record absolu dansle monde de l’armurerie civile. A l’ins-tar de l’Auto-5, le nouveau BrowningA5 a été créé afin de conquérir de nou-velles parts de marché dans le secteurdes fusils de chasse semi-automatiques.Il reprend les concepts qui ont fait le

succès de l’Auto-5 : une perfection mé-canique, une fiabilité et une qualitéde gerbe de grenaille de haut niveau.Certes, l’A5ressemble fort à l’Auto-

5… mais cette ressemblance s’arrête,en vérité, à la forme du boîtier de cu-lasse. Le boîtier de culasse à bosse(« Humpback ») fait une nouvelle ap-parition ; cette forme particulière à l’ar-rière prononcé était, à l’origine, liéeau système de fonctionnement à courtrecul du canon (cela permettait à ce der-nier d’y trouver sa place lors de la phasede recul). Le nouveau Browning A5,quant à lui, rompt totalement avec leprincipe mécanique d’origine, en luisubstituant un système plus modernemais tout aussi fiable : le principe dità inertie. Plus rapide, ce nouveau mé-canisme – qui affaiblit en outre la sen-sation de recul – a largement fait sespreuves depuis de nombreuses années.Témoignage de la confiance quil’anime, Browning offre, pour son nou-vel A5, une incroyable garantie de100 000 cartouches tirées ou 7 ans…

De l’Auto-5 à l’A5

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A5 Standard

Auto-5 gauche Auto-5 droit

A5 Ultimate Ducks

A5 Ultimate Partridges

40 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Cette garantie de fiabilité reposeavant tout sur le nouveau (et robuste)mécanisme à inertie appelé Kinema-tic Drive System, composante essen-tielle de l’A5. Plusieurs autres inno-vations techniques de l'A5 peuventêtre relevées : les nouveaux chokesamovibles Invector DS montés sur denouveaux canons sur-alésés nommésBack-Bored Vector Pro ; le système deplaque de couche Inflex II, qui per-met de réduire les effets de recul ; lesystème de chargement et de déchar-gement express Speed Load Plus Sys-tem, particulièrement simple et effi-cace…L'A5 standard est un fusil au boî-

tier de culasse sobre, qui conserve l’es-prit de l’Auto-5 ; il est mis en valeur

par une crosse et un garde-main en noyer grade 2, poncéhuilé pour son modèle de base ;cependant, il est décliné en six versionsproposant chacune des niveaux de fi-nition différents et ayant pour seulpoint commun le concept mécanique.L’A5 allie savamment innovation et es-thétique, ce qui en fait une belle réus-site. Dans sa version Standard, on re-trouve l’esprit général de l’Auto-5, avecune carcasse entièrement noire. Dansles versions Ultimate Ducks et Ulti-mate Partridges, la carcasse est nic-kelée et reçoit une décoration spéci-fique. Pour le modèle Ultimate Ducks,la carcasse est ornée d'une gravure finereprésentant des canards au vol alorsque, pour le modèle Ultimate Par-

tridges, cesont des fai-

sans. Pour ces deuxmodèles, les crosses sontréalisées en noyer grade 3,avec une finition poncée hui-lée. Pour la version A5Com-posite Super Magnum, la crosse et ledevant garde-main sont en matièresynthétique noire – caractéristiquetechnique qui n’avait jamais été em-ployée pour l’Auto-5, lequel a toujoursconservé une crosse et un devant ennoyer.Par ailleurs, les modèles A5Camo

Max4 Super Magnum et A5 Camo Infinity Super Magnum bénéficientde la dernière génération de film de ca-mouflage Realtree, particulièrement efficace. Chambrés en super-magnum,ces deux modèles sont idéaux pour letir à billes d'acier de 70 mm à 89 mm.Browning propose également un

autre fusil de chasse semi-automa-tique, tout aussi fiable, mais qui fonc-tionne, lui, par emprunt de gaz : leMaxus. Décliné en sept niveaux de fi-nition, il ne revendique pas l’héritagede l’Auto-5 ; cependant, il constitueune arme de chasse de très haut niveauet apporte, lui aussi, sa pierre à l’édi-fice Browning. Bien qu’aucun systèmemécanique de réduction du recul nepuisse échapper aux lois de la phy-sique, le Maxusassure des tirs très douxet parvient même à modifier le re-gard que l’on porte sur la notion decontrôle du recul. Elaborés par Brow-ning, le concept technologique GasSystem Power Drive, la plaque decouche technologique Inflex, le conceptde canon Back-Bored Vector Pro tech-nology sont combinés dans le but ex-clusif d’apporter un meilleur confortde tir : grâce à eux, les effets de l’éner-gie cinétique liée à l’impulsion du re-cul sont réduits d’environ 18 % parrapport à tout autre fusil de chassesemi-automatique.

Les ARMES MYTHIQUES

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Maxus Ultimate Partridges

41Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

es superposés Browning mo-dernes sont donc tous les hé-ritiers légitimes du légen-daire B25. Le premier fusil

qui succédera au B25 est le BrowningB125 ; présenté en 1985, ce produitde l’évolution connut un large suc-cès. Si toutes les versions postérieuresont été, d’une manière ou d’une autre,améliorées, l’architecture générale dufusilBrowning B25– qui a révolutionnéle monde de l’armurerie – demeure

la même. Les modèles successifs ontcependant tous contribué à asseoir lalégende de la marque. Le B325 (1991)ou le B425 (1995) ont également étéappréciés par de nombreux chasseurset tireurs. Mais toutes les versions decette arme ont, de près ou de loin,participé à l’apparition du B525– l’undes fusils superposés de chasse à bas-cule acier les plus affectionnés et lesplus vendus à travers le monde.

n 1925, John Moses Brow-ning finalisa le prototyped'un fusil superposé qui al-lait transformer l’univers de

l’arme de chasse traditionnelle. Il bap-tisa son invention B25 – pour Brow-ning 1925. Celui-ci fut le premier fu-sil à canons superposés de l’histoiredes armes de chasse et de tir.Le fusil de chasse B25 est aussi

l’ultime création de John M. Brow-ning, génial inventeur d’armes à feu,l’un des plus doués au monde. Leconcept mécanique du B25 concentreun savoir-faire acquis au fil de plu-sieurs décennies d’ingéniosité et d’ex-périence en matière armurière. Le B25est, à ce jour, l’un des fusils de chasseà canons superposés qui comptentparmi les plus raffinés et les plus ad-mirés. Certains propriétaires de B25assimilent d’ail leurs la possession decette arme à celle d’une véritableœuvre d’art. Le succès obtenu par lasociété Browning à travers la com-mercialisation du B25 montre queJohn Moses avait parfaitement saisiles attentes des chasseurs et tireurs

de son temps, qu’il avait même anti-cipé sur l’avenir. John Moses Brow-ning avait compris que les utilisa-teurs de fusils de chasse et les adeptesdu tir sportif préféraient un plan devisée réparti sur un seul axe, joint àune détente sélective unique. Un équi-libre parfait et un design harmonieuxne pouvaient que contribuer au suc-cès du B25 – lequel est, en outre, tou-jours entièrement fabriqué en Bel-gique depuis 1931. Au cours de saconfection, le B25 supporte 2310 opé-rations de contrôle destinées à garan-tir la qualité et la précision de sespièces. Son assemblage nécessite unminimum de 155 interventions ma-nuelles vouées à assurer un ajustageirréprochable – ajustage qui surclasseles machines-outils les plus élaborées.L’apport des nouvelles technologiesnumériques sur les machines-outilsa changé quelque peu la donne. C’estd’ailleurs ce paramètre technologiqueultra-performant qui a permis au B25d’évoluer favorablement au fil desans et de donner naissance à plusieursgénérations de fusils.

Le fusil superposé Browning B25

Les évolutions du B25

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B25 - Bonaparte

B25 - Diana - 2001

B25 customisé

42 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

ujourd’hui, 89 ans aprèsla commercialisation duBrowning B25, le Brow-ning B525 incarne l’une

des dernières évolutions techno-logiques significatives contribuantau perfectionnement de son au-guste ancêtre. Le fusil B525 en està la fois l’héritier et la version mo-derne la plus aboutie. Il bénéficiedu progrès technologique queBrowning a, depuis son origine, ap-porté à la conception de ses armesde tir et de chasse superposées.Le fusil Browning B525a été com-mercialisé en 2003 ; il matéria-lise la cinquième génération de su-perposés Browning au sein de lafamille B25. Lorsqu’on fait l’acquisition d’unBrowning B525, on hérite d’uneexpérience de plus de 89 ans dansl'excellence. Mais le BrowningB525 est probablement plus que le digne descendant d’unfusil d'exception : il est devenuune référence incontestée.Avec ses nombreuses évolu-tions techniques – tels les

chokes Invector, la frettemonobloc massive, leconcept mono-détentesélective réglable à troispositions sur certains mo-dèles, entre autres choses –le B525 reste fidèle auxprincipes de John MosesBrowning, garantissantsolidité, fiabilité et per-formances accrues. La bascule en acierforgé est garantie 10 ans – preuve dela confiance deBrowning en sonproduit…

Au reste, le B525 recouvredeux familles d’armes : l’une pour letir, l’autre pour la chasse – ce qui re-présente 21 modèles en tout, quatre ca-libres, quatre longueurs de canons,deux types de bascules, soit alliage lé-ger, soit acier, avec des dizaines de com-binaisons possibles permettant de trou-ver le fusil qui répond précisément àses attentes. Dans sa version chasse(HUNTER), le B525 est décliné endouze modèles (sur la base de quatrecalibres : 12, 20, 28 et 410 Mag) ré-pertoriés au catalogue fabricant : B525Game 1 2014 ; B525 Game 1 Light ;B525 Hunter 20M ; B525 HunterStraight ; B525 Hunter 28 ; B525Hunter 410M ; B525 Hunter Prestige

20M ; B525Hunter Light 12M ; B525Hunter Light Elite ; B525 HunterLight 20M ; B525 Hunter Light28 ; B525 Game 1. Dans sa versionSporter, le B525 est décliné en six mo-dèles (sur la base de deux calibres : 12et 20) répertoriés au catalogue fabri-cant: B525 Sporter 1 ; B525 Sporter20M ; B525 Sporter Prestige 20M ;B525Trap ; B525Trap Advance Inv+Briley ; B525 Sporter One.

L’histoirecontinue

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Ultra-XS-Prestige-12M

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Les ARMES MYTHIQUES

43Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

nnovation à l'état pur, le BrowningB725 – septième génération duB25 – bénéficie des dernièresavancées en matière de techno-

logie. Spécialement étudié pour lachasse et le tir sportif, c’est une révo-lution esthétique et technique dansl'univers des fusils superposés. Conçusur la base du B25, il présente de nom-breuses innovations tout en préservantles éléments majeurs de sa lignée : sansdoute est-ce le fusil superposé le plusperformant au monde. Il est un sa-vant mélange de fiabilité et d’innova-tions technologiques exclusives « madein Browning ». Mettons en avant son

nouveau système de départ mécaniqueplus court et léger, sa plaque de coucheinterchangeable Inflex II et sescanons suralésés Back-bored Vector Pro. LeBrowning B725 est dé-cliné en six versionschasse : B725Hunter ;B725 Hunter UK ;B725Hunter Grade 5 ;le B725 Hunter 20M ;B725 Hunter UK 20M ; B725 Hun-ter light. Pour la gamme tir, le B725est proposé en trois versions : B725Sporter ; B725 Sporter Adjustable ;B725 Sporter Grade 5. Hormis la ver-

sion Hunter light, tous les BrowningB725sont dotés d’une bas-

cule acier et bénéfi-cient du système In-vector DS.

e modèle Héritage porte sonnom en qualité de digne hé-ritier du B25 à contre-pla-tines. La gamme Héritage est

composée de deux modèles en versionchasse et d’un modèle en version tirsportif. L'équilibre, l'ergonomie et laprise en main résument parfaitementla lignée des autres superposés de tirssportifs B525, Grand Prix, Ultra X etGTS.Tous les fusils de tir sportif et la

majorité des fusils de chasse que nousconnaissons aujourd’hui ne sont quedes descendants plus ou moins directsdu Browning B25.

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ILe Browning B725

La version HÉRITAGE

B725 Sporter Black Édition

B725 Hunter

Heritage Sporter 12M

B725 Hunter

44 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

ohn Moses Browning ne fut passeulement un visionnaire ; il futsurtout un travailleur acharné,en quête permanente de nou-

veautés et de défis mécaniques. Ilvivait de et pour sa passion – ce quifaisait de lui un esprit d’avant-garde,capable de déterminer avec justesseles besoins contemporains et fu-turs en matière d’armes civiles oumilitaires. Il souhaitait être sur tousles fronts, et il l’était toujours, grâceà l’ingéniosité sans faille de son es-prit à la fois très productif et in-ventif. Il ne détenait certes pas lesdiplômes exigés aujourd’hui pourexercer le métier d’armurier – mais,inventeur talentueux, ses qualités in-tellectuelles étaient telles qu’il pou-vait se permettre d’afficher une cer-taine indifférence à l’égard desreconnaissances d’ordre officiel.Il considérait en effet son che-min de parfait autodidactecomme sa plus grande fierté :aussi refusa-t-il tout titre ho-norifique universitaire, arguant« qu'il avait pour règle de nejamais rien accepter quine soit dû à son propretravail. » Probablementun dernier pied de nezpour souligner qu’il avaitplus appris de l’expé-rience que des heurespassées sur les bancsde l’école…

Il inventa qua-siment tout ce quipouvait l’êtredans le domainedes armes. Sacréativité étaitsi grandeque nombre

de ses innovations firent longtempsautorité – jusqu'à l’arrivée des tech-nologies modernes. John Moses Brow-ning savait repousser les limites de l’es-prit et de la technologie de son temps,et c’est bien ce qui lui valut une réus-site sans égal.John Moses Browning a très vite

compris qu’il y avait une place sur lemarché de l’armement civil pour unecarabine d’entrainement de petit ca-libre économique. Précisons qu’à cetteépoque la cartouche de calibre 22 LRétait déjà très répandue (car elle étaitutilisée pour la destruction des pe-tits nuisibles). Cela l’incita à inventerune carabine semi-automatique en ca-libre 22 LR, alors que les armes uti-lisant ce calibre étaient toutes à uncoup. La cartouche de 22 Long Rifle(5,6x15 mm R), d’un diamètre réelde 5,5 millimètres, soit 22/100 depouce, était apparue en 1887 etconnaissait un certain succès. La car-touche de 22 LR avait été directe-ment extrapolée du 22 Court (sortien 1855) et du 22 Long (développé surcette base en 1871 sous l'impulsion dela Arms & Tool Company, et fabriquépar Peters aux Etats-Unis pour la

manufacture d'armes Stevens). Cestrois munitions étaient elles mêmesdirectement dérivées des premièresmunitions à percussion annulaire ja-mais réalisées : la 22 Bosquette et la6 mm Bosquette – inventions de l'ar-murier parisien Louis Nicolas Flobert(1845).

Les carabines 22 LR BROWNING

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Carabine incrustée d’or (chiens de prairie).

Les ARMES MYTHIQUES

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inve

ntio

n.

45Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

e fut à partir de sa propre ex-périence de l’arme semi-au-tomatique que John MosesBrowning développa le

concept de sa première carabine depetit calibre. Elle connaîtra un largesuccès, encore palpable aujourd’hui.L’homme était particulièrement fier desa nouvelle création. Le principe defonctionnement de cette dernière res-tait simple : il comportait une culassenon calée et actionnée par le gaz, uneéjection, un armement et un charge-ment automatiques. En 1913, la pre-mière carabine semi-automatiqueBrowning vit donc le jour dans les ate-liers du même nom, sous l’appellationSA.22 – pour « Semi-automatique22 », tout simplement. La SA.22 secharge par un orifice taillé dans le flancde la crosse qui abrite un magasin tu-bulaire retirable par l’arrière au ni-veau de la plaque de couche. L’éjec-tion des douilles s’effectue par le

dessous du boîtier de culasse, dont lapartie saillante et mobile sert égalementde « doigt » d’armement. En outre, laSA.22 présente la particularité de sedémonter facilement en deux partiesdistinctes au niveau du canon – lequeldispose d’un rattrapage de jeu auto-matique. Elle fut jadis fabriquée en22 Court et 22 Long, mais ces ver-sions ont disparu avec le temps pourlaisser place au modèle 22 LR, exclu-sivement.Actuellement, le catalogue Brow-

ning propose trois niveaux de finitionpour la SA.22, à savoir :La Browning SA.22 Semi AutoGrade 1.Cette carabine légendaire, très sou-

vent copiée mais jamais égalée, est fa-briquée sans interruption depuis 1924.Ses caractéristiques exclusives – char-gement par la crosse, éjection par lebas et possibilité d’être démontée –en font une arme d'exception.

La Browning SA.22 Semi AutoGrade 2 & 3.Il s’agit de la même arme que la

Grade 1. Elle est fabriquée par leBrow-ning Custom Shop à partir de piècesoriginales sélectionnées ; elle est, enoutre, ornée de gravures spécifiques.Les bois en sont minutieusement choi-sis, afin de proposer une arme de hautequalité.La seconde arme en calibre 22 LR

qui a permis à la société Browning defranchir un nouveau seuil dans le per-fectionnement de son savoir-faire est lacarabine T Bolt, sortie en 1965. Cettearme a connu plusieurs évolutions eta été déclinée en différents niveaux definition. Aujourd’hui, elle est encoreprésente au catalogue Browning sousles appellations suivantes :

C

Commercialisation des carabinesBROWNING en calibre 22 LR

SA22 grade3

T-BOLT Sporter Threaded

T-BOLT composite Sporter Threaded

46 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

T-Bolt Sporter Composite Threaded.Cette version est équipée d'une

crosse en composite ergonomique trèsrésistante et permettant une utilisationintensive dans toutes les conditions. Elleprésente également l’avantage de dis-poser d’un chargeur supplémentaire,intégré dans la plaque de couche de lacrosse.T-Bolt Sporter Threaded.Réédition d’un best-seller, cette

carabine vintage est une légende.Disponible en calibres 22LR,22 Magnum et 17HMR, elle estesthétiquement très prochede son aînée, la premièreT-Bolt.

Cependant, elle a béné-ficié d’une modernisationconsidérable sur le plan méca-nique. Elle se singularise par un

verrouillage en ligne, dit Straight-pull,qui chambre les cartouches depuis unchargeur rotatif exclusif.Ces deux modèles – précisons-le

– sont importés pour la France ; néan-moins, deux autres sont présentés dansle catalogue général de Browning : lescarabines T-Bolt Sporter et T-BoltSporter MG5. Leurs particularitéstechniques et mécaniques sont iden-tiques à celles des modèles précédem-ment évoqués.La troisième arme de calibre 22 LR

qui fit une entrée remarquée fut la ca-rabine BL. Dotée d’un levier de sous-garde, elle n’était pas sans rappeler la

célèbre Winchester 94. Ce modèle a été créé et breveté par la FN dès 1956 ;toutefois, il n’a été mis en fabricationqu'à partir de 1969, principalementau Japon. Son apparition en Europene s’est véritablement effectuée qu’àpartir de 1970. Plusieurs niveaux definition furent proposés au fil desépoques ; à ce jour, une seule versionsubsiste :La carabine Browning BLGrade 2 MG9.Carabine à levier de sous-garde, elle

est la digne héritière des carabines detype Winchester façon Browning pourle calibre 22 LR.La quatrième série d’armes en ca-

libre 22 LR est sortie en 1980, avec leconcept innovant des pistolets et de lacarabine Buck Mark Sporter Rifle. La carabine Buck Mark Sporter Rifle.Il s’agit d’une carabine hors norme

par son design, compacte, précise etfiable, qui offre un éventail de possi-bilités d'utilisation très vaste. Ses or-ganes de visée sont composés d'unehausse réglable et d'un guidon en fibreoptique, ainsi que d'un rail intégré pourle montage d'une optique.La société Browning compte donc

aujourd’hui une large gamme d’armesen calibre 22 LR, une gamme capablede satisfaire les tireurs les plus exi-geants. Un seul regret toutefois, lescontraintes liées à la législation fran-çaise sur les armes qui ne permet pasde pouvoir acquérir et utiliser libre-ment la carabine Browning SA.22semi-automatique qui a fait la joie denombreuses générations.

BUCK Mark Sporter Rifle

BL Grade 2 MG9

T-BOLT Sporter MG5

BL Grade 2

Buck Mark Rifle

Les ARMES MYTHIQUES

47Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

e fusil-mitrailleur Browning-BAR a derrière lui unelongue histoire, qui com-mence en 1918. Le concept

mécanique de base de cette arme est àl’origine de différentes variantesd’armes que nous connaissons au-jourd’hui. Conçu par John MosesBrowning en 1916, le Browning BAR(pour « Browning Automatic Rifle »)M1918 fut adopté dès ses débuts parl'US ARMY, remplaçant opportuné-ment le fusil-mitrailleur ChauchatM1918 qui avait été acquis, en 1917,pour pallier certains besoins urgents,sans manifestement y parvenir.Entre 1917 et 1918, le fusil-mi-

trailleur BAR M1918 fut fabriqué souslicence par Winchester, Marlin et Colt,à quelque 85 000 exemplaires. Aprèsla Première Guerre mondiale, les firmesFN Herstal et Colt – détentrices desbrevets Browning pour l'Europe –continuèrent sa production. Ensuite, audébut des années 1920, l'US Cavale-rie adopta une version allégée de cettearme (le BAR M1922), avant que l’ar-mée américaine ne la fasse encore évo-luer, en 1937, par l’ajout d’un bipied :naquit alors le BAR M1918A1…A partir de 1940, apparait la ver-

sion 1918A2 – massivement utilisée du-rant la Seconde Guerre mondiale, laguerre de Corée et celle du Vietnam.Reconnu pour son efficacité et sa fiabi-lité, le Browning BAR fut présent dansle monde entier à travers ses multiplesvariantes : ce fut notamment le cas pourle FM Modèle 30/Type D (Belgique),le 21/KSP Modèle 37 (Suède) ou en-core le RKM WZ 28 (Pologne) – tousces modèles ayant été développés surla base du BAR M1918. Rappelonsenfin que le FM BAR fut, des annéesvingt aux années cinquante, l'arme

d’appui privilégiée des forces arméesaméricaines…

Les différentes versions réglementaires et commerciales

Le Browning BAR Modèle 1918 :Cette arme est à l’origine de toutes

les carabines BAR dérivées du concepttechnique dit « à emprunt de gaz » – mé-canisme fameux mis au point par JohnMoses Browning. Tout au long de sacarrière, elle a fait preuve d’une fiabi-lité absolument exemplaire. Le fusil mi-trailleur Browning BAR M1918 dis-pose d’une crosse demi-pistolet et d’undevant garde-main en noyer quadrillé.Son canon est muni d’un cache-flammetubulaire qui supporte un guidon à lameprotégé latéralement. Située à l'arrièredu boîtier de culasse, sa hausse réglableest de type « œilleton ». Jadis, on pou-vait avec cette arme tirer en rafale ouau coup par coup – sans que jamaisson niveau de fiabilité ne s’en trouvealtéré.Le Browning BAR M1918A1.Il s’agit d’un reconditionnement

des M1918. Sur le tube d'emprunt degaz, on avait monté un nouveau bipiedrabattable à platines, muni d’une pointed'ancrage. La plaque de couche com-portait un crochet métallique d'attacheà l'épaule et le devant avait été légère-ment réduit.Le Browning BAR 1918A2 et T34.Le fusil Browning BAR 1918A2 fut

sans doute le fusil BAR le plus fabri-qué. Il se distingue des précédents parl'adjonction d'un support tubulairemonté sur la crosse, en arrière de lagrenadière. Le bipied, fixé en avant du

guidon, sur le cache-flamme, est dotéde patins. Sur le devant, une plaque mé-tallique de dissipation thermique est in-corporée. La hausse réglable est em-pruntée à la mitrailleuse Browning –tandis que le sélecteur des M1918 etM1918A1 est remplacé par un régula-teur de cadence de tir.Le Browning BAR Modèle 1922 :Le Browning BAR Modèle 1922 est

une variante du M1918 ; il fut utiliséde 1924 à 1940. Très prisé pour sesqualités mécaniques, il présente un ca-non raccourci muni d'ailettes de re-froidissement. Par ailleurs, il disposed’un bipied fixé sur le canon ainsi qued’un support tubulaire bridé au ni-veau de sa poignée demi-pistolet – cequi le distingue notablement duM1918.Le Fusil Mitrailleur Mle 30 et FN Type DEn 1923, la FN obtint les licences

de fabrication et d'exportation relativesau BAR M1918. En modifiant celui-ci, elle donna naissance au FM30 – quel’armée belge utilisa (en remplacementdu Lewis Mk de rigueur) durant denombreuses années. En fait, le FM30est issu des travaux de Dieudonné Saive,célèbre inventeur d’armes de la FN, col-laborateur du « Maître » Browning etdirecteur historique du Bureaud’études de la Fabrique. Pour concevoirle FM30, Saive modifia le calibre duBAR M1918 et l'emplacement de sonressort récupérateur ; il opta pour unepoignée-pistolet, puis redessina la formede la crosse et du garde-main. Large-ment exportée, l’arme cessa d’être fa-briquée en 1940 – pour l’être à nou-veau entre 1945 et 1946.Après la Seconde Guerre mondiale,

des FM FN D30 seront par ailleurs usi-nés en Belgique, adaptés au calibre 30-

LLa carabine BROWNING BAR :origines et descendants

48 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

06 à chargement .30 CTN (munitiondisposant d’une quantité de poudrelégèrement supérieure au .30 BDR,utilisé pour les fusils d'infanterie). Notons enfin que, suite à l’adoption parl’OTAN du calibre 7,62 dans les annéescinquante, des FM FN DA1 furentcommercialisés dans ce même calibre.Jusqu’en 1988, le FM FN D30 était

encore en usage au sein de l’armée del’air belge.

Une technologie qui a donné naissance à d’autresgammes d’armes…

Le FM BAR avait montré l’extrêmefiabilité du système à emprunt de gazdans le domaine des armes militaires.Il ne restait plus, naturellement, qu’à enfaire bénéficier les produits civils… Dèsles années soixante, cette évolution futaccomplie: Browning proposa la toutepremière carabine de chasse semi-au-tomatique à emprunt de gaz – la dé-sormais célébrissime « Browning Au-tomatic Rifle ». Devenue une référenceincontournable dès sa sortie en 1967,cette arme connaît, depuis, un succèsqui ne s’est jamais démenti : en 2011,on comptait en effet plus d’un milliond’exemplaires vendus… Destinée au tirdes grands mammifères d’Amérique etd’Europe, la « BAR » – comme la sur-nomment affectueusement ses admi-rateurs – est sans nul doute l’arme semi-automatique à usage civil la plusrépandue à travers le monde. Au de-meurant, son modèle de base a eu uneriche descendance, comme en témoignele catalogue Browning – une descen-dance composée, chronologiquement,des versions suivantes :

La BAR Acier Affût.Il s’agit du modèle original de la ca-

rabine BAR : depuis longtemps avéré,son succès se passe de commentaire…Cette version est dotée d'une hausse ré-glable en site et en azimut avec préci-sion. Le guidon métallique fin complèteparfaitement la précision de la visée ;il est protégé par un tunnel métalliqueamovible.La BAR Acier Affût Boss.L'ajout du système BOSS à cette

carabine eut deux effets particulière-ment intéressants : une réduction durecul de l'ordre de 30 à 50 % ; une amé-lioration très appréciable de la préci-sion. Notons que, sur des tirs de longuesdistances, les performances de la BARsont encore optimisées par le recoursà l’optique.

La BAR Zenith Wood Hand Cocking.La BAR Zenith Wood Hand Coc-

king dispose d’un armeur manuel as-tucieusement situé sur le dessus de lapoignée pistolet – permettant ainsi derendre la carabine fonctionnelle en unefraction de seconde. Aussi peut-on,grâce à ce système d’armement trèssimple, se déplacer et chasser en toutesécurité…

La BAR Zenith Ultimate HandCocking.Il s’agit du modèle le plus haut de

gamme de la famille « Zénith ». Cettecarabine est dotée d'une superbe gra-vure entièrement exécutée à la mainet rehaussée d'incrustations or. Sur lajoue gauche sont représentés des san-gliers ; sur la droite, un combat decerfs…La BAR Zenith Big Game HandCocking.Celle-ci présente des plaquettes

gravées interchangeables. Du point devue esthétique, chaque Bar Zénith peutd’ailleurs être personnalisée.La BAR Zenith Prestige Wood Af-fût Hand Cocking.La BAR Zenith Wood Affût Hand

Cocking est munie d’un canon flûtéplus long, ce qui permet de disposerd’une ligne de visée d’autant plus pré-cise. L’armeur manuel situé sur le des-sus de la poignée pistolet est toujoursprésent ; il offre un niveau de sécuritéaccru.La BAR Short Trac-LongtracEclipse Gold.Raffinement et élégance : telles

sont les deux caractéristiques de la BAREclipse Gold. Les joues brossées de cettearme superbe, à la carcasse nickelée,exhibent une magnifique scène dechasse gravée et rehaussée d'or.La BAR Short-Longtrac EclipseGold Left Handed.Il s’agit en fait de la BAR Eclipse

Gold… sauf que cette version est spé-cifiquement adaptée aux exigences destireurs gauchers. La fenêtre d'éjectionet la sécurité ont ainsi été inversées. C’estl'unique carabine semi-automatiquevéritablement et intégralement conçuepour gaucher.

Les ARMES MYTHIQUES

BAR Affût acier

BAR Zenith Affût Hand Cocking

BAR Zenith Hand Cocking

49Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

La BAR Short /Longtrac Hunter.C’est une carabine élégante et très

ergonomique. Son boîtier de culasse estorné d’une gravure à la fois sobre etraffinée, rehaussée d’un « Buck Mark »doré sur nickelage type vieil argent.La BAR Longtrac Composite Fluted Hand Cocking.Cette version de la BAR est dotée

d'un canon fluté et du système d'ar-meur manuel « Hand Cocking » ga-rantissant une sécurité totale à l'affût,à l’approche, ou même en battue.La BAR Short/Longtrac Composite Tracker Hand Cocking.Ce modèle a été conçu pour résis-

ter aux conditions de chasse en battueles plus extrêmes. Les inserts orangesfluo au niveau de la poignée pistolet etdu devant garde-main garantissent uneexcellente visibilité, même en terraindifficile. Les organes de visée type bat-tue sont munis d’une fibre optique dedernière génération.La BAR Longtrac Composite Fluted.La crosse et le garde-main sont réa-

lisés dans un matériau composite quiconfère à cette arme une robustesseunique. La BAR Composite Fluted dis-pose par ailleurs d’un canon flûté of-frant un meilleur équilibre – pour uneplus grande efficacité sur le terrain.La BAR Longtrac Hunter NeroFluted.Cette version classique de la BAR

Hunter possède un canon flûté. Sa car-casse noire est pourvue d'une décora-tion sobre, rehaussée d’un « BuckMark » doré représentant le logo de lamarque.

La BAR Match.En calibre 308 Winchester, ce mo-

dèle de carabine BAR muni d’un canonde 51 cm de qualité Match est destinéau tir de longues distances. Il conservele traditionnel système d’emprunt degaz, tout en garantissant une précisionde haut niveau. S’il ne présente aucunorgane de visée, il est en revanchepourvu d’un rail Picatiny permettantle montage d’une visée optique.

Au-delà de cette gamme dont onappréciera la variété et l’inventivité tanttechnique qu’esthétique, Browningvient tout récemment de faire encoreévoluer le concept original de la BAR.Cette nouvelle création, c’est la MA-RAL.

La carabine MARALÉvénement majeur dans le monde

de l’armement de chasse contemporain,la carabine Maral est sortie en 2013.Basée sur le principe du boîtier de cu-lasse de la BAR, cette nouveauté signéeBrowning procure au tireur une rapi-dité et un confort de tir sans précé-dent. Elle présente – élément inédit quimérite d’être souligné – un judicieuxrappel de culasse automatique, coupléà un chargeur indépendant : c’est, envérité, la pièce maîtresse du système.Ce « Quick Reloading System » allierapidité de manœuvre, sécurité et effi-cacité optimales. Ainsi le gain de tempsprovoqué par le rappel de culasse assistépermet-il au tireur de concentrer da-vantage son attention sur l’action detir elle-même.Par ailleurs, la Maral est équipée

d’une tête de culasse comportant un ver-rou rotatif à sept tenons qui a fait sespreuves depuis plus de quarante ans. Deplus, point important, la culasse resteentièrement confinée à l’intérieur duboîtier, ce qui élimine toute forme degêne et donc de risque lors du tir. La Ma-ral dispose également d’un armeur ma-nuel indépendant (« Hand Cocking »),lequel accroît encore le niveau de sécu-rité. Son canon est réalisé par marte-lage à froid et la carabine est dotéed’une plaque de couche anti-recul en-tièrement interchangeable. Enfin, letransport de la Maral est particulière-ment simple car sa crosse peut être dé-montée à l’aide d’un outil spécifique etfourni à l’achat.A travers la Maral, Browning asso-

cie, une fois de plus, son expertise tech-nologique à son exigence séculaire enmatière de sécurité.Pour Browning, donc, l’histoire

continue…

BAR Short Trac-Longtrac Eclipse Gold

BAR Match

MARAL

50 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

a carabine Winchester Mo-dèle 70 est apparue sur le mar-ché nord américain en 1936.A l’origine, elle fut conçue

pour être une carabine à verrou desti-née à la chasse et au tir sportif. Elle acependant prospéré à travers des dé-veloppements inattendus, ce qui lui avalu d’hériter du surnom suivant : « theRifle of the Rifleman » (« la carabinedu tireur »). Son système de culasse ori-ginal présente un certain nombre desimilitudes avec celui de la culasseMauser – dont découle également lapremière culasse Winchester modèle54. La première génération de carabinesWinchester Modèle 70 a été fabriquéepar la Société Winchester RepeatingArms jusqu’en 1980 ; ensuite, jusqu'àfin 2006, cette arme a été produite parl’US Repeating Arms, conformémentà un accord avec la société Olin Cor-poration. Fin 2006, la production a étéinterrompue ; néanmoins, pour faireface à une demande croissante, la FNHerstal a annoncé, en 2007, que la ca-rabine serait de nouveau fabriquée. De-puis 2012, de nouvelles carabines à ver-rou Winchester Modèle 70 sont doncfabriquées par la FN Herstal.

La Winchester Modèle 70Au cours de son histoire, la carabineWinchester Modèle 70 a été proposéeen de multiples déclinaisons et cham-brée pour un nombre considérable decalibres. Aujourd’hui, les calibres sui-vants sont disponibles : les calibres 243Winchester ; 270 WSM ; 308 Win-chester ; 30-06 Springfield ; 300 Win-chester Magnum ; 375 H&H Ma-gnum ; 416 Remington Magnum ; 458Winchester Magnum, 22-250, 7mm-

08 Rem, 300 WSM, 325 WSM, 338 WinMag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tousces calibres ne sont cependant pas im-portés en Europe.

Technologie de la WinchesterModèle 70La Winchester Modèle 70 à ver-

rou dérive du système Mauser 1898.Le canon peut être en acier carboneou en acier inoxydable. La crosse de typemonobloc est réalisée dans du noyeraméricain ou en polymère, selon la ver-sion. Les organes de visée sont clas-siques, avec hausse réglable ou bandede battue et guidon réglable doté d’unefibre optique pour les versions mo-dernes. Du reste, l’arme peut facilementêtre équipée d’une lunette de visée.Elle possède par ailleurs un magasin fixeà fond basculant.Dans sa fabrication moderne, elle

est proposée en différentes versionssur le marché européen : Ultimate Sha-dow, Classic Hunter, Safari Express etCoyote Light. Elle dispose d’une sécu-rité à trois positions très pratique et em-pêchant toute possibilité de percus-sion accidentelle. Lorsque le poussoirde la sécurité est en position centrale,

la culasse peut être actionnée, ce qui per-met d’éjecter les cartouches contenuesdans le magasin en mode sécurité. LaWinchester Modèle 70 possède un sys-tème de détente MOA qui fonctionnesuivant le principe du levier. Tous lescomposants internes du système mé-canique, axes et ressorts, sont réalisésavec rigueur et précision dans de l’acierinoxydable. Afin d’augmenter la résis-tance à la corrosion, la gâchette et l’ac-tionneur ont reçu un traitement de sur-face nickel téflon. La culasse est dotéed’un solide éjecteur à lame qui permetde conserver un contrôle complet lorsde l’éjection d’une douille, soit de ma-nière délicate afin de la récupérer sansla projeter au sol, soit de manière plusvive en action de tir, où elle est vive-ment expulsée à plusieurs dizaines decentimètres de l’arme.Cette arme remarquable présente

également un large extracteur – qui acontribué à l’élever au rang de « Cara-bine à verrou du siècle ». Cet extrac-teur à griffe coulisse sans à-coup et s’ap-puie sur un quart de la base de lacartouche, ce qui permet un contrôleparfait de son mouvement dès qu’ellesort du magasin pour être poussée dansla chambre. Elle est ensuite totalementimmobilisée jusqu’à la phase d’éjection.

LLa carabine Winchester modèle 70

Les ARMES MYTHIQUES

Modèle 70, détail du boitier de culasse.

51Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

La particularité de cette conception,c’est qu’elle permet d’extraire une car-touche non tirée, même si elle n’est pasencore complètement chambrée. Pré-cisons enfin que le canon de la Win-chester Modèle 70 est martelé à froid àpartir d’une barre d’acier massive afind’obtenir une excellente précision et ga-rantir sa longévité.

La Winchester modèle 70, ses débutsLa Winchester Modèle 70 a bien en-

tendu évolué au fil du temps. Les mo-dèles pré-64/70 (c’es-à-dire ceux fa-briqués entre 1936 et 1963) sontgénéralement les plus cotés auprès desutilisateurs. Ils possédaient plusieurscaractéristiques techniques appréciées :une alimentation de type Mauser to-talement contrôlée par une culasse of-frant une manœuvre fluide, un largeextracteur fonctionnant dans toutesles conditions, un éjecteur à lame fixe,une crosse en noyer de qualité dotéed’un superbe quadrillage… Ces cara-bines peuvent d’ailleurs être identi-fiées par leur numéro de série (infé-rieur à 700 000) et par la présence d'unevis servant à maintenir le canon sur lacrosse.

Winchester pré-64/70 action CRFLa carabine Winchester Modèle

70 d'origine s’est rapidement taillée uneexcellente réputation auprès des tireurssportifs américains. Elle possédait unfonctionnement de haute qualité lié àun solide système de verrouillage com-portant deux tenons en tête, ainsi qu’un

extracteur indépendant et non pivotantà large griffe. L'éjecteur à lame fixe estcomparable à celui du Mauser 98 ; peut-être même lui est-il supérieur. Le prin-cipal avantage de l'extracteur large detype Mauser par rapport aux versionsultérieures, c’est qu'il saisit fermementle bourrelet du culot de la cartouchesur un important rayon. La cartoucheest alors maintenue par poussée vers lehaut à partir de la palette élévatrice dumagasin qui contrôle sa marche en avantjusque dans la chambre de l'arme. Cemouvement dynamique est appelé« Controlled Round Feeding » (Ali-mentation Circulaire Contrôlée) ; leconcept technique qui lui est associé estnotamment recommandé par lesadeptes de la chasse des animaux dan-gereux. Contrairement au systèmeMauser, la fente du passage de l’éjecteura été usinée dans la face de culasse au-dessous du tenon de verrouillage, lais-sant les deux tenons avant intègres etdonc plus solides. Les principaux avan-tages de l’éjecteur à lame sont sa sim-plicité et sa fiabilité.Les autres caractéristiques méca-

niques importantes de ce concept tech-nologique sont les suivantes : une sé-curité à trois positions (conservée toutau long de la production du Modèle 70) ;un système de rampe d’alimentation à

cône évasé qui contribue à protéger lapointe de la balle ; un magasin en acierusiné, tout comme le pontet et la plaquede fond de magasin; la culasse construited’un seul bloc, ainsi qu’une détente detype MOA réglable avec précision.

Winchester Modèle 70, évolution de 1964 à 1991Le Modèle 70 ayant été détrôné

sur le marché militaire par la carabineRemington 700 (un dérivé simplifié),des modifications substantielles furentapportées à l’arme, dès 1964. Le conceptde « Controlled Round Feeding » (Ali-mentation Circulaire Contrôlée : CRF)fut abandonné ; on changea la formeet la conception de base du magasin ;le quadrillage de la crosse fut désor-mais exécuté mécaniquement. Leconcept technologique de la culassefut simplifié ; il perdit son large extra-cteur ; le pontet et la plaque de fondde magasin furent fabriqués d’une seulepièce d’aluminium embouti.Certes, le nouveau système inspira

un peu de scepticisme aux amateursde ce type d’armes. Ils voyaient là unetête de culasse modifiée renfermanttotalement le culot de la douille au ni-veau du bourrelet, dotée d’un petit ex-tracteur à griffe… Somme toute, l’armeétait bien faite, mais probablement pasadaptée aux conditions extrêmes…Pourtant, ce nouveau modèle n’a quetrès rarement posé de véritables pro-blèmes d’alimentation ou d’éjection.Il permet en effet de refermer la cu-lasse par inadvertance sur une chambrevide et, ainsi, de ne pas réengager un

� Culasse Modèle 70 à rotation contrôlée CRF et culasse à poussoir CRPF (en bas).� Winchester Modèle 70 détail entrée de chambre en forme de cône protégeant la pointe de la balle lors du chargement vers

la chambre.� Détail de l’éjecteur à lame assurant une fiabilité à toute épreuve.� Détail de la sécurité à trois positions de la carabine Winchester Modèle 70.

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52 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

nouveau cycle s'il est employé souscontrainte ou stress, par exemple sil'arme est tenue à l'envers ou de côté.

Winchester Modèle 70, évolution de 1992 à 2006A partir de 1992, Winchester décide

de réintroduire certaines caractéris-tiques des carabines modèle 70 pré-64dans ses nouvelles fabrications. Lesmodèles de carabines post-92 repren-nent en effet la plupart des spécificitésdu modèle d’origine et bénéficient, enplus, d’autres adaptations – tel le pous-soir de sécurité à trois positions. Cer-taines variantes sont dotées d’une crosseen résine synthétique noire : l’arme, sansperdre nullement en qualité mécanique,devient à la fois plus résistante à l’usureet moins coûteuse. D’autres carabinessont munies de crosses à hautes per-formances (de type Mc Millan, Bell ouencore Carlson en fibre de verre).D’autres encore disposent de canonsflutés qui réduisent le poids de l’armeet permettent une ventilation optimi-sée du tube. Certaines crosses en noyerpossèdent une finition satinée et stra-

tifiée conférant une meilleure stabilitéstructurelle au bois dans des condi-tions extrêmes.Par ailleurs, la Winchester modèle

70 a été fabriquée dans tous les calibresque proposait la version originale, dontla gamme est maintenant complétée parde nombreux calibres plus modernescomme les Winchester Short Magnum(WSM) et Winchester Super Short Ma-gnum (WSSM). Ces cartouches sontplus courtes et possèdent un diamètrede douille plus large, ce qui permet untemps de chargement et d’éjectionmoindre. Ajoutons que Winchestercommença également, en 1992, à pro-duire un Modèle 70 à « Action Circu-laire Contrôlée », modèle commercia-lisé sous le nom de « Classique ».L'utilisation de techniques de fabrica-tion modernes et performantes permitainsi à Winchester de réintroduire lafonction CRF à un prix compétitif.

WinchesterModèle 70, évolution de 2006 à nos joursEn Octobre 2007, suite à la fer-

meture – l’année précédente – de

l'usine historique de New Haven, la FNHerstal annonça qu'elle produirait laWinchester Modèle 70 à culasse pré-64 (CRF) dans son usine de Columbia,en Caroline du Sud. En décembre 2012, il fut décidé que la productionserait transférée au Portugal à partirde 2013. En fait, les composants de cettecarabine sont toujours fabriqués en Caroline du Sud, mais l'assemblagefinal est effectué au Portugal.Les carabines Modèle 70 de série

sont commercialisées pour les forcesmilitaires et les organismes gouverne-mentaux comme des armes de sniper.La carabine FN Spécial Police possèdela culasse, le boîtier de culasse et lemagasin de la carabine Winchester Mo-dèle 70 standard ; toutefois, elle estéquipée d'un canon lourd et d’unecrosse Mc Millan de type tactique. Lacarabine Bolt Patrol FN dispose, elleaussi, des spécificités de la Winches-ter Modèle 70 standard ; néanmoins,conçue pour être employée par despoliciers à l’intérieur des voitures depatrouille, elle est m unie d’un canoncourt et compact. La carabine Bolt Pa-trol FN est également commerciali-sée avec un frein de bouche.

Winchester Modèle 70, Versions ChasseLa carabine Winchester Modèle 70

a été déclinée dans un grand nombrede finitions ; sa version moderne« Chasse » est actuellement proposéeselon les critères généraux suivants : ca-libres 243 Winchester ; 270 WSM ; 308Winchester ; 30-06 Springfield ; 300Winchester Magnum ; 375 H&H Ma-gnum ; 416 Remington Magnum ; 458Winchester Magnum, 22-250, 7mm-08 Rem, 300 WSM, 325 WSM, 338 WinMag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tousces calibres ne sont cependant pas im-portés en Europe. Longueur du ca-non de 56 cm à 66 cm, selon calibre ;longueur totale de la carabine : 108 à118 cm, selon calibre ; masse de l'armeà vide : 2,9 kg à 4,1 kg, selon calibre ;capacité du magasin : de 3+1 à 5+1,selon calibre.

Les ARMES MYTHIQUES

Winchester Modèle 70 Coyote-Light

Winchester Modèle 70 Ultimate-Shadow

Winchester Modèle 70 Safari Express

Winchester Modèle 70 Classic Hunter

Winchester Modèle 70 Stealth II CRPF

53Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Winchester Modèle 70, version Sniper La carabine Winchester Modèle 70

est avant tout une arme de chasse ; tou-tefois, grâce à ses qualités exception-nelles, elle a été détournée de sa voca-tion première pour un usage militaire,notamment dans sa version sniper.Cette carabine de précision est égale-ment utilisée par de nombreux SWATTeams, mais aussi par la police néo-zélandaise. Enfin, une version à canon court servit de carabine de sur-vie à la Gendarmerie Royale cana-dienne.

L’utilisation militaire de la Winchestermodèle 70La Marine des Etats-Unis a acheté

373 carabines Winchester Modèle 70en mai 1942. Bien que la Marine n’aitutilisé officiellement que le Garand M1et le Springfield M1903 comme armesde sniper au cours de la SecondeGuerre mondiale, il n’en demeure pasmoins que de nombreuses Winches-ter Modèle 70 ont été fournies à descamps d'entraînement mais aussi uti-lisées sur le terrain au cours de la cam-pagne du Pacifique. Ces carabines dis-posaient d’un canon de type sportd’une longueur de 61 cm en calibre 30-06 Springfield. Ces carabines présen-tent des numéros de série comprisentre 41000 et 50000. Aujourd’hui,dif-férents corps d’armées à travers lemonde continuent d’acquérir de s Win-chester Modèle 70 afin d’équiper cer-taines unités de tireurs d’élite… L'EXCELLENCE WINCHESTER, RECONNUE MÊME CHEZ LES CHASSEURS... DE VAMPIRES

« ICI, QUINCEY MORRIS INTERVINT :- JE CROIS COMPRENDRE QUE LE LOUP [C’EST-À-DIRE DRACULA, QUE LES PERSONNAGESPOURCHASSENT] VIENT D’UNE RÉGION OÙ IL Y A DES LOUPS, ET IL PEUT Y ARRIVER AVANTNOUS. JE SUPPOSE QUE NOUS AJOUTERONS DES WINCHESTER À NOTRE ARMEMENT. J’AIUNE SORTE DE FOI EN LA VERTU D’UNE WINCHESTER QUAND IL Y A AUX ENVIRONS DESENNUIS DE CE GENRE. VOUS VOUS RAPPELEZ, ART, QUAND NOUS AVIONS TOUTE CETTEBANDE À NOS TROUSSES À TOBOLSK ? QUE N’AURIONS-NOUS PAS DONNÉ L’UN ETL’AUTRE POUR AVOIR CHACUN UN FUSIL À RÉPÉTITION ?- PARFAIT, DIT VAN HELSING, IL Y AURA DES WINCHESTER. »

BRAM STOKER, DRACULA, 1897

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1885

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54 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

n 1897, John Moses Browningrencontre l’un des directeurscommerciaux de la FN chargéde développer les ventes de

bicyclettes FN aux États-Unis, HartBerg. Il lui propose alors son dernierbrevet, qui couvre la fabrication d’unnouveau modèle de pistolet automa-tique de poche en calibre .32 (7,65 mm).Enthousiaste, Hart Berg rapporte enBelgique le prototype du nouveau pis-tolet – qui sera soumis à un tir de 500cartouches sans incident ! Après cet es-sai très concluant, le contrat de fabri-cation est signé, en juillet 1897, tandisque le premier pistolet Browning sortdes chaînes en janvier 1899, un an avantque Colt ne sorte, à son tour, son pre-mier pistolet Browning breveté (le pis-tolet Colt modèle 1900).

Ce premier pistolet Browning (mo-dèle 1899) connut un énorme succès,à telle enseigne que le vocable « Brow-ning » désigna très vite n’importe quelpistolet automatique. L’armée belgene s’y trompa pas, qui l’adopta, aprèsquelques modifications, lui conférantau passage son millésime : Browning1900. Au reste, les forces armées de laRussie Impériale, du Danemark, de laNorvège, de la Finlande et de la Francel’imitèrent. Mais si l’arme était à lafois simple et fiable, la cartouche miseau point par Browning pour son pis-tolet (le 7,65 Browning ou 7,65 x 17SR) fut aussi très largement diffusée.Notons enfin que, dans les mains

de l’anarchiste Bonnot, le pistolet vadéfrayer la chronique de l’époque… et,par réaction, intégrer l’armement des

E

La FABRIQUEet les ARMESMILITAIRES

par Michel Moreau

Browning 1900 version luxe

La « Belle époque » se modernise : tir à l’épaule du pistolet 9 mm «Grand Modèle» à l’aide de la gaine-crosse(1911).

55Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

premiers services de police étatisés, no-tamment celui des célèbres Brigadesdu tigre.Le 16 octobre 1900, Browning dé-

pose aux États-Unis un nouveau bre-vet pour une carabine semi-automa-tique fonctionnant par long recul ducanon. La « FN 1900 » (ou « fusil semi-automatique Browning calibre .35 »)sera d’abord fabriquée et vendue parla FN, puis, à la suite d’un accord com-mercial, par Remington aux USA pourles seuls marchés américain et cana-dien sous le nom de « Remington Mo-dèle 8 ». Cette carabine de chasse seramise en service, pendant la guerre, dansl’armée française ; elle équipera les pre-miers avions d’observation (98 cara-bines en service en octobre 1915).En 1901, à la demande de la FN,

Browning proposa un autre pistolet des-tiné à concurrencer le nouveau pisto-let Luger allemand, lequel était cham-bré pour la puissante cartouche de 9 mm parabellum. Le FN Browning1903 Modèle de Guerre (ou Grand Mo-dèle) sera ainsi conçu pour une toutenouvelle cartouche de 9 mm : la 9 mmBrowning long. Si l’armée belgen’adopta pas cette arme – la Suède, l’Es-tonie, le Salvador, le Paraguay, la Hol-lande, la Russie Impériale et la Tur-quie en équiperont soit leur armée soitleurs forces de police.En 1902, John Moses Browning

se décide à visiter la FN. Mais il ne vientpas les mains vides : son prototype defusil semi-automatique de chasse – quiemploie le même principe de fonc-tionnement que la carabine FN 1900– vient d’être refusé par Winchesteret Remington. Il le propose donc à laFN, qui lui fait signer immédiatementun contrat exclusif de fabrication (ycompris pour les États-Unis), le 24mars 1902. L’Auto-5 est né. Les pre-miers fusils sortiront de la manufac-ture au cours de 1903 : 10 000 exem-plaires seront vendus dans l’année !L’armée française l’utilisera pen-

dant et après la Première Guerre (les

derniers modèles ont été réformés en1990) au sein de l’« Aéronautique mi-litaire » (future Armée de l’air) : l’armeservira alors à l’entraînement des pilotes(ball-trap), à l’effarouchement de lafaune sauvage aux abords des terrainsd’aviation et à la destruction des pigeonsvoyageurs ennemis.En 1905, un nouveau pistolet – ré-

duction du modèle 1903 – voit le jour.Ce pistolet de poche, chambré dans lenouveau calibre 6,35 Browning, am-plifie encore les ventes. Colt le fabri-quera également (pour le marché amé-ricain) sous l’appellation Colt modèle1908, dans le même calibre (.25 acpaux Etats-Unis).En 1906, 250 000 pistolets Brow-

ning auront été fabriqués et venduspar la FN. En 1908, 500 000 pistoletsauront été produits et la FN célébrerale millionième exemplaire le 31 jan-vier 1914. Cette même année, un nou-veau brevet de pistolet est proposé à laFN par Browning. Destiné à rempla-cer le Browning 1900, l’arme apporteà ce dernier des innovations intéres-santes. Le Browning Nouveau Modèle(ou Browning modèle 1910) sera bre-veté en Belgique le 28 juillet 1909. Saproduction démarrera en 1910.

Dès la fin de la Première Guerre,la FN reprit la fabrication du pistolet1910 et de l’Auto-5. En 1922, à la de-mande du Royaume de Croatie, Ser-bie et Slovénie (plus tard Yougosla-vie), le pistolet 1910 est aménagé afinde recevoir un canon plus long et d’aug-menter sa capacité. Ce nouveau pisto-

let est adopté par le Royaume en 1923(60 000 exemplaires). Cette adoptionsera par ailleurs suivie d’une commandede 50 000 fusils Mauser et de 50 mil-lions de cartouches.Le traité de Versailles interdisant

la fabrication d’armes de guerre à l’Al-lemagne (et donc à ses firmes : Mau-ser, etc.), la FN va proposer une variantedu fusil modèle 1898 plus connue sousle nom Modèle 1924. L’arme intéresserade nombreux États (Colombie, Pérou,Venezuela, etc.), y compris la Belgique,laquelle modernisera son équipementen adoptant, en 1935, un nouveau fu-sil dont 20 000 exemplaires serontdélivrés avant l’occupation allemande.En 1923, la FN acquiert les droits

pour la fabrication du fusil mitrailleurmodèle 1918 (Browning BAR 1918),arme conçue par Browning et mise aupoint sur le front par son fils (le lieu-tenant Val Browning de la 79e divisionUS). Ce fusil mitrailleur est adoptépar l’armée belge en 1930 (FM30), aprèsles modifications apportées par l’ingé-nieur en chef de la FN, DieudonnéSaive. Il connaîtra un certain succès àl’exportation, notamment en Chine (ca-libre 7,92 Mauser) et au Chili (calibre7 mm Mauser).

Auto-5

Pistolet semi-automatique

FN Browning

FM Browningmodèle 30

56 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Depuis 1921, à la requête de l’état-major de l’armée française, un nou-veau pistolet est étudié dont les carac-téristiques ne cesseront d’évoluer aucours de la décennie suivante. D’abordchambré pour la cartouche 9 mm pa-rabellum, il sera finalement proposéen calibre 7,65 long aux essais de 1936…mais sans succès, la France préférantune fabrication nationale. Initié par J.M. Browning, le dessin de ce pistolet« à grand rendement » est finalisé parDieudonné Saive en 1929. L’arme estmise en vente la même année.Le crack de 1929 va certes ralentir

les commandes ; néanmoins, l’arméebelge achètera environ 1000 exem-plaires de ce nouveau pistolet en calibre9 mm parabellum pour évaluation.Après certaines modifications, le pis-tolet change de nom : désormais, onparle du Browning GP ou « GrandePuissance » (High Power).Le pistolet est définitivement

adopté par la Belgique en 1935, sousl’appellation GP35 ; 38 190 exem-plaires sont livrés à son armée avant juin1940. L’Estonie en commande 5658en 1936, la Lituanie 7000 en 1937, lapolice argentine 1600 la même année,la Finlande 2400 en 1939, etc. Le GP35,au même titre que le Colt 1911 (le cé-lèbre Colt 45, autre création de Brow-ning), sera l’archétype même des pis-tolets de combat modernes jusqu’audébut des années 1980. Enfin, la FNconstruira, sous licence, l’excellent ca-non antiaérien Bofors M/36 de 20 mmpour l’armée belge.Pendant l’Occupation, deux mo-

dèles de pistolets sont fabriqués pourl’armée allemande : le 1922 (367 300exemplaires) et le 1935 GP (310 000).Sous la pression des Alliés, les Alle-mands quittent l’usine le 30 juillet 1944.Les machines destinées à la fabrica-tion des pistolets 1922 et GP35 sontabandonnées. Cette décision permettraà la FN de reprendre leur productiondès la libération de l’usine. Après lacapitulation du IIIe Reich, la FN est

employée par le gouvernement US àla remise en état des armes légères amé-ricaines avant leur rapatriement enAmérique. 2,1 millions d’armes serontainsi réparées, nettoyées et préparées austockage.La forte demande d’armes qui mar-

qua l’immédiat après-guerre est assezsurprenante... au vu des quantités gi-gantesques produites pendant le conflit.En effet, de nombreux pays se tour-nent alors vers la FN afin d’acquérir desarmes de poing pour équiper leursforces militaires ou de police (la Francecommandera ainsi 30 000 pistoletsmodèle 1922). Ceci permet à la sociétéherstalienne de retrouver rapidementune santé financière.Les recherches entreprises par

Dieudonné Saive avant et pendant laguerre vont aboutir à l’adoption, parl’armée belge, du fusil semi-automa-tique EXP-1 (en calibre 30-06) quideviendra le SAFN modèle 1949. Cefusil sera également produit pour l’Argentine, le Congo Belge, le Brésil,la Colombie, l’Égypte, l’Indonésie, leLuxembourg et le Venezuela. En 1952, l’Auto-5 est remis en fa-

brication : il sera largement utilisé dansles conflits de la décolonisation, no-tamment par les Britanniques.A la fin des années 1950, la FN

propose la candidature du GP35 à lastandardisation OTAN. En 1956, laGrande-Bretagne et la majorité desÉtats du Commonwealth adoptent lepistolet sous l’appellation L9A1, sui-vies par les armées ou les forces de police du Danemark, des Pays Bas, de

l’Autriche, de la Grèce, de l’Inde, deFormose, du Luxembourg, de l’Aus-tralie, du Paraguay, de l’Allemagne del’Ouest, du Pakistan, de l’Indonésie,du Venezuela, de l’Argentine, de la Nou-velle-Zélande, du Pérou, de l’Irak, dela Syrie, de l’Irlande, de la Colombie,du Nicaragua, de la Jordanie et d’Is-raël... Le GP35 (ou HP35 en anglais)s’impose comme la référence des pis-tolets de combat.

Le FAL : « Le bras armé du monde libre » (Winston Churchill) :Saive continue la mise au point d’un

fusil automatique (pas encore fusil d’assaut) et propose de nombreux pro-totypes aux armées belge et britanniqueen calibre réduit (7 mm ou .280). Enmars 1950, un brevet est déposé pourune arme automatique désignée comme« carabine universelle » en calibre .280.

Pistolet FN GP35Fusil FN semi-automatique SAFN

La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES

Fusil automatique léger (FAL)

57Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Le Fusil Automatique Léger (FAL)est né.Mais les Américains, sans en réfé-

rer à leurs alliés, vont imposer une nou-velle munition en standardisationOTAN : la T65E3 ou 7,62 x 51. Qu’acela ne tienne ! Les Britanniques vontadopter en 1954 le FAL chambré pource nouveau calibre sous l’acronymeLAR (Light Automatic Rifle), suivis oudevancés par les pays du Common-wealth ainsi que beaucoup d’autres :Canada (1953), Etats-Unis (1954-1957) – mais ceux-ci préféreront finalement le M14 qui ne laissera pasun impérissable souvenir –, Australie,Belgique, Venezuela (1954), Israël, Argentine, Congo Belge (1955),Luxembourg, Paraguay, RFA, Qatar(1956), Koweït (1957), Autriche, Pérou,Indonésie, Cuba (1958), Afrique duSud, Chili, Arabie Saoudite, Équateur(1960), Pays-Bas, Portugal, Thaïlande(1961), Brésil (1964), Grèce (1965), Bolivie (1968)… En tout, plus de 90pays pour une production de 2 millionsde fusils à la FN et toujours en ser-vice actuellement.

La FN MAG ou « Mitrailleuse à Gaz ou d’Appui Général » :En 1954, Dieudonné Saive quitte

la FN pour une retraite méritée. Il estremplacé par Ernest Vervier à qui estconfiée l’étude d’une nouvelle mi-trailleuse utilisant soit une bande d’alimentation métallique à maillonsdésintégrables, soit les chargeurs duFAL. Cette caractéristique sera viteabandonnée mais réapparaîtra, plustard, avec la mitrailleuse FN MINIMI.

Le fonctionnement de cette mi-trailleuse fait appel au système d’em-prunt des gaz, système parfaitementmaîtrisé à la FN avec la fabricationdu FM modèle 30. Testée par l’arméesuédoise puis l’armée britannique en1957, la résistance de l’arme est sanscommune mesure avec ses concurrents.Elle sera adoptée… par 80 pays, et fa-briquée sous licence en Argentine, enÉgypte, en Inde et en Angleterre. LesÉtats-Unis vont également l’adopter,

en 1977, comme mitrailleuse coaxialede char sous l’appellation M240 (unepremière dans l’histoire de l’équipe-ment militaire de l’armée US) puis lafabriquer sous licence. En 2011, le Mi-nistère français de la Défense a com-

mandé 10.881 Mitrailleuses à Gaz(MAG) auprès de la FN, pour un mon-tant de 100 millions d’euros, afin deremplacer les modèles ANF-1 en do-tation au sein de l’Armée de terre. Les500 premières FN MAG seront li-vrées dès 2011 ; le reste de la commandeétant étalée sur plusieurs années.

La carabine BAR :Plus connue dans sa version chasse,

la carabine semi-automatique BAR aégalement été produite pour les forcesde police. Conçue à la FN en 1966,elle est mise en fabrication l’année sui-vante. Confectionnée en Belgique, sonmontage est transféré à la fin des an-nées 1970 dans la nouvelle usine Brow-ning de Viana, au Portugal.En 1970, une version est réalisée

spécifiquement pour les forces del’ordre, avec ou sans chargeur amovible,en calibre 7,62 x 51. La police natio-nale française va acquérir quelquesdizaines de ces carabines au profit dela Police Judiciaire et des Groupes d’In-tervention de la Police Nationale(GIPN).

La mitrailleuse .50 (mitrailleuses M2 et M3) :

Brevetée par J. M. Browning en1923, la FN entreprendra sa fabrica-tion en 1930. Son fonctionnement estsimilaire à celui de la mitrailleuse mo-dèle 1919 en 30-06, mais le nouveau Fusil FALO ou FAL lourd

Mitrailleuse FN MAG modèle infanterie.

Mitrailleuse FN MAG modèle coaxial.

58 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

calibre utilisé (12,7 x 99) permet le tirà plus de 1500 m. Pendant et après laSeconde Guerre, cette mitrailleuse vadéfinitivement s’imposer, surtoutcomme mitrailleuse d’aviation et deblindés. La FN sera la première com-pagnie à proposer un système de chan-gement rapide du canon (QCB ouQuick Change Barrel) qui évite le dif-ficile ajustage de la feuillure du ca-non.A partir de 1978, la FN développe

une nouvelle ligne de produits quiconnaîtra un succès sans précédent. Non seulement la société fabrique lesarmes, mais elle les intègre à présent àdes systèmes montés sur affûts ou dessystèmes pods qui permettent leur adaptation sur une large gamme de porteurs : hélicoptères, avions subso-niques, navires, véhicules terrestres. Cettenouvelle ligne de produits nécessitera le développement par FN Herstal de lamitrailleuse FN M3, qui se caractérisepar une très haute cadence de tir (1.100coups à la minute). Cette mitrailleuseest encore aujourd’hui fabriquée par l’ar-murier belge.

La FNC :Cette carabine a été développée

entre 1975 et 1977 autour des spécifi-cations OTAN sur l’arme d’infanteriefuture. Les essais de l’OTAN permirentla résolution de nombreux problèmeset les tests effectués par l’armée sué-doise en 1981-1982 démontrèrent lesgrandes qualités de ce nouveau modèle.En 1986, une version adaptée aux

conditions arctiques est commandée sousla dénomination AK5, puis adoptée parl’armée suédoise sous licence.La FNC sera finalement adoptée

en 1989 par l’armée belge en remplace-ment du mythique FAL (vieillissantdepuis son adoption en 1954 et cham-brant l’ancienne munition de 7,62).L’Indonésie en achètera également

10 000 exemplaires en 1982, puis acquerrala licence de fabrication pour ses forcesarmées (par la firme PT Pindad).

FN MINIMI 7.62 Mk3 (2013)

Mitrailleuse MK46 cal.5.56

La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES

Carabine FNC 5.56 x 45 mm OTAN

FN MINIMI 5.56 Mk3 (2013)

Mitrailleuse MINIMI M249 SAW des forces américaines

59Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

La FN MINIMI :

En 1980, une nouvelle mitrailleuselégère de calibre 5,56 – fonctionnantpar emprunt des gaz et culasse ouverte– vient compléter la gamme d’armes en5,56 de la FN. Adoptée par l’armée belge,elle sera construite sous deux versions –version standard (M1) et version para(M3) – puis adoptée en 1984 par l’ar-mée US sous l’appellation M249 SAW(Squad Automatic Weapon) et fabriquéeà 10 000 exemplaires à l’usine FN deColumbia, en Caroline du Sud. En 1994,l’arme est améliorée (protection du ca-non, notamment) et rebaptisée M249LMG (Light Machine Gun). Cette mi-trailleuse légère sera l’un des grandssuccès de la FN ; de nombreuses ar-mées s’en équiperont à travers le monde(45 pays dont le Royaume-Uni – L108A1pour la version standard et L110A1 pourla version para – et la France). Elle serafabriquée sous licence par 6 pays.Désormais proposée dans sa troisièmeversion, la FN MINIMI 5.56 accroîtencore son efficacité opérationnelle : l’er-gonomie et la maniabilité de l’arme,ainsi que l’intégration des accessoires surcelle-ci, ont été optimisées.

La période GIAT industries(aujourd’hui NEXTER) :

Suite au désengagement de la So-ciété Générale de Belgique, actionnaire

historique de la Fabrique depuis la finde la Première Guerre, la FN passe, en1991, sous le contrôle du groupe fran-çais GIAT industries (Groupement In-dustriel des Armements Terrestres), lequelfut fondé à partir de la fusion des di-verses industries d’armement du Mi-nistère de la Défense. Le GIAT réor-ganise alors les activités de sesétablissements français autour de cer-tains domaines (chars, véhicules blindés,systèmes d’artillerie, munitions, systèmesd’information terminaux) et transfère l’ac-tivité armement léger à la FN.Le rapprochement va se tra-

duire immédiatement parl’union des bureauxd’études de la MAS etde la FN avec un par-tenariat qui entraî-nera à terme... la dis-parition de la MAS !Souc i euxd’afficher

de nouveaux produits, GIAT met enavant le projet de PDW de la FN. L’APDW (Advanced Personal De-

fense Weapons) ou PDW est un projetde l’OTAN visant à équiper les person-nels « non fantassin » (pilotes d’hélico-ptères ou de chars, servants d’armes, etc.)d’un moyen de protection individuellelorsqu’ils sont directement menacéspar l’ennemi. Il est destiné à remplacerles armes de poing et les pistolets-mi-trailleurs actuellement en service (gé-néralement en calibre 9 mm parabellum)par une arme dont les munitions per-mettraient de traverser les protectionsbalistiques au moins jusqu’à 200 m.Le projet de la FN est articulé au-

tour d’une cartouche d’unnouveau calibre, le 5,7x 28, développéepar FN Herstal etdont les perfor-mances vont êtrecomplétées par

Le pistolet FN Five-seveN

Munitions 5.7

Pistolet-mitrailleur FN P90

60 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

le projectile – destiné à la cartouche de5,7 x 22 – réalisé par la manufacturede munitions du Mans, munition éla-borée pour le projet ADR (Arme de dé-fense rapprochée) de la MAS... Auterme de longs tests comparatifs entrela munition 5.7 et la 4.6 de Heckler &Koch, la recommandation de l’OTANpour le nouveau calibre PDW s’est por-tée sur la 5.7. Le projet ADR n’y survivra pas et

l’arme de la FN, un pistolet-mitrailleurcompact aux formes futuristes, sera pro-pulsée en 1991 sur le devant de la scènemondiale (et des écrans de cinéma)sous l’appellation de FN P90 (pronon-cez : « P nonante »). Le système 5.7 est aujourd’hui en

service dans plus de 65 pays (arméesrégulières, forces de polices, forces spé-ciales et services de protection rappro-chée de VIP).En 1990, la gendarmerie nationale

publie un appel d’offrespour la fourni-ture d’un riot-gun (fusil àpompe en ca-libre 12).

La FN va proposer une version modi-fiée de son Browning BPS (BrowningPump Shotgun), introduit en 1984.Après de longs essais, le BPS-SP serafinalement acquis en 1994 à environ9000 exemplaires.En 1996, c’est un nouveau fusil d’as-

saut en 5,56 qui est présenté. Le FNF2000 est un fusil Bullpup (comme leFamas) dont la principale caractéristiqueest l’éjection des étuis vers l’avant plu-tôt que de côté, particularité prove-nant, encore une fois, du projet ADRde la MAS. Ce système permet au fu-sil de demeurer ambidextre sans né-cessiter de démontage. Il n’y a pas d’éjec-tion au sens propre, les étuis étantpoussés dans un tube situé dans la car-casse, au-dessus du canon, et tombantpar gravité juste avant la bouche du ca-non du côté droit. Ce fusil est adopté parquelques armées dont l’armée belge(dans sa version avec lance-grenadesde 40 mm – FN F2000 STD).

En 1997, Giat (quidétient 92 % des partsde la FN Herstal) veutvendre l’entreprise aux

Américains Colt.

Mais la Région wallonne, avec sa mi-norité de blocage, refuse. Elle craint unedélocalisation vers les États-Unis et enorganise donc le rachat.

La FN aujourd’hui :

En 1998, un pistolet (le FN Five-seveN) chambré pour la cartouche de5,7 x 28 du FN P90 est proposé avecun chargeur de 20 coups. Il intéresseratous les utilisateurs précédents du FNP90 et prendra rapidement du serviceauprès des pilotes de l’Armée de l’airbelge.Conjointement, le remplacement du

GP35 (et de ces diverses évolutions)s’impose au regard des nouveaux ma-tériaux désormais utilisés et réclaméspar les acheteurs potentiels (carcassespolymères, aciers inoxydables, etc.).En 2003, la FN répondra égale-

ment aux nouvelles exigences de main-tien de l’ordre en développant un sys-tème à létalité réduite inédit qui s’articuleautour d’un lanceur à air comprimé, leFN 303, et d’un projectile à effet ciné-tique. La FN Herstal développeraquelques années plus tard le FN 303 P,qui utilise les mêmes projectiles. Pluscompact, ce lanceur convient parfaite-ment à une utilisation dans des endroitsconfinés telles les cellules de prison.En 2010, une version de la FN MI-

NIMI en 7,62 est proposée. Rappe-lons que la première version de cettecélèbre mitrailleuse était déjà dans cecalibre avant d’être adaptée au calibre5,56.L’Armée de terre française, paral-

lèlement à ses mitrailleuses FN MAG, acquiert, en 2011, 200 mitrailleuses FNMINIMI 7,62 pour ses forces d’in-fanterie en Afghanistan. La FN MI-NIMI en 7,62, tout comme la 5,56, vientd’être adaptée pour mieux correspondreaux besoins opérationnels actuels.Toutes les mitrailleuses de la FN

bénéficient également de plateformesd’intégration pour être servies dansles trois dimensions (air, terre et mer).

La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES

Fusil d'assaut FN F2000 Tactical équipé d'un lance-grenades 40 mm LV, d'une conduite de tir FN FCU et d'une lunette de précision.

Mitrailleuse FN M3M (calibre .50) sur affût

61Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Ces systèmes d’armes embarqués sontuniversellement reconnus et utilisés àtravers le monde.La famille FN SCAR (ou Special

Operations Forces Combat AssaultRifle) a été développée par le Bureaud’études de la FN pour répondre à lademande de l’US SOCOM (UnitedStates Special Operations Command)en 2004. La famille se compose de fu-

sils d’assaut modulaires disponiblesen 5.56x45mm (FN SCAR-L) ou en7.62x51mm (FN SCAR-H) et d’unlance-grenades 40 mm FN40GL. En2007, l’arme est testée par l’USSO-COM et déployée au combat en 2009pour évaluation. Plus d’un million decartouches seront tirées pendant cetteévaluation. En 2010, le Commandementdes Opérations Spéciales des États-

Unis (USSO-COM) autorise of-

ficiellement la mise enservice opérationnelle des fu-

sils SCAR-L et H ainsi que du lance-grenades de 40 mm FN40GL, respec-tivement sous les appellations USMK16, MK17 et MK 13. Le FN SCAR remporte un franc

succès au niveau mondial et est adoptépar de nombreuses unités (armées ré-gulières et forces spéciales) dans lemonde, en plus des USSOCOM, et no-tamment la Belgique. Le FN SCAR dispose d’une ar-

chitecture ouverte qui permet au sol-dat d’adapter son arme à la missionpuisque, pour chaque calibre, il a lechoix entre deux canons, soit stan-dard soit court, rapidement inter-changeables.Sa crosse est pliable et réglable en

hauteur et en longueur pour adapterl’arme à la morphologie de l’utilisateur,sa tenue et son matériel.Quant au lance-grenades 40 mm

de la famille FN SCAR, appeléFN40GL, il vient se fixer très facile-ment sur le rail inférieur du fusil 5,56

Lanceur à létalité réduite FN 303

Station téléopérée deFNder, ici équipée de la mitrailleuse FN M3R(calibre .50).

Lanceur à létalité réduite FN 303 P

62 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Les développements récents : Afin de compléter sa gamme d’armes,la FN mit au point une gamme deproduits associant à l’arme un systèmeélectronique capable d’accroître sonefficacité opérationnelle : cette gammeest connue sous l’appellation FN Ar-matronics. En 2005, elle développa –en collaboration avec la société fin-landaise Noptel, dont elle fera l’ac-quisition en 2011 – une conduite detir appelée FN FCU et destinée à op-timiser la probabilité d’atteinte d’unecible avec un lance-grenades de 40 mm.La FN FCU est équipée entre autresd’un télémètre laser qui calcule la dis-tance exacte entre le tireur et la cible,d’un clinomètre qui mesure l’angled’élévation ou de dépression entre le

tireur et la cible et d’un calculateur ba-listique qui prend en compte la tra-jectoire du projectile en vol. L’ensemblede ces éléments seront pris en comptepour indiquer au tireur le bon anglede tir, affiché sur l’optique de visée àréticule mobile. Il existe à ce jour deuxversions de conduites de tir : la FNFCU-850N et la FN FCU-1.5M, cettedernière disposant d’un télémètre la-ser à sécurité oculaire et indétectable.Autre produit de la gamme FN Ar-matronics : le compteur de coups FNSmartCore. Intégré à l’arme, le FNSmartCore enregistre les cadences,les régimes et le nombre de tirs (à ballesréelles et à blanc).Poursuivant les développements

initiés avec la conduite de tir FN FCUet le compteur de coups FN Smart-Core, FN Herstal dévoilera, en 2014,de nouvelles solutions basées sur l’in-tégration, dans l’arme portable, detechnologies de pointe. Ces solutionsont un double objectif : d’une part,augmenter les performances de tirs dusoldat ainsi que ses capacités de com-munication en opération ; d’autre part,permettre une meilleure gestion demaintenance et une meilleure gestionlogistique du parc d’armes.

ou 7,62 ou sur une crosse auxiliairetélescopique pour une utilisation enversion autonome. L’utilisateur disposeainsi d’une capacité de tir supplémen-taire.L’architecture ouverte à la base du

FN SCAR a permis de développer,sur le principe de la même plateforme,un fusil de précision équipé soit d’unecrosse identique à celle du fusil d’as-saut, soit d’une crosse fixe de type sni-per, garantissant un réglage fin en lon-gueur et en hauteur.Grâce à leurs ergonomies rigou-

reusement identiques et leurs nom-breux composants communs, les fusils de la famille FN SCAR per-mettent de réaliser des économies sub-stantielles en termes de formation (uti-lisateur et armurière), d’entretien etde soutien.

La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES

FN SCAR-L CQC (5,56 x 45 mm OTAN) avec lance-grenades 40 mm LV.

FN SmartCore

63Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Systèmes d’armes embarqués(sur affûts, pods ou stations opérées)Intégrer des systèmes d’armes sur

affûts ou des systèmes pods requiertune connaissance approfondie desarmes et de leur utilisation sur le ter-rain. Une attention particulière doit êtreportée aux exigences de l’opérateur età son environnement. Le système doitêtre facile à utiliser et ne pas interféreravec les systèmes propres de l’appareil ;dans certains cas – pour un montageen porte par exemple – le système nedoit pas gêner le passage et doit pou-voir se ranger facilement à l’intérieurde l’hélicoptère pour permettre la fer-meture de la porte.FN Herstal propose également,

pour les applications aéronautiques, dessystèmes pods qui intègrent tous lamitrailleuse FN M3P de calibre .50.Différents modèles sont possibles : leFN HMP250 peut contenir 250 mu-nitions, le FN HMP400 en contient jus-qu’à 400. Autre version : le FN RMP, qui al-

lie la FN M3P avec 250 munitions ettrois tubes de lance-roquettes de 70mm.Pour garantir une parfaite intégrationdes systèmes d’armes sur les porteurspour toutes les applications (aéronau-tiques, terrestres et navales), une étroitecoopération avec les OEM européenset, en particulier, plusieurs OEM fran-çais de références air / terre / mer, est pri-mordiale. Depuis son entrée sur ce mar-ché, la FN connaît un vif succès : plusde 4000 avions et hélicoptères ont étééquipés à ce jour de systèmes d’armesembarqués. Cette activité est un pan im-portant pour la FN, qui ne cesse detravailler à des innovations pour ré-pondre aux nouveaux besoins opéra-tionnels du marché.

Montage sur affûtLes systèmes aéronautiques sur af-

fût ont été conçus pour être montésau niveau des portes, des fenêtres, des

rampes de chargement arrière des hé-licoptères, ou encore sur des supportsexternes. La société collabore avec leconstructeur d’hélicoptères et/ou l’uti-lisateur final dans le but d’assurer uneintégration parfaite, tout en fournissantun service après vente haut de gamme.Le montage sur affût pour hélico-

ptères est entièrement mécanique ; laberce élastique absorbe le recul del’arme (FN MAG en 7,62 ou FN M3Men .50), en sorte que l’équilibre est pré-servé pour une précision exception-nelle. FN Herstal propose égalementune gamme de systèmes sur affûts pourvéhicules, équipés de la mitrailleuse FNMAG (7,62), FN M2HB-QCB (.50) ouFN M3M (.50 à haute cadence de tir).

Stations téléopéréesAu milieu des années 2000, la FN

mit au point – en partenariat avecRheinmetall Canada – sa première sta-tion d’armement à distance : le FNARROWS, qui fut l’objet de trois pro-grammes majeurs (MPPV, AIV, VBCI).Dans ce cadre, les armées belge et fran-çaise firent l’acquisition de plus de 400stations d’armement à distance. Le suc-cès rencontré avec le FN ARROWSincita par la suite la FN à développerses propres RWS (Remote Weapon Sta-tion, Station d’armement à distance) :

la deFNder. Plusieurs contrats impor-tants ont été signés pour la fabricationet la livraison de plus de 1000 deFN-der Light et deFNder Medium dansle monde. Précisons qu’au cours dusecond semestre 2014, la société hers-talienne lancera sa station d’armementà distance pour applications navales :la Sea deFNder, déjà sous contrat avecla Marine d’un pays OTAN.

Le programme fusils pour laFrance : les perspectives à courttermeL’armée française, dont la capacité

de développement du FAMAS a été ré-duite en raison de l’abandon des étudespar GIAT (désormais NEXTER), doitfaire face au renouvellement de sonfusil d’assaut, programmé entre 2015 et2020. Intégrée au système FELIN(Fantassin à Equipement et LiaisonsIntégrés), l’AIF (Arme IndividuelleFuture) équipera les combattants del’infanterie légère ou débarquée ainsique les forces spéciales. Elle sera éga-lement, dans une version moins équi-pée, l’arme de dotation de tous les mi-litaires disposant d’un fusil. Dans cetteperspective, le FN SCAR, développépar l’armurier belge, parait être un boncandidat pour le futur fusil de l’ar-mée française.

Toutes les marques de fabrique, marques de services et noms de marques utilisés ici sont des marques commerciales ou desmarques commerciales enregistrées appartenant à FN HERSTAL, S.A.

MunitionsDans les années 1950, la Fabriqueinventa la 7,62x51mm : élaborée enun temps record et soumise à destests rigoureux, cette munitiondestinée aux mitrailleuses standardde l’OTAN devint, par la suite, lamunition de référence. Massivement produite aujourd’huiencore, elle se présente sous diffé-rentes formes : ball, traçante, perfo-rante, à blanc.

Deux décennies plus tard, la FN mit au point la SS109 5.56x45 mm (adoptée par l’OTANdès 1981). De nos jours, elle est encore largement utilisée pour les fusils d’assaut etles mitrailleuses légères. Dans les années 1990, la société herstalienne conçut égalementla munition 5,7 x 28 mm pour pistolets, disponible en de nombreuses variantes : ball,traçante, subsonique, soft, frangible et à blanc. Cette munition 5,7, avec la balle SS190,deviendra le calibre recommandé par l’OTAN pour les armes de défense personnelle.Précisons qu’outre ces trois calibres de munitions, la FN offre des munitions 9x19 mmpour pistolets ainsi qu’une gamme de calibre .50 (12.7 mm), dont l’APEI (perforante,explosive, incendiaire) destinée aux mitrailleuses lourdes et fusils snipers.L’activité munition est et reste un pan important d’innovations pour FN Herstal, qui estle seul armurier au monde à également fabriquer des munitions dans tous les calibresde ses armes depuis plus d’un siècle. Pour preuve, le développement récent d’unenouvelle munition .50 à portée réduite, aujourd’hui sous contrat avec une armée OTAN.

64 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

êtes couronnées, figures historiques, dirigeants poli-tiques, grands industriels,noms légendaires de la com-

pétition sportive… Nombreux furentcelles et ceux qui, au fil des décennies,visitèrent ou côtoyèrent la « Dame res-pectable et centenaire » de Herstal –partageant ainsi, avec elle, l’éclat de leurprestige respectif. Cependant, au-delàdes enjeux médiatiques et commer-ciaux qu’ils impliquent d’ordinaire,de tels « événements » – soulignons-le– constituent d’abord et avant toutd’importants témoignages de recon-naissance – sinon d’admiration – pourle Groupe Herstal, ses produits, seshommes, son histoire. A cet égard, lesmots de Churchill qui furent gravés parla FN sur l’exemplaire du FAL dontcelle-ci lui fit cadeau au cours des années cinquante – en remerciementde la confiance décisive que le Pre-mier Ministre britannique avait pla-cée dans ce fusil – en sont une belleillustration : « J’ai été très heureux deconstater, avait en effet déclaré Chur-chill, que l’arme était conforme à cer-taines conceptions pratiques et tac-tiques auxquelles ma longue expériencepersonnelle m’a conduit. » Hommageaux personnalités qui croisèrent le des-tin du Groupe Herstal et contribuèrentà sa renommée, cette sélection photo-graphique n’est, il va sans dire, aucu-nement exhaustive…

T

LeGROUPE HERSTALet les GRANDS de ce MONDE

Giacomo Puccini dans le side-car d’une moto FN 4 cylindres (1913).

par Vincent Piednoir

65Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

S.A.I. Hailé Sélassié, Prince héritier d’Éthiopie (1924).

S.A.R. Edouard, Prince de Galles (1930).

S.M. le Roi de Grèce Georges II (1938). FAL personnalisé offert par la FN à Winston Churchill (1955).

66 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

S.M. le Roi Fouad I d’Egypte (1927). S.M. le Roi Carol II de Roumanie (1938).

L’empereur d’Éthiopie et le Roi Baudouin (1959).

Le GROUPE HERSTAL et les GRANDS de ce MONDE

Léopold de Belgique essayant le fusil mitrailleur FN Browning (1931).

67Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Photo en haut à droite : Le champion cycliste Eddy Merckxessaie l’ancien vélo acatène de la FN (1974).Photo ci-dessus : le général Mobutu Sese Seko, Président de la République du Zaïre (1964).Photo ci-contre : Georges Pompidou, Président de laRépublique Française (1971).Photo en bas à gauche : Prince Philippe d’Edimbourg et Prince de Liège (1966).Photo en bas à droite : Démonstration d’un FAL FN au Shah d’Iran (1958).

Réplique du Fusil de chasse FN customisé, offert par la villede Liège au Maréchal Montgomery (1946).

68 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

maints égards, l’histoired’une entreprise se déploiecomme la « grande His-toire » : par ruptures, sur

fond de continuité. Si les valeurs qu’elledéfend – la passion du métier, la trans-mission de savoir-faire éprouvés, l’as-piration à une prospérité partagée –concourent à l’inscrire dans la durée,sa puissance d’innovation lui permeten revanche de s’adapter aux exigencesdu présent – en anticipant celles del’avenir. De sorte que l’existence d’uneentreprise est toujours tributaire dece subtil équilibre où elle puise inspi-ration et force – un équilibre que seul

le facteur humain est susceptible d’as-surer concrètement. Modeste ou ten-taculaire, ancienne ou de fraîche date,elle n’est donc pas autre chose que l’en-semble des hommes qui la composent et l’incarnent. Ainsi en fut-il jadis de laFabrique Nationale ; ainsi en est-il,aujourd’hui, du Groupe Herstal.Au cours des cent vingt-cinq der-

nières années, le personnel de la FN futsouvent photographié. Plus ou moinsofficiels, et donc spontanés, ces cli-chés ont – outre leur intérêt docu-mentaire – le précieux mérite de sus-citer l’émotion en interpelant lamémoire collective. L’un d’eux, par

exemple, fut pris à la sortie des ate-liers – le 29 février 1912. Nous sommesface à l’entrée principale de la Fa-brique ; il est midi. Une foule nom-breuse d’employés, hommes et femmesconfondus, vient de quitter le travail…Certains discutent, fument, flânent àproximité des grilles ouvertes ; d’autress’efforcent visiblement d’adopter unepose avantageuse en souriant à l’ob-jectif ; d’autres, enfin, essayent de sefrayer un chemin parmi les groupes quise sont formés ici ou là… Témoignaged’une scène somme toute banale, cettephotographie a – comme tant d’autres– fixé pour la postérité l’existence ano-

AUne aventure humaine

LeGROUPEHERSTALAUJOURD’HUI etDEMAIN

par Vincent Piednoir

69Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

nyme de celles et ceux qui contribuè-rent à bâtir la renommée de la FN.Elle nous rappelle avec beaucoup d’à-propos cette vérité que le passage dutemps n’a jamais pu effacer : loin d’êtreune entité abstraite, l’entreprise estavant tout le lieu privilégié d’une ex-traordinaire conjugaison de volontés etde compétences individuelles. Aussisonge-t-on, avec une certaine fascina-tion, à la multitude de destins qui croi-sèrent et fécondèrent celui de la FN de-puis ses origines…Fleuron incontournable de l’in-

dustrie liégeoise, la Fabrique fut tou-jours, on le sait, à la pointe de l’inno-vation et du progrès techniques. Sansmême évoquer le cœur historique deson métier – la confection d’armes ci-viles et militaires – il suffit de se sou-venir qu’à plusieurs reprises elle poussaloin, très loin la diversification de sesproductions. Ce faisant, elle fut rapi-dement amenée à développer et à en-tretenir chez tous ses acteurs une fa-culté d’adaptation hors du commun –le goût, j’aillais dire l’instinct d’impri-mer au présent des formes nouvelles,de créer la surprise, de perfectionnerce qui devait l’être. Sans doute est-ce

là le propre des grandes organisationsmanufacturières – le secret qui les faits’imposer et perdurer… Cependant,reflet des évolutions structurelles dela modernité, l’entreprise herstaliennene négligea pas non plus l’importancedes mutations sociologiques et psy-chologiques qui marquèrent le XXe

siècle européen avec une force jusque-là inédite. Si certaines de ces mutationsréformèrent sans heurts des mentali-tés ou des pratiques professionnellesdevenues obsolètes, d’autres aboutirentà des conflits plus ou moins sévères :je pense, par exemple, à la désormaiscélèbre grève des femmes qui eut lieuà la FN en 1966, et dont le mot d’ordreinitial était : « A travail égal, salaireégal ! » Rétrospectivement, on com-prend que la signification de tels évé-nements était en réalité inséparabled’un contexte sociologique beaucoupplus large – et c’est d’ailleurs pour-quoi ces manifestations ont fait date.On comprend aussi que leur dépasse-ment a fini par enrichir la FN – ausens où cette dernière eut ainsi l’op-portunité d’incorporer à ses propresvaleurs celles qui travaillaient en pro-fondeur le reste de la société. Mais ces

expériences – qui font désormais par-tie de l’histoire – permettent surtoutde comprendre que l’entreprise est unorganisme vivant, composé de volon-tés plurielles et cependant animéespar la perspective d’une finalité com-mune : prospérer durablement et pour tous.Cinq quarts de siècle se sont écoulésdepuis la naissance de la Fabrique : unetelle longévité ne saurait être le fruitdu hasard…Lorsqu’on s’efforce de poser sur

l’ensemble de ce passé un regard en-globant, plus affectif qu’objectif, onne peut s’empêcher d’être impres-sionné par ces générations d’ouvrierset d’artisans qui – chacune à leur ma-nière, chacune en leur temps – insuf-flèrent force et vie à la FN. Anonymes,ces milliers d’individus dont il importede préserver le souvenir constituenten vérité le socle humain sur lequel fu-rent patiemment érigés l’identité etl’avenir de la célèbre Fabrique belge.Cela dit, cette identité fut aussi le ré-sultat de l’investissement personnel desgrandes figures qui se sont succédé àla tête de l’entreprise depuis 1889 –mettant ainsi leurs talents au serviced’une collectivité qui ne manqua pasd’esprits audacieux et visionnaires. In-génieur formé à l’Université de Liège,Alexandre Galopin (1879-1944) fut parexemple de ceux-là. Chef du Labora-toire central qu’on venait de créer pourassurer le contrôle des matières pre-mières, il rejoignit la FN dès 1904 (ila alors vingt-cinq ans), fut Directeurgénéral de celle-ci de 1919 à 1923, Pré-sident du Conseil à partir de 1932 puisGouverneur de la Société Généralede Belgique de 1935 jusqu’à sa mort.Au sortir de la Première Guerre mon-diale, Galopin avait estimé nécessairede réorienter radicalement l’activité dela FN vers la fabrication de produitscivils. Sous son impulsion, la divisiondes engins motorisés avait été consi-dérablement modernisée et dévelop-pée. C’était un pari ! Il fut relevé avecbrio – et l’on se souvient, aujourd’hui

La sortie des ateliers à midile 29 février 1912.

70 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

encore, des nombreux succès dont il futcause… Bien entendu, il serait trop fas-tidieux d’évoquer ici le rôle que jouè-rent – et les paris que relevèrent – res-pectivement et en leur temps les HenriFrenay, Alfred Andri, Jean Jadot, Gus-tave Joassart, Georges et René La-loux… pour ne citer, parmi les diri-geants historiques de la FN, que cesquelques noms anciens et bien connus.A l’instar de Dieudonné Saive et d’Er-nest Vervier (dignes héritiers du gé-nial inventeur John Moses Browning),à l’instar également des maîtres gra-veurs Félix Funken et Louis Vranc-ken – tous ces hommes marquèrentde leur empreinte le devenir de l’en-treprise et montrèrent, dans leur do-maine de prédilection, la voie qu’ilconvenait à leurs yeux de suivre. Néan-moins, si le chef d’orchestre donne tou-jours le la, l’harmonie de l’ensemblereste en définitive l’affaire de tous lesmusiciens… La réussite est à ce prix.Au début des années 1990, la Fa-

brique Nationale devint le GroupeHerstal. Exclusivement recentrés surleurs activités de base – les armes dedéfense et sécurité, d’une part ; lesarmes de chasse et tir sportif, de l’autre– le Groupe et ses partenaires privilé-giés représentent aujourd’hui quelquedeux mille sept cents collaborateurs ré-partis à travers le monde. Des États-Unis (Utah, Caroline du Sud, Virginie)au Japon (Kochi, sur l’île de Shikoku),en passant par le Portugal (Viana doCastelo) et bien sûr la Belgique – ceshommes et ces femmes forment unecollectivité à la fois hétérogène et com-plémentaire, riche de langues, de cul-tures, de savoir-faire et de techniquesdiversifiés. Un tel éclectisme est d’au-tant plus fécond qu’il fait depuis long-temps partie de l’identité de l’entre-prise : les premiers contacts entrel’Américain Browning et la grandeDame herstalienne ne remontent-ilspas au printemps… 1897 ? Exponen-tiels, le progrès technique contempo-rain et le développement des moyens

de communication – au sens large – ontcertes contribué à mondialiser la pro-duction et les échanges d’une entre-prise naturellement déconcentrée,tournée vers l’extérieur. Cependant,de même qu’un bloc de noyer et unebuse d’acier ne se transformeront ja-mais spontanément en B25, de mêmeordinateurs et machines ne se substi-

tueront-ils jamais à la créativité et à l’es-prit de celles et ceux qui les utilisent…« Deux choses n’apparaissent pas au bi-lan d’une entreprise : sa réputation etses hommes », déclarait Henry Fordau cours des années 1920. Cette for-mule, le Groupe Herstal met aujour-d’hui un point d’honneur à la fairementir.

Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN

Une classe de l’École FN en 1924 (formation des ouvriers).

Le centre de formation de la FN dans les années quatre-vingt.

71Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Herstal même, la FN em-ploie aujourd’hui environmille trois cents personnes,tous secteurs confondus.

Pour pallier l’importante pénurie demain-d’œuvre provoquée par la Pre-mière Guerre mondiale, elle s’était do-tée, dès 1921, d’une école de formationprofessionnelle destinée à fournir à sesateliers les ouvriers qualifiés et spécia-lisés dont ils avaient besoin, transmet-tant ainsi aux jeunes générationsconnaissances et savoir-faire selon desméthodes d’enseignement modernes,rationalisées. Installée dans l’enceintede l’entreprise, l’Ecole FN contribua àpréserver la renommée ancestrale de larégion – notamment dans le domaine dela mécanique – couvrant, par ailleurs, ungrand nombre de disciplines relativesà la production industrielle. Devenueplus tard le Centre de Formation FN,elle quitta Herstal même en 1980 pourrejoindre le Parc d’activités écono-miques des Hauts-Sarts. Là, elle colla-bora plus étroitement avec les différentsréseaux d’enseignement officiels et pri-vés existant, dans le but de préparerson personnel aux nouveaux défis del’époque. Si elle n’existe plus en tant quetelle aujourd’hui, elle participa signifi-cativement à la création du CFPM(Centre de Formation et de Perfec-tionnement à la Maîtrise), ainsi qu’à celledu Centre de Compétences Technifu-tur, auquel elle fut intégrée lors de la crisede 1988-89.Mais puisque la vie concrète d’une

entreprise ne saurait être mieux appro-chée que par le témoignage des per-sonnes qui en font partie, voici le por-trait de cinq d’entre elles – toutesoriginaires de Liège ou de ses environs :pour avoir accepté de se prêter de bonnegrâce à nos questions, évoquant leursparcours et partageant avec nous leurspoints de vue respectifs, qu’elles soientici remerciées.

Eric Quaedpeerds, Chef de projet Armes (R&D Browning)« J’ai fait la carrière que je voulais,je n’ai aucun regret ! »

Après des études en « A2 méca-nique », Eric Quaedpeerds est entré en1980 à la Fabrique Nationale. Pendantdeux ans, il a suivi des cours d’ap-prentissage spécifique et de perfec-tionnement à l’Ecole FN. Sorti pre-mier de sa promotion, il a été orientévers la Section RDI (Recherche et Dé-veloppement Industriel) ; cependant,comme il n’y avait pas de place dis-ponible en RDI Défense, il a toutd’abord rejoint la division FN Sports– où il a travaillé, en tant qu’ouvrier,à la construction de prototypes liés auxdifférentes activités Browning : armes,pêche, tennis, golf, planches à voile.Puis, après s’être occupé de la miseau point et du test des armes au seinde la cellule technique, il est passépar l’industrialisation.Il a notamment travaillé, durant

de longues périodes, à l’usine portu-gaise de Viana do Castelo : là-bas, il a

coordonné l’installation des lignes deproduction destinées à la fabricationdu superposé Winchester Select, etformé le personnel. « Tant sur le plantechnique qu’humain, cette expé-rience a été pour moi très riche : ellem’est encore utile aujourd’hui ! » ré-sume-t-il. Ensuite, il a travaillé pen-dant quelques années au Bureaud’Etudes (mise en plan sous logicielAutocad 3D, dimensionnement despièces) et a enfin été nommé Chef deprojet Armes au sein du secteur Re-cherche et Développement Browning.A partir d’éléments issus du Marke-ting et des retours clients, il s’occupeainsi de la conception d’armes et d’ac-cessoires, accompagne la productionet assure le suivi technique ainsi quela formation des équipes Marketing,Sales, SAV, etc.Intellectuellement, Eric se sent

« épanoui » ; il est fier de son par-cours (ouvrier, employé, puis cadre).« J’ai fait la carrière que je voulais, jen’ai aucun regret ! » En saisissanttoutes les possibilités qui s’offraientà lui pour sans cesse évoluer, il a ac-quis une grande polyvalence. L’enviede bien faire les choses l’a toujoursanimé et il éprouve du respect à l’égardde l’entreprise à laquelle il appar-tient. A travers elle, il a eu l’opportu-nité de voyager, de rencontrer des four-nisseurs de tous horizons – ce qui luia permis de nouer de nombreuses re-lations à l’échelle internationale. Eninterne, il est proche du Marketinget, de ce fait, des clients. Il a aussi defréquents contacts avec les journa-listes, en particulier lors des présen-tations de produits ou des béta tests.« Browning, c’est une PME dans ungrand groupe : on y cultive le respectmutuel et la convivialité. »En dépit des années de restruc-

turation – qui ont jadis affecté tousles niveaux de la société – Eric es-time que la FN a su préserver l’ex-cellence de sa culture armurière, enprotégeant et en valorisant les com-

APortraits

72 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

pétences qui ont bâti sa renommée.« Nous nous sommes recentrés surnotre core business, explique-t-il éga-lement, et nous sommes restés fidèlesà notre savoir-faire originel : celui dela mécanique. » Par ailleurs, à ceux quiseraient tentés de stigmatiser la spé-cificité des produits fabriqués à Hers-tal – on parlait en effet de « complexemilitaro-industriel » dans les années1970 – il répond, à juste titre : « Ils sontbien contents d’avoir des armes pourdéfendre leurs libertés et la démo-cratie, non ? »Personnellement, il n’est ni chas-

seur ni tireur sportif – mais cela s’en-tend : dans le cadre de son métier, iltire plus de… 30 000 cartouches paran ! Et puis, nombre de ses amis oucollègues pratiquent ces sports, cer-tains même au plus haut niveau :championnat d’Europe et du Monde,Jeux Olympiques… Le seul petit re-gret qu’il nourrit relève d’une nos-talgie plus douce qu’amère : « Pourmoi, ç’aurait été extraordinaire de tra-vailler sur les voitures et les motos »,confie ce passionné de sports mo-teurs qui a, du reste, participé plusieursfois aux 24 heures de Francorchamps(en « tourisme »). Lui-même a eu uneécurie qu’il ne demande qu’à « ré-veiller »…Son arme favorite ? « Chacune a

ses qualités… En fait, celle qui auraitma préférence est encore à concevoir :toujours ce besoin d’innover, decréer ! » Une réponse de perfection-niste, assurément.

Christiane Neuforge, Agent UP (Unité de Production)« C’est comme si tu rentrais dans unegrande famille »

Christiane Neuforge a quittél’école après le primaire. Elle enchaî-nait les « petits boulots » lorsqu’unjour sa belle-mère lui a dit : « Vienstravailler à la FN… » Elle s’est alorsprésentée au bureau d’embauche et apassé les tests requis, avec succès.Depuis qu’elle a rejoint la FN, en

1973, Christiane a toujours travailléà la production. Elle a commencé surde petites machines (comme la Cin-cinnati), réalisant des opérations defraisage, de forage, etc., sur des piècesdestinées notamment aux MAG et auxFAL. Elle a également travaillé à lapresse, sur la « carcasse GP » ou en-core au sein du groupe pilote chargéde la « carcasse BAR ». « A ce moment-là, se rappelle-t-elle, le travail étaitorganisé selon le principe des troispauses – ou trois-huit. Cependant, lepersonnel féminin n’avait pas le droitd’exercer de nuit ; pour nous, c’était :6h/14h ou 14h/22h… »

Christiane a par ailleurs travaillésur la « glissière GP ». A ce titre, ellea suivi une formation à l’Ecole FN.Elle y a appris, entre autres, à redres-ser des pièces et à faire des chan-freins. L’un des exercices consistait àlimer certaines pièces pour qu’ellespuissent, tel un puzzle, être parfaite-ment emboîtées… Elle a d’ailleursconservé ses travaux de l’époque. Au-jourd’hui, elle fait partie de l’atelierMécanisage, où elle s’occupe de la fi-nition des « petites pièces » qui se-ront ensuite ajustées.Quarante-et-un ans de carrière au

sein de la FN ont bien sûr tissé desliens profonds : « C’est comme si turentrais dans une grande famille, avecdes plus jeunes, des plus âgés. On passepas mal d’heures au travail, par rap-port au temps passé avec nos ‘‘vraies’’familles… »A la vérité, Christiane n’aime pas

les armes pour elles-mêmes ; en tout étatde cause, elle n’en veut pas à la mai-son car elle craint les accidents. Néan-moins, ayant eu l’occasion d’essayerplusieurs d’entre elles au cours d’uneformation, elle reconnaît avoir beau-coup apprécié le P90 – pour sa légè-reté et son peu de recul. Plus généra-lement, elle convient qu’une sociétémoderne ne peut pas faire l’écono-mie d’un armement adapté pour ga-rantir la paix. « Il suffit de regarder au-tour de soi… La gratuité des actes deviolence, c’est ça qui est choquant »dit-elle. Il y a près de deux mille ans,Tacite n’affirmait pas autre chose lors-qu’il écrivait : « Les nations ne peu-vent avoir de tranquillité sans une ar-mée. »

Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN

73Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

Lucien Manfredi, Responsable Équipe « Démonstrations et SupportClients »« J’ai beaucoup de respect pour Monsieur Browning »

« C’est ici que je veux travailler ! »Telle fut l’exclamation – aussi prémo-nitoire que vigoureuse – de LucienManfredi lorsqu’il découvrit les éta-blissements de la FN, il y a plus detrente-cinq ans, à l’occasion d’une vi-site scolaire… Aussitôt dit, aussitôt fait :en 1978, il passe l’examen d’entrée, leréussit et intègre l’Ecole de l’entreprise.« La journée, se souvient l’intéressé, étaitcomposée de huit heures d’atelier etde trois heures de cours du soir… »Au terme d’un cursus de deux ans,Lucien obtient un graduat en méca-nique et rejoint tout naturellement lesAteliers Mécaniques où il s’occupe del’outillage (fraises et calibres). De 1985à 1989, il travaille à la division EssaisArmes – cellule qui dépend de la sec-tion Recherche et Développement –avant de devenir ATE, c’est-à-dire Dé-monstrateur et Support Client, au dé-

partement Marketing FN. Ce poste leconduit à voyager beaucoup et à éta-blir de nombreux contacts avec la clien-tèle internationale afin de promouvoirles produits – qu’il maîtrise tous, il vasans dire. Aujourd’hui, il dirige l’équipechargée des démonstrations « live » –avec tirs réels – de toute la gamme FNHerstal, tant en Belgique qu’à l’étran-ger. Il participe aux foires, expositions,salons. Il dispense les formations des-tinées aux clients, assurant égalementla mise en service des armes. Enfin,Lucien accueille les VIP, pour lesquelsil organise et commente la visite gui-dée du Showroom (vitrine complètedes produits Défense, Law Enforcementet Systèmes).A ses yeux, la FN véhicule une va-

leur essentielle : celle du respect, sin-gulièrement entre les membres du per-sonnel. « Un respect qui paraîtindispensable, précise-t-il, étant donnéla nature de nos produits. » S’il n’émetpas de commentaire particulier sur lafinalité de ce que fabrique la FN, nisur l’usage qui en est fait, il tient à sou-ligner – pour la connaître de l’inté-rieur – la prodigieuse capacité de dé-veloppement et d’innovation techniquequi préside au devenir de l’entreprise.Au demeurant, Lucien ne cache pas

son admiration pour la figure historiquede John Moses Browning : « Sans sa ve-nue en Belgique, la Fabrique Natio-nale d’Armes de Guerre n’existeraittout simplement plus… C’est grâce àlui que la FN – mais aussi bien d’autresfabricants d’armes – ont pu dévelop-per et développent encore des produitsde plus en plus perfectionnés. L’ingé-niosité de ses inventions continue d’êtreune source d’inspiration. J’ai beaucoupde respect pour ce Monsieur. »Et si vous lui demandez quelle

arme, parmi celles de la FN, emporteen définitive son adhésion, il vous ré-pond assez logiquement : « La mi-trailleuse .50 ! Conçue par John MosesBrowning autour de 1920, c’est unemerveille de mécanique. A l’époque, il

disposait de moyens techniques quinous sembleraient aujourd’hui rudi-mentaires… Pourtant, en 2014, nousproduisons toujours la même arme.Rien n’a pu la supplanter ! »

Marie-Rose Ciomek, Assistante du Directeur Industriel Groupe Herstal et du Directeur Production FNH / ULZ« Toutes les périodes heureuses ou moinsheureuses que nous avons traversées ontcréé des liens »

Titulaire d’un graduat « secrétariatlangues » (anglais, néerlandais, alle-mand), Marie-Rose Ciomek avait, en1979, adressé son CV à la FN car sonpère y travaillait. Sa candidature ayantété retenue, elle a passé et réussi les testsd’embauche. « J’avais le choix simulta-nément entre trois jobs ; si j’ai opté pourla FN, c’est parce que la bonne réputa-tion d’employeur de la société m’inspi-rait confiance. » Une confiance mani-festement bien placée, comme entémoigne le parcours de cette salariée quia su s’adapter aux mutations structu-

74 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

relles dont l’entreprise herstalienne a faitl’objet au cours de son histoire récente…Lorsqu’elle rejoint la Fabrique –

en tant qu’assistante du responsable duservice Innovation Produits (R&D) –le sport et les loisirs font encore partiedes activités de la FN. « On travaillaitalors aux ‘‘protos’’ et au développementde cannes à pêche télescopiques en car-bone, de moulinets, de clubs de golf, deplanches à voile, de moteurs rotatifs… »Mais bientôt elle est nommée assistantedu Contrôleur de Gestion de la filialeFormétal (« Fonderie aéronautique àmodèle perdu »), avant d’intégrer leContrôle de Gestion de FN Sports,puis de devenir l’assistante du DirecteurManufacturing. Elle se rappelle la fi-liale de Bruges, où l’on produisait lesraquettes de tennis.Lors de la création de Browning SA,

la fonction du Directeur Manufacturings’est étendue à l’ensemble du groupeBrowning (Browning North America,usine de Viana do Castelo, etc.) – l’oc-casion, pour Marie-Rose, d’avoir denombreux contacts au-delà de son bu-reau situé aux Hauts-Sarts, car FNSports avait alors quitté la rue Large-Voie pour s’installer au sein du nou-veau zoning industriel herstalien. En yrepensant, elle éprouve une certaine« nostalgie » pour la période Browninget ses produits (leur variété, leur beauté,leur réputation). Cependant, elle est aussitrès admirative des concepteurs des pro-duits actuels, ainsi que de la haute tech-nologie mobilisée.En 1989 – au moment du désenga-

gement de la Société Générale de Bel-gique au profit de Giat Industries –Marie-Rose est « redescendue » à Hers-tal afin de suivre son « patron » devenuDirecteur Industriel du Groupe Hers-tal. Celui-ci avait désormais sous sa res-ponsabilité la R&D, les RH, l’Informa-tique et les filiales – dont FN Tech.Aujourd’hui, elle est encore l’assistantedu Directeur Industriel, mais égalementcelle du Directeur de Production FNH-ULZ (FN Herstal-Zutendaal).

Pour Marie-Rose, le fait que la FNsoit restée implantée en ville est uneexcellente chose. « Cela lui donne uncaractère plus chaleureux, plus humain.La plupart d’entre nous sommes origi-naires de la région ; les anciens se connais-sent bien. C’est un peu comme une fa-mille… Toutes les périodes heureusesou moins heureuses que nous avonstraversées ont créé des liens. » Et puis,il y a la fierté d’appartenir à la maison-mère d’un groupe international, le plai-sir de « voyager » à travers les filiales étran-gères – même par procuration…Elle ne pratique ni la chasse ni le tir

sportif, mais lit volontiers des revuesou des magazines consacrés à l’art cy-négétique. « Les chasseurs sont respec-tueux de l’environnement, déclare-t-elle.Ils jouent un rôle essentiel dans la ges-tion de la nature. »Ses produits préférés ? « Les armes

de grand luxe, bien sûr, pour leurbeauté ! »

Vincenzo Carapezza, Responsable Equipe magasiniers« Fier de travailler pour la célèbre marqueà la tête de cerf »

Originaire de Liège, Vincenzo Ca-rapezza est ajusteur machines-outils deformation. Entré à la FN en 1980 commeouvrier opérateur Machines, il est de-venu, quatre ans plus tard, préparateuraux expéditions chez Browning. Depuis 2000, il dirige une équipe

de dix personnes sur le plan logistique :préparation des commandes journa-lières, picking, emballage et expédition.Il s’occupe également de la réception desmarchandises.Cet ancien tireur au clays – ainsi dé-

signe-t-on, en Belgique, l’amateur deball-trap – apprécie tout particulière-ment la faculté d’adaptation et de dé-veloppement dont fait constammentpreuve l’entreprise. Il éprouve une vé-ritable « fierté » à travailler pour la cé-lèbre « marque à la tête de cerf » : sonattachement à l’égard de celle-ci n’a cesséde grandir au fil des années, propor-tionnellement à son expérience. Mieux :« Je passe plus de temps au bureau quechez moi, reconnaît-il. Mes collègues de-viennent en quelque sorte ma seconde fa-mille. »Point n’est besoin de l’observer long-

temps pour constater que Vincenzo al’allure et le regard d’un John Wayne.De fait, lorsqu’on évoque avec lui l’« em-blématique » John Moses – dont il aimepar-dessus tout l’Auto-5– et sa rencontreavec les fondateurs de la FN au tour-nant du XIXe siècle, il déclare : « Pourmoi, cela représente le rapprochementde deux univers à l’origine très différentsdu point de vue culturel : celui du FarWest et celui de la vieille Europe. 125ans plus tard, à travers les produits et lenom Browning, l’esprit de cette ren-contre est toujours présent ! »

Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN

75Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

a Fondation Ars Mechanicaest en quelque sorte la mémoirevivantedu Groupe Herstal. Sadevise : « Le passé est un pré-

sent pour l’avenir » – exploite opportu-nément la polysémie du mot présent,dévoilant ainsi une approche dyna-mique de l’histoire de l’entreprise, desenjeux industriels, techniques et hu-mains qui lui sont attachés. Si elle sedonne pour mission d’identifier, deconserver et de valoriser un patrimoineliégeois considérablement enrichi parde multiples rencontres à l’échelle in-ternationale, ce n’est point seulement,loin s’en faut, par l’effet d’une nostal-gie que d’aucuns jugeraient purementesthétique, sinon vaine. L’attention por-tée par la Fondation à toutes les di-mensions du passé du Groupe Hers-tal a pour finalité première de féconderle présent de celui-ci en guidant sonavenir. Cent vingt-cinq années d’unehistoire déclinée sous les formes les plusdiverses – véhicules, armes, archives,etc. – sont ainsi patiemment revisitéeset répertoriées pour que, de généra-tion en génération, chacun sache quele passé qui lui échoit est un précieuxcadeau pour demain et pour tous. Natu-rellement, une tâche de cette envergurerequiert de solides compétences, ainsiqu’une énergie à toute épreuve. Mais

l’homme qui en a la charge, Robert Sau-vage, n’en manque assurément pas : res-ponsable des relations publiques et dela communication du Groupe Herstaldurant plus de trente ans, ce passionnéde voiture, de moto et de jazz s’oc-cupe aujourd’hui, avec un dévouementsans faille, de la Fondation dont il estl’administrateur délégué. Rencontreavec un amoureux de l’« Ars Mecha-nica » – de l’art de la mécanique ou dela mécanique… touchant à l’art.

Quand la FondationArs Mecha-nica a-t-elle été créée ? Pourriez-vous décrire le contexte de cettecréation – et ce qui l’a motivée ?La FondationArs Mechanica, fon-

dation d’utilité publique, a été crééeen 2008 par le Français Philippe Ten-neson, ancien Président Administra-teur délégué du Groupe Herstal. Ce-pendant, elle n’est gérée par dupersonnel à plein temps que depuisdeux ans (2012). Le nom de la Fonda-tion s’inspire de celui du Grand Livrede la FN. Publié en 2008, ce livre avaitpour objectif de préserver la mémoirede l’entreprise en la fixant dans unouvrage à vocation à la fois historiqueet de relations publiques, voire d’imagepour l’entreprise. La Fondation trouveson origine dans le constat que trop peuavait été fait jusqu’alors pour sauve-

garder la mémoire d’une Dame res-pectable et centenaire, dont l’histoireétait pourtant riche d’hommes, d’évé-nements, de produits fabuleux, et qu’ilétait en somme grand temps de s’at-teler à la tâche. Ce patrimoine avaitété dispersé, sinon dilapidé – en toutcas, jamais conservé ni exploité de fa-çon structurée et professionnelle, auservice de l’entreprise et des régions

« Ars mechanica [ars mekanika] locution latine d’origine grecque : (a) ars (lat. ars, artis), manière de faire quelquechose selon les règles, (b) mechanica (du gr. mêkhanê, machine). (1) Connaissances et savoir-faire en matière de méca-nique appliquée, d’appareils et de machines. (2) Par extension : les métiers manuels en général. (3) Hist.On a pu dire desLiégeois, au XVIIIe siècle déjà : ‘‘Il n’est point de peuple qui ait poussé aussi loin qu’eux l’invention dans ce qui regarde les ou-vrages mécaniques.’’ (4) Le Groupe Herstal trouve ses origines dans ce terreau fertile, qu’il n’a cessé de faire fructifier de-puis 1889 en y apportant les perfectionnements et les talents qu’exige l’évolution constante de la technique et des be-soins. »

Le Grand Livre de la FN, page 1

L

Entretien avec Robert Sauvage Administrateur délégué de la Fondation Ars Mechanica

76 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

dans lesquelles elle est installée. Ce sontprécisément ce constat et la parutiondu Grand Livre qui ont fait office dedéclic pour lancer un vaste projet desauvegarde et de valorisation du pa-trimoine du Groupe Herstal…

Quelle est aujourd’hui la fonc-tion première de la Fondation, sa fi-nalité ?La raison d’être et les missions de

la Fondation sont parfaitement résu-mées dans cet extrait de ses statuts : « LaFondation Ars Mechanica a pour butde rassembler, conserver, gérer, proté-ger et mettre en valeur un patrimoinecomposé de pièces ou documents d’in-térêt historique, industriel, technolo-gique, commercial ou culturel, fabri-qués, conçus ou ayant un lien avec lessociétés du Groupe Herstal passées,présentes ou à venir, afin d’y conser-ver des témoignages du riche passé in-dustriel liégeois et plus largement mon-dial auquel ces sociétés ont fortementcontribué. » Il s’agit donc de définir etde mettre en œuvre une politique degestion structurée du patrimoine duGroupe Herstal afin de sauvegarderles traces matérielles et immatériellesde ce patrimoine et d’en perpétuer lamémoire pour les générations actuelleset futures ; d’instaurer, d’exploiter et defaire vivre, dans le Groupe et hors delui, une culture d’entreprise basée surla richesse de son passé séculaire ; d’enfaire un outil de motivation en interneet d’image en externe, dans les régionsdu monde où le Groupe est histori-quement implanté ; puis, last but notleast, de protéger ce patrimoine contretout risque de perte, de dégradation,de disparition ou d’appropriation étran-gère au Groupe, pour le conserver dé-finitivement dans les régions d’originedu Groupe. Concernant ce dernierpoint, de nombreux exemples montrenten effet que, dans le monde « globa-lisé » de l’industrie contemporaine, laprise de contrôle d’entreprises par desactionnariats étrangers s’accompagnesouvent d’une perte d’identité et de

racines. Le « placement » du patrimoinedu Groupe Herstal au sein d’une en-tité juridique extérieure à l’entreprisea justement pour fonction d’empêchertoute velléité d’appropriation ou devalorisation financière de ce patrimoineen dehors de ses régions d’origine.

Concrètement, comment laFondation a-t-elle démarré ? Parailleurs, comment se situe-t-elle parrapport au Groupe Herstal ? Quelspublics vise-t-elle ?Concrètement, en 2009, nous

sommes partis d’une feuille blanchepour, progressivement (mais la routeest encore très longue !), définir etmettre en œuvre, au sein du GroupeHerstal, les outils de gestion pérenneset les moyens nécessaires à la recons-titution, à la sauvegarde et à la pro-motion d’un patrimoine représentatifde l’histoire du Groupe, de ses activi-tés, de ses produits, des hommes qui yont œuvré. Il s’agissait de constituerune encyclopédie de témoignages hu-mains, documentaires, matériels et im-matériels susceptible d’inspirer l’en-treprise afin de crédibiliser son présent,d’accompagner son futur et de main-tenir vivants l’enthousiasme et laconfiance dans le Groupe, tout en as-surant l’expression collective de la « tra-dition armurière et mécanique lié-geoise ». L’idée était d’exploiter cepatrimoine non seulement dans uneperspective strictement historique etmémorielle – de façon « désintéressée »,en quelque sorte – mais aussi, plus pro-saïquement, pour développer, véhicu-ler et entretenir une image positive duGroupe, une identité, une culture et unemémoire collectives, tant vis-à-vis despublics internes à l’entreprise – au pre-mier rang desquels son personnel – quede son environnement économique, po-litique, culturel et social (clients, au-torités locales et internationales, grandpublic). En somme, notre ambitionest de faire du passé et du présent del’entreprise une source de valeurs par-tagées pour construire ensemble son

futur. Par conséquent, et afin d’at-teindre ce double objectif, la Fondations’est dotée d’un Conseil d’Adminis-tration pluridisciplinaire et d’un Co-mité de gestion paritaire au sein de laFondation Roi Baudouin, qui assurent,pour l’un, l’adéquation des actions dela Fondation avec les stratégies et lespolitiques du Groupe, et pour l’autre,le caractère d’institution culturelle né-cessaire pour bénéficier de l’exonéra-tion fiscale dans le chef du donateur,l’entreprise. Comme la Fondation en-tend faire adhérer à son projet les pu-blics internes et externes à l’entrepriseafin qu’ils le partagent, voire qu’ils sel’approprient – elle assure elle-mêmela promotion de ses activités par tousles moyens de communication internesauprès du personnel et externes auprèsde publics cibles : périodiques, flashsd’information, interviews dans les mé-dias, conférences, colloques, événe-ments. Sur un plan plus global, elle s’at-tache aussi à promouvoir la notionmême de mémoire industrielle auprèsdes entreprises régionales dans l’op-tique de créer, plus tard, une « Asso-ciation Régionale du Patrimoine In-dustriel ».

Venons-en au contenu du patri-moine lui-même. Que recouvre-t-il en termes de documents, objets,etc. ? Où sont principalement stoc-kées toutes ces pièces ?Les archives que nous traitons sont

constituées de milliers de documentsde tous les types (contrats, documentsadministratifs, publicitaires, informa-tifs, manuels, modes d’emploi, affiches,extraits de presse, ouvrages historiques,iconographie, filmographie, etc.), depièces issues de la production (armes,véhicules, items publicitaires, tout ob-jet faisant référence à l’entreprise et àson histoire) et de témoignages hu-mains. Ce matériel doit être localisé,identifié, nommé, répertorié, classé,stocké et finalement numérisé pour unesauvegarde doublée. Une partie est disséminée un peu partout dans l’en-

Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN

77Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

treprise alors que les autres – la partpeut-être la plus importante, quanti-tativement parlant – se trouve dans di-vers centres d’archives (musées, uni-versités, archives de l’Etat). Cettedimension du travail est immense : desannées seront sans nul doute nécessairespour en faire le tour dans les sites belgesdu Groupe, avant d’entamer le mêmetravail dans les entités du Groupe ins-tallées à l’étranger… En outre, la conser-vation des pièces elle-même posed’énormes problèmes – que nous ap-prenons progressivement à résoudre, aucas par cas. Prenez l’exemple d’unesimple photographie : si vous ne res-pectez pas certaines procédures trèsstrictes, indispensables à la conserva-tion de ce type d’objets – vous êtes as-suré de la perdre à court ou moyenterme… Songez à présent qu’il en estde même pour nombre de pièces ac-quises par la Fondation : véhicules,armes, etc. C’est un art subtil et com-plexe, dont la maîtrise est aussi néces-saire que délicate.

Pourriez-vous maintenant nousdonner quelques exemples concretsde pièces conservées par la Fonda-tion ? Certaines, j’imagine, sontrares, uniques…Nous disposons d’une très riche

collection armurière, évidemment. Atitre d’exemple, j’évoquerai ici deux ac-quisitions symboliquement très fortes.La première concerne le Fusil Auto-matique Léger (FAL) inventé par Dieu-donné Saive dans les années cinquante.En calibre 7,62mm (calibre mis au pointpar la FN et adopté durant cette pé-riode par l’OTAN comme calibre de ré-férence : événement considérable !), le

FAL fut l’arme la plus vendue parmi lespays du « monde libre ». Eh bien, il y aquelque temps, nous avons pu rache-ter le numéro 2 de la toute premièresérie jamais produite de cette arme !Le numéro 1, quant à lui, avait été of-fert, à l’époque, au Roi des Belges…La seconde acquisition dont je sou-haiterais parler est plus récente : il s’agitdu numéro 1 d’une série spéciale fa-briquée à l’occasion du centenaire dela Winchester 1894, arme désormaismythique – ce fut celle de John Wayne,des cow-boys et de la Conquête del’Ouest. Cette série commémorativecomptait en tout cent exemplaires. Na-turellement, le numéro 1 est luxueuse-ment décoré, magnifique, comme il siedà ce type de carabine légendaire…

Il y a les armes, mais il y a aussiles véhicules…Absolument. Au-delà des pièces ar-

murières, nous avons souhaité, pour dif-férentes raisons, mettre l’accent sur lareconstitution du patrimoine lié aux vé-hicules. Ces derniers représentent à euxseuls une part très importante du passédu Groupe Herstal. Pour ne mention-ner que ces trois catégories « maî-tresses », rappelons que la FN a pro-duit des bicyclettes de 1895 à 1927,des motos de 1901 à 1965 et des voi-tures de 1901 à 1935. Ces milliers de vé-hicules, qui ont également contribué –au même titre que les armes – à la re-nommée de la FN, ont disparu au fildu temps et il s’agit pour nous de leurrendre la place et la visibilité qui leurreviennent. Ce qui manque le plus ànotre collection, ce sont assurémentles véhicules automobiles. Personnel-lement, je suis passionné par ces en-

gins – d’aucuns diront même qu’ils sontun peu ma « marotte »… Cependant,rendez-vous compte : les voitures,comme les motos FN, ont accompliun nombre considérable d’exploitssportifs au cours de leur histoire ! Etpuis, outre l’aspect purement techniqueou même l’importance commercialequ’elles ont pu revêtir jadis, ces voituresnous touchent aujourd’hui par leurbeauté, tout simplement – une beautéà laquelle il est difficile de rester in-sensible et qui constitue, en soi, un vé-ritable spectacle. De fait, le 28 juin pro-chain, nous organiserons à la FN unejournée portes ouvertes destinée au per-sonnel et aux familles de l’entreprise.A cette occasion, nous allons faire cir-culer trois automobiles et deux motosFN, pour que chacun puisse approcher,goûter ce passé qui lui appartientaussi…

Lorsqu’on s’efforce de faire re-venir dans le giron herstalien cer-taines pièces représentatives dupassé de la FN, on peut parfois avoirquelques surprises, n’est-ce pas ?Bien entendu : de bonnes, comme

de moins bonnes… Par exemple, endécembre 2012, j’ai été contacté parun jeune collectionneur de produits FN– surtout de véhicules. Ce monsieurme proposait un vélo FN de… 1895 !L’un des tout premiers vélos confec-tionnés par la Fabrique, en somme. Monrestaurateur et moi-même observonsdonc la bicyclette sous toutes ses cou-tures : elle était authentique ; aucundoute n’était permis. Mais soudain nousréalisons que sur les pièces maîtressesdu vélo figure un logo FN qui nousest absolument inconnu ! Il représen-tait une roue au centre de laquelle s’en-trecroisaient deux fusils Mauser et quiétait entourée, à droite et à gauche, deslettres « F » et « N » – le tout dans unstyle un peu « art déco ». Après quelquesrecherches dans nos archives et certainsrecoupements, l’historien Claude Gaieret moi-même avons conclu que, trèsprobablement, l’existence de ce mys-

Le premier FAL produit en série dans les ateliers de Herstal fut offert au Roi des Belges. Le modèleprésenté ici porte le numéro 2.

Dieudonné Saive, inventeur d’armes de la FN (1888-1970).

78 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

térieux logo était liée à l’appartenancede la FN de l’époque au Groupe alle-mand Ludwig Loewe – Groupe quiavait alors souhaité harmoniser le styledes logos de ses différentes entre-prises… Mais il y a aussi de moins« agréables » découvertes. Un jour, j’aiété contacté par quelqu’un qui disaitposséder une FN Super Sport. Evi-demment, j’étais très impatient de voircette merveille fabriquée à Herstal au-tour de 1925. Arrivé sur place, quellene fut pas ma déception ! La voitureétait certes sublime, et superbement res-taurée. Sauf qu’elle l’était si bien qu’ilne restait presque plus rien de la FNSuper Sport d’origine ! Le tableau debord avait été « bouchonné », les siègesétaient maintenant en cuir… Elle étaittrès belle, mais c’était une autre voiture.Or, l’idée de la Fondation est d’acqué-rir des pièces qui soient aussi prochesque possible de leur état originel.Lorsque nous restaurons des véhicules,nous essayons toujours de respecter ceprincipe. Du reste, en ce moment même,nous sommes en train de restaurer unepièce unique : une voiturette FN 1901– là encore, l’une des toute premièresautomobiles construites par la FabriqueNationale. Le châssis et les boiseries sontdésormais terminés mais il nousmanque encore, hélas, certaines piècesmécaniques… Ce qui est fort dom-mage, car notre intention était de la pré-senter au public à l’occasion des festi-vités du 125e anniversaire.

La reconstitution et la sauve-garde d’un tel patrimoine repré-sentent, on le voit, un travail colos-sal. Combien de personnes œuvrentaujourd’hui à cette tâche, à vos cô-tés ?Nous sommes actuellement deux

personnes à gérer à temps plein la Fon-dation : Anny Hendriks, mon assistantedepuis trente-cinq ans, et moi-même.Nous souhaitons cependant engagerun(e) historien(ne) pour nous aider etprendre la relève le moment venu. En-tretemps, nous pouvons compter sur

l’aide ponctuelle de membres du per-sonnel spécialisés dans un domaine par-ticulier, les statuts de la Fondation pré-voyant qu’une telle aide soit possible,dans le cadre du contrat de travail etpendant les heures de travail. Mais celareste très marginal… Nous nous faisonségalement aider par les services internesde l’entreprise – selon leurs compé-tences, services financiers et juridiques,essentiellement. Nous faisons parailleurs appel, selon nos besoins, à dessociétés de services (communication,événementiel) et, régulièrement, à rai-son de deux jours par semaine, à une so-ciété partenaire qui nous accompagnedans toutes nos missions. Enfin, concer-nant les acquisitions et les restaurationsd’objets patrimoniaux, nous faisons ap-pel aux équipes internes pour les armeset à un indépendant qui acquiert et/ourestaure pour nous les véhicules FN, àraison de deux jours par semaine.

En dehors des activités deconservation, la Fondation assureégalement un important travail devalorisation. Quels en sont les prin-cipaux vecteurs ?Nous occupons des locaux mis à

disposition par l’entreprise et situésdans l’enceinte de celle-ci. Plus tard,lorsque cela sera possible, nous sou-haiterions vivement ouvrir, au sein deces locaux, un centre d’interprétationdestiné au personnel comme au pu-blic extérieur – un « musée vivant », enquelque sorte. Nous publions en outreune revue trimestrielle – intitulée « Mé-moires de la FN » – laquelle, à partird’archives et de nos propres recherches,développe à chaque parution un thèmeparticulier de l’histoire de l’entreprise,et ce, plus largement qu’il n’a jamais

été fait par le passé. Dans la mesure dupossible, nous essayons toujours demettre en relation ce passé (homme,événement, produit, anecdote, etc.) avecle présent de l’entreprise, comme cefut le cas dans le numéro consacré à l’in-vention de l’Auto-5 de Browning, oùnous présentons son digne successeur,l’A5. Nous publions également des« News » relatives à des sujets qui tou-chent l’actualité de la Fondation. Nousdonnons des conférences à la demande,sur l’histoire de l’entreprise, ou sur unthème particulier qui relève des com-pétences de la Fondation. Nous sommesprésents dans divers musées auxquelsnous prêtons ou confions en dépôt despièces ou des documents appartenantà la Fondation, soit de manière tem-poraire – comme actuellement à l’oc-casion des commémorations de laguerre 14-18 – soit de manière plus per-manente, comme au musée Grand Cur-tius (armes) ou au Musée du Circuitde Spa-Francorchamps (autos-motos).Nous collaborons aux ouvrages d’étu-diants, chercheurs, historiens, auteurs,universitaires, etc., en mettant nos ar-chives gratuitement à disposition. Nousrépondons enfin aux demandes de ren-seignements émises par les collection-neurs, chercheurs, restaurateurs – septcents requêtes par an, en moyenne…

J’aimerais, pour terminer, vousposer une question… « difficile » : àtitre personnel, à quelle pièce du pa-trimoine de la Fondation êtes-vousplus particulièrement attaché ?A celle que je n’ai pas encore ac-

quise, bien entendu ! D’ailleurs, en vousrépondant, je pense à ceci : dernière-ment, j’ai découvert l’existence d’unevoiture FN 1912 qui se trouve en An-gleterre. Bientôt, accompagné de monrestaurateur, je vais me rendre là-basafin d’authentifier cette automobile etd’étudier les conditions de son pos-sible rachat. C’est une voiture magni-fique et, dans l’attente, je ne vous cachepas que je bous littéralement d’impa-tience!

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FN two-seater 1600 cc de 1912, dernière acquisition de la Fondation.

79Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

i la valeur d’une arme se me-sure d’ordinaire à l’aune de sarobustesse et de son efficacitélétale, seule sa qualité esthé-

tique est à proprement parler capablede l’élever au rang de véritable œuvred’art. A partir de la fin du XVIe siècle,d’illustres familles européennes éprou-vèrent le besoin d’aménager un lieu quirendît spécifiquement hommage à labeauté intrinsèque de cet objet. Ainsinaquirent et essaimèrent les fameuxCabinets d’armes qui font, aujourd’huiencore, la joie des amateurs éclairés. Al’époque, il ne s’agissait pas tant d’ac-cumuler fusils et pistolets que de col-lectionner, tels des tableaux de maîtres,ces ouvrages luxueusement décorésque l’on se transmettait de générationen génération – mêlant ainsi art et mé-moire, plaisir des yeux et symbole de

puissance. A la mort de son augustepropriétaire, en 1643, le cabinet deLouis XIII – inauguré à la naissancede celui-ci par son père, Henri IV –comptait quelque trois cent quarantecréations d’arquebuserie : il ne ces-sera d’accueillir de nouvelles armes jus-qu’à la Révolution. Dans son Diction-naire amoureux de la Chasse, DominiqueVenner nous apprend que le duché ger-manique de Pfalz-Zweibrücken déte-nait (selon un inventaire de 1777) uneriche collection de huit cent quatre-vingts neuf pièces – dont certaines por-taient d’ailleurs la signature d’arque-busiers français… Au cours des XVIIet XVIIIe siècles, le raffinement desarmes de chasse acquit en Europe unprestige et une signification socialeconsidérables, à tel point que les sou-verains et la noblesse fortunée s’atta-

S Ainsi naquirent

et essaimèrent

les fameux Cabinets

d’armes qui font,

aujourd’hui

encore, la joie

des amateurs

éclairés.

L’atelier d’armes de luxe

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Pistolet de salon, systèmeFlobert (Liège, 1854).

par Vincent Piednoir

80 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

chèrent tôt les services personnels defabricants renommés – ainsi que celase pratiquait, depuis longtemps, dansles domaines de la peinture et de la mu-sique. En de telles circonstances, oncomprend que la créativité des corpo-rations armurières fut singulièrementstimulée, et que chacune d’elles s’ef-força d’imprimer à l’époque l’excel-lence de son style. Or si, en cette ma-tière, les débuts furent italiens etallemands – le XVIIIe et le XIXe sièclesde l’arme fine furent respectivement,au dire des spécialistes, français et an-glais. Du reste, à ceux qui souhaiteraientse faire une idée plus précise de cephénomène culturel si original, nousrecommandons vivement de visiterl’extraordinaire Cabinet du Musée dela Chasse et de la Nature de Paris : pa-tiemment constituée par François et

Jacqueline Sommer, cette collectionunique au monde recèle des trésors etrend merveilleusement compte de laplace éminente que l’on réservait, ja-dis, à la réalisation des belles armes.Non content d’être l’une des ca-

pitales mondiales de la production ar-murière, le Pays de Liège fut également,dès le XVIe siècle, un ambassadeur in-contournable de la décoration de luxe.A cet égard, on ne saurait faire ici l’éco-nomie de quelques noms illustres quimarquèrent à jamais l’histoire de la gra-vure et de l’ornement : Théodore deBry et ses fils, Jean Valdor (père etfils), Jean Varin, Jean Duvivier, Gilleset Joseph Demarteau… Autant d’ar-tistes nés dans la principauté épisco-pale liégeoise et qui, par leur talent,contribuèrent à sceller le mariage dé-sormais ancestral de l’arme et de la

beauté. Néanmoins, si certains d’entreeux œuvrèrent en Italie et en Franceau cours des XVII et XVIIIe siècles,exerçant ainsi sur l’Europe une in-fluence technique et esthétique déci-sive, il faudra attendre la première moi-tié du XIXesiècle pour que Liège devîntun temple sacré de l’arquebuserie fine.Evoquant les planches de modèles quicirculaient jadis d’un atelier à l’autreet établissaient, en quelque sorte, lanorme du bon goût, Auguste Francotteécrit dans Le grand livre de la FN : « Alorsque précédemment c’était à Parisqu’étaient composés les ornementsdont s’inspiraient les armuriers, c’està Liège qu’en 1856 Charles Claesen publie le recueil le plus remarquable del’époque. Les graveurs les plus habileset les ornemanistes les plus doués dumoment ont collaboré à cet ouvragedont l’originalité étourdissante appa-raît parfois un peu excessive. » Et ilsuffit en effet d’observer le détail decertains fusils abrités par le Muséed’Armes de Liège pour comprendreque l’exubérante richesse des sculp-tures, ciselures et autres incrustationsavait, sous le Second Empire, assignéà la fonctionnalité de l’objet un rôle par-faitement mineur. L’arme conçue commeœuvre était alors à son apogée.Toujours est-il qu’à l’aube du XXe

siècle – au moment où la productionindustrielle était à peu près partout

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de rigueur – les graveurs sur armes etles fabricants liégeois jouissaient d’uneréputation qui outrepassait très large-ment les frontières belges. Gardiensd’une tradition ancienne, ces artisansrompus au maniement du burin, dumarteau et de la pointe étaient cepen-dant menacés, à court ou moyen terme,par l’avènement brutal de la Moder-nité et par son credo foncièrement uti-litariste. Aussi la FN eut-elle la bonneinspiration de créer, dès 1926, un ate-lier spécifiquement voué à la confec-tion manuelle de belles armes (fusilset pistolets à usage civil). Situé dansl’enceinte de l’entreprise, il se donnapour mission de sauvegarder un art an-cestral seul capable de concilier soli-dité, efficacité et exigence esthétique dehaut niveau ; l’équipe de graveurs qu’ilabritait fut d’abord dirigée par le maîtregraveur Félix Funken (1888-1965).L’arme était alors entièrement façon-née au sein de la Fabrique ; chaqueétape (polissage, garnissage, dressagedes canons, etc.), confiée aux bons soinsd’ouvriers spécialisés. Et que dire dutravail ornemental ? Les œuvres – si-gnées Funken, Vrancken, Watrin, Baer-ten, parmi tant d’autres – parlentd’elles-mêmes. Ici un Auto-5 de style‘‘Art déco’’ représentant une harde decerfs en fuite au milieu d’un bois etsur fond argenté ; là, un superbe pis-tolet automatique calibre.22 long rifle,gravé et sculpté dans le style ‘‘Renais-sance’’ ; là encore, un B25 figurant –jusque sur la surface ténue de son pontet – des canards et des roseauxfinement incrustés d’or, d’argent, depalladium et de cuivre… A la vérité,on ne se lasse pas d’admirer la créati-vité et la variété de ces réalisations innombrables qui firent, à juste titre,la fierté de la FN. Dans les années 1970,l’atelier comptait, rien que pour l’ac-tivité gravure, quelque cent quatre-vingts personnes travaillant quoti-diennement à l’étau, et conformémentaux techniques séculaires ; c’était, deloin, le plus important du genre auArquebuserie de luxe (1815-1914).

82 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

monde… Cependant, en 1987, décisionfut prise de fermer ce temple de lagravure : le coût de la main-d’œuvrehautement qualifiée qu’il nécessitaits’avéra trop élevé (surtout dans lecontexte difficile de cette période). Pourperpétuer son savoir-faire et répondreaux commandes, une société coopéra-tive indépendante fut néanmoinsconstituée, dotée d’un effectif réduit.Tel que nous le connaissons au-

jourd’hui, le Browning Custom Shop deHerstal se présente comme le digne hé-ritier de l’atelier fondé en 1926. Certes,afin de s’adapter aux conditions dumarché moderne, quelques techniquesd’exécution y ont depuis évolué – trèspeu nombreuses, et surtout liées à l’in-terdiction d’utiliser telle substance oumachine réputée dangereuse. Pour au-tant, la vocation fondamentale de ce lieud’exception n’a pas changé : confec-tionner, dans la plus pure tradition liégeoise, des armes à la fois robustes,performantes et élégantes. Vingt arti-sans triés sur le volet en produisentici une centaine par an. Sont ainsi pro-posés aux amateurs des CCS (carabinesdouble express), des BAR, des pistoletsGP (Grande Puissance) – tous luxueu-sement customisés et de différents mo-dèles. Mais la « star » du lieu reste incontestablement l’ultime inventionde John Moses Browning, laquelle fut,au fil des décennies, déclinée en de mul-tiples versions : le célèbre superposéB25. A lui seul, il représente 70 % des

créations annuelles du Custom Shop.Entièrement conçu à Herstal, il est réa-lisé sur mesure et selon le goût particu-lier du client. Le choix des crosses disponibles est varié (pistolet, anglaise,prince de Galles, etc.) – comme celuides gardes-mains ou des métaux pré-cieux que l’on souhaiterait faire incruster, par exemple. Chose pour lemoins originale : la personnalisation es-thétique de l’arme peut parfaitements’inspirer du catalogue de gravures

existant ; cependant, libre à chacund’imaginer le B25 de ses rêves… en sou-mettant son propre projet à l’équipe duCustom Shop. Le fusil fini sera, entout état de cause, unique.Comme tout ce qui est grand, la

beauté ne s’improvise pas. Pour quenaisse un superposé B25, une douzained’étapes seront nécessaires – chacunerelevant bien sûr d’artisans aux com-pétences spécifiques. Actuellement enprovenance de France, l’acier utilisépour la confection des buses inférieureet supérieure est travaillé à chaud, afin

Sont ainsi proposés aux amateurs des CCS (carabines doubleexpress), des BAR, des pistolets GP (Grande Puissance) – tous luxueusement customisés et de différents modèles.

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d’accroître sa résistance. Plusieurs opé-rations distinctes sont alors exécutées :perçage et honage de la barre d’acier(jusqu’à obtenir, pour le calibre 12, undiamètre régulier de 18,4 mm) ; tour-nage extérieur de la barre ; martelagedu choke ; tournage extérieur de fini-tion et fraisage des blocs. Ensuite, lapaire de canons (demi-bloc pour les ca-libres 12 et 20 ; frettés pour les 16 et 28)est assemblée par brasage à l’argent –tandis que les bandes latérales et la

bande de visée sont, elles, soudées àl’étain. Puis on place les tire-cartouches,avant d’aléser la chambre, de procé-der au fraisage final de la tête de ca-non et au reforage au plomb de sonâme (partie située entre la chambre etle choke). A l’aide de rabots de saconception, le garnisseur élimine alorstous les résidus de brasure hérités desinterventions précédentes, et confèreleur profil définitif aux canons.A cette tâche délicate et entière-

ment effectuée à la main, succède l’ajus-tage de la bascule, des canons et de la longuesse – que l’armurier exécute aumoyen du noir de fumée produit par laflamme d’une lampe à pétrole. Cettetechnique ancestrale (précise au mil-lième de millimètre) consiste à appli-quer le noir de fumée sur les pièces,puis à assembler, et désassembler sè-chement celles-ci – en sorte que lespoints de frictions, rendus visibles par

la disparition du noir, puissent êtreidentifiés et retouchés. Il va de soi quel’opération sera répétée jusqu’à ce quel’ajustage soit parfait. « Le mouvementde basculage (ouverture et fermeturedu fusil) doit être gras et sans nœud » :telle est en effet la norme Browning.Le choix du bois répond aussi à des

critères très stricts. Pour sa beauté na-turelle et sa qualité matérielle, seul lenoyer est ici utilisé ; il provient de Tur-quie. Au départ, chaque bloc – toujoursextrait de la racine de l’arbre – pèseenviron 3 kg : après façonnage de lacrosse et du garde-main, il n’en sub-sistera plus que 600 grammes… Grâceà une technique similaire à celle du noirde fumée, on ajuste – lors de la mise àbois – les pièces d’acier (bascule, pon-tet, longuesse) aux pièces de noyer(crosse, garde-main). Le travail de re-lime peut alors commencer : il confè-rera leur forme définitive au busc, à la

84 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

poignée et à l’ensemble de la crosse. L’ar-tisan réparera également les menues im-perfections du bois, avant de teinter etd’imperméabiliser celui-ci par satura-tion à l’huile de lin. On exécutera en-suite manuellement le quadrillage deszones de préhension, tant pour satis-faire à la sécurité qu’à l’esthétique.Suit un nouveau travail de relime (ledernier) sur la bascule, la longuesse etles canons, accompli à l’aide de burinset de limes. Puis, lorsque le polissage –au papier abrasif fin – des pièces vouéesà être décorées est achevé, un autre ar-tiste – et non des moindres – entre enscène : le graveur. A la pointe sèche, ilva d’abord réaliser l’esquisse qui lui ser-vira de guide ; ensuite, avec patienceet minutie, il fera sourdre du métal lesformes désirées, maniant burins et mar-teaux comme le peintre ses pinceaux…Naturellement, la gravure d’une

arme fine Browning porte toujours lasignature de son auteur. De même,chaque fusil ainsi conçu est-il livré nu-méroté, et accompagné d’un certificatd’authenticité et de qualité.Peu avant le remontage final de

l’arme, on procèdera encore au bronzagedu canon – qui traitera celui-ci contrela corrosion et lui donnera cet aspectnoir « aile de corbeau » typique de cer-tains Browning. La bascule, la longuesseet le pontet seront, quant à eux, trem-pés (« jaspés ») dans des bains de cya-nure ; la « couleur » de jaspage sera parla suite enlevée à l’acide.

A la vérité, l’excellence du BrowningCustom Shop de Herstal ne doit rienau hasard. Formés à l’Ecole d’Armu-rerie Léon Mignon de Liège – qui abriteune section gravure-ciselure réputée –ces artisans perpétuent brillamment unsavoir-faire unique en son genre. Etquand on contemple la haute tenue etl’élégance de leurs créations, le subtilmélange de modernité et de traditionqui s’en dégage – on se dit que l’espritdes Cabinets d’antan est resté, malgréles siècles, intact.

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85Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

« L’ART DES HOMMES QUE J’AI VU

À L’ŒUVRE DANS CES LIEUX M’A

TOUJOURS SEMBLÉ RELEVER QUELQUE

PEU DE LA MAGIE. CE N’EST PAS

EN VAIN QUE LES FORGERONS

D’AUTREFOIS ÉTAIENT EN RELATIONS

AVEC LES DIEUX OU LES GÉNIES

DE LA TERRE. ET COMMENT NE PAS

ÊTRE EMPLI D’ADMIRATION ET DE

RESPECT POUR LES GRANDS OUVRIERS,

CES ARTISTES, QUI TRANSFORMENT

DE LEURS MAINS LES SOMBRES

MATÉRIAUX BRUTS QUE L’ON VOIT

ENTRER DANS LEURS ATELIERS

EN CES INSTRUMENTS ÉLÉGANTS

ET PARFAITS QUE SONT LES FUSILS

OU LES CARABINES DE CHASSE ? »

DOMINIQUE VENNER, DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA CHASSE.

86 Jours de CHASSE u H O R S S É R I E

our venir à bout des 125 bougies qu’exige la tradi-tion, il faut assurément du souffle… Mais le GroupeHerstal, ainsi qu’en témoigne ce hors-série, n’enmanque pas. Fort d’un passé qui fait à juste titre

sa fierté, riche d’expériences à la fois variées et singulières,c’est avec l’énergie de la jeunesse et la clairvoyance de l’âgemûr qu’il envisage aujourd’hui l’avenir et contemple, enmême temps, le chemin parcouru depuis le 3 juillet 1889 –date à laquelle la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre,son ancêtre, fut officiellement créée. Dès l’origine, la FN avaitfort joliment illustré le fameux adage selon lequel l’unionfait in fine la force : n’était-elle pas le produit d’une libre as-sociation, d’une mise en commun des talents et des volon-tés ? Pleine de promesses, cette valeur fondatrice avait guidéles premiers pas de la Fabrique. En 2014, à travers le GroupeHerstal, elle n’a pas pris une ride.125 ans… Qu’est-ce à dire ? Des hauts et des bas,

certes ; des flux et des reflux ; des succès légendaires et desépreuves ; des paris, des défis – mais aussi d’innombrablesréalisations, inventions, décisions, audaces, rencontres…Comment évoquerait-on, sans verser dans la simplification,les multiples évolutions d’un destin tracé à l’encre indélé-bile, d’un destin qui relève autant de l’histoire industrielle quede l’histoire humaine ? Les grandes entreprises ne contre-viennent point aux irréductibilités du temps : à l’inverse,elles puisent sans cesse dans les enseignements du passé dequoi conjuguer leur présent au futur. Cela s’appelle créer.Le désormais célèbre logo « FN » qui associait jadis le

fusil Mauser 1889 à un pédalier de vélo revêt aujourd’hui lavaleur d’un profond symbole. Qu’avaient en commun cesdeux objets emblématiques ? Mieux : qu’avaient en communles armes et les véhicules, les produits agricoles et les mé-tiers à tisser, les raquettes de tennis et les moteurs d’avion ?Rien de prime abord… et tout en réalité : l’inventivité et lesavoir-faire de ceux qui les mirent au point ; leur volonté d’en-treprendre, de perfectionner, de proposer de nouvelles solu-

tions… Un tel dénominateur confère à l’histoire des pro-duits FN une puissante cohérence interne : en ce haut-lieude l’art mécanique, le souci de mettre la technique au ser-vice de l’homme fut – et demeure encore – absolument pre-mier. Au reste, le recentrage du Groupe Herstal sur la fabri-cation d’armes civiles et militaires décidé au tout début desannées quatre-vingt-dix fut bien plus, à cet égard, qu’un simpleretour aux sources – car la longue expérience stratégique ettechnologique qu’il avait acquise durant ces décennies d’uneproduction très diversifiée était désormais inscrite en lui,disponible, comme un atout supplémentaire…En redevenant exclusivement armuriers, le Groupe

Herstal et ses partenaires privilégiés ont montré qu’à l’heurede la mondialisation des échanges et des superstructureséconomiques, il est encore possible de concilier traditionet modernité, culture ancestrale et innovation de pointe. Atelle enseigne que nombre de leurs créations historiquescontinuent d’inspirer celles d’aujourd’hui et de demain :qu’on songe par exemple aux descendants du B25 ou auxhéritiers de l’Auto-5… Afin d’y répondre au mieux, la logique du Groupe est d’anticiper – par une minutieuseobservation des réalités du terrain – les besoins que toutchangement d’époque fait nécessairement éclore : d’où l’im-portance capitale que la société herstalienne accorde à sasection Recherche-Développement ; d’où, également, l’at-tention particulière qu’elle porte à l’adaptation et au re-nouvellement de ses gammes de produits. Une approche quifonde en somme son statut de leader à l’échelle internatio-nale et dont, il va sans dire, bénéficient indistinctement sesdeux Pôles d’activités propres : défense/sécurité, d’une part,chasse/tir sportif, de l’autre.Sur les bords de la Meuse, cent-vingt-cinq bougies ont

été soufflées.Sous le regard bienveillant et protecteur du dieu Vulcain,

les hommes et les femmes du Groupe Herstal rendent hom-mage à leurs prédécesseurs. En poursuivant leur œuvre.

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EN GUISE deCONCLUSION

par Vincent Piednoir