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UNE ANNéE DE RECHERCHE à HEC PARIS 2011-2012 MATIÈRE À PENSER Hors série hec recherche

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Une année de recherche à hec Paris 2011-2012

MATIÈRE À PENSER Hors série

hecrecherche

Merci aux entreprises partenaires de la Fondation HEC

Nous sommes fiers de vous présenter le premier volume annuel de la série recherche@hec.

Le but de ce nouveau volume est de vous donner un aperçu de la variété et de la qualité des recherches menées par le corps professoral d’HEC Paris. HEC compte actuellement 115 professeurs permanents qui partagent leur temps entre la recherche, l’ensei-gnement et la gestion de programmes pédagogiques. Les recherches menées à HEC ont pour objectif de contribuer au développement des connaissances dans le domaine de la gestion, du droit et de l’économie en combinant rigueur académique et pertinence pratique.

Dans ce volume, vous trouverez un résumé d’une sélection de 21 articles de recherche rédigés par nos professeurs au cours des 12 derniers mois (septembre 2011 - septembre 2012). Pour ce premier volume, nous avons identifié cinq grands domaines d’intérêt : le marketing, la responsabilité sociale de l’entreprise, la stratégie, le management et la finance. Les thèmes abordés couvrent de nombreux domaines d’activité, incluant par exemple le secteur financier, le marché de l’art, l’immobilier, Internet et la distribution. Les articles sélectionnés abordent également des pro-blèmes économiques et sociaux fondamentaux, tels que le coût de la dette, la pauvreté, la santé publique, la crise du capitalisme ou la propriété intellectuelle.

Dans une deuxième partie, vous trouverez un cer-tain nombre d’éléments d’information sur l’actualité d’HEC, les programmes, la faculté, la recherche, les publications d’ouvrages et les chaires financées par les entreprises.

La Fondation HEC joue un rôle clé dans le finance-ment de la recherche à HEC. Nous tenons à remercier

l’indéfectible soutien de l’équipe qui la compose, ainsi que celui des donateurs privés et des entreprises sans qui cette aventure ne serait pas possible. Elle offre une visibilité à nos meilleurs chercheurs ainsi que les moyens nécessaires pour poursuivre leurs activités dans un environnement académique de plus en plus concurrentiel et globalisé.

Nous remercions également l’Association des diplômés HEC Alumni qui a été notre partenaire fidèle depuis le démarrage de recherche@hec.

Nous souhaitons mentionner en dernier lieu la col-laboration très professionnelle de Business Digest depuis le début du projet.

Nous espérons que vous apprécierez la lecture de cet ouvrage et qu’il vous permettra d’en savoir davantage sur les contributions d’HEC au développement de la connais-sance dans toutes les disciplines de management.

Blaise allaz, Doyen Associé, Directeur de la RechercheBernard ramanantsoa, Directeur Général

Une politique de recherche ayant pour objectif l’excellence académique

4 • n o v e m b r e 2 0 1 2 n o v e m b r e 2 0 1 2 • 5Directeur de la publication : Bernard Ramanantsoa • Rédacteur en chef : Nathalie Lugagne • Rédacteur en chef associé :Mehdi Ramdani • Rédacteurs : Cécile Brunet, Gaëlle Bruneteau-Zaid, Andrea Davoust, Emmanuel Surun • Maquette : Christian Scheibling, Dominique Charland • Secrétaire de rédaction : Dominique Charland • Réalisation : Business Digest, 19, rue Martel 75010 Paris • Impression : Point 44, ZA des Nations, 342 rue du Professeur Paul Milliez 94500 Chapigny-sur-Marne, France.

Les articles de recherche5Entreprise et société

Stratégie

Marketing

Management

Finance

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16

27

40

43

La recherche à HEC Paris57

À propos de la Fondation HEC59

À propos d’HEC Paris53

Les ouvrages parus en 2011–201261

Sommaire

hecrecherche

Les professeurs d’HEC Paris55

Les chaires et centres58

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Sommaire

Les articles de recherche

entreprise et société

Biographie

comment le système économique peut-il intégrer cette contrainte ?

Eve Chiapello

Le capitalisme face à la crise écologique :

Si le capitalisme a toujours fait l’objet de critiques, il a au fil du temps intégré une partie des idées des mouvements qui souhaitaient le réformer. Cela lui a permis de continuer à se développer. Mais la critique écologique actuelle, qui sous certains aspects semble remettre fondamentalement en cause le capitalisme, peut-elle trouver sa place dans la dynamique de l’économie libérale ?

L’histoire du capitalisme est intimement liée à l’histoire de sa critique. Et les périodes de crise ont toujours été des moments privilégiés pour incorporer les idées des mouvements réformateurs. Les pratiques habituelles ne fonctionnant plus, il faut en trouver de nouvelles. L’éco-nomie libérale a ainsi intégré une partie des idées des mouvements qui le critiquent tant qu’elles ne remettaient pas en cause la dynamique de recherche de profit et la poursuite de ses objectifs. La critique écologique, qui sous certains aspects semble remettre fondamentalement en cause le capitalisme, pourrait changer la donne…

EN INTÉGRANT LES CRITIQUES QUI LUI SONT FAITES, LE CAPITALISME ASSURE SA PÉRENNITÉ Le capitalisme ne voit pas spontanément les problèmes sociaux ou environnementaux qu’il génère. La critique lui tient lieu de veille. Elle l’incite à justifier ses pratiques, ce qui lui permet soit de conforter sa légitimité, soit d’évoluer pour remédier à une partie des problèmes sou-levés. “La force du capitalisme réside dans sa capacité à incorporer objections et attaques. C’est sans doute ce qui a assuré sa robustesse, analyse Eve Chiapello. Certaines idées réformatrices ont ainsi été intégrées dans les pratiques managériales parce qu’elles sont sources de profit, qu’elles servent à motiver les employés à accepter certains changements souhaités par les entreprises, ou bien parce que c’est le seul moyen de faire taire un vent de critiques capable d’ébranler l’économie. A contrario si les propositions des réformateurs coûtent trop cher,

les entreprises renâclent à les intégrer. Si la pression au changement est trop forte, elles seront tentées de réorganiser leurs moyens de production pour trouver d’autres sources de profit.”

LES QUATRE FORMES DE LA CRITIQUE : CONSERVATRICE, SOCIALE, ARTISTE ET ÉCOLOGIQUE Depuis son origine, la critique a pris quatre formes, analyse Eve Chiapello. La critique “conservatrice” dénonce l’immoralité du capitalisme mais adhère à l’idée que le pouvoir doit être concentré dans les mains des meilleurs, qui ont alors une responsabilité sociale. La critique “artiste” reproche au capitalisme son oppression et son inauthenticité. Elle prône la créativité, la liberté et l’autonomie. La critique “sociale” dénonce quant à elle l’exploitation par la classe domi-nante qui génère misère et inégalités. Enfin, la critique “écologique” met en exergue l’interdépendance entre les générations et les espèces ainsi que les effets irréversibles et délétères des activités humaines sur la planète. Elle rejette l’idée d’une croissance écono-mique sans limites et remet en cause la capacité du système capitaliste à assurer la survie de l’humanité.

LA CRITIQUE ÉCOLOGIQUE PEUT-ELLE OBLIGER L’ÉCONOMIE LIBÉRALE À SE TRANSFORMER ? Tant que la croissance du PIB sera perçue comme le seul chemin vers le progrès humain et la création

Eve Chiapello enseigne la sociologie économique, les méthodes qualitatives de recherche et l’histoire de la critique de l’entreprise à HEC Paris. Elle a cofondé la spécialisation Alternative Management d’HEC. Elle est co-titulaire de la Chaire Renault-Polytechnique-HEC sur le management multiculturel. Elle est l’auteur de Artistes versus Managers (Métailié 1998) et Le Nouvel esprit du capitalisme (Gallimard 1999, avec Luc Boltanski).

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méthodologie

applications pour l’entreprise

Les responsables économiques, politiques et syndicaux

de branche ont tout intérêt à être attentifs aux signaux

de la critique pour anticiper les risques auxquels ils

vont être confrontés. Les pratiques de gestion évoluent

presque toujours grâce à des apports extérieurs. De

nombreuses idées, comme l’enrichissement des tâches

au travail et le développement des équipes autonomes

dans les années 1970 et 1980, se sont développées sous

la pression d’acteurs critiques. Finalement, elles ont servi

les objectifs des entreprises. L’empreinte écologique n’est

pas non plus une invention des entreprises mais elle est

devenue un outil de travail.

méthodologie

Eve Chiapello a analysé un très important corpus de textes critiquant le capitalisme, produits sur une période de 150 ans. Elle cherche à reconstituer la filiation des idées à travers l’histoire et à décortiquer les ressorts de la critique. Ses idées étaient déjà développées dans son ouvrage co-écrit avec Luc Boltanski, Le nouvel esprit du capitalisme, qui ne portait que sur la période des années 1970 à 1990. Ses recherches actuelles l’ont amenée à généraliser le modèle pour retracer l’histoire du management depuis la fin du xixe siècle et prendre en compte un plus grand nombre de critiques du capitalisme.

La force du

capitalisme réside

dans sa capacité

à incorporer objections et

attaques.

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d’emplois, la critique écologique se heurtera aux questions sociales. “Mais un rapprochement entre les critiques sociale et écologique n’est pas impossible car elles partagent la rhétorique de l’exploitation, selon laquelle les profits proviennent pour partie du fait que tous les contributeurs (les salariés pour la critique sociale, la nature et la planète pour la critique écologique) ne sont pas reconnus dans les comptes de l’entreprise à la hauteur de leurs apports” explique Eve Chiapello. En outre, la critique écologique conquiert son public progressivement car elle s’appuie sur des études scientifiques qui démontrent les risques et les dommages générés par la machine économique.

TROIS VOIES D’INTÉGRATION POSSIBLE DES IDÉES DE LA CRITIQUE ÉCOLOGIQUE Eve Chiapello imagine trois scénarios contrastés à l’échelle globale, locale et gouvernementale pour tenter de sortir de la crise écologique. • Le capitalisme vert : la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) intègre la critique écologique en définissant des principes de sécurité (développement durable) et de justice. Elle motive les salariés en leur donnant la satisfaction d’œuvrer pour le bien commun et redonne au capitalisme sa légitimité. Il s’agit du scénario qui change le moins la société. “Reste à savoir si les entreprises, à elles seules, vont être capables de réaliser assez rapidement les investissements néces-saires pour éviter une crise écologique profonde alors que les objectifs de rentabilité à court terme dominent

encore les décisions”, analyse Eve Chiapello. • Le développement d’une économie solidaire, locale et durable, occupée à répondre aux besoins essentiels plutôt qu’à produire et vendre du superflu. Si ce type d’initiatives, comme la localisation de la production près de la consommation, ne sont pas favorisées dans le jeu concurrentiel par les régulations de marché, ce scénario a peu de chance d’être vecteur de gros changements.• La troisième voie passe par le renforcement de l’Etat, contraignant le capitalisme à respecter l’envi-ronnement. De nombreuses normes et régulations sont dans les cartons mais le pouvoir des Etats sur le système économique est plus faible actuellement qu’il ne l’a été. “En l’état, un tel processus nécessitera beaucoup de temps. Les négociations sur le climat montrent à quel point le chemin est long et difficile”, analyse Eve Chiapello. “Nous ne surmonterons pas les problèmes écologiques actuels sans transformations conséquentes. Elles passeront sans doute par ces trois voies. Des initiatives et des agents de changement poussent dans les trois directions, qu’il faut considérer comme complémentaires”, conclut Eve Chiapello. n

D’après un entretien avec Eve Chiapello et un chapitre à paraître dans l’ouvrage New spirits of capitalisms (Oxford U.P) de Glenn Morgan et Paul du Gay.

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Biographie

encore loin d’une totale harmonisation

Nicole Stolowy

Europe et droit des affaires :

Nicole Stolowy et Séverine Schrameck* se sont intéressées à la législation européenne et à la façon dont elle impacte le droit des affaires des Etats membres. Elles montrent ainsi qu’il est encore difficile pour la Commission européenne de produire un modèle européen global de droit des affaires.

L’objectif initial des Communautés européennes a été de construire un marché commun, celui-ci étant basé sur le fondement juridique que constituent les traités relatifs aux Communautés européennes puis à l’Union européenne. Or “les institutions européennes s’inquiètent depuis leur création de la façon dont les disparités dans les lois nationales ralentissent la construction du marché commun, explique Nicole Stolowy. Comme elles ne peuvent pas ignorer ces lois, elles ont pris des initiatives afin d’harmoniser les règles relatives au fonctionnement et à la réglementation des sociétés”. Le droit des affaires des Etats membres et la législation européenne ne font en effet pas toujours bon ménage. Pour preuve, l’exemple avec lequel commence l’article co-écrit avec Séverine Schrameck : fin 2008, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans le cas Cartesio que la législation d’un Etat membre interdisant à une société immatriculée dans ce pays de transférer son siège social dans un autre Etat membre tout en restant immatriculée dans ce pays n’était pas contraire aux traités de l’Union européenne.

DES DISPARITÉS ENCORE CRIANTESCe cas concernait une entreprise hongroise qui vou-lait déménager son siège en Italie. La loi hongroise en la matière lui imposait de liquider la société, de manière à ce qu’elle n’apparaisse plus dans le registre du commerce, pour ensuite créer une nouvelle société conformément aux lois en vigueur dans le nouveau pays. “Cet arrêt illustre les obstacles que le développement

législatif interne aux Etats membres dresse devant l’accomplissement complet du marché commun, estime Nicole Stolowy. La construction en cours d’une Europe unie a permis d’obtenir la liberté de mouvement pour les travailleurs, les marchandises et le capital, mais elle est encore entravée par la juxtaposition de lois européennes et nationales au sein de l’espace juridique créé par l’Union européenne. Cet arrêt montre à quel point les juridictions nationales restent influentes, et qu’elles peuvent gêner la mobilité des sociétés et donc la réalité du marché commun. Elle souligne aussi l’impasse dans laquelle la Cour de justice de l’Union européenne se trouve sur ces questions.” D’après ses recherches, cette décision, combinée avec les difficul-tés rencontrées en étendant l’Union et le scepticisme qui a accueilli l’adoption de la directive Bolkestein sur le libre mouvement des travailleurs, soulève des doutes quant à la réalité et à l’étendue de cette harmonisation. Les traditions juridiques originelles des Etats membres sont tellement diverses que certains se demandent si une telle harmonisation est vraiment possible.

UN STATUT DE SOCIÉTÉ EUROPÉENNEMême quand des avancées sont réalisées, elles sont parfois remises en question ou ne produisent pas les effets escomptés. Par exemple, après 30 années de travail et de discussions, les autorités européennes sont parvenues en l’an 2000 à un accord sur une nou-velle forme de société dont les règles de création et d’administration s’appliquent dans l’Union entière : la

Nicole Stolowy a rejoint HEC Paris en 2005. Elle est titulaire d’une maîtrise en droit privé, d’un DEA de droit privé, d’un Doctorat de droit privé (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et du diplôme d’habilitation à diriger des recherches ainsi que du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. Ses thèmes de recherche et d’enseignement portent sur le droit des affaires et le droit social, mais elle s’est récemment placée dans une perspective très internationale, en s’intéressant à l’apport du droit européen aux législations internes relatives au droit des affaires.

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applications pour l’entreprise

Cet article montre bien la nécessité de faire adopter plus

de mesures destinées à réduire ou éliminer les disparités

législatives entre Etats. Par exemple, deux pistes peuvent

être explorées par les législateurs :

1. Améliorer le statut de la société européenne pour en

faire un véritable modèle transnational ;

2. Œuvrer en faveur d’un système d’imposition commun

(à la fois pour les entreprises et les particuliers).

méthodologie

Les chercheurs ont étudié le droit des affaires de plusieurs pays européens et analysé la façon dont les différents Etats membres ont adopté la législation européenne sur différents thèmes. “Nous avons étudié de nombreuses décisions et dispositions prises par la Communauté européenne sur des problèmes de droit des affaires, et examiné si les juridictions nationales les avaient appliquées ou avaient résisté, explique Nicole Stolowy. C’est un travail extrêmement intéressant mais aussi très important. Cela nécessite vraiment de mener une étude extrêmement précise en droit interne.”

L’internationali-

sation des entre-

prises fait que les

conséquences légales des

faillites sont plus com-

plexes et plus importantes

qu’auparavant.

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société européenne. “Cela représente un progrès dans l’élaboration d’une identité de société européenne et la construction d’un modèle et d’une culture de droit des affaires européen”, affirme Nicole Stolowy. Cette structure offre d’après elle des possibilités nouvelles pour certains pays d’Europe. C’est donc un facteur d’uni-fication. Les recherches actuelles de Nicole Stolowy portent sur les limites territoriales inhérentes pour-tant à ce modèle transnational au niveau du concept. Elle étudie le régime juridique applicable en matière de faillite à cette forme de société et quel va être le droit applicable dans cette matière. C’est une question théorique et pratique très importante et qui intéresse beaucoup les juristes. Et l’harmonisation est encore plus complexe pour les lois régissant les difficultés rencon-trées par les entreprises. En 2005, l’Union européenne a enregistré 140 000 cas d’insolvabilité susceptibles de mettre en danger un million et demi d’emplois. Le phénomène d’internationalisation des entreprises fait que les conséquences légales des faillites sont plus complexes et plus importantes qu’auparavant. Et de citer l’exemple du groupe italien Parmalat, qui comptait 37 000 employés dans plus de 30 pays.

LE MARCHÉ COMMUN À L’ÉPREUVE DE LA FISCALITÉPendant longtemps, il n’y a eu aucune approche euro-péenne commune en matière d’insolvabilité. Il a fallu attendre l’an 2000 pour que l’Union européenne prenne des dispositions afin de réguler les procédures concer-

nant les biens de débiteurs insolvables répartis dans plusieurs Etats membres. “C’est un pas en avant mais cela reste insuffisant, compte tenu du nombre d’insol-vabilités en Europe et de la nécessité d’unifier la légis-lation, ajoute Nicole Stozlowy. Les problèmes de faillite ou le droit du travail sont des disciplines éminemment territoriales.” Et pour cause : la législation sur la durée du temps de travail, les contrats de travail, les congés payés, les licenciements ou le congé de maternité est très différente d’un pays à l’autre. “Concernant les impôts, qui constituent un domaine très important sur le plan pratique pour les entreprises comme pour les particuliers, on ne peut pas parler d’harmonisation. Les praticiens s’intéressent beaucoup à toutes ces diffé-rences pour conseiller au mieux leurs clients en matière d’implantation de sociétés, explique-telle. En réalité, tant que l’on parle de problèmes généraux comme les droits fondamentaux du salarié ou la justice fiscale tout le monde est d’accord mais dans l’application du droit interne on retombe sur des particularités territoriales, qui constituent une grande limite et qui sont le résultat des différentes cultures juridiques au sein de l’Europe”… n

D’après un entretien avec Nicole Stolowy, Professeur au département Droit, et l’article “The Contribution of Euro-pean Law to National Legislation Governing Business Law” (Journal of Business Law, 2011, no 6, pp 614-640), co-écrit avec Séverine Schrameck.

* Diplômée de Sciences Po Paris, HEC Paris, Avocat à la cour.

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Biographie

comment le marché pénalise les plus pauvres

Frédéric Dalsace

Double peine :

Alors qu’ils sont déjà soumis à des contraintes financières fortes, les ménages pauvres subissent également les dommages collatéraux d’une offre de biens et services qui n’est pas construite pour eux. Résultat : ils paient proportionnellement leurs achats plus chers que les autres. Face à ce constat, des programmes spécifiques sont développés par les entreprises pour créer des offres adaptées à ces populations, et l’expérience prouve qu’ils peuvent être source d’opportunités.

Frédéric Dalsace, Charles-Edouard Vincent, Jacques Berger et François Dalens ont analysé le budget des ménages pauvres (dernier décile des revenus) : les dépenses dites “contraintes” (loyer, impôts, rembour-sement d’emprunt, assurances obligatoires, charges d’habitation) représentent 31 % de leur revenu. Une fois ces frais payés, le “reste à vivre” est composé des dépenses “nécessaires” (alimentation, transport, com-munication, santé, enseignement, services financiers) qui constituent 40 % de leur budget, et de dépenses “arbitrables” (habillement, équipement, loisirs...). En moyenne, les ménages pauvres de 2,2 personnes ne disposent que de 420 € par mois pour s’habiller, se meu-bler et se divertir. Et le marché a ses effets de bords. Les pénalités de pauvreté sont un effet collatéral d’une offre de biens et de services qui n’est pas construite pour eux.

LA QUANTIFICATION DE LA DOUBLE PEINE EN FRANCELe phénomène de la double peine est bien connu dans les pays émergents, mais il était mis sur le compte de l’inefficience des marchés. Grâce à cette étude, la double peine est quantifiée pour la première fois en France : les ménages pauvres payent un surcoût moyen d’environ 500 € par an, ce qui représente plus d’un mois de dépenses arbitrables (ce chiffre ne constitue qu’une moyenne statistique, des scénarios très vraisemblables montrent qu’il peut largement dépasser mille euros). Pourtant, par construction, cette étude minimise la double peine car elle se limite aux surcoûts repérables

dans une analyse purement statistique. Ainsi, aucune double peine n’a pu être repérée dans le domaine de l’alimentation ou des transports par exemple, alors que la moins bonne qualité des produits “premier-prix” ou le prix des pièces détachées automobiles touchent davantage les consommateurs pauvres.

LES MÉCANISMES DE MARCHÉComment expliquer ces surcoûts ? D’une part, la struc-ture des coûts est parfois défavorable aux achats en petite quantité, comme les frais fixes de dossier des services financiers. D’autre part, la structure de prix peut pénaliser les petits volumes. Les ménages pauvres paient ainsi un surcoût de 20 % en assurance habitation, parce que celle-ci est plus chère au mètre carré sur les petites surfaces. En outre, le marché étant plus tendu sur les petits volumes, les prix des biens et services consommés en petite quantité sont souvent supérieurs. Les petits logements, par exemple, sont 5 % plus élevés que les autres au mètre carré. Enfin, les consommateurs pauvres, faute de pouvoir s’offrir des biens de qualité, supportent souvent des coûts de fonctionnement plus importants et, de ce fait, un coût total plus élevé. Des aides financières et sociales existent, mails elles ne suffisent pas à compenser les surcoûts que la pauvreté génère. De plus, tous les ménages n’en bénéficient pas.

DES OFFRES ADAPTÉESL’Action Tank “Entreprise et Pauvreté”, en lien avec la chaire “Social Business” de HEC, œuvre avec

Frédéric Dalsace (H85) est professeur à HEC Paris, titulaire de la chaire “Social Business/Entreprise et Pauvreté” sponsorisée par Danone, Schneider Electric et Renault. Il est titulaire d’un MBA de la Harvard Business School et d’un doctorat en marketing de l’INSEAD.

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applications pour l’entreprise

Quelques exemples d’expérimentations menées avec

l’Action Tank “Entreprise et Pauvreté” et la chaire “Social

Business” d’HEC : le programme “Optique Solidaire”,

mis en place par Essilor avec le concours de l’ensemble

du secteur, permet de fournir des équipements optiques

aux personnes âgées pour un net à payer de quelques

dizaines d’euros au lieu de 200 € en moyenne ; le

programme MALIN de Bledina (Danone) facilite l’accès

à une alimentation adaptée aux besoins nutritionnels

des jeunes enfants. Enfin, Renault vient de démarrer

l’expérimentation de location et de réparation de

véhicules dans les garages “Renault Solidaires” à bas prix

(programme “Mobiliz”).

méthodologie

Commanditée par la chaire “Social Business” d’HEC et l’Action-Tank “Entreprise et Pauvreté”, cette étude a été réalisée en pro-nobo par une équipe du bureau de Paris du Boston Consulting Group. Les chercheurs analysent le budget des ménages pauvres à partir des données quantitatives de l’INSEE sur sept secteurs d’activité représentant deux tiers des consommations (logement, alimentation, transport, assurances, crédit, communication et santé). Il étudient ensuite l’écart de prix unitaire par rapport à un consommateur moyen.

En France, les

ménages pauvres

payent un surcoût

moyen d’environ 500 € par

an, soit plus d’un mois de

dépenses arbitrables.

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des entreprises pour la mise en place de solutions alternatives pour les consommateurs pauvres. Ces programmes fonctionnent selon le modèle de social business développé par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, qui consiste à mettre en œuvre un modèle économique durable, c’est-à-dire sans perte, pour répondre à un objectif social. Le succès de ces entreprises ne repose pas sur l’effet de volume mais plutôt sur la capacité à proposer des solutions adaptées à la demande locale. Cela passe par exemple par une co-création avec les populations concernées pour comprendre leurs besoins, leurs modes de consommation, identifier les bonnes cibles, impliquer des fournisseurs locaux et mettre en place des circuits de distribution alternatifs et accessibles. Ces initiatives sont de vrais laboratoires d’innovation. Elles contribuent à renouveler le business model glo-bal des entreprises et donnent du sens au travail de ses salariés, une piste que suit un nombre croissant d’entreprises en France. n

D’après un entretien avec Frédéric Dalsace, son intervention lors de la conférence Comment les entreprises peuvent-elles contribuer aux enjeux du développement durable ?, HEC Paris, 21 juin 2012 et l’article “Les pénalités de pauvreté en France : comment le marché aggrave la situation des populations pauvres” de Frédéric Dalsace, Charles-Edouard Vincent, Jacques Berger et François Dalens (special issue no 4 de FACTS Reports, janvier 2012, publié par l’Institut Veolia Environnement).

À lire aussi : Structurer le débat “entreprises et pauvretés” de Frédéric Dalsace et David Ménascé (H99) (Revue Française de Gestion no 208-209, 2010) et L’entreprise contre la pauvreté de Pierre Victoria, Frédéric Dalsace et David Ménascé (Fon-dation Jean-Jaurès, juin 2011).

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Biographie

pas besoin d’être une star pour avoir un rôle à jouer

Rodolphe Durand

Financements responsables :

Et si les enjeux sociaux ou environnementaux avaient voix au chapitre par le biais de financements ciblés et pas forcément conséquents ? En étudiant le marché cinématographique français, Rodolphe Durand et son co-auteur ont montré que la participation minoritaire d’investisseurs ayant une logique non conventionnelle pouvait modifier le marché de façon non négligeable.

Rodolphe Durand et Julien Jourdan se sont intéressés à l’industrie cinématographique française, au sein de laquelle deux logiques cohabitent : une traditionnelle, qui tourne autour du cofinancement par l’Etat avec un schéma classique de distribution ; et une logique plus proche des marchés financiers, avec des objectifs de rentabilité différents et affichés. Cette dernière repose sur la participation des Soficas (sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), des fonds d’investissement spécialisés dans les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles et agréés par le ministère de la Culture français. Ces sociétés sont engagées vis-à-vis des investisseurs du marché et présentent donc aux producteurs des demandes qui entrent en conflit avec les valeurs et objectifs tenus pour acquis et largement partagés par les investisseurs traditionnels. “L’industrie cinéma-tographique française constitue un cadre intéressant pour l’étude de la réponse concrète des organisations aux demandes d’investisseurs minoritaires, dans la mesure où les Soficas fournissent 7 à 12 % des inves-tissements réalisés sur la période que nous avons étudiée, et que les producteurs ne sont pas obligés d’y avoir recours”, explique Rodolphe Durand.

LES SECONDS RÔLES NE FONT PAS DE LA FIGURATIONLe travail des auteurs montre que le nombre de films qui sortent dans de nombreuses salles est largement plus important que l’engagement des Soficas ne pourrait

l’expliquer. “La structure de financement des producteurs de cinéma a une influence sur la façon dont les équipes vont placer les films, poursuit Rodolphe Durand. Quand ils acceptent l’argent des Soficas, ils vont être plus enclins à répondre aux attentes de la logique de marché, ce qui montre plus généralement que les entreprises sont confrontées à des structures de marché plus compli-quées qu’on le sous-entend parfois quand on raisonne sur leur comportement.” Pour Rodolphe Durand et Julien Jourdan, la participation minoritaire de fournisseurs de ressources qui ont une logique non conventionnelle (les Soficas dans ce cas) permet à ce qu’ils appellent une conformité alternative d’exister. D’où la référence, dans le titre de l’article, au film de François Truffaut (Jules et Jim) dans lequel deux amis sont amoureux de la même femme. “Une réponse favorable de la part d’une organi-sation à une participation financière minoritaire contribue à abaisser l’influence des acteurs dominants, modifier la structure sociale des fournisseurs de ressources et promouvoir de nouvelles logiques, ce qui fait de la conformité alternative une stratégie de contrôle douce pour les organisations”, estime-t-il.

LES ENJEUX SOCIÉTAUX ENTRENT EN JEU PAR L’INTERMÉDIAIRE DES MÉDIATEURSPlus généralement, la confrontation des organisations et des entreprises, plus particulièrement à des logiques d’action incompatibles, les obligent à définir à quelles normes et règles elles souhaitent se conformer. Ce faisant, elles entérinent les conditions de leurs propres

Rodolphe Durand a rejoint HEC Paris en 2004. Diplômé de HEC (MSc et Doctorat) et de la Sorbonne (mastère en philosophie), il est également détenteur d’une habilitation à diriger des recherches (Université Lyon III). Créateur du centre de recherche Société et Organisations à HEC, il est aussi titulaire de la chaire GDF-Suez à HEC Paris, où il coordonne le département de stratégie et dirige le MSc Strategic Management à la Grande Ecole.

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applications pour l’entreprise

• Il ne faut pas hésiter à avoir recours à l’investissement

extérieur pour mener à bien certains projets, fut-ce de

façon marginale, car cela s’avère être une stratégie de

contrôle douce de la structure de marché – et donc des

concurrents – plus efficace qu’on ne l’imagine.

• Il est essentiel de se positionner par rapport aux

logiques d’action promues à l’intérieur de son industrie.

Les questions clés sont : quels sont les principes et

normes auxquels se conformer à l’avenir ? Pourquoi ?

Quels sont ceux qu’il faut retenir du passé ? Pourquoi ?

• Quelles que soient les réponses aux questions

précédentes, il faut prendre en compte les médiateurs et

les évolutions sociétales pour établir son offre et essayer

d’être plus concurrentiel, quitte à être moins conforme et

créer une nouvelle catégorie de produits/services.

méthodologie

Les chercheurs ont étudié les maisons de production cinématographique qui sont engagées avec des investisseurs traditionnels (y compris des producteurs et des distributeurs de médias) et des Soficas, des sociétés de capital-investissement spécialisées. Ils ont combiné des données exhaustives provenant de plusieurs sources uniques sur 2 531 films tournés entre 1994 et 2008 pour déterminer dans quelle mesure les producteurs ont répondu aux demandes des Soficas et consacré des ressources au lancement de leurs films dans un large éventail de salles.

La réputation d’un

film ne se fait plus

seulement par

les revues spécialisées

comme auparavant mais

par plusieurs sources

différentes.

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contraintes ou bien cherchent à en établir de nouvelles pour leurs concurrentes. Notamment, le cas de la confrontation entre la logique financière et la logique sociale est de plus en plus criant. C’est pourquoi le rôle des “médiateurs” dans les marchés devient de plus en plus crucial. Rodolphe Durand a particulièrement souligné ce point lors de la conférence Responsa-bilité sociétale de l’entreprise organisée par HEC le 21 juin à Paris. “Il faut prendre en compte toutes les parties entre le producteur et le client final, y compris les guides, les critiques, les experts, les journalistes spécialisés, le régulateur ou les clients eux-mêmes, qui portent des jugements sur les offres. Dans le cas de l’industrie cinématographique, les médiateurs sont plutôt les critiques de cinéma, mais aussi les réseaux sociaux et le bouche à oreille en général. La réputa-tion d’un film ne se fait plus seulement par les revues spécialisées comme auparavant mais par plusieurs sources différentes.” Par conséquent, la conformité à des logiques (financières, sociales, culturelles) n’est plus seulement le choix d’un producteur face à un client, mais engage la structure entière du marché, composée également d’organisations qui jugent, cri-tiquent, et jouent le rôle de médiateurs.

INTÉGRER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE POUR ÊTRE PLUS CONCURRENTIELCela force les entreprises à tenir compte des évolutions sociétales notamment, et permet d’affirmer que les organisations en général et l’entreprise en particulier

font la société. Et de citer l’exemple d’une organisation qui intègre les minorités de façon raisonnée, choisie et relativement efficace. “L’entreprise est l’un des vecteurs de socialisation. Ne pas se conformer à des catégories existantes comme dans le cadre de l’indus-trie du cinéma, c’est créer de nouvelles demandes et déplacer la pression concurrentielle sur d’autres. Quand les équipes de production acceptent de l’argent des Soficas, elles changent les pratiques, elles se conforment à de nouvelles normes qui bien que minori-taires affectent la structure du marché, explique encore Rodolphe Durand. Innover, ce n’est pas introduire des produits nouveaux, ça tout le monde le fait plus ou moins bien, mais des catégories de produits nouvelles qui obéissent à des logiques d’action distinctes.” Pour lui, il existe de nombreux exemples comme l’Espace de Renault en son temps, les smartphones, les véhicules Crossover ou le succès de la haute cuisine française, qu’il a analysé dans un autre article*. n

* “Code and conduct in french cuisine: impact of code changes on external evaluations”, de R. Durand, R. Hayagreeva et P. Monin (Strategic Management Journal, 28: 455–472 (2007)).

D’après un entretien avec Rodolphe Durand son intervention lors de la conférence Comment les entreprises peuvent-elles contribuer aux enjeux du développement durable ?, HEC Paris, 21 juin 2012 et l’article “Jules or Jim: alternative conformity to minority logics” de J. Jourdan et R. Durand, à paraître dans Academy of Management Journal.

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Biographie

comment inciter les individus à mener une vie plus saine ?

Alberto Alemanno

Santé publique :

Pour lutter contre des problèmes de santé publique tels l’obésité, le tabagisme ou la consommation abusive d’alcool, les gouvernements expérimentent de nouvelles formes de régulation des modes de vie. Ces méthodes, purement incitatives, reposent généralement sur le “nudge” destiné à exploiter les schémas irrationnels du comportement humain afin d’inciter les individus à faire des choix moins néfastes à leur santé.

Parmi les poisons les plus dangereux – baptisés “fac-teurs de risque pour la santé” – il y a les graisses et les sucres cachés dans les aliments préparés, ainsi que les cigarettes et l’alcool, dont la consommation excessive provoque des maladies comme le diabète, le cancer, les incidents cardiaques et les maladies respiratoires chro-niques, responsables de plus de la moitié des décès dans le monde. Pour lutter contre ce phénomène croissant, les responsables des politiques publiques expérimentent de nouvelles approches susceptibles de modifier les habitudes de vie. Un nouveau type de mesures a ainsi vu le jour, qui cherche à prendre en compte la façon dont les individus se comportent réellement et non celle dont ils sont censés se comporter en tant qu’agents rationnels. Alberto Alemanno, qui s’est penché sur le cas particulier du tabac, n’y va pas par quatre chemins : “Un nombre croissant d’études montrent que les êtres humains n’agissent pas toujours de façon à maximiser leurs intérêts, prenant par exemple des décisions qui leur procurent satisfaction à court terme, mais refusant de tenir compte de leurs effets négatifs à long terme.”

LE NUDGE POUR INCITER EN DOUCEURCette approche repose sur des découvertes de la recherche comportementale – qui intègre l’économie, la psychologie, l’anthropologie et la sociologie. Elle vise à inciter les individus en douceur (nudge) à prendre de meilleures décisions tout en préservant leur liberté de choix. Dans cette perspective, les responsables exploitent des schémas d’irrationalité afin de structurer le contexte

et le processus de la prise de décision en vue d’influencer les choix. La méthode consiste, par exemple, à pré-senter les plats dans une cantine de façon à ce que ses utilisateurs choisissent plutôt de la salade, des fruits et des légumes que des aliments dont la qualité nutri-tive laisse à désirer. Cette forme de gouvernance, qui repose sur “l’architecture du choix”, en est encore à la phase expérimentale – le gouvernement conservateur du Royaume-Uni est, à ce jour, le seul à avoir créé une administration ayant vocation à la mettre en œuvre.

LA LUTTE CONTRE LE TABAGISMELa lutte contre le tabagisme constitue un modèle pro-metteur. De nombreux pays à travers le monde ont progressivement mis en place une réglementation qui fait désormais consensus. Mais le tabac demeure la première cause de décès évitables, tant dans le monde développé que dans les pays émergents. Dans ce contexte, le nudge pourrait permettre de sortir des contradictions inhérentes aux méthodes traditionnelles – les états encourageant leurs citoyens à cesser de fumer en multipliant les campagnes publicitaires et en alourdissant les taxes, tout en organisant la vente officielle du tabac et en finançant une bonne portion de leur budget grâce à leur taxation. En ce qui concerne le tabac, la voie traditionnelle du command & control reste nécessaire pour restreindre l’accès au produit, par exemple en interdisant de fumer dans les lieux publics. Objectif : rejeter le tabac hors du cercle des compor-tements normaux, acceptables, en faire une pratique

Alberto Alemanno est professeur à HEC depuis 2009. Il y enseigne le droit européen et la régulation du risque ; il est également rédacteur en chef de la revue European Journal of Risk Regulation. Il est diplômé de la Harvard Law School et du Collège d’Europe de Bruges et titulaire d’un doctorat en droit international de l’économie de l’université Bocconi.

hecrecherche

14 • n o v e m b r e 2 0 1 2

applications pour l’entreprise

C’est dans les domaines où la nécessité de réglementer

est largement acceptée, comme le tabac et l’obésité,

que ces politiques donneront les meilleurs résultats.

D’autres exemples pourraient concerner l’environnement

(le recyclage), ou même la lutte contre l’évasion fiscale.

L’expérience montre qu’il est plus efficace de combiner

nudges et réglementations traditionnelles. Alberto

Alemanno souligne également qu’il est “crucial de

collaborer avec le secteur privé, de convaincre les

entreprises de changer leurs habitudes”. Ces dernières

“n’ont pas le choix”, dit-il, citant les restrictions

entourant les publicités destinées aux enfants et la

moindre utilisation des acides gras trans. Le grand public

semble désormais sensibilisé aux inconvénients de la

junk food ; pour la première fois, aux JO de Londres, le

parrainage d’événements sportifs par des entreprises

comme McDonald’s et Coca-Cola a suscité de nombreuses

critiques.

To nudge ?Au sens littéral, to nudge signifie “pousser quelqu’un du coude” ; “l’amener à faire quelque chose”. Dans leur ouvrage faisant autorité, Nudge (Yale University Press, avril 2008), Richard Thaler et Cass Sunstein expliquent le concept en faisant référence à du paternalisme libertarien : “une version relativement modérée, souple et non envahissante de paternalisme, qui n’interdit rien et ne restreint les options de personne ; une approche philosophique de la gouvernance, publique ou privée, qui vise à aider les hommes à prendre des décisions qui améliorent leur vie sans attenter à la liberté des autres”.

Si un nudge

modifie les

comportements,

il ne doit interdire aucune

option, pas plus qu’il ne

doit changer les incitations

économiques.

hecrecherche

quasi déviante, avant, dans un second temps, d’avoir recours aux nudges pour amplifier ces changements de la norme sociale. Si un nudge modifie les compor-tements de façon prévisible, il ne doit interdire aucune option, pas plus qu’il ne doit changer les incitations économiques. Par exemple, certains gouvernements étudient de nouvelles mesures radicales, comme la standardisation de paquets de cigarettes neutres, sans aucun logo, et l’interdiction de disposer des produits à marque visible sur les linéaires des bureaux de tabac afin de neutraliser les efforts de marketing des indus-triels et de réduire l’impact visuel. Le produit lui-même, en revanche, reste parfaitement légal.

LA MÉTHODE PEUT-ELLE ÊTRE ÉTENDUE À L’ALIMENTATION ET À L’ALCOOL ?Le débat porte aujourd’hui sur la question de savoir si une approche similaire, consistant à “permettre tout en décourageant”, peut être étendue à d’autres domaines, par exemple la lutte contre l’alcoolisme, les habitudes alimentaires et le manque d’exercice physique. “La légitimité d’une intervention étatique pose davantage de problèmes pour l’alimentation et l’alcool, note le chercheur. Le tabac, contrairement à la nourriture, n’est pas un besoin vital. Et ce qui complique encore la tâche, concernant la régulation des aliments connus comme malsains, c’est que les schémas de consommation ne sont qu’un facteur parmi plusieurs autres – physio-logiques, génétiques, voire socio-économiques – qui, selon les scientifiques, favorisent l’obésité.” Dans les sociétés occidentales, on considère généralement que les individus doivent être libres de choisir leur mode de

vie, même s’il entraîne des risques. L’argument libertaire est particulièrement difficile à combattre concernant l’alcool et les aliments riches en graisse et en sucre, typiquement associés aux fêtes et autres événements sociaux profondément enracinés dans la culture occi-dentale. Dans le cas du tabac, le problème a été réglé quand le débat s’est déplacé des droits des fumeurs aux droits des non-fumeurs, exposés à la tabagie passive.

EST-IL JUSTE DE MANIPULER LES INDIVIDUS ?Les nudges et les interventions traditionnelles sont en général combinés, de sorte qu’il est difficile de mesurer l’impact de chacun de ces deux aspects d’une même politique. “Empiriquement, nous observons un déclin de la consommation, mais comment savoir s’il faut l’attribuer à tel ou tel nudge ou à une augmentation des taxes sur le tabac ?” interroge Alberto Alemanno. En outre, si les nudges sont utilisés d’une façon trans-parente et assumée, ils risquent d’échouer, personne n’aimant reconnaître qu’il est manipulé, même si c’est pour son bien. Alberto Alemanno évoque également le risque de la “tyrannie de la santé” : “Obsédés par la nécessité d’adopter des habitudes de vie saines, les individus risquent de stresser tellement chaque fois qu’ils manquent leur cours de gym ou leur jogging quotidien que cela anéantirait les bénéfices obtenus.” n

D’après un entretien avec Alberto Alemanno et son interven-tion “Regulating Lifestyle: the case of unhealthy diets, alcohol and tobacco” lors de la conférence Comment les entreprises peuvent-elles contribuer aux enjeux du développement durable ?, HEC Paris, 21 juin 2012.

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Les articles de recherche

stratégie

16 • n o v e m b r e 2 0 1 2 n o v e m b r e 2 0 1 2 • 17

Biographie

Pourquoi les entreprises doivent-elles se soucier de leurs concurrents ?

Tomasz Obloj

Lien entre ressources et performance

De nombreuses études ont montré que la dotation en ressources d’une entreprise était positivement corrélée avec sa performance sur son marché. Pourquoi alors certaines firmes avec de très grandes ressources ne performent-elles pas mieux que leurs concurrentes ? Intrigué par cette question, Tomasz Obloj a découvert que le fait d’avoir un stock de ressources important n’était en réalité pas suffisant. Les entreprises doivent prouver qu’elles en détiennent plus que leurs concurrents !

En matière de performance, de nombreuses études montrent que les entreprises qui possèdent le plus de ressources tangibles ou intangibles (humaines, matérielles, capacité d’innovation…) sont les plus sus-ceptibles d’être leaders de leur marché. Est-ce pour autant systématique ? Non, répondent Tomasz Obloj et Laurence Capron, qui font l’hypothèse que l’importance des ressources en termes de stock est en réalité mal interprétée. Ils étudient les enchères en ligne pour des téléphones portables en se concentrant sur une ressource intangible spécifique et évaluent comment la réputation des vendeurs impacte les décisions d’achat.

NIVEAU DE RESSOURCES ET ÉCART PAR RAPPORT AUX CONCURRENTS Tomasz Obloj explique que si la corrélation entre la réputation d’un vendeur et son attractivité pour les clients a déjà été clairement établie, personne ne s’est jusqu’alors intéressé à la question du différentiel de réputation entre plusieurs vendeurs. Un vendeur qui n’aurait pas très bonne réputation pourrait-il néan-moins profiter du fait qu’elle soit visiblement meilleure que celle de ses concurrents? L’étude des différences de prix d’un même téléphone mobile sur le site d’en-chères en ligne Allegro (eBay polonais) montre que plus la différence de réputation entre un vendeur (particulier ou professionnel) et ses concurrents est importante, plus le vendeur peut définir un prix élevé (et donc plus sa performance relative est importante). “Cela signifie que les ressources doivent être appréhendées d’une

nouvelle manière, explique Tomasz Obloj. Le stock de ressources d’une entreprise en valeur absolue n’est pas la seule chose qui compte. Les entreprises doivent également s’intéresser aux stocks de res-sources détenus par leurs concurrents, évaluer les différences et décider quelle stratégie adopter.” Dans cette étude, la réputation relative arrête d’influencer les décisions d’achat quand la réputation du vendeur est trois fois plus forte que celle de son plus grand concurrent. “Une valeur liée au contexte particulier des enchères en ligne”, précisent les chercheurs, qui peut donc varier en fonction du bien commercialisé et du mode de distribution.

COMBLER LES DIFFÉRENTIELS DE RESSOURCES Tomasz Obloj est relativement surpris par la magni-tude du “gap effect” qu’il observe. Selon son étude, prendre en compte la réputation permet d’expliquer environ 40 % de la différence de prix entre les vendeurs. Comparativement, le niveau de ressources en valeur absolue (toujours en matière de réputation) permet habituellement d’expliquer à peine 12 % des différences de performance. Les entreprises devraient-elles donc faire tout ce qui est possible pour combler leurs diffé-rentiels de ressources vis-à-vis de leurs concurrents ? Pas forcément, répondent les deux chercheurs. “Les consommateurs se soucient du fait que vous soyez meilleur que vos concurrents et ils paieront pour cela. Mais ils ne s’en soucient pas si vous êtes ’immensé-

Tomasz Obloj a rejoint le département de Stratégie et Politique d’Entreprise d’HEC Paris en 2011. Il est titulaire d’un doctorat en stratégie et d’un master en management de l’INSEAD et d’un master en en économie de la School of Economics de Varsovie, où il a enseigné entre 2004 et 2006. Ses recherches actuelles portent sur l’impact des incitations organisationnelles sur la division de la valeur dans les entreprises.

hecrecherche

applications pour l’entreprise

méthodologie

Les entreprises

doivent s’intéresser

aux stocks de

ressources détenus par

leurs concurrents.

hecrecherche

Cette étude invite les leaders à mieux prendre en compte

leurs concurrents lorsqu’ils étudient la manière dont

leurs ressources peuvent leur fournir un avantage

concurrentiel. En particulier, Tomasz Obloj bât en brèche

plusieurs idées reçues :

• En matière de performance, le stock de ressources

en valeur absolue (quelles qu’elles soient) compte bien

moins que le fait d’avoir plus ou moins de ressources que

ses concurrents. D’où l’intérêt d’identifier les ressources

détenues par ses compétiteurs et de savoir s’y comparer.

• Il est inutile de développer ses ressources indéfiniment.

Si les clients se soucient du fait qu’une entreprise

ait davantage de ressources que ses concurrents, ce

mécanisme s’estompe dans les extrêmes.

• Quand des concurrents ont un vaste stock de

ressources, rien ne sert de dépenser massivement

temps et argent pour combler son retard. Investir dans

une ressource plus rare s’avère généralement plus

raisonnable et plus rentable.

Tomasz Obloj et Laurence Capron ont collecté des données concernant 2 000 enchères en ligne et 144 vendeurs pour trois téléphones mobiles sur une période de quatre mois sur le site Allegro.pl, le plus grand site Web d’enchères polonais (équivalent d’eBay). Ils ont ensuite organisé les données en fonction des téléphones et des conditions des enchères (description et timing, présentation du produit, localisation…) ce qui leur a permis d’isoler la réputation en tant que facteur différenciant. Les chercheurs évaluent la réputation comme la différence entre le nombre d’évaluations positives et d’évaluations négatives pour chaque vendeur.

rapport à vos rivaux ? Combien de temps cela prendra-t-il et combien cela coûtera-t-il de chercher à combler vos lacunes? Et plus, important encore, quelle est la probabilité que vos investissements soient vraiment rentables?” n

D’après une interview avec Tomasz Obloj et l’article “Role of Resource Gap and Value Appropriation: Effect of Reputation Gap on Price Premium in Online Auctions”, co-écrit avec Lau-rence Capron, Strategic Management Journal no 32, juin 2011.

ment meilleur’, explique Tomasz Obloj. Prenez par exemple le cas de la sûreté des automobiles: si votre voiture reçoit quatre étoiles dans un crash test et que votre concurrent n’en a que trois, cela peut impacter le choix des clients. Mais imaginons maintenant que votre concurrent obtienne trois étoiles et vous six. Les clients y seront sensibles et accepteront de payer un peu plus pour votre voiture, mais peut-être pas 2 fois plus!” En bref, si une entreprise dispose déjà d’un avantage concurrentiel important en matière de ressources, il est peu probable que le renforcer aura un impact significatif sur sa performance. D’un autre côté, “si tous vos concurrents ont des ressources mas-sives dans un domaine, il peut s’avérer trop coûteux de chercher à combler votre retard. Et vous feriez sans doute mieux d’investir dans une ressource plus rare. Il s’agit d’une sorte de stratégie ’océan bleu’ de gestion de ses ressources.”

DE NOUVELLES PERSPECTIVES DE BUSINESS Pour Tomasz Obloj, le coût élevé et le temps néces-saires à l’acquisition de ressources stratégiques comme la réputation, la capacité d’innovation ou le capital humain devraient pousser les leaders à remettre en question leurs idées préconçues. “Les dirigeants pensent généralement que le mieux est d’avoir le plus de ressources possible. Nous montrons que ce n’est pas suffisant et qu’il faut prendre en compte l’environ-nement concurrentiel. Comment vous situez-vous par

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Biographie

la théorie du choix rationnel au service des historiens et des stratèges ?

Philippe Mongin

Waterloo :

Comment Napoléon a-t-il perdu la bataille de Waterloo ? Philippe Mongin, fasciné par la prolifération de commentaires et d’analyses de cet événement, s’en est emparé pour le soumettre au projecteur des théories du choix rationnel, et notamment de la théorie des jeux. Au-delà de l’étude de cas, son travail montre que la modélisation, en complétant la technique ordinaire du récit, permet d’éclairer certains épisodes historiques difficiles à interpréter, et cela bien que, ou parce que, elle caricature la réalité. La stratégie d’entreprise peut-elle bénéficier de la leçon ?

Certains événements historiques importants font l’objet d’interprétations très différentes, parfois même oppo-sées, une même bataille militaire pouvant ainsi être considérée comme une victoire par certains historiens et comme une défaite par d’autres. Celle de Waterloo, qui est la plus commentée de toutes, est fascinante par la diversité des thèses qu’elle suscite. Elle offre de plus une documentation foisonnante dans les langues des trois nations impliquées. Les théories des choix rationnels peuvent-elles aider à mieux comprendre ce type d’événements ? C’est en tout cas l’opinion de Philippe Mongin, qui fait de Waterloo l’illustration d’une méthode d’analyse plus générale : elle se nomme “récit analytique” parce qu’elle combine les ressources du récit et de la modélisation.

DEUX POINTS DE VUE COMPLÉMENTAIRES SUR LA STRATÉGIE DE NAPOLÉON Après sa victoire de Ligny, le 16 juin, Napoléon prend le 17 juin la décision fondamentale de séparer son armée sur deux fronts. Alors qu’il aurait pu l’envoyer tout entière contre Wellington, il dirige son aile droite contre Blücher, ce qui l’affaiblira dramatiquement le 18 juin. Mais quelles instructions donna-t-il à Grouchy, le commandant de l’aile droite ? Grouchy, et Clausewitz après lui, prétendent qu’il demanda simplement la poursuite des Prussiens. Or, celle-ci comportait le risque que Blücher rejoigne Wellington s’il disposait d’une armée encore forte, et la stratégie d’interposition, qui permettait à Grouchy d’aviser suivant l’information

qu’il recueillerait, semblait préférable. Il paraît douteux que Napoléon en ait jugé autrement. Philippe Mongin confirme cette intuition en modélisant la rationalité de Napoléon grâce à la théorie des jeux (voir encadré méthodologique) et en supposant de plus que son comportement effectif a coïncidé avec celui qui était désirable (c’est une application du “principe de ratio-nalité”). Plus fermement établie, la conclusion est alors que Napoléon s’est montré un stratège prudent lorsqu’il a détaché Grouchy, mais que celui-ci n’a pas compris ou n’a pas voulu appliquer ce qui lui était demandé, l’interposition. Il se contente de la poursuite, ce qui offre à Blücher, qui n’était en fait pas gravement affaibli, le moyen d’effectuer la jonction avec Wellington que Napoléon redoutait par-dessus tout.

LA THÉORIE DU MODÈLE COMME CARICATURE Le modèle permet de renforcer l’école d’historiens français pour laquelle Grouchy serait responsable de la défaite finale. Il est compatible avec la difficulté reconnue chez les théoriciens de l’histoire, par exemple Raymond Aron, de soumettre celle-ci à des reconstruc-tions rationnelles. Mais justement, la caricature permet de mieux comprendre la situation. “La caricature est un révélateur de ce que nous percevrions moins bien en demeurant dans la simple description des faits”, explique Philippe Mongin. Avec ce travail présenté un peu ironiquement, il souhaite montrer que les théories du choix peuvent transformer les études historiques.

Philippe Mongin est directeur de recherche de classe exceptionnelle au CNRS et a rejoint HEC en 2006, où il enseigne économie et philosophie. Il est membre du Conseil d’Analyse Economique et de la Commission économique de la Nation. Dans ses recherches, il pratique surtout la théorie de la décision individuelle et celle des choix collectifs, mais il s’appuie quelquefois sur la théorie des jeux, comme dans le travail présenté ici.

hecrecherche

n o v e m b r e 2 0 1 2 • 19

applications pour l’entreprise

La stratégie militaire constitue une référence

traditionnelle pour l’enseignement de la stratégie

d’entreprise. Celle-ci emprunte à des sources multiples :

analyse économique, savoir-faire et connaissances

pratiques relatives à l’entreprise, psychologie et théorie

des organisations, histoire économique générale, enfin

et surtout, études de cas. Philippe Mongin signale qu’à

certaines exceptions près, comme le manuel de Dixit et

Nalebuff paru en 1991, Thinking Strategically, les théories

de choix rationnel ne jouent pas en stratégie d’entreprise

le rôle organisateur et inspirateur qu’on pourrait attendre

d’elles, dans ce domaine comme dans celui de la stratégie

militaire. Il ne s’agit pas pour le chercheur de défendre

un “impérialisme de la science économique”, comme a

pu le faire l’école de Chicago, mais de plaider pour une

plus grande unification des matériaux et l’usage réglé de

ces techniques apparemment contradictoires, mais en fait

complémentaires, que sont le modèle et le récit.

méthodologie

La caricature est

un révélateur

de ce que nous

percevrions moins bien en

demeurant dans la simple

description des faits.

hecrecherche

Philippe Mongin construit un jeu à deux joueurs, Napoléon, pour le côté français, et Blücher, pour le côté prussien, jeu qui décrit la situation au 17 juin 1815, après la victoire du premier sur le second à Ligny le 16 juin, et avant sa défaite contre Wellington à Waterloo le 18 juin (le général anglais n’intervient donc pas dans ce jeu). Napoléon ne connaît pas exactement l’état de faiblesse des troupes prussiennes, et ses intérêts sont strictement opposés à ceux de Blücher. Le jeu est donc à information incomplète et à somme nulle (il y a un vainqueur et un perdant, pas d’autre solution).

Dans ce modèle, Napoléon peut adopter trois stratégies : S1 : garder toute l’armée groupée ; S2 : la diviser en envoyant l’aile droite, sous les ordres de Grouchy, poursuivre les Prussiens ; S3 : la diviser en envoyant cette même aile droite s’interposer entre les Prussiens et les Anglais.

Blücher a deux stratégies : S’1 : se retirer vers l’Allemagne ; S’2 : faire la jonction avec Wellington. Le jeu a un équilibre unique en stratégies pures : S2-S’2. Si l’on considère que cet équilibre indique ce qui était rationnel de faire, Napoléon devait séparer son armée, et cela dans un but précis d’interposition, non de poursuite.

Sa cible particulière est la stratégie militaire, dont les traités, souvent diffusés dans les écoles de commerce, sont des mélanges de narrations et de données impar-faitement unifiées par le bon sens (Clausewitz faisant exception). Car si la théorie de la décision et la théorie des jeux ont été appliquées aux questions diplomatiques et, surtout, à la dissuasion nucléaire, elles ne sont tou-jours pas entrées dans l’étude des campagnes et des batailles. La chose militaire est le plus vieux domaine de recherche dans lequel l’analyse des comportements rationnels s’avère judicieuse, mais elle reste traitée au niveau de précision analytique de Thucydide ou, dans le meilleur des cas, de Clausewitz. n

D’après un entretien avec Philippe Mongin et ses articles “Waterloo ou la pluralité des interprétations” (à paraître dans Littérature en 2012), “Retour à Waterloo. Histoire militaire et théorie des jeux” (Annales. Histoire, Sciences sociales, 2008/1 – 63e année) et “Analytic narrative” (in The Encyclopedia of Political Science, J.E. Alt, S. Chambers, G. Garret, M. Levi, P. McClain eds, SAGE, 2010).

20 • n o v e m b r e 2 0 1 2

Biographie

partager ou protéger ?

Gonçalo Pacheco de Almeida

Propriété intellectuelle :

L’appropriation des nouvelles inventions d’une entreprise par une autre se fait toujours au bénéfice de l’imitateur et au détriment de l’innovateur : vrai ou faux ? Ni l’un ni l’autre, répondent Gonçalo Pacheco de Almeida et Peter Zemsky. Leurs recherches montrent en effet que, dans certaines situations, il peut être plus bénéfique pour les innovateurs de divulguer leur secret, et plus judicieux pour les imitateurs de limiter la part de propriété intellectuelle qu’ils s’approprient.

“Le principe même de la R&D consiste à investir du temps et de l’argent dans une technologie en vue d’une mise sur le marché génératrice de profit”, explique Gonçalo Pacheco de Almeida. Quand une entreprise propose en exclusivité une nouvelle technologie, la fenêtre d’opportunité qui s’ouvre, en matière d’avantage concurrentiel, est un des moteurs essentiels de cet investissement. Pourquoi certaines entreprises, une fois leur produit ou service commercialisé, révèlent-elles alors gracieusement les résultats de leurs recherches (réduisant ainsi leur fenêtre d’avantage concurrentiel) ? Gonçalo Pacheco de Almeida montre, contre toute attente, qu’il peut être à la fois plus béné-fique pour les innovateurs de divulguer que de garder jalousement le secret de leurs inventions, et plus judi-cieux pour les imitateurs de limiter la part de propriété intellectuelle qu’ils s’approprient. “Tout dépend de la quantité d’information dévoilée”, précise-t-il.

DÉVELOPPEMENT CONCURRENTIEL VS DÉVELOPPEMENT IMITATIF Dans un schéma concurrentiel, tout le monde s’attelle en même temps à développer une nouvelle technologie, et chacun garde pour soi les avancées réalisées. À l’inverse, le modèle imitatif voit l’entreprise innovatrice finaliser le développement et mettre sa nouvelle offre sur le marché avant que les imitateurs ne se lancent – soit parce qu’elle seule a su détecter l’opportunité, soit parce que les suiveurs attendent de pouvoir bénéficier de ses recherches. Différence cruciale entre ces deux

paradigmes : le modèle imitatif n’implique pas de course à la commercialisation entre innovateurs et imi-tateurs. Pour éviter la pression liée au facteur temps, les innovateurs ont donc la possibilité de partager juste assez d’information pour encourager les autres à suivre la voie imitative plutôt que concurrentielle. De la même manière, quand un innovateur protège à l’excès sa propriété intellectuelle, il pousse ses imi-tateurs (pour qui, dans ce cas, l’attente ne peut plus déboucher sur un profit suffisant) à passer en mode concurrentiel pour être les premiers sur le marché.

UN DIFFICILE ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE TEMPS ET COÛTS Quand une entreprise commercialise une nouvelle technologie, le flux de ses profits augmente tandis que celui de ses concurrents décroît (au moins faible-ment), et plus longtemps elle reste la seule à proposer l’innovation, plus importants seront ses profits. En d’autres termes, plus grande sera la fenêtre d’avantage concurrentiel, plus grand est l’intérêt pour l’innovateur d’investir dans la R&D. Gonçalo Pacheco de Almeida a ainsi constaté à quel point le bénéfice retiré de la créa-tion d’un nouveau produit ou service est lié au timing. Les innovateurs ont par conséquent de bonnes raisons de limiter la quantité de propriété intellectuelle qu’ils divulguent : plus ils en disent, plus vite les imitateurs pourront se lancer dans la course et commercialiser leur offre. D’un autre côté, souligne le chercheur, les coûts de R&D augmentent proportionnellement

Gonçalo Pacheco de Almeida est professeur de stratégie et politique d’entreprise à HEC Paris. Il a obtenu un doctorat en management stratégique à l’INSEAD en 2002 et un BA en économie à l’Universidade Nova de Lisboa en 1995. Gonçalo Pacheco de Almeida s’est notamment illustré en obtenant une mention honorable lors de la finale 2010 du Strategic Management Society Best Conference Paper Prize.

hecrecherche

n o v e m b r e 2 0 1 2 • 21

applications pour l’entreprise

méthodologie

Les innovateurs

seraient parfois

bien inspirés de

dévoiler une plus grande

part de leur propriété

intellectuelle.

hecrecherche

applications pour l’entreprise

Pour partager librement une partie de leur propriété,

les innovateurs peuvent renoncer à une stratégie de

brevets défensive et élargir l’accès de la concurrence

à leurs inventions via des articles techniques, Internet,

ou des conférences ; déposer des brevets dans des pays

où la législation sur la propriété intellectuelle est peu

cœrcitive ; collaborer avec d’autres organisations sur

la R&D ou implanter leurs centres de façon à faciliter

les fuites. Dans l’autre sens, pour limiter de manière

transparente la quantité d’information protégée qu’ils

s’approprient, les imitateurs peuvent choisir d’opérer

dans d’autres zones géographiques que les innovateurs ;

ne pas aligner leur organisation et leur stratégie sur

celles du leader ; renoncer à recruter des collaborateurs

issus des entreprises innovatrices ; réduire les

investissements consacrés à la R&D complémentaire ou

au reverse engineering.

méthodologie

hecrecherche

Gonçalo Pacheco de Almeida et Peter Zemsky appuient leur recherche sur une étude du marché des microprocesseurs. Ils analysent la concurrence ayant fait rage entre Intel (entreprise leader du secteur) et AMD (second acteur, souvent qualifié de “suiveur”) depuis le milieu des années 1980. Les deux entreprises ont chacune mis en place des stratégies d’innovation différentes au cours de leur histoire: • Développement imitatif : Intel a commencé par par-tager suffisamment de sa popriété intellectuelle avec AMD pour inciter cette der-nière à patienter. L’objectif étant pour AMD de profiter le plus longtemps possible des travaux de R&D d’Intel. • Développement concur-rentiel : en 1985, Intel a pris la décision de proté-ger davantage sa propriété intellectuelle, ce qui a conduit AMD à développer ses technologies parallè-lement. Bien que restant leader du marché, les auteurs montrent que ce choix d’Intel à entraîné une chute des profits tirés de ses inventions à partir de 1985.

pour les suiveurs à “mordre la main qui les nourrit” – un calcul contreproductif. Les bénéfices potentiels du développement imitatif peuvent donc (et doivent même) valoir mutuellement pour les innovateurs et les imitateurs car – et c’est peut-être la conclusion essentielle des travaux de Gonçalo Pacheco de Almeida –, leurs intérêts sont inextricablement liés. n

D’après un entretien avec Gonçalo Pacheco de Almeida et l’article “Some Like It Free: Innovators’ Strategic Use of Disclosure to Slow Down Competition”, co-écrit avec Peter Zemsky (Strategic Management Journal, 2011).

à la vitesse à laquelle une entreprise développe une nouvelle technologie. Si les innovateurs ont parfois de sérieux motifs pour protéger leur propriété intel-lectuelle, ils peuvent aussi être tentés de laisser les imitateurs en profiter, et les inciter ainsi à attendre patiemment que le développement soit finalisé plutôt que d’entrer dans une course de vitesse pour arriver sur le marché.

AFFINER NOTRE VISION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Les recherches de Gonçalo Pacheco de Almeida montrent que, contrairement à une idée largement répandue, les innovateurs seraient parfois bien inspi-rés de dévoiler une plus grande part de leur propriété intellectuelle. En partageant la bonne quantité d’infor-mation, ils encouragent une dynamique de dévelop-pement imitatif plutôt que concurrentiel, conservent ainsi un plus grand contrôle sur le timing des inno-vations et réduisent significativement leurs coûts en R&D. Mais à trop partager, ils risqueraient de rétrécir dangereusement leur fenêtre d’opportunité et saboter leur avantage concurrentiel, annulant ainsi le bénéfice d’une moindre dépense en R&D. Les imitateurs ont en retour d’excellentes raisons de modérer l’ampleur de la “copie”, car ils ont tout intérêt à ce que les innovateurs restent disposés à investir dans la R&D et à les faire profiter de leurs résultats. Autrement dit, affaiblir la motivation au partage du leader en captant une trop grande part de sa propriété intellectuelle reviendrait

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Biographie

mettre un terme aux oligopoles

Johan Hombert

Concurrence à deux niveaux :

Comment obtenir des marchés concurrentiels quand les entreprises qui y vendent un bien final maîtrisent aussi les facteurs de production (comme c’est le cas avec les poids lourds de la téléphonie mobile en France) ? Pour Johan Hombert et ses co-auteurs, la solution ne peut pas se résumer à forcer les firmes intégrées à fournir les facteurs de production à d’autres firmes isolées.

Johan Hombert et ses co-auteurs se sont intéressés à la concurrence sur les marchés où les firmes sont intégrées verticalement : elles produisent à la fois le facteur de production – le réseau qu’elles possèdent dans le cas de la téléphonie mobile – et le bien final – les forfaits qu’elles proposent. “Nous avions en tête l’industrie des télécoms quand nous avons commencé ce travail, autour de 2007, au moment où l’Internet à haut débit se développait en France, car il y avait beaucoup de questions de régulation et de politique de la concurrence qui se posaient : comment faire pour développer les télécoms et pour que les prix ne soient pas trop élevés pour le consommateur final ?, explique Johan Hombert. À l’époque et encore maintenant, ce marché était vraiment oligopolistique car il y a très peu d’acteurs. Mais cela peut s’appliquer à de nombreuses autres industries.

ENCOURAGER LES NOUVEAUX ENTRANTS : INSUFFISANT !Le secteur qui illustre le mieux cette recherche reste celui de la téléphonie mobile en France : avant l’arrivée de Free fin 2011, il existait trois opérateurs qui possé-daient une infrastructure de réseau et des licences de téléphonie mobile – SFR, Bouygues Telecom et Orange. “Ce que voulait faire le régulateur depuis plusieurs années, et la Commission européenne a aussi beau-coup poussé dans cette direction, c’est d’avoir plus de concurrents. Mais l’entrée sur ce type de marchés est très coûteuse car il faut développer une nouvelle

infrastructure de réseau, mettre des antennes… L’idée du régulateur a donc été de faire entrer de nouvelles firmes sans leur demander de construire leur propre réseau. Il s’agissait de forcer les opérateurs existants à sous-louer leur réseau à ces nouveaux entrants et donc de créer de la concurrence sans investissements.” Ainsi sont nés les MVNO (pour Mobile Virtual Network Operators) comme Virgin Mobile, Auchan ou Budget.

COMPRENDRE LA PERSISTANCE DES OLIGOPOLESLes travaux de Johan Hombert et de ses co-auteurs montrent néanmoins que cette solution n’aboutit pas à une concurrence digne de ce nom. “Les opérateurs existants ont peu d’incitations à aider leurs concurrents à produire des biens qui vont concurrencer les leurs”, estime-t-il. Les firmes intégrées verticalement tirent leurs profits de deux sources : en vendant des forfaits à leurs clients finaux, mais aussi en sous-louant une partie de leur réseau aux MVNO. “Il va donc y avoir une tension en permanence : d’un côté, elles vont avoir envie de baisser les prix sur les forfaits pour capturer plus de parts de marché ; mais en faisant cela, elles vont tuer les MVNO et réduire leur autre source de profit.Elles peuvent également essayer de faire beaucoup de profits en sous-louant leur réseau à un maximum de concurrents, mais ce faisant elles augmentent la concurrence sur le marché des forfaits et réduisent leur profit de ce côté. En fait, à chaque fois qu’une

Johan Hombert a rejoint HEC Paris en 2010 après avoir travaillé pour l’INSEE et enseigné à l’ENSAE (Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique), dont il est diplômé. Titulaire d’un doctorat d’économie de la Toulouse School of Economics, il est aussi diplômé de l’Ecole Polytechnique. Ses recherches portent sur les frictions sur les marchés financiers, l’entrepreneuriat et l’organisation industrielle.

hecrecherche

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applications pour l’entreprise

Les travaux de Johan Hombert et ses co-auteurs montrent

qu’une analyse isolée du marché en amont (celui des

réseaux dans le cas de la téléphonie mobile) peut être

trompeuse et que les Etats ou la Commission européenne

doivent également prendre en compte les caractéristiques

du marché en aval (les forfaits dans cet exemple) pour

déterminer si la concurrence va être effective, et quelle

solution (prix fixé ou plafonné, séparation structurelle des

firmes intégrées ou entrée d’un nouveau concurrent) sera

la mieux adaptée.

méthodologie

Les chercheurs ont élaboré un modèle de concurrence à deux niveaux entre des sociétés intégrées verticalement et des sociétés isolées en aval. Ils ont ainsi montré que quand les firmes intégrées se battent sur les prix afin de proposer un produit homogène, il est possible que l’analyse de Bertrand (qui régit les situations de concurrence dans lesquelles la variable stratégique est le prix) ne soit plus valable et qu’à l’équilibre, le prix se situe au-dessus du coût marginal. Ces équilibres faiblement concurrentiels sont plus susceptibles d’avoir lieu quand la compétition en aval est féroce ou quand les entrants sont relativement inefficaces.

Les opérateurs ont

peu d’incitations

à aider leurs

concurrents à produire des

biens qui vont concurrencer

les leurs.

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firme intégrée veut être un peu plus agressive sur l’un des deux marchés, elle impacte négativement son autre source de profit. Au final, elles n’ont envie de faire baisser les prix sur aucun de ces deux mar-chés.” Cela explique que la grosse trentaine de MVNO français n’est jamais parvenue à capter plus de 6-7 % de parts de marché…

ACCROÎTRE LA CONCURRENCEQuelles sont les solutions alternatives ? La plus bru-tale consiste à imposer aux opérateurs mobiles le prix de location du réseau aux MVNO. “C’est très dif-ficile à mettre en place dans la téléphonie mobile car le régulateur subit des pressions importantes de la part des gros opérateurs”, explique Johan Hombert. Il est aussi possible de plafonner les prix : ni trop bas pour ne pas décourager l’investissement, ni trop haut pour permettre aux MVNO d’entrer sur le marché. “C’est également difficile car le régulateur ne connaît pas bien les coûts de maintenance, d’entretien et de développement des réseaux, ce qui rend sa tâche plus compliquée.” Une troisième solution consiste à forcer des structures intégrées à se séparer en deux, comme cela a été fait dans d’autres industries et notamment le rail, puisque Réseau Ferré de France loue ses rails à la SNCF et à d’autres sociétés. “La SNCF n’aurait jamais accepté de louer son réseau à des concurrents, ou alors à des tarifs très élevés, poursuit Johan Hom-bert. Et c’est encore plus compliqué dans la téléphonie mobile : il y a plus de synergies entre la vente de forfaits

et l’opération de réseaux.” Dernière solution, et c’est précisément celle qui a été retenue sur ce marché : l’arrivée d’un nouveau concurrent qui possède une infrastructure de réseau, même réduite. Car s’il loue une partie de son réseau à Orange, Free couvre d’après Johan Hombert une grande partie du territoire avec son propre réseau, contre 0 % pour les MVNO. “On est en train de voir que les prix, qui se situaient à un niveau très stable, se sont effondrés brutalement, se réjouit-il. Ce qui se passe confirme les prédictions de notre modèle : seule la présence d’un opérateur qui n’est pas totalement dépendant de ses concurrents crée une vraie situation de concurrence sur le marché.” n

D’après un entretien avec Johan Hombert, professeur de finance, et l’article “Upsteam competition with vertically integrated firms” (Journal of Industrial Economics, vol. 59, no

4, décembre 2011, pp 677-713), co-écrit avec Marc Bourreau, Jérôme Pouyet et Nicolas Schutz.

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Biographie

on y voit enfin plus clair !

Laoucine Kerbache

Kaizen :

Laoucine Kerbache et ses co-auteurs ont procédé à un état des lieux de l’utilisation du concept japonais de Kaizen, considéré comme une clé de la compétitivité des entreprises nippones. Leur recherche les conduit à proposer une classification susceptible d’aider les chercheurs et les managers à utiliser les différentes perspectives et outils du Kaizen à bon escient.

Kaizen, vous avez dit Kaizen ? Ce terme, né de la fusion de deux mots japonais (Kai et Zen qui signifient respec-tivement “changement” et “bon” en japonais), est bien connu dans le monde du management mais pas toujours dans son acception première. “Masaaki Imai l’a défini comme un moyen d’amélioration continue aussi bien au niveau professionnel qu’au niveau personnel et social”, explique Laoucine Kerbache, qui a voulu déterminer ce qu’englobe vraiment le Kaizen, alors qu’il était profes-seur invité à l’ESADE de Barcelone. Considérée comme la clé de la compétitivité des entreprises japonaises depuis les années 80, cette démarche graduelle et douce repose sur des petites améliorations concrètes, simples et peu onéreuses faites au quotidien… constamment.

DU KAIZEN POUR TOUS LES GOÛTSAujourd’hui en entreprise, le Kaizen se décline en une multitude de méthodologies et de techniques telles que les ateliers Gemba-Kaizen, le Lean-Kaizen dans le Six Sigma, le Kaizen Office, le Kaizen Teian, le Kaizen Flash ou le Kaizen Blitz. Devenu populaire en occident, ce dernier vise par exemple un changement radical en peu de temps. “Avec l’adoption du Juste à Temps, du Lean Production et du Six Sigma, les entreprises américaines et européennes ont copié ce concept du Kaizen mais avec beaucoup d’ambiguïtés et d’incohérences, poursuit Laoucine Kerbache. Et l’étude bibliographique que nous avons menée montre bien l’importance de clarifier ce concept, surtout pour le management opérationnel des produits et des services.”

TROIS PERSPECTIVES ET QUELQUES PRINCIPES DIRECTEURSLaoucine Kerbache et ses co-auteurs ont identifié trois perspectives ou visions différentes, qui regroupent chacune un ensemble de principes et techniques. “La première considère le Kaizen comme une philosophie et prône l’amélioration continue pour accroître les performances et amener le progrès au sein des entre-prises, précise-t-il. Dans la deuxième, le Kaizen est plutôt un sous-ensemble du management de la Qualité Totale, qui se concentre sur la réponse aux besoins clients et sur les objectifs organisationnels au niveau de l’entreprise. La troisième est considérée comme un ensemble de méthodologies et de techniques pour réduire le gaspillage. Cette vision est celle développée par le Lean management.” En comparant ces trois perspectives, Laoucine Kerbache et ses co-auteurs ont mis en lumière les nuances du Kaizen mais aussi les chevauchements et les recoupements qui existent et qui sont accentués par l’environnement et la culture. “Au niveau de la mise en œuvre, il y a des choses un peu ’borderline’, dont on ne sait pas si elles relèvent d’une philosophie de management, de la qualité totale ou plutôt d’une méthodologie de type Lean. Du coup, le risque est grand de mélanger les approches et de mettre en place un plan d’action inapproprié, utilisant des outils inopérants. C’est le cas dans la plupart des échecs que nous avons relevés, surtout lors de l’utili-sation du Kaizen comme élément d’accompagnement d’un changement brutal.”

Laoucine Kerbache a rejoint HEC Paris en 2000 après avoir enseigné et assumé diverses responsabilités à l’ESC-Rennes et dans d’autres institutions à l’étranger. Il est titulaire d’un PhD, d’un Master of Science et d’un diplôme d’ingénieur en Génie Industriel et Recherche Opérationnelle de l’Université du Massachusetts (États-Unis).

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applications pour l’entreprise

Le travail de Laoucine Kerbache et ses co-auteurs a

conduit à une classification du Kaizen qui peut être

utile, aussi bien aux chercheurs, qu’aux managers

qui introduisent ou développent le Kaizen dans leur

entreprise, quelle que soit sa taille. “Cela va leur

permettre de déterminer quelle approche Kaizen adopter

pour accompagner le changement, explique-t-il. Ça aide

à identifier les bons outils et à ne pas se lancer dans

le Kaizen à tort et à travers. Nous voulons par exemple

sensibiliser les dirigeants au risque d’utiliser l’artillerie

lourde du Kaizen (Six Sigma, Lean etc.) pour introduire

des améliorations à petits pas, alors que ces outils sont

plutôt conçus pour accompagner un changement brutal, à

court terme, du type introduction de l’innovation.”

méthodologie

Les chercheurs ont effectué une étude bibliographique très exhaustive aussi bien sur des bases de données que des articles et des ouvrages écrits pas des chercheurs ou des praticiens, experts du Kaizen. Ils ont ensuite méthodiquement analysé et catégorisé toute la littérature relative au Kaizen, qu’ils ont regroupée au sein de trois perspectives différentes.

Dans le Kaizen, il

est essentiel de

responsabiliser et

de faire participer tout le

monde.

hecrecherche

DES ÉCHECS QUI S’EXPLIQUENTQuand il est bien compris et bien maîtrisé, le Kaizen peut donner des résultats exceptionnels comme c’est le cas de nombreuses entreprises des secteurs agroa-limentaire, textile et automobile. Le cas le plus emblé-matique est celui de Toyota, mais des entreprises telles Honda et Mazda en ont également tiré profit. Pourquoi certaines entreprises occidentales comme Chrysler ont-elles alors eu énormément de difficultés à tirer profit du Kaizen ? “Les résultats obtenus par la mise en œuvre du Kaizen dans cette entreprise ont été glo-balement décevants parce que la méthode a été mise en œuvre de manière partielle. L’accompagnement du changement s’est fait en prenant seulement une partie des outils nécessaires du Kaizen. À titre d’exemple, les ouvriers travaillant sur les machines et les chaînes d’assemblage ont peu été sensibilisés et sollicités pour le projet de transformation. Or, dans le Kaizen, il est essentiel de responsabiliser et de faire participer tout le monde, y compris les opérateurs et ouvriers spécialisés. C’est là que la plupart des améliorations se matérialisent. Si on adopte une approche ’top-down’ (pilotage directif) du Kaizen, ça ne marchera pas.” D’ailleurs, puisque la démarche ’bottom-up’ (pilotage participatif) est souvent pratiquée dans les TPE et les PME, les auteurs s’étonnent que le Kaizen ne soit pas plus répandu dans ces entreprises. n

D’après un entretien avec Laoucine Kerbache, professeur de Supply Chain Management au sein du département Mana-

gement des Opérations & Systèmes d’Information, Doyen Associé et Directeur du doctorat HEC, et l’article “Thoughts on kaizen and its evolution: Three different perspectives and guiding principles” (International Journal of Lean Six Sigma, vol. 2, no. 4, pp 288-308, 2011), co-écrit avec Manuel F. Suárez-Barraza et Juan Ramis-Pujol.

Les articles de recherche

marketing

Biographie

impact de la culture de la performance

Dominique Rouziès

Gestion des équipes commerciales internationales :

Alors que les forces de vente internationales se multiplient, la question de la standardisation de leur gestion se pose avec de plus en plus d’acuité. Les recherches de Dominique Rouziès, Vincent Onyemah et Nikolaos Panagopoulos indiquent pourtant que l’efficacité des systèmes de pilotage de ces acteurs clés dépend fortement de chaque contexte culturel national !

Principal moyen de promotion des ventes, les commer-ciaux représentent un enjeu majeur pour l’entreprise. En effet, à la frontière entre l’organisation et les clients, cette population d’employés joue un rôle clé en matière de performance. “On en parle peu, surtout en France. Pourtant, sans les commerciaux, dans la plupart des cas, il n’y a pas de business”, explique Dominique Rou-ziès. Et c’est une population d’autant plus intéressante à étudier qu’elle fait l’objet de demandes parfois contra-dictoires de la part des Directions Commerciales et des clients, créant ainsi un stress difficile à gérer. “Ils sont à la fois ambassadeurs de leur entreprise pour leurs clients et ambassadeurs de leurs clients au sein de leur entreprise. Ils doivent en effet non seulement répondre aux attentes croissantes des clients, mais également s’assurer ensuite dans leur propre entreprise que les promesses faites seront honorées. Et ce, dans un contexte où le nombre de personnes impliquées dans le processus de vente a augmenté significativement et s’est par ailleurs internationalisé.” Comment optimiser le système de pilotage des équipes commerciales (ensembles de procédures qui permettent d’aligner, d’orienter, d’évaluer et de rémunérer)?

DES FORCES DE VENTE INTERNATIONALES Dans cet article, Dominique Rouziès, Vincent Onye-mah et Nikolaos Panagopoulos essaient de détermi-ner l’impact des systèmes de pilotage – que nombre d’entreprises standardisent – sur le comportement des équipes commerciales et leur performance. “Nous nous

sommes intéressés à la gestion des commerciaux dans les environnements internationaux, car il y a de plus en plus d’entreprises qui ont des forces commerciales chargées de clients dispersés à travers le monde, poursuit Dominique Rouziès. Il y a généralement des différences assez prononcées d’un pays à l’autre, ce qui fait que lorsqu’on essaie de standardiser, on se retrouve confronté à de nombreuses difficultés. Cela pose des questions auxquelles la recherche n’a pas encore apporté de beaucoup de réponses.”

L’IMPORTANCE DU CONTEXTE NATIONAL Les auteurs examinent l’influence de plusieurs cultures nationales sur la manière dont les systèmes de pilotage de la force de vente impactent le comportement et la satisfaction des commerciaux. “En forçant le trait, on peut dire qu’il existe deux philosophies : le pilotage par les résultats et celui par les activités/comportements, explique Dominique Rouziès. Dans le premier cas, peu importe la façon de travailler, seule compte l’atteinte des objectifs. Dans le deuxième cas, peu importe l’objec-tif, seule compte la façon de travailler.” Ils montrent alors que la culture nationale a un effet important sur la façon dont les commerciaux s’investissent. Les résul-tats suggèrent ainsi que plus l’entreprise s’attache à contrôler les comportements des commerciaux, moins ils prêtent attention à leurs clients et plus ils se concentrent sur leurs supérieurs hiérarchiques et leurs tâches administratives. “Ce ne sont pas les clients qui les évaluent, mais leurs directions. Les commerciaux

Titulaire d’un doctorat de l’Université McGill (Canada), où elle a enseigné auparavant, et d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) de l’Université d’Aix Marseille, Dominique Rouziès est professeur au sein du département Marketing d’HEC Paris. Elle est Directrice Scientifique du Mastère Intelligence Marketing et de l’Executive Mastère Direction Marketing et Stratégie Commerciale. Ses travaux de recherche portent principalement sur le marketing stratégique et la gestion des équipes commerciales.

hecrecherche

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applications pour l’entreprise

La mise en évidence du mécanisme d’obtention de

comportements des commerciaux alignés sur les objectifs

de l’entreprise dans un environnement international

constitue un apport important. En analysant l’influence clé

de la dimension culturelle, Dominique Rouziès, Vincent

Onyemah et Nikolaos Panagopoulos montrent comment

les entreprises ont tendance à créer les conditions

contreproductives où leurs équipes commerciales

privilégient leur boss plutôt que leurs clients. Les

chercheurs ouvrent par ailleurs la voie à de nouveaux

travaux, notamment pour mieux comprendre quelles sont

les conditions qui peuvent conduire les commerciaux les

plus précieux à quitter leur entreprise.

méthodologie

Dominique Rouziès, Vincent Onyemah et Nikolaos Panagopoulos ont tout d’abord mis en évidence les stratégies comportementales et la satisfaction des commerciaux en fonction des différents systèmes de pilotage possibles. Ils ont ensuite effectué des analyses de régression linéaire multiniveaux sur des données primaires obtenues auprès de 1 049 commerciaux dans six pays différents (France, Irlande, Italie, Espagne, Grande-Bretagne, États-Unis), et des données secondaires issues d’études sur les cultures nationales. Objectif : tester différentes hypothèses quant à l’influence des systèmes de pilotage sur les commerciaux dans un contexte international.

Dans le cas d’un

pilotage par

les résultats,

les commerciaux se

préoccupent davantage de

leurs clients et moins de

leur hiérarchie.

hecrecherche

gèrent alors plus leur relation avec leur boss que celles avec leurs clients, et les objectifs des entreprises ne sont pas atteints.” À l’inverse, dans le cas d’un pilotage par les résultats, les commerciaux se préoccupent davantage de leurs clients et moins de leur hiérarchie ou des tâches administratives.

DES COMMERCIAUX PLUS SATISFAITS ! L’importance accordée à la performance dans une culture nationale (la façon dont l’innovation, l’excellence et l’amélioration des performances sont encouragées et récompensées) semble atténuer de façon considérable certains effets pervers du pilotage (comme le fait qu’un commercial se préoccupe davantage de son boss que de ses clients). Elle semble même augmenter la satisfac-tion des commerciaux dans le cas d’un pilotage fondé sur le contrôle des comportements. Un phénomène non négligeable: “D’après une récente étude, les taux de rotation des commerciaux sont de l’ordre de 12 à 15 %, précise Dominique Rouziès. C’est un problème sérieux et coûteux: coûts d’opportunité, de sélection, de recrutement, de formation, etc.” La satisfaction des commerciaux est d’autant plus cruciale pour les entreprises que le départ imminent des “baby-boo-mers” fait peser sur les directions commerciales la menace d’une pénurie de main-d’œuvre expérimentée.

À LA RECHERCHE DE L’ÉQUILIBRE Qu’ils adoptent un système de pilotage des activités ou des résultats, les directeurs commerciaux de mul-

tinationales sont confrontés à un dilemme: s’ils s’ap-puient sur les comportements, les clients seront sans doute moins bien suivis; s’ils privilégient le pilotage par les résultats, les commerciaux négligeront leurs supérieurs hiérarchiques et pourront potentiellement s’avérer moins loyaux envers leur entreprise. Domi-nique Rouziès montre par ailleurs que ces deux effets sont plus prononcés dans des pays où l’on privilégie la performance. “Il faut trouver un juste milieu, estime la chercheuse. Les organisations doivent développer des systèmes de pilotage hybrides afin d’avoir des commerciaux plus satisfaits, et donc plus productifs, ainsi qu’une entreprise plus compétitive.” n

D’après un entretien avec Dominique Rouziès et l’article “How HRM Control Affects BoundarySpanning Employees: Behavioural Strategies and Satisfaction: The Moderating Impact of Cultural Performance Orientation” (The International Journal of Human Resource Management, 2010, vol. 21, no 11, pp. 1951-1975), co-écrit avec Vincent Onyemah et Nikolaos G. Panagopoulos.

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Biographie

comment se propagent-elles, comment les combattre ?

David Dubois

Rumeurs :

Comment des rumeurs initialement teintées d’incertitude, et qui devraient donc être traitées par les consommateurs avec scepticisme, prennent-elles autant d’ampleur ? Les travaux de David Dubois et de ses co-auteurs montrent que l’incertitude originelle du consommateur visàvis d’une rumeur se perd durant la transmission de l’information d’un consommateur à un autre.

En octobre 2008, une rumeur selon laquelle le PDG d’Apple, Steve Jobs, aurait eu une crise cardiaque s’est rapidement répandue parmi les investisseurs. Conséquence : une chute de neuf milliards de dollars en bourse ! Plus récemment, une rumeur selon laquelle un message en vitrine d’un restaurant McDonald’s annon-çait que les personnes de couleur devraient désormais payer un dollar cinquante de plus que les autres pour être servies, a créé un déferlement de réactions sur Twitter. “Ces deux exemples illustrent que l’explosion récente de nouveaux médias comme les blogs, les forums ou des sites tels Facebook ou Twitter favorisent l’émergence et la diffusion de rumeurs. Aujourd’hui plus que jamais, les organisations visées se doivent de comprendre ces phénomènes et d’y apporter des réponses précises, rapides et stratégiques”, explique David Dubois.

COMMENT CERTAINES RUMEURS DEVIENNENT DES FAITS Les auteurs étudient la manière dont les rumeurs se propagent en se basant sur les résultats d’une série d’expérimentations visant à comprendre la manière dont l’information se transmet d’un consommateur à un autre. Dans l’une d’elles, des participants devaient communiquer à d’autres une information selon laquelle un restaurant utilisait de la viande de vers de terre dans ses hamburgers. Cette information mentionnait aussi que la source du message n’était pas sûre de sa véracité. Les résultats révélèrent que si la croyance

persistait, l’incertitude initiale se dissipait au fur et à mesure de sa transmission. Ainsi, de nombreux par-ticipants en bout de chaîne affirmèrent qu’ils n’iraient plus jamais dans ce restaurant. À mesure qu’elles sont diffusées, les rumeurs deviennent de plus en plus factuelles. “La perte de l’incertitude initiale vis-à-vis de l’information pousse les consommateurs à agir comme si la rumeur était vraie et à adopter un comportement pouvant coûter énormément aux marques en termes d’image”, insiste David Dubois.

COMBATTRE LA RUMEUR ! Pour les managers, la question essentielle est de savoir comment combattre les rumeurs préjudiciables et en atténuer les effets négatifs. Une première possibilité consiste à nier la rumeur. Largement utilisée (notam-ment dans l’exemple de McDonald’s), cette réponse est aussi susceptible de renforcer l’association entre la marque et la rumeur en alertant des consomma-teurs qui n’en avaient pas connaissance. “Nous avons constaté que les consommateurs n’étaient pas davan-tage enclins à manger dans un restaurant soupçonné d’utiliser des vers de terre quand le restaurant niait la rumeur que lorsqu’il ne faisait rien”, poursuit David Dubois. Plus efficace, mais généralement difficile à mettre en place : la stratégie de réassociation qui consiste à introduire un signal positif (par exemple, en expliquant que certains chefs réputés utilisent parfois les vers de terre). Mais d’après David Dubois, la meilleure solution consiste à mettre en doute la

David Dubois a rejoint HEC Paris en septembre 2011 après un doctorat en marketing de la Kellogg School of Management de Northwestern University (Chicago). Il est également diplômé d’Audencia Nantes Ecole de Management (Master en Management). Ses recherches portent sur divers aspects du comportement du consommateur (psychologie du pouvoir, influence sociale, bouche-à-oreille) et du marketing stratégique (stratégies de luxe, marketing politique, compétition et innovations).

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applications pour l’entreprise

Les résultats des recherches de David Dubois et de

ses co-auteurs sont importants en premier lieu pour

le management des rumeurs : ils offrent une grille de

lecture pour comprendre comment les rumeurs naissent

et se diffusent, et aident aussi à les combattre en

proposant une batterie de réponses adaptées permettant

aux entreprises de savoir comment réagir rapidement

et efficacement lorsque leur image est attaquée. Par

ailleurs, ces travaux ont une importance particulière pour

les sites de vente en ligne. Compte tenu de l’effet de la

certitude sur le comportement, ces entreprises auraient

tout intérêt à partager le niveau de certitude (noté) de

leurs clients avec les futurs acheteurs potentiels.

méthodologie

Les auteurs commencent par une étude extensive de la littérature sur la transmission de l’information en management, psychologie et sociologie. Ils introduisent ensuite une distinction clé entre deux types d’informations susceptibles d’être transmises : les croyances des individus (une attitude envers une marque ou un fait qu’ils croient avéré) et le sentiment de certitude ou d’incertitude associé à ces croyances. Les auteurs étudient alors au travers d’une série d’expérimentations comment les individus distinguent et transmettent ces différents types d’information.

La perte de

l’incertitude

initiale vis-à-vis

de l’information pousse

les consommateurs à agir

comme si la rumeur était

vraie.

hecrecherche

véracité de la rumeur de façon directe : “Demandez aux consommateurs d’où elle vient, si la source en était sûre, et mettez-les au défi de la prouver.”

COMMENT FAVORISER LE BOUCHE À OREILLE POSITIF Ces travaux sur la transmission de l’information ont des implications pour un autre phénomène tout aussi important : le bouche-à-oreille. En effet, comme dans le cas de l’incertitude associée à une croyance, la certitude exprimée peut se perdre pendant la trans-mission. Lors d’une autre expérimentation, des par-ticipants devaient se transmettre un message positif à propos d’un hôtel. David Dubois et ses co-auteurs ont alors observé que les intentions des consom-mateurs de réserver une chambre dans cet hôtel diminuaient à mesure que la certitude exprimée se dissipait. Pour remédier a ce problème, notamment sur Internet, une autre étude montre que les entre-prises ont intérêt à créer un système de notation qui permette aux consommateurs de faire part de leur certitude quand ils partagent avec d’autres une opi-nion favorable concernant une marque. Ce procédé est d’ailleurs de plus en plus utilisé par les sites de vente en ligne. “Nous avons constaté que les consom-mateurs étaient plus susceptibles de prendre pour argent comptant une évaluation favorable quand la confiance de l’évaluateur était mise en exergue”, conclut David Dubois. n

D’après un entretien avec David Dubois et l’article “From Rumors to Facts and Facts to Rumors: The Role of Certainty Decay in Consumer Communications” de D. Dubois, D. Rucker et Z. Tormala, à paraître en décembre 2011 dans Journal of Marketing Research.

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Biographie

Bruno Kocher

Redesigner son logo pour rajeunir l’image de sa marque

Tout comme les êtres vivants, les marques vieillissent ! Alors, pour se redonner un coup de jeune, les entreprises se tournent vers l’élément le plus malléable de leur identité visuelle : leur logo. Bruno Kocher s’est penché sur l’impact de différents facteurs entrant dans le relooking d’un logo et montre que ce sont l’esthétique et la familiarité qui influencent le plus les consommateurs.

Étymologiquement, un logo est une “inscription qui parle” (logotype) – et il peut en dire long ! Le savant mélange de couleurs, la typographie, le design évoquent le dynamisme, l’innovation ou au contraire la nostalgie d’une époque révolue. Rien d’étonnant donc à ce que les entreprises se soucient d’adapter en permanence leur logo, l’élément le plus fort de leur identité visuelle, à l’air du temps. “En effet, souligne Bruno Kocher, un logo est souvent créé en même temps qu’une entreprise ou une marque – il y a plus de 110 ans, pour le Bibendum de Michelin – et donc, comme un être humain, il vieillit !” Lorsque les tendances en matière de graphisme ou de mix de couleurs évoluent, un logo paraît vite démodé et l’image de la marque peut en pâtir. Dans ce cas, souligne le chercheur, le logo est le seul élément de l’identité visuelle qui peut être facilement changé : “On ne change pas le nom d’une marque, même s’il y a bien sûr des exceptions, comme Andersen Consul-ting devenant Accenture.” Mais quel est l’impact des logos sur le rajeunissement de l’identité visuelle des marques? C’est à cette question que se sont intéres-sés Bruno Kocher, Brigitte Müller et Antoine Crettaz.

ÉVOLUTION DOUCE OU RELOOKING RADICAL? En matière de relooking, la croyance populaire est qu’il faut y aller petit à petit, pour ne pas perdre les consommateurs actuels. Mais Bruno Kocher et ses collègues, notant l’absence d’études sur le sujet, ont questionné cette hypothèse : un changement radi-

cal pourrait au contraire “marquer le coup” et avoir un impact plus fort. Ils ont donc soumis à un panel d’étudiants quatre logos avant-après : deux ayant subi un simple relooking (notamment la pomme d’Apple passée de colorée à grise); deux autres ayant connu un changement radical (Visa et les fenêtres volantes de Windows). De manière générale, le nouveau logo est perçu comme étant plus moderne, donc un changement est bel et bien efficace en termes de rajeunissement. “Mais les résultats sont mitigés en ce qui concerne l’amplitude dudit changement qui dépend aussi de la catégorie de produit”, tempère Bruno Kocher. Sans compter d’autres paramètres (stratégie marketing, innovation produit) qui peuvent influencer les partici-pants lorsqu’ils évaluent la modernité d’une marque.

PRIVILÉGIER L’ESTHÉTIQUE ET LA FAMILIARITÉ La seconde partie de l’étude porte sur les facteurs qui entrent en jeu dans la perception du logo par les consommateurs qui, à son tour, influence la fidélité vis-à-vis d’une marque… et donc ses parts de marché. Là, les résultats sont nettement plus clairs : la complexité du design et la pertinence des logos par rapport au message n’ont pas d’effets significatifs. En revanche, l’esthétique et la familiarité expliquent à hauteur de 69 % la perception des logos par les consommateurs. Comment rendre un logo plus attractif ? En misant sur l’esthétique : mener un travail soigné sur les couleurs, mais aussi sur le personnage qui incarne la marque (le

Bruno Kocher est professeur de marketing à HEC et dans le cadre de ses recherches, s’intéresse particulièrement à la gestion de marque et aux stratégies publicitaires. Il a fait ses études de management à l’Université de Lausanne en Suisse, de la licence jusqu’à la thèse, puis en 2009 a effectué un post-doctorat à la City University de New York.

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applications pour l’entreprise

Puisque les consommateurs apprécient l’esthétique et

la familiarité d’un logo, le premier conseil que donne

Bruno Kocher aux entreprises cherchant à rajeunir leur

identité visuelle est de se focaliser sur ces deux facteurs.

“L’idéal est de créer cinq à dix logos, et de les tester en

fonction de l’image que l’on veut communiquer. Il existe

de nombreux travaux qui expliquent quels éléments de

couleur ou de typographie incorporer pour suggérer

le dynamisme ou la douceur, par exemple. Il n’est pas

non plus inutile de regarder ce que fait la concurrence,

histoire d’être identifié à la bonne catégorie de produits,

tout en se démarquant suffisamment. Un autre élément

à prendre en compte est le timing : le moment est•il bien

choisi pour changer, ou va-t-il falloir recommencer dans

deux ans ? Enfin, un facteur connu mais souvent négligé :

le contexte culturel. Si une marque étend son activité à

des pays différents, les dirigeants doivent être conscients

de la façon dont un logo risque d’être perçu!” Un exemple

classique est la couleur blanche, symbole de pureté et

d’innocence dans le monde occidental, mais couleur de

deuil au Japon.

méthodologie

Les auteurs de l’étude, menée en Suisse, ont choisi quatre entreprises bien identifiées: Apple et Windows dans le secteur informatique, Visa et BCV (la Banque Cantonale Vaudoise) dans le secteur financier. Ils ont présenté leurs logos – nouveaux et anciens – à un panel de 385 étudiants, qui devaient évaluer la modernité de la marque au vu de ces logos. L’étude visait aussi à identifier les caractéristiques du logo (esthétique, complexité, pertinence...) qui influent sur la perception de la marque.

L’esthétique et

la familiarité

expliquent à

hauteur de 69 % la

perception des logos par

les consommateurs.

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cas échéant). Ainsi, la marque américaine de céréales Kellogg’s a progressivement rendu plus musclée sa mascotte Tony le Tigre pour le rendre plus conforme aux canons de beauté en vigueur... et surtout éviter de l’associer à l’obésité ! Quant à la familiarité, elle est décisive pour qu’un consommateur reconnaisse la marque parmi les autres produits dans les rayons d’un supermarché. “La difficulté pour une marque est de se montrer distinctive tout en étant bel et bien associée à sa catégorie de produits, explique Bruno Kocher. En effet, il existe certaines conventions esthétiques pour chaque type de bien (par exemple le noir et le doré pour le luxe) qui peuvent alimenter la confusion entre plusieurs marques.”

UN PARI COÛTEUX Mais se démarquer du lot n’est pas la seule difficulté pour une marque désireuse de dépoussiérer son logo. Modifier un logo, pour une grande entreprise, est en effet un projet très onéreux. En plus du redesign lui-même, qui peut se chiffrer à des centaines de milliers d’euros, il faut penser à implémenter le changement dans tous les endroits où apparaît le logo : “cartes de visite, papier à en-tête, bâches de camion, enseignes de magasin, siège social, énumère Bruno Kocher – et cela représente des dépenses considérables, ainsi qu’une logistique à mettre en place”. Ce qui est d’autant plus complexe que le renouvellement d’un logo n’est pas si fréquent et les managers manquent donc géné-ralement d’expertise dans le domaine. Face à un tel

investissement, il est parfois plus stratégique pour une entreprise de laisser un logo vieillissant mourir de sa belle mort... ou tout simplement de conserver son look vieillot – que l’on rebaptisera “rétro” – pour jouer sur un effet de nostalgie. n

D’après un entretien avec Bruno Kocher et l’article "The effects of visual rejuvenation through brand logos" co-écrit avec Brigitte Müller et Antoine Crettaz, Journal of Business Research, 2011.

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Biographie

Selin Atalay

Consommateurs :pourquoi les préfèrent-ils le centre d’un linéaire ?

Plusieurs études ont montré que les produits qui occupent le centre des linéaires dans les supermarchés ont plus de chances d’atterrir dans le caddie des consommateurs que ceux qui sont excentrés. Selin Atalay, Onur Bodur et Dina Rasolofoarison ont exploré les mécanismes qui expliquent cette préférence et montrent que l’effet de “centralité horizontale” est lié à l’attention visuelle et non à des inférences conscientes au sujet des produits.

Que ce soit pour sélectionner des vêtements sur un portant, les plats d’un buffet ou un film sur un site Internet, les consommateurs ont toujours à choisir parmi un ensemble d’options présentées horizontale-ment. Dans cette configuration, le choix de l’acheteur se porte généralement sur l’article placé au centre du plan horizontal : le snack en plein milieu du distributeur automatique, les toilettes du centre de la rangée, etc. Cette tendance, la “centralité horizontale”, est bien connue et elle intéresse au plus haut point les mer-chandiseurs. Mais Selin Atalay et ses co-auteurs ont voulu aller plus loin et comprendre pourquoi le produit du milieu obtient la préférence. “La littérature existante reste spéculative ou contradictoire dans ses explica-tions. Certains courants de recherche arguent que l’offre occupant le centre obtient une attention supé-rieure, tandis que d’autres soutiennent le contraire. Nous avons réconcilié ces deux orientations en nous penchant sur les mécanismes en jeu.”

ATTENTION VISUELLE ET CHOIXLes chercheurs ont décidé d’analyser précisément ce qu’observaient les sujets de leurs études et sont arrivés, en décomposant à la milliseconde leurs mouvements oculaires, à la conclusion que la centralité horizontale est corrélée à l’attention visuelle (la fixation des yeux sur un objet). Ils ont pu constater que les participants qui devaient sélectionner un produit dans les linéaires virtuels regardaient plus et plus longtemps les articles au centre des présentoirs, et les préféraient dans

45,3 % des cas à ceux disposés sur les côtés. Il n’y a rien de surprenant à ce que nos yeux se portent sur le centre de toute scène nouvelle. “Biologiquement, il y a un plus grand confort oculaire à diriger son regard droit devant, c’est ce qu’on appelle l’orbital reserve, explique Selin Atalay. C’est en outre le meilleur moyen pour tirer le maximum de son champ visuel, en laissant la vision périphérique saisir le reste de l’information.” L’examen détaillé des séquences de mouvements ocu-laires a cependant montré que le véritable prédicteur du choix n’est pas le regard initial au centre, presque systématique, mais les derniers instants du processus visuel, juste avant la finalisation de la décision.

LES MÉCANISMES QUI SIMPLIFIENT LE CHOIXReste maintenant à savoir si les consommateurs regardent plus l’article qu’ils ont choisi ou le choi-sissent parce qu’ils l’ont plus regardé… L’étude ne tranche pas sur la nature du lien de cause à effet, et Selin Atalay admet la validité des deux hypothèses. “Si l’évaluation des options est ’leader-focused’, l’attention du consommateur se concentre sur sa préférence pour s’assurer en prenant plus d’informations que l’option répond à ses besoins (’oh, ce gâteau au chocolat a l’air bon’); tandis qu’une évaluation ’leader-driven’ signifie une recherche d’informations supplémentaires pour différencier l’option préférée des autres, dans une optique limitée de confirmation d’hypothèse (’il y a moins de crème sur le gâteau d’à côté’) afin d’appuyer le

Selin Atalay enseigne la psychologie des processus de décision et le design expérimental à HEC depuis 2008. Elle a étudié la psychologie à l’université Boğaziçi d’Istanbul en Turquie et à l’université de Denver aux États-Unis avant d’obtenir un doctorat en marketing avec une mineure en psychologie sociale de Pennsylvania State University.

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applications pour l’entreprise

Les certitudes des merchandiseurs sur ce qui a toujours

été considéré comme le meilleur espace alloué aux

produits – les rayons situés à portée de main des

consommateurs, à hauteur d’yeux et de genoux –,

méritent d’être révisées, affirme Selin Atalay. Les

managers doivent prendre en compte le biais de centralité

horizontale dans la disposition des produits, un biais

si prégnant qu’il peut l’emporter sur l’effet rassurant

de familiarité à la marque, et bien comprendre que la

centralité joue un rôle crucial dans chaque catégorie de

produits, pas seulement à l’échelle du linéaire. Quelles

sont les perspectives pour les marques qui ne sont pas en

position de se faire une place au centre ? Vu l’importance

de l’attention visuelle, il faut trouver des moyens de

rivaliser avec les marques mieux placées pour attirer l’œil

des acheteurs – et c’est à cette question que Selin Atalay

et son équipe ont décidé de consacrer leurs prochaines

recherches !

méthodologie

Deux études ont porté sur respectivement 67 et 64 étudiants de premier cycle à HEC Paris, à qui il a été demandé de choisir entre neufs vitamines et substituts de repas de marques fictives sur des présentoirs virtuels (l’un placé au centre de l’écran et l’autre excentré), afin d’analyser leurs mouvements oculaires et d’observer où se portait leur regard et pour combien de temps. Une autre étude a également porté sur un échantillon de 84 étudiants de premier cycle de l’université Concordia à Montréal qui devaient choisir entre une variété de boissons énergisantes de marques fictives disposées cette fois sur un linéaire physique.

Ce sont les

derniers instants

du processus

visuel, juste avant la

finalisation de la décision,

qui prédisent le choix.

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choix.”Dans les deux cas, quand les participants ont élu un produit, ils sont généralement capables ensuite de justifier leur préférence en se remémorant ses attributs positifs (un supplément de crème) – habile gymnas-tique de l’esprit pour affirmer sa rationalité et éviter la “dissonance cognitive” (opter pour l’autre gâteau alors qu’on adore la crème). Mais dans le cas de notre expérience, ils n’ont pourtant pas été en mesure de se rappeler les qualités majeures de la vitamine ou de la boisson choisie quand il leur a été demandé de faire appel à leur mémoire consciente. “Mon intuition me dit qu’il s’agit d’un processus de recherche d’information différent, et non-conscient”, remarque la chercheuse. Quoi qu’il en soit, ce biais de centralité inconscient est essentiellement un mécanisme de simplification cognitive, une des manières pour le cerveau de se conforter dans ses prises de décision. “Et de fait, plus le nombre d’options à évaluer sera grand plus le choix sera difficile et plus le biais sera prononcé.”

LA MULTIPLICITÉ DU CENTREFaut-il user d’instruments de géomètre pour placer au millimètre près tel ou tel produit au centre exact d’un linéaire pour que les acheteurs se l’arrachent ? Ce n’est évidemment pas si simple. “Il y a plusieurs définitions possibles du centre, souligne Selin Atalay. Cela peut être le produit au centre d’une série d’articles à chiffre impair, ou bien la zone centrale dans une disposition paire, mais l’effet de centralité se retrouve dans diverses configurations.” Surtout, ce n’est pas le

centre géométrique du rayonnage, du portant ou de la table de buffet qui compte, mais le centre de la série de produits d’une catégorie donnée. Les études l’ont montré : la canette de boisson énergisante privilégiée par les consommateurs n’est pas celle qui séparait nettement leur champ visuel en deux moitiés égales, malgré notre penchant reconnu pour la symétrie, mais plutôt celle placée au centre d’une catégorie de pro-duits, même si elle se trouvait excentrée par rapport au milieu de l’écran d’ordinateur ou du linéaire (comme c’était le cas dans deux des trois expériences menées par l’équipe de chercheurs). Et le nombre exponentiel de catégories et de sous-catégories de produits pro-posés sur le marché complique encore plus la donne (pensez aux variétés pléthoriques de produits pour cheveux), l’agencement de chaque nouveau segment admettant son propre centre… n

D’après un entretien avec Selin Atalay et l’article “Shining in the Center: Central Gaze Cascade Effect on Product Choice” (Journal of Consumer Research, à paraître), co-écrit avec Onur Bodur et Dina Rasolofoarison.

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Biographie

Joseph Lajos

Recommandations en ligne :quels sont les risques ?

Pour faire leurs choix parmi une offre en ligne illimitée, les internautes se voient de plus en plus recommander des produits par les sites Web, grâce à des systèmes qui recueillent des informations sur l’utilisateur afin de lui faire des suggestions en fonction de son profil. Joseph Lajos s’est penché sur les dangers insoupçonnés de ces outils...

“Nous avons assisté ces dix dernières années à une explosion de l’offre dans presque chaque catégorie de produits sur le marché, et particulièrement en ligne”, remarque Joseph Lajos. Par conséquent, les sites Web proposent de plus en plus des recommandations de produits pour aider leurs clients à choisir. Des recom-mandations générées électroniquement à partir de données relatives aux avis et comportements d’achats d’autres utilisateurs aux préférences similaires, ou bien en sollicitant auprès des acheteurs des informations sur l’usage qu’ils veulent faire des produits et les caractéris-tiques les plus importantes pour eux. Quel est le degré d’efficacité de ces outils ? Quels en sont les dangers ?

SYSTÈMES DE RECOMMANDATIONS ET NIVEAUX DE SATISFACTIONDes recherches antérieures ont démontré la grande efficacité des recommandations pour aider les inter-nautes à identifier les produits les plus achetés, et le plaisir plus grand associé au processus de choix quand ces outils sont utilisés. “Mais jusqu’à présent, il n’a pas vraiment été question d’étudier comment ces systèmes de recommandation influent sur le degré de satisfaction final des consommateurs, développe Joseph Lajos. C’est l’objet de notre recherche.” Ce travail s’est appuyé sur les conclusions du chercheur en psychologie sociale Timothy Wilson concernant la moindre satisfaction potentiellement liée à un “excès d’analyse” dans la prise de décision. “Nous avons

transposé cet axe de recherche de la psychologie au marketing en espérant obtenir les mêmes résultats mais avec une interprétation du compromis entre les éléments hédoniste (émotions et plaisir) et utilitariste (fonctionnalité).” L’équipe est partie de l’hypothèse que le filtrage actif (demander à l’internaute l’utili-sation qu’il compte faire du produit et ses caractéris-tiques les plus significatives) conduit les acheteurs à faire des choix plus utilitaristes qu’ils ne le feraient spontanément – et peut-être à regretter ensuite ces choix, une fois leur ordre de priorités “normalisé”.

LES SYSTÈMES DE RECOMMANDATION SOUS L’ŒIL DES CHERCHEURS“Nous avons défini cinq expériences pour tester nos hypothèses, dont la plus simple et la plus réaliste a porté sur une catégorie de produits intéressante pour l’équilibre entre ’facteur de plaisir’ et ’fonctionnalité’ qui intervient dans le choix : les barres énergétiques.” Les chercheurs ont créé un faux site Web baptisé Nutrition Zone, et proposé à la vente huit marques fictives de barres énergétiques, avec deux éléments “hédonistes-émotionnels” (packaging et photos de personnes censées représenter la marque ) et deux éléments “utilitaristes” (informations nutritionnelles et liste d’ingrédients). Quatre des marques étaient visuellement attractives avec à l’inverse de faibles qualités nutritionnelles, quatre avaient peu d’atouts esthétiques mais un fort intérêt nutritionnel.

Joseph Lajos est professeur à HEC Paris où il enseigne le marketing dans les programmes du MBA et l’analyse du comportement du consommateur dans le programme doctoral. Ses recherches portent actuellement sur le comportement du consommateur, le commerce électronique et les produits hybrides. Joseph Lajos est titulaire d’un doctorat en management de l’INSEAD.

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applications pour l’entreprise

Ces recherches plaident en faveur d’une bonne

compréhension par les marketeurs des compromis entre

principes de plaisir et d’utilité que font généralement les

consommateurs de leurs marchés cibles. “Si un produit

fait appel au registre émotionnel, et que vous utilisez

un système de recommandation qui mise sur son utilité,

les consommateurs achèteront peut-être vos produits

à court terme, mais seront moins susceptibles de les

recommander et de réitérer l’achat.” Les marketeurs

qui doivent absolument utiliser un filtrage basé sur le

contenu peuvent tenter de déjouer les biais en formulant

des questions qui reflètent les priorités globales de

l’utilisateur, ajoute Joseph Lajos. “Il est important de

réfléchir à des solutions pour atténuer ces effets.”

méthodologie

Pour garantir le contrôle de la variation des paramètres, un groupe de participants a reçu, après avoir répondu aux questions permettant le filtrage, un message d’erreur stipulant que la fonction recommandation ne fonctionnait pas. Ces participants ont eux aussi, à l’instar du groupe de contrôle n’ayant pas du tout interagi avec le système de recommandations, fait des choix plus utilitaristes et se sont montrés par la suite moins satisfaits des produits choisis : ce qui montre que les effets observés n’ont pas été induits par les recommandations elles-mêmes.

Répondre aux

questions

destinées à extraire

les recommandations

oriente les participants

vers des choix plus

utilitaristes.

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DES CHOIX CONDITIONNÉS À LA FONCTIONNALITÉLes participants de l’étude ont été recrutés dans la rue et divisés en deux groupes. Convaincus de naviguer sur un vrai site, les sujets du groupe de contrôle ont dû faire leur choix entre les huit marques présen-tées dans un ordre aléatoire en cliquant sur chacune pour avoir accès aux descriptifs (photos, informations nutritionnelles, etc.) sans aucune mention d’avis, de classement ou d’informations supplémentaires. Le deuxième groupe a répondu à des questions destinées à extraire des recommandations et les marques ont ensuite été présentées selon les préférences définies par les données collectées. Au final, les choix du second groupe ont privilégié les marques à dimension fonc-tionnelle, et confirmé l’hypothèse de départ : le filtrage basé sur le contenu induit des choix plus utilitaristes chez les consommateurs.

UNE SATISFACTION POTENTIELLEMENT MINORÉELes participants ont ensuite emporté chez eux cinq des barres énergétiques choisies – “en réalité tous ont reçu la même, mais sous un packaging différent”, précise Joseph Lajos –, puis répondu plus tard à un questionnaire de suivi. Bien que les produits aient été identiques, les avis des membres du groupe assisté par le système de recommandation ont été beaucoup moins positifs (même au niveau du goût !). “D’une manière ou d’une autre, répondre aux questions destinées à extraire les recommandations oriente les participants vers des choix plus utilitaristes que ceux qu’ils feraient habituellement. Après un certain temps, ils finissent par regretter ces décisions et

auraient préféré des options moins fonctionnelles mais plus gratifiantes au plan émotionnel”, conclut le chercheur.

L’IMPACT SUR LA SATISFACTION EST CORRÉLÉ À L’ÉQUILIBRE PLAISIR-FONCTIONNALITÉ“Nous avons mené d’autres expériences pour mieux analyser les processus sous-jacents et être sûrs que nous avions identifié les vrais facteurs à l’origine de ce biais et nos conclusions ont été consolidées à plusieurs reprises.”Mais quand les catégories de produits ont été testées d’après leur ratio plaisir/fonctionnalité (l’une avec un rapport de 50/50, l’autre de 70/30, etc.), il est apparu que le filtrage avait un effet moindre sur le degré de satisfaction final des consommateurs pour les produits fonctionnels, alors que les choix de produits hédonistes enregistraient eux le plus gros déclin de satisfaction. Conclusion : pour les produits plus fonc-tionnels que “fun”, la recommandation sociale (filtrage collaboratif) est, selon Joseph Lajos, une solution évidente… mais tous les distributeurs n’en ont pas les moyens ! “Pour Amazon.com, ce modèle marche très bien, car leur base de comportements et profils d’utilisateurs est énorme, mais des sociétés ou sites plus modestes n’ont pas forcément des banques de données assez importantes pour que le filtrage col-laboratif puisse fonctionner.” n

D’après un entretien avec Joseph Lajos et sa conférence “Adverse effects of online product recommenders” (pré-sentation du travail réalisé en collaboration avec Amitava Chattopadhyay et Kishore Sengupta) à la CCIP Marketing Breakfast, 8 décembre 2011.

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Biographie

Kristine De Valck

Bouche-à-oreille :comment déforme-t-il les messages sur Internet ?

Kristine De Valck et ses co-auteurs ont analysé une campagne de marketing électronique visant à promouvoir un modèle de téléphone portable à travers des blogs. À la différence des campagnes de promotion classiques, ils montrent que le message peut être déformé en fonction des personnes d’influence choisies pour parler du produit et des communautés dont elles font partie.

“Les spécialistes du marketing et les sociologues reconnaissent l’importance du bouche-à-oreille en tant que phénomène naturel depuis plus de 50 ans, affirmant par exemple que le bouche-à-oreille affecte la majorité des décisions d’achat, explique Kristine De Valck. Cependant, ces théories et observations sur le bouche-à-oreille informel, spontané, ont été élaborées alors qu’Internet n’existait pas encore.” Or, l’accessibilité, la portée et la transparence du Web ont d’après elle permis aux marketeurs d’influencer et de contrôler le bouche-à-oreille comme jamais aupara-vant. Et de lister les façons plus ou moins actives dont ils peuvent atteindre leurs objectifs en ligne : “écouter” les conversations, les modérer, voire dialoguer avec les consommateurs, donner des produits à des per-sonnes d’influence... On franchit une frontière entre le bouche-à-oreille naturel, très puissant d’après Kristine De Valck car dénué de motif et celui, plus artificiel, qui consiste à transformer des blogueurs en porte-paroles.

UN PHÉNOMÈNE GRANDISSANT MAIS MÉCONNU Ce phénomène a pris tellement d’ampleur qu’aux États-Unis, la Federal Trade Commission a créé de nouvelles règles. Les blogueurs sont maintenant obligés de dire s’ils ont un lien avec une marque ou une société. “Cela n’a aucune conséquence légale en Europe mais ça a donné le ton au niveau éthique, puisque les grandes entreprises sont membres de la Word of Mouth Mar-

keting Association (WOMMA) qui, bien que basée aux États-Unis, compte des membres dans le monde entier. La pratique commence à être plus organisée et à ressembler à ce que l’on connaît dans d’autres domaines, celui des journalistes recevant des produits gratuits par exemple.” Cependant, peu de recherches ont été menées sur le bouche-à-oreille électronique, même depuis la parution de cet article co-écrit avec Robert Kozinets, Andrea Wojnicki et Sarah Wilner en 2010. “Il y a eu des travaux quantitatifs, portant sur la façon dont le bouche-à-oreille numérique affecte les ventes, mais avant le nôtre il n’y avait eu aucun article qualitatif, cherchant à comprendre de quoi les gens parlent précisément et la façon dont ils en parlent ; ou comment les consommateurs réagissent face à des campagnes d’e-marketing.”

LE MARKETING VIRAL N’A RIEN D’UN VIRUSEn analysant les blogs de personnes auxquelles avait été donné un téléphone portable, Kristine De Valck et ses co-auteurs montrent que le bouche-à-oreille électronique ne se contente pas d’augmenter ter ou d’amplifier les messages des fabricants, ceux-ci étant systématiquement modifiés au cours de leur inté-gration. “Les théories existantes avaient une vision tronquée du bouche-à-oreille. Le concept de marketing viral est basé sur une idée fausse, qui voudrait qu’un message injecté sur un marché se répande, intact, comme un virus, affirme Kristine De Valck. Nous avons montré que ce n’est pas ce qui se passe : les blogueurs

Kristine De Valck a rejoint HEC Paris en 2004. Titulaire d’un doctorat en Marketing Management du Erasmus Research Institute of Management (Pays-Bas), elle a suivi l’International Teachers Program à l’IMD (Lausanne). Ses travaux portent sur les communautés virtuelles de consommation, les tribus de consommateurs, le rôle du Web 2.0 dans la co-création, le marketing et les études de marché.

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applications pour l’entreprise

Les implications managériales pour des entreprises

désirant faire du bouche-à-oreille sur Internet sont de

plusieurs ordres : comme l’illustre l’exemple d’Alicia, il

vaut mieux trouver des porte-paroles à même d’intégrer

un message commercial sans générer de tension.

D’autre part, comme le type de message dépend des

blogueurs, il faut les choisir en fonction de ce que l’on

souhaite véhiculer (information technique ou sentiment

personnel par exemple). Kristine De Valck conseille aussi

aux services marketing de s’engager à long terme avec

les blogueurs et les titulaires de comptes sur Facebook

ou Twitter. Il faut enfin privilégier les communautés

virtuelles relativement ouvertes à de telles campagnes de

promotion.

méthodologie

Les chercheurs ont mené une enquête sur une campagne de promotion de téléphones portables qui a eu lieu dans six villes d’Amérique du Nord. Ils ont analysé les blogs de 83 des 90 personnes auxquelles on avait donné un téléphone sur une période de six mois afin d’évaluer l’effet à long terme de la campagne de Web marketing. “Nous nous sommes intéressés aux blogs parce que des études ont montré leur importance pour les campagnes de bouche-à-oreille, explique Kristine De Valck. Des enquêtes réalisées en Europe indiquent ainsi que les blogs sont la deuxième source d’information de confiance” (Nielsen Trust in Global Advertising Survey, Q3 2011).

Les blogueurs

transforment

le message du

marketeur pour l’adapter à

leur identité, leur auditoire

et leur réseau.

hecrecherche

adaptent ce qu’ils disent à leur propre histoire et à la communauté dont ils font partie, ils transforment le message du marketeur pour l’adapter à leur propre identité (ou à celle du personnage qu’ils ont créé en ligne) ainsi qu’à leur auditoire, leur réseau.”

DES RÉSULTATS MITIGÉSLes auteurs ont défini quatre stratégies possibles sur les médias sociaux (évaluer, embrasser, endosser, expliquer), chacune influencée par la narration du personnage, les normes existant au sein de sa com-munauté virtuelle, la forme de sa communication (blog, Facebook, Twitter, etc.) et la nature de la campagne de promotion. “Ces stratégies sont marquées par une tension entre les normes communautaires et com-merciales, et leur réussite dépend de la façon dont les blogueurs s’en accommodent”, ajoute Kristine De Valck. Pour illustrer son propos, elle prend l’exemple de deux blogueuses : Judith, une infirmière en arrêt maladie qui arrive astucieusement à faire comprendre à ses lecteurs que ses 11 blogs, gérés très profession-nellement, l’aident à joindre les deux bouts ; Alicia, une femme au foyer qui n’avait jusqu’alors jamais intégré de messages commerciaux dans son blog et qui malgré sa transparence génère des réactions négatives lorsqu’elle parle du téléphone portable. “Les internautes ne sont pas habitués à ce type de campagne promotionnelle sur son blog consacré à sa dure vie de mère au foyer et cela peut avoir des conséquences néfastes pour la marque de téléphone.” n

D’après un entretien avec Kristine De Valck, professeur de marketing, et l’article “Networked Narratives: Understanding Word-of-Mouth Marketing in Online Communities” de R. V. Kozinets, K. De Valck, A. C. Wojnicki et S. S. Wilner, paru dans Journal of Marketing (mars 2010, vol. 74, no 2, pp. 71-89) et qui lui a valu le Prix Article Professeur de la Fondation HEC en 2010.

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Les articles de recherche

management

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Biographie

Nils Plambeck

Stimuler l’innovation :agir sur la perception qu’ont les managers de leur environnement

Dans des contextes d’affaires qui changent rapidement et constamment, quel est le lien de cause à effet entre l’évolution des technologies, de la demande, ou des régulations et le développement de nouveaux produits ? Quels sont les ressorts de la capacité d’innovation d’une entreprise ?

“J’ai voulu identifier les facteurs déclenchants de l’innovation, explique Nils Plambeck. S’agissant d’un processus qui ne fonctionne pas à l’identique pour tous les individus, je savais qu’il fallait aborder les choses sous un angle interprétatif ou cognitif.” Le chercheur est alors rapidement arrivé la question suivante : quels sont les types de perception managériale qui stimulent l’innovation ? “Les recherches antérieures montrent que les émotions négatives sont celles qui incitent le plus souvent à l’action car elles signalent un besoin de changement, et pourtant, la cognition négative a fait jusqu’ici l’objet d’une attention limitée dans les travaux sur l’entrepreneuriat. J’ai donc décidé de mettre le rôle de la négativité dans l’innovation au centre de mes investigations.” Également présent à l’esprit de Nils Plambeck, l’impact essentiel de l’environnement dans lequel évolue le manager sur sa vision du monde ; en d’autres termes, le contexte organisationnel influence sans nul doute le degré de négativité dans l’interpré-tation par les managers de l’actualité d’un secteur d’activités. “J’ai approché le phénomène dans sa glo-balité, en considérant l’interaction entre négativité managériale et contexte de l’organisation, et l’influence respective et conjuguée de ces deux paramètres sur l’activité entrepreneuriale.”

VISIONS PLUS NÉGATIVES, PRODUITS MOINS INNOVANTS Quand un manager évalue comme négatif un chan-gement dans l’environnement externe de son entre-

prise, il l’interprète comme un facteur probable de dommages pour elle, explique Nils Plambeck. Un évènement déclencheur perçu négativement signi-fie par conséquent que le manager se sent menacé, un sentiment qui conduit les décideurs à limiter sa recherche d’informations. Il est donc moins susceptible d’acquérir les connaissances inédites qui alimentent l’innovation. En d’autres termes, plus la réception par un manager de l’évènement déclencheur est négative, moins le produit qui en résulte sera innovant. Forts de ce nouvel éclairage, comment les leaders peuvent-ils assurer une maîtrise pratique de la cognition liée à l’innovation ? La première étape est d’identifier les facteurs qui influent sur la négativité des perceptions.

LA STRATÉGIE D’ENTREPRISE INFLUENCE LA PERCEPTION DES MANAGERS Nils Plambeck a opéré la distinction entre stratégies d’entreprise défensives, définies par la volonté de maintenir une position sur son marché, et straté-gies offensives axées sur une recherche constante de nouvelles opportunités à exploiter. L’objectif de cette distinction est d’analyser la corrélation potentielle entre un positionnement défensif de l’entreprise et la négativité des réponses managériales aux change-ments contextuels. Ses résultats confirment que les stratégies d’entreprise défensives induisent un état d’esprit plus négatif chez les managers. “Quand la stratégie d’une entreprise conditionne ses managers à envisager l’environnement comme une menace, ils

Professeur en stratégie et politique d'entreprise à HEC Paris, Nils Plambeck oriente principalement ses recherches sur les déterminants et conséquences de la cognition en contexte organisationnel. Il est titulaire d’un doctorat et d’un Diplom Kaufmann de l’université de Hambourg, avec une majeure en stratégie et sociologie.

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applications pour l’entreprise

En identifiant les facteurs qui affectent les processus

décisionnels des top managers, le travail de Nils

Plambeck souligne l’impact de la perception qu’ont

les managers de leur environnement sur la capacité à

innover de l’entreprise. “La première étape est la prise

de conscience des mécanismes à l’oeuvre”, explique le

chercheur qui suggère un contrôle pratique de la cognition

au sein de l’entreprise par une ouverture sur l’extérieur.

“Essayez de voir les problèmes sous un autre angle ;

parlez à des interlocuteurs externes à l’organisation,

qui ne sont pas sous l’influence du système cognitif

qui façonne votre vision d’une question spécifique.

Ces échanges – surtout au sujet des évènements

contextuels qui paraissent cruciaux – adviennent

rarement naturellement, ce qui explique que beaucoup

d’entreprises engagent des collaborations formelles avec

des universités, des consultants ou d’autres entreprises.

méthodologie

Afin de tester ses hypothèses, Nils Plambeck et son équipe de recherche ont recueilli des données auprès de 84 entreprises du secteur de l’équipement automobile en Allemagne. Les CEO ont été systématiquement contactés par téléphone pour solliciter la participation de leur entreprise et obtenir le nom de la personne en charge de l’innovation produit, à qui ont été ensuite envoyés les questionnaires. Ces derniers portaient sur le degré de “défensivité” de la stratégie d’entreprise, la disponibilité d’un excédent de ressources, le niveau d’innovation du dernier produit développé, et le degré de négativité de perception du répondant vis-à-vis de l’événement déclencheur de l’innovation.

Plus la réception

par un manager

de l’évènement

déclencheur est négative,

moins le produit qui en

résulte sera innovant.

hecrecherche

ont tendance à capter des informations plus néga-tives que dans le cadre d’une stratégie offensive inci-tant à regarder cet environnement comme source de nouvelles opportunités.” Mais la teneur défensive ou offensive d’une stratégie détermine-t-elle directement le degré d’innovation d’une entreprise, ou joue-t-elle un rôle par l’intermédiaire de l’influence exercée sur les perceptions des managers ? Les deux propositions s’avèrent vraies : Nils Plambeck montre que la stra-tégie a, d’une part, une action directe sur la faculté d’innovation de l’entreprise car elle oriente ses valeurs et ses objectifs, et d’autre part un poids indirect par le biais de ses effets sur la négativité de l’état d’esprit des managers.

LA CAPACITÉ D’INNOVATION N’EST PAS UNE QUESTION D’ARGENT Nils Plambeck s’est par ailleurs intéressé au débat qui a cours actuellement sur le rapport entre le niveau de ressources d’une organisation et son activité entre-preneuriale. Certains chercheurs voient dans des ressources en R&D élevées un atout permettant aux grandes entreprises de développer des produits plus innovants, et un filet de sécurité qui les protège des contingences, donnant ainsi aux managers une plus grande liberté d’expérimentation. Un argument opposé regarde à l’inverse des ressources élevées comme un frein à l’innovation, dans la mesure où une organisation plus grande implique plus de règles formelles et de mécanismes de contrôle (la taille étant évaluée à la fois

en termes d’effectifs et de disponibilité d’un excédent de ressources). Les recherches de Nils Plambeck montrent quant à elles que des moyens plus importants conduisent les managers à réagir moins négativement aux changements contextuels et ne nuisent donc pas à la capacité d’innovation de l’entreprise. Mais, sans être pour autant un obstacle, ce n’est pas la disponi-bilité d’un excédent de ressources qui est un vecteur direct d’innovation. Il apparaît en fait que la taille de l’organisation influence globalement l’état d’esprit des managers, qui à son tour influe sur la capacité d’innovation,mais n’a pas d’impact direct sur la valeur innovante de ses nouveaux produits. n

D’après un entretien avec Nils Plambeck et son article “The development of new products: The role of firm context and managerial cognition” (Journal of Business Venturing, Else-vier, 2011).

42 • n o v e m b r e 2 0 1 2

42 • n o v e m b r e 2 0 1 2 n o v e m b r e 2 0 1 2 • 43

Les articles de recherche

finance

Biographie

l’influence de l’environnement concurrentiel

Philip Valta

Coût de la dette d’une entreprise :

Philip Valta montre de façon empirique que plus le marché sur lequel une entreprise évolue est compétitif, plus les taux d’intérêt des prêts bancaires qui lui sont accordés sont élevés. Comment expliquer ce lien entre marchés de produits et marchés financiers ?

“Les entreprises ne sont pas isolées. Elles sont en interaction stratégique constante avec d’autres firmes, à la lutte pour des clients et des parts de marché, explique Philip Valta. Tandis que certaines ont le luxe de se trouver sur des marchés moins concurrentiels, d’autres doivent faire face à une compétition achar-née.” Une concurrence qui affecte leurs décisions opérationnelles, leur santé financière et leurs straté-gies d’investissement. “Alors que des travaux récents montrent que l’intensité de la concurrence a un effet important sur le cash flow et le rendement boursier des entreprises, son impact sur le coût de la dette a été jusqu’alors relativement peu étudié. Un vide sur-prenant, observe Philip Valta, car l’endettement est la source majeure de financement externe et il est crucial tant pour la flexibilité opérationnelle des entreprises que pour le financement de leurs activités.” Quelle est l’incidence de la concurrence des marchés sur les taux des prêts accordés par les banques aux entreprises ?

LE RISQUE DE DÉFAILLANCE Plusieurs raisons plus ou moins intuitives peuvent expliquer que le coût de la dette d’une entreprise dépende de son environnement concurrentiel. À com-mencer par son risque de défaillance (retard de paie-ment des fournisseurs et des organismes de crédit…) qui, s’il est important, s’accompagne généralement de taux d’intérêt élevés. “Comme la compétition réduit le revenu escompté et augmente le risque de trésorerie, elle peut aussi accroître son risque de défaillance. Un

risque qui peut par ailleurs augmenter de façon signifi-cative en réaction à l’adoption de stratégies agressives par des firmes concurrentes et financièrement bien portantes, comme l’ont montré Bolton et Scharfstein, explique Philip Valta. D’une manière analogue, si les entreprises n’arrivent pas à exploiter pleinement leurs opportunités d’investissement, elles risquent de perdre des parts de marché au profit de leurs concurrents.” Dans ces deux scénarios, l’intensité de la concurrence peut augmenter la probabilité que les entreprises ne puissent pas payer les intérêts de leurs emprunts.

LA VALEUR DE LIQUIDATION La valeur de liquidation des actifs (qui permet notam-ment d’évaluer la valeur d’une entreprise) est un autre facteur susceptible d’expliquer le lien existant entre le coût de la dette et la compétitivité du marché. “Quand les contrats sont incomplets et qu’il existe des coûts de transaction, les valeurs de liquidation sont d’une importance capitale pour déterminer le taux des emprunts, explique Philip Valta. Des valeurs élevées permettent en effet aux entreprises d’obtenir des taux plus faibles.” Or, la valeur de liquidation dépend des acheteurs potentiels ainsi que de la spécificité et de la liquidité des actifs. “Quand les biens sont particu-lièrement illiquides (comme c’est le cas dans certains secteurs de l’industrie lourde), les acheteurs potentiels peuvent s’avérer incapables de racheter les biens d’une entreprise défaillante. Ces biens seraient alors vendus au rabais, une concurrence acharnée étant susceptible

Titulaire d’un doctorat en finance de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et du Swiss Finance Institute, Philip Valta a rejoint HEC Paris en 2010 après avoir été boursier de recherche invité à l’université de Duke (Fuqua School of Business). Ses enseignements et ses travaux de recherche se concentrent principalement sur la finance d’entreprise, et plus particulièrement sur les effets de la concurrence sur le coût de la dette.

hecrecherche

44 • n o v e m b r e 2 0 1 2

applications pour l’entreprise

Bien que les travaux de Philip Valta ne l’aient pas

encore amené à étudier les implications de l’intensité

concurrentielle du marché au niveau des choix

d’investissement ou de financement des entreprises,

ils apportent des éclairages utiles aux leaders.

Notamment sur le fait qu’ils doivent prendre en compte

l’environnement de leur entreprise et son impact potentiel

sur le coût de la dette contractée pour mieux adapter leur

stratégie de financement :

• Ils doivent observer si leur entreprise opère sur un

marché plutôt concurrentiel, dans un monopole ou un

oligopole, pour déterminer si elle peut éventuellement se

diversifier dans un autre secteur moins compétitif.

• Si les entreprises se trouvent sur des marchés très

concurrentiels, les leaders doivent peut-être essayer de

limiter leur recours à l’endettement en trouvant d’autres

façons de lever du capital.

méthodologie

Philip Valta s’est livré à une analyse empirique à partir de données sur les prêts bancaires provenant de différentes bases constituant un large échantillon d’entreprises américaines cotées en bourse entre 1997 et 2007 (7 425 prêts et 2 283 firmes différentes couvrant 170 secteurs référencés par la classification industrielle américaine) pour étudier l’effet de la compétitivité des marchés sur les taux d’intérêt proposés aux entreprises.

Le coût de

la dette est

systématiquement

plus élevé pour des

entreprises évoluant sur

des marchés fortement

compétitifs.

hecrecherche

d’aggraver encore cet effet et de faire baisser davantage les valeurs de liquidation, ce qui à son tour affecterait le coût de financement de la dette.”

DE FORTES VARIATIONS DU COÛT DE LA DETTE L’analyse empirique menée par Philip Valta sur un échantillon de plus de 2 200 entreprises montre la validité de ces hypothèses : il prouve en effet en éva-luant 7 425 prêts bancaires que le coût de la dette est systématiquement plus élevé pour des entreprises évoluant sur des marchés fortement compétitifs. Il montre par ailleurs que cet effet est plus important quand l’entreprise emprunteuse a des concurrents en bonne santé financière, un haut niveau d’interactions stratégiques avec eux, et quand elle évolue dans un secteur où les actifs sont illiquides ou très spécifiques. “L’effet de la compétition sur les écarts de taux est deux à quatre fois plus important sur les marchés illiquides et les marchés d’actifs spécifiques”, précise le chercheur.

DES LIENS À PRENDRE EN COMPTE Et même s’il n’a pas exploré les mécanismes par lesquels la compétition affecte le coût de la dette, Philip Valta souligne que les résultats suggèrent que les caractéristiques d’un secteur relatives au risque de défaillance des entreprises, à leurs opportunités d’investissement et à la valeur de liquidation de leurs actifs jouent un rôle important pour expliquer cet effet.

“Les résultats soulignent l’importance de la prise en compte des liens entre les marchés de produits et les marchés financiers.” Sans avoir encore étudié comment les entreprises doivent ajuster leurs sources de financement en fonction de leur environnement concurrentiel, il affirme que celui-ci devrait “consti-tuer un facteur décisif dans le choix entre émettre des capitaux propres, contracter un emprunt bancaire ou une dette publique.” n

D’après un entretien avec Philip Valta et l’article “Competition and the cost of debt” (à paraître).

n o v e m b r e 2 0 1 2 • 45

Biographie

facteur de performance pour les entreprises

Raul Barroso

Le financement par capital investissement :

Le financement des entreprises par private equity a spectaculairement augmenté au cours de la dernière décennie en Europe. Conséquence pour les entreprises : ces types d’investisseurs s’impliquent bien plus dans leur gouvernance que les actionnaires plus traditionnels et, à travers ce contrôle actif, ils auraient un impact positif sur la valeur des entreprises qu’ils financent.

Si le capital investissement a connu un essor exponen-tiel ces dix dernières années, après l’éclatement de la bulle Internet, peu de recherches ont été publiées sur le sujet en dehors des États-Unis. Pourtant, Raul Barroso constate qu’au-delà d’une simple source de financement, la présence de capitaux propres privés mérite d’être analysée y compris en tant que mécanisme de gouvernance d’entreprise. Les sociétés d’investisse-ment privées se montrent en effet généralement plus impliquées que les autres catégories d’actionnaires dans la gestion des organisations, définissant et surveillant la stratégie, et travaillant en collaboration étroite avec les équipes dirigeantes. Cette approche proactive de la relation actionnariale semble réduire les coûts prévus par la théorie de l’agence (lorsqu’un gestionnaire mandaté agit en qualité de représentant d’un actionnaire mandant). Des coûts principalement liés aux dispositifs destinés à limiter les divergences d’intérêts entre dirigeants et actionnaires ou les coûts d’opportunité, comme dans le cas où un CEO décide de faire l’acquisition d’un jet au nom de la société plutôt que de redistribuer la somme mobilisée en dividendes. “L’enjeu d’une maîtrise des problèmes d’agence apparaît particulièrement pertinent à la lumière des scandales financiers qui ont ébranlé plusieurs groupes européens comme Parmalat ou Vivendi au début des années 2000”, souligne Raul Barroso.

IMPACT POSITIF DU PRIVATE EQUITY SUR LA VALEUR DE L’ENTREPRISE L’étude menée par Raul Barroso et ses collègues de

l’IESE et de HEC Lausanne montre un impact significatif et positif de la présence de capitaux propres privés dans le capital d’une entreprise sur sa valorisation. Notamment parce que ce type d’investisseur a un inté-rêt économique substantiel à suivre ses agents avec attention,et donc à contrôler de près l’organisation. “Le gestionnaire d’une société de private equity engage une part de son propre patrimoine ; en plus de quoi il fait face à la pression de ses partenaires pour superviser l’investissement, bien plus qu’un administrateur de caisse de retraite qui perçoit simplement un salaire pour gérer l’argent d’autres individus.” En d’autres termes, un investissement professionnel en fonds propres limiterait les coûts d’agence et améliorerait les per-formances de l’entreprise en impliquant de nouveaux acteurs dans la gouvernance de l’entreprise financée (présence au sein du conseil d’administration, nomi-nation directe des dirigeants… en fonction du degré de pouvoir exécutif négocié en contrepartie de l’apport en capitaux). Comme l’explique Raul Barroso, l’entreprise faisant appel au private equity bénéficiera par ailleurs directement des compétences d’un investisseur averti, doté d’une solide expertise dans la gestion d’un porte feuille varié d’investissements, mais aussi d’un meilleur accès à de nouvelles sources de financement.

QUID DES ACTIONNAIRES FAMILIAUX ? Comme une société de capital investissement, un actionnaire familial met en jeu une partie de ses actifs personnels et a donc également une excellente raison

Raul Barroso est professeur de comptabilité et contrôle de gestion à HEC Paris, où il mène des recherches dans le domaine de la gouvernance d’entreprise. Titulaire d’une licence en administration des affaires de l’Universidad Complutense de Madrid (2000), il obtient ensuite une maîtrise en management international (2005) et un doctorat d’économie (2009) à HEC Lausanne. Avant d’enseigner à HEC Paris, Raul Barroso a été chercheur invité à l’IESE de Barcelona et à Columbia University à New York.

hecrecherche

46 • n o v e m b r e 2 0 1 2

applications pour l’entreprise

Cette recherche met en avant l’impact positif de l’inves-

tisseur professionnel privé sur la gouvernance et en der-

nier lieu sur la valeur de marché d’une entreprise cotée

(par opposition à la présence exclusive d’actionnaires

familiaux ou d’autres sociétés actionnaires). Bien qu’elle

n’ait ciblé que des entreprises suisses, les résultats de

l’étude valent très certainement pour la grande majorité

des entreprises européennes, où l’actionnariat tend à

être plus concentré qu’aux États-Unis. Un investisseur

potentiel visant une rentabilité élevée pourra conclure

qu’il est nécessaire de regarder attentivement la compo-

sition du conseil d’administration de l’organisation dans

laquelle il songe à investir pour se faire une idée du degré

de contrôle exercé sur ses dirigeants. Et si les entités

affaiblies par une gouvernance médiocre peuvent raison-

nablement envisager de s’ouvrir à des sociétés de capital

investissement pour améliorer leurs performances, elles

doivent garder à l’esprit que ce type d’investisseur risque

fort de mettre en place des politiques de gestion agressive

– restructurations, concentration sur les activités les plus

rentables... –, qui ne sont pas forcément alignées sur les

valeurs d’une entreprise, notamment familiale.

méthodologie

L’étude a porté sur 116 sociétés (excluant banques et compagnies d’assurance) cotées au Swiss Stock Exchange, un marché boursier sophistiqué caractérisé par une forte concentration de l’actionnariat. Un examen des rapports annuels a permis d’observer environ 1 500 prises de participation et de retracer leur évolution sur une période de six ans, de 2002 à 2007, avec un suivi parallèle de la performance boursière et opérationnelle.

L’effet négatif

des actionnaires

familiaux

“extérieurs” (non

impliqués) est bien établi.

hecrecherche

de s’intéresser de près aux résultats de l’entreprise. Si c’est parfois le cas (le fabricant horloger Swatch en est le parfait exemple), d’une manière générale, la pré-sence d’actionnaires familiaux est loin d’apporter les mêmes gages que celle d’investisseurs professionnels en termes d’optimisation des performances ! Les cher-cheurs montrent en effet que l’impact d’actionnaires familiaux impliqués et prenant une part active au mana-gement n’est pas statistiquement significatif, alors que l’effet négatif d’actionnaires familiaux “extérieurs” (non impliqués) est lui bien établi. Cette observation suggère que les dirigeants peuvent éventuellement profiter de l’inactivité et du manque d’information des propriétaires familiaux pour poursuivre leurs propres objectifs. Ces coûts d’agence semblent néanmoins être modérés par la présence d’un investisseur privé professionnel aux côtés des actionnaires familiaux : les sociétés détenues conjointement par ces deux types d’actionnaires bénéficient ainsi d’une meilleure évaluation que les entreprises à capitaux exclusive-ment familiaux.

GRANDS INVESTISSEURS CORPORATE : DES PARTENAIRES À SURVEILLER Dans le cas d’un actionnariat important d’autres entre-prises ou de l’État, la présence associée d’investisseurs en privés permet là aussi une meilleure gouvernance. Alors que la corrélation entre la participation d’autres actionnaires corporate et la valeur de l’entreprise s’avère négative en l’absence d’investisseurs privés, celle-ci

augmente notablement quand les deux types d’action-naires sont présents. Une entreprise industrielle ou de services (ou l’État) est susceptible d’investir dans une autre entreprise pour diverses raisons stratégiques qui ne convergent pas forcément avec une optimisation de la valeur de ses titres : le but peut être de diversifier un portefeuille, pénétrer un marché, sécuriser un par-tenariat... “Un grand constructeur de voitures pourra par exemple investir dans un fournisseur d’acier pour contrôler la chaîne de valeur et stabiliser son appro-visionnement à long terme, mais sans pour autant s’impliquer dans la gestion concrète de l’entreprise, avec au final un effet potentiellement néfaste sur sa valeur de marché”, explique Raul Barroso. n

D’après un entretien avec Raul Barroso et l’article “Pri-vate Equity as a Governance Mechanism in a Context of Concentrated Ownership” (34th EAA Annual Congress, Rome, Italie, 2011), co-écrit avec Antonio Dávila et Daniel Oyon.

n o v e m b r e 2 0 1 2 • 47

Biographie

comprendre l’évolution des prix

Christophe Spaenjers

Marché de l’art :

La question de la valeur des œuvres d’art interpelle les économistes. William Goetzmann, Luc Renneboog et Christophe Spaenjers s’emparent de la problématique et cherchent à expliquer ce qui détermine les mouvements de prix sur ce marché, caractérisé par la nature spécifique de ses acheteurs et une certaine sensibilité à la conjoncture économique.

En 2007, l’artiste britannique Damien Hirst vendait, pour 100 millions de dollars, une sculpture représen-tant un crâne de platine incrusté de 8 601 diamants. Cette œuvre avait au moins la particularité d’avoir une valeur intrinsèque, celle de ses matériaux. Mais qu’en est-il d’une ébauche du “Garçon à la pipe” de Picasso, autre recordman des prix ? Comment les prix sont-ils déterminés sur le marché de l’art ? Quels facteurs peuvent expliquer leur évolution ?

MARCHÉ DE L’ART ET CONJONCTURE ÉCONOMIQUE Les trois chercheurs contribuent de façon inédite à la recherche sur le marché de l’art en construisant un indice d’évolution des prix des œuvres sur plus d’un siècle (voir méthodologie). Ils modélisent la rentabilité des investissements dans l’art, en évaluant l’évolution des prix de transaction sur le marché des enchères. Construit pour le marché britannique, l’évolution de cet indice suggère une relation avec l’évolution de la conjoncture. En effet, les prix chutent dans les périodes de tourmente économique (Première Guerre mondiale, grande dépression des années 30 ou choc pétrolier de 1973), alors qu’ils connaissent des mouvements à la hausse dans les années 60, durant le boom du marché de l’art des années 80 et durant les années 2000 (au moins jusqu’en 2007). À noter également que l’indice construit par les chercheurs montre qu’en termes réels, les niveaux de prix de 1913 n’ont pas été égalés avant 1968, malgré des années de croissance économique soutenue.

QUELLES RELATIONS ENTRE MARCHÉ DE L’ART, MARCHÉS BOURSIERS, INÉGALITÉS DE REVENUS ET RICHESSE ? La valeur d’échange d’une œuvre d’art n’est en soi pas plafonnée, puisqu’elle est uniquement limitée par le prix que les collectionneurs sont disposés à payer pour l’acquérir. C’est donc la demande qui détermine les prix sur ce marché. D’où l’intérêt pour les chercheurs de s’intéresser aux niveaux de revenu des plus riches, principaux acquéreurs, pour tenter d’expliquer les variations de prix des œuvres d’art. Afin de rendre compte des évolutions de leurs revenus, ils étudient les variations des marchés d’actions. Ils élargissent par ailleurs leur analyse aux inégalités de revenus et aux niveaux de revenus des plus riches. William Gœtzmann, Luc Renneboog et Christophe Spaenjers montrent ainsi que : • Les variations sur les marchés des actions sont positivement corrélées avec les prix de l’art ; • Les prix de l’art sont en hausse quand les inégalités de revenus augmentent. Ainsi, tout comme le prix des œuvres, les inégalités de revenus ont baissé durant la première moitié du xxe siècle et sont reparties à la hausse depuis 30 ans ; • Les variations des prix de l’art sont particulièrement sensibles à la hausse des revenus des plus riches : certaines estimations, données ici à titre illustratif, suggèrent qu’une hausse de 1 point de pourcentage de la part de revenus détenue par les 0,1 % plus riches induit une hausse de 10 % des prix sur le marché de

Christophe Spaenjers vient de soutenir sa thèse à l’Université de Tillburg et a rejoint HEC Paris en tant que professeur de finance en septembre 2011. Ses travaux portent sur les questions financières traditionnelles, telles que les choix d’investissements, le comportement des investisseurs, la finance internationale, la finance des ménages ou la finance corporate. Mais il s’intéresse également tout particulièrement à des marchés spécifiques d’investissement, comme l’art, les timbres ou le vin.

hecrecherche

48 • n o v e m b r e 2 0 1 2

applications pour l’entreprise

Ce travail participe à la rationalisation de l’analyse des

œuvres d’art en tant que produit d’investissement et bien

de consommation, qui ne doivent pas être considérés

comme déconnectés de l’économie réelle. Les chocs sur

l’économie ont effectivement un impact le marché des

biens de luxe. Les chercheurs montrent comment les

hauts revenus influencent la demande sur le marché de

l’art, car ils en sont les principaux consommateurs. Ils

ouvrent ainsi la voie à une analyse plus fine de la demande

de biens de luxe en général. Ce travail illustre l’effet

Veblen* selon lequel certains biens sont désirés principa-

lement parce qu’ils coûtent cher. Ce type de biens consti-

tue un instrument de compétition sociale entre les très

riches, qui assouvissent ainsi un besoin de différenciation.

D’un point de vue méthodologique, les auteurs ont utilisé

une technique d’estimation de prix qui peut être appliquée

aux biens vendus peu de fois, comme c’est le cas des

œuvres d’art faisant l’objet d’enchères mais également de

biens de type immobilier, revendus tous les 50 ans.

* Développé par l’économiste et sociologue Thorstein Veblen, dans son ouvrage Théorie de la classe de loisir (1889).

méthodologie

Afin d’étudier les détermi-

nants des prix sur le marché

de l’art, les auteurs se sont

intéressés aux données

disponibles sur le marché

britannique. Ils ont construit

une série longue à partir des

données issues des ventes

aux enchères de tableaux

en Grande-Bretagne et ont

identifié les œuvres ayant

fait l’objet d’au moins deux

ventes aux enchères sur la

période considérée, ce qui

leur a permis de mesurer

les plus values liées à ces

ventes et donc de construire

un indice de prix sur le long

terme. La série obtenue

couvre la période 1765-2007

et contient 1 336 tableaux,

vendus au moins deux fois.

Les variations des prix des

œuvres d’art ont ensuite

pu être comparées aux

évolutions, pour la Grande-

Bretagne, de données liées

aux niveaux de richesse des

populations aisées, considé-

rées comme les principaux

acheteurs d’œuvres.

Les variations

sur les marchés

des actions sont

positivement corrélées

avec les prix de l’art.

hecrecherche

l’art. Sur le long terme, les revenus des plus riches constituent le facteur le plus déterminant pour expli-quer l’évolution du prix des œuvres.

LA MONDIALISATION TOUCHE AUSSI LE MARCHÉ DE L’ART Ces résultats sont temporisés et complétés par une analyse en sous-périodes, qui sépare les évolutions pré et post 1945. Dans la deuxième partie du xxe siècle, l’influence des inégalités de revenus sur le marché de l’art est moins nette. Ces résultats complémen-taires s’expliquent probablement par le fait que les données utilisées sont uniquement britanniques et ne permettent pas de rendre compte de l’internatio-nalisation du marché de l’art, et en particulier de ses acheteurs. En effet, les ventes aux enchères britan-niques sont désormais courues par des acheteurs du monde entier ! n

D’après un entretien avec Christophe Spaenjers et son article “Art and Money” (American Economic Review: AEA Papers and Proceedings, mai 2011), co-écrit avec William Gœtzmann et Luc Renneboog.

n o v e m b r e 2 0 1 2 • 49

Prix de l’Art (en £, prix constants) 1830-2007

1 000.0

0.1

100.0

10.0

1.0

1830

1855

1880

1905

1930

1955

1980

2005

Échelle logarithmique. Indice annuel des prix des œuvres d’art exprimé en termes réels et en livres sterling pour la période 1830-2007. La valeur de l’indice pour 1830 a été placée à 1.

Biographie

une explication par la pression démographique

Dragana Cvijanovic

Prix de l’immobilier :

En étudiant les mécanismes qui régissent la fixation des prix de l’immobilier aux États-Unis, Dragana Cvijanovic montre que leur variations s’expliquent dans une large mesure par des fondamentaux sociaux aussi évidents que la pression démographique.

Au lendemain des retournements de tendance extrêmes qu’a subi le marché immobilier américain au cours des quinze dernières années, Dragana Cvijanovic et ses co-auteurs ont tenté d’expliquer l’évolution des prix du logement aux États-Unis en se référant aux fondamentaux, c’est-à-dire à des facteurs “autres que la spéculation” susceptibles d’influencer le marché. Plus spécifiquement, ils se sont attachés à expliquer les effets d’une variable peu prise en compte: la crois-sance démographique.

IMPACT DE LA DÉMOGRAPHIE SUR LES PRIX IMMOBILIERS“La Terre est de plus en plus peuplée, la demande d’actifs immobiliers s’accroît donc tout naturelle-ment, explique Dragana Cvijanovic. La littérature économique avait déjà étudié les rapports entre la démographie et la consommation de biens immo-biliers, mais les implications financières de ces phénomènes n’avaient pas encore suscité beau-coup d’attention, alors que les actifs immobiliers représentent 54 % de la richesse mondiale.” Or, la démographie fournit un angle d’étude particu-lièrement utile pour expliquer l’évolution des prix de l’immobilier, ne serait-ce que par la simplicité du concept. “C’est tellement logique. Cela illustre réellement l’équation fondatrice de l’économie : une demande accrue, combinée à une offre limitée ou peu élastique conduit automatiquement à une augmentation des prix. C’est limpide.”

LES CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES PRÉVISIBLES ET IMPRÉVISIBLESDragana Cvijanovic et ses co-auteurs divisent l’évolu-tion démographique, leur variable explicative, en deux composantes : d’une part la croissance naturelle de la population, autrement dit l’augmentation du taux de natalité combiné à la diminution du taux de mortalité, évolution lente qui se déroule sur de longues périodes ; d’autre part la croissance “non naturelle” de la popu-lation. Autrement dit l’immigration qui, au contraire, se produit rapidement et de façon inattendue, créant des “chocs”. La principale différence entre ces deux composantes réside dans leur prévisibilité. La crois-sance démographique due à des causes naturelles (naissances et décès) suit une trajectoire prévisible, mais ce n’est pas le cas de la croissance résultant de l’immigration.

INCIDENCE DE L’IMMIGRATION SUR LE PRIX DES LOGEMENTS“Nous constatons que la croissance de la population influence le prix de l’immobilier, note Dragana Cvija-novic, mais aussi que cet effet résulte essentiellement de sa composante non naturelle.” L’étude, réalisée au niveau des Etats (à l’exclusion de Washington DC et de l’Alaska, dont les marchés immobiliers ont été jugés trop spécifiques) et non de l’ensemble des États-Unis, révèle que les différences de flux migra-toires déterminent en grande partie les différences de prix de l’immobilier. Les chercheurs attribuent

Dragana Cvijanovic est titulaire d’un PhD de finance obtenu en 2011 à la London School of Economics and Political Science. Elle est actuellement professeur assistant à HEC (finance). Ses recherches portent sur la finance d’entreprise, la finance immobilière et la fixation des prix sur les marchés.

hecrecherche

50 • n o v e m b r e 2 0 1 2

applications pour l’entreprise

La consommation de logements correspond à des profils

d’âge distincts qu’il faut connaître afin d’en tenir compte.

Par exemple, il est notoire que les individus de plus de 65

ans ont peu de chances de vouloir acheter leur logement

s’ils ne l’ont pas déjà fait. En revanche, l’incidence de

l’immigration est systématiquement sous-évaluée par

les investisseurs, alors qu’elle peut se traduire par des

retours sur investissement plus élevés.

méthodologie

Les données utilisées pour évaluer l’effet de l’évolution démographique sur le prix des logements couvrent la période 1975-2009. Les chercheurs ont suivi l’évolution du prix des logements à l’aide des données portant sur les transactions réelles collectées par la Federal Housing Authority. Ils ont mesuré la croissance “naturelle” de la population en se fondant sur les données démographiques disponibles au Census Bureau et sur les taux de natalité et de mortalité du Center for Disease Control. La croissance démographique “non naturelle” a été calculée au moyen de données entrant dans le calcul du PIB et d’autres données économiques.

les différences de

flux migratoires

déterminent

en grande partie les

différences de prix de

l’immobilier.

hecrecherche

cet effet au caractère imprévisible de l’immigration. “Les promoteurs peuvent anticiper une faible partie de la croissance démographique, celle qui résulte de causes naturelles (naissances et décès), mais la por-tion due à l’immigration ne peut être anticipée, ce qui explique au moins en partie qu’elle ait un impact sur le prix de l’immobilier.” Autrement dit, la construction réagit conformément aux demandes prévisibles du marché : si les acteurs du secteur prévoient qu’elle va augmenter, ils accroissent l’offre. Mais, n’étant pas en mesure de prévoir la croissance démographique due à l’immigration, ils réagissent insuffisamment à cette demande, ce qui fait grimper les prix de l’immobilier.

LA DENSITÉ DE LA POPULATION INTENSIFIE LE PHÉNOMÈNEDans un Etat dont la population est dense, un nouveau flux d’immigrants a un effet plus marqué sur le prix des logements que si l’Etat était faiblement peuplé. Il en va de même dans les Etats dont le parc immobilier n’est pas très important. “Plus la population est dense dans un Etat donné, plus la demande de logement est importante. Et toute augmentation de la demande due à l’immigration se reflète dans le prix des logements”, explique Dragana Cvijanovic. Puisque Dragana Cvijano-vic et ses co-auteurs se sont attachés à expliquer les différences de prix de l’immobilier entre les divers Etats et non les facteurs qui influent sur le prix du logement au niveau fédéral, l’éclatement de la bulle immobilière n’affecte pas leurs conclusions. “La bulle immobilière

américaine qui a pris fin en 2006 a été plus prononcée dans certains Etats que dans d’autres, et notre étude prouve que ces différences sont attribuables aux fon-damentaux de l’immobilier, comme la démographie”, conclut Dragana Cvijanovic. n

D’après un entretien avec Dragana Cvijanovic et l’article “New in Town: Demographics, Immigration, and the Price of Real Estate” (Mimeo, 2010), co-écrit avec Jack Favilukis et Christopher Polk (actuellement en cours de révision).

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ALLER PLUS LOIN : COMMENT LE REGAIN D’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DÛ À L’IMMIGRATION IMPACTE LE PRIX DES LOGEMENTS

Puisque les immigrants quittent des zones pauvres pour s’installer dans des régions où l’économie est plus florissante auxquelles ils apportent eux-mêmes un surcroît d’activité économique, quel rôle ce dernier joue-t-il dans l’évolution du prix des logements ? Dragana Cvijanovic estime qu’il faudra conduire d’autres recherches pour répondre à cette question.

La recherche à HEC Paris

À propos d’HEC Paris

UNE GAMME COMPLÈTE DE FORMATIONS AU MANAGEMENT• Le programme de la Grande Ecole recrute, sur concours, des étu-diants sélectionnés pour leur grand potentiel, avant toute expérience professionnelle et les accompagne vers les plus hautes carrières du management.• Les Mastères Spécialisés sont des formations de haut niveau dispen-sées en français, qui permettent à des titulaires d’un Master dans un autre domaine d’acquérir une formation complémentaire dans une discipline particulière du mana-gement.• Les MSc, programmes d’excel-lence dispensés en anglais, sont ouverts aux étudiants titulaires d’un Bachelor ou d’un Master et issus des meilleures Ecoles et Universi-

tés du monde.• Le MBA est conçu pour les hauts potentiels, âgés de 25 à 35 ans, et capitalisant une expérience profes-sionnelle de 6 années en moyenne.• L’offre pour cadres et dirigeants d’HEC Executive Education propose des formations conciliables avec la poursuite d’une activité profes-sionnelle :

- Le TRIUM Global Executive MBA en partenariat avec New York University, Stern School of Business (NYU Stern) et London School of Economics and Political Science (LSE)- L’Executive MBA, délivré sur cinq localisations (Paris, Bei-jing, Shanghai, St Saint-Péters-bourg et Doha) et décliné en huit majeures- Sept Executive Mastères Spé-cialisés à temps partiel

- Les programmes certifiants, courts et sur mesure pour les entreprises ainsi que des actions de coaching.

• Le Doctorat a pour vocation de for-mer des enseignants-chercheurs de haut niveau dans les disciplines de gestion.

LE CORPS PROFESSORAL ET LA RECHERCHE• 115 professeurs permanents à la pointe des connaissances de leur discipline et de la réflexion sur la pédagogie

- 60 livres publiés dans plusieurs langues dans les cinq dernières années, dont les best-sellers que sont Strategor et Finance d’entre-prise- 360 articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lec-ture en économie ou en droit,- 930 communications dans les congrès et conférences scien-tifiques au cours des cinq der-nières années.

• 26 professeurs émérites• 94 professeurs affiliés• 40 professeurs visitants• 700 chargés d’enseignement

LES ENTREPRISES PARTENAIRESHEC Paris entretient des liens étroits avec le monde de l’entre-prise. Ce partenariat privilégié peut

Créée en 1881 par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, HEC Paris a pour vocation de former des talents à fort potentiel, capables d’appréhender dans un environnement multiculturel les grands enjeux sociaux, politiques et économiques de demain. HEC Paris rassemble 115 professeurs permanents, plus de 4 000 étudiants et près de 8 500 cadres et dirigeants en formation chaque année. Elle est classée première business school en Europe par le Financial Times pendant six années consécutives.

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hecrecherche

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prendre plusieurs formes : création de chaires et centres d’enseigne-ment et de recherche, cours secto-riels, événements de recrutement réunissant chaque année plus de 200 entreprises sur le campus venant à la rencontre des étu-diants pour leur proposer stages et emplois, etc. Créée en 1972 par les diplômés HEC et reconnue d’utilité publique, la Fondation HEC compte plus de 5800 donateurs individuels et 50 entreprises partenaires, ainsi que des chaires d’entreprise.

LE RÉSEAU DES DIPLÔMÉSFondée en 1883 et déclarée d’utilité publique, l’association HEC Alumni compte 45 000 diplômés à travers le monde. Sa première mission est de faciliter les échanges, les partages d’expériences entre ses membres, dans le cadre d’un réseau orga-nisé en 27 structures régionales, 69 structures à l’international, 45 groupements professionnels, orga-nisant plus de 1 000 manifestations par an dans tous les pays.

LES PARTENARIATS ACADÉMIQUESHEC compte 134 partenaires aca-démiques en France et à l’étran-ger, parmi lesquels : Sciences Po Paris, Mines ParisTech, SUPAERO, AgroParisTech, Freie Universität Berlin, Chinese University of Hong Kong (CUHK), Fundação Getulio Vargas-EAESP, Graduate School of Management of St Petersburg State University, IIM Ahmedabad, London School of Economics, MIT Sloan School of Management, National University of Singapore Business School (NUS), New York University Stern School of Business, Tsinghua

University School of Economics & Management, Oxford Saïd Business School, Keio Business School in Tokyo et plus récemment Tech-nische Universität München, etc.

LES ALLIANCES INSTITUTIONNELLESDepuis juin 2008, HEC Paris est membre fondateur de ParisTech, un pôle de recherche et d’ensei-gnement supérieur (PRES) qui rassemble 12 des plus presti-gieuses Grandes Écoles françaises. ParisTech, qui dispose d’une forte présence à l’international, a pour objectifs d’attirer et former les meilleurs talents et de développer un enseignement et une recherche de niveau mondial.

HEC Paris est également membre fondateur de la Fondation de coopé-ration scientifique (FCS) du Campus Paris-Saclay, grand campus scien-tifique et technologique à vocation mondiale, inséré dans un “cluster” à fort potentiel de développement économique. HEC Paris, la Business School de l’Initiative d’Excellence (Idex) Paris-Saclay, a été sélection-née en 2012 par un jury international dans le cadre des Investissements d’avenir pour l’enseignement supé-rieur et la recherche. n

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LES CLASSEMENTS

En France• Programme Grande Ecole : 1re place dans L’Etudiant, Le Figaro Etudiant,

L’Express, Challenges, le Parisien, le Point…

À l’international, classement Financial Times• Première Business School en Europe pendant six années consécutives • Programme Grande Ecole (Master in Management) : 4e mondial • “Pre-experience Global Masters in Finance” : 1er mondial • MBA : 18e mondial • Executive Education : 2e mondial• TRIUM Global Executive MBA : 2e mondial

Fondée en 1883

et déclarée

d’utilité publique,

l’association HEC Alumni

compte 45 000 diplômés à

travers le monde.

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Les professeursd’HEC Paris

Le corps professoral est au cœur de la création et de la diffusion de savoir au sein d’HEC. Forte de 115 professeurs permanents, dont 60 % d’étrangers provenant de 28 pays différents, la faculté mène des tra-vaux de recherche reconnus inter-nationalement dans la plupart des grandes disciplines du management et reflète la diversité de pensée et de cultures, l’ouverture d’esprit et l’exigence intellectuelle d’HEC.La faculté permanente est ren-forcée par 94 professeurs affiliés qui apportent leurs compétences académiques mais aussi profes-sionnelles et pédagogiques aux étudiants et participants des pro-grammes d’HEC et par une quaran-taine de professeurs visitants qui viennent chaque année enseigner et mener des travaux de recherche avec les professeurs d’HEC.Depuis plus de 20 ans, HEC nomme chaque année professeur Honoris Causa les chercheurs et univer-sitaires les plus reconnus dans leur spécialité. Plus de 35 profes-seurs Honoris Causa provenant du

monde entier font ainsi partie de la communauté HEC. Cette faculté prestigieuse comprend des prix Nobels, tels que Pierre-Gilles de Gennes ou Mohammed Yunus, des professeurs de renommée mondiale tels que Michael Porter, Robert Merton, Oliver Williamson ou Jim March, ainsi que des profes-seurs du Collège de France comme Pierre Bourdieu et des membres de l’Académie Française tels que Hélène Carrère d’Encausse.HEC recrute en permanence, en s’appuyant sur des critères très exigeants, s’alignant sur la nécessité d’attirer des profes-seurs chercheurs de formation

Le recrutement de professeurs de haut niveau est un facteur stratégique de premier plan. Il répond aux critères d’excellence retenus par les accréditations internationales. Dans un contexte de compétition mondiale pour attirer les meilleurs talents, HEC Paris a su gagner une place reconnue dans le domaine de la recherche ainsi qu’une pertinence accrue des enseignements offerts pour devenir un centre d’excellence académique et contribuer au développement des connaissances dans les domaines du management et de l’économie.

internationale, capables de com-biner excellence pédagogique et recherche académique dans la plupart des grandes disciplines du management. Au cours de l’année académique 2011-2012, le corps professoral permanent d’HEC Paris s’est ainsi enrichi de 14 nouveaux enseignants-chercheurs, recru-tés dans les meilleures institutions mondiales (Bocconi, Insead, Kel-logg, L.S.E., U.C.L.A., etc.). Par leurs travaux de recherche, par la création de matériel péda-gogique, par l’interaction avec le monde des affaires, les profes-seurs nourrissent les programmes d’enseignement d’HEC ; ils contri-buent à la réflexion des entreprises dans le domaine du management et participent aux débats de la com-munauté scientifique nationale et internationale.

L’INNOVATION PÉDAGOGIQUEL’innovation pédagogique à HEC s’appuie sur deux axes principaux :• Le développement du matériel pédagogique : des budgets de la fondation sont alloués chaque année aux projets pédagogiques

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l’Europe d’HEC, le Club Finance Internationale, et l’Observatoire du Management Alternatif. Ces centres d’expertise sont complétés par des centres de recherche sur des thématiques transversales : le Centre de Recherches “Society and Organizations” (SnO), le Centre de Recherches sur l’innovation (INNO) et le Centre de Recherches sur les individus et les organisations (RIO). n

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Forte de 115 professeurs

permanents, dont 60 %

d’étrangers provenant de

28 pays différents, la faculté

mène des travaux de recherche

reconnus internationalement.

innovants. Une collection de cas HEC a été créée en partenariat avec la C.C.M.P. (la Centrale de cas et de médias pédagogiques) pour accroître la visibilité d’HEC auprès des universités et écoles qui uti-lisent les cas HEC dans le monde. Parmi les près de 200 cas déjà déposés, une vingtaine de cas sont diffusés sous le label “Collection de cas HEC”. Près de la moitié sont des cas multimédia et de nombreux jeux de simulation sont également développés par nos professeurs.• Les innovations technologiques: HEC utilise les nouvelles techno-logies pour accroitre la diffusion et l’efficacité des enseignements. Outre la mise en ligne des conte-nus académiques sur iTunesU, de nouveaux outils tels que l’ iPad, les tablettes interactives, les e-books et les réseaux sociaux sont utilisés dans nos programmes pour permettre aux étudiants de s’approprier les contenus et de se concentrer sur l’interactivité en salle de classe.

LES CENTRES D’EXPERTISE À HECLes professeurs à HEC sont organisés en départements qui

permettent de regrouper nos cher-cheurs et enseignants autour de domaines clés de compétences : comptabilité et contrôle de ges-tion, droit et fiscalité, économie et sciences de la décision, finance, langues et culture, management des ressources humaines, mana-gement des opérations et des sys-tèmes d’information, marketing, stratégie et politique d’entreprise. Pour permettre à nos professeurs de travailler sur des programmes d’enseignement, de formation et de recherche interdisciplinaires, HEC dispose également de centres d’études spécialisés ouverts aux étudiants et aux professionnels: le Centre de l’Entrepreneuriat, HEC Eurasia Institute, l’Institut de

DE NOMBREUX PRIX sont décernés à nos professeurs dans le domaine de la pédagogie, avec le soutien de la Fondation HEC : prix de l’innovation pédagogique, prix Vernimmen de l’excellence pédagogique. Plusieurs de nos professeurs ont également été récompensés pour la qualité des cas qu’ils ont créés : Prix EFMD, Prix CCMP. Ces prix permettent de valoriser nos meilleurs enseignants et de développer l’innovation et l’excellence pédagogique au sein du corps professoral.

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hecrecherche

La recherche à HEC Paris

Dans un contexte de compétition internationale, la recherche consti-tue un facteur clé de la crédibilité d’une business school. La réputa-tion des écoles de gestion est en effet en grande partie déterminée par la qualité des innovations faites par leur corps professoral. Les écoles qui bénéficient de la meil-leure réputation attirent ensuite les meilleurs talents, à la fois du côté des étudiants et participants et des professeurs. Dans cette bataille mondiale pour attirer les meilleurs talents, HEC a su gagner une place reconnue qui se traduit par un positionnement dans les rankings internationaux. En jan-vier 2012, le Financial Times a classé la recherche d’HEC au 4e rang euro-péen (en 2002 la recherche d’HEC avait été classée au 17e rang en Europe). Cette progression forte a été rendue possible grâce aux importants investissements qu’HEC a réalisés avec l’aide de la CCIP et de la Fondation HEC et passe par un effort renouvelé de recrutements d’enseignants chercheurs formés dans les meilleures universités. Le dynamisme de la recherche à HEC peut se mesurer à l’aune de critères de performance quanti-fiables : 90 articles ont été publiés l’an passé dans les revues acadé-miques de référence, 200 présen-tations scientifiques ont été faites par nos professeurs sur la même période, une quinzaine d’ouvrages ont été publiés.La politique de recherche à HEC se base avant tout sur une étroite

collaboration avec le CNRS. Le GREGHEC, Unité mixte de recherche, réunit sur le campus d’HEC quatre chercheurs statu-taires du CNRS et une partie de nos enseignants-chercheurs.Cela permet une visibilité plus grande d’HEC au sein de la com-munauté scientifique française et l’accès à des fonds de recherche nationaux. L’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) a attribué au GREGHEC la note A+, correspondant à la distinction la plus élevée. Le développement de la recherche académique à HEC a permis la conclusion de partenariats avec des institutions scientifiques fran-çaises de renom. En juillet 2012, un accord de consortium a été signé avec Polytechnique et l’ENSAE au sein du Labex Ecodec (Economie et sciences de la décision : Réguler l’économie au service de la société).

LA RECHERCHE RÉCOMPENSÉENos professeurs se sont vu attribuer de nombreux prix tels que le prestigieux “Distinguished Marketing Scholar Award 2012” de l’EMAC décerné à Gilles Laurent, Professeur de Marketing ou le Prix de la Recherche en Management décerné à Corey Phelps dans la catégorie Management/ RH/ Organisation et à Marc Vanhuele dans la catégorie Marketing/Sciences de la Décision. Certains de nos jeunes professeurs ont également reçu un prix pour leurs thèses. Diane-Laure Arjaliès s’est vu décerner le prix de la meilleure thèse “Finance et Développement Durable“ attribué par le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) et les PRI (Principles for Responsible Investment) lancé par les Nations Unies et Tomasz Obloj le prix Wiley Blackwell de l’Academy of Management.

En septembre, HEC a signé l’accord de consortium de l’Equipex CASD (Centre d’accès sécurisé distant aux données) qui réunit HEC, l’EN-SAE, Polytechnique, l’ENS Cachan, le GIS Réseau Quételet et l’INSEE. Enfin, HEC joue également un rôle actif dans la création de la future Université Paris-Saclay qui réunira 23 institutions d’élite à partir de 2014 au sein du plus grand pôle académique français. n

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Chaire AXA Sciences de la DécisionTitulaire : Itzhak Gilboa, Professeur d’Economie Sciences de la

Décision

Chaire BNP ParibasDirecteur Exécutif : Pascal Quiry, Professeur Affilié de Finance

Chaire Deloitte - Société Générale Energie et FinanceTitulaire : Christophe Perignon, Professeur de Finance

Directeur Exécutif :Jean-Michel Gautier, Professeur Affilié de Finance

Chaire Digital Innovation for Businessavec le soutien de Free - Meetic - Pixmania Group - PriceMinister

(Pierre Kosciusko-Morizet) - Vente-privee.comDirecteur Exécutif : Julien Lévy, Professeur Affilié

Chaire EDF Nouveaux Business Models dans l’EnergieTitulaire : Dominique Rouziès, Professeur de Marketing

Chaire France Telecom Orange Management de l’Innovation et Globalisation

Titulaire : Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Professeur de Management des Opérations et des Systèmes d’Information

Chaire GDF-Suez Business and SustainabilityTitulaire : Rodolphe Durand, Professeur de Stratégie et Politique

d’Entreprise

Chaire Google Google@HECDirecteur Exécutif : Julien Lévy, Professeur Affilié

Chaire Ministère de la Défense - IRSEM Economie et Stratégie de Défense

Directeur Exécutif : Pascal Chaigneau, Professeur Affilié

Les chaires et centres

Chaire Jean MonnetTitulaire : Alberto Alemanno, Professeur de Droit et Fiscalité

Chaire Pernod Ricard Management des Marques de PrestigeTitulaire : Jean-Noël Kapferer, Professeur de Marketing

Chaire PPR Luxe Stratégies du luxeDirecteur Exécutif : Anne Michaut-Denizeau, Professeur Affilié de Marketing

Chaire Safran - HEC - SUPAERO Management des programmes innovants, appliqué à l’aérospatialDirecteur Exécutif : Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Professeur de Management des Opérations et des Systèmes d’Information

Chaire SFR MarketingTitulaire: Jean-Marc de Leersnyder, Professeur de Marketing

Chaire Social Business / Entreprise et pauvretéEn partenariat avec Danone, Renault et Schneider ElectricTitulaire : Frédéric Dalsace, Professeur de Marketing

Chaire Total Management de l’Energie

Chaire Webhelp Gestion du capital humain et performance de l’entrepriseTitulaire : Charles-Henri Besseyre des Horts, Professeur de Management des Ressources Humaines

Observatoire du Private Equity - Buyout CenterAvec le soutien de Abenex Capital, Astorg, AXA Private Equity, Chevrillon & Associés, IDI Group, Messier Maris, Roland Berger, SJ Berwin, WeilTitulaire : Oliver Gottschalg, Professeur de Stratégie et Politique d’Entreprise

Centre HEC Leadership – L’Oréal – AlcatelPrésident : Bernard Bourigeaud, Professeur Affilié

Une vingtaine de professeurs d’HEC sont titulaires de chaires. Les chaires permettent aux entreprises-donatrices de développer des contacts privilégiés avec les étudiants et les professeurs. Ces chaires visent à créer une vraie synergie entre l’écosystème HEC, les compétences du corps professoral et l’expertise des entreprises donatrices, à travers les cours, les publications et les conférences.

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À propos de la Fondation HEC

Créée en 1972 et reconnue d’uti-lité publique en 1973, la Fondation HEC a pour mission de soutenir les sciences de gestion en France, notamment au travers du dévelop-pement d’HEC Paris.

L’activité de la Fondation HEC s’est considérablement accélérée ces dernières années du fait des besoins croissants d’HEC Paris en matière de recherche et d’innova-tion pédagogique dans un contexte de forte concurrence mondiale entre business schools.

Il est aujourd’hui fondamental pour HEC de trouver des financements privés pour mener à bien ses pro-jets de développement et compléter les fonds apportés par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (17 % du budget annuel de l’Ecole).

C’est ainsi que la Fondation HEC a lancé en 2008 sa première cam-pagne de levée de fonds avec pour objectif de collecter 100 millions d’euros d’ici 2013, et permettre de : • contribuer à l’excellence acadé-mique et pédagogique d’HEC Paris grâce à un corps professoral du meilleur niveau et à la production d’une recherche en management de renommée mondiale,• offrir à tous les étudiants méri-tants la chance d’étudier à HEC Paris, quels que soient leurs moyens financiers grâce à des bourses de scolarité attractives.Fin 2012, un total de 95 millions d’euros ont été reçus en promesses

de dons. La Fondation HEC bénéfi-cie du soutien fidèle et bienveillant de plus de 50 entreprises parte-naires, 130 Grands Donateurs et plus de 6 000 diplômés donateurs. En 2011, avec 18M€ de dons per-çus, la Fondation HEC a apporté 8M€ au budget d’HEC et a ainsi permis de financer plusieurs pro-jets prioritaires dont les bourses de scolarité, la recherche acadé-mique, l’innovation pédagogique et le développement international.

Renforcer les conditions d’une recherche compétitive de haut niveau et offrir un cadre de recherche stimulant aux profes-seurs-chercheurs d’HEC sont des enjeux majeurs pour l’Ecole.

En soutenant la diffusion de cette recherche, notamment au travers de recherche@hec, nous sommes fiers de participer à la création et la dissémination d’un savoir de pointe

ÉVOLUTION DE LA COLLECTE DE LA FONDATION HEC

2006 2011

n diplômés n entreprises

2007 2008 2009 2010

3,4M€5,1M€

6,6M€

9,8M€

13,1M€

18,1M€

ALLOCATION DES FONDS 2011 : 18 MILLIONS D’EURO COLLECTÉS

n frais de fonctionnement n capitalisé n fonds dédiés (chaires) n financements de projets à HEC

chaires et développement international

recherche et pédagogie

bourses 4,2M€

2,1M€

1,5M€

dans le domaine du management et de promouvoir ainsi la réputation de notre Ecole sur la scène mondiale. n

Daniel Bernard (H69)Président de la Fondation HEC

6 %

21 %

28 %

45 %

GRANDS HEC :Pierre Bellon, H54Philippe Foriel-Destezet, H58

GRAND BIENFAITEUR :François-Henri Pinault, H85

BIENFAITEURS :Jean-Luc Allavena, H86René Pierre Azria, H78Daniel Bernard, H69Pascal Cagni, MBA86Henri de Castries, H76Sylvain Hefes, H74Pascal de Jenlis , H73Didier Pineau-Valencienne, H54Valérie Taittinger-Colloredo, H94Yoël Zaoui, H82

MEMBRES D’HONNEUR :Pierre Andurand, M00Olivier Combastet, MBA86Pierre-Antoine Gailly, H75Bertrand Léonard, H85Bernard Meheut, H60Bernard Parent, H61Guillaume Poitrinal, H89

MEMBRES PARTENAIRES :Joseph Audi, H71Donald Bryden, H74Tony Chedraoui, H00Cyrille Chevrillon, H76Paul Dini, H60Olivia, MBA98 & Loïc Fery, H97François Feuillet, H70Thierry Flecchia, H84André François-Poncet, H80Philippe Ginestié, H66Laurence, MBA80 & Jean-Marie Hennes, MBA80Henri Lagarde, H63Jean-Louis Laurens, H77Eric Lombard, H81Bruno Moineville, MBA88Joseph Oughourlian, H94Frank Piedelièvre, H79

Jean-Claude Le Lan, E91Alain Lebleu, H70Yann Leca, H88Pierre Ledoux, H35 =Jacques Lehn, H65Jean-Jacques Lejal, H77Evelyne & Michel Léonard, H70Philippe Marien, H80Alain Massiera, H77Dominique Mégret, H70Laurent Mignon, H86Diane, H87 & Paul Mizrahi, H87Denis Monnoyeur, H76Ludovic de Montille, H77Pierre Moustial, H86Sophie, H88 & Patrick Mouterde, H89Lise Nobre, H86Philippe Oddo, H84Jean-François Palus, H84Alain Papiasse, E89Jean-Luc Parer, H76Jean Peters, H66Christian Peugeot, H76Samuel Pinto, H78Marie-Laure Pochon, MBA83Henri Proglio, H71Baudouin Prot, H72Françoise, H88 & Pascal Quiry, H84Jean-Louis Rambaud, H87 =Deepak Rao, H95Claude Razel, H53Marie-Caroline, H78 & Dominique Rémy, H76Robin Rousseau, H93Julie, H96 & Karim Saddi, H97Gwénaël de Sagazan, H80Isabelle, H87 & Bertrand Schwab, H87Jean-Dominique Senard, H76Olivier Sevillia, MBA90Pierre Tattevin, H79Jean-Pierre Valeriola, H57Christian Vulliez, H66

Stéphane Richard, H83Olivier Sibony, H88Pascal Stefani, H88

MEMBRES :Jean-Paul Agon, H78Makram Azar, H90Jean-Luc Belingard, H71Sébastien Breteau, M97Séverin Brizay, H93Yves Canac, H76Philippe Capron, H79Bertrand Cardi, H96Vianney de Chalus, H77Hervé Claquin, H73Christophe Cremer, H76Frank Dangeard, H80Pierre Danon, MBA80Laurence Debroux, H92Sandrine Devillard, H93Olivier Diaz, H87Gaël Dutheil de La Rochère, H88Denis Duverne, H74Serge Ekue, E11Michel de Fabiani, H67Jean-Marie Fabre, H71Laure, H94 & Jean Fau, H93Nathalie, H99 & Mathieu Gaveau, H98Nicolas Giauque, H93Bruno Grob, H72 =Isabelle Guichot, H86Jean-Jacques Guiony, H84Guillaume d’Hauteville, H85Bernard Hours, H78Frédéric Jousset, H92Hubert Jousset, H65Claude Jouven, H62Denis Kessler, H76Pierre Kosciusko-Morizet, H99Pierre de Labouchère, H76Henri Lachmann, H61Bruno Lafont, H77Philippe Latorre, H83Marc-Olivier Laurent, H75Philippe Le Bourgeois, H86Pierre-Louis Le Faou, H71

Merci aux grands donateurs de la Fondation Hec

Liste au 01/10/2012, engagements à partir de 150 000 €Contact Fondation HEC : Sandra Bouscal, directrice du développement, [email protected], tel. : 33 1 39 67 97 02

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Les ouvrages parus en 2011- 2012

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Better business regulation in a risk society Alberto ALEMANNO, F. den Butter, A. Nijsen et J. Torriti(Springer, 2012).

La stratégie du propriétaireEnquête sur la résilience des entreprises familiales face à la criseAlain BLOCH, N. Kachaner et S. Mignon(Pearson - Collection Village Mondial 2012).

La Marque FranceVincent BASTIEN, P. Dubourdeau et M. Leclère(Transvalor – Presses des Mines 2011).

GRH et mondialisation, nouveaux contextes, nouveaux enjeuxFrançoise CHEVALIER et D. Cazal, Davoine, P.Louart eds(Dalloz 2011).

Management de l’innovation de ruptureNouveaux enjeux et nouvelles pratiquesSihem BEN MAHMOUD-JOUINI, R. Maniak et C. Midler(Editions de l’Ecole Polytechnique - Ellipses 2011).

Tableaux de bord : donnez du sens à vos indicateursMarie-Hélène DELMOND, Hélène LÖNING et Olivier Bruel, M. Besson, C. Bonnier et C. Mendoza(Groupe Revue Fiduciaire 2011).

GRH : une approche internationale – 3e éditionCharles-Henri BESSEYRE des HORTS et Françoise CHEVALIER, D. Als, M. Bayad, B. Fadi et J.M. Peretti(Ed. De Boek, Bruxelles 2011).

L’incroyable histoire de Wall StreetJacques GRAVEREAU et J. Trauman(Albin Michel 2012).

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Les produits dérivés et les grands désastres financiersLaurent JACQUE(Economica 2011).

Le business model du low costVéronique NGUYEN et Michel SANTI, Préface de Pierre Kosciusko-Morizet(Editions Eyrolles - Collection Stratégie 2012)

Strategic Brand Management: New Approaches to Creating and Evaluating Brand Equity, traduction de : “Les marques, capital de l’entreprise”Jean-Noël KAPFERER(Kogan Page, Londres 2012).

Confiance et Défiance dans les OrganisationsRoland REITTER et Bernard RAMANANTSOA(Economica 2012).

Finance d’entrepriseYann LE FUR et Pascal QUIRY(Dalloz, Paris 2012).

La fin de la dictature des marchés ? David THESMAR, D. Thesmar eds.(PUF, Paris 2012).

Choisir son droit :conséquences économiques du choix du droit applicable dans les contrats internationauxFrançois LENGLART et P. Durand-Barthez, F. Lenglart Eds(L’Harmattan 2012).

Le manager anticriseChristopher HOGG(Dunod, Paris 2012).

HEC Paris, 1 cours de la Libération 78359 JOUY en JOSAS. Tel : +33 1 39 67 70 00 ; email : [email protected].