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MaryMatthews

Rédemption***

Sander

ISBN:9782380730616

©2019MaryMatthews

Tousdroitsréservés,ycomprisdroitsdereproductiontotaleoupartielle,soustoutessesformes.

Copyrightcouverture:ShutterstockMontageCouverture:©LaRoseetleCorbeau

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REDEMPTION-SANDERCopyright:©2019MaryMatthews(Maryrhage)Conceptiongraphique:©AmheliieMontagecouverture©LaRoseetleCorbeauTout droit réservé. Aucune partie de cet ebook ne peut être reproduite outransférée d’aucune façon que ce soit ni par aucun moyen, électronique ouphysiquesanslapermissionécritedel’éditeur,saufdanslesendroitsoùlaloilepermet. Cela inclut les photocopies, les enregistrements et tout système destockageetderetraitd’information.ISBN:9782380730616Premièreédition:Septembre2019ImpriméparAmazon–KDP

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TabledesmatièresPlaylistPrologueChapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19Chapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26Chapitre27Chapitre28Chapitre29ÉpilogueRemerciementsProchainementL’auteur

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PlaylistPrologue:Lifehouse-Yesterday'sSon1:BetaRadio-OurRemains2:WalkingOnCars-Monster3:DavidBowie-Let'sDance4:ViolettaSpring-Shadows5:BulletForMyValentine-Radioactive6:GooGooDolls-Boxes)7:OneRepublic-RescueMe8:Barbarossa-DarkHopes9:GavinJames-Nervous10:MattAndersen-I'mGivingIn11:TheFaim-Humans12:Tallisker-Blind13:DavidBowie–LifeOnMars?14:Jamelia-Stop15:BubbaJamez-BadRomance16:NothingButThieves-Crazy17:TheKills-HeartOfADog(18:MichaelPatrickKelly–HigherLove19:Her-Her20:Causes-Madeline21:FoyVance-MakeItRain22:PaintedPale–YouCanRun23:MarkMorrison-ReturnOfTheMack24:Portishead-GloryBox

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25:JamesVincentMcMorrow-WickedGame26:DannyVera-AllIWannaDo(IsMakeLovetoYou)27:OfMonstersandMen-Wars28:BishopBriggs-Champion29:FrankCarter&TheRattlesnakes-DevilInsideMeÉpilogue:TheBonyKingofNowhere-LikeLoversDo

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PrologueSander

Birmingham,Alabama,1995Papasegarelelongdutrottoir,ilcoupelemoteuretsetourneversmoi.Jesuisfatigué, j’ai enviededormir et durant le trajet, ilm’ena empêché enpinçantmescuisses.Ildéfaitmaceintureetmehissedeboutsurlabanquettedupick-up.Je regarde par la fenêtre de derrière, la rue est animée, il y a du monde etbeaucoupdelumière.—Lablondeavecleshortrouge,dit-il.Mesyeuxfatiguésscrutentletrottoiretjevoislafemmequ’ilmedésigne.Elleestadosséeàunmuretfumeunecigarette.Jehoche la tête, jen’aipas enviede faire ça. Je veux rentrer et allerdormir.Maisjen’auraispasledroitdefermerl’œiltantqu’onn’aurapasfaitcequ’ilveut.Ilmedescendde labanquette, jemerassois. Il sepencheet tirede laboîteàgantunnounoursusé.Jem’enempareetlerenifleenlepressantcontremoi.Ilsentmaman,ilsenttoujoursmaman,mêmeaprèsbeaucoupdetemps.Jenesaispascombienexactement, jen’étaispasbébé,maisjen’étaispasgrandcommemaintenantnonplus.Papam’arrache la peluche desmains, jem’apprête àme plaindre lorsque jecroisesonregarddur.Jemeratatinedansmonsiège.—Tusaiscequetuasàfaire?Savoixmefaittremblerdepeur,alorsjehochejustelatêteenfixantmonoursonbleudanssesmains.—Sander?ilgronde.Jemeredresseimmédiatementavantqu’ilmecorrige.—Oui,jerépondsd’unevoixfaiblarde.Ilinspire,çaneluiplaîtpasquandjenesuispasconcentré.—Tusaispourquoionestlà,fils?Jem’apprêteàopinerdelatêtemaisjemereprendsavant.—Oui.PourchasserleDiable.Ilsouritetébouriffemescheveux.Ilmerendlenounoursquejem’empressede

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serrercontremoncœur.Mamanmemanque,maiselleavaitleDiableenelleetpapaadûlechasser.—Danscetteruelle,ilreprendenmemontrantdudoigtunpassageàdroite.J’acquiesce, il sepencheetouvremaportière.Jesautedupick-upetpapaneperdpasdetemps,ilrepart.Jetournelatête,lafilleesttoujourslàetjem’approchedoucement.Jen’aipaspeur,papadit que leDiablene semontrepas souventauxenfants, qu’il vientquandilyadesgrandespersonnesseulement,alorslafillenemeferapasmal.C’estpourçaquepapam’envoie,pourqueledémonresteeneuxtantqu’ellesnesontpasattachées.J’arrive à sa hauteur et lève la tête pour la regarder. Elle est jolie, on diraitmaman,avecsescheveuxdelacouleurdel’oretsesyeuxbleus.Ellemesourit.—Salut,bonhomme,tut’esperdu?Sa voix est douce, je serremonnounours, ce n’est pas elle qui parle, c’est levilain,celuiquiaprissoncorpspouradoucirsestraits.Elles’accroupitdevantmoipourêtreàmahauteur, elleest vraiment jolieet sesoreillesbrillentavecdesbijoux.—Commenttut’appelles,mongrand?—Sander,jemarmonneenmâchouillantl’oreilledel’ours.—Oùsonttesparents,Sander?Jehausselesépaulespourluisignifierquejenesaispas.—Tun’espasvenuicitoutseul?—Non,avecpapa.—Ilestoùtonpapa?—Jesaispas.Iladitd’attendredanslavoiture,maisjevoulaisfairepipi,alorsjesuisdescenduetaprèsj’aimarchéetjesaisplusoùestlavoiture.Ellemesouritencaressantmajoue.—Cen’estpasgrave,onvaleretrouver.Tuviensdequelledirection?Jeluimontredudoigtladroite.Elleseredresse,prendmamainetm’entraînedanscesens.—Elleestcommenttavoiture?—Orange,commeunecitrouille.Ellerit,jelatrouvebelle,encoreplusquandellerit.—Voilàquidevraitêtresimpleàtrouver.Onmarche,mamaindanslasienne,monoursondansl’autre.Leslumièresmepiquentlesyeuxmaisjenesuisplusfatigué.Papan’estpasloin,onarriveaucroisement,elleregardepartoutautourd’elleetvoitlepick-up.

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—Jecroisqu’onatrouvétoncarrosse,Sander.Je lui souris, je l’aimebien cette fille, elle est douce et gentille enplusd’êtrebelle.MaisleDiableestenelle,ilvientdanslesjoliesetgentillesfillesm’aditpapa.Commemaman.Maman,elleétaitdouce,ellemefaisaitdesbisousetdeschatouilles,ellemepréparait toujoursdugâteauauchocolatetellemefaisaitdescâlinsavantdedormir.Onentredanslaruelle, iln’yaplusdelumièreet lebruitde larues’éteintàmesurequ’onavance.Lafilleregardeautourd’elle,samainserreunpeupluslamiennepuisnousarrivonsàlavoiture.Elleregardeparlafenêtremaisiln’yapersonne.Ellemeprenddanssesbrasetm’installesurlecapot.Ellesfonttoutesça.—Ilestalléfairequoitonpapa?—Chercherdel’argent.—Bon,onval’attendrealors.Elle sourit, derrière elle, papa sort entredeuxpoubelles, il avancedoucementsansfairedebruit.Jenedoispasleregarder,parcequ’unefoisjel’aifaitetlafilles’estretournée.Elleacriéetj’aieumalauxoreillesaprès.Maisc’estplusfortquemoi.Alorsjebaisselesyeuxsurmonourson,jelecaressependantquepapa attrape la fille, je lui parle pour ne pas entendre les bruits. Je racontel’histoiredelafillesauvéeduDiableparpapa.Ilestunhérosetpourêtreunhérosquelquefois,ilfautfairemalpourqueçaaillemieuxaprès.Lecorpsdelafilletombeausol,papalesoulèveetleramènesurleplateaudupick-up.Ilestfortmonpapa,trèsfort.Illarecouvreaveclabâchepuisilmefaitdescendreducapot.Sesyeuxbleusnesontplusencolère,ilsnesontplusméchants.—C’estbien,Sander,jesuisfierdetoi.Ilm’installesurlabanquette,iltentedemereprendremonours,j’essayedelegardermaisilmel’arrachedesmains.—Laprochainefois, je te le laisseraisurleretoursi tufaisaussibienquecesoir.Jesourisravidecetteperspective,mêmesijen’aimepastropsortirlanuit,aumoinsj’auraisl’odeurdemamanencoreunpeuplus.

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Chapitre1Elsa

Jetendsunregardnoiràmamère,quirelâcheimmédiatementlacuillèrequ’ellevenait de prendre. Elle recule en levant les bras et me laisse m’occuper dudéjeuner. Alice Clark sait que je déteste qu’on fasse les choses à ma place.Surtout ici, chezmoi. Je les ai invités, c’est àmoi dem’occuper d’eux et pasl’inverse.J’éteins le feu, l’espèce de ragoût que j’ai préparé est prêt. J’attrape troistorchonsquejepliesurmesgenouxpuisledessous-de-platetenfinlacasserolequejecalesurmesjambes.Mamèremesuitduregard,lesyeuxgrandsouvertscomme à chaque fois que j’agis de la sorte. Je roule jusqu’à la table etm’empressededéposerleplatensoncentre.Lachaleurcommençaitàmebrûlerleventre.Mon père se précipite dessus, l’estomac au bord du chaos tellement il sembleavoirfaim.Çamefaitrire,j’aimelevoircommeça,commesitoutétaitnormal,parce que ça l’est. Depuis dix ans maintenant, mais depuis quelques moisseulement ici, dans cette maison. Ma mère nous rejoint à table et nous nousservonsensilencedansunpremier temps.Ellemarmonneuneprièrepourelleseule,alorsqu’onestdéjàentraindemanger.Jeneprieplusdepuislongtempsmaintenant.JenecroisplusenDieuàsonplusgranddésespoir,parcequepourcellequim’amiseaumonde,jesuisencoreenvieetc’estgrâceàlui.Pourmoi,c’estsafautesimesjambessontdevenuesinutiles.Le repascommence,Poufsoufflevient secalerprèsde la rouegauchedemonfauteuil, le golden retriever n’est jamais loin demoi, il veille.Mieux quemamère.—Commentsepasseletravail?m’interrogemonpère.— Ça va, j’ai un nouveau client. Une petite entreprise spécialisée dans ledéveloppementdurable.Ilstournentplutôtbienàpremièrevue.S’ensuitunediscussionsurlesbienfaitsdecegenredeproduits,surleclimatettoutcequivaavec.Undéjeunerdominicalnormaldansmafamille.Unefoisparmois, ils font le trajet depuis Mobile pour voir comment je vais. Je me suiséloignéedelavilleilyahuitmoismaintenant.J’aimevivreici,àAnderson,loinde tout, dans mon coin perdu d’Alabama. Il n’y a rien ni personne à cinq

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kilomètres à la ronde. Je peux sortir et hurler si j’en ai envie, il n’y a quePoufsoufflepours’eninquiéteretc’estagréabledesesentirlibre.—T’asunnouvelordinateur?Monpèremontredudoigtmonbureauaménagédansuncoindusalon.Jesouris,j’ai enfin pu m’offrir l’ordinateur de mes rêves. Je suis comptable et depuisquelquetemps,grâceauxbouchesàoreilles,maclientèles’agrandit.—Unvraipetitbijou.J’ai installéFortnite,si t’espartant,aprèsmangeronseferaunepartie.Mamèresoupire,cequinousamuse.Ellesaitqueceneserapasqu’une,maisqueçadurerajusqu’àlafindelajournée.Unefoisqu’onestlancé,onnenousarrêteplus.—J’aiquelquesnouveauxDVDaussi,jepoursuispourlarassurer.Cequine fonctionnepasàpremièrevue.Monpèreme faitunclind’œil, elletrouverabienàs’occuper.Le repas se poursuit dans le calme,mon ragoût est plutôt bon,mon père faithonneur àmon plat et çame rassure. Je ne suis plus douée pour grand-chosemais cuisiner reste un plaisir. J’aime voir les gens se régaler de ce que j’aipréparé,voirleursourireetleurregardappréciermesplats.Onapassé l’après-mididevant lePCà tenterdefinirpremieràchaquepartie,notremeilleur score est quatrième, ce qui nous ravit. J’aime passer du tempsavecmonpère,ilestsimple,n’enfaitpastropdanssesinquiétudes,illaisseçaàmamère.Ilmedemandesijen’aibesoinderienetsijerépondsnon,iln’insistepas.C’est luiquiaaménagémamaisonpourqu’elle soitaccessibleavecmonfauteuil.Lesportesàbattantspluslargesdesortequejen’aiqu’àfoncerdedans,lescouloirsplusamples,lesmeublesàportéedemains,labaignoireettoutsonsystèmepourme transporterdedans.LouisClarkestdouédesesmainset il aunetonned’idéespourtout.Jeraccompagnemesparentsàlaportedemonpetitchaletoùilnemanquequeles sept nains. J’emprunte le chemin goudronné parmon paternel afin que jepuissem’extirperdelajungledupetitjardin.Ilssontgarésenbordderoute.Ici,iln’yapasbeaucoupdepassage,c’estuneroutesecondaire,empruntéeparceuxquihabitentdanslecoin,c’est-à-direpasgrandmonde.La nuit est tombée déjà, les champs en friche autour donnent des allures dedésertàl’endroit.Mamèrefrissonnesoussongrosmanteau.—Jenesaispascommenttufaispourresterseuledanscecoinpaumé.J’aimeça justement, le silence et les petits coupsdepaniqueque jeme fais àchaquebruitétrange.C’estvivantlapeur,çafaitdestrucsdansmoncorpsque

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j’adore.Desfrissons,deschatouillesetquelquefois, j’aimêmel’impressiondesentirmonsangcourirdansmesveines.— Et cette maison, poursuit mamère, on la dirait tout droit sortie d’un filmd’horreur.Elledésignecelledel’autrecôtédelarouteunpeuenamontdelamienne.C’estunegrandebâtisseblanche,laisséeàl’abandon,queletempsetlanaturen’ontpasépargnée.Lesfenêtressontbarricadéespardesplanchesdebois,l’herbeestsihautequejesuiscertainedemeperdrededanssi jamais l’idéemevenaitdem’yengouffrer.Letoitnoiresttrouéparendroitetj’aitendanceàmefairedesfilmsen la regardant. J’imaginecequi apu sepasserdanscettedemeure,deschosesterribles,horribles,justementdigned’unfilmd’horreur.Mes parentsm’embrassent avant de partir et deme faire jurer d’appeler plussouvent.J’attendsqueleurvoituresortedemonchampdevisionpourrejoindrele porche. Poufsouffle est parti faire son tour du soir et je reste unmoment àregarderl’horizonsombre.C’estvraiquec’estflippant,cetteabsencedelumièresitôtquelesoleilestcouché.Iln’yapasd’éclairagesurlaroute,çareviendraittropcherpourfinalementpeud’utilité.Iln’yapasdebruit,àpartlanatureauxalentoursetmonchienquigratte la terre.Jesuispeut-êtrefolled’aimerça,deme sentir bien dans cet endroit reculé, froid et rempli par les ténèbres.Maisputaincequej’adoreça!Jelèvelesbrasetmemetsàhurlercommeunloup.JerisquandPoufsoufflemerépond.Ilrappliqueencourantetmesautedessusententantdeléchermonvisage.Jenesaispastrops’ilaimequandjefaisçaousiçal’effraie.Moiçamefaitdubien,surtoutaprèsunejournéeencompagniedemesparents.

***Jesuisdansmon lit lorsqu’unbruit tonitruantmeréveille. J’ouvre lesyeuxengrand et tends l’oreille. Je pense d’abord à un l’orage mais, lorsque le bruitdevientplusfort,jemerendscomptequecen’estpasça.Unelumièrefiltreuninstant à travers les stores pas entièrement fermés de ma chambre. Et jecomprendsquec’estunemoto.Lebruits’arrêteetjemeredressedansmonlit,àl’affût des sons. J’allumema chambre,Poufsouffle aussi à l’oreille dressée aubasdemonlit.Uncoupd’œilauréveilm’indiquequ’ilestcinqheuresdumatinetjemedemandebiencequ’ilsepasse.Maismoncorpsmerappellesonétatet

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lebesoinpressantdemavessie.Merde.Jedégagelescouvertures,ramènemesjambesmortesendehorsdulitpuisjemehisse surmon fauteuil resté à côté. Je vais jusqu’aux toilettes dans la salle debainsadjacenteàmachambre.Elleestvaste,monpèreavoulumedonnertoutleconfortquejemériteselonlui.Douche,baignoire,desbarrespartoutpourquejepuissemehisserplusfacilementetdestoilettesàhauteurdemonfauteuil.Mapetitevictoiredumatinlorsquej’aipassélanuitsansavoirremplilacouchequejem’obligeàmettreaucasoù.C’estaussiçaêtreparaplégique,neplussesentir pisser. Il m’a fallu du temps avant de réapprendre à intercepter lessensationsdemavessie,desmoisetdesmois.Maparaplégieestincomplète,jegardequelquessensationsmaisellesnesontpasaussifortesquelorsquej’étaisdebout.Unefoisterminé,cequiprenddeuxminutespourquelqu’undevalide,maisbiendixpourmoi,jeroulejusqu’àlacuisineàl’avantdelamaison.J’éclairetoutsurmonpassage,lechienestdéjàdehorsàaboyer.Ilestsortiparl’énormechatièredelaportearrièreetafaitletour.J’attrapeungiletsurleporte-manteauetsorssur le porche. Je reste conne unmoment en voyant une lumière à travers lesplanchesdelamaisond’enface.C’estquoicesconneries?Jemerendscomptequejen’aipasprismonportable,alorsquel’idéed’appelerlesflicsmeprend.Maisquipourraitcambriolercetasderuines?Unsquatteurprobablement,cequineme rassurepasplus finalement.Poufsoufflen’en finitpasd’aboyeret je l’appellepourqu’il arrête.Monchienestobéissant, il a étédresséencesens,pourmerendreserviceetrépondreàmesinjonctions.Ilvients’asseoirprèsdemoi,lalanguependanteetlesoreillesdressées.Onrestecommedeuxconssousleporcheàguetter lesmouvementsde l’autrecôté de la rue. J’entends du bois craquer et je vois voler les planches quiprotégeaient la fenêtre à l’étage. La lumière y est aussi, elle vacille, sûrementune lampe torche,ça faitbien longtempsqu’iln’yaplusd’électricitédansceslieux.Jetrembleetresserrelespansdemongiletautourdemoi.Jesuisent-shirtsansriend’autredessous,etildoitfairezérodegré.Jeclaquedesdoigtsetnousrentronsauchaud.Jefermelaporteetmeposteàmafenêtrepourobserver.Maisjevoismald’ici,àpeineunfaisceaulumineuxdetempsàautre.Jemepenche,tentedechangerd’angleetjecroisdiscernerunemotoprèsdelaroute,cachéeparlesherbeshautes,maisçapourraitaussibienêtreunboutdemétal.

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Çam’agacedenepassavoir,denepaspouvoirallervoiretdedevoirattendrequelesoleilselèvepouressayerdecomprendrecequ’ilsepasse.Je retourne dans ma chambre chercher mon téléphone au cas où j’en auraisbesoin.Jefaisducaféenrevenantdanslacuisine,jenevaispasmerecoucher,tant pis, la journée commencera plus tôt. Une fois le liquide sombre dans unmug,jeretourneàmonposted’observationetjemefaislaréflexionqu’àmonprochainanniversaire,jeréclameraiunepairedejumelles.Ceseraplusutilequelatonnedelivressurcommentvivreavecunhandicapquemamèrejugebondem’offrir.

***Ilesthuitheurespasséquandjeréapparaissousleporche,lavée,habilléeetbiendécidéeàcomprendrecequ’il sepasse.Lesoleilest levé, la lumièrenaturellemepermetdevoirquec’estbienunemotoquiestàmoitiédans l’herbe.UnegrosseHarleydecequej’endiscerneàcettedistance,noirmat.AccompagnéedePoufsouffleet arméedemabombe lacrymo, jem’élance surmon allée, puis sur la route déserte que je traverse. Cette foutue route est enmauvaisétatetc’estunparcoursducombattantpouréviterlestrous.J’arriveenvuede lademeurequin’apresqueplusdeplanchesaux fenêtres, iln’en restequ’uneenbasencorecouverte. Jenepeuxpasallerplus loin,mon fauteuilnepasserajamaisdanslechampqu’estlejardin.Alorsjecrie.—Y’aquelqu’un?J’attends,aucuneréponsealorsjecontinueàcoupde«hého!y’aquelqu’un?».Le chien est de la partie, il aboie et hurle aussi pourm’aider. Je lui souris, jel’aimecetanimal.Jen’aipasvraimentpeur,plutôtdelacuriositéquim’habite.Ilauraitpuvenirchezmoietilnel’apasfait,c’estquesesintentionsconcernentuniquementcettemaison.Jemedemandepourquoietquipeutêtreintéresséparcettebâtisseenruines.Il y a du bruit dans la maison, la personne qui est là doit forcément nousentendre.Oncontinueetjevoislaportes’ouvrirdansungrincementsinistre.Unhommeen sort, dumoins, reste au seuil, il lève lesbras et en appuiun sur lechambranle,l’autresurlebattant.Ilesttorsenuetdégoulinedesueuralorsqu’ilfaitunfroiddecanard.Ilyadestatouagessursapeau,quejedistinguemald’icietsurtout,ilyadesmusclesbiendessinésjusqu’auVdubasventre.

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—Bonjour,dis-jeenremontantmonregardsursonvisage.Ilalescheveuxmi-longsbrunsattachéssursanuque,unregardétrécidontjenevoispaslacouleuretunebarbedequelquesjours.Ilestassezflippantensachantqu’iladébarquéenmotoenpleinenuitdanscettemaisondel’horreur.— Je suis Elsa, je poursuis lorsque je comprends qu’il ne va pas répondre,j’habitelamaisonenfaceetjevoulais…Ilreculeetrefermelaporte.Jeresteconneunmomentavantdejeterunregardàmon chien qui penche la tête, lui aussi incrédule face au comportement del’homme.C’estquoicecon!Jedevraissûrementêtreapeurée,maismêmepas,jesuisplutôténervéedesoncomportementdeprimate.Je crie de nouveau et cette fois, je rajoute un appel à la police si jamais il nerépondpas. Jeprendsmon téléphonecoincé sousmacuisse et ledéverrouille,prêteàmettremamenaceàexécutionlorsquelaportes’ouvredenouveau.Cettefois,ildescendentrombe,etmerejointrapidementauborddelaroute.Là,j’aipeur, parce que peut-être qu’il va me tuer et m’enterrer dans son jardin.Poufsoufflemontrelescrocsenlevoyantdéboulerdevantnous.Jesuisbouchebéeenledévisageant,enconstatantlaragedanssonregardbrun.Qu’est-cequejefouslà!—Jesuischezmoi,ilgronde,maintenant,casse-toi.Jenebougepas, luinonplusdu reste, il secontentedem’assassineravec sesyeux.—T’aspascompris?Dégage!Je suis tétanisée et je n’arrive pas à bouger. Jeme contente de le regarder ensentantmonsangseglacerdansmesveines.C’estquoicemec?—Va-t’en,ladébile,sinonc’estmoiquiappellelesflics.C’estclair?Débile?Jereprendsconscienceenécoutantcemot.Parmitoutessesmenaces,c’estbiencequimechoqueleplus.Jenesuispasdébile.—C’estvotremaison?jedemandeenrestantcalmemalgrél’enviedeluimettreunboncoupdebombelacrymodanslagueule.Mais j’ai été bien élevée il faut croire, je tente encore de communiquer. Il neprendpas lapeinede répondre, il jetteun regardduràPoufsoufflequigrognetoujourspuis,ilseretourneetgagnesamaison.Jevoisungroslouphurlantàlalunetatouésursondos,puis ildisparaîtderrière laportequ’il tentedeclaquermaisquirésistegrâceàlarouilledesgonds.

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Jeregardemonchienennecomprenantpastropcequ’ilvientdesepasser.Est-ce que j’ai un nouveau voisin bien détestable ou est-ce qu’il se fout de magueule?

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Chapitre2Sander

Pourquoiellenes’envapas? Je lavoisentre lesplanchesde la fenêtrede lacuisine, elle reste sur le bordde la route à…parler à son chien. J’attrapeunebièreque jedécapsuleavecmesdents sansquitter lapétassequi acrubondevenirm’emmerderavecsesquestions.Qu’est-cequeçapeut lui foutre,quivitici?Toujourslesmêmesconsdanslecoinilfautcroire,lesmêmesfouineursquinepeuventpass’empêcherdesemêlerdelavieduvoisin.J’aiétésurpriscettenuitenvoyantsabicoqueenfacedelamienne.Ellen’étaitpaslàilyadixans.Onétaitseuls.Ladébilesedécideenfinàbougersonfauteuilpourrentrerchezelleavecsonchien. J’avalema bière enme disant bon débarras et j’espère lui avoir passél’enviederevenir.Je sors de la pièce et remonte à l’étage. Le bois craque de partout, j’ail’impressionquechacundemespasvame faire transpercer leplancher. Jenevoulaispasrevenirici,maisjen’aipasvraimentlechoix.J’aichoisilemoindremal,lepireétantunfoyerremplidereprisdejusticeàMontgomery.Jepréfèreêtrelà,mêmesiçaveutdireinterdictiondequitterlecomté.Jesuischezmoietsurtout je suis seul. Jevais enavoirbesoindecette solitudepourplanifiermavengeance.En attendant, j’ai du boulot si je veux rendre habitable ce tas de ruines.Conditiondeplusàmaliberté,avoiruntoitdécent.Jeviensdepasserdixansenprison,àcôté,uncartondansuneruelleestunpalace.Mais jemeplieà leursconneries,siçamepermetderesterdehors,jepeuxbienbricolerunpeu.J’entredansmachambre,celleque j’avaisenfant. Ilne reste rien, lesmeublesonttousdisparu,bienavantquejemefassearrêter.C’estvideetseulslesmursserappellentqu’unpetitgarçonavécuici.Lepapierpeintàmotifsestdéchiréàplusieursendroits,maisonvoitencorelesmotosqu’ilarborait.Lamoquetteestpartiellementarrachéeetilmanqueuncarreauàl’unedesfenêtres.C’estcommeçadansàpeuprès toutes lespièces.J’aienlevé lesplanchesauxfenêtrespourlaisser passer la lumière, évaluer les dégâts et le coût de cette putain derénovation.Desmilliersdollarsquejen’aipas.Alors,enattendant, jevaisme

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trouver un matelas que je vais foutre par terre, rétablir l’électricité, l’eaucourante et ce sera suffisant. Un coup d’œil àmamontrem’indique qu’il estl’heuredesebouger. J’enfileun t-shirtque j’extirpedemonsacàdosetmonblouson. Il est vierge, à part le patch Free Biker dans le bas du dos. Jen’appartiens à aucunMC,mais je bosse pour eux.Dumoins, je bossais, dansl’état actuel des choses, je vais devoir reprendre contact pour obtenir dansl’avenir, quelques missions qui permettent aux clubs de ne pas se mouiller,quandcetteconneriedeconditionnellemelaisserarespirer.J’aiétéincarcéréà20ans,maisj’avaisdéjàunebonneréputationdanscemilieu.Les MC savent que je suis capable d’intervenir là où ils ne le peuvent pas,moyennantunbondédommagement.Jenereprendraipasdansl’immédiat, j’aides choses à régler avant de retrouvermavie d’avant, sans compter que cetteimpossibilitédequitterl’étatrestreintmescapacitésd’action.Jesorsdelamaison,Mickeynedevraitpastarderàarrivers’ilestàl’heure.J’allumeuneclopeenmeplantantsurleborddelaroute,j’observelamaisonenface,cetteespècedechaletsortidenullepartquijureavecledécor.Ilyadesaccès goudronnés partout et je me demande si elle vit seule ici. Ce seraitétonnant, l’endroit est désertique et vu son état, elle ne doit pas voir grandmonde.Lebruitd’unmoteurdepick-upquiaconnudesjoursmeilleursrésonnedanslematincalme.J’aperçois lavoituredeMickeyauboutde laroute,ce trucfumeautantquemoilesjoursd’ennuis.Maisilroule.Ilmeserabienutile,parcequetrimbalerunmatelassurunemotoneserapaspossible.Mickeysegaredevantmoi,iléteintlesontonitruantdesaradio,puisildescend.Jeserrelamaindemonamisouriant.Jecroisqu’iln’apascessédepuisquejesuissorti.J’étaischezluicesdeuxderniersjours,avantdedébarquerchezmoi.Ilagardémamotodurantmesdixansdeprison,ilenaprissoinetc’estundesraresmecssurquijepeuxcompter.—Putain,c’estpirequecequejepensais.Il tourne sa grosse carcasse en direction de la maison, elle est dans un étatpitoyablevuedel’extérieur.—Tuvasvraimentlaretaper?J’observeMickey, il a toujours ses grosses joues saufqu’elles ont de la barbemaintenant, des yeux bleus rieurs et une dent enmoins sur le côté droit. Sescheveuxbrunspartentdans tous les sensetauraientprobablementbesoind’unbonshampooing.Ilestfidèleàlui-mêmeensomme,lemêmegarsquibousculaittout lemondesursonpassagedans lescouloirsdu lycéeetquipourtant,avait

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unepeurbleued’yfoutrelespieds.—Jevaisessayer.Jecomptesurtoipourm’aider.Il acquiesce, ravi que je réclame son soutien. Je suis bon bricoleur, mais laplomberiec’estsonboulot.—Tiens, dit-il en se dirigeant vers le plateau du pick-up,Molly a préparé çapourtoi.Delavaisselle,desdraps,desserviettes,enfintoutcedonttupourraisavoir besoin. Ce sont des trucs qu’elle voulait donner à la paroisse, c’est pasforcémentneuf,maisenbonétatquandmême.Ilsortungroscartondelavoitureetleposeausol.—Tuluidirasmerci.Je baisse les yeux sur le contenu en fumant les dernières bouffées de macigarette.Mollyme gâte, il faut croire que je l’aimieux baisée que sonmari.C’estunepute,commetouteslesfemmessurcetteterre,maiselledétientquandmême un haut niveau. Profiter de l’absence de sonmari parti bosser pour sefaufilerdanslelitdesonpote,toutjustesortidetaule,etluitaillerunepipealorsqu’ildort,çamériteunprix.Cettegarcen’apasperdudetempspourmemettrelegrappindessusetjenesuispasdugenreàrefuser,surtoutpasaprèsdixansdeprison.Lapremièrechattequipassefait l’affaire,mêmesi toutelaville luiestpasséedessus.Mickeysaitquesafemmesetapetoutlemonde,jesuissûrquedeuxdesestroisgaminsnesontpasdelui,maisj’ignorepourquoiiln’agitpas.Il doit s’estimer chanceux qu’elle l’ait épousé, je crois que c’est elle qui estchanceused’avoir unmari tropgentil pour lui enmettre unedans la gueule àchaquefoisqu’elledérape.J’écrasemaclopeetramasselecartonquejeramènedanslamaison.Jelelaissedanslacuisine,onverraplustardpourlerangement.JerejoinsensuiteMickeyadosséàsavoiture.—T’asunevoisine,ondirait.Il désigne du menton la maison en face. La pétasse en fauteuil est sous sonporcheavecsonfoutuchien.—Elleal’airbonne,ilpoursuit.—Elleesthandicapée.—Etalors?Ilhausselesépaulesavantdequittersacontemplationdel’autreconnequin’ariendemieuxàfairequeresterplantéelà.— Et pas futée en plus. Elle est venue cematin avec sa grande gueule poursavoirquij’étais.Mickeysemetàrire.

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—Y’aencoredesgensdanslecoinquineteconnaissentpas?—Fautcroire.—Attendqu’onapprennetonretourenville,dansunesemaineelledéménage.Mickeygrimpedans lepick-up, jefixeencoremavoisineenespérantqu’ilaitraison.Quandelleconnaîtral’histoiredecettemaisonetdemafamille,àmoinsd’êtreunedecesfollesquivouentunefascinationàtoutcequiestmorbide,elledevraitdécamperaussivitequ’ellelepeutavecsesroulettes.Unepenséequimefait sourire. La voir sur cette route remplie de nids de poule à essayer des’échappermeplairaitbien.

***Certaines choses m’ont manqué en prison. La liberté évidemment, la bouffebeaucoup, l’alcool, la cigarette, l’intimité, le sexe, mais pas les habitants deAnderson.Habiter un bled quand on a la famille que j’ai, c’est être voué auxregards curieux voir apeurés, aux messes basses sur son passage et à lamédisance.Jenecompteplus lenombredepersonnesquiont faitunsignedecroixencroisantma routecematin.Çam’amuse, laplupartdu temps. Je suishabitué,ilsn’ontjamaispum’encadreretc’estréciproque.Jehaiscesenfoirés.Je les imagine souvent tous pendus dans leur sacro-saint temple. Ça ferait unbeautableau.UnebelleoffrandeàDieu.Jene suisdoncpas surprisd’être l’objetde tous les ragots enville et jem’enfous.Ce quim’emmerde en revanche, c’est que le shérif nous ait filé le traintoutelamatinée.Ondescendde lavoitureavecMickey,onvaenavoirpourunmomentà toutdécharger.J’airécupérédequoifairequelquestravauxurgentsetdequoidormiretmenourrir.Oncommenceparsortirlespetitstrucsàl’arrièredupick-up.Desoutilsprincipalement.Jenefermepaslaporteàclefdelamaison,àquoibon?Personnen’aural’audaced’yentrerdanslecoin.Jeposelepremiercartondanslesalon,Mickeysurmestalons,ilsortdusienunpackdebières,cequimefaitrire.—Quoi?ils’insurge,situm’exploitesj’ailedroitàunremontant.Jetendslamainpourqu’ilm’enfileune.Iln’estpasencoremidi,onestdéjàentraindepicoler.Moncorpsnetientplusl’alcoolcommeavant,jesuiscommeunbébé,unebièreetmatêtedevientlourde.Jeboisdoncdoucement,letempsde

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meréhabituer.Mickeyregardeautourdelui,lesmursdécrépis,puisils’appuiesurl’immensecheminée.Unsouvenirmesurprendenlevoyantfaire,jerepenseàmesparents,àmamèrequiaccrochaittoujoursdeschaussettesàNoëlenchantant.—Alors,melancemonami,quandest-cequetureprendsleboulot?Ilmimedesguillemetssurcederniermot.—Pastoutdesuite.—Maistuvasreprendre?J’avale une gorgée de bière en réfléchissant, bien sûr que je vais reprendre,quandtoutseratasséetenterré.Quandjemeseraivengé,jerecommencerai.Jeseraiplusprudent,jenereferaipaslesmêmeserreurs.Ladernièrequej’aifaitem’acoûtédixansdemavie,jenesuispasprèsderecommencer.Néanmoins,ce«boulot»ilrapportebien,quandonsaits’yprendre.Resteàvoiroùenestlemarchéactuellement.—Jenesaispas,jerépondstoutdemême.Mickey n’a pas besoin de savoir ce genre de chose, même s’il est mon ami,devant des flics, il ne tiendra pas deux secondes avant de balancer sa propremère.—Tuvasvraimentteranger,Sander?Ça semble le surprendre, jen’ai jamais étéunenfantdechœur, l’illégalitémecolleàlapeau,c’estunesecondenaturechezmoi.Jenesaispasfaireautrement.Quandonagoûtéàl’adrénalinedudanger,quandonvitaveccefrissonconstant,c’est dur de raccrocher. Et la prison n’éteint pas ce feu, bien au contraire, entaule il faut lutterpour survivre, entrerdans lesbusinessdesuns etdes autrespour se faire un peu d’argent et ne laisser aucune faiblesse apparaître. Çaentretient les sens, toujours aux aguets à l’affût du danger et des occasions àsaisir.C’estfinalementlemeilleurentraînementpourquivoudraitselancerdanscedomaine.— Je n’ai pas le choix. Je suis plus surveillé qu’un gosse, mon contrôleurjudiciairenevapasmelâcheret t’asbienvu leshérif,si je traverseendehorsdesclous,ilseferaunplaisirdemechoper.Je posema bière sur le cartoon et fais signe àMickey qu’il est temps de s’yremettre.Onsortetregagnelavoiturepourdéchargerlereste,maisjem’arrêtenetenvoyantl’autreconneauborddelaroute.Elleestencoreavecsonchienàcôtédupick-up,unsouriredébilesurlevisageetuneboîtesursesgenoux.—Rebonjour,dit-elle,jecroisqu’onestmalpartiscematin.Jesoupire,commentc’estpossibled’êtreaussitêtue.J’avancepourlarejoindre

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etluidiremafaçondepenser,maismonamimedevance.—Salut,ilseprésenteenluitendantlamain,jesuisMickey,unpotedeSander.Elle serre samain, le chien se fourre dans ses jambes et le voilà à genoux entraindelecaresser.Lablondedétournelevisageversmoi,sonsourires’effacelorsqu’elle me regarde, je la vois déglutir avant qu’elle ne se présente denouveau.—Enchantée, Sander, je suisElsa, la voisine d’en face.Commevousm’avezréveilléetôt,j’aieuletempsdefairedescookiesetjemesuisditqueceseraitbiendelespartageravecvous.Jecroisquejesuistropsurleculpourdirequoiquecesoitdansl’immédiat.Jeme contente de la fixer, de lamettremal à l’aise en gardant le silence, maisqu’elles’estimeheureuse,jepourraislafairevaldinguersurlebitumeetneplusm’enoccuper.—C’est gentil de votre part, reprendMickey,malheureusement on n’a rien àvousoffrirmêmepasdecafé.Unebièrepeut-être?Jem’étonnequ’iln’aillepasfouinerdanslescartonspourensortirlacafetièreetenpayerunàl’incruste.Elsasemetàrire,ellenousregardetouràtour,Mickeyetsabonhomie,etmoiquitirelagueule.—Çavaaller,merci,jevaisvouslaisser,vousavezl’airoccupé,maisuneautrefoissivousvoulez,j’aiducaféàlamaison.Elletendsaboîteàgâteauetjenepeuxpasm’enempêcher,jedonneuncoupdepieddedansetfaistombercesputainsdecookies.—J’aipasétéclaircematin,casse-toietnereviensplus.Deuxregardsoutréssebraquentsurmoi, lemien tientàfairecomprendreà lafille que je suis sérieux, puis je récupère un carton et retourne chez moi.J’entendsMickey s’excuser et je reçois un cookie dans le dos. Jem’arrête, lesilencesefaitdanslarue,seullechiensemetàjapper.Jelaissetomberlecartonausoletmeretourne,unepluiedecookiess’abatsurmoi.L’handicapéeestenrogne.—Qu’est-cequinevapaschezvous!ellehurle.Elle continue deme balancer ses gâteaux que je tente d’esquiver pour arriverjusqu’àelle,maisMickeyseplaceentrenous.—Mec,calme-toi.Ilposesesmainssurmesépaulesetcapturemonattention.—Vousdevriezpartir,dit-ilàElsasansmêmeseretourner.Jecroisqu’ellecomprendenfinqu’onneveutpasd’elleiciets’enva.J’entendssonfauteuilsemettreenmouvementsurlarouteetlechienlasuivre.Elleparle

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toute seule, marmonne des trucs indistincts et Mickey me relâche une foisqu’elleesthorsdevue.—T’allaisfairequoiaujuste?Jenerépondspas,latensionm’habitealorsquejenedoispas.J’ignorepourquoiellenepeutpasresteràsaplace,fairecommelesautresetmefuir.—Sander?Jemeconcentresurlui, ilparaitsurpris,pourtantilsaitquejenesupportepaslesfemmesendehorsd’unlit.—C’estbon,j’allaispaslafrappernonplus.Mickeyhausselessourcils,incrédule.—Elleessayed’êtresympa,tupourraisfaireuneffort.—J’enveuxpasdesasympathie,jeveuxêtretranquille,c’estpascompliquéàcomprendre!Jem’éloigneetparsrécupérermoncartonpourlerameneràlamaison.Mickeymecourtaprèsenmedisantquecen’estpascool,quejedevraism’excuserettoutletralalad’unepersonnecivilisée.Jem’enfousqu’ellesoitblesséeoupascontente,tantqu’ellenerefoutpaslespiedsici,c’esttoutcequim’importe.J’aiautre chose à faire que de m’occuper des sentiments de ma voisine. Mickeys’arrêteunefoisqu’onestàl’intérieuretj’allumeunecigaretteenregardantparlafenêtre.—Situveuxresterlibre,tuvasdevoirtecomporterautrement,Sander.Tul’asdit toi-même, le shérif te laissera pas faire un faux pas et ce qu’il s’est passédevantcheztoienestun.Quiteditqu’ellenevapasallerraconterçaenville?Comporte-toicommeunmecnormaltantqu’elleestlà.Et voilà, encore une fois une femme vientme castrer. Je demande juste de latranquillité,riendeplus.Etc’estàmoidemeplier,encore.—Jesuisnormal.—Onsaittouslesdeuxquecen’estpaslecas.Surtoutpasaveclesexeopposé.Jemetournevers lui, ilestadosséaumurprèsde laportedusalon.Àl’exactendroitoùmonpèreavaitmisunecibleaveclaphotodemamère.Touslessoirsdurantdesmois,ils’amusaitàtirerdessus.Àlafin,leportraitnecomptaitquedestrous.Mamèreavaitdisparu.Jedevraisfairepareilaveclabellegueuledel’autre garce. La cribler de balles dans une sorte de catharsis. À défaut depouvoirm’enprendreàelledirectement.Parceque,quoiqu’enpenseMickey,jenesuispasmonpère,j’aiencoremaraisonetjenevaispaslaperdrepourelle.

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Chapitre3Elsa

Je ris en lisant la répliquedeCul-serré432 qui s’affiche surmonécran. Je luirépondsqu’ilapeut-êtreraisonensupposantqu’ilestgay,maisquecen’estpaslelitdemonvoisinquejesouhaitegagner,justesasympathie.Onsesalueetjequitte le forum sur lequel ma vie sociale se déroule. Il est dédié auxparaplégiques commemoi, néanmoins on parle de tout et n’importe quoi. Audébut,j’yvoyaisunbonmoyendeconstaterquejenesuispaslaseuleàdétesterce qu’était devenuema vie, j’y ai rencontré des oreilles attentives à toutemahainesurlemondeentier.Puis,Cul-serré432m’aremisàmaplace.Lui,n’apastentéd’êtresympa,des’appesantirsurmonexistence,ils’estcarrémentfoutudemagueuleavantqu’ondevienneamis. J’avaisbesoindeça,d’unboncoupdepied,qu’onmemontrequejesuisvivantemêmesicen’estpastoutrose,c’estl’essentiel.Ceproverbequi veut que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoirprendtoutsonsensaveclui.IlestencemomentmêmeauPéroupourfairedel’escalade.Ilestparacommemoi,maiscehandicapnel’empêchepasdevivreses rêves. Il parcourt le globe pour grimper au sommet. Il poste toujours demagnifiquesphotosquimefontrêver.Depuisquejesuisenfauteuil,jen’aipasquittél’Alabama.Cul-serré432estmonhéros.Toutcequ’ilfaitestincroyable.J’entendsunevoiture segarerdevant chezmoi,Poufsouffle adéjà lesoreillesdressées et la seconde partie de ma vie sociale arrive. Le temps de fermerinternet, John frappe à la porte et entre. Il a sa clef, au cas où je serais dansl’incapacitéderépondre.—Salut,laplusbelle,lanceJohnenpénétrantdanslamaison.Je lui réponds en roulant jusqu’à l’endroit du salon assez dégagé pour qu’ilinstalle sonmatériel. Poufsouffle est parti se terrer dans sa panière, il sait envoyantmonkinéqu’ilpeutfaireunepetitesiested’uneheure.Johndéplielatablepliante,puisilmesoulèvepourm’installerdessus.Jen’aimepasêtresihautdusol, jemevoisconstamment tomberetm’éclater la têteparterre. Il a beauvenir deux fois par semaine, l’effet est lemême.Une sorte devertigequimefaitmepenchersurlecôté,commepourtestermathéorie.Johncontinuesonrituel,sortir toutcedontilaurabesoinpournotreséanceenl’installantsurlatablebasseàproximité.Unefoisprêt,ilsefrottelesmainsen

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merejoignant.—Alors,qu’est-cequ’onécoutecematin?Ilmelaissetoujoursdéciderdelamusique,etparfoispourl’embêterjemetsuneplaylist de la chanson de la reine des neiges dans toutes les langues.Mais cematin,j’aienvied’untrucqu’onaimetouslesdeux.—Alexa,joueDavidBowie.L’enceinte s’éclaire et me confirme qu’elle a compris ma demande, puis lamusiquecommence.—Çaveutdirequet’esdebonnehumeur,s’amuseJohnensaisissantmajambegauche.Lesexercicesdébutentpar lesétirementsdemesmuscles inutiles.Mes jambessont devenues deuxmorceaux de chair qui ne ressemblent à rien.Avant ellesétaientjolies,finesetfuselées,maintenantc’estflasqueetmaigre.—Commentçava?ilmedemande.—Bienettoi?Commentvatafamille?—Lapetitefaitsesdents,onadesnuitstrèscourtesencemoment.Johnmesuitdepuisdesannées,c’estlepremierkinéquej’aieuàmasortieducentreilyaseptans.Àl’époqueilétaitcélibataireetmaintenant,ilestmariéetpèred’unepetitefilledequelquesmois.Ons’estbienentendusdèsledébut,ilestcool,maisprofessionnel.—Tuasfaitlesexercices?J’aipourmissiontouslesmatinsdesouleverdeshaltères.Mesbrassontdevenusfortsaufildutemps,j’aidevraismuscles,alorsqu’avant,c’étaittoutmou.Cesont eux qui me font avancer, ils doivent pouvoir supporter le poids de moncorpsetpropulsermonfauteuil.Jefaisdelamuscu,justecequ’ilfautpouravoirassezdeforce.Jenetienspasàrivaliseravecdesbodybuildeurs.J’acquiescepourJohnquimefaitplierlesjambes.Jesenssesmains,dumoinsje les perçois, mais je ne sens pas vraiment leur prise, c’est étrange commesensation, néanmoins, je m’y suis habituée à présent. Le plus déroutant c’estquandilmemasse,jesuiscertainedesentirmonmusclebougersoussesdoigtsmaisquandjeregarde,jenevoisrien.Jenepeuxplusfaireconfianceàcequejeressensenbasdelataille,toutestfausséparmesnerfsamochés.—Tuesenlistepourdevenirl’undemesmeilleurssoldats.Ilpassedel’autrecôtédelatableenmefaisantunclind’œil.Probablementqueçamotivesesautrespatients,pourmapart,jevoisjustel’aspectutiledetoutça,c’est par nécessité etmême s’il n’est pasdégueu àmater, avec saquarantaineflamboyante, ses cheveuxbruns courts, son regardchocolatplisséquand il est

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concentréetsoncorpsdesportif,jemepasseraisdesesséancessijepouvais.—J’aivuenarrivantunmecdevantlamaisond’enface.Unnouveauvoisin?Jelèvelesyeuxaucielensoupirant.Cemec,Sander,estl’attractionducoin.ÀladéchargedeJohn,ilnesepassejamaisrieniciquiméritequ’onendiscute.—Ildoitavoirtonâge,jepense,ilcontinue.Jelaisseallermatêtecontrelatable,avantderire.Envoilàunautrequiveutmecaseravecl’antipathiquevoisin.—Qu’est-cequej’aiditdedrôle?— Je suis simal en point pour quemon seul critère soit qu’un prétendant aitdanslatrentaine?— Non, s’empresse de répondre John, ce que je veux dire c’est que vouspourriezsympathiser.Eh bien, j’ai essayé d’être sympa hier, je lui ai même apporté des cookies,commelefontlesgensbienélevéslorsqu’ilsvontseprésenteràleurvoisin.Etvul’accueilquej’aireçu,j’auraismieuxfaitd’apporterunfusil.Quelconnard!—J’aipasbesoind’ami.C’estautourdemonkinédesoupirer.Durantuntemps,onavaitcommencéunesortededéfiluietmoi,quim’obligeaitàsortirdemontrou.Jedevais,chaquesemaine,effectueruneactionàl’extérieur.Lecinémam’avaccinéepourlavie.Jemesuis retrouvée toutenhaut, seule,etparquéecommeunanimaldansuncoin.J’avaisl’impressiond’êtredetrop,etpasàmaplace.Johnpensequec’estbienqu’ilsaientaménagéunespacepourlesfauteuils,néanmoins,sijen’avaispas été seule, mais avec des amis ou un petit ami, on aurait regardé le filmchacundansuncoin.Parcequepourdesraisonsdesécurité,débilesselonmoi,jen’aipasledroitdem’asseoirsurunsiège.—Elsa,biensûrquesi, t’asbesoind’amis,comme tout lemondeetpeut-êtrequetudevrais…—Me présenter ? Figure-toi que je l’ai fait et ilm’a envoyée balader enmetraitantdedébile,lapremièrefois.Laseconde,ilacarrémentfaitvaldinguermaboîteàcookies.Cemec…Jesensmacolèreaffluer,mabouchesefermealorsquej’inspirelourdementenpensant au connard d’en face. John a même arrêté ses étirements pour meregarderlessourcilslevés.—Ilafaitquoi?!—C’estunenfoirédontjen’aipasenviedeparler.Ilmefixeencorequelquessecondesalorsquejemecalmeetchasselesimagesdérangeantes de ce qu’il s’est passé hier. Son ami était gentil en plus, c’est

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étonnantqu’iltraîneavecluid’ailleurs.—Trèsbien,conclutJohn.La discussion dérive sur lamusique et nos albums préférés de David Bowie.Johnnepoussejamaistroploin,ilsaitquandc’esttrop.Commepourlesdéfis,quandjeluiaiditquejevoulaisarrêter,ilarespectémonchoix.Pourtant,jesaisqu’unjour,çareviendrasurletapis,ilnelâchepasl’affaire,ilestjustepatient.

***Après le départ de John, jeme prépare pour aller faire les courses. Lemardimatin,toutcommelevendredi,jenetravaillequesijesuisenretard,sinon,cesdeuxmatinéesfontmonjourdecongé.Jen’aipasdegrandesactivitéssociales,alors sortir faire des courses est un évènement en soi. Je dois côtoyer lesmarcheurs.C’estcommeçaque j’appelleceuxquisontsurdeux jambes,avecCul-serré432ontrouveçacool,çaauncôtéTheWalkingDead.Jesorsdelamaison,monsacàmainsurlesjambes,monmanteausurledosetmonchienàmescôtés.Poufsouffleestdelapartie,iladoreallerfouinerenville.Je roule jusqu’au garage aménagé par mon père et actionne l’ouvertureautomatiquedelaporte.Ilyadusoleilcematin,ilfaitfroid,maisc’estagréabledesentirl’astresurmonvisage.Jem’apprêteàentrerdanslegaragelorsquedespassefontenentendre.JerestefigéeenvoyantSanderdébarquersansprendrelapeined’emprunterlesallées mais en piétinant la terre de ce qui est de la pelouse au printemps.Poufsoufflesemetàgrogneretjeneluiordonnepasd’arrêter.—T’asunebagnole?Lescascommetoiçapeutconduire,non?Jecroisqueplusjevoiscemec,plusjepensehalluciner.Cen’estpaspossibled’êtreaussiméchantgratuitement.J’aieumonlotdepetitsconsdepuisque jesuisenfauteuil,maislui,ilsurplombetoutlemonde.—Turéponds?Ilavancejusqu’àmoiettournelatêteendirectiondugarageouvert.Ilsiffleenvoyantmavoiture.—Toutçapourtoi,ilricane.—Qu’est-cequetuveux?Iltiresursacigaretteenmefixantdesesyeuxsombres.—Entretenirunebonnerelationdevoisinage.

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Il me prend pour la dernière des connes et cematin je n’ai pas envie demeprendre la tête. J’actionne mon fauteuil pour reculer un peu et le contourner,mais il est bien évidemment plus rapide que moi et me barre la route.Poufsouffle montre les crocs et grogne de plus en plus fort, ce qui fait rireSander.—Arrête,Poufsouffle.Lechienstoppeimmédiatementets’assoitàmescôtés.—Laisse-moipasser,jelanceàl’adressedeSander.—Tuneveuxplusqu’onfasseconnaissance?Qu’onboive le théetqu’onseracontenospetitesvies?Taschangéd’avis?Jelefusilleduregard,chaqueparolequisortdesaboucheesthumiliante.Soitilme rabaisse avec mon handicap, soit il me traite comme une pauvre fille enquête d’amitié. Hier encore, j’aurais cru qu’on aurait pu au moins être desvoisins,àprésentjesaisqu’onneserajamaisriendutout.Jetenteencoredepasser,ilmebloquedenouveauenriant.Jeremontemonsacsurmescuissesenpensantàlabombelacrymoqu’ilcache.S’ilnebougepas,ilvas’enprendreuncoupdanslagueule.—Laisse-moi,j’aibiencomprisquetunevoulaispasavoiràfaireàmoi.—Non,jenevoulaispasquetuviennesm’emmerderalorsquej’étaisoccupé.—Etquoi?Tutevengesmaintenant?Ils’accroupitpourêtreàmahauteur,encoreuntrucquejedétestequ’onfasse,commesi j’étaisuneenfantquiavaitbesoind’attention.Néanmoins, jeneratepassesépaulesquiétirentdouloureusementlecuirqu’ilporte,nisonregardbienplantédanslemienetlesquelquescicatricessursesjouesmalrasées.—J’aibesoind’unservice.Jememetsàrirefranchementdevanttantdeculotdesapart.—Netemoquepasdemoi.Savoixn’estplusamusée,maisplutôtencolère,jecessederireenvoyantsestraitsdéformersonvisagedéjàdurenunmasqueflippant.MêmePoufsoufflesemetàcouinerenl’observant.—Jeneterendraiaucunservice,j’affirmesansmedémonter.Ilseredresseensoupirant.—Faispas l’emmerdeuse,çane tevapas,onsait tous lesdeuxque tuvas lefaire.—Tuparles toujourscommeçaauxgens?Sic’est lecas,commentçasefaitquetunesoispasencoremort?Iltiresursacigarettecalmementavantdel’écraserausolsanssedonnerlapeine

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de ramasser lemégot.Cemec est en train deme rendre folle à se croire toutpermis. Je tente de nouveau de le contourner et cette fois il me laisse faire.J’actionne l’ouverture de la porte arrière de ma fourgonnette, ainsi quel’abaissement de la passerelle qui me permet de d’accéder à l’intérieur.Poufsouffle est le premier à grimper, il va directement à sa place sur le siègepassager. Je sens la présence de Sander dans mon dos et je jure que s’il nedégagepas,jel’écraseensortant.Jemonteàmontouretroulejusqu’aupostedeconduite.J’attendsquelesystèmeseremetteenplacepourdémarrer.Etlorsquec’est le cas, mon enfoiré de voisin fait quelques pas et ouvre la porte côtépassager,poussemonchienets’installeàsaplace.Ilreferme,s’attache,alorsquejeleregardelaboucheouvertetellementjesuissurprisedesonaudace.—Maisdescends!—Allez,roule,qu’onenfinisse.Jedoisallerenville.—Vas-yenmoto!—Jenepeuxpasramenerunebouteilledegazsurmamoto.—Ettut’esditquetaconnedevoisineteservirabiendechauffeur!Je suis folle de rage et je n’en crois pasmes yeux qu’il osemonter dansmavoituresansautorisation.—T’astoutcompris.Allezdémarre,merde.J’hallucine, jecroisvraimentque j’hallucine, cemecn’estpas là, cen’estpaspossible. Pourtant il est bien à mes côtés, assis tranquillement comme si lemondesedevaitderépondreàtoutessesenvies.—Descend!Il n’en fait rien et je farfouille dans mon sac, les mains tremblantes à larecherche de la bombe que je finis par dégotter.Mais dansma hâte de lui enmettreuncoupdanslevisagej’enoublied’enleverlasécurité.Cequifaitqu’ilale temps deme la prendre desmains. J’ai envie de le frapper. Je ne suis pasviolente,maislui,j’aivraimentenviedelefrapperparcequ’ilmeramèneàmonétat de victime, incapable de se défendre dans ce foutu fauteuil. Il ouvre lafenêtreetbalancelabombedanslegarageprèsdesétagèresdufond.Moncœurmalmène ma poitrine tant je suis en colère et ça faisait longtemps que je nem’étaispassentieainsi.Aussifrustrée.—Onpeutyallermaintenant?Je laissema tête aller contre le volant en essayant deme calmer. Poufsoufflevientsefaufilersousmonbrasencouinant.Jecaressemonchienpourl’apaiseretçamefaitdubien.Jeréussisàrefluerlacolèreetàréfléchir.

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—JenevaispasàAnderson,jelanceenmeredressant.C’estlàoùilveutserendre,mêmesic’étaitmonobjectif,ilnelesaitpas.—Tuvasoùdanscecas?N’importequellevilleferal’affaire.—Jenevaispasenville,jevais…chezmesparents.—Jenetecroispas.TuvasàAnderson.Je le fusille du regard, je suis unepiètrementeuse je le sais, néanmoins, il nepeutpasenavoirlacertitude.J’inspirelonguement,jecherchedel’apaisementquinevientpas,mêmesijenesuisplusencolère,jesuisloind’êtresereine.Etsi je ne veux pas perdre plus de temps et gâcher définitivement ma journée,autantl’emmener.Jedémarre,souslesourireravidemonvoisin.Jemarmonnemonagacementetsorsdugarageenmarchearrière.Ilm’observe,jelesens,ilfautdirequecen’estpascommuncommevéhiculeetmafaçondeconduirenonplus.Toutsefaitàlamain,c’estuneboîteautomatiqueetj’actionnelefreinavecunemanette.Letrajetsefaitdanslesilence,j’entendsjustemonchienàl’arrièrequichercheuneplaceconfortablesurlemétal.Sandernefaitpaslaconversationetmoinonplus. Les cinq kilomètres qui nous séparent de Anderson semblent durer uneéternité, je n’allume même pas la radio. L’ambiance est terrible et j’aimeraispouvoirfairecommedanslesfilms,unsuperdérapagequiouvrirait laportièrepassageret lever la jambepour le faire tomber sur la route.Mais jedois justerongermonfreinjusqu’àcequ’onarriveenfinenville.Jemegaresurlaseuleplacehandicapéedelarueprincipale,prèsdel’épicerieoù je fais mes courses. Sander se détache, il n’attend pas de descendre pourallumerunecigarette.— Ne repars pas sans moi, l’emmerdeuse, où tu pourrais le regretter. On seretrouveici.Il sortetme laisseencoreune fois sansvoixpar sonaudace. Jesecoue la têtelorsquePoufsouffleprend saplace et jen’en ai rien à foutrede samenace, jecomptebienrepartirsanslui.

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Chapitre4Sander

Alabama,2000Mesdoigtsmefontmal,mais jen’arrêtepas.Jen’aipasledroit tantqu’ilnem’aurapasordonné lecontraire.Jedoisécrireencoreetencoreetparfois, jem’endors surma feuille. Je voudrais retourner à l’école, j’aimerais tellementêtre avec les autres etm’amuser de temps en temps. Papa ne veut pas. Ilmegardeici,etmefait laclassepour l’instant. Ilapeurquejerévèlesonsecret,sonsuperpouvoir.Pourtant,jesaisqu’onnedoitpasenparler,jamais.Jeneleferaispas.Mais iln’apasconfianceenmoi.Jesuisencoretroppetit.J’aidixansaujourd’hui.Jesuisgrandmaintenantetjecomprendsplusdechoses.La porte de ma chambre s’ouvre avec fracas, je sursaute et mon crayonm’échappe,jem’empressedeleramasser.Jecontinued’écrire,alorsqu’ilentredanslapièce.Ilrestedansmondosàexaminermonécriture.Jecopieuntexted’histoirequitraitedelaguerredeSécession.C’estsafaçondem’apprendreleschoses, il me les fait écrire pour que je retienne. Des dizaines de fois. Il estintransigeant sur la qualité dema calligraphie et je fais très attention à bienformermeslettres.Sa grande main referme le livre à ma droite et je cesse immédiatement deretranscrire lesmots. Il faitpivotermachaiseet s’agenouilledevantmoi.Sonregardsembles’adoucir,ilesttoujourscommeçaquandlaveille,onadénichéleDiableenvilleetqu’ilestoccupéàlecombattreàlacave.Ilestpluscalme.Maisjerestetoujoursauxaguets,parcequeparfois,çanesuffitpas.—Tuasdixansaujourd’hui,ilcommence.J’acquiesce.—Il est tempspour toidevoir commenton fait sortir lemalducorpsdecesfemmes.Ilseredresseetmetendsamain.Jelasaisisensentantlamiennetrembler.Jemelèveetilm’entraînejusquedanslacavedenotremaison.J’aipeur.Jen’aipasenviedevoirça,devoirlemalinquitterleurcorps.Ets’ilvenaitenmoi?Papaditqu’iln’attaquequelesfemmes,parcequ’ellessontfaiblesetstupides,maiss’ilsetrompaitpourunefois?

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Ilouvrelaportequimèneausous-sol,ondescendlesmarchesenmauvaisétatet mon corps se crispe, je ne veux pas y aller. Je ne veux pas voir, je veuxretournerécrireettantpissij’aimalauxdoigts.Monpèresentmapeur,ilmetireparlamain,jemanquedetombersurlesdeuxdernièresmarches.—Sander!Arrêtedefairel’enfantetcomporte-toicommeunhomme!Ilmefusilledesonregardbleu,jemereprendsenserrantsamainplusfortpourme donner du courage. Je dois être fort et digne, je suis presque un hommemaintenant.Papadoitêtrefierdemoi.On avance jusqu’au fond de la cave, derrière une bâche tendue j’entends desgémissements. Je ne suis jamais descendu ici quand il y avait une femme.Toujoursaprès,pournettoyer.Il pousse la bâche et jeme fige. Samainm’échappe alors que je vois la filled’hierattachéesur lagrandecroix.Elleétait jolieavecsescheveuxrougesetsesyeuxbleus,là,elleest…jenesaispas,maisellemefaitpeur.Elles’agiteennousvoyantarriver,elletentedecrierderrièresonbâillonetsesbrastirentsurlesliensquilamaintiennentenplace.C’estlapremièrefoisqueje vois une femmenue autrement que dans un livre. Je détaille tout ce que jepeux,touteslesdifférencesentreelleetmoi.—Sander!grondemonpère.Jesursauteetavancejusqu’àlui.Ilmedésigneunechaiseàcotédesatableàinstrumentsetjem’yinstalle.C’estmoiquinettoielematérieletj’ymetsautantdesoinquelorsquej’écris.Iln’aimepasqu’ilrestedusangdessusoudestracesd’autreschoses.Çameprendune journéeentièrepourque toutsoit immaculédanslacaveaprèsqu’unefemmesoitvenue.Papa s’approche de la fille, elle est nue, suspendue à cette croix, les jambesécartées,leschevillesmaintenuescontreleboispardesliensquiluicoupentlapeau.Elle saigne, toutcommeàsespoignets.Elleestpâle, trèspâle, sapeauressembleàdulaitetjepenseàmaman.Elleaussiétaittrèspâlecommeça.Etjemedisqu’elleasubilamêmechoseici,nue,abreuvéedepeurparpapaquiluitourneautour.Lafillemeregarde,sesyeuxbleusontl’airdemesuppliermaisjesaisquecen’estqu’unmensonge.Elleest impure,saliepar leDiableetdoitexpier.C’estcommeçaetjenepeuxrienfairepourelle.Monpèreposeunemainsursoncou,ellecessedes’agiteretrespireplusfort.Illarelâchepourlaisserglissersapaumesursapoitrine,iltireundesestétons,letordetfaitgrimacerlafille.—Tuvoiscommeelleestbelle,Sander?

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Jehochelatête,avantdemerappelerqu’ilestdosàmoi.—Oui.Mavoixestfaiblemaisilm’aentendu.—C’estcommeçaqu’ellesattrapentleursproies,parleurbeauté.Leshommessuccombent,maispasnousmonfils.Onestplusmalins.Ilsaisitlevisagedelajeunefemmeetluicrachedessus.Illarelâcheensuiteetreculerapidementpourvenirjusqu’àlatableàinstruments.Ilprendlatondeuseet l’actionnepourvérifierqu’il yade labatterie. Il yena, c’estmoiqui l’airechargée.Il repart vers la fille et s’occupede ses cheveuxdansunpremier temps. Il luirasegrossièrement la têteet sabeautés’envaunpeu.Ensuite, il s’agenouilledevant elle et il fait lamême chose avec les poils entre ses jambes. Son sexeapparaît, je scrute, intrigué,mais jeme reprends lorsquepapa revient vers latable.Ilpose la tondeuseetpuis ilmesourit. Ilébouriffemescheveux, ila lemêmegestequemamanetjetentedem’écarter,jen’aimepasquandilfaitça,quandilmelarappellecommeça.—Regardebien,ilreprend,dansquelquesannéestuyaurasledroit.Ildéfaitsaceinturepuislesboutonsdesonpantalonavantderetournerverslafille.Elle sedébat et crie en silence, ses yeux exorbités seportent sur le bas-ventre demonpère. Il rit, caresse sa joue, puis il défait un à un les liens quiretenaient ses chevilles. La fille donne des coups de piedsmaismon papa estplusrapidequ’elle.Ilsaisitsesjambes,lesélèveetlesécarte.Ilseglisseentreellesetjelevoisbouger.Ilmefautquelquesminutespourcomprendrecequ’ilfait.Ilestentraindelapénétrer.C’estcommeçaqu’onfaitlesbébés.Jel’ailu.Ilbouge,lafillepleure,ellemeregarde,mortifiée,etjedétournelesyeux.Elleal’aird’avoirmaletjen’aimepasregarderça.Jechantedansmatêteletempsque papa termine. Mais je l’écoute l’insulter, lui dire qu’elle n’est qu’unechiennequiméritecequiluiarrive.Finalement,ilgrogneetpuisplusrien.Je regarde à nouveau devantmoi, il s’écarte, les jambes de la fille retombentmollement.Jefixesonsexe,rougiparmonpère,quelquechosecouleaussientresescuisses.Papaserhabilleetvientversmoi,essoufflé.Ilprendlescalpelqu’ilinspecteméticuleusement.—Est-cequetuluiasfaitunbébé?j’osequestionner.Sonregardsebraquesurmoiavantqu’ilnesemetteàriretrèsfort.—Unbébé?!Àunepute!Ilritdenouveauetsansréellementmerépondre,ilrejointlafille.Ilrattacheses

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chevilles.Jecroisqu’ellecomprendcequ’ilvaarriverlorsqu’ellevoitlescalpeldanssamain.Elles’agiteplusfortencore,maisçanesertàrien,ellenepourrapass’échapper.LeDiabledoitsortird’elle,ilfautlapurifiertotalementetpourça,ilfautlatuer.Papapasselalamesursontorse,elleémetuncrisilencieuxencoreetencore,alorsquelesangcouledoucementsursoncorps.Elles’évanouitetjepensequejevaisfairepareilsijeregardeencore.—Sander,viensiciaveclascie.Jenebougepas,tétaniséparlesang.Jesaiscequ’ilvafaire,ilvaprendresoncœur et le mettre dans un bocal pour ensuite le poser sur l’étagère avec lesautres.Cesontsesmédailles,lesignequ’ilabientravailléetenlevébeaucoupdemal.—Sander!Obéis!Son regardest surmoi, il est encolèrealors,même simonestomacn’estpasd’accord, jeme lève et lui emmène ce qu’il demande. Il écarte la chair de lapoitrinedelafilleets’enesttroppourmoi,ilyatropdesangetdechosesquejeneveuxpasvoirendehorsd’unlivre.Jem’effondre.Jemesenspartiretunepartdemoiespèrenepasmeréveillerparcequ’ilvamepunirpourça.

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Chapitre5Elsa

J’attends devant l’épicerie queMonsieurGrant viennemettre la rampe sur lestrois marches qui m’empêchent d’entrer. On a un code, Poufsouffle entre, ilaboieuncouppourprévenirquejesuislàetl’épicierdébarqueavecsaplanche.Ilestadorableavecmoi,commeàpeuprèstouslescommerçantsdelaville.Ilsmefacilitentleschosesaumaximum.Audébut,jemefaisaislivrer,c’étaitplussimple, dans ma phase dépression qui ne voulait pas avoir à faire au mondeextérieur.Mais,maintenant, je tiensàmon indépendance,àmedébrouillerparmoi-mêmeaumaximumetavoirunevienormale.Lescourses,toutlemondelesfaitsetj’aimechoisirmesfruitsmoi-même.MonsieurGrantenfinitavecuneclienteàlacaissepuisilinstallelarampe.—Mademoiselle Clark ! il s’exclame avec son éternelle bonhomie, commentallez-vouscematin?Jegrimpesurlarampeetmehissejusquedanslemagasinavantdeluirépondre.—Trèsbien,merci.Etvous?Jesouris,etsihabituellementj’aimepapoteravecluidetoutetderien,cematinje suis unpeupressée. Je ne sais pas combiende temps il va falloir àSanderpour aller chercher sa bouteille de gaz,mais sûrementmoins quemoi etmescourses.—Bien,bien,dit-il,lecommercetournebien,alorslemoralaussi,voussavez.J’acquiesceenattrapantunpanierquejecalesurmesgenoux.—Laissez-moifaire,j’aiunpeudetemps.Ilprend lepanieretmesuitdans les rayons. J’aihâtedevoirsa têtequand jevaisymettreuneboîtedetampons.Néanmoins,jenelecontredispas,çairaplusvite.MonsieurGrant, la cinquantaine bien tassée, le crâne chauve, un ventre qui aingurgitétropdebières,despetitsyeuxbleusqu’onvoitàpeinelorsqu’ilsourit,me raconte les potins de la ville alors que je fais mes courses. J’écoutedistraitementjusqu’àcequ’ilmentionneSander.—Vousavezdûl’apercevoir,ilhabitelamaisonenfacedelavôtre?—Possible,jerépondsenhaussantlesépaules.Jefeinsledésintérêtpournepasparaîtreaussicurieusequ’ilnel’est,maisj’ai

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bien envie de lui demander de tout me raconter, même si la moitié est dumensonge.Les ragots, il fautenprendreeten laisser. Ilyadeuxsemaines, lafilledupasteurétaitenceinteselonlui,ils’estavéréqu’enfait,c’estlachiennedelafamillequiattenduneportéedecaniches.— Faites attention à vous, Mademoiselle Grant, ce n’est pas un hommefréquentable.Tum’endirastant!Cependant,j’aiuneaversionpourlesjugements.Untrucviscéralquimepousseàcontredirequitteàmementiràmoi-même.JesaisbienqueSandern’estpascequ’onqualifierait«devoisin idéal»,c’estmêmelepiredesconnardsque j’airencontré.Toutefois, je suisdans l’incapacitéde le reconnaîtreetde l’accepterdevantquelqu’unsiprompteàjuger.—Allonsbon,qu’a-t-ilfaitdesiterriblepourêtreunparia?MonsieurGrants’arrêteaumilieudel’allée,ilmefixelaboucheouverte.—Vousnesavezpascequ’ils’estpassédanscettemaison?—Non.Il s’apprête à me raconter tout ça, lorsqu’une voix stridente résonne dans lemagasin.—Ilyaquelqu’un?!J’ensursautetellementj’attendaislediscoursdemonsieurGrantetvusatête,çasemblait grave. Il me refile mon panier en s’excusant, puis se dirige vers lacaisse.Jecontinuemescourses,ilvientd’échapperàlaboîtedetampons.Jemedemande bien ce qu’il allait me dire surmon voisin et ce qu’il a fait. JemedemandeaussiquiestSander,maisça,jemeledemandedepuisnotrepremièrerencontre.Jefinisderemplirmonpanierpourlasemaine,puisjemedirigeverslacaisse.MonsieurGrant note un truc sur son calepin.C’est à l’ancienne ici, rien n’estinformatisé etmême la caisse estmécanique. Ilm’a expliqué un jour, n’avoiraucuneconfianceenl’informatique,siçatombeenpanne,ilestbloquéalorsquesatête,elle,esttoujoursopérationnelle.Jeluidonnemonpanier,ilemballemesarticlespuismedéposelespaquetssurlesgenoux.Quandc’est trop lourd, il lesdéposedirectementdansmavoiture.J’auraisbienvoulucontinuernotreconversation,maisilyad’autresclients,jevaisdoncrentreretfoncersurlenetpoursavoir.Je quitte l’épicerie en le remerciant et en le saluant. Poufsouffle qui attendaitbiensagementagitelaqueueenmevoyantsortir.Onretourneàlavoitureaussivitequemesbrasmelepermettent.

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Jeregardepartoutautourdemoi,commesij’étaispoursuivie,maisaucunetracedeSanderpourlemoment.Toutefois, jeneperdspasdetemps, jecroisquejen’aijamaisétéaussirapidepourfairemescourses.Jesalueàpeinelesgensquejecroiseetj’aimeraisqueledispositifquimepermetdemonterdanslavoituresoitbeaucoupplusrapide.Jejettedescoupsd’œilenattendant,jecaressemonchienmachinalementetj’aiunefoutuepousséed’adrénalineunefoisinstalléeauvolant.Jedémarreetquittemaplace,lecœurauborddel’explosion,jemedisqu’ilestcapable de semettre aumilieu de la rue pourm’arrêter si jamais il débarque,maistoujourspersonneenvue.Jequittelavilleetmemetsàrirenerveusementensentantmoncœurs’apaiser.Jeluiaimisbienprofondàceconnard!—Ilacruquelapetitehandicapéeavaitpeurdelui,qu’elleallaitselaisserfaireparcequemonsieurestungrosdur!Ilrêve!Jel’emmerdececonnard!Je me calme lorsque mon chien couine en penchant la tête devant moncomportement.OK,ondiraitunehystérique,maisquandmême,jel’aibieneu!

***Unefois lescourses rangées, jemeprécipitesurmonordinateur.Une tassedethéàcôtédemoi,jelancelemeilleurdesdétectivesprivés,j’ainomméGoogle.JetapeSandersurlabarrederechercheetjemerendscomptequejeneconnaispassonnom.Maisj’ajoutel’adresseetlavilleavantdelancerlarecherche.J’attends que ça charge, c’est un peu lent parfois le wifi dans ce coin perdu,surtoutquandj’aiunetonnedelogicielsquitournentetdesjeux.JefermetoutetrevienssurGooglevoirlesrésultats.LepremierestuneUnedejournalquititre«Letueurensérieenfinarrêté».Jecliquedessusetlisl’articleoùunephotodelamaisondemonvoisinapparaît.Enmeilleurétat,maisc’estbienelle.JemepencheenavantetzoomepourvoirlesvisagesdesdeuxhommesquisontmenottésetarrêtésparleFBI,maisc’esttropfloupourdistinguerréellementquelquechose.Jemereportesurletexteetlelisenbuvantmonthé.Ilfaitmentiond’untueurensériequiauraittuédesdizainesdeprostituéesdurantplusd’unedécennie.Lejournalrelatelesfaitsavecfroideuretcequejelismeglacelesang.L’hommeakidnappé,puistorturécesfemmesavantdeleurarracherlecœuretdeconserver

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lesorganesàl’intérieurdebocauxdanssacave…Jemeredresselaboucheouvertededégoûtetdestupéfaction.Jeregardeladatedu journal, juin 2007. Ça ne peut pas être Sander, il était trop jeune dix ansauparavant.Sij’estimequ’iladanslatrentaine,çanecollepas.Alorsquelestlerapport?Jeremontesurlaphotoetzoomedenouveau,ilyadeuxhommesarrêtés,l’unsembleplusjeune,sacouleurdecheveuxcorrespondàcelledemonvoisin,maisjen’arrivepasycroire.Jefermelapageetmepenchesurlesautresrésultatsdelarecherche,ilyadesnoms.NormanetSanderMalone.Pèreetfils.C’estpaspossible…Je lis lesmêmes infosquesur l’autre journal, lesdétails sordidesdeceque lepèredeSander a fait.C’est luiqui est accusédesmeurtres,pas son fils.Et jem’embrouille entre ce que je lis et ce que je pensais savoir sur Sander. S’il adébarquéiciaprèsplusdevingtansc’estqu’ilétaitenprison?Je change encore de résultat et j’en choisis un qui donne une chronologie àl’affaire du début jusqu’au procès. C’est long, ça me prend un moment pourcomprendre ce qu’il s’est passé dans la maison en face mais peu à peu touts’éclaire.C’estmorbideetdeplusenplusdégueulasse.Etj’ignoraistoutdecettehistoire.Pourtantc’étaitavantmonaccident.Maisjeneme préoccupais pas de l’actualité à cette époque. Il n’y avait quemoi quicomptais,lerestedumondem’indifférait.Je terminemon thédevenufroidenfixant laseuleetuniquephotoquisembleavoir été prise lors de l’arrestation et je repense à l’achat du terrain. L’agentimmobiliers’estbienépargnédenousdirecequ’ilétaitarrivédanslecoin.Je ferme tout dans un drôle d’état alors que je me remémore la conduite deSander. Et surtout à ma connerie. Allez se présenter dans la maison del’horreur…Je gagne la cuisine, j’ai passé plus de deux heures à décortiquer la vie duconnardd’enfaceetj’aifaim.Jecommenceàsortirdequoimefairedespâteslorsquemaported’entrées’ouvreavecfracas.PoufsoufflegrognedevantSanderquifaitirruptionchezmoi,l’airplusqu’enrogne.Lesyeuxronds,jel’observes’avancerjusqu’àmoiavectellementdecolèrequej’enfrissonne.—J’espèrequet’asbienriparcequec’estàmontourmaintenant.Monsangseglacefaceàsesparolesetjepenseàtoutescesfemmesmortesdelamaindesonpère,danscettemaisonoùilvivait.

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—Qu…qu…quoi?J’arriveminablementàarticuler.Ilestflippantavecsonregarddeprédateur,sespoingsserrésetsoncorpsbientroppuissantpourquejefassequoiquecesoitcontre lui.Pourtant, jem’accroche aumanchede la casseroleprête à l’utiliserpourl’assommer.—Gameover,l’emmerdeuse.Ilavance, jebrandismonarmequ’ilnepeinepasàsaisiretàbalancerdanslacuisine.Poufsouffleestdéjàentraindeluimordrelejeanmaisils’enfout.Monchienestungentil,iln’estpasdressépourfairedumaletilsecontenteradeluiarrachersesfringuessanslemordre.Sander se penche, son visage à un cheveu du mien, si bien que j’arrive àdiscerner quelques cicatrices sur son visage et la profondeur de son regardsombre.Jesuistétanisée,j’ignorecequ’ilcomptefaireetcequ’ilmeveut,unechoseestsure,lacolèreçarendsesyeux…magnifiques.Merde!Je lerepoussedemesmains,maisautantessayerdefairebougerunmur.Ilseredresse,mesaisitparlesaissellesetmesoulèvepourmecalersursonépaule.—Lâche-moi!jehurlelatêteenbas.— Ne t’inquiète pas, dit-il d’une voix basse, je vais te lâcher dans paslongtemps.Jeme débats comme je peux, je frappe demes poings et j’aimerais vraimentavoir des jambes utiles à cet instant. J’ai toujours envie d’avoir des jambesutiles, mais là, alors que je me demande comment il va me tuer ce seraitvraimentpratiquedepouvoirfrapperdesdeuxcôtés.—Disàtonchiend’arrêter,sinonjel’égorge.Jemefigeetcessedetapersursondos.JevoisPoufsoufflemeregarderentirantdetoutessesforcessurlejeandeSander.Jeneveuxpasqu’illuifassedumal.Jepréfèrecreverquemonchiensouffre.—Poufsouffle,assis.Ils’exécuteimmédiatementetSanderavancepoursortirdelamaison.JefermelesyeuxpournepasvoirleregardduGoldenRetrieverquim’observecommesij’allais l’abandonner et qu’il ne comprenait pas. Une fois à l’extérieur, jerecommence à me débattre. Je m’excuse de l’avoir planté et lui promets del’emmeneroùilveuts’ilnemetuepas.Cet enfoiré semet à rire en empruntant le chemin quimène à l’arrière de lamaison.—Jenevaispas te tuer. Jenevaispas risquerde retourneren taulepourune

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femme.Ilcrache lederniermotcommesic’étaitune insulteenmetrimballantdans lechampmortencettesaison.Ilcontinueetjemedemandeoùl’onvaetcequ’ilcomptemefaire.Il finitpars’arrêteràunecinquantainedemètresdemamaisonetmeposeausol, dans la terre. Il reste debout devant moi alors que je commence àcomprendrecequ’ilsetrame.—Nefaispasça,s’ilteplaît.Jen’aipasàmeforcerpourquemesyeuxs’embuentdelarmes.—Jeviensdemetapercinqkilomètresavecunebouteilledegazsurl’épaule.Grâceàtoi.Ilme jetteundernier regard remplidecolèrepuis il se retourneet s’enva. Jerampeenessayantde l’attraperpourqu’ilnemelaissepas là,commeça,sansmoyendebougermaisils’enfout.Ilneseretournemêmepas.Jefinissurledos,mortedepeur,marespirationdevientchaotiqueetdesflashsm’envahissent.Moiquichutedemonfauteuil,incapabledemerelever,moiquidécouvrequejenepeuxplusbougermesjambes.Lapeur,lapeurterribleetsifortequej’aicruenmourir.Lamêmeestentraindeprendrepossessiondemoialorsquejesuisaumilieudecechamp,seuleetsanssoutien.Jesuisenpleinecrisedepanique.Jedoismecalmermaisjen’yarrivepasdansl’immédiat,toutcequejevois,c’estquejevaiscreverici,sipersonnenevientm’aider.Jeneveuxpasmourir.Jedoisreprendrelecontrôle,jedois…soudainementjememetsà rire commeunehystérique.Mapoitrineme faitmal alorsquemoncœurbattropfortetqu’enplus,jetangueentrerireetlarmes.Jeperdslatête,jesuisdansundecesétatsoù l’onnecontrôleplus rienet jen’aipasbesoindedroguepourça.Justedepeur.Jecessederireettendsl’oreille,maisiln’yaaucunbruit,justemarespirationchaotique et je sais que personne ne viendra, pas même Poufsouffle qui nedésobéira pas à mon ordre. Je me tourne sur le ventre, j’essuie mes yeux durevers de lamainpour visualiser la distanceque je vais devoir parcourir pourrentrerchezmoi.C’estlong.Trèslongdanslaterrefroide,friableetdure.Maislepireseraleciment.Je baisse la tête et posemon front contre le sol en fermant les yeux pourmecalmer.Jeregrettedenepasavoirmontéléphone,maisaufond, jesaisque jen’aurais appelé personne. Je préfère en chier que reconnaître que j’ai besoind’aidedansunesituationinexplicable.J’inspirelourdement,jeregroupemesforcesetcommenceàramperàl’aidede

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mesbras.Lespremiersmètressont lesplusdifficiles, la terremeblesseparsaduretéetj’aidumalàtrouverdebonsappuispourhissermoncorpsversl’avant.Mais j’y arrive, lentement, en fixant ma maison qui se rapproche tropdoucement.Ilvamefalloirdesheurespourrentrer,parcequejenepourraispasfairetoutd’uncoup,c’esttroplong.Je persiste, en sueur alors qu’il fait à peine dix degrés, je pense à Sander, àcommentj’aienviedeletuerpourm’infligerçaetçamebooste.Jeneveuxpasluidonnersatisfaction,qu’ilpensequej’enchiedestonnesàmetraînerdanscechamp,pourtantc’estlecas.Mafiertém’empêchedesombrer,dehurleràl’aideet de supplier pour un miracle. À la place, je poursuis mon effort coûte quecoûte.Tantpissij’ylaissemapeau,jedoisyarriver.Jesuishandicapée,maispasmorte.Jem’arrêteauboutd’unmoment.J’ignorecombiendetemps,maismamaisonesttoujoursaussiloin.Jeregardederrièremoi,latracequej’aicréédans la terre.J’aidûfairevingtmètres toutauplus.Et jesens ladouleurdansmes bras, mes muscles qui chauffent et que je sollicite plus que d’habitude.Aprèsça,lesséancesdeJohnaurontl’airdouces.Sijesurvis.Etjevaissurvivre.Jegrogneet jureen reprenantmonchemin.L’enfoirédevoisinva regrettercequ’ilvientdefaire.Iln’avaitpasledroitdem’abandonnerlà,luiiladesjambesetmêmeunpoucepourfairedustop,moijen’airienquemesbraspourmefaireavancer. Et c’est long et fastidieux, ça faitmal et j’en aimarre. J’ai envie dechialermaviedansceputaindechampmais jem’accroche.Jepuisevraimentdansletréfondsdemonâmepournepascraquerettenir.Jemelerépèteencoreetencorejusqu’àcequej’entraperçoivelafindutunnel.J’arriveàlafinduchamp,ilmeresteuneportiond’herbeetensuite,ceseralecheminquimèneàlamaison.Jebénismonpèrepouravoirinstalléuneporteàl’arrièreavantdemerappelerqu’elleestferméeàclef.MaisilyalachatièredePoufsouffle.Jedoispouvoirypasser.Jen’auraispaslaforcedefaireletouretdegrimperlarampeàboutdebras.Jemehissesurl’herbeetm’autoriseuneautrepauseenmelaissantallersurledos. Je reprends mon souffle quelques minutes avant de repartir. Sur l’herbec’estplussimple,ilyacommeunglissementetsurtout,c’estmoinsdouloureuxpour mes coudes et mes avant-bras. Mais ça ne dure pas. Trop vite, c’est lebitume.Duretfroid,avecdeszonespointuesquejeressensdanstoutmoncorps.Jemeretiensdecrier lorsqu’uncaillouse logedansmonventreet jecontinued’écorchermapeauenrampant.Jecroisquejeplanevraimentàcetinstant,quel’étourdissement est proche, que j’ai déserté mon corps pour simplement me

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concentrersurl’effortetéteindrelereste.Ilseratempsaprès,devoirlesdégâtsetdelesréparer.Dechialeretdesemorfondre,d’êtreencolèreetdeplanifierunmeurtre.Enattendant,monseulobjectifestrentrerchezmoi.Jenefaisplusdepause,j’aiatteintcestadeoùriend’autrenecomptequefranchirladistance.Jerampe,j’avanceetc’esttout.Madéterminationpayepuisquejesuisenfacedelaporte.Jepousselachatière,tented’yfairepassermoncorpspartouslesmoyenset perds quelques cheveux au passage lorsquema tête s’accroche au sommet.Poufsouffleme rejoint etme lèche le visage en couinant,mais je n’ai plus deforces.Alorsunefoisdansmacuisine,ensécurité,jem’effondreausoletj’aiàpeineletempsderassurermonchienquejeperdsconnaissance.

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Chapitre6Sander

Jesursauteetmeredressesurlematelaslorsqu’unbruitretentit.Unautrearriveaussitôtetdansmonbrouillarddesommeil,j’ail’impressionquec’estuncoupde fusil. De nouveau le son revient et les détonations continuent. Jeme lève,enfilemon jeanavantdedescendrepour allervoirqui s’amuseà canardermabaraque.J’ouvrelaporteetunelumièreaveuglantem’éblouit.Je descends lesmarches pieds nus, dans le froid,mon avant-bras couvremesyeuxetlesdétonationscontinuent.Jepenseàdesconnardsdelaville,mécontentsdemonretourquitententdemefairepeurenpleinenuit,maisjedistinguedelalumièrerouge,puisvertedansleciel.Monbras se baisse et je vois sur le bord de la route une rangée de feuxd’artificequis’élancentunàundanslecielnocturne.Je reste con àmater les fusées se propager dans la nuit enme demandant cequ’estcebordel.Les feuxd’artificen’en finissentpas, ilyenaunpaquetquilongelaroutedevantlamaisonsibienquejenepeuxpasapprocheraurisquedemebrûler.Jedoisattendrequeçasefinisseetpeut-êtreapercevoirl’enfoiréquiatrouvéjudicieuxdemeréveillerà3Hdumatin.Lorsquemonpère s’est fait arrêter et que j’ai fait la connerie de revenir danscettemaison,j’aieuledroitàtoutessortesdechoses,desœufs,desinsultes,descoupsdefusil,touteslesnuitsilyavaitquelquechosepourmefairedégager.Cequej’aifaitdureste,jesuispartiepourMontgomeryetcommencerunenouvellevie. Aujourd’hui, toute la ville peut venir manifester devant chez moi, je nebougeraispas.Les feux s’arrêtent enfin, j’avance jusqu’à la route et j’ai le temps de voir lalumièrechezmavoisines’éteindre.Jesouris,lagarceestderetourondirait.Jenel’aipasvuehier,justeaperçusonchien courir dans le champ en face de chez moi. Néanmoins, j’ai remarquéqu’ellen’étaitpluslàoùjel’avaislaisséeaprèsqu’ellem’aplantéenville.La salope…ça ne l’engageait à rien deme ramener et son audace lui a coûtécher.J’espèrequ’elleenachiéautantquemoiavecmabouteilledegaz.Lesilenceestderetouretl’odeurdebrûléencombrel’atmosphère.Jetraverselarouteetlaragem’accompagnelorsquejefrappeàlaportedel’emmerdeuse.

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J’auraiscruquesonpetitséjourdanslechampl’auraitcalmée,maisilfautcroirequ’elleenalapetitehandicapée.Jemesurprendsàsourireentambourinantsurle battant, j’aime la ténacité dans un monde où lâcher l’affaire est tellementsimple.Aucuneréponse,jefrappeplusfort,àm’enfairemalàl’avant-bras.—Ouvreoujeladéfonce!Jeregrettedenepasavoirmisdechaussures,j’auraisdéjàfracassésaporte.Jesaisqu’elleestlàderrière,parcequesonchienn’aboitpas.—Dernièrechance,jegrondeencessantuninstantdetaper.J’attendsquelquessecondesetsavoixsefaitenfinentendre.—Qu’est-cequetuveux?Luigueulerdessusdansunpremiertemps,ensuite,jenesaispas.Ellem’agaceàme tenir tête, à ne pas être capable d’obéir sans la ramener ou tenter de medoubler.—Ouvre.—Non.J’inspireenmedécalant,jejetteunœilauxfenêtres,ilseraitsimpled’enbriserune,etpuis,jepenseàsesfeuxd’artifice.Quellemeufaautantdefusées?—OK.Je me dirige vers la fenêtre à gauche, je m’apprête à la fracasser lorsquej’entends le verrou de la porte s’ouvrir. L’emmerdeuse apparaît, dans sonfauteuil, ses longs cheveux blonds regroupés au sommet de son crâne et soncorpsrecouvertdetellementdecouchesdevêtementsqu’onnelevoitpas.Elleal’aird’unegossecommeça.—Çat’amuse?jedemandeenlarejoignant.Jevoisparfaitementlepetitsourirequisedessinesurseslèvresetsonregardquimereluquecommetouteslessalopeslefont,avecenvie.Jememetsàrire.—Rêvepas,l’emmerdeuse,jenesuispasprêtàtebaiser.Sesyeuxs’écarquillentalorsqu’ellerougit.—Je…maisnon!BonDieu,jamaisjenevoudraiscoucheravecunmeccommetoi!C’est ce qu’elles disent toutes avant d’écarter les cuisses en s’excitant sur lemauvaisgarçon.—Arrête tes petits jeux à la con dans ce cas. Laisse-moi tranquille et tout lemondeseracontent.—Tutefousdemagueule?elledemandeavecsérieux.

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Sonregardvertseplantedans lemienaveccolèreetceserait jouissifdansunautremomentdelavoircommeça.Maisilest3Hdumatin,j’aifroidetjesuisfatigué.Je la contourne et entre chez elle sans son autorisation. Je n’ai pas trop eu letempsdevoiràquoiçaressemblaitladernièrefois.Ellegueule,medemandededégageralorsquejeregardesamaisondenain.Touslesmeublessontenbas,iln’yarienenhauteuretjetrouveçaridicule.—C’estnaze,jelanceenmeretournantpourluifaireface.—Jeneteretienspas.Sonchienvientme faire la fête, sûrementqu’il estheureuxdevoirquelqu’und’autredanscettebaraqueetqu’ilalamémoirecourte.Jem’accroupispourlecaresser,ilestbeauetilal’airsympa,aprèstoutilnem’apasmordulorsquej’aienlevésamaîtresse.—Sorsdechezmoi.Les yeux verts d’Elsame fusillent, je crois qu’elle n’aime pas l’idée que sontoutoum’apprécie.—T’asinternetàcequejevois.—Non.—Tumenstrèsmal,tusais.Elleroulepourserapprocher,saported’entréeestrestéeouverte,alorsjeparslafermerpouréviterquelefroidn’entre.—Écoute,lorsquejemesuisprésentéeàtoi,tum’asrenvoyéchier,encoretoutàl’heuretum’asdemandédetelaissertranquille,alorspourquoituréclamesdestrucsquetuauraispuavoirsituavaisétésympaavecmoi?Jeveuxdirequ’entantquevoisin,situavaisseulementditbonjour,jet’auraisemmenécherchertabouteille de gaz et je te laisserai même squatter mon wifi. Mais maintenant,aprèscequetum’asfait,rêvepas,tun’obtiendrasriendemoi.Jem’approche,jelavoisdéglutirettenterderesterdignealorsquejemepencheverselleenprenantappuisurlesrouesdesonfauteuil.Ellejoueàlafilleforte,envéritéelleestmortedetrouille.—T’asilluminémanuit,l’emmerdeuse,àquoitut’attendaisenfaisantça?Cepetitsouriresatisfaitrevienthantersonvisageetjesuiscertainqu’elledevaitavoirlemêmelorsdesonretourdeAndersonensachantqu’ellem’avaitplanté.—Jevoulaisjustemevenger,dit-elletoutbasenrelevantlementon.Un étrange frisson parcourt mon corps alors qu’on se dévisage avec gravité.Pourquoi elle me tient tête comme ça, alors qu’il ne me faudrait pas deuxminutes pour venir à bout d’elle ? Jeme redresse enme rappelant son regard

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danslechampquandjel’aiposéeausol,cettepeurviscéralequil’habitaitetquim’alaissécomplètementindifférent tellement j’étaisencolère.Cettefillen’estpluslàcesoir,cen’estplusunepetitechoseperduequej’aidevantmoiet…çame laisse perplexe. Mes relations avec les femmes se limitent au cul ou aubusiness de leur cul. L’emmerdeuse est différente, déjà sur un trottoir elle neramèneraitpasundollaretjen’aipasenviedelabaiser.Justedelafairechier,parcequ’aufond,safaçondemetenirtête,mêmesiçam’emmerderoyalement,çam’amuseaussi.Jelacontournepourallerjusqu’àsonbureauoùtrônel’ordinateur.Maisiln’yapasdechaisealorsjeretournedanslesalonenrécupéreruneautourdelatable.Ellemeregardefairesansriendire,probablementchoquéequejesoissansgêne.Après dix années de prison, on ne fait plus rien pour tenter de sauver lesapparencesouavecbienséance.Çan’existepasentaule,lapolitesseetlesavoir-vivre.J’allumel’engin,Elsas’approcheenroulant.—Qu’est-cequetufais?—J’utilisetonordinateur.Ilyaunmotdepassemaisjemetsdeuxsecondesàletrouver:lenomdesonchien.—Comment…arrête!elles’énerve.—Fais-moiuncafé,l’emmerdeuse,tuserasunange.Lesilencerevientalorsquej’ouvreGoogle.Jem’apprêteàtapermarecherchelorsquejevoislesongletsouvertsprécédemment.Jemetourneverselleenhaussantunsourcil,lerougeestderetoursursesjoues.—Tusais,jegronde.Tusaisett’asquandmêmefoutudesfeuxd’artificedevantchezmoi?—Tum’aslaisséedansunchamp.Ellesembleencoreencolèredecequ’ils’estpassé.—Jet’avaisprévenuequetuleregretteraissitunem’attendaispas.—Fautpasêtrenetpourlaisserunefillehandicapéetouteseule.Jememetsàrireenfermantlesongletssurl’affairedemonpère.—J’enairienàfoutrequetusoishandicapée,l’emmerdeuse,tumefaischier,jetefaischier,pointbarre.Jem’apprêteàtapermarecherchealorsqu’ellem’observe.—Tupeuxt’éloigner.Elleritenlevantlesbras,puisellesecouelatêtecequiagitel’espècedechignonenhautdesoncrâne.

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—T’espascroyable,toi.—C’estpersonnel.—Oh !T’es rentré chezmoi sans que je t’y invite etmaintenant, tu squattesmonordinateursansquejet’yautoriseettuvoudraisenplusquejetelaissedel’espace?—Peut-êtrequet’espasdébilefinalement.Ses paupières se ferment alors qu’elle fulmine en marmonnant des trucsincompréhensibles.Elles’énerve,commedanssavoiture,çam’éclatedelavoirainsi.— Qu’est-ce que tu peux avoir de si secret à taper ? Comment cacher uncadavre?Jecroisquetulesaisdéjà.—Jecroisquetuferaisbiendet’éloignersituneveuxpastestercettethéorieenréalité.—Jen’aipaspeurdetoi.Pourtantsavoixtremblotanteditlecontraire.Jemelève,agacéparsonmanègedegrossedurequin’enfinitpas.C’estamusantquandj’aienviedejouer,sinonc’estjustechiant.Enl’occurrencemaintenant.—T’asenviedevisiterlechampdenuit?Ellereculepuissortsabombelacrymodesoussacuisse.Cettefois,elleaenlevélasécurité.—Sorsdechezmoi.—Situnevoulaispasquejevienne,pourquoitum’asréveillé?Samaintremble,elleapeur,çasesentàdeskilomètres.Elletentesimplementdefairebonnefigureoudesedéfierelle-même,j’ignorecequilamotivemaisc’estraté.—Jetel’aidit,pourmevenger.—C’estdoncàmontourdejouer.Jefaisdemi-touretretournem’asseoirpourconsulterGoogle.— J’en ai pour deuxminutes, ilme faut juste une adresse.Ensuite tu pourrasretournersurtonforumd’handicapésracontercommenttonvoisintemaltraite.J’aiàpeineletempsdetaperetdevoirlerésultatqu’elleadéjàrouléjusqu’aucâbleetdébranchélaprisedesonordinateur.—Dégage.Je me lève, j’ai eu ce que je voulais, je n’ai plus rien à faire ici. Mais jereviendrais et j’espère qu’elle aime les réveils en fanfare parce qu’elle va envivreun.—Salut,l’emmerdeuse.

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Je quitte sa maison et retourne dans la mienne récupérer des fringues et mamoto.Unepiste s’ouvrepourmavengeanceet jecomptebienallervérifiercequeçadonne.

***Jem’installeprèsd’unefenêtreetcommandeuncafé.Jen’enaipasprisavantdepartiretles4hderoutedanslespattespourvenirjusqu’àMontgomerysefontressentir.J’aiunevueparfaitesurl’immeubled’enfaceetsaported’entrée.Sielleesttoujoursdanslemêmebusiness,ellenedevraitpastarderàrentrerdesanuit.Iln’yaplusqu’àêtrepatientetcroiserlesdoigtspourquecesoiticiqu’ellevienne.Dansdeuxheures,j’airendez-vousavecmoncontrôleurjudiciaireetj’aimeraisautantenavoirterminéaveccetteputeavant.Enattendant,jesavouremoncafépastropdégueulassevulequartier,ensortantleportabledel’emmerdeuse.Ellen’arienvu,tropoccupéeàmemettredehors.Je fouille dans son répertoire et remarque que sa vie sociale se résume à sesparents,uncertainJohnetundoc.Cequiexpliquequ’elleaitvouluqu’onsoitculetchemiseentantquevoisins.Pathétiquepetitehandicapéequifuitlemondemais qui a quandmême envie de s’y intégrer. Jeme demande ce qu’il lui estarrivépourêtredanscetétatetcommentelleétaitavant.Aussichiante?Peut-êtreplusmême,ilparaitquelehandicap,çaapprendl’humilité.Je fouilledans sesSMS,ellediscutede jeuxvidéoavec sonpère, samère luirappelledes trucscommesielleavaitcinqansetças’arrête là.Je jetteunœilauxphotos,ilyasonchienencoreetencore,jecroisqu’elleestraidedinguedelui.Jedoisadmettrequ’ilal’aircooletbienéduqué.Enfant,j’aitoujoursvouluun chien, pour avoir quelqu’un avec qui partager quelque chose, une autrepersonnequemonpère.Maisilnem’ajamaisaccordécettefaveur.J’ai fait défiler unebonnedizaine de clichés lorsque je tombe sur ses jambes.Probablementdanssonlit,ellessontfinesetdécharnéescommes’illuimanquaitdesmuscles.C’estloind’êtrebeau.C’estmêmesuperétrangeetjemedemandepourquoiellelesaprisesenphotos.Ilyenad’autres,detouteslespartiesdesoncorps. Son ventre a une longue cicatrice, assez finemais qui s’étend sur unedizaine de centimètres. Elle a dû morfler, l’emmerdeuse. J’avance dans lesphotos,sesmains,sesbrasetjetombesursesseins.Jetourneletéléphonepour

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lesvoirenpleinécran.Elleestbienroulée,sapeauestpâle,sestétonsrosesetsesmamelonsgonfléscommes’ilsattendaientunebouche…J’éteinsl’appareilensentantuneérectionarriver.Jeramènel’imaged’elledanssonfauteuilavecsonairahurietsonchignonsur lecrâne.Mais les imagesdesoncorpsnunedisparaissentpasetmêmecettefoutuecicatricesursonventrem’excite.Jemeconcentresurl’extérieur,surl’autresalopequiaintérêtàramenersonculpourrépondreàmesquestionsetjerangeletéléphonedansmapoche,ilpourraitme servir pour contacter le club, jusqu’à ce qu’elle coupe la ligne.Ce qui nedevraitpastarder,lorsqu’ellecomprendraqu’iladisparuetqu’ellen’estpasprèsde le revoir.Néanmoins, les photos seront toujours là.Et jeme retiensd’allervérifiers’ilyauneautrepartiedesoncorpsdessus.Unequejen’auraisjamaiseuenviedevoiravantdereluquerlesautres.Heureusement pourma tête etmoi, la chanceme sourit etma cible arrive entitubantsur le trottoir.Jemelève,bazardeunbilletsur la tableetsorsducafépouralleràsarencontreetexigermesréponses.

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Chapitre7Elsa

Jemegarelelongdutrottoird’enface.Grâceàlahauteurdemacamionnette,jedistingue parfaitement l’entrée de l’immeuble. Je coupe le moteur, jette unregardàPoufsoufflequim’accompagneetsoupirelonguement.Je deviens complètement dingue depuis que ce mec a décidé d’emménagerdevantchezmoi.Lapreuve,jemeretrouveàMontgomeryunvendredimatinàguettersonarrivée.Jesuiscrevée,lanuitaétécourte,aveclesfeuxd’artificeetl’invasiondeSanderchezmoi.Jemesuispréparéeunlitredecaféquej’aibusurlaroute,maisjeleregrette.J’aienviedefairepipietjenepeuxpasbouger.Déjà,lequartiercraintetjedoutequ’undesnombreuxbarsqu’ilyaici,aitdestoilettes handicapées. Je prendsmonmal en patience,mais je ne pourrais pasresterdesheurescommeça,mavessiepourraitmejouerdestoursetjenetienspasàmefairedessus.Jem’agite dansmon fauteuil, il avait une heure d’avance surmoi en partant,peut-êtrequ’ilest trop tard.Peut-êtremêmequ’iln’estpasalléàcetteadressequ’ilacherchéesurmonordi.UnecertaineSandyHollisterviticietjemedemandebiencequ’illuiveut.Jen’aipastropréfléchiavantdepartir,ilm’apiquémontéléphonel’enfoiréetjetiensàlerécupérer.Etaussiàvoircequ’iltrafique.Aprèstout,c’estmondevoirdecitoyennedem’assurerquecetteSandyn’estpasendanger.Lavérité,c’estqu’ilm’énerveprofondémentetqu’enplus,cepetitjeudepistedevientexcitant.Maisjenerisquepasdelereconnaître.Jedevraisêtrechezmoi,àattendreJohnpourma séance kiné, au lieu de ça, j’ai fait trois cents kilomètres pour suivremonvoisin,filsdeserialkiller/hors-la-loi/tarécomplet.Je retiens tantbienquemal le sourire teintéd’adrénalinequimenacede sortirmaisjenesuispastrèsdouéepourrestreindrecegenred’émotions.Lesfortes,cellesquiterrassentetquiontdésertémonexistenceilyadeceladesannées.J’ai pris mon pied cette nuit en allumant les feux d’artifice, en l’imaginantsursauter dans son lit et se demander ce qu’il se passe. Çam’a éclaté demevenger,gentiment,decequ’ilm’afaitquin’avaitriendegentil.Heureusementquej’aiannulémaséanceavecJohn,jemedemandebiencequej’auraispuluidire àproposdesbleusetdeségratignuresqui encombrentmoncorps. J’enai

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partoutetc’estdouloureux.Mêmemesjambesmefontmaletjedoisavouerqueçam’avaitmanqué, cette sensation quand j’appuie sur un hématome et qu’unpetit pic de douleur apparaît. Néanmoins, je ne suis pas une sadique, je necherchepasàavoirplusmal,justeàfairecomprendreàcetenfoiréqu’iln’apasintérêtàtropm’emmerder.Volermonportablefaitpartiedecesactesquim’agacentprofondément.Jen’aipas de code de verrouillage dessus, pour toujours être enmesure de l’utiliserrapidementsibesoin.J’imaginequ’ilnes’estpasprivépourfouiner.Or, ilyadeschosespersonnellesdedansquejen’aipasenviequ’ilvoie.Quepersonnenevoit.Jem’agite, l’envied’urinerdevient intenable et je regardeautourdemoipouressayerdetrouverunendroitadéquat.Sij’avaismonportable,j’auraisputenterunerechercheGoogle,mais je n’ai rien et étrangement, jeme sens totalementdésœuvréesanscettetechnologiequifacilitelavie.Cependant,jenesuispasunepetitenature,mêmedansmonfauteuil,lapreuve,j’arriveàtenirtêtetantbienquemalàSander.Alorsallerauxtoilettesdansunbarmiteuxnedevraitpasposerdesoucis.Pourtantjeflippe.Je sensmoncœur cognerplus fort etmêmePoufsouffle s’agite en sentantmatension augmenter.Néanmoins, l’appel de la naturedevient trop fort pour êtrerelégué. Je regarde derrière moi, je ne peux pas sortir de ma voiture, je suisencastrée entre deux. Je vais devoir bouger. Et sûrement perdre la trace deSander.Jeseraisarchinullecommeflicoudétective,jesupposequecesontdeschoses auxquelles on pense avant de planquer pour un certain temps. Je suisnovicedanslegenreetmacibleestunvraiserpent.Jedémarreensentant ladouleurdansmonbas-ventreme rappelerà l’ordreetm’avancedanslarue.Jen’aipasàchercheruneplaceadéquatebienlongtemps,vingtmètres plus loin, j’en trouve une qui fera l’affaire. Soit pile-poil devantl’immeubledeSandy.Sijamaisilestàl’intérieur,ilnemanquerapasmavoitureensortant.Personnenelamanqueraitdureste,elleestimposanteetbienreconnaissable.Jecoupelemoteuretjeneperdspasdetemps.J’activelemécanismedelaportearrière, j’enlève les freins demon fauteuil et recule rapidement, si vite que lesystème n’a pas fini lorsque j’arrive. J’attends enm’agitant, tellement l’enviedevientforte.Jeparviensàdescendre,Poufsoufflesurmestalons,ilfautencoreattendrequetoutseremballeetjemaudisl’universquecesoitsilent.Unefoislavoitureverrouillée,jeparsàlarecherched’untrottoirbaspourmonterdessus

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en longeant la route. Je faisplusieursmètresavantd’en trouverun,puis jenetergiversepas, je rentredans lepremierbarquime fait face.Laportepeineàcéderalorsque jepoussede toutemes forcespourentrer.Unebonneâme,dumoins c’est ce que je me dis, finit par la tirer de l’intérieur et j’entre en leremerciant.Je roule sur un parquet craquant et j’imagine collant vu les taches qui leparsèment puis, je vois trois têtes tournées dans ma direction l’air de sedemander si je suis perdue. Ça sent l’alcool et la sueur, mêlé de relent decigarettes,c’estnauséabondetj’ensuisàimaginerlagueuledestoilettesquandlebarmanmedemandecequejeveux.—Unebière,jelâcheavecincertitude.Seslargessourcilsblancssefroncentavantqu’ilacquiesce.Jeroulejusqu’àunetable,monchiendansmonsillagequicouineunpeu.Jecroisque,commemoi,il n’est pas rassuré par les deux clients qui m’observent avec assiduité. Lebarmans’approcheavecmonverre,enboitillant,desgerbesdebièrecoulesursamain mais il s’en moque, il pose violemment ma consommation sur la tabletachée.—Deuxdollars.Je sors mon portefeuille dessous ma cuisse et lui donne son dû ainsi qu’unpourboirequij’espèremepermettradesortirsansuneégratignure.—Oùsontlestoilettes,s’ilvousplaît?Ilsoupireetm’indiquedumentonuneportedanslefond.Parchance,c’estunede celles qui ne me demandera pas trop d’efforts. Deux battants à hauteurd’homme comme dans leswesterns. Je roule jusque là-bas et heurte quelqueschaises surmonpassage,mais je n’enpeuxplus. Je suis à deuxdoigts demefairedessus,sicen’estpasdéjàfait.Je fais fis de l’odeur d’urine et trouve la seule et unique cabine après lespissotières.J’ouvrelaporteetmanquedepleurerenvoyantl’étatdestoilettes.Jen’ai pas le choix, c’est ça ou rien. J’ignore même comment je vais arriver àgrimperdessus.Mesbrasvontsouffriretilesthorsdequestionsquejemetraînepar terre.Monfauteuiln’entrepasdans lacabine.Jesuisdans lamerde.JenepourraisjamaisatteindrelesWCsanstoucherlesol.Uneenviedepleurermeprend,parcequej’enaimarred’êtreunparia,denepaspouvoir aller pisser comme je levoudrais sansque ce soit tout unmonde.Untrucsinaturelpourlesmarcheursestuncombatpourmoi.J’inspireententantdemecalmer,jeregardePoufsouffle.—Jevaisyarriver,jegronde.

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Mon chien jappe un peu pour me donner du courage. Je m’approche aumaximumpour calermon fauteuil dans l’embrasure, puis jemets les freins etessayedetrouverunestratégie.M’aiderdesparoisoùdesinsanitéssontinscritesettraînerlebasdemoncorpsjusqu’àpouvoirm’asseoir.C’estlaseulesolution.Jem’apprêteàmelancerlorsqu’unevoixquejeconnaisbienàprésentrésonnedanslebar.Jen’entendspasdistinctementcequ’ildit,mais jesaisquejesuisgrillée.Laminuted’après,lesbattantss’ouvrentetSanderapparaît.Merde.—Salut,l’emmerdeuse.Onsedévisagealorsquelesportesn’enfinissentpasdeclaquerderrièrelui.Sonregardestfatigué,pourluiaussilanuitaétécourte,àcausedemoimeditunepetite voix, pourtant il a toujours cette drôle d’intensité, quelque chose entredangeretpassionquinelaissepersonneinsensible.—Je…tiens!Sander,commec’estétrangedeseretrouverlà!Jetentedejouerlasurprise,lacoïncidence,maisiln’estpassicon.Ilappuiesonépaule couverte d’un cuir contre le mur et croise les bras sur sa poitrine enhaussantunsourcil.Jejetteunœilauxtoilettes,quimerappellentpourquoijesuislà.—Tupeuxsortir,s’ilteplaît?—Pourquoi?—Àtonavis,jesoupire.Ilsedécolledumur,s’approcheetregardedanslacabinepar-dessusmoi.—Jesuiscurieuxdesavoircommenttuvastedemerderpourentrerlà-dedans.—T’aspasàsavoir.Sors.Ilreculeunpeu,Poufsoufflequin’apasencorecomprisquecemecestl’ennemilui fait la fête. Il s’accroupit pour le caresser en me regardant par-dessus lamèchequiluitombesurlevisage.—Jet’attendsdanslebar,ilfinitpardire.Il se redresse souplement puis s’en va enfin. Je souffle etmonmal de ventrereprenddeplusbelle.Mavessien’attendrapasuneminutedeplus.Jemehissesurmesmainscontrelesparois,maisjenepeuxpasavancer.Sinonjetombeetlatêtelapremièredanslacuvettedesurcroît.Jemerassoisdansmonfauteuilencherchantunautremoyend’arriveràmesfinslorsqueSanderentredenouveau.Cette fois, ilneme laissepas le tempsd’enplacerune, ilmesoulèvedemonfauteuil,lerepoussed’uncoupdepiedetmereposesurlesWC.Jememaintiensaux parois, choquée de son initiative, mais ravie quand même. Il sort de lacabine,fermemêmelaporte,maisjevoissespiedsquirestentdevant,avecmon

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chien.Je ne tergiverse pas, je n’en peux plus. Jeme débrouille pour faire descendremonpantalonàunemain,suffisammentpourassouvirmonbesoinpressant.—Magne-toi,ilreprend,j’aipasenviedem’éterniserici.—Tupeuxt’éloigner,s’ilteplaît?Ilmebloqueàresterlàetàtoutentendre.Sandersemetàrire.—J’aivudesmecsdecentcinquantekilosavoirlachiasse,alorstonpetitpipi,jem’entape.Dépêche-toi.Je ferme les yeux et tente d’oublier sa présence, je n’ai qu’àme décontracterpourquemonlitredecaféquejeregretteamèrementm’échappeenfin.Unefoisterminé et rhabillée, j’informe mon voisin qui ne perd pas de temps à meréinstallersurmonfauteuil.Je roule jusqu’au lavabo, rougedehonte sûrement, jeme lave lesmains alorsqu’ils’impatiente,puisnousquittonslebarsansmêmequejetoucheàmabière.Sander accroche les poignets demon fauteuil etme pousse, dans la directionopposéeàmavoiture.—Oùest-cequ’onva?jel’interrogealorsqu’ilbasculemonfauteuilpourmefairedescendreletrottoirsansménagement.Cethommeneconnaîtpasladouceur,c’estcertain.—Làoùonpourraparlersanscrainte.Crainte de quoi ? Qu’est-ce qu’il mijote encore ? Je n’ai pas envie de meretrouversansfauteuilenpleinevilleetsurtoutpasdanscequartier.Ilremonteunerueadjacente,ilmarcheviteetjedistinguel’entréed’unsquarequ’ilemprunte.Onpasseplusieursbancsavantqu’ils’arrête.Ilgrimpedessus,s’allume une clope et me fixe étrangement. Poufsouffle en profite pour sedégourdirlespattesdansl’herbe.—Tum’assuivi?ildemandenerveux.—Non.Jen’aipasbesoindementir,c’estlavérité.—Tuasregardél’historiquedetonordinateur.Qu’est-cequetuveux?—Monportable.Un sourire étire ses lèvres alors que son regard glisse surmon corps. Je n’aimêmepasàmedemanders’ilafouinédedans,ilm’offrelaréponse.Jecroiselesbrassurmapoitrineententantvainementdecachercequ’iladéjàaperçu.Jemesenstrèsmalàl’aise,encoreplusquedanslestoilettes.Ilaviolémonintimitéetjedétesteça.—Jenel’aipas.

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—Tumens.Ilhausselesépaulespoursignifierqu’ils’enfout.Pasmoijustement.—Iln’yaquetoiquiesvenuchezmoi,jesaisquec’esttoi,Sander,alorsrends-le-moi.Sinonjeporteplainte.Jecroisqueçan’arrangeraitpassesaffairessi j’allaisvoir lapolice.Ilsemblel’évitercommelapestedecequ’ilm’aditl’autrejourenmelaissantseuledanslechamp.Jemesouviensaussidesesparolescettenuit,ils’enfoutquejesuishandicapéeetiln’apasenviedemebaiser.Jen’enaipasenvienonplus,maisj’admetsquej’aimequ’ilmetraitecommequelqu’undenormal,qu’ilneprennepas de gants avecmoi,même si c’est pourme faire peur. Çame change desregardsremplisdepitié.—Tuneleferaspas.T’aspasintérêtàlefairesurtout.Je note la menace dans ses paroles et son regard voilé par la fumée de sacigarette.Jenemedémontepaspourautant.—Jen’aipaspeurdetoi.Rends-le-moiouturetournesenprison.Ilritpuisécrasesonmégotsurlebanc.—Qu’est-cequitefaiscroirequeçavaarriver?—Tul’asdittoi-même.—Je parlais demeurtre, l’emmerdeuse.Là, il est question d’un téléphone.Ett’asaucunepreuvequejel’aivolé.—C’estpourçaquetuyétais?Pourmeurtre?Mesyeux fixent les siens, on est proches et la lumière assezvivepourque jeremarquelebruncerclédenoirdesesiris.Ilssontsaisissants,jedoisl’admettre,son regard luidonneunair sauvagequine laissepas indifférent.Tout commesoncorps.Je l’aivucettenuit,bienplusque lorsdenotre rencontre.Sanderadesmuscles, des tatouages et des cicatrices.C’est comme si toute sa vie étaitmarquéesursapeauetçadonneenviedeledécouvrircommeçaaussi.Jemesensrougirdanslesilenceduparcalorsquej’imaginemesdoigtstracerceparcourssursontorse.Jedéraille!—Tuasfaitdesrecherchessurmonpère,maispassurmoi?—J’ignoraisquetusortaisdeprisonjusqu’àcequetumeledises.—Etmaintenant?—J’aipaseuletemps.Jedétourneleregardà larecherchedemonchien.Cen’estpas lavérité,c’estjusteque…jenesaispas,jecroisquejevoulaisl’apprendredesaboucheetnepasmefairedefilminutile.J’enfaissuffisammentensachantquiestsonpère.

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—Tumens.Maisjem’enfous.Cequejeveuxsavoirc’estcequetuasvuenvenantici?Jel’observedenouveau,ilsembleintriguéquej’aipudécouvrirdeschosessurluietjesourisdecepetitpouvoir.—Rends-moimonportableetjetediraicequetuveuxsavoir.Un silence s’installe de nouveau durant lequel on se défie. Chacun a quelquechosequel’autreveutets’iln’estpastropcon,ildevraits’enservir.Mêmes’ilseradéçu,parcequejen’airienàrépondreàsaquestion.—J’aivutesphotos.Jefermelesyeuxenjurantcontremoi-mêmed’avoirétéconnedelesgarder.—Pourquoitulesasprises?Jesuissurprisedesaquestion.Qu’est-cequeçapeutbienluifaire?— Pour les échanger avec tes potes handicapés sur ton forum ? Ça les faitsbanderdevoirtesjambesencharpie?Autant j’aime bien qu’il me traite normalement, autant je déteste sa façonvolontairedemeblesser.Moncœurcognedenouveauviolemment,alorsquejeme sens rabaissée et humiliée par ses propos. Lui, il s’en fout, il attend uneréponsequineviendrajamais.—Trèsbien,tulesasvuesdetoutefaçon,alorsgarde-le,jem’enfous.Jefaisroulermonfauteuilpoursortirduparc,jesifflemonchienquirappliqueàvive allure. Je roule en sentant mon regard s’embuer de larmes que je mecontiens de verser. Ce mec est un enfoiré, qu’est-ce qu’on peut espérer d’unenfoiré ?Rien !Alors qu’il aille se faire foutre lui et ses conneries. Je nemelaisseraispashumilier.Je n’ai pas fait quelquesmètres qu’il est de nouveau à côté demoi. Il passedevantetmebarrelaroute,puissoncorpssepencheetils’appuiesurmesrouespourm’empêcherd’avancer.Jefulmineetj’espèrequ’ilvoitàquelpointjesuisencolèrecontrelui.—Qu’est-cequetuasvudanslarue?—Rien!jecried’agacement.C’estlavérité,maisilluifautquelquessecondespourlecomprendreavantqu’ilmerelâcheetmelaissequitterleslieux.Jefoncejusqu’àmavoiture,motiverparlacolèreetmêmesijegalèreaveccertainstrottoirsj’yparviens.Jem’apprêteàouvrirlaportearrièrelorsqu’uneidéetoutsauflumineusemepercute.Jeme tourne et visualise l’immeuble de cette Sandy enme disant qu’il seraitjudicieuxde savoir si elle est toujours envie et surtout, s’informer sur cequeSandertienttellementàcacher.

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Chapitre8Sander

Lagarce.Jelacroisetpourtantjemedisqu’ellen’apasfinidemefairechier.Qu’est-cequ’illuiaprisdemetraquer?Pourquielleseprendl’emmerdeusedeservice?Je la regarde dévaler la rue à toute vitesse avec son chien pour rejoindre savoiture.Unepreuvequ’elleestmauvaiseàcejeu,sonvéhiculeestremarquable,gros,uniquepartoutl’attirailàl’intérieuretcegrosautocollanthandicapésurlaportearrière.Soitellemeprendpourungrosnaze,soitellen’avaitpaslechoixdesegarerlà.Dommagepourelle,ilm’asuffidelongerletrottoiretdefairetouslesbarspourlatrouver.Çam’aprisdeuxminutes.Une fois qu’elle est hors de ma vue, je fais demi-tour et remonte pour allerrejoindremamoto.Ellem’amisenretardaveccesconneries.Lajournéeadéjàmalcommencé,ilafalluqu’elleenrajouteunecouche.Mais j’aimes réponses. Je sais où trouver la salope quim’a coûté dix ans detaule. Néanmoins, l’approcher va être compliqué. Je vais devoir demander del’aideauclub.Etsi j’ai l’emmerdeusedans lespattes,çapourraitdevenirpluscompliqué.Jenevaispasjouerauchatetàlasourisavecellelongtemps.Mêmesisonaudacemeplaît,ilyadeslimites.Celledemavengeanceenfaitpartie.Jedoisfaireprofilbas,nepasmefairerepérer,sinonc’estretourenprison.Elleaeuuncoupdechanceen traçantsonhistorique,mais jene feraispas lamêmeerreur deux fois. Je doute qu’elle puisse me suivre avec son monstre dansl’avenir.

***Je dois rencontrer mon contrôleur judiciaire une fois par semaine. Ce quim’empêche dem’éloigner de l’état sur une trop longue durée. Surtout que sicertains rendez-vous sont prévus, comme celui-là, d’autres peuvent se faire àl’improviste.Alvarezpeutdébarquerchezmoi,ouàmonfuturboulotquandça

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luichante.Aprèsavoirpissédansunpotsoussonregardpourletestdedrogue,nousvoilàdanssonminusculebureau.Lemexicainauventrebedonnant se laisse tombersur son fauteuil, il passe ses pouces sur samoustache en fronçant les sourcilslorsqu’ilm’observe. C’est notre deuxième rencontre depuisma sortie et je nel’aimetoujourspas.Ilesttropmalin,etlesgensmalinsquandilsnesontpasdevotrecôté,sontdesadversairesredoutables.—Alors,commentsepasselavieà…Ilouvremondossierbienépaisdevantluiettrouvel’informationrapidement.—Anderson?—Bien,jerépondslaconiquement.Alvarezsouritetmemontresesdentsjauniespardesannéesdetabacetdecafé.—T’astrouvéunjob?—Pasencore.—Riend’étonnantàça,personnedanscettevillenevoudrat’embauchermêmepournettoyerleschiottes.—Mercipourvotreoptimisme,çamotive.Ilritcequiagitesagrossecarcasse.—Je t’aiprévenuqu’en retournant là-bas ce serait compliqué.Pourquoi tuneveuxpast’installerailleurs,t’auraisplusdechancesdefaireoubliertonpassé.Parcequejen’aipasenviedel’oublierjustementetquec’estchezmoi.J’aitroplongtempslaissélesgensdecetteputaindevilledictermavie,àprésent,c’estmoi qui choisis. Je m’en branle qu’ils ne m’aiment pas, ils ont peur, c’estsuffisant pour les tenir à distance et me laisser faire ce que je veux. Saufl’emmerdeuseévidement.Ellen’apaspeurlaplupartdutemps.—C’estchezmoi,c’estlàquejeveuxêtre.Lecontrôleurjudiciairehausselesépaulesetprendsonstylopournoteruntrucdansmondossier.—Ilterestedeuxsemainespourtrouverunboulot,sinonc’estretourenprison.J’aipasséquelquescoupsdefilmaisàlamentiondetonnom,jen’aieuquedesrefuscatégoriques.—Jevaistrouver,vousenfaitespaspourmoi.—Mongrand,ilreprendenaplatissantlourdementsesmainssurlebureau,jenem’inquiète pas pour toi, tu sais pourquoi ? Parce que je m’en fous que turetournes en prison, je pense même que tu serais mieux là-bas et qu’un meccommetoi,avecuntelpassiffamilialetdetellescondamnationsestundangerpublicpourtouteslesfemmesdecetétat.

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Etbien,onpeutaumoinsluiattribuerlemérited’êtrefrancàceconnard.Maisjem’en tapedecequ’ilpense,commedecequ’ilveut.Lefaitestque jesuisdehorsetquejecomptebienyrester.—Ricane,enfoiré,t’étaispeut-êtrelastardetonblocentaule,icit’esrien.T’esàmamerci. Je signe un bout de papier et tu retournes fairemumuse avec tescopines,alorsjouepasauconavecmoi,tulepaierascher.Jereprendsmonsérieuxdumieuxquejepeux.Jesaisqu’ilneplaisantepasetqu’ilseraprêtàagirà lamoindre incartadedemapart. j’avaispeut-être laviefacileàl’intérieur,cen’estpaspourautantquej’aienvied’yretourner.Avoirunpèretaré,çaaideparfois,çapermetdesefaireuneplacedansl’échelledesrebusdelasociété.—Est-cequ’ilyaautrechosedonttuveuxqu’onparle?Qu’onparle?Jusque-là,àpartmemenacer,onnepeutpasdirequ’ilm’inciteàm’épanchersurmeséventuelsproblèmes.—Non.—Trèsbien.Onsevoit la semaineprochaineet t’as intérêt à avoir trouvéunboulotd’icilà.Ilmemontre la porte dumenton, sansmêmeme dire au revoir. Je quitte sonbureauetlongelescouloirsquimènentàlasortie.Jesaisdéjàoùjevaistrouvercequejecherche.

***Ilestplusdemidiquand j’arriveenfinàAnderson. Jemegaredevant lepetitlocalquisertdebureauàMickey.Sacamionnetteestlà,jepensequeluiaussi.J’aiàpeinecoupélemoteurqu’ilapparaîtsurlepasdelaporte.Jerejoinsmonami,unebièreà lamainqui finitsonrepas.Nousentronsdanssonbureauetunefoispassélesbanalités,jevaisàl’essentiel.—Jesorsdemonrendez-vousaveclecontrôleurjudiciaire.—Ças’estbienpassé?—Ilmefautunboulot.Lesilences’installeentrenousalorsqu’onsedévisage.Jecroisqu’ilcomprendparfaitementoùjeveuxenveniret jecompteégoïstementsursonincapacitéàdire non pourme sauver lamise. Il estmon seul ami et habituellement, je neprofitepasdecefait,maispasdanscettesituation.Ilestmonuniquechance.

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—Embauche-moi,fictivement,ilmefautuncontratàluimontrer.Mickeysoupirelourdementensepassantlesmainsdanslescheveux.—Àunautremoment,jel’auraisfaitavecplaisir,Sander,mêmequeçam’auraitpermisd’enmettreàgauche,maisj’aiuncontrôlefiscaldansdeuxsemaines.Jenepeuxrienfairepourtoi,jesuisdésolé.Ilestmalà l’aisedesonrefus, jevoisparfaitementqueça l’embêtedenepaspouvoir m’aider. Pourtant ça n’atténue pas la colère qui monte en moi. Pascontrelui,contrecemondedeconsdanslequeljen’aiplusmaplacenullepart.Jenel’aijamaiseu,c’estsûrementcequifaitqu’aujourd’hui,jen’arrivepasàm’yinstallerplusqu’hier.Mavieestenmargedelasociétédepuisquej’aicinqans. Comment je pourrais espérermettre un pied à l’intérieur de ce cercle degensbienetêtreacceptéaussifacilement?Jerécupèremoncasqueetmelèvepourpartir.—Sander,souffleMickey,jesuisdésolé,vraimentj’auraisaimét’aider.—Jesais,net’enfaispas,jecomprends.Ilselèveàsontouretm’accompagnedehors.—Jevaispasserquelquescoupsdefilàdesamisartisansaussi,peut-êtrequ’ilspourrontfairequelquechose.—T’embêtespas,sij’étaispatron,jenem’embaucheraispasmoi-même.Jeluitendslamainpourlesaluer,Mickeysouritdenouveauetçamefaitplaisirqu’ilcomprennequemêmesijesuisdanslamerdejeneluienveuxpas.Jenesaispas comment jevais trouverun travail, àmoinsdechangerdenometdecomblercetroudedixansdansmonC.V,jenevoispas.Etjenevaispasavoirle temps surtout, si je dois naviguer entre ici et la Louisiane, ça va êtrecompliqué.Leclubauraitpum’aider,ilsm’auraientdégottéunfauxcontratdanslatonnedebusinessqu’ilsont,maisjen’aipasledroitdelesfréquenter.Alorsleurdemanderunjobnem’empêcherapasderetournerenprison.

***Quelquesjoursplustard,Çarecommence.Jesuisréveillépardesdétonationsetjesursautedansmonlitavantdeme rappelerqueçam’estdéjà arrivé. J’enfileun jeanetdescendsenessayantdenepasm’effondrer.Jesuiscrevéet l’emmerdeuseabienchoisisa

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nuitpourmefairechier.J’ouvre la porte aumoment où une fusée s’élance dans le ciel et l’éclaire dedizainesdepointsrouges.J’attendsquelespectaclesetermine,unefoisqu’ilneresteplusunfeud’artificeausol,jetraverselaroute,piedettorsenus.Lefroidmeglacelesangunmomentetachèvedemeréveiller.Qu’est-cequ’elleaencorecetteconne!Jenel’aipasvuedepuisplusieursjourset jepensaisqu’onenavait fini avecces conneriesmais jeme suis trompé, ilfautcroire.J’arrivedevantchezelle,saporteestentrouverte,ilyadelalumièredanslesalon,alorsj’entresansréfléchir.Jefaisquelquespasenm’étonnantquesonchiennesoitpasdéjàdansmespattesàréclamerdescaresses,puislaporteclaquedansmondos.Jemeretournevivementetjemefige.L’emmerdeuseestbeletbienlà,danssonfauteuil,unearmeàlamainpointéesurmoi.C’estquoiencorecesconneries!Jen’airienfaitdernièrementquiméritequ’elleenarriveàmemenaceravecunflingue.Jen’étaisquasimentpaslà,occupéàsillonnerlecomtépourtrouverunfoutujobquepersonneneveutmedonner.J’aiperduuntempsfouàessayerdenepasretournerentaule,alorsjenecomprendspasdutoutcequ’illuiprend.Jelèveunpeulesmainsenm’approchant.—Nebougepas!dit-elled’unevoixquisebrise.Jemeretiensdesouriredelavoircommeça,essayerdejoueràladureàcuireavecsavoixetsesmainstremblantes.—OK,jeréponds,tum’expliquescequ’ilteprendaujuste?—Tul’asfrappée.—Qui?—Sandy.Jefroncelessourcilsenladévisageant.Jen’aipasfrappécettegarcequil’auraitbien méritée pourtant. Elle avait déjà la gueule ravagée, par son mecprobablement,quandjel’aivue.Mesmainsretombentd’elle-mêmeetjefaisunpasendirectiond’Elsalorsquejecomprendsqu’elleestalléelavoiraprèsnotrerencontre.Lagarce!—Nebougepas!ellecrie.Jem’arrêteenlavoyantenleverlasécuritédecequisembleêtreun9mm.—Qu’est-cequet’asfait?jedemanded’unevoixtendueparlacolère.—Toi,qu’est-cequet’asfait?Tul’astabassée!Unefemme!J’inspirelourdement,sesmainstremblenténormément.Jedoisladésarmerdansl’immédiat parce qu’avoir ce genre de conversation avec un canon pointé sur

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moncœurnemeditrienquivaille.— Je n’ai frappé personne, cette conne n’a pas besoin de moi pour se faireravagerlagueule.—Tumens!Jesaisquitues,jesaiscequet’asfait.Sa voix se brise de nouveau, son regard dérive sur mon corps, elle semblepresquetristed’avoirdécouvertcepourquoilasociétém’acondamné.—Tul’asfrappéepouravoirtesréponsesetelle…Jefaisunpasdeplusenvoyantqu’elleperdpied,maisàmonmouvement,ellesereprendetl’armeestdenouveaubraquéesurmoi.—Jenefrappepaslamarchandise,jegronde.Elsaouvredegrandsyeux,maissiellesait,çanedevraitpaslasurprendre.—Jecroyaisquetusavais,l’emmerdeuse.—Je…je…j’espérais…Elleneterminepas,elleestdanslaconfusionetj’essayeencoredem’approcheren vain. Elle se reprend toujours à temps pourm’empêcher d’agir. Sesmainstremblent deplus enplus et jemedis qu’un coupest viteparti avec cegenred’armesetjetiensencoreàmavie.—Qu’est-cequetuveux?jedemande,qu’est-cequetucomptesfaireaveccettearme?Metuer?Ellesesecouevivementlatête,cequimerassureunpeu.—Tuesunconnard,violentetmisogyne, jeveuxque tu te rendesà lapolicepourcequetuluiasfait.Rienqueça…ellerêve.Déjàjen’airienfaitàpartunpeupeuretensuite,misshandicapestunpeutroppromptaujugementàmongoût.—Tunesaisriendemoietdecequ’ils’estpasséavecSandy.T’asécoutéuneputediredesconneriesettulescrois?Ellet’auraitditqueleprésidentlui-mêmel’avait frappée si c’était ce que tu avais voulu entendre. Cette garce est unementeuse!—C’esttoilementeur!J’aivusonvisageetlapeurdanssonregard!C’esttoiquiasfaitçaettudoispayer!Elles’énervecequin’estpasbon,jedoiscalmerlejeuavantqueçadégénère.Unedesesmainsquittel’armeletempsd’essuyerleslarmessursesjouesetj’enprofitepouragir.Jefaislesdeuxpasquinousséparentrapidementettentedeluienleverl’armelorsquelecouppart.

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Chapitre9Elsa

Oh.Mon.Dieu.OhmonDieu,jeluiaitirédessus!L’armem’échappe,unautrecouppartetmefaitsursauter.Sanderrecule,lesangcoulesursonbrasetjerestelesyeuxexorbitésàregardercequej’aifait.Qu’est-cequim’apris!Ilnecriepas,neditpasunmot, justesonvisagese transformeengrimacededouleur et je sors demon choc pour prendremon portable sousma cuisse etappelerlessecours.—Qu’est-cequetufais?ildemande.J’essayed’arrêterdetremblerpourcomposerlenumérodesurgences.—J’appelledel’aide.La seconde d’après, il m’arrache le téléphone des mains et le balance sur lecanapé.—Neprévienspersonne,saufsituveuxfinirentaule.—Maisjet’aitirédessus!Tusaignes,tuasbesoindesoins!—Çavaaller.—Non,çanevapasaller,ilfaut…Jefermelesyeuxettentedereprendremonsouffle.Jedoismecalmer,jedoisreprendre pied et agir. J’inspire et expire plusieurs fois avant d’ouvrir denouveau les yeux. Sander est devant moi, encore debout, le sang forme unepetiteflaquesurmoncarrelage.—Elsa?Je le dévisage, à moitié sonnée qu’il prononce mon prénom et pas«l’emmerdeuse».—Jevaisbien,ilreprendunefoisqu’ilamonattention,ellem’ajusteeffleuré.Ilenlèvesamaindesablessureet,cequipourluiestuneégratignure,ressembleàunegrosseencochedanssapeau.Commesielleluienavaitenlevéunbout.—Ohmerde!Je roule jusqu’à la porte de ma chambre, Poufsouffle que j’avais enfermé àl’intérieurmesautedessusetentreprenddemelaverlevisageavecsalangue.—Pasmaintenant,mongros.

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Je le repousse après lui avoir donné une caresse et file chercher la trousse àpharmacie.Àmonretourdanslesalon,monchiencouinedevantlablessuredeSanderquiestassissurunechaiseàlatabledelacuisine.Jemeprécipite,mesdoigtstremblenttoujourslorsquejetented’extrairedequoinettoyeretfaireunpansement.Jeprendssonbrasetletendspourvisualisersablessureauniveaudesonbiceps.Çasaignebeaucoupetj’ail’impressionqueçaneveutpass’arrêter.Jepassedescompressesavecdudésinfectant,ilserrelesdentsetsifflelorsqueleproduitentreencontactavecsachairàvif.—Iltefautdespoints.Jevaist’emmeneràl’hôpital.Je prépare un pansement en espérant qu’il tienne jusqu’à ce qu’on arrive auxurgencespuis,jesenslagrandemaindeSandersurlamienne.—Hé,calme-toi,l’emmerdeuse,c’estrien,jevaissurvivre.Jerestefigéeàfixersamaintoutenécoutantmoncœurbattreàtoutrompre.Jen’arrivepasàcroirequejeluiaitirédessus.L’adrénalinequiparcourtmoncorpsestentraindesefairelamalleetj’absorbelechoc.J’aitirésurunhomme.Lanauséemeprendaveclahonteetledégoûtdemoi.Sander retire samain,et se faitunpansementseulalorsque jen’arriveplusàbouger.LagueuledePoufsouffleestsurmacuisse,ilmeregardeavecdésarroiets’ilsavaitcequejeviensdefaire,mêmeluimetourneraitledos.—Jesuisdésolée,j’arriveàmarmonnerauboutd’unmoment.Jetournelatêtedansladirectiondemonvoisinetcroisesonregardsombre.—Jenevoulaispastefairedumal,jevoulaisjustetefairepeur.Il se met à rire, et me tend la bande de sparadrap pour que je termine lepansement.—Depuisquandtuasunearme?—Hier.Etjevaislarameneràl’armureriedanslajournée.Jeneveuxpluslavoirchezmoi, je ne veux plus faire de conneries de ce genre. La colère m’a fait fairen’importequoietjeleregrette.—T’apprendsvite.Jefinisdemettrelesparadrappuisjevaismelaverlesmainsetprendreunverred’eau.J’enrapporteunpourSander.Jesenssonregardsurmoi.—Qu’est-cequeSandyt’adit?Il vient de se faire tirer dessus, pourtant ça ne semble pas le choquer autremesure,commesic’étaitnormal,quotidienetpasquelquechosed’exceptionnel.—J’aipasenviedeparler là. Jevoudrais t’emmenerà l’hôpitalpourqu’on tesoignecommeilfaut.

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—Est-cequetuvastemettreàchialer?J’essuierageusementmesjouesensecouantlatêtenégativement.Envrai,jesuisauborddelacrisedelarmesparcequetoutçameparaittropénormepourquejel’acceptesansciller.—Bien.Écoute-moi.Jen’aipasbesoind’alleràl’hôpitaletc’estmieuxcommeça. Ils poseront des questions et je pense que t’as pas envie d’aller visiter laprisonducomtépouruneconneriepareille.—Jet’aitirédessusettutentesdemeprotéger?C’estlemondeàl’envers!—J’aipasbesoinquelesflicsviennenttraînerdanslecoin.Ilselève,partdansmacuisineetsefaituncafécommes’ilétaitchezlui.Jelevoisfouillerdansmesplacardsàlarecherched’unetasse.—T’enveuxun?ildemandeunefoisqu’ilamislamaindessus.—Non.Jesuisassezsurlesnerfscommeça.Sanderenclenchelamachineetpatienteàcôtéens’appuyantsurlemeuble.Ilesttorsenu,sescheveuxsontdétachésetunpeuendésordre,s’iln’avaitpassonpansement,onpourraitcroirequ’ilapassélanuiticietquel’actions’estdérouléeautrement.—T’asdeschosesàtereprocher?jel’interrogeunefoisqu’ilrevients’installeràlatable.—T’aimeraisbienquecesoitlecas,non?Vousaimerieztousquecesoitlecas.Maisnon,jen’airienfaitquisoitcontrelaloi,simplementj’aivuassezdeflicsaucoursdemaviepournepasavoirenviequeçarecommence.Ilsemblesincèreetjedétourneleregardsurmesdoigtsquisetriturentlesunslesautres.Jen’aipascherchéàsavoirsicequeSandyaditétaitvrai,jel’aicrudirectement.Parcequej’avaisenvied’ycroire,parcequ’ilm’avaitblesséeavecses commentaires merdiques sur mes jambes et parce que c’est un connardcapable de tout. Ça semblait évident que c’était vrai. Çam’amis en rage desavoirqu’ilavaitfrappécettefemme,qu’ill’avaittraitéeainsipourobtenirdesréponses.— J’ai sonné chez elle, je lui ai demandé de descendre en lui disant que jerassemblais des preuves sur toi pour te faire retourner en prison. Elle estdescendue, son visage était couvert de bleus, elle avait encore des entaillesfraîchessurlespommettesetlesyeuxrougisdelarmes.Ellem’aditquec’étaittoi, que tu étais venu pour retrouver sa sœur et que tu l’avais frappée pourqu’elleparle,maisqu’ellen’avaitrienditpourlaprotéger.Ellesemblaitsidésemparée,sitristeetapeurée.Commentj’auraispunepaslacroire?

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—Ettul’ascru?—Oui!Tuvenaisde….Jemetaisenmerendantcomptedemastupidité.Ilm’ablesséeavecsesmotsetj’étaistropencolèrepourvoirautrechose.Çam’aconduitàacheterunearmeetlemenacer…bonDieu!Maisquelgenredepersonnessuis-je?—Tefairemal?J’acquiescetoutencontinuantdefuirsonregard.Jel’entendssoupirerpuis,ilsepencheàmahauteur,samainsaisitmonmentonetletournedanssadirection.Sonregardsombreaccrochelemienetjeretiensmonsouffle.—T’eslapireemmerdeusequejeconnaisetjen’aijamaislevélamainsurtoi.—Parcequejesuishandicapée.Ilsouritmerelâcheetseredresse.—Jet’aidéjàditquej’enavaisrienàfoutrequetusoishandicapée.—Pasmoi,j’enaipasrienàfoutreparcequec’estmonquotidienetcequetuasdit…Merde!J’essuiedenouveaumesjoues,jeneveuxpascraquerdevantlui,maisje le trouvepresquegentil et çamedésarme totalement. Ilmedonneenviedeparleretfaitremonterladouleurcreuseenmoi,celledurejetalorsquejusqu’àprésent,ilm’avaittraitéecommeunepersonnenormale.—C’estmoi,qu’ellesontfaitbandertesphotos.J’ouvre de grands yeux en me sentant rougir, lui ne cille même pas en mel’avouant.—Satisfaite?Je hoche la tête mécaniquement, pourtant je ne suis pas sûre que ça mesatisfasse.C’estplutôtglauquemême,néanmoins,jenepeuxpasdirequeçamelaisseinsensiblesij’encroisl’étirementdansmonventrequipourunefoisn’arienàvoiravecmavessie.— Je ne frappe pas les femmes, l’emmerdeuse, je n’ai pas énormément derespectpourelles,maisjesaismetenir.Jenesuispasmonpère,enregistrebiença.—Tulesexploites.—Jelesexploitais,c’estvrai,maisellesétaientconsentantes.Jericaneavantdememordrelalèvreetderéfléchiràmesparoles.—Aucunefemmenefaitletapindegaîtédecœur,Sander.—Jenelesaipasforcées,ilgronde.Jelèvelamain,pourluisignifierOK,siçaluiplaîtdecroirequ’ellesavaientlechoix.

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—PourquoituchercheslasœurdeSandy?—Ça,c’estpastesaffaires.Bienévidemment.Ilselève,faitquelquespasentâtantsespoches.Ilestdevantmonbureauetsortunpaquetdeclopesduquelilextirpeunecigarette.—Nefumepaschezmoi.Ilnem’écoutepasetl’allumelaseconded’après.Jegrogneenallantjusqu’àlafenêtrepourl’ouvrir.Jen’aipasenviedem’enfumerautantquelui.—Tufaisquoicommeboulot?—Comptable.—Palpitant.Jelèvelesyeuxauciel,toutlemondeàcetapriorisurlescomptables,commes’ilssedevaientd’êtreforcémentchiants.—Àtoncompte?ildemandesubitementens’approchantdemoi.—Oui.Sonsourirenemeditrienquivaille,encoremoinsquandils’accroupitdevantmoienfumantsacigarette.—Tum’astirédessus,l’emmerdeuse.Je fronce les sourcilsen sentantque lesprochainsmotsqu’ilva sortirnevontpasme plaire. Il va jouer dema culpabilité, il est aussi subtil qu’un éléphantdansunmagasindeporcelaine.—Tuveuxdel’argent?Il secoue la tête enme fixant comme si je venais de débarquer surTerre.Cethommeestdécontenançantetillesait.—Quoialors?—Unboulot.Jedoisavoirl’airsurpriseparcequejelesuis.Unboulot?Etqu’est-cequejepourraisluidonnercommetravail?Tondremapelousedéfraîchie?—Unfauxboulot,ilreprend,j’aijustebesoind‘uncontratpourmoncontrôleurjudiciaire.Tupeuxfaireça.—Nonjenepeuxpas,c’estillégal.—Tirersurunhommeaussi.L’enfoiré!—Onpeutappelerlapolicesituveux,j’assumeraimonacte.Il se redresse, fumeenm’observantétrangement. Jemedévisse lecoupour leregarder, mais je préfère quand il est debout. Déjà, je n’ai pas l’impressiond’avoircinqansetpuis,ilnefautpassementir,ilestagréableàregarder.—Jeneteferaispasdefauxcontrat,enrevanchetupeuxbosserpourmoipour

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devrai si tuveux.Cene serapas à tempscomplet,mais jepeux t’embaucherpourdestrucsàréparer,dujardinageetdutridedocuments.—Tum’astirédessus,ilgronde.—Tum’as insultée, tu t’esmoquédemoi et tu as fait peur àune femme.Tuveuxvraimentqu’onjoueàquiestleplusgrosenfoirédenousdeux?Ilpart jetersonmégotpar la fenêtrequidonnesurmon jardin.Je lui tendsunregardsombredontilsefout.—Tucroisqueparcequet’esenfauteuil,t’asledroitd’êtreunegarce?Jeris, ilnesait riendecequ’estunegarce. Ilm’auraitconnue ilyaquelquesannées,ilauraitpumedireça,quandj’étaisinsupportable,détestableetquej’envoulais à la terre entière deme retrouver paraplégique.Maintenant, je suis unangeàcôtédecetteancienneversiondemoidontj’aihonteaujourd’hui.J’aiétéexécrableavecmesparentset lepersonnelducentrederééducation.Mêmelesfrontalesétaientmoinsdirectquemoi.—Tunesaisriendecequ’estunegarceetarrêtesdejoueravecmoi,tul’asditetjetecrois,tutefousquejesoisenfauteuilettunemeferaspasculpabiliserparcequejet’aitirédessus.Tuveuxunboulot,jet’enoffreunetquelquechosemeditquetunecroulespassouslespropositionsalorssaisistachanceSander,ellenesereprésenterapasdeuxfois.

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Chapitre10Sander

Jelaregardesourire,prendresonpiedparcequ’ellesaitqu’ellemetient.Ellearaison,c’estmaseuleopportunitéetjevaisdevoirl’accepter.Néanmoins,lavoirjubilerparcequejevaisdevenirsonlarbinm’agaceprofondément.J’aiétécoolavecelle,ellem’asuivie,enquêtésurmoiettentédemeliquider.Etc’estmoil’enfoirédel’histoire?Jenecroispas,soussesairsdegentillepetiteparaplégiquesecacheunvraidémon.Etj’aimeça.J’aimequ’ellenesedémontepas,qu’elleassumesesactes,qu’ellefouineetqu’ellemetiennetête.Jem’approcheeninspirantlourdementavantdemepencherau-dessusd’elleenappuyantmesmains sur son fauteuil. Elle n’aime pas quand je fais ça, quandj’envahissonespacepersonneletqu’ellenesaitpasoùregarder.J’approcheaumaximummonvisagedusien,sibienquejesenssonsoufflesurmajoue.Sesyeuxvertsmedévisagentavecintérêt.Majouevientcaresserlasienne,jelasenshoqueterdesurprisemaisellenebougepas,nemerepoussepasalorsquemonnezsefrotteàsapeausoussonoreille.Jesenssonodeur,m’yperdsuninstantenlaissantmoncorpsréagir.—Je saiscommentappâterune femme, jemurmureà sonoreille, lamaîtrisersans qu’elle ne pousse un cri et la kidnapper. Je sais comment la violer et latorturer juste avant de la tuer. Et plus important, je sais me débarrasser d’uncorps.Elsaestfigée,jeperçoislebruitdesarespirationquis’accélèresousl’effetdemes paroles. Je me redresse doucement pour la voir. Ses yeux sont grandsouverts,saboucheaussi,commesielleretenaituncri.C’estlavérité,monpèrem’aappristoutça,ilafaitdemoileparfaitpetitsoldatpourreprendresonflambeau.—Tuasfaitçaaveclui?elledemanded’unepetitevoix.Jenerépondspas,ellen’apasbesoind’ensavoirplus,seulementquesijesuissympa avec elle, je peux aussi êtreméchant. Trèsméchant. Je fais demi-tourpoursortird’icietrentrerchezmoi.Ellerouleetsaisitmonbras.—Ilt’aforcéàlefaire?Je sens mon cœur heurter violemment ma poitrine alors qu’elle me dévisageavec…delacompassiondansleregard.Jedétournelemiensurlaporte,jene

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saispasquiestvraimentcettefille,cequiluiestarrivédanslaviepourqu’elletermine au milieu de nulle part à fuir la civilisation. Je ne sais rien et j’ail’impression qu’elle sait tout demoi. Et une fois encore ça ne semble pas ladérangerplusqueça.Unepersonnenormaleaurait fui aussivitequepossible,ellem’auraitmisà laporte, l’emmerdeusesecontentederesserrersaprisesurmonbraspouravoirmonattention.Jepensaisrecadrernotrerelation,luimontrerquejenesuispasàsabotteetqu’àtoutmomentçapeutdéraper.Maisellen’apaspeurdemoietçamefaitencoreceteffetétrangedanslecorps,unesortedechaleurattirante.—Tuessayesdemefairepeurparcequetun’aimespas l’idéedebosserpourmoi.Tupensesquejevaiscroireàtoutça,Sander,aprèscequetum’asdit?—Qu’est-cequej’aidit?—Quetun’étaispascommelui,etjetecrois,pourçacommepourlereste.Jecroismêmequetunem’asjamaismenti,cequienfaitestassezétrange,j’auraispenséqu’unmeccommetoipassaitsavieàmentir.—Danscecas,pourquoitun’aspaspeur?Jel’observeenimaginantsoncorpssurlacroixdemonpère,sonregardapeuréquifurètepartoutenessayantdetrouveruneissueinexistante.Sadouleurquisereflète dans ses pupilles et ses cris étouffés qu’elle pousserait lorsqu’il auraitcommencésonputainderituel.Je ferme les yeux en chassant ces images dérangeantes, parce que dans mondélireceseraitmoiquiluiinfligeraistoutça.—Parce que je pense que pour toi, revivre ça serait comme si onme prenaitencoremesjambes.Jen’aiaucuneenviequeçarecommenceetc’estpareilpourtoi.Jedégagemonbrasdesamainenriant,cettefilleestvraimenttaréeenfait,cequiexpliquebeaucoupdechoses.—T’espasvraimententraindecomparerdesmeurtresàtonhandicap?—Çarestedestraumatismes,deschosescompliquéesàgéreraveclesquellesilfautapprendreàvivre.Un silence pesant s’installe entre nous, l’emmerdeuse a un petit souriredérangeantsurlevisageetjerepenseauxphotossursontéléphone.J’aidégottéunchargeursansproblèmeetpourtant, jen’ai toujourspasregardélerestedesclichés.Jecroisquejenevaispastarderàlefaire.—Tumetrouvesbizarre?ellefinitpardemander.—Àceniveau,l’emmerdeuse,bizarreestuneuphémisme.Ellerougitetjefroncelessourcils,cen’étaitpourtantpasuncompliment.

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—Puisqu’onenestauchapitreconfessiondenotrerelation,ellepoursuit,sachequepourunefois,jesuismoi-mêmeavecquelqu’unetquej’enaipashonte.—Auchapitre…bordelmaisdansquelfilmtuvispoursortirdestrucspareils!Jefaisquelquespasjusqu’àlaportequej’ouvre.Lefroids’engouffre,cequinel’empêchepasderire.—À tout à l’heure, 9 h, Sander, j’aurais ton contrat et on pourra commencernotrecollaborationfructueuse.Elleritencorealorsquejesorsetclaquelaporteavantderentrerchezmoi.Elleest définitivement folle. Je traverse la route en sentant le froid s’intensifier,l’hiver est loin d’être fini. J’arrive dans ma chambre avec l’envie d’aller merecouchersurmonmatelasetdormir,maisjerestedeboutàmerefairelefilmdecettesoiréecomplètementdingue.Je jette unœil àmon bras bandé et j’appuie dessus pour ressentir un peu dedouleuretmedirequec’estréel.Elleabeletbiententédem’intimideravecunearme.Avantmesdixansdeprison,unefemmenem’auraitpasfaitçadeuxfois.Avant,mais aussi si c’était quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui n’a pas cettemanie derendreleschosesintéressantes.Je finis parm’allonger et je récupère son téléphone dont elle n’a toujours pascoupélaligne.Jesupposequ’elleneleferaplus, jepourraisdoncm’enservir.Dansl’immédiatcesontsesphotosquim’intéressent.Jefaisdéfilercellesquej’aidéjàvues,enm’arrêtantquandmêmeunpeusursonventreetsacicatriceainsiquesursesseins.C’esttoujoursbeauetçamefaittoujourslemêmeeffet.Je poursuis et tombe sur celle que j’attendais, le cliché de son sexemais elleporteuneculottedessus.Frustré,jebalanceletéléphonesurlesoletfermelesyeuxpourdormirencorequelquesheures.Lagarce,mêmeavecsesputainsdephotos,ellem’aeu.

***Je suis réveillé par la sonnerie stridente du téléphone de l’emmerdeuse. Jel’attrapeenroulantsurlematelasetdécrochesansréfléchir.—Ouais,jegrogne.—Bonjour,Sander,ilest9H30ettuesenretard.Je raccroche et m’installe confortablement pour terminer ma nuit. Si elle me

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voulaitàl’heure,ilnefallaitpasmeréveillerà3Hdumatin.Leportablesonnedenouveau.—Laisse-moidormir,l’emmerdeuse!Unsilencemerépondetjemedisqu’elleacompris.—Jet’accordedixminutes,ensuiteonoublienotredealsitun’espaslà.Elleraccrocheetjeresteunmomentchoquéparsespropos.Ellenedéconnepasetçamefaitroyalementchier.Jemelève,malgrémoi,avecl’enviefurieusedel’étriper,deluipasserl’enviedemedonnerdesordresetdejoueràlachef.Jepasserapidementàlasalledebainsprendreunedouchepuisjem’habilleetsors.Mespassontdéterminéspourallerjusqu’àchezelle,jedoisavoirduretardsursoninjonctiond’êtrelàdanslesdixminutes,maisjem’entape.Ellenevapasreculer,c’estmaseulechance.J’entrechezellesansfrapper,l’emmerdeuseestàlatabledelacuisine,sonchienàsespieds,elleboituncaféenayantl’aird’avoirpassélameilleurenuitdesavie.J’avancejusqu’àelleetjesenstoutelatensiondemoncorpssetransformerenautrechoselorsqu’ellemesouritetpousseunetassedecafédansmadirection.J’aienviedelasouleverdesonfauteuiletdel’allongersurlesolpourlabaiserdurementetluifairefermersagueuleunebonnefoispourtoutes.Jemelaissetombersurunechaiseencomprenantquejedérailleetc’estàcaused’elle. On s’affronte du regard en buvant chacun notre tasse, l’ambiance estlourdeetmêmelechienleressentpuisqu’ilcouineetsefrottetantôtcontreelle,tantôtcontremoi.Jen’aimepasça,jen’aimepascequemoncorpsmeditparcequejen’aijamaiseu cette sensation, celle impérieuse d’avoir une femme. Toutes celles que j’aibaisées, c’était purement physiologique, un besoin à assouvir mais jamaisd’enviedévorante.Çanevapas,cen’estpasmoicegenredechose.Pourtantjesuisentraindemedemandercommentceseraitavecelle.Commentelleferait,est-cequ’ellearriveraitàsupporterlarudesse,est-cequesachatteestaussiétroitequ’ontl’aird’êtreseshanchesetmêmequelgoûtellepeutavoir.Jem’agiteenterminantmoncafédanscesilencequiperdurejusqu’àcequejedécidedelerompre.—Pourquoit’asmisuneculottesurcettephoto,alorsquesurtouteslesautrestuesnue?L’emmerdeusepassedelastupeuràladécompositionenquelquessecondes.Jerespiremieuxdelavoirperdresesmoyens,rougirettenterderegardertoutsauf

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moi.—J’aitoncontrat,dit-elleententantderoulerjusqu’àsonbureau.Jelaretienslorsqu’ellepasseàcôtédemoietcaptesonregardvertquivoudraitfuir.—Réponds-moi.Sonvisagesebaisse,cequim’amuse,cequisemblaitexistercettenuit,c’estfaitlamalleondirait.—Jecroyaisquetun’avaispashonteavecmoi?—C’estpasça,tunecomprendraispas.—Expliquetoujours,onverrasijesuissistupidequetulepenses.—Jenepensepasquetuesstupide.J’inspire en la fixant, oh si elle le pense, la preuve en est qu’elle tente lecomplimentpourmedétournerdemaquestion.—Danscecas,réponds-moi.L’emmerdeuse triture ses doigts, se mord la lèvre, sa poitrine se lève plusrapidement,aussimesyeuxsontaccaparésparcequejesaisdesesseinsalorsqu’elletentedetrouversesmots.— J’ai fait ces photos pour voir si j’étais encore belle, si quelqu’un pouvaitencoremeregardernuesanséprouverdedégoût.Jemeconcentresursonvisage,sur ladouleurqueçasemble luicauserdemedireçaetsiellesemetàchialerjecroisquejevaisregrettermesparoles.—Çat’aplu?jedemande.—Non,jen’aimeplusmoncorpsetcettepartie…quej’aicachée,c’estparcequ’elleestinutile.—Inutile?C’estleseultrucquetonespècead’utile!Sonregardsedurcitfaceàmespropos.— On n’est pas que ça, Sander, pas que des trous sur pattes qui peuvent terapporterdufric.Je lui souris, elle a retrouvé sa niaque d’avant cette discussion sensible. Tantmieux,mêmesijenesuispasd’accordavecelle.—Etjesuisdelamêmeespècequetoi!Ellelèvelesyeuxaucielenjurant.—Qu’est-cequ’ont’amisdanslatêtepourquetupensesçadesfemmes,pourquetulesutilisesetquetuleurmanquesàcepointderespect?Tamèrene…Savoixs’éteintd’elle-mêmeetj’imaginequec’estmieuxainsi,jepensequejen’auraispasaiméqu’ellefinissecettephrase.Qu’elleparledemamèreetdecequ’elleaétépourmoi.Parcequ’ellenesaitriendetoutça.

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—Jesuisdésolée,jenevoulaispas…—Ramènetoncontratqu’ons’ymette.Pourunefois,ellen’insistepasetroulejusqu’àsonbureaupourreveniravecdesdocuments.Jelesprendsetleslisrapidement.Ellecomptemepayerunemisèrepourvingtheuresparsemaineàêtresonlarbin.Letitredupostemefaitgrincerdes dents « assistant »,mais je n’ai pas le choix alors je signe et lui rends sapaperassequ’elleparapheàsontour.—Commentvatonbras?—Bien.—Tuaschangélepansement?—Non.—Posetonblouson,jevaislefaire.Je m’exécute, le bandage est encore mouillé de ma douche rapide. Elsa partcherchersatrousseàpharmacieetrevientversmoipourjoueràl’infirmière.—Sander…neprendspasdedoucheaveclepansementouprotège-leavecunsacenplastique,sinontunevaspascicatriser.Jelaregardemeparlercommeàungosse.—Changelepansementetc’esttout.Elle ouvre la bouche pourme contredire,maismon regard la dissuade d’allerplusloinsurcesujet.Àvraidirejen’aipasenviedeparler.—J’aifaitunplanningpourlasemaine,ellereprendenenlevantlacompressecolléeàmapeau.Le sang se met à couler ce qui semble la stresser, elle s’empresse de calmerl’hémorragieenappliquantuneautrecompressepropre.—Commej’aidûchangerdenumérodetéléphone,cematinilfaudraitquetupasses chez l’imprimeur récupérer le nouveau tampon. Ensuite, il y aura duclassementàfaire.—ÀAnderson?—Oui.Elle termine de mettre des bandes de sparadrap puis je me retrouve avec unpansementtoutpropre.—Pourquoituneleprendspassurinternetpourtefairelivrercheztoi?—Pourfairemarcherl’économielocaleetpuisj’aimebienmonsieurWaters.—Pasmoi,jemarmonneenmelevant.Jerécupèremonblousonetl’enfilepoursortir.—Préviens-lequec’estmoiquivaisvenircherchertonputaindetampon,sinonilestcapabled’appelerlesflics.

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Ellesemetàrireensecouantlatête.VisdanstonmondedegentilshabitantsdeAndersonmabelle,maispourmoicesonttousdesenfoirés.—Jevaisleprévenir,maisiln’estpascommeça,tusais.—Surlabandedegrosconnardsquecomptecetteputaindeville,c’estlepire.Elsa roule jusqu’à moi, un sourire collé au visage, ça l’amuse de m’écouterdétestercesgensquim’ontrejetétoutemavie.—Qu’est-cequ’ilt’afait?J’inspire lourdement avant de sortir de chez elle, je vais en profiter pour allerfaireuntourdemoto,seulet tranquille.Mêmesi j’imaginequ’elleestcapabledemechronométrer.Mais j’enaibesoin,decalme,desérénitéparcequ’elleaévoqué ma mère et qu’irrévocablement, ça soulève des choses en moi, dessouvenirsetdeladouleur.Unequej’essaiedetuerdepuisdesannées,unequinedisparaîtjamaisparcequec’estlaseulefemmequej’aiaiméjusqu’àcequejecomprennecequ’ils’estvraimentpassédansmafamille.

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Chapitre11Elsa

J’attendsd’entendrelemoteurdesamotos’élancersurlaroutepoursortirmonportabledesousmacuisseetappeler l’imprimeur.Jefermelesyeuxet inspirelourdement en comptant les sonneries. Ce mec est trop intense pour moi.J’essaye d’être détachée en sa présence, mais en vérité, je prends sur moitellementc’estcompliquéàgérer.Depuisquejeluiaitirédessus.Je vis des yoyos émotionnels que je ne suis pas habituée à côtoyer. Il est…déstabilisant,entier,brut,intéressantetquandilmeregardeçanemelaissepasinsensible.Moncorpsréagit.Lebas,celuiquiestcenséêtremort,celuiquin’aplusd’utilité.Çameperturbe.Lui,cesréactions,lefaitqu’ilsoitlàetqu’ilaitsignécecontrat.Cequ’ilafait,cequ’ilpourraitfaire,c’estbeaucoupd’élémentsaveclesquelsjetentedejonglermaladroitement.L’imprimeurdécrocheenfin.—ImprimerieWaters,ilannoncedesavoixbourrue.—Bonjour,monsieurWaters,c’estElsa.—Ah,bonjourElsa,çatombebien,jet’aienvoyéunmail,tontamponestprêttupeuxvenirlerécupérerquandtuveux.—Oui,j’aivumerci,c’estpourcetteraisonquejevousappelled’ailleurs.—Unproblème?Jenecroispas,maisSandersemblaitunpeuplusencolèred’avoiràfaireàlui,alorsj’imaginequeçapourraitenêtreun.— J’ai envoyé quelqu’un pour le chercher, je voulais vous prévenir qu’ilviendraitpourmoi.—Pasdeproblème,tumedonnessonnom?—Heuoui,c’estSander.SanderMalone.Unsilencemerépond,unquis’étendtellementquejemedemandes’iln’apasraccroché.—MonsieurWaters,vousêtestoujourslà?—Oui,ouijesuislà.Elsa,qu’est-cequetufaisaveclui?—Iltravaillepourmoi.Jel’entendsjurercequimesurprendtotalement.Jel’imagineentraindedireces

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mots, avec son crâne dégarni, ses petites lunettes rondes et son éternel nœudpapillonnouéautourducou.—Ilt’afaitdumal?Ilt’amenacée?—Heunon,riendetoutça,onestvoisins,amissionpeutdire,ilavaitbesoind’untravail,jeluienaiproposéun.Pourquoivous…—Elsa,qu’est-cequ’ilt’afait?—Maisrien!jem’emporte.Pourquoivouspensezqu’ilm’aforcémentfaitdumal?—J’aidebonnesraisons.Est-cequ’onpeutsevoirpourendiscuter?Ilal’airdeprendrecetévènementàcœur,etjesuisintriguéeparcequ’ilsaitdeSander.—Oui,sivousvoulez.—Tupeuxvenircesoir,àlafermeturedel’imprimerie,vers18H?—Oui,jedoispouvoir.—Trèsbien,àcesoir,Elsa.Soisprudente.Il raccrocheaprèsmaconfirmationet je fixemon téléphoneenmedemandantbien ce qu’il s’est passé entre eux. Le bip de l’arrivée d’un mail sur monordinateur me fait sursauter. Je le rejoins et décide de me concentrer sur letravail.J’aiprisduretard,àtenterdejoueraudétectiveensuivantSander,sanscomptermesjoursàplanifierunetactiquepourqu’ilavoueavoirtabasséSandy.J’inspire lourdement,posemonpulletmeconnecteàmamessagerie.L’onglettoujoursouvertduforumclignoteetm’indiquequej’aireçuunmessagedeCul-serré432àquij’airacontécequ’ils’estpassécesderniersjours.Son message me fait rire, j’imagine sa tête en lisant mon roman digne d’unarticledefaitsdiversquiauraitputourneraudrame.Ilmedemandequijesuisetqu’est-cequej’aifaitdel’Elsaqu’ilconnaît.Jemeledemandeaussiàvraidire.Mais mon voisin réveille des choses en moi, de l’énervement la plupart dutemps,maispasseulement.Jenesaispastropcequ’ilsepasseentreluietmoi,maisonnepeutpasdirequ’ilyaitdel’indifférence.Cessentimentsquandilestlà,sontassezfortspourquejem’interrogesurmasantémentale.Ilestaussifouquemoidureste,maisçasemblenaturelchezlui,c’estpeut-êtrepourçaquejen’aipaspeurdemontrercecôtédemapersonneaveclui.Ilnemejugerapas.Commentlepourrait-ilaveclaviequ’ilsetraîne?Çamelibèrequelquepart,alorsquejepensaisnepasenavoirbesoin.Jepensaisêtrequi jesuis,cettefilleabîméequipréfèrelacompagniedesonchienplutôtque celle de ses semblables. Il faut croire que je me suis trompée, il y aquelqu’unenmoiquiaimeêtreavecSander,mêmesiçaveutdirebrandirune

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armeetlemenacer.Jerépondsauxmailsenattente,puisjememetsautravailetentrelesdifférentesdonnéessurlescomptesdemesclients.Letempspasseet jemerendscomptequ’ilestpresquemidilorsquemonventresemetàgrognerqu’ilafaim.Sander n’est pas encore revenu et je n’ai pas vu le temps passer, concentréecommejel’étaissurcequejefaisais.Jem’apprêteàluitéléphoner,pourvoirs’ilcompteprolongersabalade,quandj’entendssonmoteurs’approcher. Il segaredevantchezmoiet ilyaunautrevéhiculeaveclui.Intriguée,jequittemonpostepourrejoindrelesalonetvoirquiilaramenéaveclui.Jen’aipasletempsderegarderparlafenêtre,laportes’ouvreetjedécouvreavecsurprise,monvoisinàl’airmécontentetleshérif.Sanderseplanteàcôtédemoiencroisantlesbrassursapoitrine.Unepartdemoisedemandes’ilestalléporterplaintepourlecoupdefeuqu’ilareçuetuneautre,seditqu’ilafaituneconnerie.—Bonjour,mademoiselleClark,lancelechefdelapolicelocale.Je lui réponds lamême chose en sentantmon cœur s’emballer. Il détaillemamaisond’unœil aguerri et je tenteun regard àSanderqui fusille l’officier dusien.—Est-cequetoutvabien?medemandeleshérif.—Hein?Jenecomprendscequ’ilfaitlà,pourquoiilfouinechezmoietsaquestion.—Est-cequevousallezbien?—Oui,toutvabien,jefinisparrépondre.Qu’est-cequ’ilsepasseaujuste?—Satisfait?demandeSander.—Jeseraissatisfaitquandjeledéciderai.—Est-cequequelqu’unvam’expliquercequ’ilsepasse,jem’agace.Tout lemonde se tournedansmadirectionet jenecomprends toujourspas leproblème.—Ilpensequejeteséquestreouuneconneriedugenre.JehausselessourcilsenfixantSanderquisemblesérieuxetsurtouttrèsénervé.—Pardon?—Est-ce qu’il vousmenace,mademoiselle Clark ? Est-ce qu’il a été violentavecvous?Jevoisqueleshérifdétaillemesavant-brasencoremarquésparmonescapadedanslechampetmarencontreaveclebitume.J’aidesbleusetdeségratignurespasencoretoutàfaitcicatrisé.

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—Non,iln’arienfaitdetoutça,jeréponds,aucontraireilm’aide.Iltravaillepourmoi.—Etcesbleusquevousavez?—Jesuistombéeenremontantlarampe,j’aidûmetraînerpourrécupérermonfauteuil.IlnousfixetouràtouravecSandercommepourêtresûrquenousnementonspas.Cela dure unmoment jusqu’à ce quemon cerveau finisse d’aligner deuxplusdeux.—Qu’est-cequivousfaitpenserqu’ilm’afaitdumal?—Monsieur Waters nous a appelés quand il est arrivé pour récupérer votretampon.Àquoi jouel’imprimeur?Je luiaipourtantditquetoutallaitbien.Je jetteunœilàSander,ilestenrogneetjenepeuxquelecomprendre.Ilapayésadetteàlasociétémaisonluiferapayertoutesavied’êtreaffiliéàsonpère.—Ilasupposéquevousétiezendanger.—IlsupposemaletjeluiaiditenplusquetoutvabienavecSander.Leshérifs’approche,ilôtesonchapeauets’accroupitdevantmoi.Jen’étaisdéjàpasraviedecettevisite, jesuiscarrémentencolèreàprésent. Ilm’observeunmomentdesesyeuxbleusétroits.Jesenslasueuretlabièreémanerdelui,ilaunebarbedequelquesjoursmalraséeetparaitbeaucoupplusquesaquarantaineainsi.—Elsa,ilrependenappuyantsamainsurlesmiennes,sivousavezpeurdelui,jepeuxvousassurerqu’onvousprotégera.Je me mords la lèvre et lève la tête pour regarder Sander. Il me fixe d’uneétrange façon, une qui me plaît parce que je pourrais mentir et lui coûter saliberté. J’ai ce pouvoir à cet instant et j’avoue aimer ça.Mais je ne lui feraisjamaisça,mêmes’ilne s’estpasmontréamical avecmoi, ilneméritepasdepayerlejugementdecertainscons.—Toutvabien,shérif,jevousl’assure.Sijamaiscen’estpaslecasàl’avenir,jen’hésiteraipasàvousappeler.Enattendant,remballezvosapriorietsortezdechezmoi.Ilseredresse,bombeletorse,jetteundernierregardd’avertissementàSanderetquitteenfinmamaison.Monvoisinn’attendpasqu’ilaitdémarrépourexploser.Ilbalancemontamponsurlatableetsemetàjurerdanstouslessens.—L’enfoirédefilsdeputedeWaters!Je me rends compte que c’est à l’imprimeur qu’il en veut et je suis certainequ’entreeux,ilyaunpassifautrequelefaitqu’ilsoitlefilsd’untueurensérie.

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—Qu’est-cequ’ils’estpassé?— Rien ! Il me déteste c’est tout. Je suis arrivé, le shérif était déjà là àm’attendrecommesij’allaisbraquersaputaind’imprimerie!—Jesuisdésolée.Sander secalmeetarrêted’arpentermonsalonde longen large,cequiexcitePoufsoufflequi lui tourneautour. Ilmeregardeunmomentavantdese laissertomber à genoux, non pas pour être àmahauteur,mais plutôt à celle demonchien.—C’estpastafautesilesgenssontcons,ilrépondenlecaressant.Jeprofitequ’ilsoitcalmépourm’avanceretposerlaquestionquimetaraude.—Pourquoiilt’enveutàcepoint?Sanderdétourneleregard,ildonneunedernièretapesurledosdePoufsoufflepuisilselèveetrangesesmainsdanslespochesdesonjean.Jel’aitoujoursvusûrdelui,mêmealorsquejelemenaçaisd’unearme.Pourtant,àcetinstant,j’ail’impression que le mur se fracasse, qu’il tombe morceau par morceau pourlaisserlevraiSanderapparaître.Celuiquiestblessé.—Lajournéeestfinie,jevaisyaller.Àdemain,l’emmerdeuse.—Quoi?Attends!Il s’arrête, allume une cigarette à l’intérieur, ce qui m’agace dès la premièrevolutedefumée.—Ilestmidi,j’aifini.Merde,ilaraisonetsijenel’avaispasenvoyécherchercefoututampononn’enseraitpaslà.—Oui,biensûr.Àdemain,Sander.Ilme salue de lamain et sort aussi vite que possible. Il laisse samoto garéedevantchezmoiettraverselarouteàpied.Jeleregardefaireenmedisantquesilui n’a pas voulu m’en dire plus, ce soir, l’imprimeur se fera un plaisir derépondreàmesquestions.

***Ilestunpeuplusde19Hlorsquej’arriveàl’imprimerie.Ilfaitnuit,froidetlarueestdéserte.Pourtant,j’ailadésagréableimpressionqu’onm’espionne.Qu’ilyaquelqu’un tapisdansuncoinquim’épieetattendsonheurepoursurgiretfinirdemefairepeur.Jedébloque,iln’yapersonnemaistoutcemystèreentre

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monsieurWatersetSandernerendpaslasituationagréableàvivre.Néanmoins,macuriositénesurvivrapassiellenemetpasdesvéritéssurcequ’ils’estpassécematin.Unrayondelumièreenprovenancedel’arrière-sallefiltrejusqu’àlaportevitréeet me rassure un peu. Je frappe lourdement, puis je patiente jusqu’à ce qu’ilviennem’ouvrir.Heureusement c’est de plain-pied et je ne peine pas à entrerlorsqu’ilm’accueilleensouriant.Jepénètredans la chaleurde l’imprimerie, j’ai laisséPoufsouffle à lamaison,puisque je sais qu’il ne le tolère pas dans sonmagasin à cause des poils quiarrivent insidieusement à se foutre partout.Mon chienm’a fait ses gros yeuxabattusmaisj’aitenubon.MonsieurWatersrefermeàclefderrièremoietmefaitsignedelesuivredanslefond.Onpasse la réserve, ildécalequelquescartonspourque jepuissepasserpuis,nousarrivonsdansunepetitecuisinequisertdesalledepauseàluietsonemployé.La pièce est étroite et je cogne dans chaquemur en essayant demecalerdansuncoinpournepasgêner.J’ôtemonécharpeetouvremonblousonpendantqu’ilfaitbouillirdel’eaupourlethéqu’ilm’aproposé.Ilrevientets’installeàtableavecdeuxtassesfumantesetuneagréableodeurdefruitss’élèveentrenous.Ons’observeensilenceunmomentjusqu’àcequejen’ytienneplus.—Pourquoivousavezappeléleshérif,alorsmêmequejevousaiditquetoutallaitbien?Monsieur Waters soupire et fait tourner son sachet de thé dans un gestemachinal.— Je n’étais pas certain que ce soit vrai. J’étais inquiet pour toi, Elsa, tu nedevraispasfréquentercethomme,ilestdangereux.Unricanementm’échappe,jen’aimepastropqu’onmedisecequej’aiàfaireetencoremoinsqu’onmeprennepourunepetitechosefragile.ChosequeSandernefaitpaslui,ilmetraited’égalàégal.—Pourquoi?Qu’est-cequ’ilvousafait?Ilsoupire,replongeleregarddanssatasseetlesilencerevient.Ilpèseparcequejemedemandebiencequ’ilacontreSanderetçasembleêtredouloureuxpourluidel’évoquer.—J’aibienconnusamère,etsonpèreaussi.Ilredresselatêtepourcroisermonregard,jefroncelessourcilsenessayantdedevinercequ’ilneditpas.

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—Tusaiscequesonpèreafait?ilm’interroge.Jehochelatête.—Crois-turéellementqueSandern’yapasprispart?Jetentederesterimpassible,alorsmêmequejesaisqu’ill’afait.Jenepensepasqu’il l’ait faitdegaîtédecœur,maissesmotsàcesujetnemelaissentpasdedoutequesonpèreaessayédefairedeluileparfaitpetitserialkiller.—Jenecroispas.Watersouvredegrandsyeuxenmedévisageant,commesijevenaisdesortirlaconneriedusiècle.—Elsa…biensûrquesi,seulementilestplusmalinquesonpère.Jesensl’agacementrevenir, jen’aipasenviedeparlerdeçaaveclui, jedoutequ’ilconnaisseaussibienSanderqu’ilveutlefairecroire.Jecroisquemoinonplusjeneleconnaispasassezpouraffirmerlecontraire,néanmoins,jenetienspasàcequ’illesache.—Jenepensepas.Maisçanemeditpascequevousavezcontrelui.—Cen’estpassuffisant?—Non,çasembleplusintime,commes’ilvousavaitblessépersonnellement.—Qu’est-cequ’iladit?s’empressederépondrel’imprimeur.Toutçameconfirmequ’ilyabeletbienquelquechoseentreeuxdeplusqu’uneanimositédufaitqu’ilsoitlefilsd’untueurensérie.—Rien,justement.MonsieurWaterssoupire,commesoulagéet jemedemandevraimentcequ’ilsmecachentdesiterribletouslesdeux.Ilboitquelquesgorgéesdesonthéassezbruyammentavantdereprendre.—Samèreetmoiétionsensemble,avantquesonpèrenelatue.Sonregardseperdsurunpointderrièremoi,sûrementdanssessouvenirsalorsquej’absorbel’annoncequimesurprendtotalement.JepensaisqueSanderavaitjouéàl’adodécérébréaveclui,qu’ill’avaitmenacépeut-êtreetaupireagressé,maispasàça.—C’estcequilatuée.Ellevoulaitlequitter,prendreSanderetqu’onpartetouslestrois,maisiladûledécouvriretill’atuée.Jel’aitoujourssu.Quandjen’aipluseudenouvellesd’elle,qu’elleadisparu,j’aiditàlapolicequec’étaitsonmariquil’avaittuée.Qu’elleneseraitjamaispartiesanssonfils…ilsnem’ontpascruetdesannéesplustard,ondécouvrequec’estuntueurensérieet…Unsanglotétouffémeurtdanssagorge.Jeleregardetotalementéberluéeparcequej’entends.JeneconnaispaslamèredeSander,jen’aipasvudephotod’ellemais j’essaye d’imaginer cet homme comme un amant. Comme un homme

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amoureuxd’unefemmemariéeàcequidevaitêtreuntyran.Qu’est-cequ’elleavuenluipoursuccomber?Ilestgentilc’estcertain,peut-êtrequejeune,ilavaitplusdecharme,maisen l’étatactuel, jenevoispas.Cependant,ceschosesnes’expliquentpas,parait-il.MonsieurWatersprendunegrandeinspirationavantdepoursuivre.—Jesaisqueçat’asembléexcessifcequej’aifaitcematin,maismets-toiàmaplace,Elsa.J’aidéjà laisséunefemmeauxmainsdeceshommeset il luienacoûtélavie.Jenevoulaispasprendredenouveaucerisque.—Sandern’estpassonpère.—Ilalamêmehainedesfemmesquesonpère.Lapreuve,ilestalléenprisonpourproxénétisme.J’ouvre labouchepour luidirequeçan’a rienàvoir,mais jedois reconnaîtrequemonvoisinn’estpasleplusferventdéfenseurdesdroitsdesfemmes.—Ilestcorrectavecmoi,jemecontentederépondre.—Parcequ’ilabesoindetoi,ensuite,ilteferradumal,Elsa.Ilestcommeça,sonpèrel’aélevédanscesensetilnechangerapas.C’estjusteunequestiondetemps.—Wo!C’estpasunpeuexcessifcommeraisonnement?—Malheureusement,nonettueslavictimeidéale,Elsa,tues…faible.Mesyeuxs’écarquillent,jesuistentéedeluisortirmabombelacrymopourluienfoutreuncoupdanslagueuleetluimontrercequelafaiblepeutfaire.—Jenesuispas…merde!Allezvousfairefoutre,vous,lerestedecettevillequipensequejesuisassezdébilepourmefaireavoirparunpotentieltueurensérie!Jenesuispasdébile!Jesuisjustehandicapée,merde!Jetentedem’extirperdemoncoin,maisjen’arrêtepasdemeprendrelemur.Jeveuxsortird’ici,quittercetendroitauplusvite.Jefinisparpasserentrelatableet le mur et rejoindre la porte. Je longe la réserve, monsieurWaters sur mestalons.—Elsa,jesuisdésolésijet’aiblessée,cen’étaitpasmonbut.Jeveuxjustetemettreengardecontre…Jem’arrête,essayedefaireundemi-tour,maislecouloiresttropétroit,alorstantpis,jeparleraiaumurensachantquel’imprimeurécoutera.—Jevais aussivousmettre engarde,monsieurWaters, jeme fousdecequevous pensez deSander, parce que ce sont les ressentiments d’un vieil hommeblessé qui n’a pas été capable de sauver celle qu’il aimait. Vous culpabiliseztellement que vous voyez en Sander le parfait coupable à ce qui vous ronge.Maisj’aiuneinfopourvous,iln’yestpourrien!Alors,laissez-noustranquilles

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etarrêtezdemeprendrepourunedébileunebonnefoispourtoutes!Je l’entends hoqueter de stupeur, je poursuisma route alors qu’il reste plantédanslecouloiretjeneretienspaslesourirevictorieuxquimeprendensortantdanslarue.Jesuiseuphoriquealorsque jeregagnemavoiture,mesmains tremblent,moncœurpalpiteetbonDieucommeçafaitdubiendedirecequ’onpensesanssefreiner par la bienséance. Ce sentiment de liberté qui me gagne est vraimentagréable,unesorted’adrénalinequim’empêchedemesentirmal.Lesystèmequimepermetde roulerdansmavoitureenfinenplace, jeprendsplace derrière le volant. J’attends qu’il se referme en fixant la route désertedevantmoi.JepenseàSanderetàcequej’aiapprissursamèrecesoir.Jemedemande comment elle était, si son fils lui ressemble. Je comprends à présentcetteblessureenluiquiasemblésortircematin,c’estelleetc’estunepreuvequ’ill’aaimée.Qu’iln’estpascethommequetoutlemondeveutvoir,celuiquin’estcapablequedeviolenceetdehaine.Ilyaforcémentuncœurenfouisoustouscespréjugésetcetteéducationétrange.Jenesaispastroppourquoiçamerassurequelquepart,commesijusque-là,j’avaiseuundouteraisonnableetqu’ilvenait de s’envoler. Est-ce ça ? Est-ce que je prenais Sander pour un casdésespéré ? Je l’ignore, à vrai dire, je ne sais pas ce que j’attends de notrerelation étrange, mais elle devient importante pour moi. Très importante etj’espèrenepasmetromper.

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Chapitre12Sander

Jebailleàm’endécrocherlamâchoire,ceboulotestd’unennuiplusquemortel.Même en prison je me faisais moins chier qu’être là à trier des documentsinutiles.L’emmerdeusegardedescopiespapierdesesfacturesclientsetnelesapas classées depuis des années. J’ai de quoi m’occuper les mains seulement,pourleresteilnefautpastropendemander.Lebruitd’unmoteurvientdérangercetteétrangeatmosphèrepresquemorbidequirègnedanslesalond’Elsa.Unevoituresegaredevantchezelle.Jemelève,intriguéjevaisjusqu’àlafenêtrepourvoirquic’est.Jem’attendsaushérifouàceconnardd’imprimeur,maiscen’estnil’unnil’autre.Unhommequejeneconnaispas.—T’attendsquelqu’un?jedemandeenrelâchantlerideau.L’hommes’affairedanssoncoffreet jenevoisriend’ici.L’emmerdeuseroulejusqu’àmoi,jelatrouveétrangecematin,ellemeregardebizarrementcommesij’allaisrépondreauxquestionsqu’elleneposepas.Çam’agace.—Oui,c’estJohn.—Etc’estquiJohn?Tonmec?Jenel’aijamaisvudanslecoinsic’estlecas.Elleritensecouantlatête.—Monkiné.Jemesensconuninstant,surtoutqu’ellereprendceregardunpeuétrécietdanslevaguealorsqu’ilestposésurmoi.Jem’apprêteàluidemandercequ’ellealorsquelaportes’ouvreetquelekinéfait son entrée. Il s’arrête net en prenant conscience de ma présence et sonsourires’efface.L’emmerdeuseroulejusqu’àluienlesaluant.—John,jeteprésenteSander,monvoisin.Jem’approchepourserrerlamainqu’ilmetend.—Enchanté,Sander.Je hoche la tête en le dévisageant, il est plutôt athlétique, dans la quarantainesûrement et l’air amical. Il parle avec Elsa tout en installant son matériel aumilieu de la pièce. Je reste planté là à les regarder évoluer. Ils se connaissentdepuislongtempsàn’enpasdouter,lesgestess’enchaînentparl’habitudeetlesparoles aussi. Il l’installe sur sa table et commence àmasser sa cuisse. Avec

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n’importequiceseraitintime,pourtantavecluiçadevientjustebanal.JenesaispascequiestarrivéàElsapourqu’ellesoithandicapée,àcetinstantjemedemandecommentelleétaitavant.Quelgenredefemmeelleétait.Untrucpareil,çachangeunepersonnec’estcertain.Enattendant,lesdeuxsontentraindemereluquer.—Tupeuxcontinuer,Sander.Ah ouais, le foutu tri à la con ! Je pensais savoir beaucoup de choses sur latorture, j’ai étéàbonneécolepourça,maisellevientdem’en fairedécouvrirunenouvelle.Sijamaisjedécidedereprendreunjourleflambeaudemonpère,jenetrancheraipasdechair,jelesfoutraisàunbureauavecdespapiersàtrierdurantdesjours.Etj’ajouteraiunemusiquedemerdecommecellequ’ellevientd’enclenchersursonenceinte.Je regagne la table et me concentre sur mon travail tout en écoutant laconversationdesdeuxautres.Johnparledesafamille,Elsaévoquesesparents,il luidemandesielleest sortiecesderniers jourset sielleaquelquechosedeneufàluiraconter.Je sens parfaitement qu’elleme jette un coup d’œil, est-ce qu’elle va lui direqu’elleabrandiunearmesurmoi?Qu’ellejoueàl’infirmièretouslesmatinsenchangeantmon pansement ? L’emmerdeuse culpabilise et j’en profite un peu.Riendemalàçaaprèscequ’ellem’afait.SanscomptermavisiteàWaters.Jen’aipasd’enviedemeurtre,pascommecellesquemonpèreapuavoir,maislui,jeluiécraseraisvolontierssapetitegueuled’imprimeur.Pourleplaisir,commeça,pourluirappelerquesiaujourd’huiilapeurdemoi,c’estsafaute.C’estluiquia toutdétruit,quia faitvolerma familleenéclatsetquiadéclenchéchezmonpèresahainedesfemmes. Iln’auraitpasdû touchermamère, lavoleretvouloirsefairelamalleavecelle.—Sander?Jesorsdemespenséesetmetourneversl’emmerdeuse.—Toutvabien?—Ouais,jegrogne.Jeretourneàmonclassementetmerendscomptequej’étaisentraindebroyersesfacturesdansmamain.Jelesrelâche, je trembleet j’aienviedemecasserd’ici,defuirlesdeuxpairesd’yeuxquimefixentcommesij’étaisunanimalencage.Jeleurjetteunregardsombreetilsretournentàleursfoutusexercices.Jesouffleen fermant lesyeuxpourmereprendre. Jenedoispasdélirer,pasmaintenant.J’ai ceputainde jobà la conquivamepermettrede resterdehorsetde faire

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avancerleschoses.Ensuite…jenesaispas,jen’aipasenvisagéleschosesplusloinquelavengeance.

***Jemegareàquelquesruesduclub-housedeTheSyndicateet jeremarquetoutdesuitelagrossefourgonnettegrisequifaitdemêmeàquelquesmètresdemoi.Elle est vraiment nulle en filature. Je descends de ma moto et la rejoinsrapidement.Jetapeàsavitrepourqu’ellelabaisse.—Qu’est-cequetufouslà?Iln’estpasloinde22H,jedoutequ’ellesepromène.L’emmerdeuseneparaitmêmepasgênéedes’êtrefaitprendrelamaindanslesac.—Jetesuis.—Pourquoi?Elledoitarrêterça,arrêterdecroirequ’ellealedroitdelefaire.Jenesuispassonputaindepantin.—M’assurerquetunefaisdemalàpersonne,elleoserépondre.Jelafixeenmedisantquecettefilleaungrain,çanepeutpasêtreautrechosepourêtreaussistupidequetêtu.J’ouvresaportièrerapidementetladélogedesonfauteuilpourlafoutresurletrottoir.Elleestsurpriseetpousseunpetitcriquandsonculpercutelesol.—Ettuferasquoisic’estlecas?Le chien descend à son tour et couine en tournant autour de sa maîtresseaccrochéeàmonjeanpournepass’étalercomplètement.Putaind’emmerdeuse!Jemebaisseetlaredressepourqu’elles’adosseàsavoiture.Sonregardvertmefusille,pourtantjevoisleslarmesseprofiler.Merde,jeneveuxpasqu’ellechiale.—Arrêtedemesuivre.J’espèrequ’ellesentlamenacedansmavoixparcequejusque-làj’aiétésympaavecelle,maisjepourraisfacilementmemontrerplusméchantsiellesemetentraversdemoncheminencoreunefois.Ettantpispourlereste, jenevaispascourberl’échinecontinuellementdevantelle.Je la laissesur le trottoir, je traverseet reprendsmoncheminpourrejoindre leclub.Ellemerendprudentceladit,ellepourraitnepasêtrelaseuleàmesuivre,

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alors que je prends un gros risque en venant ici. Je n’ai pas le droit dem’approcherdetoutcequiressembledeprèsoudeloinàunclubdebikers.Sijamaislesflicsontlabonneidéededébarquer,jen’auraisaucuneexcuseetmoncontrôleurjudiciaireseferaunplaisirdemerenvoyerentaulepourviolationdelibertéconditionnelle.Jem’arrêteensortantuneclope,jel’allumepuisjefaisdemi-tourpourrejoindrel’emmerdeuse. Elle est en train d’essayer de remonter dans sa voiture et sansaide,ellen’yarriverajamais.Jelarepousseetmontepourpliersonfauteuiletlesortirsurletrottoir.—Qu’est-cequetufais?Je récupère ses clefs, laisse mon casque sur le siège passager et referme levéhicule.Jesoulèvel’emmerdeusepourlacalersursonfauteuil.—Sander?—Tuveuxvoircequejefais?Danscecas,tuvasm’accompagner.Je prends les choses en main alors qu’elle me regarde la bouche ouverte desurprise.Jedirigesonfauteuilpourqu’onpuissetraverser,Poufsoufflenoussuittranquillementjusqu’auclub-housedeTheSyndicate.L’emmerdeuseneditrienalorsqu’onpasselevieuxportailentaule,unerangéedeHarleynousfaitfaceetdelamusiquesortdesfenêtresouvertesdubâtiment.Dehors, deux mecs boivent une bière et fument tranquillement assis sur lesmarches.Jenelesconnaispas,leclubadûchangerendixans,maisleprésidentesttoujourslemême.Ils se lèvent à notre arrivés, ils nous observent un moment, il faut dire quel’emmerdeusenefaitpastrèscouleurlocale.—Vousêtesperdus?demandel’und’eux.Unpetitdégarniauregarddevipère.—OnvientvoirWall,j’annonce.Lesdeuxsejettentuncoupd’œilavantqueledégarnifassesigneàsonacolyted’allerlechercher.Onpatiente,ensejaugeantjusqu’àcequePoufsouffledécided’aller fourrer sa gueule dans les pattes du biker. Vu les patchs qu’il arbore,derrièresesairsdepetitcomptable,iln’enestrien.C’estuntueur.Néanmoinsils’accroupitetcaressecefoutuchientoujoursàlarecherched’affection.L’emmerdeuse tente de le rameuter, mais il se roule déjà par terre sous lespapouillesdudégarni.Laportes’ouvreetWallfaitsonapparition.Ilsefigeenmevoyant,etsijen’étaispasàl’arrêt,j’auraiseulamêmeréaction.Ceconnardachangé,ilétaitdéjàmastoc,cequiluiavalucesurnomde«mur»,maisaujourd’hui,c’estencorepire.Àcroirequec’estluiquiapassédixansen

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prisonàsouleverdelafonte.—Sander!Bordeldemerde,t’essorti!Ildescenddifficilementlesmarches,ilboitedelajambegaucheets’approchedemoi. Je relâche le fauteuil que je tenais encore comme si on allait me volerl’emmerdeuse et finis dans les bras du président. BonDieu, quellemasse ! Ilm’étouffesoussonétreinted’oursetjetentededonnerlechange.Ils’écarteetmeregardedelatêteauxpieds,contrairementàluijen’aipaschangédurantcesannées,justevieilli.SonattentionseporteensuitesurElsaquiledévisagecommesielleavaitvuunfantôme.Wallenplusd’êtrecostaud,auncrâneraséetbeaucoupdetatouageslegarnissent.Unetêtedemort,unecibleetunecroix.—Etc’estquilademoiselle?ildemandepoliment.—Elsa,ellerépond,jesuisElsa,la…—Mafemme,jelacoupe.Wallouvredegrandsyeuxens’esclaffantàmoitié.—Tafemme?Jevoisducoindel’œil,l’emmerdeusetirerunetêtededixpiedsdelong.—Ouais,laprisonmonfrère,çarendcon.Ilsemetàrireetclaquesamainsurmonépaule. Ilnous inviteàentreretsesdeux membres portent le fauteuil d’Elsa pour gravir les marches. On pénètredansleclub-housequiaeuledroitàunboncoupdepeinturedepuismadernièrevisite,maisdont l’agencement reste lemême.Unbarqui longe toute lapièce,destablesçaetlàetuneambiancealcool,drogueetputes.Jesaluelesquelquesmembresquejeconnaisetfaisconnaissanceaveclesautres.L’emmerdeuseresteàmescôtés,sansriendirefaceàtousceshommesquiportentlecrimesurleurvisage. Ça m’amuse assez de la voir comme ça, en retrait et qu’elle se taiseenfin.On lui offre dequoi boire et les putes n’ont pas perdude tempspour se faireséduireparPoufsouffle.Pasdechancepourelle,cesoiriln’yaaucunerégulièredanslecoinavecquipapoter.Aprèscescharmantesretrouvailles,Wallmefaitsignede lesuivrederrière lesportesbattantespourdiscuter.Jefaisàpeineunpasqu’unemainaccrochemonjean.—Tunevaspasmelaisserici,touteseule?Sonregardmefaitclairementcomprendrequ’ellen’estpasàl’aiseàcetteidéeetçameplaît.Qu’elleseconfronteunpeuàlavie,çaneluiferapasdemal,jesuiscertainquemêmeJohnapprouverait.

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—Si,essayequandmêmedenemenacerpersonne.—Connard!Je ris enm’éloignant et rejoinsWall dans son bureau personnel. La pièce estpetite,saturéeenfuméedecigaretteeteneffluvesd’alcool.Lefondesttapissépardesboîtesdedocumentsliésauclub,etlerestepardesimagesdefemmesplusoumoinsnues.Jem’assoisenfacedeluietonsejaugedurantuncertaintemps.—Tuveuxreprendreduservice?ilfinitpardemander.—Non,pasdansl’immédiat,jedoisfaireprofilbas.—D’accord, tu sais que si tu changes d’avis, on aura toujours quelque chosepourtoi.J’acquiesceenleremerciant, ilnem’ajamais laissésur la toucheet jecomptebienrevenirquandilseratemps.—Alors,qu’est-cequeTheSyndicatepeutfairepourtoi?Je l’aidéjàentendudirecettephraseàdenombreuses reprises,àdesgensquivenaientréclamerl’aideduclubetçaatoujourslemêmecôté«Parrain».—JesaisoùestSarah.J’aibesoinduclubpourladéloger.Wallselaisseallercontresondossierensifflant.—Protectiondetémoin?—Oui,enLouisiane.—C’estcompliqué,monfrère.—T’asunchapterlà-bas.—Jesais,maisçaveutdireavoirlesMarshallssurledos.Je sors une clope que j’allume en essayant de garder mon calme. Je nem’attendaispasàcequ’ilsautedejoie,maispasnonplusàcequ’ilsoitaussifrileux.—Quiareprismonbusiness?jel’interrogeenconnaissantlaréponse.— On n’avait pas le choix, Sander, on ne pouvait pas laisser n’importe quis’installeràtaplace.— Ça fait dix ans que tu t’en fous plein les poches sur mes filles et monterritoire,tumedoisbiença,Wall.Il sourit en jouant avec un stylo qui traîne sur son bureau. Il lève sa jambegaucheetlaposedessus.—Qu’est-cequ’ilt’estarrivé?J’aibienremarquésonboitementetsadifficultéàresterdebouttroplongtemps.—Ma régulièrem’achopéau lit avecuneautre, ellen’apas aimé.Uneballedanslegenou,depuisc’estdutitane.

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Jememetsàrireenimaginantlascène,jeconnaissafemmepourl’avoircroiséequelquesfoisauclub.C’estunehispaniqueaussigrandequ’ungossededixans,maisausangchaud.—CommentvaMaria?—Enceintedenotretroisièmefils.Ilaleregarddanslevagueenpensantàelleetunsourireaucoindeslèvresquiprouventàquelpointilaimesafamille.Mêmes’ilssonttarés.—Oùt’asrencontrécettefille?—Longuehistoire,jerépondspournepastropendire.—J’aitoutmontemps.—Pasmoi,jeveuxSarah.Wallsoupire,agacéqu’onenrevienneàcesujet,cependantjen’allaispaslâchercommeça.— Je peux temettre en relation avec desmecs qui accepteront sans poser dequestions…—Àquoitujoues?Jeneveuxpasalertertoutlepaysdecequejecomptefaire.Depuisquandt’essifrileuxàaiderunfrère?Sonregards’étrécit,iln’aimepasqu’onleremetteàsaplace.—T’aspasdepatch,Sander,t’astoujoursvoululajouersoloetmaintenanttumedemandesdeschosesquipourraienttuermonclub?LesMarshallssontpasdespetitsjoueurs,ilsnelâchentrienetsionlabute…—Jelaveuxvivante.— Merde, Sander ! C’est toi que j’enverrais sur un coup comme çanormalement!—Etjel’auraisfait,sansposerdequestions.Àtontourderendreservice.Je sors un papier plié en quatre de la poche demon cuir et le balance sur lebureau.Cesonttouteslesinfosquej’aipusoutireràSandysursasœuretmonnumérodetéléphone.Jemelèveenestimantledébatclos,ilmedoitceserviceetilaintérêtàmelerendre.—Tucrèchesoù?Avant j’avaisunechambredansceclub,unpointdechutesi jamais j’enavaisbesoin.—Chezmonpère,jeretapesabaraque.Wallrécupèremonpapieretlerangedanslapochedesonjean,puisilselèvedifficilementets’approchedemoienriant.—Pourfairequoi?Unmuséedel’horreur?

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Jesourisensecouantlatête,jepourrais,jesuissûrquebeaucoupseraientprêtsàpayerpourallervoirnotrecave.—Non,jesaispastroppourquoi,ilmefallaitunendroitoùvivreet…Jemerendscomptequecen’estpasseulementlecôtépratiquequientreenjeuxaveccettemaison,ilyaautrechose,uncôtésentimentalpeut-être.Commeunbesoinderetrouvermonenfanceaussibizarrequ’elleaitpuêtre.LamaindeWalls’abatsurmonépauleetmesortdemespensées.Jecroisesonregardquimeditqu’ilcomprend.Néanmoins,jenem’attardepasetsorsdesonbureaupour regagner le bar enmedemandant dans quel état je vais retrouverl’emmerdeuse.

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Chapitre13Elsa

Depuis mon accident j’ai souvent eu à faire à l’embarras et à la solitude.Pourtant,cesoir jenemesuis jamaissentieaussimalà l’aisequ’àcet instant.Littéralemententouréepardesgrosbras,auxriresgras,àl’odeurdebièreetdesueur et auxparoles qui feraient hurler n’importe quel dictionnaire. Je ne suispas bien et tout le monde s’en fout jusqu’à mon chien que je vois entre lesjambesd’unhomme,entraindesefairepapouillerparunebandedeprostituées.JehaisSander,jelehaissifortàcetinstantquejeneréalisemêmepasquejemesuismisedanscettesituationtouteseule.Jel’aisuivieparcequej’avaispeurqu’ilretournevoirSandypourluifairepeur.Etaussiparcequej’enavaisenvie,parcequeladernièrefoism’aplumalgrélesinconvénients qui en ont découlé. Ce soir, je n’ai rien bu avant de partir, jedevraisdoncéviterlacasehumiliationauxtoilettes.Néanmoins,jesuisaucentred’ungroupementdebikers,unebièreàlamaindontjenesaispasquoifaireetjeguettelaporteparlaquelleSanders’estéclipséenespérantlevoirrevenir.Malgréma position centrale, personne ne fait attention àmoi, jusqu’à ce quel’undesmembresduclubdécidederompremasolitude.—Alorscommeçat’eslafemmedeSander?J’enentendsundansmondoss’esclaffer.—LafemmedeSander?Ilpassedevantmoi,sessourcilsbroussailleuxfroncésd’incompréhension.Sonregard me scanne le corps et le visage et pour cacher ma gêne, j’enfile unegorgéedebière.Legoûtmesurprendetmanquemêmedemefaire tousser.Jen’aipasbuunegoutted’alcooldepuisdixans.—Sandern’apasdefemme,reprendlepoilu,àmoinsquetusoissachose,ceseraitpluscohérent.Je vois que la réputation de mon voisin en matière d’amour envers le sexeopposén’estplusàfaire.J’aicinqpairesd’yeuxquimescrutentenattendantmaréponse.—Heunon,jenesuisnisafemme,nisachose.Ils acquiescent comme si c’était finalement normal. Je bois encore quelquesgorgéespourmecacherdecesregardsinsistantsquimemettentvraimentmalà

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l’aise.J’enrenversesurmonpulllorsquelepoilumesoulèveetmefaitatterrirsur le comptoir. Sesmains relâchentma taille et jemanque deme vautrer enarrière,avantqu’ilmerattrape.— J’me suis jamais fait une handicapée, si Sander te baise c’est que tu doisvaloirlecoup,majolie.Jesuistellementstupéfaitequejenetrouverienàdiredansl’immédiat.Cemecvient de me tirer de mon fauteuil pour me foutre sur un bar poisseux enespérant…—Nemetouchepas,jegronde.Il rit, ses potes aussi derrière lui et je sens la peur commencer à s’infiltrer enmoi. Je suis sans défense face à eux, je ne peux aller nulle part et s’il prendl’envieàcecondemelâcher,jevaism’écroulerenarrièreparcequejen’airienpour me retenir. Je sens quelque chose dans mamain, j’avise la bouteille debière, ma seule arme. Je déteste me sentir comme ça, être l’handicapé, lavictime, celle qui ne peut rien faire. Çame rappelle avec force l’état demoncorpsetàquelpointjepeuxêtrerapidementendanger.—Tu fais comment ? il poursuit. Tu tiens tes jambes écartées pour qu’on teprenne?Jevoissamainplusquejenelasensseposersurmacuisseetcommenceràmecaresser.Cemecestunporcetmamainn’hésitepasquandellevientexploserlabouteilledebièresursoncrânedeconnard.La stupeur le gagne ainsi que les autres, moi je souris, ravie de pouvoir medéfendreetdevoirsonvisagedégoulinantd’alcooletdeverre.Ilvacilleunpeuet çameplaît, de savoir que simes jambes n’ont pas de force,mes bras sontcapablesdecombler.—Tuvasmelepayer,salegarce,dit-ilens’essuyantavecsonavant-bras.Néanmoins,jeperdsvitelesourireenmesentantpartirenarrièrepuisqu’ilm’arelâchée,mesbrasbattentdans levideen tentantde trouveruneprise,puis jesens qu’onme retient. L’instant d’après, jeme retrouve contre un torse et unblouson.Matêteseredresse,Sandermetientcontreluietsonvisagen’estqu’àquelques centimètres du mien. Je sens son souffle sur ma peau, je vois sonregardsevoilerd’untrucquifaitbattremoncœurplusvite.Jen’aipasletempsdem’appesantirsurlefaitquemapoitrineadores’écrasersursontorsequ’ilmereposesurmonfauteuil.J’aiàpeineletempsdesoulevermesjambespourcalermespiedsquejelevoiss’élancer sur le poilu pour lui décrocher une droite. Je reste choquée de laviolencedel’impactdesonpoingsurcethommequivacilledenouveau.Sander

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nes’arrêtepaslà,sonpoinggaucheprendlasuiteetfrappedenouveau.Toutlemondes’écartealorsqu’ilcontinueencoreetencoreàlefrapper,lepoilureculeàchaquecoupetfinitcontrelemur.Cequisembleleréveiller.IlchargeSanderenlançantungrognementdigned’ungladiateuretjevoismonvoisins’effondrersurunetablequinesupportepasleurpoidsetsebrise,lesramenantausol.Àmespieds.LepoilucommenceàrendrelescoupsetleregarddeSandercroiselemienalorsqu’il encaisse sans ciller. Je dois avoir l’air ahurie, pourtant lorsque je le voissourireunfrissonmegagne.Sanderfaitroulerl’hommeetsespoingsparlentdenouveau pour lui. Il lemassacre, j’entends le bruit des impacts sur les os, dusangcouleetquelquechosesepasseenmoi,quelquechosequin’apassaplace.Sander finit par se relever lestement, essoufflé, échevelé, blessé maisterriblementexcitant.Lasuitesepassedansunbrouillarddanslequeljenevoisqueluietsespoingsquifracassentlagueuledel’autrecon.Ilparle,rameutemonchienetmepousseverslasortie.Ilsoulèvemêmemonfauteuilpourmefairedescendrelesmarchesetnousregagnonsmavoiture.Ilenclenchelesfreinsdemonfauteuiletseplacedevantmoi, jelevoismêmes’accroupir,seslèvresbougentmaisjesuisencoredansceteffetquimeterrifieautant qu’ilmeplaît. Je suis excitée.Très excitée, si bien que j’aimerais justequ’ilmebaiseicietmaintenant.—Tum’entends?Je sors dema torpeur, pourtantmonventre neme laisse pas redevenirElsa lapresquemorte,ils’élanceetmerappellequejesuisunefemmeavecdesenviesquin’apaseud’attentionscesdixdernièresannées.Jen’ai jamais ressentiça,cetteforceattractivequej’éprouvepourSanderàcetinstant.Jamais.Pasmêmequandj’étaisvalide.Çamedéroutecomplètementetjenesaispasquoifaire.Sanderparleencore,jevoissalèvrecoupéebougeretj’aienviedel’embrasserdesavoirquelgoûtilaetcequeçaferaitdesentirsalanguecontrelamienne.—Merde,Elsa!Tuvasmerépondre!Jemesecouepouréviterdeperdretotalementpieddansmesfantasmes.Iladitmonprénometc’estassezrarepourretenirmonattention.—Quoi?—Est-cequ’ilt’ablessée?—Non,jerépondsensoufflant.Mamainvad’elle-même toucher la lèvredeSander.Duboutdesdoigts, je lefrôleetjelesenssefigeretm’observer.

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—Qu’est-cequetufais?dit-ilenprenantmamaindanslasienne.—Je…Je n’arrive pas à parler, submergée par les images violentes d’il y a quelquesminutes. Et l’effet s’intensifie. C’était brutal, si brutal, j’en ai des frissons etpourtant,çameplaît.Qu’est-cequeçaveutdire?Qu’est-cequ’ilsepasse?Jeneparvienspasàcomprendrepourquoiçamefaitressentirdudésir.—T’esbizarre,l’emmerdeuse,t’asjamaisvuunebagarreouquoi?Etbienenfaitnon,jamais,pascommeça,commesij’assistaisàuncombatdeboxe.Sanderseredresse,ilsortunecigaretteetl’allumedanslafoulée.—T’esenétatdeconduire?ilm’interroge.Mesmainstremblent,moncorpsnem’appartientplusetpasdecettedésagréableimpression,maisbiend’unebonne,jen’arrivepasàvoirautrechosequeSanderquifrappeencoreetencorealorsnon,jenesuispasenétatdeconduire.Jesecouelatêtenégativement.Iljure.—Bougepas,jereviens.Jelevoiss’éloigner,jelereluquemême,puisj’entendslebruitdumoteurdesamoto. Il revient et actionne lemécanisme de la rampe à l’arrière. Sander faitentrer samoto dansma voiture qui absorbe avec douleur le poids de l’engin.Ensuite,ilmeprenddanssesbrasetmonsoufflesecoupe.Jesuisprochedesonvisagesibienquejen’auraisqu’àtendreunpeulatêtepourl’embrasser.Jemetrémousse contre lui, ses sourcils se froncent puis il me dépose sur le siègepassager.Ilresteunmomentàm’observerenfumanttranquillement.—Quoi?jefinispardemanderdevantsoninsistance.—Y’auntrucquej’arrivepasàcomprendre.Jeme sens rougir jusqu’à la racinedescheveux,monentrejambe se réveille àcoupdespasmeset jedétourne le regard.Sander faitmonterPoufsouffle,puiss’installeauvolantsurmonfauteuil.Jen’arrivemêmepasàm’insurgerdelevoirfaireçasanssourciller.Ildémarreet je ferme les yeux unmoment enme disant que la route va être sacrémentlonguejusqu’àlamaison.

***Uncalvaireenfait,àcôté,sortirduchampenrampantsembleunepromenade.

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Çafaitplusde3Hqu’onestenfermésdansmavoiture,personneneparleetjene me sens pas mieux. Je le fixe en imaginant son corps sur le mien, enrepensant à cette façon qu’il avait de se battre et j’entretiens mon excitationcommeça.Jenecomprendspaspourquoiçamefaitceteffetmaisjenepeuxpaslenier.Laviolencedontilafaitpreuvem’aémoustilléecommejamais.Sanderestviril,maislorsdecettebagarre,ilétaitcarrémentsauvage.Cen’estpasmonmondetoutça, jenefréquentepascegenredepersonnehabituellement,àvraidirejenefréquentepersonne,maisjen’aijamaisétéattiréeparunhommequipréfèreparleravecsespoings.C’estentraindechangerilfautcroireparcequececôtéanimalmeplaîténormément.Ils’estbattupourmoi,pourmedéfendreetçaréveilledesinstinctsprimairesquejepensaisdépassés.Je ne veux pas être ce genre de femmequimouille devant de la testostérone,pourtantc’estcequejedeviens.—Putaindemerde!jejuretouthaut.—Qu’est-cequ’ilya?Mêmeletongravedesavoixmefaitfrissonner.—Rien.Iln’yarien.Ilritenmejetantquelquescoupsd’œil,puisilredevientsérieuxenvoyantqueçanem’amusepas.—Jenepouvaispaslelaisserfairesansréagir.Ilsavaitquetuétaisàmoietilaquandmêmeessayerdetetoucher,danscemonde,l’emmerdeuse,çaméritedescoups.MonDieu,faisqu’ilsetaiseparcequ’ilnefaitquem’enfoncerdansmondélire.—Tuvasmedirecequet’as?On arrive à Anderson, il ne reste que cinq petits kilomètres à supporter saprésencebientropmasculinequiprendtoutelaplacedansmonesprit.Aprèsjeserais chez moi, seule dans ma chambre, et je pourrai m’occuper de moi etdécouvrirsimoncorpsestencorecapabled’avoirunorgasme.Avecluiceseraitmieux,jepourraisvoirsijesensquelquechoses’ilmepénétrait.—Elsa?Jeremarquequelavoitureestarrêtéesurlebas-côtélorsqu’ilditmonprénom.Jeme tournedanssadirectionet sonregardsombreplongedans lemienavecautorité. J’essayede rester calme,demedireque cen’estpasmagnifique.Cen’estriendetoutça,c’estSander,beau,fortettellementchiant.Ilsepencheversmoi,jeretiensmonsouffleenleregardantfaire.Sonpouceseposesurmabouche,ilensuitlecontouretjeneretienspasmalanguequi,delapointe,goûtesapeau.Ilsouritenserecalantdanssonsiègepuis il repartsans

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riendire.Onarrivechezmoi,Sandersegaredevant legarage, ildescendet laissesortirPoufsoufflequipartcourirdanslechamp.Monvoisinfaitletourdelavoiturepourvenirm’enextirper.—Monfauteuil,jeréclame.—Pasbesoin.Ilmesoulèveetmecalesursonépaule,jemedébatscommejepeux.—Nemefoutpasdanslechamp!Ilritetjemerendscomptequ’ilsedirigechezmoi.Ilentreetsanstergiverser,ilm’emmènedirectementdansmachambre.Jemeretrouveécheveléesurmonlitlorsqu’ilmedéposesansaucuneprévenance.Ilrefermelaportepuisseplanteaupieddemonlitavecsonregarddeprédateur.Soncuirtombeausoletjemeredressesurmesavant-bras.—Qu’est-cequetufais?Ilôtesonpulletseretrouvetorsenudevantmoi.Mesyeuxneperdentpasunemiettedecetorsetatouésurlesflancsetdesesmusclesfinementciselés.—C’estbiencequetuveux,non?Jehochelatêteavantdecomprendrecequejefais.—Non!Biensûrquenoncen’estpascequejeveux!Sanderrit,ilfaitletourdulitets’assoitprèsdemoi.—T’ashonte?Dequoiaujuste,d’êtreexcitéeparmoiouparlaviolence?—Jenesuisexcitéeparriendutout!Ilprendmamainetlaposesursonsexequejesensdur.—Tul’es,l’emmerdeuse,etjet’avouequeçamefaitdel’effetdesavoirquetumouillesdèsquedeuxmecssemettentsurlagueule.Jedégagemamainetlacalesousmonbrascommes’ilm’avaitbrûlée.Ilaunelueur étrangedans le regard qui devraitme faire flipper, pourtant c’est tout lecontraire.J’auraisenviequ’ellegrandisse.—Comment…commenttuassu?Ilselève,dégageseschaussurespuisseschaussettesetdéfaitlesboutonsdesonjean.—T’espaslapremièreàquiçafaitça.—Super.—Maist’eslapremièrequimefaitautantd’effet.Déshabille-toi.Sanderretourneverssoncuiretsortdespréservatifsdelapocheintérieurequ’ilposeensuitesurlatabledenuit.—Pourquoi?

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Ilsoupire,regardemoncorpsétaléquin’apasbougéetcommenceàmedévêtir.—Parcequejetepensaisau-dessusdetoutça.Ilenlèvemeschaussurespuismonpantalon.Jelelaissefaire,jemecontentedeleregarderetdemedirequecethommeaussitaréquebeauaenviedemoi.—Moiaussi,jerépondstoutbas.Sanders’approcheetretiremonpull,iln’estpasdouxousensuel,ilfaitjustecequedoitêtrefaitpourquejesoisnue.Je me retrouve en sous-vêtements devant lui et son regard n’en finit pas deglissersurmoncorps.Samainseposesurmonventrepuissondoigt longe lacicatricequiletraverse.Jetendslebraspouréteindrelalumière,jenesuispasàl’aisesoussonregard,mais ilm’enempêche,puis ilgrimpesurmoiet jesuistropsurprisepourfairequoiquecesoit.—Qu’est-cequ’ilt’estarrivé?Jefroncelessourcils,ilveutvraimentqu’onparledeçamaintenant?—Pasmaintenant.LevisagedeSanderpartdansmoncou,sonsoufflemefaitfrissonner, ledésirreprend de plus belle entremes jambes.Mesmains se posent sur son dos, sapeau chaude glisse sous mes doigts et les sensations me déroutent. Ça faittellementlongtempsquejen’aipasressentilecorpsdequelqu’und’autreetqueje n’ai pas été caressée. L’émotion me gagne, je cligne des paupières pourchasser les larmes qui menacent d’arriver et me concentre sur Sander, sur sabouchequiglissecontremonépaule.Jeredressesonvisagepourl’embrassermaisilsedérobe.—Onbaise,l’emmerdeuse,c’esttout,vapast’imaginerautrechose.Il se redresse en me maintenant contre lui, je sens ses doigts s’affairaient àdéfairemonsoutien-gorge.Lemorceaudedentelleglissedemesbrasetjepenseàsesparoles.Jen’imaginaisrien,jen’imaginaisdéjàpascequ’ilestentraindesepasser,alorsavoirunequelconquerelationaveclui,encoremoins.—Est-cequ’embrasseràunedéfinitionspécialepourtoi?jedemandealorsquesamainenglobemonsein.Jemesurprendsàgémirlorsquesonpoucetaquinemontéton.Sandermerelâche,sisubitementquejen’aipasd’autrechoixquem’effondrersurlematelas.—Çaenapourvous,ilmerépond.Son visage disparaît pour s’attarder sur mes seins, son souffle, sa bouche, salanguemeferaitpresqueperdrelefildemespensées.—Nous?

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—Lesfemmes.Mesyeuxroulentdansmesorbites,àlafoisdeplaisiretd’agacement.Cemecest parfois con, mais il est en train de descendre sur mon ventre, je sens salangueparcourirmacicatriceetmonsoufflesecoupe.Sesdoigtsfontdescendremaculottepuis jenesensplus rien.Jemeredresseenmêmetempsque lui, ilfixemonpubisavecunsourireencoin.—Tuasdespoils.Jerougisc’estcertain,sonregardetsesmotsnememettentpasdutoutàl’aise.—Çatedérange?—Bienaucontraire.Je n’ai pas le temps de répliquer, ma culotte disparaît, je le vois saisir mesjambes et les écarter puis sa tête s’enfouit entre mes cuisses. Je retiens monsouffle en espérant sentir quelque chose, de la chaleur me parvient puis deseffleurements alors qu’il a l’air de s’activer plutôt fougueusement.Néanmoinsc’estagréable,douxettendre,cequineressemblepasàSander,maisdansmoncas,jem’estimeheureused’avoirdessensations.Ilseredressedenouveau,samainentremesjambes,jesensdespicotementsàl’entréedemonvagin.—Est-cequetusensquelquechose?—Unpeu.Sanderrit, ilmerelâcheetattrapeunpréservatif. Ildéfait le restedeson jean,baissesoncaleçonetsaisitsaverge.Jeleregardesecaresserunpeuetjelaisseparlermonenvieentendantlamainpourlesentir.Sanderretiresapaume,sonregardcroiselemienalorsquejeprendsconsciencedel’enviequ’ilademoi,del’enverguredesonsexeetdufaitquejen’aieupersonnedepuisdesannées.Il sort la capote de son emballage etme la donne pour que je lui enfile.Mesdoigts tremblent et j’abandonne après quelques tentatives. Il s’en charge lui-mêmeetreviententremesjambes.Illessoulèvelesposentsursesépaulesetsepenchesurmoicequilesmaintientparsesbras.Sonvisageblesséseretrouvedansmon champ de vision et l’excitation qui avait cédé à la peur reprend. Jevoudraispouvoirbougerpourmefrotteràluimaisjesuiscondamnéeàlelaisserfaire,monbassinestimmobiledansl’attente.—Sander,vas-ydoucement,je…Ilsefigeau-dessusdemoietmeregardeaveccettedrôledelueurdenouveau.Quelquechosequifaitdurcirmesseinscomprimésparsontorseetmesjambesetquidéclenchedesspasmesdansmonvagin.Mesmainssaisissentseshancheset le pressent contre moi et son mouvement me dit qu’il est en train de me

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pénétrer. Jenesens rienaudébutpuis,cette sensationdeplénitudem’envahit.Moncœurmartèlemapoitrineetmarespirationsefaitplusforte.Jelesens,enmoi.—Çava?ildemanded’unevoixrauque.Je hoche la tête, incapable de répondre. Il bouge doucement et je perçois cespicotements à l’intérieur de moi, un bien-être complet m’envahit et je n’aiqu’uneenviequ’ilbougeencore,qu’onsefrottel’unl’autreetqueçanes’arrêtepas.Sander accélère progressivement, je laisse mes mains sur ses hanches pourpercevoirleurmouvement,pourajouterlegesteàl’effetdenosdeuxcorpsquise rencontrent.Nos regards ne se lâchent pas et je vois son plaisir, la fouguequ’ilretientetcecôtéanimalquinem’apaslaisséeindifférentecesoir.Jetouchesalèvremeurtrie,j’aienviedel’embrasser,ilaccélèresesmouvementsetselaisseemporterparnotreunion,mesjambesretombentsurlematelas.ÇanegênepasSanderquivaetvientdeplusenplusprofondémentenmoi.Soncorpsesttenduetjeletrouvemagnifique.Jesaisissonvisageetl’approchedumien, je me fous de ce qu’il a dit, je veux l’embrasser, je veux une vraiecommunionaveclui.Meslèvressaisissentlessiennesetilnesedérobepas,bienau contraire, sa main englobe ma joue et c’est lui qui m’embrasse. C’est salanguequivientàlarencontredelamienneets’yenrouleavecvolupté.Jefondstotalementsoussoncorps,soussonbaiseretsouscetamasdesensationsquejeretrouveenfin.

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Chapitre14Sander

Qu’est-cequ’ellemefait?Jen’avaispasprévuça,qu’ellem’aspirecommeça.Jenemaîtriseplusrienetputain,j’aimeça.Jedirigenormalement,jenelaissejamaisunefemmeprendreledessusetpourtantavecelle,c’estlecontraire.Ellenebougepas,maisellen’enapasbesoinpourmemettreàsemerci.Elleajusteàposersabouchesurlamienne,àgémircommesij’étaiscapabledelarameneràlaviepourmepiétiner.Putaind’emmerdeuse,mêmeaulitellenepeutpasfairecommetoutlemonde.Jesuisprochedelarupture,parcequec’esttropbond’êtreenelle,delasentirmepresser contre elle avec force et sa foutue languequi n’en finit pasdemerendredingue.Je vais plus vite, plus fort, c’est ce qu’elle réclame en gémissant pluslourdement, sabouche finit par relâcher lamienne et son regardmemaintientdanssonemprise.—Jevaisjouir,Sander.Elleditçacommesielle-mêmeavaitpeineàycroire.Sesmainsreviennentsurmeshanches,ellesimprimentmonmouvementetjesenssonvagincommenceràpalpiter.Sesyeuxsefermentàmoitié,soncousetendetsesdoigtsseplantentdans ma peau me faisant jouir à mon tour. Son sexe m’emprisonne et je medéverse en elle, enfoncé profondément. Elsa gémit bruyamment, ses dentsmordentsalèvre,sesjouesdeviennentcramoisiesetlorsquesonregardcroisedenouveaulemienilbrilledeplaisir.Ellesouritet jem’effondresurellepourreprendreunpeumesesprits.Jerestequelquessecondescommeça,àsavourerlemoelleuxdesoncorpssousmatête,lesbattementserratiquesdesoncœurpuisjeroulesurlecôtéetmedébarrassede la capote.Une fois dans la corbeille, je ferme les yeux, allongé sur le dos,l’emmerdeuseneditrienetj’aimeautant.Jevoulais juste labaiser, savoircommentceseraitavecelleetprofiterdesonexcitation.Ellem’acomplètementsurprisquandj’aicomprisquemevoirmebattrelamisedans tous ses états. Elle était bandante à pas savoir quoi faire de ce qu’elleressent. Ça l’a surpris autant que moi. J’ai déjà eu des putes excitées par la

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violence,desvraiesfuries,incapablesdeseretenirdèsqu’unpoingétaitlevé.Jen’auraisjamaiscruquel’emmerdeuseétaitcegenredefemmes.—Sander?—Quoi?jegrogne.J’étaisentraindem’endormiretjecomptebienprofiterdesonlitconfortable.Çamechangerademonmatelaspourriàlamaison.—J’aibesoindemonfauteuil.Ett’esdemoncôté.—Demainetpourunefois,tupeuxdormirdel’autre.Jeluitourneledosetrabatslacouverturesurmoi,jel’entendssoupirer.—Sander,j’enaivraimentbesoin,jedoisalleràlasalledebains.—Putaind’emmerdeuse!Jemelève,soncorpsn’apasbougé,étalésurlelit,sesjambesàmoitiéécartées,ses longscheveuxblondsenbatailleautourde sonvisage, elle fait très fragilecommeçaàlamercidetoutsanssesjambesàroulettes.Jenem’attendrispas,jelaramèneauborddulitetlasoulèvepourl’emmenerdanslasalledebains.Jelaposesurlestoilettes,ellemanquedetomberavantdeseretenirauxbarresquil’encadrent.Jesorsetrefermelaportesurlaquellejem’appuie.—Ilmefautmonfauteuil,s’ilteplaît.Jesuisfatigué, j’aiaucuneenviedemerhabilleretdesortirallercherchersonputaindefauteuil.—Tupeuxfairesanspourdormir,non?J’iraislechercherdemainmatin.—Non,jeveuxprendreunedouche.J’entends lebruitde lachassed’eau, j’entredans lasalledebainsetdécouvrel’emmerdeusesurlecarrelage.Jeregardeautourdemoi,ladoucheàgauche,àl’italiennesansaucunebarrière,un peu comme dans les hôpitaux. Je fais couler l’eau avant de récupérerl’emmerdeuseetdenousmettredessous.Jem’assoisetmecalecontre lemur,Elsaentremesjambes,satêteappuyéecontremontorse.J’attrapesongeldoucheetsonshampoingsansdifficultépuisquedanssamaisondelilliputienstoutestàhauteurdejambes.Jeluidonneetlalaisseselaveralorsquejefermelesyeuxetsavourelachaleurdeladouchepourmedétendre.Ellen’arrêtepasdebouger, lesbras, la tête,medonnedescoupsparmoment,puisplusrien.—J’aifini,dit-elle.—Bien.Jepassemonbrassouslesienetentraversdesontorsepourlamaintenircontre

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moietqu’elle arrêtedegesticulerunmoment.Elle se tendavantde se laisseralleretdepesersurmapoitrine.Lesilencenousabsorbeet je risquedem’endormir sion reste là,mais je suisbienetjen’aiaucuneenviedebouger.—Sander?—Quoi?jesoupire.Ellenevapaslafermercesoir.—C’étaitbien?Jememetsàriredanssondos,jesenssatêtebougeralorsj’ouvrelesyeux,ellemefusilledesonregardvertunesecondepuis, l’eauquicoulaitentrenousluitombesurlevisageetelleseravise.—Tuveuxsavoirsit’esbonne,l’emmerdeuse?Le silence revient, je remarque notre position, son corps contre le mien etl’espèced’intimitéquiendécoulemelaisseperplexe.—Oui,ellerépond.Je ne dis rien, jemate son corps étalé sur le carrelage, sa poitrine qui se lèverapidement,sacicatricecachéeparmonbras,satoisonblondeetsesjambesàlaformebizarreencorepleinesdebleusdesonséjourdanslechamp.Sonvisagesepenchesurlecôtépourmeregarderenattented’uneréponse.—C’étaitbien,jefinispardireavantderefermerlesyeux.Je l’imaginais autrement en fait, petite comme elle est et menue, je pensaisqu’elleseraitétroite,orpasdutout.Maisjenesuispasmunid’unasticotetellemouillaittellementqueçan’avaitaucuneimportance.—Sander?—Si tume demandes ton fauteuil, je te noie. Je suis crevé l’emmerdeuse, jeveuxjustedormir.—Non,c’estpasça.—Quoidanscecas?Je sens ses doigts sur ma joue, mes paupières se lèvent de surprise. Elle meregardeétrangement.—Qu’est-cequ’onestentraindefaire?elledemandeenpassantsonpoucesurmalèvre.Jenesaispas, jen’aipasde réponseà luidonnerparceque j’ignorecequ’onfout à coucher ensemble et surtout ce que je fais là, dans sa douche avec ellealorsquejenefaisjamaisça.Jebaiseetjemebarre,surtoutquej’habiteàdixmètres. Pourtant je n’ai pas envie de partir, j’ai même envie de rester et saprésencenemedérangepas.Ellenememetpasmalàl’aise,ellenemeditpas

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barre-toiencourantavantqu’elleteplantesesserresdanslecœur.Jeneressensriendetoutça,justedubien-être.—Onbaiseetc’esttout.Je donne la réponse qui doit être la vérité, peut-être pas celle qu’elle voulaitentendre,maisc’esttoutcequ’onpeutfaire.Je me lève et l’entraîne avec moi. Je pose l’emmerdeuse sur l’abattant destoilettes et lui balance une serviette, puis je retourne sous la douche pourmelaveràmontouretpeut-êtrefairedisparaîtretoutcequejenecomprendspas.

***Unesemaineplustard,Je dépose la dernière boîte sur l’étagère du fond, bien content que ce foutuclassement soit terminé. Je me demande bien ce qu’elle va me faire fairemaintenant.Mesyeuxdivaguentdanslegarageparfaitementrangédel’emmerdeuse.Elleadesétagèrestoutlelongetdescartonsoùilestécritsurchacund’entreeuxsonnom et une année. J’en saisis un et sors la clef demamoto pour trancher lescotchsurledessus.Jel’ouvreetdécouvredesfeuxd’artifice.Desfuséesbienalignéesauxdifférentescouleurs.Jelereposeetenprendsunautre,àl’intérieurlamêmechose.Jesaisd’oùellelestiremaintenant,néanmoinsçanemeditpaspourquoielleaçadanssongarageemballéparannée.C’estbizarred’entreposercegenredechosedecettefaçon.Çafaittrophée,commemonpèreetsesbocauxbien alignés de la même façon, avec sur l’étiquette la date de la mort d’uneprostituée.—Sander?Jesursaute,cetteconnem’afaitpeur,j’étaispartiedansmespensées.Jefaisletourdesavoiturepourlarejoindreetmefigeenlavoyant.—Jedoisyaller,tuasfini?—Où?Ellebaisseunpeula têtemaisjelavoisparfaitementsourire.L’emmerdeuseasorti legrandjeu,elleadétachésescheveuxquisontparfaitementcoiffés,elles’est maquillée et j’aperçois parfaitement le décolleté de son pull sous sonécharpe.

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—J’aiunrendez-vousàBirmingham.Jesorsmonpaquetdeclopesdemapoche,Poufsouffleestvautréàmespieds,cechiennemelâcheplusdepuisquelques jourscontrairementàsamaîtresse.Ons’adresseàpeinelaparoledepuisqu’onabaisé,seulementpourleboulot,maiselle est heureuse. Je l’entends rire et chantonner derrière son écran, je la voistaperdesmessagesetrougircommeunecollégiennedevantsonportable.—Avecqui?jelaquestionneenallumantmacigarette.—Çaneteregardepas,ilmesemble.Ellearaison,savieprivéejedevraism’enfoutre.Maiscen’estpaslecas,ilyaunevoixenmoiquirefusequ’unautreprofitedecequej’aieuilyaquelquesjours.—Quelgenredemectefaitallerjusqu’àBirminghampourtesauter?C’estàdeuxheuresderoute,çafaitloinpourunrencard,fautvraimentvouloiryaller.Moijesuisjusteenface,sielleveutbaiser,ellen’aqu’àtraverserlaroute.Mais je luiaiditquecen’étaitquecettenuit-là,et lematinquiasuivieparcequ’onarecommencéetensuitefini.— Un mec bien, un qui me fait rire, qui est gentil et pour ta gouverne deconnard,ilnecherchepasseulementàmesauter,lui.Jesourisentirantsurmaclope,elles’énerve.—Tudevraismeremercier,sit’eneslàavectonhandicapé,c’estgrâceàmoi.—Pardon?!elles’insurge.Je me penche au-dessus d’elle en inspirant lourdement, elle a même mis duparfum, tant pis pour cet enfoiré, il n’aura pas son odeur naturelle bien plusexcitantequecetrucqu’elleadéversésurelle.—Avantquejetebaise,jamaist’auraisétérencontrerunmec.T’asconfianceentoimaintenant, parce que tu sais que t’es capable de jouir et de faire jouir unhomme.Je balancema clope pendant qu’elleme regarde comme si une deuxième têtevenait dem’apparaître.Mamain se cale entre ses cuisses, elle couine à peinealors que je n’y vais pas doucement,mais j’ai bien retenu qu’elle ne sent pasgrand-chose.—Qu’estcequit’afaitmouiller,l’emmerdeuse?Mavoixestdevenuegrave,enfaitçamerendfouqu’elleailleàsonputainderendez-vousetjen’aipasenviedeça,maisc’estplusfortquemoi.—C’estmoi,jereprendsenm’approchantdesonvisage.Jevoislapeurdanssesgrandsyeux,elleestcomplètementfigéeetavantd’allertrop loin, je recule et la relâche. Même moi, je suis surpris de mon

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comportement,parcequejem’entapequ’elleaillevoirailleurs,bordelellen’estrienpourmoi!—C’esttoiquineveuxpas,dit-elled’unepetitevoix.Je m’agite en passant les mains dans mes cheveux, je fais quelques pas enessayantdemecalmer,mais ilya toujourscettevoixenmoiqui refusede lapartager.—Sander,tunepeuxpasmedirecegenredechoseet…—Vatefairefoutre,l’emmerdeuse,jelacoupe.Jen’aipasenviequ’ons’étalesurcesujet,jen’aipasenviedemettredesmotssur ce que je ressens et quime dépasse totalement. Elle est insignifiante, uneemmerdeusequej’aibaiséetc’esttout.Cen’estpaslapremièreetceneserapasladernière,ellen’ariendespécial,rienquejenetrouveraipaschezuneautre.Je lui lanceundernier regard avantde laplanter là et de rentrer chezmoi. Jepense à mon père, à ses paroles qui ont fait mon quotidien, les femmes, desgarces,desputesincapablesdesecontenterd’unhomme,desmanipulatricesquifontmaletquis’enréjouissent.Desmonstresqu’ilétaitleseulàvoir.Jem’arrête aumilieude la route et je ne réfléchis pas plus, je fais demi-tour,attrapel’emmerdeuseetlacalesurmonépaule.Lechienjappeetmesuitalorsque je traversedenouveau.Elle sedébatavecsespoingsdeplusenplus fort,mais je ne sens rien, j’entends juste une voix quime dit que c’est la chose àfaire.Jerentrechezmoietjefiledirectementàlacave.Lalumièrenefonctionnepas,mais je connais l’endroit comme ma poche. Les marches craquent sous monpoidsetunefoisenbas,jedéposel’emmerdeuseausolcontreunpilier.Jesorsmonportableetallumelalampetorche.L’endroitestdésert,ilsonttoutprislorsdelaperquisition,mêmelacroix.—Sander,maisqu’est-cequetufais!Jem’accroupispourêtreàsahauteur,sonvisageestrouged’avoireulatêteenbas, ses yeux reflètent de la peur etmême le chien vient se fourrer dans songironpoursecacher.Qu’est-cequejefais?Jenesaispas,jefaiscequimesemblejuste,cequidoitêtrefait.Jemetourneverslefondquej’éclaire,jenevoispascettecavevide,jelavoiscomme elle était à l’époque demon père ; avec la table aux instruments, lesbocauxsurlesétagèresettouteslesfemmesquiysontpassées.Jemeredressepourrejoindrecetendroitdontilneresteaucunetrace.—Jet’auraisattachéedessus,tuauraisétédebout.

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J’entendsElsahoqueterdansmondos,jereviensverselle,jedébloque,bordeljedébloquecomplet!Ellen’arienàfairelà,ellen’estpas…—Sander?Jeluiaccordemonattentionetéclairesonvisage.Sapeurestpalpable,commecelledesvictimesdemonpère.Ellesétaienttoutesterroriséesetçaluiplaisait.—Nefaispasça,s’ilteplaît.Ellesaussisuppliaientqu’onlesépargneavantqu’ellesnepuissentplusparler.Matêtetourne,j’entendslavoixdemonpèrememurmureràl’oreillecequejedois faire, que c’est nécessaire et qu’il n’y a pas d’autres choix. Elles n’enavaientaucunetmoinonplus.Jem’accroupisdenouveau,Elsamedévisageentremblant.—Jenevaispastefairedemal,j’affirme.—Alors,ramène-moichezmoi.—Jenepeuxpas.—Sander,onpeutenparler,onpeut…—Non!Elle sursauteetmanquede tombersur lecôté, je la recalecontre lepilier,deslarmescoulentsursesjouesetjem’étonnedenepasl’avoirentenduepleurer.Jen’entendsplusgrand-chose,lesilencedecettepièce,lessouvenirsetmesactes,c’esttoutcequim’absorbe.Jenesuispaslui,jelesais,mêmes’ill’avaitvoulu,jen’aijamaistrouvéaucunplaisiràtuerdesfemmes.—Jenesaispascequejefais.L’emmerdeuseme fixe comme si j’étaisun autrehommeet ledéchirement enmoimeprouvequ’ellen’apastort.Jesuisaspiréparlepassé,parcequej’yaifaitetquisemblaitnormaletcequejesuisdevenu.Jemesuisaffranchidesoninfluence,j’aicombattucesentimentqu’ilétaitlàdansmondosàchacundemespasetqu’iljugeaitmesactes.Mesfaiblessesaveclesfemmes,avecmamèreetmaintenantavecElsa.Jesenssamainsurlamienne,elleserremesdoigtsentremblant.—Laisse-moit’aider,dit-elled’unevoixdouce.J’accrochesonregardavecl’enviedelacroire,demedirequ’ellepourrait,maisjesaisaussiquejesuisallétroploinpourrenonceràprésent.

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Chapitre15Elsa

Sander détourne le regard sans me répondre comme si c’était impossible. Ilallumeunecigaretteetonrestedanslesilence,alorsqu’ilfixelefonddelacaved’unairétrange.JecaressePoufsouffle,satêteposéesurmacuissemerassure.Je ne suis pas seule, même si j’ignore ce qu’il se passe. Comment on en estarrivéslàetcequ’ilvaadvenirdemoi.J’aipeur,vraimentpeuretjenepeuxpaslecacher,jenepeuxpasjoueràl’Elsatéméraire parce que je ne reconnais pas Sander dans ce comportement. J’ail’impression qu’il est là physiquement, mais que son esprit a déserté, quequelqu’und’autreaprissaplaceetenplusdemefaireflipper,çamedéroute.J’aurais pu raisonner le Sander que je connais, mais l’homme que je pensaisconnaîtren’auraitjamaisfaitça.Jesuisencoresouslechoc,denotreconversationetdecequienadécoulé.Unepartdemoiaenviedeluihurlerqu’iln’apasledroitdefaireça,quec’estluiquineveutpasdemoiparcequejenel’aijamaisrepoussé.Cematin-là,aprèsqu’onadenouveau fait l’amour,c’est luiquiestparti sansriendirepour revenirquelquesheuresplus tardcommeside rienétait. Ilm’aignorée toute lasemaine,m’adressant laparolepourdesquestionspratiquesetc’esttout.Alorspourquoim’envouloird’essayerd’avancer?Ilaraison,ilm’adonnéplusde confiance, coucher avec luim’amontré que je n’étais pasmorte et que jepouvais encore espérer quelque chose de l’amour. Je me suis décidée hier àrencontrer cet homme avec qui je discute de temps en temps sur le forum. Jepensaisqueceseraitbien,quejepasseraisàautrechosecommeluiavaitl’airdel’avoirfait.Sanderécrasesonmégotsurlesolpuislemetdanssapoche.Ilresteassisàfixercemuraufondetj’imaginequecen’estpaslevidequ’ilvoit.—Qu’est-cequ’ilsepasse?jedemandedoucement.Jenepeuxpasgarderlesilence, j’aibesoind’essayerdeluiparler,deluifairecomprendrequ’iln’agitpasdelabonnefaçon.—Au début, je servais juste d’appât. Je n’avais pas conscience de ce que jefaisais,monpèremedisaitd’emmenertelleoutellefillejusqu’àlavoitureetje

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le faisais. Il était presquegentil après, j’avais ledroit àmondoudouet c’étaittoutcequicomptait.Ensuite,quandj’aieuhuitansàpeuprès,jeluiaiservidebonniche.Jenettoyaislapièce,lesinstrumentsetjemettaistoutenplaceavantquelafillen’arrive.Ilsetourneversmoi,jesursauteencroisantsonregardfouetpourtantremplidelarmes.— Je le prenais pour un super héros, un putain de super héros qui sauvait lemondeenarrachantlecœurdecesfemmes.C’estcequ’ilmerépétaitencoreetencore,qu’ellesétaientlemal,leDiableetqu’iln’yavaitmalheureusementpasd’autressolutions.Jelecroyais.J’ycroyaisdurcommefer,toutemonenfancejel’aivucommeunesortedesaintquisesacrifiepourlebiendetous.Ilsemetàrirenerveusementenessuyantsesjoues.—Commentj’aipulecroire?—Tun’étaisqu’unenfant…Moncœursebrisedevantsadouleurenimaginantcepetitgarçonqu’ilaétéetquiavaitconfianceenlaseulefamillequiluirestait.—Jelevoulais.Jevoulaisycroire,Elsa,iln’yavaitpasd’autresolution,sinonmonpèreétaitunmonstre.Savéritém’allaittantqu’onétaitluietmoi.J’aifaitdestrucsquimedégoûtaient,quejesavaismal,maisaveclui,çanel’étaitpas.C’étaitnormal,notrenormalité,celledemafamille.Ilsembles’envouloir,pourtantcen’estpassafaute,c’étaitunenfantquisuivaitsonseulmodèle.Jesensquejepleureaussi,parcequesavieamalcommencéetqu’iln’apaseu la chanced’êtredansune famille aimante.Sonpèreétait fou,maispaslui.Iln’estpastroptardpourapprendreàvivre.—Jesuismorte.Sandersetendetsembleprendreconsciencequejesuisréellementlà.—Aprèsmonaccident,durantuneminutejesuismorteàl’hôpital.Etaprèsmoncoma,quandjemesuisréveilléeetqu’onm’aditça,j’airegrettédenepasavoirdonnédedirectivessurlaréanimation.Jeneseraispaslàaujourd’hui,siçaavaitétélecas,jeneseraispasunemoitiédemoi.JebaisselesyeuxsurPoufsoufflequisentmatristessepuisqu’ilréclameplusdecaressesencouinanttoutbas.—J’étais endeuxièmeannéede facdedroit, onestpartis envacancesau skiavecdesamis.Aussibêtequeçapuisseparaître,c’étaitmespremièresvacancessansmesparentsquej’aifinancéesenbossantl’étéprécèdententantqu’esclavedansuncabinetd’avocatsdeBirmingham.J’étaisfièredemoi, trèsfièredeceque je faisais, dequi j’étais et de ce que j’allais devenir.Unegrande avocate,

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c’était certain. J’avais confiance en moi, en chacun de mes actes et ça medonnaitdesailes.Dansunamphi,çaneposepasdeproblèmes,surduhors-piste,c’estplusdangereux.Jemerevoisentrainderire,demevanterquec’estfaisable,delesconvaincrequeceseraunesuperexpérienceetqu’ilyenamarredepartagerlespistesaveclerestedumonde.—Jemesuisélancéelapremière,j’avaiscomprisdepuislongtempsqu’ouvrirlavoieétaitsouventleseulmoyenpourêtresuivie.Ilsl’ontfait,ilsm’ontsuivie,onestdescendus,surunepentedontonn’amêmepasregardél’aspect.J’étaiseuphorique,jemesentaiscommeunêtreàpart,quelqu’unquiauralachancedevivreçaetpuismonskiaheurtélapointed’unrocherquidépassaitdelaneige.Un petit bout seulement, mais lancée à pleine vitesse, ça a suffi à ce que jem’envole.J’aiatterrisurunautrerocher,mondosl’aheurtédepleinfouetetj’airebondiencore.Je me rappelle de tout, du ciel si bleu, du froid, de cette odeur de pin quej’adoraisetdescrisautourdemoi. Jen’aipascrié,cesont lesautresqui s’ensontchargés.—Ensuite,jemesouviensd’uneviolentedouleurdansmonventreetpuisplusrien.Lenoircomplet.Jemesuisréveilléeàl’hôpitaldessemainesplustardetjen’avaisplusderate,plusdejambesetplusenviedevivre.Jechassemeslarmesenrepensantàmonréveil,auxregardsdemesparents,àcettepeinedans leursyeuxquejenevoulaispasvoir.Moncorpsneréagissaitpas, jepensaisauxséquellesducomaet j’ai faitde la rééducationenespérantquemes jambes fonctionneraient de nouveau. Ça n’a pas marché, elles n’ontjamaisressuscitéelles,etçan’arriveraplus.J’aivoulumourir,j’enaivouluàlaterre entière d’être en vie et surtout àmoi. J’aimis du temps à réapprendre àvivre,àfairefaceàlafatalitéetàmeserreurs.Aujourd’huiencore,jem’enveuxd’avoirétéaussistupide.Sanderselèvepourserapprocherdemoi,ils’assoitcontrelepilieretmeprendcontrelui,commedansladouche,mondosreposecontresontorseetsonvisagese pose sur mon crâne. Je serre son bras, Poufsouffle vient se caler sur nosjambesetjememetsàpleurercontrel’épauledemonvoisin.Ilnebougepas,ilmelaissedéversermontrop-pleind’émotionsentrepasséetprésent.Jenesaispassijepleurepourmaviequiaradicalementchangéilyaonzeansoupourletournant qu’elle prend maintenant, dans cette cave avec cet homme.Probablementlesdeux.Je me redresse et me tourne à moitié pour le regarder. Il est encore étrange

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commesicen’étaitpaslui,dumoinsj’imaginequec’estleluidupassé.—C’esttoiquejeveuxSander,j’avoueduboutdeslèvres.Ilmedévisageenfronçantlessourcilsetj’ail’impressiondenepasletoucher,defairefaceàunmurfroidetinsensible.—Tudisçaparcequejet’aienlevéenquelquesorte.Cen’estpasenquelquesorte,ilm’aenlevée.—Jel’avoueparcequetum’asenlevée,maisjelepensevraiment.Avectoi,jemesensplusforte,tafaçond’être,det’enfoutredemonhandicap,demetraitercommedelamerdeparfois,çamerendforteetçafaittellementdebien,Sander.Etc’estcarrément torduaussi,mais jem’enfous.Lefaitestqu’ilest leseulàmefaireressentirça.—Tum’asdemandés’ilm’avaitforcé,tutesouviens?Jehochelatête.—Ilnel’apasfait.J’aituécesfemmesensachantcequejefaisais…—Sander,non…—Arrête.Ilmedélogedesesbrasetmereplacecontrelepilier,puisilselève.—Aucunefemmenevoudraitdemoi.Pasmêmetoisitum’avaisvufaireça.—Onfait tousdeserreurs,plusoumoinsgravesmais jecroisquetuasassezpayé.—Ettoi,tun’aspasassezpayé?Jedétourneleregard,jepayetouslesjoursenétantclouéedansunfauteuil.—Pardonnezauxautres c’est simple, il reprend, separdonner soi-mêmec’estimpossible.Il récupère son portable resté au sol pour nous éclairer et se dirige vers lesescaliers.—Oùest-cequetuvas?—M’assurerquepersonneneremarquecequej’aifait.Lefaisceaudesonportabledirigévers lesescaliers, lenoirenvahit lapièceetmefaitpeur.—Sander,laisse-moipartir,s’ilteplaît,nefaispasça.Iln’entendpasmessuppliquesetcommenceàmonterlesmarches.—Nemelaissepas.Ils’arrête,jevoissesépauless’affaisseretl’espoirqu’ilretourneàlaraisonmeprendjusqu’àcequ’ill’éteigneenmêmetempsquelalumièrequidisparaît.

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***Letempssembleinterminableetlemoindrebruitdeplusenplussuspect.Jesuisauxaguets,lecorpstenduenserrantmonchiencontremoi,jeguettechaquesontapisdanslenoir.J’essayedemerassurer,iln’yapersonneetpasdemonstre,leseul qui existe est sorti. Pourtant, je veux qu’il revienne. Plus que tout, je neveuxplusêtreseule.Poufsouffle commence à s’agiter, il doit avoir envie de sortir, je le relâche,contrairementàmoi,monchienn’estpasaffolé.Jel’entendstrotterettrouverlesmarchesqu’ilgrimpepourallergratteràlaporte.Personnenel’entendra,jenesaispassiSanderestàl’intérieur.Jen’arrivepasàcroirecequim’arrive,commentj’aipumeretrouverdanscettesituation.Jemerefaislefilmdecettematinéeetj’enarriveàmedirequec’estmafaute.Ors’ilyauncoupable ici,cen’estpasmoi.J’étaisprêteàcomprendre,à tolérersoncoupde folieparcequ’il sembleêtrequelqu’und’autre,maisplusmaintenant.Plus alors qu’il m’a laissée seule dans cette cave sordide où j’imagine lesfantômesdesfemmesquiontperdulavie.Sij’enréchappe,jeneluipardonneraipasetsijemeurs,jeviendraislehanterjusqu’àlafindesavie.Jenetentemêmepasdem’enfuir,jesaisquec’estperdud’avance.Jepourraisramperetmonterlesmarchesmaislaporteestferméeàclefetjen’auraisjamaisassez de force avec seulementmes bras pour l’ouvrir. Sans compter le tempsqu’ilmefaudrapourgravirtoutçaetrejoindremamaison.Desheures.Jesuisl’otage parfaite, même pas besoin de l’attacher, quant à crier, ce seraits’époumonerpourrien.Ilpasseunevoitureparmoissurlarouteetpersonnenem’entendra.La porte s’ouvre enfin, j’entendsSander dire àPoufsouffle qu’il peut sortir etj’enviemonchien.Ildescendlesescaliers, jenevoisrienet jesensmoncœurbattreàtoutrompre.Saprésencesignelafindemasolitudedanslenoir,maisellepeuts’avérerplusdangereuse.J’entendsdesobjetsqu’ondéposeausoletlapaniqueme prend. J’écrasemon dos contre le pilier comme si je pouvaismefondreàl’intérieur,desbruitsétrangesmefontsursauteretlalumièrejaillit.Sanderestmontésuruntabouretpourchangerl’ampoule.Jesouffleenclignantdespaupièressouslaforcedurayonlumineuxquiéclairel’ensembledelacave.Ilvientversmoi,sontabouretdansunemain,unplateaudansl’autre.Ils’assoitetme tend le repasque jeprendsdemesmains tremblantes.Jeme jettesur la

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bouteilled’eauquejevided’untraittellementj’avaissoif.—Quelleheureest-il?jedemandeaprèsavoirtoutavalé.—17h.Çafaitplusdecinqheuresquejesuislà.—On va remarquermon absence, Sander, John doit venir demain, dimanchemesparentsserontlàetsijenedonnepasdenouvelles,ilssedouterontqu’ilsepassequelquechose.Ettusaisoùilschercherontenpremier.—Jesais.—Etc’esttoutcequeçatefait?!—Jenesuispasundébutant,l’emmerdeuse.Monsurnomestderetour,jeledévisageenespérantqueluiaussisoitderetour,maisçanesemblepasêtrelecas.—Tuneveuxpasretournerenprison,j’affirme.—Jen’yretourneraipas.Je lui balancema bouteille à défaut d’avoir autre chose pour le frapper et jecraque.Jecrie,jerampepourm’enprendreàluimaisilmemaîtrisefacilement.Néanmoins,jemedébatsenl’insultant,enlaissantmesnerfscraquer,encriantetpleurantenmêmetemps.Ilm’allongesurlesol,lapoussièreenvahitmaboucheet je tentedecracher lorsqu’ils’effondresurmoipourm’empêcherdebouger.On reste unmoment commeça, je reprendsmon souffle en laissant la fatalitém’absorber.Jesenslesiensurmanuqueetplusbas,sondésir.—Laisse-moipartiretonoublieracetincident.—Tun’oublieraspas,jelesais.—Jet’aitirédessus,tum’asenlevée,onestquitte.—Cen’estpasaussisimple.—Çal’est,situmelaissespartir.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?!Jenecomprendscequileretientdemelaissertranquille.Sandersesoulève,ilmeretournesurledosetsonregardfouplongedanslemien.—Jenesaispas.C’estencoreplusflippantques’ilavaitdesplans.Jelèvelamainpourtouchersajoue,ilmelaissefaireenmedévisageant.—Jet’aiblessé?jedemandedoucement.Moncomportementadéclenchésondélireetj’aimeraiscomprendrecequej’aifaitdemalpouryremédieretlerassurer.—Tuasledroitdevouloirêtreheureuse.

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Pourtantilmeprivedecedroitenm’enfermantici.Sacontradictionmedéroute,jecroisquec’estcequ’ilvoudraitressentir,maisc’esttoutlecontraire.—Maisjet’aifaitmal,enlevoulant.Jesenssamâchoiresecrispersousmamain,sonregarddérivesurmeslèvresetje me souviens de ses baisers, de l’ardeur avec laquelle il m’a embrassée etcombienc’étaitbon.—Jesuisdésolée,jemurmure,jenevoulaispastefairesouffrir,jenepensaispasque…Ilselèved’unbondetretournes’asseoirsurletabouret.Ilallumeunecigarettealorsquejerampejusqu’aupilierpourm’yappuyer.Jen’arrivepasàlesuivre,àsavoircequ’ilveut,àcomprendrecommentcanalisersondélireetjenesaispassij’yparviendrais.Iln’aimepasqu’onapprochetropprèsdesoncœur,pourtantelleestlà,laclefdemaliberté,danscessentimentsqu’iltented’ignorer.Jedoisfaireensortedelesdéterrerpourgagnersaconfianceetsortird’ici.

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Chapitre16Sander

2002,Anderson,AlabamaJ’aifroidetsoif,mesbrasmefontmal,quantàmespieds,ilsn’enpeuventplus.Lepiredanstoutça,c’estqu’ilfaudrarentrer,aprèsfairelaroutedansl’autresensetjenesaispassij’yparviendrais.Jedonnedescoupsdemachettedanslesfourrésquinousentourentpourouvrirlamarche.Monpèrerâlequandjemetstropdetemps,maiscen’estpassimple.Jesuistroppetitencorepourporterlecorps,ils’enchargeetjenesaispassijeseraisunjourassezfortpourça.Elleestsursondos,enrouléedanslabâcheetharnachéeàmonpèrepourqu’ilaitlesmainslibres.Avant,ilvenaitseuldanscesbois,ildevaitpouvoirmanierlamachettelui-même.J’aidouzeansmaintenant,jedeviensplusactifdanssoncombatetçameplaîtqu’ilm’inclueàça,maisc’estépuisant.Jenem’évanouispluslorsqu’ilouvrelesfemmesniquandilcharcuteleurcagethoraciquepour en extraire leur cœur. Je le tiens dansmesmains, cet organequejepensaisplusgrostellementilfaitdebruitdansmapoitrinemaisiltientaucreuxdemespaumes.Parfoisj’ail’honneurdelemettredanslebocal.Jen’aimetoujourspaslapeurdansleurregardnileslarmes.Jehaisleslarmes.Je voudrais qu’on puisse chasser leDiable sans leur fairemal, sans qu’ellessouffrent,mais c’est impossible.Alors ellespleurent et ilm’est arrivéde fairecommeelles.Papam’apunipourçaetjen’aiplusjamaisrecommencé.Jesuisgrandmaintenant,jedoismecomportercommeunhommeetpluscommeunenfant.Jedoiscomprendrequelebienetlemalsontparfoisdeuxchosesquisebrouillententreelles.Jedoisfairefaceetnepasmelaisseratteindreparcequejecroispercevoird’elles.Cenesontquedesillusionspournoustromper.Debelles illusions qui fonctionnent quelquefois. Je dois encore m’endurcir,cependant,papaaditquebientôtjeseraiprêtàfairetoutçatoutseul.Porterlecorpsmefaitpeur,mesjambesnesupporterontpaslepoidsetpuis…une part de moi a peur qu’elle se réveille, qu’elle ne soit pas complètementmorte.Pourtantilfaudra,sijeveuxalleràl’école,jedoisréalisermonpremiersacrificeseuldeAàZ.etjeveuxalleràl’école,jeveuxapprendreetrencontrer

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d’autrespersonnes,avoirdesamisetsortirdelamaison.—Arrête-toi,ordonnemonpère.Je m’exécute et reprends mon souffle en détendant mes bras. Je me retournepour l’éclairer lui et sa boussole, il fait nuit noire ici, et les bruits qui nousparviennentlorsqu’oncessedemarchernesontpasrassurants.—Àgauche.Jetournedansladirectionindiquéeetreprendlaroute.Plusonavanceetplusc’est compliqué de se frayer un chemin, néanmoins, il insiste pour qu’onpoursuive. Il m’a expliqué qu’il fallait suivre un certain tracé pour les fairebrûler,onnepeutpastouteslesmettreensemble.Alorsmêmesic’esttoujourslemêmebois,cen’estpasaumêmeendroit.Papam’aditqu’ilmemontrerait letracédansl’avenir,qu’ilaunesignificationparticulièreetquej’auraisintérêtàlerespecteràlalettre.J’aiacquiescé,commepourtout.Auboutd’unecentainedemètres,ilmeditd’arrêter,quec’estlà.Jesoupiredesoulagement,néanmoins,ceseradecourtedurée,autourdenousiln’yaquedelavégétationàdétruireetensuite,untrouàcreuser.Je laisse tomber le sac contenant les pelles et le combustible, j’installe leslampestorchesautourdupérimètre.Monpèresedétacheducorpsquitombeausoldansunbruitsourdquimefaitsursauter.Je reviensvers lui,une foisqu’onaassezd’éclairage. Jemeprends lespiedsdans une racine etm’étale sur le cadavre. Papa rit alors que j’essaye demeredressersanslatoucher.Jen’yparvienspasalorsmesmainsseposentsurelleetjesenssoncorpstoutduretfroidmêmeàtraversleplastique.Ils’approcheenriant,j’essuiemesmainspleinesd’ampoulessurmonpantalonetsamainseposesurmonépaule.—Tudoisfaireattention,s’ilt’arrivequelquechoseicialorsquetuesseul,tumourras.Moncœurseréveillesouslapeurqu’ilfaitnaîtreenmedisantçaetjetentedela faire fuir, de me dire que j’y parviendrais, qu’avec l’habitude je cesseraid’êtredistrait.Jeseraiscommelui.—Auboulot.Ondoitfiniravantquelesoleilselève.Ilmedonnelamachetteet jecommenceàdéblayerlesolsurplusieursmètrescarrés.J’ail’impressionqu’onneverrajamaislaterre,qu’àcetendroitiln’yaquedesfougères,desbranchesetdesracines.Aucunsoldanslequelcreuser.Çame prend des heures pour simplement enlever tout ça. Papa ne fait rien, ilm’observeetdéplacecequejetranche.J’aimalpartout,moncorpsestfourbu,pourtantjecontinuesansriendire.Sijemeplains,jeseraipuni.Jemefaisla

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réflexionquelaprochainefois,j’emporteraiunegourdeavantdepenserqueceseraunpoidsenplusquejenepourraispasmepermettre.Mêmeundemi-litred’eau sera superflu. L’essentiel, seulement l’essentiel. Le corps, de quoi sediriger dans la nuit et de quoi creuser et brûler. Je boirai quand on sera deretouraupick-up.J’enrêveàcetinstant.—Çasuffit,ilfautcreusermaintenant.Ilprendlapelleetdonnelepremiercoupdanslesoldur.Cettenuitnevajamaisse finiret je suisépuisé.J’aienviedem’allongerdans le tasdevégétauxquemonpèreafaitetdormir.Jenedoispasflanchermaintenant,paslorsqueleplusdurestfait.Ilfautquejetrouveducouragepourcontinuer.C’estvraimentduret mes pelletées ne font pas avancer notre mission, je bouge des miettes,heureusementquepapaestlà, lui ilalaforce.Mesmainsmebrûlent, j’auraisdû prendre des gants, elles sont couvertes d’ampoules et d’égratignures,néanmoinsjechercheaufonddemoilaforcedepoursuivreetjelatrouve.Lapeurdelapunitionestunbonmoteur.Nousavonscreusésurenvironunmètrecinquantedeprofondeur lorsquemonpèredécidequec’estsuffisant.Jel’aideàmettrelecorpsdedansenlaprenantparlespieds,puisjem’assoisenfinen le regardant l’arroserd’essenceet lanceruneallumette.Les flammesjaillissent instantanément et il faut rester prudent.Même si on a fait en sortequ’aucunebrancheoufeuillen’entreencontactaveclebrasier,uncoupdeventpourrait tout changer. Je regarde les flammes vaciller, mon père fume unecigaretteen faisantpareil.L’odeurnousparvient,cetteodeurpestilentiellequirefilelanausée.Elleestcaractéristiqued’uncorpsquibrûle,lachairetlesanghumain rendent un fumet plus horrible que celui d’un cochon. Je porte mamancheàmonnezpournepas trop respirer cetair et je fixe les flammesquidansentsurcettefille.Elleétaitrousse,destachesderousseursurtoutlecorps,elleavaitunpiercingaunombriletlesdentsdubonheur.Jel’aitrouvébellelorsquejel’aiaccostéedanslarue.Etgentille,elleaessayédem’aideràretrouvermoncheminetpuismonpèreafaitlereste.Jecommenceàm’endormiràforcederegardercefeudansunsilencedemort.Les animaux ont déserté les alentours, apeurés par le brasier et j’ai hâte derentreràlamaison.Deprendreunedoucheetdemedébarrasserdecettecrasseetdecetteodeur.Monpèreluiresteimpassible,ilregardelecorpspartirencendressansbougeretce,durantdesheures.Jenesaispasàquoiilpense,peut-êtreàcequ’illuia

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fait,peut-êtrequ’ilpriepoursonâmedanssatête,peut-êtrequ’ilregrette.Papaneditjamaiscequ’ilressent,néanmoins,souventjelevoistristeouencolère,j’imaginequefaireçanerendpasheureux.Jemesouviensencored’avant,parfois,quandmamanétaitlà,quandelleétaitencorenormale,ilétaitdifférent.Onjouaitensemble,aufootdanslejardin,mesmainsétaienttroppetitespourleballonetilriaitquandilm’échappait.Onnejoueplusaujourd’hui.—Elleestoù,maman?Mavoixbriselesilencequis’étaitinstalléautourdufeuquicrépite.Satêtesetournedansmadirectionaveclenteuretmoncorpsfrissonnemalgrélachaleurqu’onacréée.Jenesaispaspourquoijeluiaidemandéça,iln’aimepasquejeparled’elleethabituellement,jeprendsuneclaquequandj’oselefaire.— Pas dans ce bois, il répond simplement avant de retourner à sacontemplation.Jem’interrogesurlelieuoùill’alaissée.J’aimeraissavoirpourallerlavoir.Elle n’est plus le mal maintenant qu’elle est morte. Elle est redevenue mamaman.Pourtant,jen’insistepasetjefinisparm’endormir.Jesuisréveilléparuncoupdepieddansmonventrequimefaitsursauter.Ilfaitjour, de la fumée s’échappe encore des cendres dans le trou et mon père mesurplombeaveccolère.—Net’endorsplusjamais.J’acquiesceenmelevant,jevacilleunpeu,encoreprisdanslesommeil.Ilmetendunepellepourqu’onreboucheletrouetensuite,onrentrera.Mesmainsneveulent pas, la douleur finit de me réveiller et je m’exécute. On terminerapidementenremettantlavégétationpourcouvrirnostracespuisonrepart.La nuit a été longue et on commence la journée par quelques kilomètres demarche jusqu’à la voiture. Mon père efface les traces de notre passage enessayantderemettrelesfourrésenplacemaisaucunhumainnes’aventuredanscettepartiedubois.Elle est trop sauvagepour lesbalades, seuls lesanimauxhabitentceslieux.Ilestpresquehuitheuresquandnousparvenonsàrejoindrelepick-up,papaesténervé,lajournéeestavancéeetdespromeneursontpuvoirlavoiture.Cen’estpas bon, il répète sans cesse sur la route qui nous ramène à lamaison, c’estdangereux et c’est ma faute. J’ai bu un litre d’eau sans m’arrêter tellementj’avais soif etmaintenant, jeveuxunedoucheetmon lit.Maismonpèren’estpasdecetavis,unefoisarrivéàlamaisonaprèsdeuxheuressupplémentairesderoute,jen’aipasledroitdemonterdansmachambre.

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Ildésignelesous-solenclaquantdesdoigts.—Tuirastecoucherquandtoutserapropre,pasavant.J’aienviedepleurertellementmesnerfssontprêtsàcraquer,jesuisépuiséetjeluttepour tenirdebout.Mais jedois le faire, lapunitionpourrait êtrepire. Jedescendsàlacaveentraînantdespieds,enrefoulantmessanglotsquimenacentdesortir.J’inspirelourdementplusieursfoispourfairetairecetteenviedetoutfoutreenl’airpourallersimplementdormir.La cave est propre, dumoins le sol puisqu’il y avait la bâche. Ilme reste lesinstruments à nettoyer et préparer l’endroit pour la prochaine femme quiviendrasefairearracherlecœur.

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Chapitre17Elsa

Sandermejettesurlematelasplusqu’ilnem’ydépose,jetentedemaintenirlaservietteautourdemoipournerienlaisserparaître.C’eststupide,ilm’avuenueil n’y a pas trente secondes lorsqu’ilm’a laissée prendre une douche.Mais lapudeurvaetvientselonlessituations.Ilfouilledansunsacetmejetteunsweatainsiqu’unbasdesurvêtement.Toutestbientropgrandpourmoi,maisc’estpropre,c’esttoutcequim’importe.Ça fait trois jours maintenant qu’il me retient captive et je ne sais plus quoipenser.Iln’estpasméchant,justedistant.Ilmenourritmeportepourallerauxtoilettes,melaisseprendreunedoucheetmegardedanssachambrelajournéequandilestoccupéàretapersamaison.Jecroisque,siunjour,jedoisracontercettehistoire,ceseralacaptivitélaplusfarfeluequ’onauraentendue.Mêmemoi,jenesaispasquoienpenser.J’essayede lui parler mais il se ferme, il n’est plus comme avant. Pourtant je tenteplusieurs foisdepercer lacarapacequ’il sembleavoirmiseautourde luimaisrienn’yfait,elleesttropsolide.Jem’habille pendant qu’il continuede repeindre lemur.Ce sera gris, terne jetrouve,jemedemandecequ’ilyavaitcommepapieravant.Jepeineaveclesurvêtement,jem’habilleassisenormalement,c’estplussimplepourmoi et jeme soulève avec un bras pour remonter le vêtement sousmesfesses,maislà,jen’aiaucuneprisesurlematelastropmou.Sandersoupire,lâchesonpinceauetgrimpesurlelitimprovisépuis,ilsaisitlepantalonetleremonted’uncoupensoulevantmeshanches.—Jepeuxavoirdeschaussettes?—T’asfroid?Iln’yapasdechauffageici.Je souris, en secouant la tête négativement, il semble embêtédemegarder aufroid.—Chezmoi,ilyena.Sanderserefermeaussitôt,ilselèveetpartfouillerdanssonsacdenouveauetunepairedechaussettesatterritsurmatête.—Jen’ai pas froid, je reprends, pas auxpieds, je ne le sentirais pas de toutefaçon,jedoismefieràlatempératureduhautdemoncorpspourlesavoir.

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Ilreprendsonrouleauetpoursuitsapeinture,jeleregardefaire,Poufsouffleestparti sepromener,d’habitude il est avecmoi sur lematelas.Les journées sontlonguesici,jem’ennuiefermeetjem’inquiète.Johnn’estpasvenu,jen’aipasentendusavoitureetjesupposequedemain,mesparentsneseprésenterontpasnonplus. J’ignorecequ’il leur aditmais ça fonctionne, la seuleéchappatoirequ’il me reste c’est Cul-serré432, il est susceptible de s’inquiéter si je nerépondspasàsesmessagessurleforum.Lerestedumondenesepréoccuperapasdemoi,toutcommeGraham,celuiquejedevaisrencontrer,ilpenseraquejemesuisdéfilée.Jesuiscoincéeetj’enaimarre.JefixeledosdeSander,ilaattachésescheveuxetj’arriveàletrouversexymalgrétout.—C’est comme ça que tu les torturais ?Ces femmes, c’est ce que vous leurfaisiezavectonpère?Ilsefige,lerouleauluiéchappedesmainsettombesurlabâchequ’ilainstalléeausol.Moncœurbatplusfort,jejoueaveclefeu,maisqu’ai-jeàperdre?Laviemesoufflemaraison,lavie,bordel!Ilseretourne,sonregardseplantedanslemienetmefaitfrissonner.—Tuveuxessayer?Savoixesttendue,soncorpsaussialorsqu’ils’approche.Ilmontesurlematelasetjemeratatinejusqu’àêtrecomplètementallongée.Sandermesurplombesanspourautantmetoucheretjeregrettedéjàmesparoles.—C’estçaquetuveux,l’emmerdeuse?Quejetetorture?Çat’exciteraitautantquedemevoirmebattre?Je secoue vivement la tête en déglutissant, non ça m’effraie et ça ne me faitaucunautreeffet.—Certainesl’étaient,malgréelles.Ilfixeunpointau-dessusdematête, l’airperdudanssessouvenirset jen’osemêmepasimagineràquoiilpense.—Parfois,c’estplusfortquenous,jemurmure.Sanderreprendpiedavecleprésent,samainselèveetmefaitsursauter,commes’ilallaitmedonneruncoup,maisilcaressemescheveuxseulement.—Jetefaispeur?Jehochelatête,biensûrqu’ilm’effraiealorsquej’ignorecequ’ilcomptefairedemoi.—Jeconnaisça.Ilserelèvelestementetjelaisseéchapperunsouffledesoulagement.—Tuaimesquej’aipeurdetoi?

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—Avant,tun’avaispaspeur.—Avant,tunemeséquestraispas.Onsedévisageensilence,jecomprendsquemapeuralimentesondélire,avantje n’hésitais pas à l’envoyer balader quand il le fallait et je lui tenais tête.Aujourd’hui, je dois ressembler à ces femmes qu’ils ont tuées, une victimeapeurée.Lebruitd’unmoteurenapprochenoussortdenotrebataillevisuelle,monregardseporteverslafenêtremaisàpartlecielgris,jenevoisriend’ici.—C’estMickey,ildevaitvenirm’aiderceweek-end.Un espoir naît enmoi en l’écoutant couper lemoteur, une fois garé devant lamaison. Sander attrape un t-shirt etmonte sur le lit. Il tente deme l’enroulerautourdelabouchemaisjemedébatsetjecrie.Cettemaisonestuneruineauxmurs peu épais et avec le silence aux alentours, il peutm’entendre.Sander seredresse,ilmeretourneviolemmentsurleventreetplacemesmainsdansmondos,seulementj’aiencoredelavoix.Ilm’attacheetjehurle.J’entendslaported’entrée et Mickey s’annoncer. Ma tête finit dans l’oreiller et mes cris sontétouffés.—Tais-toi,ilmurmureàmonoreille.—Sander?T’esenhaut?Je tente comme je peux en gesticulant le haut demon corps d’échapper à saprise,j’aibesoind’airetjesuffoque,maisSandernecèderien.—Va-t’en,dit-ilàsonami,j’aibesoind’êtreseul.—Toutvabien?—Oui.Casse-toi,jeveuxêtreseul.SontonnelaisseplusdedouteàMickeysurlefaitqu’iln’estpaslebienvenu.Jesuisentraindemourirdumanqued’airetjemesenspartir,j’espèrequesonamivasortirdelamaisonpourquejepuisserespirer,jen’aimêmepluslaforcedemedébattre,matêteparaitpeserdestonnes.Jen’entendsplusrien,puisl’airrevient dans mes poumons et j’inspire lourdement. Sander m’a retournée,j’aperçois son visage au-dessus de moi, mais c’est flou. Je crois qu’il parle,cependant,dansl’immédiatàpartrespirer,jenepeuxrienfaired’autre.Ildéfaitle lienquimaintenaitmespoignets liés, jesuffoqueet tousse,moncœurbatsifortquej’enaimaletlapeurnemequittepas.—Respirecalmement,dit-ilenmeredressantcontrelemurdansmondos.Jeledévisageenprenantdelonguesinspirations.Ilauraitpumetuer.Unefoismespoumonsremplismesnerfscraquentetjememetsàlefrapperdetoutes mes forces, mais encore une fois, je suis faible face à lui. Je déteste

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tellement ça, être inefficace à me défendre, n’avoir aucune emprise et êtrecaptive. Je veux que ça s’arrête, je veux qu’ilme relâche et retrouverma viepaisible d’avant lui. Il n’y avait rien, c’était plat, mais je ne risquais pas demouriràchaqueinstant.Aujourd’hui,jenemesensplusfortefaceàlui,bienaucontraire,jemesensridiculementfaible.—Calme-toi!ilcrie.Jemefige,sesmainsaccrochéesàmespoignets, ilmemaintientallongée,soncorpssurlemien.—Elsa,respirecalmementetcalme-toi.Ildéconne,cen’estpaspossiblederester impassibleaprèscequ’ilvientdesepasser,ilvatroploin.Maisjedoistrouverunmoyendel’atteindre,deleforceràme relâcher parce que je ne vais pas survivre longtemps dans ces conditions.Moi aussi, je vais vriller et on sera deux fous enfermés dans cettemaison del’horreur.Jesensdes larmess’échapperdemesyeuxetcoulersurmesjoues,Sander lesfixe silencieusement et son visage si dur l’instant d’avant semble à présentpartagermadouleur.—Nepleurepas.Je baisse mes paupières en sentant mon cœur réagir à ses paroles et à sonexpression tourmentée. Je ne veux rien ressentir que de la haine pour lui,pourtantilparvientàmetoucher,mêmemaintenant.Jesuistarée,c’estcertain.Néanmoins, voir un homme comme lui être désemparé par des larmes, ça nelaisse pas insensible. Sa prise surmes poignets se desserre et je récupèremesmains, ces connes n’hésitent pas une seconde, elles attirent Sander dans uneétreintesuffocantealorsque je reprendsàpeineunerespirationnormale. Ilesttendudansmesbrasmaisilselaissefaire.Jel’encercleetpleuresursonépaule.Sanderroulesurlematelasavecmoncorpssurlesienetc’estluiquimeserrecontreluiàprésent.—Qu’est-cequej’aifait?Ilmurmure, toutefois je perçois la stupeur dans ses paroles qu’il dit encore etencore, comme s’il reprenait contact avec la réalité. Je redresse la tête pourl’observer,cethommemetue.Pourquoij’aimaldelevoircommeça?Pourquoiçametoucheautantdesentirqu’ilsebatcontrelui-mêmeetpluscontremoi?C’est terrifiant de constater à quel point il est perdu entre passé et présent etcommecequ’ilavécul’atraumatisé.Ilparaissaitsifortavant,siindestructibleetlà,jelevoissedémontertotalement.Çamebroielecœurd’assisteràsachute,àlaremontéedessouvenirsquifloutentlaréalité.

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Ilestderetour,lui,Sander,monemmerdeurdevoisinàl’absencedetact.Maisceretourfaitmal.Sesmainssaisissentmonvisageetsesyeuxbrunsmedévisagentavecdémence.—Jevaisbien,j’affirmed’unevoixtremblante.—Putain!J’étaissûrqu’ilyavaituntruclouche!Onsursaute,nosvisagessetournentversl’entréedelachambre,Mickeyestlà,leregardeffaréfaceànosdeuxcorpsl’unsurl’autre.Ils’approcheetjetendslamainenvoyantqu’ilcomptemedéloger.—Toutvabien,jeconfirme.Ilnesemblepassavoirquoifaireetplusétrange,Sanderneditrien,ilnebougemêmepas.—Qu’est-cequet’asfait?—Est-cequetupeuxsortir,s’ilteplaît?Mickey me dévisage les yeux grands ouverts, l’air de se demander ce quidébloquechezmoipourvouloirresterseuleavecsonami.Jenesauraispasquoirépondre, jesais justequ’ilnevapasbienetqu’onn’apasbesoinde luidansl’immédiat.—Tuessûredetoi?ilm’interrogegravement.Jehochelatête,etaprèsquelquessecondessupplémentaires,Mickeysortenfinennousinformantqu’ilnousattendenbas.JesoupireetmeconcentredenouveausurSander.—Est-cequeçava?—J’auraisputetuer.—Tunel’aspasfait.—Elsa…Sesyeuxparcourentmonvisageavec lamême lueurde folie face à ses actes,puiscontretoutesattentes,Sanderenfoncesamaindansmescheveuxetm’attireà lui.Sabouches’écrasesur lamienneavecunetelleforcequeçamedéroutecomplètement. J’ai du mal à le suivre, pourtant je me laisse emporter par cebaiserimpitoyableetquiluiressemble.Jemerendscomptequ’ilestréellementderetouralorsquenoslèvressesoudentetjerepenseàsesparolesàproposdesbaisers, de l’importance qu’ils ont. Combien de femmes a-t-il embrassées ?Combienontsenticettelanguefairechavirerleurcœur?Probablementpeu,cequimelaissepenserquec’estunechancemêmesicethommem’enfaitvoirdetouteslescouleurs.Sander s’éloigne un peu, je ne sens plus que son souffle court surmes lèvresavantqu’ilneposesonfrontcontrelemien.

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—Je t’aimis dansma cave, je t’ai…et toi tu t’inquiètes de savoir si je vaisbien?Qu’est-cequidébloquecheztoi,l’emmerdeuse?Jesouris,jel’ignoreréellement,jecroisquejen’aipasenviedesavoirparcequedepuisqu’ilestentrédansmavie,ellearadicalementchangé.Jefaisdeschosesquin’ontpasdesens,jemelaissealleràressentirdeschosesinéditesetj’agissansréfléchir.— On devrait descendre pour rassurer Mickey, ensuite j’aimerais vraimentrentrerchezmoietonpourraparler.—Jen’aipasenviedeparler.—Jesais,voisçacommeladetteque tuasenversmoi,parcequemoi j’enaibesoin.Sander se redresse tout enmegardant dans sesbras, il s’assoit sur le borddumatelasetj’atterrissursesgenoux.—Jepayetoujoursmesdettes,dit-ilendégageantlescheveuxquimetombentsurlevisage.J’espèrebienetmêmesiçaal’airdel’emmerder,illefera.

***On descend, du moins Sander me porte pour descendre et rejoindre Mickey,installésur levieuxcanapédans lesalon. Il se lèved’unbondennousvoyantentrer.Sandermeposesurlecanapéetleshostilitéscommencent.—Qu’est-cequet’asfait?—Ellevabien.Lereste,çaneteregardepas.Mickeyestenrogneiln’yaqu’àvoirsoncorpsquinetientpasenplace,illâchesacolèresursonamienlepoussant.JevoisSanderperdresesmoyensàsontouretj’aienviedetout,saufd’assisteràleurdispute.—Unebonnefoispourtoutes,jevaisbien!Lesdeuxsetournentdansmadirection.—T’aspasl’air,tonneMickey.Etjesaiscequ’ilfaitauxfemmesqu’ilemmènedanscettebaraque.Il rejette son attention surSander qui passe lesmains dans ses cheveux ennesachant pas quoi répondre. Alors c’est ça, c’est pour ça queMickey n’a pascherché à comprendre ce qu’il se passait, parce que Sander n’emmène desfemmesiciquepourlestuer.

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—Paselle,ilrépond.Mickeysemetàrirenerveusementenlevantlesbrasenl’air,ilnelecroitpas.—C’estunefemme,Sander,mêmehandicapée,çan’enrestepasmoinscequetudétestesetexploites…Iln’apasletempsdefinirsaphrase,Sanderl’empoigneparlecoldesavesteetluiassèneuncoupdetêtebrutal.Jesursautedevantlaviolencedel’acteavantdesentirautrechosenaîtreenmoi.Ohnon,pasmaintenant!—Dégagedechezmoi!Mickeya lamainsursonnez,unfiletdesangcoulesurses joues. Ildévisagesonamiaveccolère.—Passanselle.—Jeneveuxpaspartir.Ilsetourneversmoi,sonregardmesonde,jehochelatêtepourluisignifierquetoutvabienunefoisdeplus.C’estgentildesapartdes’inquiéterpourmoi,etiln’imaginepascommesavenuea changé les chosesetm’a sauvéeenquelquesorte. Néanmoins, avant que les choses ne s’enveniment un peu plus, il estpréférablequ’ils’enaille.Etpuis,s’ilssebattentencore,jenepourraispasfairefaceàcequeçadéclencheenmoi.—Jevaislaramenerchezelle,situn’aspasconfiance,passecesoir,elleysera.—Etsitulatuesentretemps?—Putaindemerde,Mickey, jenevaispas la tueralorscasse-toiavantquecesoittoiquejebute!Ils s’affrontent encore quelques secondes puis Mickey s’en va enfin enconfirmant qu’il passera ce soir s’assurer que je vais bien. Je soupire etm’affaissedanslecanapé.Cettejournéeestuncalvaireémotionnelquin’enfinitpas.Sanders’approche,ilmeprenddanssesbras,sonvisagearriveàhauteurdemesyeuxetjevoislamarquerougesursonfrontlaisséparlecoupqu’illuiadonné.Mesdoigtsnepeuvents’empêcherdelatoucheretmoncorpsfrissonnerenmerepassantlesimages.—Tu veux toujours parler ? il demande ne voyant pas que je pars dansmesfantasmes.Jebaisselesyeuxenmesentantrougir, ilavanceetnoussortonsdelamaisonpour rejoindre la mienne. L’air frais me fait un bien fou et coupe court auxdéliresdemonesprit.Ilesttempsdes’expliquer.

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Chapitre18Sander

L’emmerdeusetournesurelle-même,ellevamêmejusqu’àfairedudeuxrouestellementelleestcontentederetrouversonfauteuil.Jemerendscomptequ’enfait,cesontsesjambesqu’elleretrouve.Sanscetruc,elleestclouéeausol.Elleterminedevirevolterdanstouslessens,Poufsouffleestrentrédesabaladeetparaitraviqu’ellesoitderetouràlamaison,illuifaitlafêteavantd’allerseterrerdanssonpanier.Elsa s’approchede la table à laquelle je suis assis, ellem’observeunmomentdanslesilenceetj’aidumalàaffrontersonregard.—Duthé?Jehausseunsourcildevantsaquestionbienterre-à-terremaisj’acquiesce,çaval’occuperunmoment,peut-êtrequ’elleenabesoin,danstouslescas,moij’enaibesoin.J’allumeunecigarette,jel’entendssoupirerdepuissacuisineetellepartouvrirlafenêtre.Jesuisnerveux,j’ail’impressionderedescendred’unbadtrip.C’estengroscequ’ils’estpassécesderniersjoursetçamefaitflipper.Depuis l’arrestation de mon père, les révélations qui ont suivies etl’effondrement de mon univers, j’ai tout refoulé au plus profond de moi. Jedevaisavancer,m’occuperdemavieetnepasressasser lepassé.C’étaitde lasurvie,unmoyencommeunautredecontinueralorsque toutdisparaissait.Enprison,onsurvit,onnes’étalepas,onsemetdecôtépourpenseràl’essentiel,resterenvieetdepuisquejesuissortitoutestdifférent.Cen’estpassisimpledese réadapter, de faire face à ce que j’ai vécu et àmes racines.Monpère auraréussiaumoinsça,ilaurachangémafaçond’être,ilm’auraéloignédumonderéeletjesuisencoreaujourd’huiinadaptéàmonenvironnement.Entauleiln’yavaitpasdefemmes,pasdetentations,pasdemoraloudesentiments.Quedelahaine,cequejeconnaisparcœur.L’emmerdeuserevient,unplateausurlesgenoux,ellen’arrêtepasdesourireetjen’arrêtepasdepenseràcequej’aifait.Cequejeluiaifait.Elleadormidansmacave.Leplateauatterritsur la table,ellemedonneune tasse toutedroitsortied’unedînette etmêmeun cendrier.Elsaprend sa tasse et savoure sa chaleurdans le

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silenceembarrassant.— J’aime mon chez-moi, elle commence, c’est mon havre de paix loin dumonde et des autres. Jeme suis toujours sentie en sécurité ici,même si c’estisolé.Peut-êtremêmequec’estpour çaque jem’y sensen sécurité.Personnepourjugeroumefairedumal.—Avantmoi.—Oui,avanttoi.—Jesuisdésolé.Jecroisquec’estlasecondefoisdemaviequejem’excusedevantunefemme.Laprécédenteétait attachée sur lacroixet sesyeux imploraientmaclémence.L’emmerdeusen’implorerien,elleexpliqueleschosescommeellessontetjenecomprendspas tropceque je fais là, àboire le thé avecelle au lieud’être entaule.Pourquoiellen’appellepaslesflics?—Jesaisetjetecrois.—Çatesuffit?—Non, pas du tout. Je veux comprendre ce qu’il s’est passé pour que tu enarrives là. Je ne te pardonne pas, Sander, je crois que je ne pourrais jamaispardonnercequetum’asfait,maisjeveuxcomprendre.Elleestdirectetc’estnormal,jen’arriveraijamaisàmepardonnermoi-même.—Pourquoi?—Tusaispourquoi.J’affrontesonregardvertencorerougiparleslarmesqu’elleaversées.Ellesaitparfaitementcequim’adéconnectédelaréalité,cequim’arendusitenduquetoutest remonté,ceque jesuis,comment j’aiétéélevéetceque j’ai faitdansmonenfance.C’estelle,lacause,c’estcequ’ils’estpasséentrenousetquinem’apaslaisséindifférent. C’est ma peur de faire confiance à une femme et d’avoir dessentimentspourelle.C’estavoirl’impressionqu’ellemetrahissaitenvoulantunautremec.Bordel!—Non,jenesaispas,parcequejen’airienfaitdemal,rienquimériteunteltraitement.—Jesais.—Sander,j’aibesoindecomprendre,desavoirquecen’estpasmafauteet…—Cen’estpastafaute,jelacoupe,ceneserajamaistafautesijenetournepasrond.Elleposedoucementsatasse,j’écrasemaclopeetenrallumeunedanslafoulée.

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Cetteconversationmestresse,parcequejesaiscequivaensortiretjenepensepas être prêt à ça. Je pourrais lui faire dumal encore, je pourrais vriller à lamoindrecontrariétéetceseraitellequienpayeraitleprix.Etjusqu’oùj’irailaprochainefois?—Onestd’accordlà-dessus.Néanmoins,jeveuxsavoircequiadéclenchétoutça.Jefumefrénétiquementenl’observant,elleesténervée,jelevois,sonregardmefusille et elle a de quoi.Néanmoins, je n’ai pas envie deme faire décortiquerl’esprit.—Sander,ellereprend,tum’asséquestréedanstacave…—Pasbesoindemerappelercequej’aifait.—Etbienmoi,j’aibesoindeledire,d’enparler,decomprendreparcequej’ail’impressiond’êtredansuncauchemar!Jemelèveavecl’enviedepartir.—Restelàetréponds-moi.—Jen’aipasderéponses,l’emmerdeuse,c’estarrivéetj’ensuisdésolé.Elle roule jusqu’àmoi, je baisse les yeux pour la suivre, les siens brillent delarmescontenuesetj’espèrequ’ellenevapassemettreàpleurer.—Tunepeuxpascontinuercommeça,fairecommesic’étaitnormal,çanel’estpas et qui sait ce que tu feras si ça recommence. Sander, il faut que tu fassesquelquechose.—Onnechangepaslepasséettulesais.Jenepeuxpaseffacercequej’aifait.—Çaneveutpasdirequ’onnepeutpasapprendreàvivreavec.Jen’aipeut-êtrepascetteforce,cecouragedem’endéfaire,defaireensortequecenesoitpascequidoitmedéfinir.Jenesaispascommentfaireensortequeçan’interfèreplusdansmavie,jepensaisquec’étaitaussisimplequedeneplusypenser.Maisçarevient,c’estmoi.—J’étaisjaloux,jefinisparluirépondre,voilà,t’escontentemaintenant?Ellemeregardeétrangement,ellesavait,ellevoulaitjustequejel’avoue.—Non, je ne suis pas contente. Tum’as faitmal, Sander, pas physiquement,maisonneressortpasindemnedecequetuasfait.Jen’aijamaisfaitfaceàmaculpabilité,j’aiétéexemptéduprocèsdemonpèreet j’ai fui tout ce qui se rapportait aux victimes. Encore à l’époque je n’étaiscoupablederienauxyeuxdesautres,c’estmaintenantquejelesuis.Faceàelleetsapeurencorepalpable.Je fais demi-tour pour sortir,mais elleme retient de nouveau. Jem’arrête enrestantdedos.

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—Nevienspasdemainnilesjoursd’après.Jenevaispasdétruiretoncontratetsitoncontrôleurjudiciairevient,jeluidiraisquetutravaillestoujourspourmoi,maisjeneveuxpasquetuviennes.Jeneveuxplus,Sander.Jefermelesyeuxensentantmoncœursebriser, jesuisallé trop loinetellearaisondemettredeladistanceentrenous.Ellesepréserveet jenedevraispasluienvouloirpourça.Cen’estpasaussisimple,commetoutcequejeressensdepuisqu’elleestentréedansmonexistence,toutescescontradictionsentreelleet ce que je suis, ce qu’elle fait et ce qu’elle dit.Rienn’est simpledans cettefoutuevie,parcequ’elleestréelle,parcequejepeuxblesserdesgensetquejenesaismêmepascommentyremédier.L’emmerdeusesaitetçafaitmalqu’elleme rejette. C’est la deuxième fois et je n’agirais pas comme la précédente.Mêmesiunepartdemoiseditqu’enferméechezmoi,ellem’appartient.Jesorsrapidement,avantqu’ellenediseautrechoseouquejevrilledenouveau.Jefilechezmoirécupérermesclefsetmoncasque,puissansréfléchiràl’endroitoùjevais,j’enfourchemamotoetjepars.

***J’airoulé,beaucouproulédanslesenvirons,surdesroutesdésertesoùjepeuxlaisser mon moteur s’exprimer sans risquer de croiser une voiture. J’ai lesjambeset lesbrascongelés,maismes idéesnesontpas refroidiespourautant.Ma tête est trop pleine, je n’arrive pas àme défaire de ce que j’ai fait, alorsqu’avant, je me foutais de qui je pouvais blesser. L’emmerdeuse a planté sagrainedansmoncerveauetl’imagedesonvisageravagéparlapeurnedisparaîtpas.Je me gare devant le dîner et coupe le moteur. Il y a du monde et on vaprobablementmedégageravantmêmequejeneposeunpiedàl’intérieur.Jemontelesdeuxmarches,ouvrelaporteetfaistinterlacloche,lebrouhahadesconversationss’arrêtesoudainementetunsourirenaîtsurmeslèvres.Ça,jesaisl’affronter,ilenatoujoursétéainsi,c’estnormalpoureuxcommepourmoidemedétester.JerepèreMickey,assisàunetable,unhamburgeretdesfritesdevantlui.Jelerejoins,j’aivusavoitureenpassantdevantlerestaurantetjemesuisditqu’ons’étaitquittéunpeuviolemmentcematin.Ilseredresselorsquejem’assoissurlabanquetteenface,unpansementsurson

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nezgonflé.Monamimefusilleduregard.—Çava?jedemandeendésignantsonvisage.—OùestElsa?—Chezelle.Envie.Ilmedévisageenfinissantdemâcher,jehausselessourcils,jen’aimepasqu’ildoutedemoi.—Ellevabien,j’insiste.Mickey finit par acquiescer et continue de manger. Personne ne vient medemandercequejeveux,etjenem’enformalisepas.—Qu’est-cequ’ils’estpassé,Sander?Etnemedispasqu’elleétaitlàdesonpleingréouquet’as…unequelconquerelationavecelle,jenetecroiraispas.Jetapedanssesfrites,ilmefusilleduregard,puisj’attrapesonsodaetenboislamoitié.Mickeyperdpatience.—J’aicouchéavecelleet…Etjenesaispascequ’ils’estpassépourqueçaaitpriscetteimportance,quelpouvoir elle a développé pour m’avoir ensorcelée de la sorte. Je pensais quec’étaitréciproque,quepourelleaussic’étaitdifférent,maisiln’yaquemoiquiadéliré.C’étaitjusteuneétapepourl’emmerdeuseetj’auraisvouluressentirlamêmechose.—Etquoi?—Etc’esttout.—Sander,ilsoupire,onestpotes,tupeuxtoutmedire.—Necommencepas,jel’aibaisée,elleveutplusdemoietvoilà.Ilserecalecontrelabanquettecommesijel’avaisfrappé.Sesyeuxsontgrandsouvertsetjecontinuedevidersonpanierdefrites.—Elleneveutplusdetoi?—J’aiététroploin,jeluiaifaitpeur.—Comment?—J’aipasenvied’enparler.—Elleneveutplusdetoi,ilrépètel’airderéfléchir.—Est-cequetuvasencorelerépéter?—Parcequetoi,tuveuxd'elle?Saquestionmefigeuninstant,parcequelaréponseestoui.Oui,jeveuxd'elle,pour autre chose que baiser et bosser. Je veux d'elle, mais je ne saurais pascommentfairenimêmeparoùcommencer.Jenelesavaispasavantdel'enlever,àprésentc'estfoutu.L’emmerdeusenemepardonnerapasmaconnerie.—Non,jerépondsfinalement.

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Mickeysortdesbilletsdesapochequ'illaissetombersurlatable,puisilselève.—J'aibesoind'untrucplusfortquedusodapourpoursuivrecetteconversation.Ilmefaitsignedemelever.Jelesuisetnoussortonsdudîner.Mickeysaluelaserveuseen lanommantpar sonprénom,elle lui sourit etm'adresseun regardnoir.Jetendsmonmajeuràlarondeenguisederéponse.Unefoisdehors,onnevapastrèsloin,justeenface,aubar.Mickeyest commechez luidans tous les commercesde laville, il abeaumefréquenter,onlerespectequandmême.On s'installe au comptoir, le fond de la salle est occupé par les sportifs quis’égosillentdevantunmatchdefootballetquelquesautresclientstiennentlebar.Lebarmans’approche,ilaunmomentdesurpriseenmevoyant.—Mickey,dit-ilàmonami,jenecroispasquecesoitlemomentpour…Ilmedésignedumenton,commesijenepouvaispaslevoiralorsqu’ilestjusteen face de moi, puis il se tourne vers le fond pour montrer les mecs bienéméchés.—Çavaaller,Paul,sersnousàboire.Whisky.Lebarmanhésite,sonregardsombremefaitbiencomprendrequej’aiintérêtàmetenirtranquillesijeveuxresterici.C’estbienmonintention,jefaiscequejen’avaisencorejamaisfaitavecmonami,boireunverredansunbaràAnderson.Lewhiskyarrive,ontrinqueavantd’enfiler l’alcool.Lesverressevidentetseremplissentaussitôtet jedécouvre les joiesde l’ivresse.L’engourdissementdemesmembres,l’absencedepenséescohérentesdansmatêteetcettesensationdeplaner au-dessus du monde. Mon père m’aurait tué si j’avais été bourré plusjeune ou défoncé à quoi que ce soit. C’était un risque que je ne pouvais pasprendre, ivre, on nemaîtrise pas ce que l’on dit et dansmon cas, j’aurais pusignerlafindesessecretsetdesmiens.—Putainmec,melanceMickeyenfrappantlourdementmonépaule, t’esdéjàraide?Jeleregardeenessayantdecroisersonregard,maisilsemblebougeràchaquefoisquej’arriveàl’attraper.Ilritetmefrappeencoreetencorel’épauleetouais,jecroisquejesuisfait.—Allez,dis-moic’estquoileproblèmeavecElsa.Je me fige, mon énième verre à la main, je n’ai pas envie de parler del’emmerdeuse, de ce qu’il s’est passé et de comment je me sens. J’ai envied’oublier, enviedechasser lavoixenmoiquimedit sanscessequec’estunetraîtresse,qu’ellen’estpasdignedeconfianceetqu’elleaméritécequejeluiaiefait.C’estfaux,bordel!c’esttotalementfaux!Elleaétélaseuleàmedonner

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unechance,àessayerd’oubliermonpasséetàcroireenmoi.Laseule.Etjeluiaifaitdumal.—Elleméritequelqu’undebien.—Quoi?J’inspireensortantl’emmerdeusedematêteunebonnefoispourtoutes.Jelèvemonverre et trinqueunenouvelle fois avecMickey.Onboit encore et encorejusqu’à ceque je n’aie plus aucunepensée cohérente etmêmeElsa s’échappedansunnuaged’ivresse.

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Chapitre19Elsa

Unesemaineplustard,Jen’aipasletempsdefinirdetapermonmessagequemontéléphonesonne.Jejetteunœilàl’écran,jenereconnaispaslenuméro,maisj’aiunepetiteidéedequim’appelle.Alorsjedécroche.—Est-cequet’esdevenuecomplètementfolle?Je souris,malgré le ton alarmant, çame fait plaisir de l’entendre, je crois quedepuis qu’on se connaît, c’est la deuxième fois que j’entends sa voix. Oncommuniqueuniquementpar écrit habituellement, j’ignorepourquoi, sûrementqu’onestplusàl’aiseavecdesmotstapésqueprononcés.—Elsa?—Non,jenesuispasfolle,seulementjeveuxquecettehistoiresetermineetsijeporteplainte,çan’enfinirapas.J’airacontéàCul-serré432cequ’ils’étaitpasséavecSander,parcequej’avaisbesoindetoutdire,d’exorciser,desortirçademoietdemettredesmotssurcequisembleêtreuncauchemar.C’estbienlaréalitéceladit,etelleestterrifiante.—Cen’estpaspourça.—Si,c’estfini.—Tunepeuxpaslelaissers’entirercommeça!—C’estpourtantcequejevaisfaire.Ils’enveutassezpourquejeneremuepaslecouteaudanslaplaie.Ilauraitpumetuer,justepours’assurerqu’iln’yauraitaucuneconséquence,ilnel’apasfait.—Est-cequetuvasluidiremercidet’avoirépargnée?—Non,cen’estpasceque jeveuxdire,et tu lesais.Seulement,cen’estpasaussisimplequetulepenses.—Elsa…tusaisquetuparlescommecesfemmesqui…—Arrête,s’ilteplaît,jesaiscequejefais.Lesilences’installe,jel’entendssimplementsoupireretjesaisparfaitementcequ’il pense. Que je suis une victime qui cherche des excuses à son bourreauparce qu’elle a des sentiments pour lui. Ce n’est pas le cas, dumoins, pas lapartievictime,parcequejeneluiaipaspardonnécontrairementàcequ’imagine

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monami.Jechangedesujetpourcomblerlevideetéviterderessasserenluidemandantdeme raconter sa dernière expédition.On passe les vingtminutes suivantes àrire de ses pitreries et de son audace, puis il raccroche et je retourne à montravail.Je mentirais si je disais qu’il n’y avait pas de séquelles à cet incident avecSander.Ilyena.Jedorsmal,jemebarricadeetjevérifiecinqfoisquetoutestbien fermé avant d’aller me coucher. Je le guette derrière mes rideaux, poursortirquandiln’estpaslàetjecrainschacundesesretours.Pourtantilmelaissetranquille,ilareprissavieetmoilamiennedansuneautremesure.J’oscille entre cauchemars et rêves, jeme réveille en sursaut en tremblant ensentant encore l’empreinte du songe quim’a tirée du sommeil. Jeme détestequandjesensentremescuissesdudésir,etjeledétestequandilmefaitpeur.Jemarchesurun fil, celuidemaconscienceetpour lemoment jenesaispasdequelcôtétomber.Ilamisunsacrébordeldansmonexistenceetmesréactionsmefontmedemanderquijesuis.Jen’aipasdesouvenirsconcretsdemonaccident,justequelquessensations,touts’est passé trop vite pour que je comprenne ce qu’il m’arrivait. C’est en meréveillantquej’aicomprislagravitédemonétat,c’estenessayantdebouger,envoyantlapeinedanslesyeuxdemesparentsquej’airéaliséquec’étaitdéfinitif.AvecSander,jesuisencoredanscettephaseendormieoùrienn’estirrévocable.Parfois, j’ai l’impression que c’est entremesmains, que si jeme reprends, jepeuxpoursuivreetoublier,àd’autres,jesaisquejedoisapprendreàvivreavecet accepter tout ce que je ressens. Seulement, c’est tellement contradictoired’avoir des sentimentspourunhommequi nous a fait dumal, c’est tellementmalsaind’éprouverl’enviederetrouversesbras.Lesmêmesquim’ontenlevée.Jene tourneplusrondetquoiqu’ilm’encoûte jevaisdevoirfaireensortederetrouverunéquilibre.

***Jeme réveille en sursaut, cette fois cen’estpasuncauchemarquime sortdusommeil, c’est la réalité. Un bruit résonne encore et encore, un bruit que jeconnaisbien,quimefaitmedemandercequ’ilsepasse.J’allumema lampe de chevet, Poufsouffle se retient d’aboyer, assis devant la

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portedemechambre.J’attrapemonfauteuiletmehissedessus.Jemanquedem’écrouler,encoreprisedanslesommeil.J’enfilemonsweatrapidementpuisjesorsdemachambre,monchienàmescôtés.Onsedirigeverslaported’entréeet stupidement, je ne réfléchis pas en l’ouvrant, je sors seulement, admirer lespectacledesfuséesdansleciel.Rouges,ellessonttoutesrougesetpartentdanstouslessenssansaucunelogique.Çamefaitsourirecetravaild’amateur,maisc’estjoli,çaasoncharmeetçameplaît.Jevoisunelueurdanslechampd’enface,quelqu’unavecunetorchequiallumeun à un les feux d’artifice etmon sourire disparaît. Sander. Il est ornéd’unhalorougedûauxfuséesetavecsatorcheenflamme,ons’attendàlevoirfaire une quelconque cérémonie satanique. Un frisson me parcourt, le froidm’engourdit,maispasseulement,ilyaluietsaprésence.L’éclatement lumineuxnes’arrêtepas, ilenautiliséunsacrénombreet jemedemande s’il les a piqués dans mon garage ou s’il les a achetés. D’autresquestionsviennent ternir le spectacle, notammentpourquoi il fait ça, puis toutprend fin. Le silence, le noir, tout revient enmême temps que cette odeur debrûlécaractéristiquequej’adore.Sanderavancedansmadirection,satorcheàlamain,uneclopedansl’autre,ilestent-shirtetjean,pourtantilfaitfroid,maismoi,jenemesuispasdémenéedanslechampavecuneflamme.Sandergrimpejusqu’àmoi,Poufsouffleluifaitlafêtecommeàsonhabitudeetjemedemandebiencequemonchien trouveàcemec.L’animalestsociable,mais il a aussi un instinct pour ce qui est mauvais, or il a toujours appréciéSander.Telmaître,telchien.Une fois qu’il a fini de saluer Poufsouffle, Sander s’adosse à la rambarde duporche, seule sa flamme nous éclaire et aucun mot n’est prononcé durant delonguesminutes.Ons’observedansunsilencelourddesensoùjerevoistoutcequ’il s’est passé avec lui. Pas seulement la séquestration mais le reste aussi,depuisqu’ilaemménagéenfacedechezmoi.Qu’est-cequ’ilyaeudebeau?Pasgrand-chosecomparéauxdouleurs,maisilyavaitce truc,cedéfientre luietmoi,cettechosequimepoussaitàmemettredebout.Sander écrase sa clope sur mon porche, les bonnes manières ne lui sont pasrevenuesdurantcettesemaine,etmalanguesedélieenfin.—Pourquoituasfaitça?Ilnerépondpasimmédiatement,ilposesatorchedansunbacàfleursenpierrevide,puisilentrechezmoipourallumerl’extérieure.Ilrevient,reprendsaplace

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contrelabalustradeetprenduneautrecigarette.—Pourquoituastouscescartonsdefeuxd’artificedanstongarage?—Çaneteregardepas.Tutevenges?Iltiresursacigaretteenfronçantlessourcils.— À chaque fois que tu dis ça l’emmerdeuse, tu finis par répondre à maquestion.—Pascettefois.Donc,si tun’asriend’autreàmedire,rentrescheztoietnefouillesplusjamaisdansmongarage.Bonnenuit,Sander.J’enlèvelesfreinsdemonfauteuil,etamorceundemi-tourpourrentrerlorsqu’ilreprend:—Pourtevoir.C’estpourçaquejel’aifait.Jem’arrêtesanspourautantmeretourner.—Tunepouvaispassimplementfrapper?—Non,tuneveuxplusdemoicheztoi.Cettefois,jefaisdemi-touretréenclenchelefreinpourl’observeravecsurprise.—Etdonc,tufaisunfeud’artificeà…jenesaismêmepasquelleheureilest,justepourmevoir?—2hdumatin.Oui,jesaisdesourcesûrequeçafonctionne.—Bien!Regarde-moi,jesuislà,c’estbonmaintenant?Jepeuxretournermecoucher?—C’estcequetufaisaisavant,desfeuxd’artifice?Ma colère retombe comme un soufflet parce que ses paroles ravivent dessouvenirs. Je détourne le regard sur-le-champ encore enfumé par ses actes. Jepenseàmonpère, àcombien j’adorais l’accompagner lorsde la fêtenationalepourpréparerlespectacleàMobile.Moncœurs’effriteenrepensantàcesbonsmoments avec lui, à sa passion qu’il m’a transmise, à ses discours sur leschandellesetlesfontaines.Ilaimaittellementçaetmoiaussi.—Oui,monpèreétaitl’artificierdeMobile,onpréparaitle4juilletensembleetàchacundemesanniversaires,ilm’enfaisaitun.Lescartonsdansmongarage,cesonttouslesanniversairesquin’enontpaseu.—Ilnelefaitplus?—Ill’afaitlapremièreannéeetjemesuismiseàpleurerparcequejenepeuxpluslefaireaveclui.Depuisj'achètedesfeuxquej’entassedansmongarage.Je baisse les yeux sur mes doigts que je triture, un peu honteuse de moncomportement stupide. Regarder le temps passer en stockant des fusées, unesortederappeldunombred’annéespasséesdanscefauteuil.—Pourquoitun’enfaisplusaveclui?

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—Jenepeuxpas.Jepeuxalignerquelquesfeux le longd’uneroutemaispasorganiser toutunspectacle lumineux. Jenepeuxpasalleroù il fautavecmonfauteuil.Sandermefixeétrangementetilaraison,jeluidonnetoujourslesréponsesqu’ilattend,maisseulementparcequejeleveuxbien.—Lemient’aplu?Jememetsàrire,cen’étaitpaslemeilleurquej’aivu,maisilavaitsonintérêt.—Tun’espasunexpert,c’estcertainetniveausécuritétoutestàrevoir.Lesilencerevient,lagêneavec,jenesaispastropcequejefaislà,avecluienpleine nuit. Cul-serré432 a peut-être raison, je suis folle. Je devrais le fuir,pourtantmêmesi la situationest étrange, j’aimequ’il soit là.Qu’il aitosémefaireunfeud’artificesetqu’ilmeparlecalmement.—Pourquoidurouge?jedemandecurieuse.Jesaisquedansmescartonsilyenadetouteslescouleurs,iladûenfouillerplusieurspourréunirautantderouge.Sanderhausselesépaules,l’airdedirequeçan’apasgrandintérêt,maisonnechoisitpasunecouleur sansbut.Toutefois, jen’aini l’envieni la forcede luisoutirerdesréponses.S’ilneveutpascommuniquer,jenesaispaspourquoiilafaittoutça.Maisc’estSander,jenesuispassûrequ’ilréfléchisseàchacundesesactes.—Jevaisallermecoucher,j’annonce.—Elsa…ilsoupire.—Jenecomprendspascequejefaislà,situn’aspasenviederépondreàunesimplequestion.—J’essaied’êtrequelqu’undebien.—Pourquoi?—Pourtoi.Sesdeuxpetitsmotsclaquentdansl’airaussilourdementques’ilsavaientfrappémon cœur de plein fouet. Je le dévisage en essayant de comprendre s’il dit lavéritéousic’estundesesdéliresquejenecomprendspas.Ilsedétournemalàl’aiseetallumeuneénièmecigarette.Jen’arrivepasàlesuivre,àlecomprendreetj’aipeurd’essayer,demetromperetdetomberencore.Ilneserajamaisquelqu’undebien,illesaitparfaitement.Sandernetournerajamaisrondetsic’esttriste,c’estaussicommeçaqu’ilmeplaît. Déformé et taré. Seulement, j’aimerais juste ne pas payer le prix de safolie.—Jene t’ai riendemandé, la seule choseque jeveuxc’estque tume laisses

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tranquille.Jesensmoncorpstrembler,moncœurtambourineralorsquejeregardepartoutautour demoi, je n’aime pas cesmots, je n’aime pas l’implication qu’ils medonnentetçam’énerve.—Pourquoi tuneme laissespas tranquille ?Tupensesqu’enune semaine etavectroisfeuxd’artificejevaisoubliercequetuasfaitparcequetumedisquetu veux devenir quelqu’un de bien ? Sander, on sait parfaitement, toi commemoi,queçan’arriverapasetje…Je ravale un sanglot et ferme les yeux quelques secondes pour reprendre marespirationetmoncalme.Jenedoispasm’énerveroucraquer.Ilbouge,mespaupièresselèventetjelevoisdevantmoi,accroupi.—C’estvraimentcequetupenses?ildemande.Ilyatellementdedouleurdanssonregard,deladéceptionetdelahonte,maisilfautêtrehonnêteaveccequ’onest.Jesuishandicapée,ilestfou.C’estcequenoussommeset rienn’ychangera.Savolontéest touchantenéanmoinselleneserapassuffisante.Sapsychosenedisparaîtrapas,c’estenlui,danssatête,c’estsontraumatismequ’ilpourraatténuerauprixdegrandseffortsmaisjamaisilnel’effaceracomplètement.—Oui, c’est ce que je pense. Et plutôt que d’essayer de changer, tu devraisacceptercequetuesetfaireensortequeçanenuiseàpersonne,pasmêmeàtoi.—Comment je suis censé faire ça, alorsqu’àchaqueputainde sensation tropfortejeparsenvrille?—Jenesaispas.Peut-êtreapprendreàgérercessensationsjustement, lesabsorbersansqu’ellesnedébordent.Jel’ignore,jenesuispaspsy.Sanderseredresselestement,ilmejetteundernierregardlourddesenscommesi j’étais sabouéeetque je luiéchappais. Il se retourneetcommenceàpartir,alorsquej’absorbelechocdecettenuitétrange.Jemefaisl’impressiond’êtreunmonstre,ceuxincapablesdetendreunemainàceuxquienontbesoin.Pourtant,çaadûluidemanderbeaucoupd’effortspourosermediretoutça,révélersapeuretsesdoutes,sonenviedes’améliorer.Etjeviensdelerejeter.Jeleregardes’enfoncerdanslanuitpourrejoindresamaison,jusqu’àcequejeneledistingueplus,puisjerentrechezmoietrestedanslesalonunmomentàfixerlesolensachantquej’aimalagis.Jesaiscombienilestdifficiledegarderlatêtehautequandonestmeurtriàl’âme,jesaiscequ’ilencoûtedevouloirsebattrecontresoi-mêmesansperdrelaface,d’êtrefortquandtouts’écrouleetd’y

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croireencorequandplusrienneva.Je roule jusqu’à ma chambre et saisis mon portable sur la table de nuit. Jerepenseàcequim’aaidée lorsque j’aidûfairefaceàmonétatet je tapesansréfléchircesmotsquejeconnaisparcœuravantdelesenvoyeràSander.

«AussiétroitsoitlecheminNombreux,leschâtimentsinfâmesJesuislemaîtredemondestin

Jesuislecapitainedemonâme.»[1]

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Chapitre20Sander

Anderson,Alabama,2014Jedescendsjusqu’àlacaveensentantmonestomacserévulser.Jenesaispassijevaisyarriver,sijevaisêtredignedelaconfiancequ’ilplaceenmoi.Ilmerépètedepuisdesmoisquec’estmon tour,monrôle,etqu’un jour ilneserapluslà,quejedevraiscontinuerpourlui.Jen’aipaslesépaulesdemonpère,jenesuispasaussifortqu’ilveutlecroire.Mais jedonne lechange.Kidnapperneme faitplusrien, lesvoirattachéesetsangloternonplus,maispasseràl’acte,c’estautrechose.Jecroisquej’enaienvie.Çadéclenchedeschosesenmoidepuisquelquetemps,quand je le regarde faire et jene saispas trop ceque c’est.Néanmoins, c’estainsiqu’ilfautfaire,c’estcommeçaetjen’aipaslechoix,quoiquej’enpense.J’arrive enbas, tout est déjà enplace, la fille est attachéeà la croix, elle estblonde et plutôt jolie, avec ses tatouages sur les hanches.Elle est calme, elleregarde mon père préparer le matériel. C’est lorsqu’elle me voit qu’ellecommenceà s’agiter.Elles font souvent ça enme voyant, elles pensent que jepeuxlesaider.Laseulechosequejesuiscapabledefairepourlesaider,c’estsortirlemalenelles.Maisjecroisqu’ellesnelecomprennentpas,outroptardmalheureusement.J’aidemandéàpapacommentilentrait,pourquoiilchoisissaitcesfilles,ilm’aditqu’iln’yavaitpasderègles,qu’ilfallaitseméfierdetouteslesfemmes,quecesontleurspéchésquilesconduisentàavoirlecœurpourri.Jem’approchedemonpèreettourneledosàlafille.—Tuesprêt?Jehoche la tête, incapabledeparlerdepeurquemavoixme trahisse.Jesuisnerveux,j’aisurtoutpeurdemalfaire.Ilmetendlatondeuse,jetteuncouppar-dessussonépauleensouriant.—Tuasdelachance,celle-cin’apasdepoil.Oui,çam’éviteradem’approcherdecettezoneavantde…Je secoue la tête pour chassermes pensées, saisis la tondeuse et après avoirinspirélonguement,jem’approched’elle.

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Sesyeuxsontbleus,trèsclairs,ilssontgrandsouvertsettrèsbeaux.J’aimeraisqu’onlesluibande,maissijedemandeçaàpapa,ilmetraiteradelâche.Jefaismon possible pour ne pas les regarder. J’allume la tondeuse, le bruit me faitsursauterautantqu’elle,mesmainstremblenttellementquejedoism’yprendreàdeuxfoispoursaisirsatête.Je la tonds,àblanc, j’enlèveunepartdesa féminitéetdesabeauté.Quelquechose dont elle devait être fière. Ses boucles blondes tombent au sol, elle nebouge plus, elleme laisse faire, peut-être qu’elle pense qu’après ce sera fini.J’ignorecequ’ilsepassedansleurtête,jesaiscequ’ilyadanslamienne.Untumulte qui grandit, des oui et des non mélangés qui s’entrechoquent et medonnentletournis.J’aimeraism’éteindre,passercecapetnerienressentir.Meréveillerdansmonlitetfairecommesiçan’avaitjamaisexistéetàcontrario,j’aienviedesavourerchaqueinstant,parcequ’onaqu’uneseulepremièrefois.Latêtedelajeunefemmeestenfindépouilléedesescheveux.Jereculepourlaregarder, son visage est encore plus fin comme ça, presque enfantin. Elle n’arienperdudesabeauté,bienaucontraire,sestraitsdélicatsressortentunpeuplus.Jemedétourneavantdecroisersonregardetdecraquer.Jeretourneàlatabledéposer la tondeuse. Mon père m’observe, il se met à rire en voyant que jetremblecommeunefeuille.Salargepaumes’abatsurmonépauleetsonbrasm’encercle.Jesenslachaleurde soncorpset jeme retiensdemeblottir contre. J’aiquatorzeans,pourtantlorsqu’ilmetouchecommeça,commeunpère,j’ail’impressiond’êtreunpetitgarçonenquêtedel’affectionqu’ilnemedonnerajamais.Jem’écartepourrejoindrelafille,jedoisfaireleschosesbien,qu’ilsoitfierdemoi.Jedétacheuneàuneceschevillesdelacroixpuisjereculeunpeupourlaregarder.Pourvoirsoncorpsdefemme,sesrondeurs,sonsexelisse,sesseinsaux pointes dardées par le froid de la cave, mais jamais son visage. Ellem’excite, mon sexe se dresse dans mon pantalon et je n’attends pas plus, aurisquedeperdrecettesensation.Jemerapproche,saisisses jambes,maisellemedonneuncoupdepiedetmefaittomber.Monpèrerit.Fort.Enmetraitantdenul,demauvietteincapabledes’occuperd’unefemme.Je sens des larmes d’humiliation affluer dans mes yeux et avant qu’elles nesortentetdonnentraisonàmonpère,jemeredresseetcettefois,lafillen’apasle temps deme frapper. Jeme cale entre ses jambes, baissemon survêtement

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rapidement et je ne réfléchis pas avant de la pénétrer. Je suis comme enragé,comme un animal, un homme qui montre sa suprématie et qui rabaisse cettefemmepluslourdementqu’elleaosélefaireprécédemmentenmefrappant.Jemevenge.Soncorpsseraidit,lemiensedétendendécouvrantcettesensationdivined’êtredanslesexed’unefemme.Jenevaispastenirlongtemps,maisjel’auraisfaitetc’esttoutcequicompte.

***Je fais des cauchemars depuis ce soir-là. Je me revois, un scalpel à la maintenter de ne pas trembler pour l’ouvrir et le dégoût enmoi ne passe pas. Cen’étaitpasnormal,jelesais,jelesens,lecomportementdemonpèrealorsquejem’occupaisd’elle,sonregard,ceplaisirqu’ilaprisenmevoyantfairem’aheurté.Jusqu’ici,mêmesijen’aimaispasvraimentça,j’étaisduboncôté,jefaisaisdumal pour le bien et j’aidaismon père. J’aime l’aider, j’aime qu’il soit fier demoi,qu’ilaitconfianceenmoietqu’ilm’aimeàsafaçon.Néanmoins, le voir se branler pendant que je la baisais m’a chamboulé. Jeprends conscience que cet acte n’est pas normal. J’ai vu le DVDpornographiquequi traînedans sa chambre, je l’ai regardéquand il est partifairelescoursesetlesfillesaimaientcequeleshommesleurfaisaient.Ellesenavaient envie, elles enserraient le corps de celui qui les prenait, elles levoulaient.Toutsemélangedansmatêteetjenesaispascequiestvrai.Cequemonpèredit, ou ce que j’ai vu. Je ne sais rien en ce qui concerne le sexe opposé,mespauvres livres ne me racontent pas comment doit être une relation entre unhommeetunefemmeetsilespénétrerdeforceestunenécessitéauritueldemonpèreouunextraqu’ils’octroie.J’allumema lampedechevet etme redressedansmon lit. Je fixe lemurd’enface, le papier peint àmotifs demoto. Je n’ai pas aimé le voir semasturber,j’avaisl’impressiond’êtreunjouet.Jemedemandes’ilrecommenceraquandceseraencoremontourousimoi,j’auraisenviedelefairequandceseralesien.Jenesaispascequejeferaissiçameprend,sûrementcommelui.Çaavaitl’airnaturel,alorspourquoiçameperturbe?

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Jeprendsmoncalendrier,celuisurlequeljecomptelesjoursavantd’intégrerlelycée. Dans quelques mois, je serai entouré d’autres ados de mon âge,j’apprendraisetpeut-êtrequej’obtiendraidesréponses.Jesauraissimonpèreesttaréousic’estmoi.

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Chapitre21Elsa

Je n’arrive pas à me concentrer, je fais plein d’erreurs, résultat, en plus derattrapermonretard,jedoiscorrigermesbourdes.J’essayevraiment,maismonespritestdissipé.LavisitedeSanderm’achambouléeplusqueçanedevrait.Jenesuispasvraimentencolèrecontrelui,plusmaintenant,maisj’aiencoredela rancœur,unedouleurquinedisparaîtpasetenmêmetemps j’aienviequ’ilsoitlà.Onavaitprisunbonrythmetouslesdeuxdansletravail,avantquetoutnedégénèreetçamemanque.Jesecouelatêtepourlechasserdematêteetentrelesfacturesdemesclientssurlescomptes.Manuquemefaitunpeumalcetaprès-midi,Johnn’apasététendreavecmoi.Ilne l’a pas été depuis ce qu’il croit êtremesvacances improvisées.Sander n’arienlaisséauhasard, ilaenvoyéàmesclients lemail typequeje leuradresselorsque jeprendsdescongés,àmesparentsetJohn,unSMSqui les informaitquejepartaisenvacancesdansunendroitoùleréseaunepasseraitpas.Iladûliretousmeséchanges,puisqu’ilautilisémesticsdelangageaveclesémojisetmesabréviations.Ça a fonctionné, tout le monde m’a demandé comment c’était passé monescapadeetcequej’yavaisfait,etsurtout,avecqui.J’aidûmentir,j’ignoresij’ai été crédible dansmon besoin de solitude dans la nature, néanmoins, Johnm’a traitée d’irresponsable avant de sourire de toutes ses dents. Pour lui, mecomporteravecdésinvoltureestsignequejevaisbien.S’ilsavait.Luiaussimeprendraitpourunefolle.JetermineaveclafleuristedeAndersonpuisjepasseàuneautreentreprisequifrôlelafaillite.Çam’attristedevoircespetitesboîtestenterdesauvercoûtequecoûteleurgagne-pain.Lepropriétairefaittellementd’effortspourgarderlatêtehorsdel’eau,çafaitplusieursmoisqu’ilneseverseplusdesalairepournepasavoiràvirersonseulemployé.Maissiçacontinuecommeça, lebilanneserapasbonetilfaudraenvisagerautrechose.Jen’aimepasça,voirdesentreprisesfamilialesenactivitédepuisparfoisplusdecentans,mettrelaclefsouslaporteparcequ’ellesnesontpluscompétitivesfaceauxgéantsetàinternet.C’esttriste,toutecetteproximitéquis’envole.J’espère

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qu’ontrouveraunesolutionpourlui.Jemefaisunpost-it,pouryréfléchiretrevoirtoussescomptes.Jelecollesurmonécranlorsquemonportablesemetàvibrersurlebureau.UnSMSdeSander.Avantdel’ouvrirjemefaislaréflexionqu’iln’amêmepaschangédetéléphone,ilatoujourslemienetprobablementtoujoursmesphotos.J’avaisprévuderetenirleprixdel’abonnementsursonsalaire,ilvafalloirqueje trouveuneautrealternative.Jefaisunautrepost-itpourm’ensouvenirpuisj’ouvresonmessage.«Lebruitdanstongarage,c’estmoi.N’appellepaslesflics,jedoisjuste

t’empruntertonferàsouder.»Je fixemon écran durant plusieurs secondes, en relisant encore et encore sesmots. Puis, une fois que je retrouve mes esprits, je sors de chez moi prourejoindre le garage. Qu’est-ce qu’il veut faire avec mon fer à souder ? Etpourquoiilnepeutpasfairecommetoutlemondeetvenirdemanderavantdeseservir?Ilfaitbeauaujourd’hui,àpeinefrais,maislesoleilestlà.Poufsouffleestpartisepromener et je siffle en descendant la rampe pour le rappeler. Même s’il estamoureuxdeSander,jepréfèrequ’ilsoitàmescôtéspourl’affronter.Cequieststupide, je le conçois, puisqu’il ne me défendra pas. Mais sa présence estréconfortante.Monchienrappliqueaussivitequ’unefusée.J’adorelevoircourir,lagueuleàmoitié ouverte, la langue pendante et son poil fauve plaqué par le vent. Il estbeau.Ilvientsefrotterdeuxsecondesàmesjambes,pourmesignifierqu’ilestlà,puisilgagnelegarageetj’entendsSanderrire.Lorsquejelesrejoins,ilestentraindelecaresseretPoufsouffleagitelaqueuedecontentement.—Salut,jelanceenmettantlesfreinsàl’entréedugarage.Mavoitureprendtoutelaplacemaisilaquandmêmetrouvélemoyend’utiliserl’établicoincédanslefond.—Qu’est-cequetufais?—J’enaipaspourlongtemps.OK,maisçanerépondpasàmaquestion.Ilmetourneledos,occupéàsouderuntrucquejenevoispas.Ilestent-shirt,blancàlabase,maistachédepartoutparsestravaux.Jeregardesesomoplatesbougersous le tissuenmedemandantcequ’il soude.Avec lui, jem’attendsà

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tout. Néanmoins, j’aime le mouvement de ses épaules, la façon dont elles seredressentetjemerappelleaussilasensationquandmesmainsseposentdessus.Monvoisinmesortdemarêverieenseretournant.Ils’essuielesmainssursont-shirtetj’aperçoisrapidementunmorceaudesonventre,lafinelignedepoilsquidescendplusbaset la largebandeélastiquedesoncaleçonquidépassedesonjean.Il s’approche, un truc dans les mains qui ressemble à un harnais d’escaladeversionmaxi.—Qu’est-cequec’est?jedemandeinquiète.Ilallumeunecigarette,sonregardsombrebraquésurmoi,ildoitvoirquejemedemandecequ’ilmanigance.—Unharnaisdesautenparachute.Undoublequej’aimodifié.—Pourquoi?Iltiresursaclopeenregardantautourdelui,cettemaniedemettredususpenspartout,c’estagaçant.—Sander?!Jem’énerve, je le vois sourire en coin et si je trouve ça sexy, c’est aussi trèsperturbant.—Pourquetupuissesfairedesfeuxd’artifice.—Pourqueje…maisqu’est-cequeturacontes?—T’énervespas,l’emmerdeuseetlaisse-moit’expliquer.J’inspirelourdement,jenevoispasenquoiunharnaispourraitm’êtreutileetjedéteste qu’on me fournisse de faux espoirs. J’ai détesté ça durant maconvalescence,qu’onmedisequepeutêtre,aveclesprogrèsdelamédecineetblablabla. Je n’y crois pas, je suis clouée sur ce fauteuil et j’y finiraima vie,c’est déjà assez dur à accepter, ne pas rajouter d’espoir perdu d’avance estnécessaire.Sandertendsonharnaisdevantmoietjenevoistoujourspascequecetrucadespécial.—Jepeuxteprendresurmondosenayantlesmainslibresavecçaettoiaussi.Je fixe son truc complexe à première vue, il y a des bouts de tissus partout,raccrochés à d’autres et une sorte de siège matelassé et je commence àcomprendrecequ’ilveutdire.Leharnaismemaintiendrasansqu’iln’aitbesoindemesouleveretnosmembresserontlibres.Ilpartdansdesexplicationsquejen’écoutepas,jesuisentraindemevisualiserharnacheràcetrucsursondos.—Est-cequetupourrascourir?jedemandeenlecoupant.Moncœurbatà touteallureenattendantsaréponseetmalgrémoi, l’espoirde

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sensations nouvelles me prend. Courir, nager, faire des feux d’artifice, onpourraittoutfaireavecça.—Oui,ilrépondsimplement.Puisiljettesaclope,sepencheetmeprenddanssesbras.Instinctivementmonbrasencerclesonépauleetsonvisagedevient tropprochepour l’ignorer.Ilnes’estpas rasédepuisquelques jours, il adescernesaussi,maisavecce regardprofond,lafatigueluivabien.Jesuisexcitéecommeunepucequinetientpasen place. Sander me ramène chez moi, me pose sur mon lit et déploie sonharnais.Ilpassemesjambesuneàune,ilsepencheau-dessusdemoipourleremonterjusqu’àmataille.Uncouinementm’échappesouslarudessedugeste.Sesyeuxseplantentdanslesmiensetjerepenseàladernièrefoisoùl’onétaitainsi,l’unau-dessusdel’autre,danssachambreetquejel’aiembrassé.Pourmesortirdel’enfer, c’est ce que je me répète sans cesse, mais si j’étais honnête, jereconnaîtraisquej’aiadoréça.Il resserre le lien àma taille quimemaintiendra droite, puis il se redresse etm’entraîneaveclui.C’estcompliquéàenfiler,ildoitluiaussipassersesjambesmaisilestpluslestequemoietnousfinissonsparyarriver.Ils’assoitsurlelitpourattacherladernièreboucleàsataille.—Prête?—Est-cequetuessûrqueçasupporteramonpoids?Il ritense levant, réajuste leharnaispourque rienne legênepuis il semetàmarcheretjevoislemonded’enhaut,d’unbonmètre80.Ilsortdelamaison,Poufsoufflenoussuitetj’aiencoredumalàréalisercequ’ilseproduit.—Oùtuveuxaller?ilm’interroge.—Je…oùtuveux.Latêtemetourneetmoncœurbatsi fortque j’enaimalà lapoitrine.Sandermarche jusqu’à la route, ilneprendpas ladirectiondeAndersonmais l’autre,cellequimènenullepartavantdeskilomètresetquiestbordéeparunpetitboisàquelquescentainesdemètres.Ilmarchetranquillementet jesensmêmel’oscillementàchacundesespas.Jepasselatêtepar-dessussonépaulepourvoirsespiedsavancer.Je le vois sourire puis il se met à courir sans me prévenir et le mouvementdevientdément. Je regardedevantnousen tentantdem’habitueraux tangagesque provoquent ces foulées. C’est génial ! C’est euphorisant et je relâche sesépaulespour tendre lesbrasetprofiterde l’airfraisquifouettemonvisage.Jesuisen traindecourir!Sanderaccélèreet laroutedéfilesousnospas, jevois

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tout de cette hauteur et je ne sais pas où regarder pour ne rien louper. C’estdément!Jesuisdenouveausurdeuxjambesetjemesenslibre!Il court jusqu’au bois avant de ralentir et j’arpente pour la première fois lesentierqui le traverse.Poufsoufflevient souvent jusque-là,mais jen’ai jamaispulesuivreàl’intérieur.Sanderestessouffléalorsquejen’arrêtepasderire,detoucherauxbranchesquidépassentetàm’enivrerdel’odeurdesarbresetdesfeuillesmortes.Ilmarchedurantplusieursminutes,j’ignorecombien,jesuistropoccupéeàfairelepleindesensationsetnousretournonsàlamaison.Jesuissurunpetitnuagedurantlecheminderetouretmatêteseposesursonépaule. Je ferme les yeux et profite simplement des mouvements. Il y en atellement,etc’esttellementagréabledelessentir.Sander ne dit rien jusqu’à ce qu’on soit chez moi, il s’assoit sur le lit ensoutenantmesjambespournepaslesécraseretentouresatailleavec.Ilnemedétachepas,ilrestecommeçaetjedeviensunkoalaquineveutpasdescendrede sa branche. J’ai envie de recommencer, de partir faire le tour du mondecommeça.Maisçadoitêtreépuisantpourluidesupportermonpoids.—Merci,jemurmurecontresapeau.Iltourneunpeulatête,iln’imaginepaslecadeauqu’ilvientdemefaire.—Çat’aplu?—Énormément.—Tantmieux.Untourdemoto,çatetente?Jemefigeuninstant,jen’yavaispaspensé.Moncœurrepartdeplusbelleenm’imaginantàl’arrièredesaHarley.—Onpeut?jedemandeincertaine.—Oui,onpeutsij’attachetesjambesautourdemataille.—MonDieu,Sander,c’est…Je ne trouve pas les mots, parce que ça fait tellement de nouveautés, desensationsquejenesaisplusrien.Sanderrelâchemesjambes,ilsedessangleàson tour puis se lève et se retourne une fois sorti du harnais. Je manque detomberàlarenversesurlelitmaisilmeretientavantdes’accroupirdevantmoi.—Çava?J’acquiesce en sentant les larmes affluer. Je ne suis pas triste pourtant, je suisjuste tellement euphorique qu’il faut que ça sorte etmon corps réagit par deslarmes.—Nepleurepas.Sontonestpresquesuppliantetçaneluiressembletellementpas.Jesourispour

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qu’ilneprennepasmeslarmespourdelatristesse.Maisçasembleleterrifier.Jelesessuie rapidementenbaissant la tête,mescheveuxdétachésmecachentunmomentdesavue.—C’étaittellementbon,Sander,avoirdesjambesdenouveau,c’étaitparfait.Une de ses mains relâche ma taille pour dégager mes cheveux, je croise sonregardet jemedemandeoùestpassél’hommequin’avaitquedudédainpourmoi,celuiquim’aenlevéeetquiestaujourd’huiremplacéparceluiquivientdemefaireleplusbeaudescadeaux.Lesémotionsontétéfortes,etj’aiprofitédechaqueinstant,jusqu’àenoubliernotrepassépourtantpassilointain.—Pourquoitufaisça?Mesmotstremblentautantquemoilorsqu’ilssortent,avecluijenesaisjamaissurquelpieddanser,sapersonnalitéestsicomplexequej’ensuisàcomptertroishommesenlui.J’apprécieceluiquiserévèleplusdouxavecmoi,néanmoins,leviolentmeplaîtaussi.Iln’yaqueceluiquim’aséquestréequejedéteste,maisjenepeuxpasl’ignorertotalement,ilestenluietquisaitquandilpeutrefairesurface.—Jesaispas, j’enavaisenvie.T’avais l’airdéçuedenepluspouvoirfairedefeuxd’artifice,j’aitrouvéunesolution.Jepensequ’ilyadeça,maispasseulement,probablementunmoyendesefairepardonner,dechercherlarédemptiondansunactealtruiste.—Merci,jerépondssimplement.Ils’apprêteàparlerlorsquesontéléphonesemetàsonner.Sanderseredresse,jevacille sur le matelas pendant qu’il répond. Je fixe mon plafond, Poufsoufflegrimpesur le lit etme lèche levisage. Je lecaresseenpensantqu’onacouruensemble et que ce n’était jamais arrivé.Même si je peux gagner un peu devitesse avecmon fauteuil, ça n’atteint pas les foulées deSander.Mon chien al’airaussiraviquemoidecetexploit.JesenslepoidsdeSandersurlelitavantdevoirsonvisageau-dessusdumien.—Changementdeplan,jedoisallerauclub.Tuveuxvenir?Je hausse les sourcils, cet endroit infâme où des gros porcs ont tenté de mepelotervoirpire?—Oui,jem’entendsdireavantmêmederéfléchir.Sander s’occupedemesortirduharnaiset jemedemandevraimentcequinetourne pas rond chezmoi pour accepter une telle proposition. L’euphorie quicourtencoredansmesveinesetlacertituded’unebellemontéed’adrénalineenallantlà-bassûrement,sinonc’estquejesuisaussifollequelui.

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Chapitre22Sander

Elsa finit de se garer, ellemet un temps fou à faire rentrer sonmonstre entredeux voitures et je regrette ma moto.Mais avec son fauteuil, il faut faire cesacrifice. Elle finit par y arriver et je descends. J’allume une clope le tempsqu’ellefassedemêmeavecsonsystèmeultralent.Lanuitesttombéependantqu’onétaitsurlaroute,lechienn’estpasvenuetjenepensepasqu’onsoitderetouravantdemainmatin.L’emmerdeuseémergeenfindesoncoffreetnousprenonslaroutepourallerauclub.Onestàquelquesruesetçameva,jepréfèreautantqu’onnemevoitpasarriveravecsonenginetdonnerauxmecsdequoisefoutredemoi.Elsacontinuedemeparlerdefeuxd’artifice,ellel’afaitdurantlestroisheuresqui nous séparent deAnderson. Je vais devenir un expert à force, je sais déjàcommentçafonctionne,ellem’adétaillétouteslespartiesetmêmefaitunelistedecequ’ilfaudraqu’onseprocurepourlelancement.J’aimebiensonenthousiasme,sajoiequidoitressembleràcelledestechniciensde la NASA avant de faire partir une navette dans l’espace. Elle est…attendrissantecommeça.Etj’adorequecesoitgrâceàmoi.Jepensaisqu’ellerefuseraitleharnais,qu’elletrouveraitçastupide,maiscontretouteattentel’emmerdeuseaprissonpied.Jel’entendsencorerirealorsquejecourrai,jerevoissonvisagerougiparl’airfrais, ses yeux brillants d’excitation et une telle envie qu’elle étaitcommunicative.Çam’apluautantqu’àelle,mêmesimesépaulesetmondosont souffert, ça valait largement le coup et j’espère recommencer rapidement.Elleatoutoubliéquandelleétaitsurmondos,cequej’aifaitetcettedistanceentrenous,j’avaisl’impressionquetoutétaitnormal,qu’onl’étaittouslesdeux.Onarrivevers leclub, je jettemaclopeetpassederrièreElsapourguidersonfauteuiletluifairepasserl’entréegardée.Wallm’ademandédevenirsansdonnerderéelleexplicationautéléphonemaisjesaisqu’ilestquestiondeSarah.J’espèrequ’ill’atrouvéeetramenée,quejepuissemettreuntermeàcettehistoireetavoirmesréponsesetmavengeance.Jesaisquejenepourraispasêtreclémentavecelle,j’aipayédixansdemavieàcausedecettepute,jenelalaisseraipass’ensortirindemne.

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Onpénètredans l’enceinteduclub,descrisnousparviennentde l’arrièreet jedécided’allervoircequ’ilsepasseenpoussant l’emmerdeuse.Jenemetspaslongtempsàcomprendrelorsquejevoisl’attroupementencercle.Voilàquivareleverleniveaudelasoirée.—Qu’est-cequ’ilsepasse?m’interrogeElsa.Je la pousse jusqu’auxhommesqui crient dans tous les sens et on se fraie uncheminparmilafoulepourenvoirlecentre.Je saluequelqueshommesprésentsque je connais,mais il y aplusieurs clubsréunisdontj’ignorel’identitédesmembres.J’entendsElsahoqueterdesurpriseetjemeplaceàsescôtés.J’allumeuneclopeenregardantlecombatquisejoueentreunSyndicateetungarsàlagueulebienamochée.Du sang coule sur leur torse, leurs poings sont bandés et les coupspleuvent.Je m’accroupis pour parler à l’emmerdeuse qui a la bouche ouverte et dessursautsàchaquepoingquifrappe.Une main se pose sur mon épaule, c’est le sergent d’armes du club. Je meredressepourluidonnermonattention.Onsesalueetilmeglisseàl’oreillequeWallm’attenddanssonbureau.Ilmerelâcheensuiteetpartsepréparerpourprendrelegagnantdumatchquisejoueactuellement.Jem’abaissedenouveau,Elsaalesyeuxrivéssurlescombattantsetjesaiscequeproduitlaviolencesurelle,unesortedefascinationmêléed’excitation.—JedoisallervoirWall,jetelaisseici?Iln’yapasunefemmeàl’horizon,ellesdoiventêtreàl’intérieur,contrairementàElsacegenredetrucsnelesintéressentpas.Ellem’accordesonattentionetdélaisselecombatduregard.Ellesemblesouslechocetçamefaitrire.—Netejettesuraucundesmecsqu’ilyaici,siçat’excite,tupeuxcomptersurmoipourm’occuperdetoi.Sabouches’ouvreetsefermeplusieursfois, jecroisqu’elleessayededireuntruc,maisçanesortpas.Elleesttotalementdéstabilisée,commelapremièrefoisqu’elleestvenueicietqu’ellearessenticetruc.Çanemelaissepasinsensibledelavoircommeça,bienaucontraire.—Onestd’accord?Je l’interroge pour qu’elle confirme qu’elle ne fera rien avec eux. Je vaisdemanderàunSyndicatede lasurveillerpendantmonabsence,aucasoù l’und’euxauraitdécidédes’enprendreàelle.

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—Sander,dit-ellealorsquej’allaismeredresser.Elleattrapemonavant-brasetleserre,jusqu’àplantersesonglesdansmachair.—Qu’est-cequ’ilya?L’emmerdeuse regardedenouveau leshommesqui sebattent, l’unest à terre,l’autreluimontedessusetluiassèneunepluiedecoupsdepoingquifontgiclerlesangdesonvisage.Jevoismêmeunedentvoler.—Çanemefaitrien,ellelâchedansunsouffle,çamefaitmêmepeur.Sonvisagesetournedansmadirection,ellemefixeavecunesortedecrainteetj’essayedecomprendrecequ’ilsepasse.Jefumeenladévisageant,ententantdetrouvercequ’elleneditpasclairementetquandjelavoisrougiretbaisserlesyeuxtouts’éclaire.Cen’estpasseulement laviolencequi lui faitde l’effet,c’estmoi.Jeredressesonvisageduboutdesdoigtspourqu’elleme regarde,pourvérifierque jenerêvepasetquec’estbiencequ’ilsepasse.Monsangchauffedansmesveinesetl’envied’allerbotterleculàtouscesmecsmeprend.—Putaindemerde,l’emmerdeuse…Lescrisrésonnentplusfortautourdenous,lematchsetermineetoncélèbrelevainqueurenéchangeantlesparis.Jemeredresseetavancesurleringimprovisé.Lesergentd’armesestdéjàprêt,maisjedoisprendresaplace.—Laisse-moicettemanche,jetelaisselasuivantequejegagneouperde.—C’estgagnéd’avance, t’asvu sagueule ? Il tient àpeinedebout, c’est sontroisièmecombatdéjà.Effectivement, il vacille et a les yeux gonflés, il ne doitmême pas voir à unmètre.—Toicontremoi,danscecasetsijegagne,ilraflemesparis.Gunmefixeavecétonnement,puisilhausselesépaulesl’airdedire,t’asledroitd’êtrecon.Oninformelesgarsdetoutça,pendantquejeposemonblousonetqu’onfixedesbandesàmespoignets. JevoisElsa, toujoursà lamêmeplacequi regardeautour d’elle les hommes qui s’échangent de l’argent, jurent et crachent danstous les sens.Ellen’est tellementpasà saplacedanscemilieuetc’estcequirendtoutçaencoreplusexcitant.Une fois que je suis prêt, j’entre dans le cercle avec Gun et le combatcommence.Onasensiblementlamêmecarrure, ilestnerveuxcependant,maisj’ai de la colère en moi, du dégoût et surtout le désir d’impressionnerl’emmerdeuse.Qu’ellesoittellementexcitéequ’ellesejettesurmoi.

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Jepenseàsesderniersjours,àcequ’ils’estpassé,àcombienjem’enveuxdeluiavoirfaitçaetmoncorpsfaitlereste.Jemerappellemonpère,sesmots,sesregards, ses paroles blessantes, ce qu’ilm’a imposé sans que j’aiemonmot àdireetjeressorstoutemahargne.Gunnem’épargnerien,matêtetourneàforcede prendre son gauche dans la tête. Il tape fort, mais je reste debout, j’ail’impressionquejepourraislefrapperdurantdesheurestellementçafaitdubiendelaisserlaragesortir.Jedéconnecompletdepuismasortiedetaule,jedécouvredestrucsmochessurmoietjemedégoûte.Pourtantjen’arrivepasàallertotalementcontre,àbannirde mon existence ce qui surgit sans prévenir. Ça ne devrait pas, ce sont deschosesquidoiventrestertapiesaufonddemoi,deschosesqui,mêmeenprison,nem’ontpasmisdanscetétat.Celuidans lequel j’étaisenenlevantElsa.Unesortedetransequireflète lepassé.Jen’aiplusenviedevivreça, j’aienviedem’émanciperdecetteéducationpourrieetjenesaispascommentfaire.Etçamerendfou.Çaetelle.Jenesaispascequidevraitmefaireflipperleplus,lefaitquejesoisdingueouquejeressentedeschosespourl’emmerdeuse.Mesbrasmefontmal,plusquemesphalangesanesthésiéesparlesimpacts.Jesuisessoufflé,ensueuretensangmaisçanem’arrêtepas.Bienaucontraire,uncombatc’estprendrechaquecoupcommeundopant,uneénergienouvellequigalvanise et donne envie de faire encore plusmal. La douleur, çamotive, çaréveilledeschosesendormiesetpulvériselessensations.Alors je frappe autant que je peux et j’encaisse tout autant. On finit au sol àrouler l’unsur l’autreententantdesedonnerdescoups.Iln’yapasd’arbitre,pasderèglenonplus,c’estlorsquel’undenousseraàterreetincapabledesereleverqueceseraterminé.Gunseredresse,etreculepourreprendresonsouffle,salèvreestfendue,jesensunetraînéedesangsurmajoue,ilm’acoupél’arcade,cecon.Je foncesur luiune fois surmesdeux jambesetmonpied le frappeenpleinepoitrine et l’envoie valdinguer contre les hommes qui nous entourent. Ils lerepoussent pour le remettre dans le match, mais il est cuit. Il me suffit d’uncrochetdudroitpourqu’iltermineàterreetneserelèvepas.Lesautresfrappentmesépaulesetmondospourmeféliciteràcoupdegrandscris. J’essaye deme frayer un chemin pour rejoindre Elsa qui n’a pas bougé.J’enlèvemon t-shirt pour essuyer la terre et le sangquimecolle à lapeauenm’approchantd’elle.Iln’yapasbesoindetergiverser,rienqu’àsesjouesrouges,sonregardbrillantetsespetitspoingsserréssursescuisses,jesaisqueçaluiafaitdel’effet.Elle

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tendlesbraslorsquej’arriveàsahauteuretjelasoulèvecontremoi.Ellesaisitmon visage et m’embrasse voracement, l’adrénaline déjà présente dans mesveines vrille totalement en sentant sa langue, son souffle et combien elle meveut. Je l’entraîne jusqu’au club, sans penser à rien d’autre qu’à l’envie dem’enfoncerenelle.Elsas’accrocheàmesépaules,ellenecessedepromenersabouchesurmoncouetmesjoues,j’arriveàpeineàvoiroùjemetslespieds.Onentre dans le bâtiment et je connais assez bien l’endroit pour l’emmenerdirectementdansunedeschambres.J’entendsdessiffletssurnotrepassage,maisniellenimoin’yprêtonsattention.Onestdanssonmonde,danssondélireetcelui-làjelepartagevolontiers.Onsefaufilejusqu’àunechambrequejesaislibrelaplupartdutemps,ellesertauxinvitésduclub.Jerefermelaporteavecmonpiedetavancejusqu’aulit.Jem’yassoisetcaleElsaàcalifourchonsurmesgenoux.Sesjambesnesuiventpaslemouvement,alors jeprends le tempsde lesmettreautourdema tailleen lamaintenantpourqu’ellenetombepas.Etpuis,onnebougeplus,ellecommemoi,onrestecommeçaàs’observerdansle silence, sa poitrine se lève rapidement et se frotte à la mienne, ses mainsencadrenttoujoursmonvisageetjemedemandesiellevareculer,sielleserendcomptequ’elleveutbaiseravecl’hommequil’aenlevée.J’aienviequ’ellesachequec’estmoi,quecen’estpascommeladernièrefois,queleschosesontchangéetquepourmapart,iln’estplusquestionquedesexe.Je me trouve stupide, impressionné par cette femme et ce qu’elle me faitressentir.Çanemeressemblepas,jenesuispaslegenred’hommeàvouloirdeshistoiresd’amouralorspourquoiavecelletoutestdifférent?Sespaumesglissentsurmontorse,sesonglesmegriffent,ellesemordlalèvre,j’ai l’impression qu’elle se retient, qu’elle aimerait être plus sauvage, maisqu’elle n’ose pas. Je la fais basculer sur le lit avant qu’elle n’arrive à maceinture.Jemedégageetcommenceàladéshabiller.Rapidement,jem’occupedu bas et elle du haut, puis je la remets dans lamême position, surmoi. J’aienvied’ellecommeça.Sa peau frôle la mienne et une étrange intimité se créer entre nous. Un trucspécial,untrucquejeneressensqu’avecElsa,untrucquim’exciteetm’émeutenmême temps.Quelquechoseque jenecomprendspas, commesi l’air étaitdifférent.L’emmerdeusereprendsonmanègesurmontorse,sesyeuxdanslesmiens,elledéfaitmaceintureet lesboutonsdemonjean, j’anticipedéjà lapressiondesamainsurmonsexebandéalorsqu’elleprendsontemps.

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Sapaumesefaufiledansmoncaleçonetunsoupirm’échappe lorsqu’elles’enempare enfin. Elle m’extirpe du vêtement, je la ramène contre moi, plusviolemmentquej’auraisvoulu,samains’envaetjefrottesonentrejambecontremoi. Elsa m’embrasse, pendant que je fais aller et venir ses hanches enrenforçantlapression.Elleenabesoin,pourmesentir,elleabesoinquecesoitplusduretj’adoreça.Si elle pouvait, ce serait elle qui bougerait, qui prendrait les rênes et je lalaisseraifairecequ’elleveut.Avecelle,jepeux,jesaisquejepeuxlâcherprise.Je lasensmouiller, jesenssachaleuretavecsa languedansmabouche, jenerésiste pas longtemps à m’enfoncer en elle. Elsa s’écarte de mes lèvres justeassezpourmeregarder,monvisageensanglantéparlescoupsquinesemblepasla déranger. Je vois le plaisir dans ses yeux, je vois à quel moment ellecommenceàpercevoirquejelapénètreetjel’abaisselourdementpourqu’ellemesentetotalement.Ellegémitens’accrochantàmesépaules,sonvaginpalpiteautourdemoi,monsouffleseperdsursapoitrineetsapeaufrissonne.Putaindemerde,çamesubmergetotalement.—Sander,fais-moibouger.Jem’exécuteenmecramponnantàseshanches, jenesaispassiellesentmesmainsquil’agrippent,maiselleaimelemouvementquejeluiimpose.Elleaimeque ce soit profond, et j’aime la regarder prendre son pied avec ma queueenfoncéeenelle.Elsaréclame,plusfort,plusloin,plusvite,ellemeserrecontreelle,sesseinssefrottentàmapeauensueur,elleembrassemoncou,mordmonoreilleetmefaitperdrepied.Jenousfaisbasculersurlelitpourlaprendrepluspuissamment,sesjambesretombentmollementsur lematelaset jebaisse lesyeuxpourvoirnoscorpssejoindre.Etc’estseulementmaintenantquejepenseaupréservatifquejen’aipasmis.Jemefige,jenel’aipasfaitsanslatexdepuis…longtempsetcen’étaitpasdebonsouvenir.—N’arrêtepas,soufflel’emmerdeuse.Jemerendscomptequ’ellenonplusn’arienditàproposdeça.Elleestclean,cen’est pas une pute qui s’est tapée toute la ville ni une junkie, mais on peutattraperautrechosequ’unemaladiesansprotection.Elsameramènecontreelleetm’embrassevoracement,matêteoublielacapote,il n’y a quema queue qui s’enfonce encore et encore en elle qui compte. Jesoulève sa jambe surmon épaule,Elsa gémit plus fort contremes lèvres, elle

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plantesesonglesdansmondos,labrûluredecettedouleurm’exciteencoreplus.Ellejouitenmeserrantcontreelle,commesijepouvaism’échapperalorsmêmequesonvaginmefait tellementdebien.Jerésisteàmonpropreorgasmepourqu’ellesavoure lesienjusqu’auboutet jesorsdesoncorpspour jouirsursonventre.Ellememaintientcontreelle,ma têtedanssoncou, jesavoure lasensationdeplanerquelques instants. Je finisparbasculer sur ledospournepas l’écraser,j’entraîne l’emmerdeuse avec moi, je m’attends à ce qu’elle cherche às’échapper,maiscontretouteattenteellereste.Elsalâcheunsoupirdebien-êtreenposantsatêtesurmontorse.Jelalaissefairesans rien dire, sans bouger et le silence s’éternise, si bien que je manque dem’endormirlorsqu’enfinelleprendlaparole.—Jecroisqu’onaunproblème,Sander.Onenaplusd’unàmonavis.Néanmoins, jemecontentedecalerunoreillersousmatêteafindevoirlasienne.Sonmentonestsurmontorse,sesdoigtsmecaressentmachinalementetsonregardvertseplantedanslemienavecsérieux.—Quelproblème?jefinispardemander.—Toietmoiet…ça.Qu’est-cequec’était?—Cequeçadoitêtre.Elleritpuisfrottesonnezcontremapeau.—Tulevoulais,j’affirme.—Oui,maisladernièrefoisaussietaprès…Jelasoulèvepourquesonvisagesoitau-dessusdumien.—Jenevaispasrecommencer.—Etsidemain,jevoisunautrehomme?Il faut toujours qu’elle ait les mots qui fâchent, qu’elle sorte la phrase quim’achève,cellequim’empêchederaisonner.—Sic’estcequetuveux,jeferaisavec.Jemens.J’ignorecommentjeréagirai.Maisc’estconstammentlecas,depuisladernièrefois,jem’attendsàvrilleràchaqueinstant.—C’estcequetuveux?jedemande.—Non.—Alors,finduproblème.—Bienaucontraire.Etsidansquelquetemps,jechanged’avis?—Elsa…—C’est unepossibilité, Sander et je ne veuxpasmedemander si je peux, jeveux être libre de faire ce que je veux sansque tu pètes les plombs.C’est un

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problème,tuvois!C’estçaleproblème,c’estqu’iln’yaquedeuxpossibilitésavectoi.Elle s’énerve et tentede s’extirperdemesbras. Je la laisse rouler sur le lit etramperpourallercherchersonpull.J’aiunevueimprenablesursonculétrange.Ma main s’abat dessus un peu fort, le bruit résonne. Elsa relève la tête, lescheveuxdanstouslessens.—Est-cequetuviensdememettreunefessée?—Tul’assentie?Safesseestdéjàrougeetondistinguemêmel’empreintedemesdoigts.—Nefaitplusça.Elle se retourne et enfile son pull sans répondre à ma question. Elle n’aprobablementriensenti.Ellerampejusqu’àlatêtedelitets’yadossetantbienquemal,entouréepardescoussins.Je remontemoncaleçonetmon jeanavantde la rejoindre. J’allumeuneclopetiréedupaquetquitraînesurlatabledenuit.—Ondoitêtrelecoupleleplusbancaldelaterre,ellemurmure.Jesourisenfumantsansriendire,ellesembleréfléchiretj’ail’impressionquechaqueparolequisortirademaboucheferapencherlabalancedumauvaiscôté.—Si j’avais des jambes, je crois que je serais déjà sortie de cette pièce, ellepoursuit.J’écrasemaclopedanslecendrieretmelève.Jefermelesboutonsdemonjeanetremetsmaceinture.—Qu’est-cequetufais?elledemande.—J’aidesjambes.Jemecasse.J’avancejusqu’àlaporte.—Tuvasmelaisserlà?—C’estcequetuauraisfaitsitupouvaismarcher,non?Sonvisageencolères’adoucitquandelleprendconsciencedesmotsqu’elleadit.Sielleneveutpasêtreavecmoi, jenepeuxpas la forcer, je l’aicompris.Mais jeneveuxpasvivreça,medemanderconstamment si je suis assezbienpourelle.Jene lesaurai jamais,quoique jefasse.Ellea raisonsurça, jesuismoiavecmonvécuetmesconneries,avecmatêtequipartencouillesansquejenesachepourquoietc’estcommeçaqu’elledoitmeprendre.Aveclebonetlemauvais.—T’asraison,j’peuxpaschanger,c’estmoiettusaisquijesuis.Lemecavecquitubaises,c’estaussiceluiquit’aenlevée,c’estceluiquiatuéetc’estaussicelui qui délire complètement et qui en a marre d’essayer de comprendre

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pourquoi.Jesaispourquoi,putain!C’esttoiquimefaisvriller,l’emmerdeuse!C’estquand t’espas àmoique jedébloque totalement !Parceque je saispascommentt’asfait,maistumefaisflipper,Elsa!Tumefaisputaindeflipperàavoir cepouvoir surmoi, à te laisserdécider si jevais allerbienou si jevaisredevenir ce taré qui a cru que son père était un modèle ! T’es même pasconscientedecequeçafait,bordel!Tucroisquec’estnormaltoutesceschoses,maispourmoi,c’esttoutlecontraire!Jetrahistoutenayantconfianceentoietçamerendmalade!Jem’approche du lit, mon corps tremble de colère, elleme regarde avec desyeuxronds.—Etmaintenanttuveuxtecasseralorsqu’ilyadixminutestumedemandaisdetebaiserplusfort?Quiestexcitéedèsquejemebats?Quiaimequejelatraitecommedelamerde?Elle nedit rien, ellem’observe, choquée,mais je n’ai pas envie de jouer pluslongtempsavecelle,ouavecmoi.Jeperdraisdanstouslescas.—Putaindemerde,Elsa,quiestleplustarédenousdeux?!Moipourt’avoirenlevéeoutoipouravoiraiméça?Je lui jetteundernier regardavantde sortirde lachambreetde luidonnercequ’elle veut. La porte claque dans mon dos, je l’entends m’appeler et memenacer si je la laisse seule ici,mais j’ai encore toutema tête,même si elleaimeraitquecesoitlecontraire.Jesuisconscientdecequejefais,parfaitementlucidesurlefaitquejeviensdegrillermesdernièreschancesavecelle.

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Chapitre23Elsa

Jefixelaporteenm’attendantàlevoirréapparaître.Jemedisquecesderniersinstantsavecluisontduvent,qu’iln’apasditça,qu’ilvareveniretquelavievareprendre son cours normal juste après mon orgasme. Et je changerais tout,j’essaieraisdenepasdiredesstupiditésetjecomprendraispeut-êtrecequinevapasavecmoi.Parcequ’iladitlavérité.Je sais qu’il ne changera pas, alors pourquoi je veux autre chose avec lui ensachantqu’ilestcemecfoucapabledem’enfermerdanssacave?Pourquoijemevoile lafacesurmaproprepersonnealorsquejusqu’à lui, j’ai toujoursétélucide surmoi ? Ilme chamboule avec tout ce désordremental qu’il installe,toutescessensationsnouvellesdontjenesaispasquoifaire.Alors,oui,jesuisprobablementaussitaréequelui.Probablementqueledestinaimaginéquelquechosepournous,ilafaitensortequ’onsetrouveetqu’onsecomplètedansnosdélires,parcequejenepeuxplusniercequejeressenspourSander.Cen’estpasjustesexuel,cen’estpasseulementqu’ilm’excitelorsqu’ilsebat,c’estau-delàdeça.J’aime comment je me sens avec lui, comment il me regarde, ce qu’il faitressortirdemoietcedontmoncorpsestcapabledanssesbras.J’aimetoutça,etmoiaussi,çamefaitpeur.Parcequeçafaitdemoiquelqu’und’anormal,encoreunefois.J’aidéjàunhandicapphysique,l’aimerm’endonneunmental.Alorsqu’est-cequejedoisfaire,lenieroul’accepter?J’inspire en sentant une boule se former dansma gorge, je revois son regardpeinéparmesparolesetsacolèrefaceaudésastrequej’aicréé.Moiaussi,j’aibesoindeluipourêtrebien.Depuisqu’ilm’arendumaliberté,jenetourneplustrèsrond,jemesensseuleetabandonnée.Pourtantc’estmoiquiaieprismesdistances,moiquinevoulaisplusmeconfronter à lui, parcequederrièreces sentiments, ilyavait ausside lacolèreet je l’ai laissédominer lereste.Ellen’estpluslàcettecolère,ilyajustedeladéceptiondenepasavoirétéassezfortepourassumerletroublequ’ilengendreenmoi.Jeluidemanded’êtrefort,decombattresesdémonsetjesuisincapabledefairefaceauxmiens.C’estplussimpledevoircequinevapaschez lesautresque

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chezsoi,çafaitmoinspeurdesedirequecesont lesautresquidébloquentetqu’onestqu’uneconséquencedetoutça.Cen’estpaslecas,jenesuispasuneconséquence,jesuisunacteàpartentière.La porte s’ouvre violemment, je sursaute en voyant Sander apparaître sur leseuil.Ilentreetrefermelebattantenleclaquant.Moncœurs’emballeenvoyantqu’ilnesaitpasquoifaire,etjemesouviensdeladernièrefoisqueças’estproduit.Quandilalâchépriseetlaissésesdémonsledominer.Jen’aipasenviedeça,toutcommelui,bienaucontraire,j’aimeraisapaiser les choses entre nous, faire qu’elles ne soient pas constamment de ladouleur.Jenepeuxpasmeleverpourallermejeterdanssesbras,alorsjefais laseulechosedontjesuiscapablesansjambes.JetendslesbrasetSandercomprendcequecegesteveutdire.Ilromptladistancequinoussépareetmesoulèvecontrelui.Jem’accrocheàsesépaules,jereniflesapeauenleserrantaussifortquejepeux.Sanders’assoitsurlelitenmecalantsursesgenoux,jerestecontresontorseàsavourerlachaleurdesapeauetàmedirequec’estcequejeveux.Avoirsoncorps contre lemien,me sentir en sécurité dans ses bras et laissermon cœurprendreledessus.Arrêterd’avoirpeurdecequejeressensetassumer.Tout.Êtreplusfortequejenel’aijamaisété,mêmeaprèsmonaccident,mêmequandj’airéclamé mon indépendance et que j’ai voulu cette maison loin de tout et dumonde.Cen’étaitpasducourage,c’étaitdelasurvie,uneéchappatoireàtoutcequejeneseraisplus.Àprésent,jesuisdenouveauquelqu’un,aveclui.—Est-cequeturegrettes?jedemandeensentantlesbattementsrapidesdesoncœur.—Cequej’aidit?J’acquiesced’unmouvementdelatête.—Non,parcequec’estlavérité.Onlesaitdepuislongtemps,l’emmerdeuse,tum’asdéjàditquejenechangeraipas,jevoulais…Ilsetait,inspireetunedesesmainssedétachedemoipourtâtersespochesàlarecherchedeclopesqu’iln’apas.— Qu’est-ce que tu voulais ? je l’interroge en redressant le visage pour leregarder.—Êtrefrancavectoi,surcequ’ilsepasse.Quet’arrêtesdenierunebonnefoispourtoutes.—Tuesencoreénervé?—Oui.

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—Est-cequetuesconscientdecequetufais?—Oui.Jenevaispas tefairedemal,mêmesi l’idéem’estpasséepar la tête.C’estpourçaquejesuisrevenu.Jecommençaisàmesentirpartir,àmedirequet’es comme les autres et qu’on ne peut pas te faire confiance… que tu vasm’abandonner.Je prends sa main et la serre, je tremble un peu sous ses révélations qui necachentrien.Jesuistouchéequ’ilm’enparle,maisçanem’empêchepasd’avoirunpeupeur.—C’estcequetonpèretedisaitsurlesfemmes?—Oui, elles sont toutes instables et certaines sont pires que les autres, parcequ’ellesontunepartduDiableenelles.Celles-là,ilfaut…Sonregardestplongédans lemien, sessourcils se froncentalorsqu’il semblepartirdanssessouvenirsetjetouchesajouepourleramenerdansleprésent.—Lestuer?C’estça?—Oui.J’essayedevoirlepetitgarçonenlui,celuiquiaétéélevédanscesconditions,quiavusonmodèlefairecegenredechosesetquiaétécontraintd’yparticiper.Sandern’estpasuntendreets’ilavaiteuunpeuplusd’amourenétantenfant,ilneseraitsûrementpascethommedéboussoléaujourd’hui.Jesaiscequ’ilafait,j’ailuassezd’articlessursonpèreetsesactespourcomprendrequ’ilaétéloindanssescrimes.Jen’aipaslaprétentiondelesauveroudeleguérir,maisjesaisquejepeuxluimontrercequec’estqued’avoirquelqu’unquinousaime.Quelqu’unenquionpeut faireconfianceetquinousaccepte telqu’onest.Avecnosdéfautsetnosqualitésetquirendlavieplusdouce.J’aiétéchoyéeenfant,jesuisfilleuniqued’uncouplequim’adésiréeetaiméedetoutsoncœur.J’aiétéheureuseetinsouciante,pendantqu’ilperdaitsamèreetquesonpèresetransformaitenmonstre.— Je pensais que toutes ses idées étaient mortes avec lui. Je pensais m’êtreémancipé de toutes les conneries qu’il m’a mis dans le crâne, pendant desannées, je n’y ai pas pensé, en taule ça ne comptait pas, j’avais même desprivilèges en tantque fils de.Mais ça revientdepuis toi.Et c’est pas ta faute,l’emmerdeuse,seulementjedoisvivreavecettoiaussi,situveuxfairepartiedemavie.Jeneveuxpasquetutesentesprivéedeliberté,jesaiscequec’est,j’aipasséquasimenttoutemaviesanslibertéquesoitavecmonpèreouenprison.J’aipasenviequetutesentescommeçaavecmoi,seulement,soitprudentedanscequetudisetdis-moiquandjevaistroploinousijetefaispeur.

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—Ceserasuffisant?—Çal’étaitaudébut,non?Avantquejedéraille,onfonctionnaitbientouslesdeuxett’avaispaspeurdemoi.Jesouristimidement,ilsetrompe.J’aitoujourseupeurdelui,seulementjenevoulaispasqu’illesache.—Ondevraityarriver,sionsefaitassezconfiancepourseparler.Sanderacquiescepuisn’ytenantplus,ilmedéposesurlelitetpartchercheruneclopedanslepaquetposésurlatabledenuit.Jemerhabillependantcetemps,jesenssonregardsurmoialorsquejegalèreàremettre ma culotte et mon pantalon. Ça ne me gêne pas, mon handicap n’ajamaisétéunpoidsaveclui,ilarrivetoujoursàmemettreàl’aisesurcesujet,ànepasfaireensortequecesoitunobstacleàmesenvies.—TuasvuWall?jelequestionne.—Non,pasencore.—Tuveuxfairepartiedececlub?Ilritpuisvienss’asseoiràmespieds.Ilnem’aidepasàmettremeschaussettes,ilmelaissefairepatiemment.—Non, les clubs, les règles qui vont avec, c’est pas pourmoi. Je reste libre,maisjefais,enfinjefaisaisquelquestrucspoureux.—Commequoi?—Commeretrouvezdesgens,fairepeuràcertains,destrucsqueleclubnepeutpasfairesansrisquerqu’onlesreconnaisse.—Tuesl’hommedel’ombre.—Oui,enquelquesorte.J’imaginequefairepeurinclutdescoupsoutoutautregenredemenaces.Jemepenchepourattrapermesbasketsausol, jemanquedem’étaler tellementlelitest haut, mais je parviens à en attraper une. L’autre est trop loin, alors jedescendsdulitenrampant,mesjambespercutentlesolviolemment.SiJohnmevoyaitfaire,ilhurleraitquejesuisfolle,neriensentirnepermetpasdesavoirquandonse faitmaletc’est risquéde tentercegenredechosessanssécurité.Elles semblent aller bien néanmoins, la réception est violente, mais quelquesbleusnesontpasgraves.Jem’adosseaulit,unefoismasecondebasketattrapéeetlesenfilesuneàune.—Tuvascontinueràfaireça?jepoursuis.—Pasdansl’immédiat,avecmaconditionnellec’esttropcompliqué.—Alorspourquoionestvenusici?Sanderselèvepourallerécrasersaclopedanslecendrier,lapièceestrempliede

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fumée et j’aimerais pouvoir me lever pour ouvrir une fenêtre. Il revient ets’assoitausolàcôtédemoi.Ilmefixed’unedrôledefaçon.—Quoi?—Tunevaspasaimer.—Distoujours.—PourSarah,lasœurdeSandy.J’aidemandéàWalldelaretrouver.—Pourquoi?—Pouravoirdesréponsesetmevenger.Cettegarcem’abalancé,jenevaispaslalaissers’entirer.Je le dévisage, médusée par ses propos et en même temps, pas si surprise.Qu’est-cequejepourraisrépondreàça?Nelefaispas?Çanechangeraitrien,ilestdécidéetprobablementqu’ilapassécesdixdernièresannéesàl’envisager.—Tuvaslatuer?—Jenesaispas.Jeveuxsavoirpourquoidansunpremiertemps.—Nelatuepas.Il me sourit en secouant la tête comme s’il devait expliquer certaines règlesessentiellesàunenfant.—Cen’estpasaussisimple,l’emmerdeuse.Sijelalaisses’entirer,jen’envoiepaslebonmessage.—Quelmessage?—C’étaitunedemesfillesetjel’aitoujoursbientraitée,ellem’atrahi,elledoitpayer. C’est ça le message, on ne me trahit pas, sinon on assume lesconséquences.—Parcequetucomptesreprendre?—Oui.—Sander!Il inspire lourdement, son regard devient plus sombre et cette fois, je suisréellementchoquée.Ilnevapasredevenirunproxénète.— C’est tout ce que je sais faire. Alors quand je n’aurais plus de contrôlejudiciaireaucul,ouijereprendrai.Etlesfillesdoiventsavoirquerienneresteraimpuni.—Nefaispasça.—C’est pas négociable, Elsa. C’estma vie, jamais je ne trouverai un boulotlégal,t’asbienvu,personneneveutdemoi.Je ne peux pas le contredire à ce sujet, néanmoins, il y a forcément d’autresalternatives. Jemecolleunpost-itmentalpourypenser.Sander se lèveetmeprenddanssesbraspourqu’onquittelachambre.Lesujetsembleclospourlui,

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pour moi il est juste reporté durant ma réflexion. Déjà, je suis contrel’exploitationdecesfemmes,ensuite ilya toujours lerisquequ’il retourneenprison.Onsortdelachambre,ilmeramènedanslapièceprincipaleduclubetmeposesurunfauteuiltellementprofondquejamaisjenepourraismesortirdelàseule.Les autres femmes présentes me jettent des regards intrigués au mieux,menaçantsaupire.Sandermelaisse,letempsqu’ilaillecherchermonfauteuil.Jemesensseuleetmalàl’aise.Jelessalueenespérantdétendrel’atmosphère,l’uned’ellesselèveetmerejoint.Elles’installesurlesièged’enface.C’estunejoliebrune,danslaquarantaine,habilléedecuirdelatêteauxpiedsetenceintedecequejevois.Legenredefemmequ’onimagineparfaitementsurunemoto.—Salut,jesuisMaria,lafemmedeWall.—Elsa,laheu…amiedeSander.Jenesaispastropcommentmequalifier.—Amieseulement?Cequ’onenaentendumelaissaitpenserquet’étaisautrechose.Jedoisrougirjusqu’àlaracinedemescheveux.Jeregardeunpeupartoutsaufdanssadirection,tellementjesuismalàl’aisejusqu’àcequ’ellesemetteàrire.—Détends-toi,mabelle,jenevaispastejugersurcequ’ils’estpasséderrièrecetteporte.—J’aimeautant,merci.Sander revient avec mon fauteuil, je tends les bras pour qu’il me soulève etm’installe dessus. Jeme sens tout de suitemieux, une fois surmes jambes àroulettes.Sijeveuxbouger,jepeuxlefairesansdemanderdel’aideàquiquecesoitetçamerassure.SanderdiscutequelquessecondesavecMaria,puisils’accroupitdevantmoi.—JevaisvoirWall,resteici,nesorspas,nevapasvoirlescombatsetneparleàaucunmec.—Net’inquiètepas,répondMaria,jelagardeavecmoi.Sander acquiesce sansme laisser en placer une, il embrasse furtivementmonfrontavantdepartirdanslecouloir.Me voilà en tête à tête avec la reine qui me fixe comme si j’étais unextraterrestre.—UnefemmequifaittournerlatêteàSander...ilfautquetumeracontestoutça!Elleselèveetm’informequ’ellevachercherdequoinousdétendre.Jesoupire,ellen’apasl’airméchanteetmêmeplutôtcool.Detoutefaçon,jesuiscoincée

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ici, alors autant rendre ce temps avec elle agréable et peut-être apprendre deschosessurSander.

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Chapitre24Sander

Je frappeà laporteet attendsqueWallm’autoriseà entrer. J’ai récupérémoncuirenallantchercherlefauteuildel’emmerdeuseetjesuisdéjààlarecherched’uneclopeunefoislaportereferméederrièremoi.LeprésidentdesTheSyndicateest attablé à sonbureau, un stylo à lamain, ilremplitdesdocuments.Ilmefaitsignedem’asseoirenfacedelui,jem’exécute.Lesilences’installedurantquelquessecondesquimefontdouter.Iln’apasl’airravidemevoir.—Vas-y,balance,j’aipasdepatienceaujourd’hui.J’aimerais autant savoir à quoi m’attendre plutôt qu’on entre dans uneconversationbanalepouramortirlechoc.J’aieumadoseavecElsa.—Onl’aretrouvée.—Bien.Oùest-elle?Wall inspire lourdement, sa grosse carcasse s’abat sur le bureau et fait volerquelquespapiers.—Morte.Jefixeleprésidentcommepourêtrecertaind’avoirbiencompriscequ’ilvientdedire.—Morte?Ilacquiesceavecunairdésolé.—Jet’aiditquejelavoulaisvivante,putain!—Jesais,maisonn’apaseulechoix.—Paslechoix?Ilfallaitjustelaramener,bordel,c’estpascompliqué!Jemelève,agacé.C’estn’importequoi, ilsavaitàquelpointc’était importantpourmoiqu’ellesoitenvie.Latuern’apporterien.Rien,putain!— Calme-toi. Mes hommes ont fait ce qu’ils pouvaient. Elle était protégée,l’atteindren’étaitpassimple,lakidnapper,c’étaitcarrémentimpossible.Jeme fige en le dévisageant, je n’aime pas ce que je ressens, cette sensationqu’onmelafaitàl’enversetquequelquechosem’échappe.—C’estcequet’asdonnécommeordre?Latuersielleétaitimprenable?Wallbaisselesyeuxensecouantlatêteetjen’aipasbesoindesaréponsepoursavoirquecesontbienlesdirectivesqu’iladonnées.

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Putaindemerde!—Jet’aiditquejelavoulaisvivante,àtoutprix!—T’esvengémonfrère,c’estbiencequetuvoulais?—Non,pascommeça,passansréponse…elleaditquelquechoseavantqueteshommesladescendent?—Non,rien.Jepousse lachaised’agacement, jetteundernier regardàWallpuis je sorsdesonbureau.Jerejoinsl’emmerdeuseetsansluidonnerd’explication,j’empoigneson fauteuil et la pousse jusqu’à l’extérieur. Je suis énervé, tous mes plansviennent de tomber à l’eau à cause demecs incapables de faire ce qu’on leurdemande.C’étaitimportantpourmoid’avoirdesexplications,decomprendrecequil’aamenéeàmetrahiretàtémoignercontremoi.Jevoulaissavoiretonvientdemepriverdecedroit.JefaisdescendrelesmarchesàElsasurdeuxroues,ellecrieunpeuquandsonfauteuilmanquede se renverseret jemecalmeen lavoyant s’accrocherà sesroues.—Qu’est-cequ’ilya?elledemande.Jenerépondspas,jesorsdel’enceinteduclubetnousguidejusqu’àsavoiture.J’ailesnerfsetunefurieuseenviedefairemalàquelqu’un,àWallparexemple,quin’arienrespecté.J’auraispréféréqueçaprennedesannéesplutôtquedelasavoir morte. J’aurais attendu, la vérité en valait la peine. Maintenant, c’estdéfinitivementfoutu.Etçam’enrage.—Sander,arrête.Elleactionnelesfreinsdesonfauteuiletmeforceàstopper.Jelalâche,allumeuneclopependantqu’ellemedévisage.—Dis-moicequ’ilya?—Cettebanded’incapablesl’atuée!Elsaouvredegrandsyeuxenmefixant.—Ils l’ont tuéeet jen’aurais jamaisderéponse!Bordel,c’estentraindemerendredingue!J’auraisdûm’enoccupermoi-même!—Ilsl’onttuée?Jemecalmepour la regarder,elleestblêmeetchoquée.Onvientvraimentdedeuxmondesdifférentselleetmoi,c’estcertain.—Tuterendscomptedecequetudis?Sonvisagereprenddescouleursetsesyeuxm’envoientdeséclairs.Siellecroitquejevaism’émouvoirpourcequiestarrivéàSarah,ellesetrompeamèrement.Laseulechosequejeregrettec’estquecenesoitpasmoiquil’aietuée.

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—Pleure-lasiçatechante,maisnecomptepassurmoipourm’apitoyersursonsort.Ellel’acherché.—Parfois,tuparlescommesi…Elleneterminepasetdétourneleregardsurletrottoir.Elleenlèvelesfreinsetreprend son chemin pour rejoindre sa voiture. Je lui laisse quelques mètresd’avanceenimaginantlesmotsqu’ellevoulaitdire.Monstre,sanscœur,enfoiré,untruccommeçasûrement.Jelarattraperapidementetmarcheàcôtéd’elleavantdel’arrêterenmeplaçantentraversdesaroute.Sonvisageseredressepourmeregarder.—J’aifaitdixansdetauleàcausedecettepute, tucroisquoi,quejevais luipardonner ? Je ne l’ai pas forcée à faire le trottoir, elle l’a voulu, c’était uneputaindejunkiequiécartaitlescuissespouravoirsesdoses!—C’estunêtrehumain…—Merde,Elsa!C’étaitunegarcequim’avendupourjenesaisquoietjenelesauraijamaismaintenant.Seslèvressepincent,jecroisqu’ellenecomprendpasettantpis,jesaisquiétaitSarah,jesaisqu’elleauraitvendusamèrepourunfix,alorsc’étaitpeut-êtreunêtre humain, mais surtout une garce sans honneur. Je ne vois pas pourquoij’aurais dû en avoir pour elle. Elsa avance etmanque deme rouler dessus, jem’écartepourlalaisserpasseretjelasuisjusqu’àlavoiture.Elleactionnesonmécanisme,jemontesurlesiègepassagerenl’attendant.Une fois installée, elle démarre et on prend la route dans un silence tendu.J’allumeuneautreclope, je l’entendssoupirer,elleactionne la fenêtredemoncôtéetlefroids’enfoncedansl’habitacle.Ilfaitnuit,j’ignorecependantl’heurequ’ilest.Probablement tardet la fatiguedecette journéecommenceà se fairesentir.L’ambiancepesantedemeureunefoisqu’onestsortisdelavillepourprendreladirectiondeAnderson et je n’aimepas ça.Onvient à peinede sedonnerunechancedefonctionneretonestdéjàentraindeseprendrelatête.—Comprendque jenepeuxpas ressentirdepitiépourelle.Ellem’aprisdixansdemavie.J’entendsElsainspirer,jeluijetteuncoupd’œil,elleestconcentréesurlaroute.—Jecomprends.Àtontour,comprendsqueçamechoquequetuneressentesriend’autreensachantqu’elles’estfaittuer.Je me mets à sa place, dans sa petite vie tranquille où les gens meurentd’accidentoudemaladie,pasd’uneballeenpleinetête.Jepeuxconcevoirqueçalasurprenne,larueestdifficileetcruelle.

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—Jecomprends.— Bien, dit-elle, je suis désolée que tu n’obtiennes pas les réponses à tesquestions.C’estpeut-êtrel’occasiondepasseràautrechose,Sander,avanceretlaisserlepasséoùilest.Çaparaitsimplecommeça,maistoutdépendaitdecesréponsesjustement.Jenevoyais pas plus loin que la vérité.À présent je ne sais pas, je suis encore encolèreetjevaisdevoirl’encaisseravantd’envisagerautrechose.—Tuvois,sionparle,onarriveàsecomprendre,ellereprendensouriant.—Çateplaît?—Oui,pastoi?Elle lâche la routedu regardun instantpour leposersurmoi.Cequimeplaîtc’estqu’elleaimeça,qu’elletrouvequ’onfonctionne.—Ouais,jerépondstoutdemême.Ellesouritdeplusbelleetçamesuffit.Sielleestheureuse,jepeuxavoirtouteslesconversationsdumonde.

***Elsasegaredanssongarage, jedescendset l’attendsenfumant. Ilest3Hdumatin, j’’entends Poufsouffle s’égosiller de joie de revoir sa maîtresse. Enattendant qu’elle descende, il vientme faire la fête. Je le caresse etElsa nousrejoint à l’extérieurdugarage.On resteunmomentdans le silenceà savourerl’accueildesonchien.Jedistinguemamaisondanslenoir,jen’aipasenvied’yretourner,demeretrouverseul.—Est-cequetuveuxrester?m’interrogel’emmerdeuse.Ellesembleunpeugênéedemedemanderça,oupeut-êtrequ’elleapeurquejedisenon.—C’estcequetuveux?—Oui,ellerépondsanshésiter.Çamefaitsourirequ’ellenesecachepas,qu’elleassumesesenviesetqu’ellenevoitpasçacommeundélire.—Onn’ajamaisrienfaitsansquetusoisexcitéeparcequejemesuisbattu.Jevois sabouches’ouvrirpuis se refermerpour ravaler lesmotsqu’elleallaitsortir.C’estlavéritépourtant,saufcematin-là,aprèsnotrepremièrefois,maisc’étaittellementétrangequeçanecomptepas.

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—J’aienviedetoimêmequandtunetebatspas,ellemurmure.Sesmots suffisent àme réveiller et à envisager la fin de cette nuit autrementqu’endormiseuldansmonlit.Jefaisletourdesonfauteuiletlapoussejusqu’àchezelle.Unefoisàl’intérieur,jelasoulèveetl’entraînedanssachambrepuisdanslasalledebains.—Qu’est-cequetufais?ellemedemandequandjelaposeausol.—J’aienvied’unedoucheavectoi.Déshabille-toi.Jecommenceàposermesfringues,l’emmerdeusenebougepas,ellemeregardefaireunmoment,jusqu’àcequejesoisàmoitiéàpoil.—Qu’est-cequ’ilya?jefinisparl’interroger.—Jemerendscomptequ’onn’apasmisdepréservatifstoutàl’heure.—C’estunproblème?Jen’aipasjouientoi.—Jesais.Samainseporteàsonventre,commesiellepouvaitencoresentirmonspermesursapeauetçam’exciteterriblement.Cequ’ellenemanquepasderemarquermaintenantquejesuisencaleçon.—Elsa?Jesuisclean,j’affirmelavoixtendueparledésir.—Jevoudraisquetulefasses.Ses joues sont rouges, ses yeux brillent et je la soulève du sol pour que sonvisagesoitàmahauteur.—Qu’est-cequetuveuxquejefasse?Elle me dévisage avec ses grands yeux verts qui ont la même lueur quelorsqu’ellemevoitmebattre.Pasbesoindemespoingspourlafairemouilleretc’estentraindemerendredingueparcequejesaiscequ’ellevadire.—Jeveuxtesentirjouirenmoi.Mabouchene résisteplusà la sienne,Elsa fondcontremoienm’embrassant,j’arriveà laplaquercontre lemur,ellea tropdevêtementset j’aienviequ’ilsdisparaissent,enviequesapeausoitcontrelamienneetdeluidonnercequ’elleveut.

***Aprèsunedoucheplusconventionnelle,jenousinstalleaulit,ilestpresque5Hetj’espèrequeJohnnedébarquerapascematin.Elsavientseblottircontremoi,jerelèvesacuissesurmeshanchespourqu’ellenelagênepasetlechienvient

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s’installer à nos pieds. J’ai envie d’une clope, mais je n’ai pas envie de mereleverpourallerleschercherdansmonblousonrestédanslasalledebains.Jefermelesyeuxencaressantsonépauletoutefrêle.L’emmerdeuses’amuseàfaireletracédemestatouages.—Tusais,l’extraitdupoèmequetum’asenvoyé,celuideHenley.—Oui?—Lamoitiédestaulardsquejeconnaisl’onttatoué.—Ah,j’ignoraisqu’ilétaitsipopulaireenprison.—Pourquoitum’asenvoyéça?Ellesedécaleunpeu,sonvisageseredressepourmeregarder,lemiensebaissepourfairepareil.— Ilm’a aidée aprèsmon accident, quand j’ai décidé d’arrêter deme laisseraller.Jevoulaistedonnerquelquechoseàtoiaussi,temontrerquetoutdépenddetoietdecequetudécidesdefaire.—Tuvoulaismourir?Jelasensfrissonneretseserrerplusfortementcontremoi.—Jepensaisquemavieétaitfinie,quesansmesjambesjeneferaisplusrien.Jenevoulaispasvivrecommeça,quechaquepassoituncombat.Lemondeestinadapté aux gens commemoi, tout est fait pour lesmarcheurs, tu t’en rendscompteseulementquandtun’entresplusdanscettecatégorie.C’estépuisantdedevoir toujours faire plus d’efforts que les autres et j’en avais pas envie. Çan’avaitpasdesens,c’était injusteet jenevoyaispas l’intérêt. Ilafalluquejetrouveunsensàtoutça,beaucoupd’aideetdesoutienspourm’ensortir.J’ysuisarrivée,mêmesi j’ignoreencorepourquoi, jesais justequemêmesi j’aiperdumesjambes,jesuisencorequelqu’un.Jenesaispascommentj’auraisréagiàsaplace,qu’est-cequejeferaissidemainjen’avaisplusdejambes.Jen’aidéjàplusdetête,alorssijeperdsmonmoteur,jen’auraisplusrien.—Aujourd’huic’estdifférent,depuistoi,depuisquetumemontresquemêmeavecmonhandicapjepeuxavancer.Savoixestfaible,sonaveusemblel’émouvoir,entoutcasmoi,ilmetouche.Jela soulève un peu, pour que sa tête soit à hauteur de la mienne, mes doigtscaressentsajoue,sonregardsebaisse,pasdehonte,maisd’humilité.Cettefilleestunecombattante,unedureàcuirequiasusereleverquandil lefallaitetquin’apaslaissélafatalitél’atteindre.Bordel!Elleestunfoutuangedansmaviebordélique.—Jesuislemaîtredetondestin,jemurmurecontresabouche.

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Elsamefixeavecintensité,unsourireaucoindeslèvresquifaitfairedessaltosàmoncœur.—Jesuislecapitainedetonâme,ellerépondavantdem’embrasser.Ellen’apasidéecommec’estvrai,commeavecellejesuisserein,pluslibrequejamaisparcequ’elletientlesrênesdemasantémentale.Çadevraitêtrefoudeluilaissercepouvoiretçamefaitencorepeurparmoment,maisc’estbienréel.Elleestmatêteetjesuissesjambes,ensembleonnefaitqu’unetj’espèrequ’onnesebriserajamais.

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Chapitre25Elsa

Deuxsemainesplustard,Sandercalesoncrayonderrièresonoreilleetreculeunpeupourregarderleplanqu’il a dessiné. Il a du talent, c’est précis et je ne peine pas à visualiser laclairièresuffisammentgrandequ’onatrouvéepourfairenotrefeud’artifice.Ceneserapasle4juilletmaispresque,unefêtenationaleànotrehauteuretànosmoyens.Lesfeuxsontchersetselonleurportéeilfautplusoumoinsd’espace.On n’a sélectionné que des catégories inférieures à K4[2] pour rester dans lalégalitéetnepas foutre le feuauboisavoisinant.Néanmoins,ça feraunbeauspectacle et je trépigne d’avance de tout installer et de regarder le ciels’illuminer.Ilnousresteàfaireleplanetàtrouveruneconsoled’allumage.J’aimelefaireàl’ancienneetnepastoutprogrammersurordinateur,jetrouvequeçaperddesonsens. Il n’y a pasmeilleur que d’actionner une à une lesmanettes pour faireexploserunfeuetleregarderprendrevie.Sanderestconcentré,ilreprendsoncrayonetnotelesemplacementsquejeluiindique pour placer les fusées. J’ai une idée bien précise en tête et si jem’écoutais, je laisseraismon imagination divaguer et j’illuminerais tout l’état.Néanmoins,ilfautêtreraisonnableetsecontenterdecequ’onpeutfaire.Je regarde le plan prendre forme et je regarde Sander, ses doigts abîmés quigriffonnent.Ilestbeaucommeça,serein,attentifetpresquenormal.Entrenoustout va bien, il vit plus ici que chez lui, il amême arrêté ses travaux pour lemoment.J’ail’impressionqu’iladumalàretournerdanscettemaisonetilnelefaitquelorsquec’estnécessaire.Onesttoujoursensemble,ilbossedenouveaupourmoimaisrefusequejelepaye,ilm’amêmerendumonportableets’enestprocuréunnouveauparcequede toutes façons, iln’aplus rienà faireavec leclubmaintenant. Néanmoins, il a pris soin de transférermes photos dans sonnouvelappareil.Iladequoivivreetjemedemanded’oùsortcetargentenayanttoutefoisunepetiteidée.Onfaitdelamotoetc’estlasensationlaplusdémentequej’aieuedepuisdes

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annéesenétantderrière lui.La libertéàcegoûtdevent surmonvisage,cetteodeurdebitumequidévalesouslespneusetcesonsiparticulierd’uneHarleyquiavaleleskilomètres.Onnevapastroploin,parcequec’estunetorturepoursondosd’avoirmonpoids lorsqu’ilconduitmaisrienquequelqueskilomètresme mettent en transe. Le printemps s’installe maintenant et c’est plusqu’agréablederouler,sansaucunbutsicen’estceluidesesentirvivant.Onaeulavisitedesoncontrôleurjudiciaire,quiaclairementunedentcontreluimaistouts’estbienpassépuisquetoutestenordrelégalement.Mickeyaussiestvenuetmesparents,maisheureusementSandern’était pas làquand ilsm’ontrejoint pour déjeuner dimanche. Je ne suis pas encore prête à leur présenterl’homme qui a changéma vie. En revanche, il a fait la connaissance deCul-serré432 un soir alors que je discutais sur le forum. Je les ai laissés faireconnaissanceetilsonteul’airdebiens’entendredanslepeud’échangequej’ailuparlasuite.Donc tout va bien,mais Sander a encore dumal à avaler qu’il n’aura pas savengeanceetsesréponses.Cettesituationlebouffejelesens,parfoisilpartdanssespenséesetjevoisqueçaleronge.C’estcommes’iln’avaitpaspurefermercetteblessureetj’ignorequoifairepourl’aider.Onpoursuitleplandufeud’artificeenessayantdeprendreencomptetouslesparamètres.Lesdistancesqu’ilaparfaitementnotées,lalenteurd’explosiondesbombeset l’effetqu’onveutproduire.Onypassedesheuresetc’estgénialdepartager ça avec lui, que son intérêt soit aussi intense que lemien. Je pensaisqu’ilfaisaitçauniquementpourmefaireplaisirmaisilyprendclairementgoût.On sort de notre bulle lorsque le facteur s’arrête devant chez moi. Il vientrarement jusque-là, j’ai une boîte postale en ville que je relève quand je vaisfairemes courses, et comme je n’ai rien commandéd’encombrant, je supposequec’estunrecommandé.Ilsonneetjeroulejusqu’àlaportepoursignerlereçuetrécupérerlalettre.C’estunegrosseenveloppemarronbienlégèrepourtant.Jel’ouvre et en tire une autre enveloppe plus petite où il est inscrit le nom deSander.Jerestefigéeàregardercettelettreenmedemandantquiapul’envoyeretcequ’ellecontient.C’estbizarrequ’onenvoieunplipourluiàmonadresse,enrecommandédesurcroît.Jeroulejusqu’àSanderquilèvelenezdesonplanenmevoyantrevenir.—Tiens,c’estpourtoi.Ses sourcils se froncent, son crayon repart derrière son oreille et il saisitl’enveloppe. Je regarde le cachet, elle vient de Montgomery. J’inspectel’intérieur, il y a un autre document que je sors. Une lettre manuscrite de

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quelqueslignes.J’ouvredegrandsyeuxenlalisant,ellevientdeSandy,lasœurdeSarah.MonregarddéviesurSander,unefeuilleàlamainqu’ilfixesansavoirl’airdecomprendre.—C’estSandy,jemarmonneenluidonnantlalettremanuscrite.Il laparcourt rapidementet jeperçois lemomentoù touts’éclairepour lui,oùtoutcoïncideetmèneàuneseuleconclusion.LasœurdeSarahasuivilesdirectivesquesacadettealaisséesaucasoùilluiarriveraitquelquechose.J’ignorecommentellesaitquecen’estpasSanderquil’a tuéemaiselleenestpersuadéeetprécisequeSarahvoulaitqu’ilait l’autrelettre,ellemel’aadresséeparcequec’estlaseuleadressequ’elleconnaissepourjoindreSander.Jeluiavaislaissémacartelorsdenotrerencontre.Sandermemontrel’uniquefeuilleécriteparcellequil’abalancé.Iln’yaqu’unmot écrit aumarqueur en travers «Wall ». Il neme faut pas longtemps pouralignerdeuxplusdeuxetcomprendrelemessagedeSarah.C’estWallquiatoutmanigancéetl’aforcéeàbalancerSander,pourqu’unefoisincarcéré,ilreprennesonbusinesssansêtreinquiété.—L’enfoiré, grondeSander, l’enfoiré de fils de pute !C’est pour ça qu’il l’atuée!Etmoicommeunconj’avaisconfianceenlui!Putaindemerde, je l’aienvoyélachercher!Ilselèved’unbond,lachaiseraclelesoletparts’étalerprèsdePoufsouffle.—Jevaislebuter,luiettoutsonputaindeclub!Ilsedirigeverslaporte,déterminéàmettresamenaceàexécution.—Sander,non!Attends,calme-toi,s’ilteplaît.Il s’arrête sans toutefois se retourner. Je retiensmon souffle s’il franchit cetteportes’enestfinidelui,aumieuxilfinitenprisonaupire,mort.—Quejemecalme?ildemandedurementenmefaisantface.Jerouleversluipourprendresamain,tenterd’atteindresacolèrepourluifaireouvrirlesyeuxsurcequ’ils’apprêteàfaire.—Ilm’atrahi,Elsa,ila…j’aifaitdixansdeprisonàcausedelui,ilmereçoitdans sonclubcommeside rienétait, il joueaupoteavecmoialorsqu’ilm’aenculébienprofondément!Jenevaispasmecalmeravantqu’ilsoitmort!—Sander,écoute-moi,agirmaintenantnet’aiderapas.—Si,jesuistrop…Ildégagesamaindesmiennesetfaitquelquespasautourdemoi.—T’aspasidéedecequimepasseparlatêtelà.Nonsûrementpaseffectivement,maisjustement,j’ailespiedssurterreetjene

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vaispaslelaisserfairen’importequoi.—Ilvacreveretdouloureusement.Ilaceregard,cetéloignementquicommenceàaffleurerenluietsijelelaissepartir dans son délire quelque chose me dit que je ne le retrouverai plus. Jem’approche et tire sur son bras pour qu’il s’abaisse àma hauteur. Il se laissefairetelunpantinetc’estdeplusenplusflippant.Jesaisissonvisageetplantemonregarddanslesien.—Resteavecmoi.Sander,s’ilteplaît,calme-toiavantquetun’aillestroploin.Ilsembleprendreconsciencedeladirectionverslaquellesonesprit l’emmène,jevoislapeurdanssesyeuxetj’espèrequ’ontrouveraunesolution,qu’ilvasecalmer et réfléchir, ne pas se laisser prendre par ses pensées qui pourraientl’ameneràcommettrelepire.Jeneveuxpasleperdre.—Jevaiscraquer,Elsa,jevais…—Non,nonSander, regarde-moi, je suis avec toi,onva trouverune solution,maisnetelaissepashapperparcequeturessens.Ilfermelesyeuxdurement,sespoingsetsamâchoireseserrent,ilsecouelatêteet jemesens tellement impuissante. Il a l’airde souffrirde sebattreavec lui-mêmeet jenepeux rien faire. Ilmarmonne, jenecomprendspascequ’ildit,mesmainsrestentsursonvisage, j’aipeurde le lâcher,peurqu’ils’enailleetcommettel’irréparable.Je suis terrifiéeà l’idéeque l’autreprenne saplace,qu’il redevienneceluiquim’a enlevée, capable de tuer sans se poser de questions, juste pour apaiser sapeine.Jeluttecontreleslarmesquimenacentdesortir,j’essayedegarderlatêtefroide,maislevoircommeçamebriselecœur.Ilal’airravagéetjenepeuxrienfaireàpart lui répéter que je suis là, avec lui, qu’il peut compter sur moi et que jel’aime.Maisilm’échappe,ilserelèveetpartendirectiondelaporte,l’ouvreetjesaisques’il sort,c’est fini.Lui,moi,nous toutcecontrequoi ilaessayéde livrerbataille.—Sander!Je tente une dernière fois. Il se retourne et clouée surmon fauteuil, je fais cegeste qu’il a toujours interprété. Je tends mes bras tremblants en sentant leslarmescoulersurmesjoues.Mesnerfsvontcraquer,s’ilpartjevaispartiraussietjen’arrivepasàmerésoudreàcequetoutvoleenéclats.Plusmaintenant.Sandersefige,ilmedévisageetj’espèrearriveràletoucher,àcequecettepartde lui qui n’est pas remplie de haine et de conditionnement soit la plus forte.

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Pourunefoisdansmavie,jeveuxêtrelaplusforte.Cellequiécraseralereste,quiterrasseracetennemiinvisiblequimeprendl’hommequej’aime.—Tupleures,dit-il.Jedevraisenavoirhontemaisjem’enfous,jen’arriveplusàcontrôlercequejeressens,jesaisjustequ’ilfauttouttenteravantdebaisserlesbras.Sander rompt la distance qui nous sépare, il me prend dans ses bras et messanglotséclatent.—Nepleurepas,ilgrondeenmetenantcontrelui.Mes jambes battent dans le videmaismes bras le serrent avec force, je ne lelâcherai pas. Il s’assoit au sol,me garde contre lui, il essaye de dégagermonvisagedesonépaule,maisjerefuse.—Elsa,regarde-moi.Sa voix est plus douce,moins empreinte de colère, alors je cède aprèsm’êtreessuyéecontresont-shirt.Sonregardmescruteavecintérêt,sonpouceessuieladernièrelarmesurmajoue.—Nepleurepas.Jeneveuxpasquetupleures.J’essayedemereprendre,d’arrêtercetroppleind’émotionsquisedéverseparmesyeux,maisjen’yparvienspas.Moncorpstremblesecouéparlessanglots,j’aieutellementpeur.—S’il teplaît,nepleurepas,çamerappellecesfillesàquij’aifaitdumalettoi…Jerestesuspendueàseslèvresenessayantdecomprendre.Jemeremémorelesfoisoùj’aipleuréetilatoujourseucettemêmeréactionviscéralederejet.—Jeveuxpastefairedemal,Elsa,pasàtoi.J’enfouismonvisage dans son cou pour qu’il ne voit pas que d’autres larmessurgissent.Ilmeserrecontrelui.—Je t’aime, jemurmureàsonoreille, je t’aime tellement,Sander.Resteavecmoi,s’ilteplaît,resteavecmoi.Ilsaisitmonvisageàdeuxmainsetm’écartedesoncorps.Sonregardsombreplongedanslemien,sarespirationestrapideetjen’arrivepasàdiscerners’ilestrevenuou s’il s’est laisséprendrepar sacolère, sa tristesseet ce sentimentdetrahisonqu’ilnesupportepas.J’aimaréponsequandsaboucheseposedurementsurlamienne,qu’ildéversetoutcequ’ilretenaitdanscebaiserquimedévastetotalement.Iltrembleautantquemoietl’émotionmebouleverse.Ilm’allongesurlesoletmesurplombe,seslèvres s’éloignent un instant me laissant le souffle court, ses yeux brillent detoutecettepassionenluiquisedisperseetparaitmetranspercerlecœur.Jen’ai

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pasbesoinqu’il lediseouqu’ilmettedesmotssurcequinous traverse.C’estinscritdansnoscorpsqui seveulent etnos regards incapablesde sedissocier,accrochésàl’autreavecforcecommesionscellaitunpacte.Jesaisissonvisageetl’amèneàmoipourreprendreseslèvresetoubliertoutcequi n’a pas sa place entre nous. J’espère être digne de ce qu’il m’offre, êtrecapabledeleramenerquandilvatroploinetpouvoirl’atteindreavantqu’ilneparte. J’espère être cette ancre qui l’empêchera de divaguer et je sais enl’embrassant,ensentanttoutcequ’ilmedonnequejeferaistoutpourquecesoitlecas.Parcequ’àprésent,sijeleperds,jemeperdsaussi.

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Chapitre26Sander

Novembre2006,Anderson,AlabamaJem’installeàlaseuletabletotalementlibredelacafétéria,toutlemondemeregardecommeunebêtecurieuseetça fait longtempsque j’aidécidédem’enfoutre. Néanmoins, cette fois, je sais ce qui les fait rire. Je baisse la tête etmangesanstenircomptedesregardsquiconvergentdansmadirection.Ilssontminables,tousautantqu’ilssont,deslâchesincapablesdem’affronter.C’estplussimplederiredemoidansmondos,quandilspensentquejenevoisrien.Mais je vois tout. Ils ont peur, et ils ont de quoi, je n’épargnerai pas leprochainquisemoquerademoiouvertement.Je hais le lycée, je déteste ça et je déteste encore plus tous ceux qui lefréquentent.Jejoueavecmonhamburgersanslemanger,j’entamemadeuxièmeannéeetonnepeutpasdirequetoutsepassebien.Mon envie de côtoyer d’autres jeunes et d’apprendre autrement que parmoi-mêmeavitedisparufaceàlaréalité.Jeneportepaslesfringuesqu’ilfaut,jen’écoute pas la bonnemusique, je n’ai pas la bonne famille et je suis bizarreseloneux.Bizarredanslesensflippantm’aditMickey,leseulquiaccepted’êtrevuavecmoi.Jelesemmerde!Jenesuispasbizarre,justepascommeeuxetilsn’ontjamaischerchéàmecomprendre,justeàmejugersurdestrucsdébiles.Jelesdéteste.Encoreplusaujourd’hui,aprèsceweek-endétrange.Mickeyme sort de la contemplationdemonplateau lorsqu’il pose le sienquidébordeenfacedemoi.Ils’installe,mesouritetcommenceàmanger.Ilestleseulmecdecebahutquelesautrestolèrentparpeur.Ilestcostaudetn’hésitepasàfrapperquiconqueluibarrelaroute.Avecmoi,ilestcooletilestleseulàm’acceptersanschercheràmedirecequinevapaschezmoi.Ilsait,commelesautres, quemamère a disparu, mais contrairement à eux, il ne lance pas defaussesrumeurssurmonpère.Passifaussesqueçaquandonleconnaîtcommemoi,maisjenepeuxpaslaisserlesgensdirentqu’ill’atuée.Ilsnesaventrien,

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ilssupposentjuste.Ilsnesaventpasqu’elleétaitmauvaise,qu’iln’apaseulechoixetqueçalehantetoujours.C’estcommeçaqu’ilmesurnomme,lefilsdutueur.Lescrétins.Jelesimaginesouventsurlacroixdemonpère,lapeurdansleurregardetjemedemandes’ilsriraientencoredeleursconneries.Je veux que le lycée se termine, me casser d’ici et aller à la fac, où je neconnaîtraipersonne.Monpèreneveutpas,ceseraittroploinetjenepourraispasassumermonrôleàsescôtés.Mais jen’aipasenvied’assumerça, jeveuxjustemebarreretc’estcequejeferais, avec ou sans son accord. Lorsque j’aurais dix-huit ans, j’irais àMontgomery et je vivrais ma propre vie. Loin de lui et de cette ville qui necomprendrien.Enattendant,j’aiencoredeuxansàtirerlà-dedans,avantd’êtrelibre.Deuxansàsupporterlesmessesbassesetlesricanementssurmonpassage.—Tuveuxqu’onenparle?medemandeMickeylabouchepleinedefrites.Jesecouelatêtepuisj’aspiremonjusdepommeensilence.Jen’aivraimentpasenvied’endiscuter, j’aimeraiseffacercemomentdemonexistence, revenirenarrièreetnepaslasuivre.Rentrerchezmoietécoutermonpèredélirerplutôtquederevivrecetinstant.C’estsaputaindefautesijesuisaussidébileaveclesfilles,sijeneconnaisriendecequ’ondoitfairequandonsortavecl’uned’ellesetdecequ’estl’intimitéaveclesexeopposé.Pourmoic’étaitnormal,bordel!—Jenecomprendspas,jefinisparlâcher.Mickeys’essuielaboucheavecsamanche,puisilmefaitsignedepoursuivreetau fond,c’est leseulquipeutm’éclairersur lesujet.Leseulàqui jepeuxenparlersansavoirhonteoupeur.L’autre jouronétaitchez lui,danssachambre, ilseplaignaitdesonpèrequiveutà toutprix le fairebosserdanssaboîteetqui tientàcequ’il lareprenneaprèslelycée.J’aieuenviedeluidirequelemienaussivoulaitquejereprennel’affairefamiliale,maiscen’estpasdanslaplomberiequ’onestspécialisédansla famille,maisdans lemeurtredeprostituées.J’aiconfianceen luiet j’enaitellement marre de garder ça pour moi, que j’étais proche de tout balancer.Néanmoins,lesmenacesdemonpèresontrevenuesetjemesuistu.—Qu’est-cequej’aifaitdemal?jel’interrogeavecsérieux.Sesyeuxs’écarquillentuninstantavantqu’ilsereprenne.Ilsaitquejenesuispastrèssociable,quecertainscomportementsmesurprennentparcequejen’ysuispashabitué,maisjem’adapte.—Sander,ilsoupire,est-cequetuessérieux?

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—Oui,jenecomprendspas,j’aiétébienavecelle,jeneluiaipasfaitdemal…Mickeymedévisagegravementetjemedemandevraimentpourquoiellearéagicommeça.JesuissortieavecAshleysamedisoir.C’estellequim’ainvité,ellequiavouluqu’on aille au cinéma et ensuite chez elle. Elle qui m’a embrassé, qui acommencéàmecaresseretquis’estdéshabillée.Moi j’ai justesuiviet faiscequejeconnais.Laseulefille,jolieetpastropconnequiosem’approcheretmeparlerestdevenuemapireennemie.Etjecommenceàcroirequemonpèren’apas totalement tort,qu’il faut seméfierd’elles,qu’elles sontcruelles.Si je luiracontaiscequ’ils’estpassésamedi,Ashleyfiniraitsûrementdanslacaveetjen’aipasenviedeçapourelle,mêmesiellem’afaitmal.—C’estellequiavouluallerplusloin,jepoursuis.—C’estpasleproblèmeSander.—C’estquoidanscecas?—Tuasvoulularaser.—Etalors,c’estbiencequ’ilfautfaire,non?Lesfillesnedoiventpasavoirdepoilsàcetendroitpour…ça.LeregarddeMickeys’écarquilledesurprise.Saboucheresteouvertependantqu’ilmedévisageetjesupposequejedoismetromper.—Mickey…ilnefautpas?Putain,dis-moi!Jemerendscomptequejehausseletonenvoyantdestêtessetournerdansmadirection.Jemepenchepourluiparlerdiscrètement.—Quit’aditqu’ilfallaitraserlesfillesavantdecoucheravecelles?Monpère,c’estcequ’ilm’aapprisàfaire.Néanmoins, jenepeuxpasdonnercetteréponsealorsj’ensorsuneautre.—Dansleporno,ellesn’enontpas.Mickeysemetàrire,jesourispourcachermagêneetlacolèrequimegagned’êtreàcepointignorantsurleschosesqu’onfaitoupasaveclesfilles.—Mec,leporno,c’estpaslaréalité.C’estducinéma,lesmeufslà-dedansc’estjustedufantasmeabsoluetsiellesn’ontpasdepoilsc’estpourqu’onvoietout.En vrai, t’as autant de chattes poilues que le contraire, chaque femme estdifférentemaist’aspasàvouloirchangerçapourelles.C’estleurchoix,àtoidefaireavec,etsit’aimespaslespoilues,trouve-toienunesans.Maisçatulesaurasqu’aumomentdepasseràl’action.—Çamedérangepaslespoils.—Benalors,pourquoit’asvouluraserAshley?Parcequejepensaisqu’illefallait,parcequemonpèrel’atoujoursfaitetmoi

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aussi.—Parcequejepensaisquec’étaitcequ’ilfallaitfaire.Ilsecouelatêteassezfortement.—Qu’est-cequetupensesd’autre?—Est-cequ’ellesaimentça?Jecroisquemaquestionlesurprendencoreunpeuplus,maisilestpatientavecmoi,etjel’enremercie.—Oui,situt’yprendsbienellesaimentça.Sander,jecroyaisquet’avaisdéjàcouchéavecunemeuf?Je détourne le regard sur ma brique de jus de pommes, lui expliquer que jeconnais l’acte,maispascequ’il impliquequand la filleestconsentante seraitcompliqué.Jesaiscommentçamarche,maisjenesaisriendecequ’attendentlesfillesdemoi.Etlaseulequiavouluallezplusloinjeluiaifaitpeuravecmesconneries.Jedétestemonpèreàcetinstant,jeledétestetellementdememettredanscessituationsembarrassantes,demeforceràcroiredeschosesfaussesetàmepousseràmedégoûterdemoi-même.—C’estpaslecas,c’estça?Jehochelatête,ilestplussimpledementirqued’expliquer.—T’as pas besoin dementir sur ça, si je n’avais pasMolly je serais encorepuceauaussi.Lui,ilalachanced’êtreàpeuprèsnormal,d’avoirunecopineavecquiilpeutexpérimenterdestrucssanspasserpourundésaxé.—Jesuisdéjàlegarsbizarrequin’ajamaisfoutulespiedsàl’école,quiaunemèredisparueetquivitseulàl’écartavecsonpère.J’aipasenvied’êtreaussilepuceaudeservice.Mickeysemetàrire,illèvesonbrasetenglobelacafétéria.—C’estremplidepuceaux,Sander,t’aspasàt’enfairelà-dessusetpuis,jevaispasallerlecriersurtouslestoits.C’est vrai, je pouvais lui faire confiance et ilme le prouvera tout au long denotreamitié.Quandmonpèreseferaarrêteretqu’ondécouvriracequ’ilafaits,ilm’écouteratoutracontersansriendire,mêmeconcernantmaparticipationauxactesinfâmesqu’ilafait.QuandjepartiraipourMontgomeryilseratoujourslàetmêmequandjeseraisenprison,ilseramonseullienavecl’extérieur.Mickeynem’apasjugécejour-là,ilacontinuéànepaslefairealorsqu’ilauraitpumerejeter,êtrecommelesautresetm’effacerdesavie,aprèstoutj’étaisdevenulefilsdutueurensérie.Pourtantilestrestéetjemesuisdéjàdemandépourquoi

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notreamitiéluitenaittantàcœuralorsqu’ilavaittoutàperdreàcequ’onsachecequinouslie.Néanmoins, jenel’aijamaisformuléàvoixhaute, j’avaistroppeurdeleperdre,qu’ilserendecomptedel’erreurqu’ilfaitenmefréquentant.Jenedoutepasqueça adû lui fairedu tortde tempsà autre, et ilme faudraencore quelques années, enfermé pour comprendre la valeur du lien qui nousunit.

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Chapitre27Elsa

Sandertourneenrondcommeunlionencage.Luiquifumaitdéjàbeaucoup,nefaitqueçaàprésent,tellementilestsurlesnerfs.Jen’arrivepasàcanalisercetteenviedevengeance,alorsj’aidécidéd’ycontribuer.Jeréfléchiscalmementcontrairementàlui,etjesaisqu’ensembleontrouveraunmoyenpourl’apaiseretfairepayerWall.Mevoilàinvestied’unemissionquinemeressemblepas,maisquejevaistenterd’acquitterenlimitantlesdégâts.Illefaut,pourqu’onretrouveunéquilibre.Là,onsebalanceetonmanquedetomberàchaquefoisquejelevoissortirdelamaison.J’enviensàavoirenviedeleséquestreràmontour,seulementpourqu’ilnefassepasdeconneries.J’ai appelé Mickey, je me suis dit que son ami pourrait peut-être l’aider, leraisonnerou jenesaisquoi. Ildoitvenircesoiravecsa femmepour ledîner.J’espèrequeçaferadubienàSander.Enattendant,j’airéussiàl’occuperenluidemandantdecouperleslégumes.Lamaisonestcalme,ilyaunpeudemusiqueenfond,noussommessilencieuxet Poufsouffle dort paisiblement dans son panier. J’apprécie cemoment, lui àmescôtés,danscequiparaitêtreunescèneordinairepourbeaucoupdecouplesdanslemondeentier.Jemesensconnectéeàcetout,commesij’étaismoiaussiquelqu’undenormaletaprèstoutcequ’onavécus,c’estagréable.J’aibesoindece répit avant la prochaine tempête, besoin qu’on pose les bagages avant derepartirlivrerbataille,reprendredesforcesetréfléchiravantdeselancer.Parcequ’après,jenesaispascequ’iladviendra,commentilsera,nimêmes’ilseralà.Je lève la tête pour le regarder, il est sérieux et concentré, je souris, il estattendrissant comme ça, quand rien ne vient perturber ses songes et qu’ils’adonneàsatâcheavecdextérité.Moncœurpalpitedouloureusementlorsquejemesurprendsàl’observerdelasorte,ilmerenvoielessentimentsquej’aipourSander,aussi fortsquefouset jemedemandecommentseraitmaviesans lui.Comment je retourneraisàma lassitude,àmasurvie,àmoncorps inadaptéaumonde.Çachangeraittoutsanslui,ceseraitfadeetmort.Ilatoutchambouléetje n’ai pas envie de le perdre. Je me rends compte que je serai capable debeaucoupdechosesjustepourlegarder.—Qu’est-cequ’ilya?ildemande.

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Jesecouelatêteenreprenantmescarottes,jeluiailaissélesoignonsenpensantqueceseraluiquipleurerait,maisilaunetechniquequiconsisteàéplucherlelégumesousl’eaucequiluiéviteleslarmes.—L’imprimeur,c’étaitl’amantdemamère.Jecessedecouper,j’étaisdéjàaucourant,maisjetiensàcequ’ilnelevoitpas.Lesilencedevientpesantlorsqu’ilneditriend’autre.Jelèveleregarddanssadirectionenmedemandantbienpourquoiilmeditçamaintenant,toutefoisjenerépondsrien,s’ilaenviedeparlerjel’écouteraispeuimportelaraison.— Je l’ai appris par les flics, quand mon père s’est fait arrêter. Ils m’ontembarquéaussietilsm’onttoutditàproposdemamère.Ilafinidedécouperl’oignon,ilselavelesmainsetsortlacasseroleduplacardavantdecommenceràcuisiner.Jenesaispas tropcequimesurprendleplus,qu’ilagissecommes’ilétaitchezlui,qu’ilsachecuisineroucequ’ildit.— C’est l’anniversaire de sa mort aujourd’hui et je suis sûr qu’il est aucimetière.L’imprimeur.—Tuveuxyaller?—Non,pasaujourd’hui.Jeroulejusqu’àluipourluiapporterleslégumes.—Àl’époque,tunesavaispasquec’étaittonpèrequiavaittuétamère?—Si, je savais. Je ne connaissais pas les bonnes raisons cependant. J’ai toutcomprisquandilsm’ontditqu’elleétaitlapremière,qu’ill’atuéeparcequ’ellevoulait lequitteretqu’ilne l’apassupporté.Touts’estécroulé, toutceque jepensais de lui venait de s’effondrer et tousmes doutes étaient bien réels. J’aicomprismonerreuretjenesaispascequej’auraispufairequandj’étaisgosse,mais à seize ans, j’aurais pu l’empêcher, l’arrêter, le balancer, faire quelquechoseetj’airienfait.J’aicontinuéàlecroire,c’étaitplusrassurant.Lacuisineseparfumedesodeursdecuisson,alorsqu’ilfaitrevenirleslégumesdansl’huiled’olive.Jesuispendueàseslèvres,dansl’attentequ’ilmeracontelasuite,commentc’étaitpourluidevivreçaetcequ’ilafait.—Jel’aiprispourundieudurantdesannéesetenfait,c’étaitjusteunperversquis’estservidemoi.Mêmesij’avaisdesdoutessursesactes,jemedisaisqu’ily avait forcément un but à tout ça, que ça ne pouvait pas être gratuit et puisc’étaitmon père. La seule famille qu’ilme restait, celui quim’a élevé et quim’aimait,àsafaçon.Ilavaitunavenirpourmoi,c’estpourçaquejen’airienpris quand ils l’ont arrêté, ilm’a couvert.C’était sonbut, que je continue sonœuvre.Sandercontinuedepréparer leplat,puisune fois tous les ingrédients réunis il

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metlecouverclesurlacasserole,baisselefeuetmefaitfaceens’allumantuneclope.—J’avaisdesdirectivesencasd’arrestation.Toutnier,fairecommesij’étaisaucourantderien,attendreunanetpoursuivre.Jene l’aipas fait, je luiai laissécroirelecontraire,maisilaapprisquej’étaisàMontgomery,quejebossaispourTheSyndicateetils’estsuicidéentauleunmoisavantsonprocèsenappel.—Jesuisdésolée.— De quoi, l’emmerdeuse ? Qu’il soit mort ? Ils l’avaient condamné àl’injectiondetoutefaçon.—Non,pourcequ’ilt’afaitetpourtamèreaussi.—Moiaussi.J’auraisvoululasauver,toutauraitétédifférent.Jeprendssamainetlaserre,c’estbienlaseulechosequejepuissefaire,onnepeutpas changer lepassé.Lebruit d’unevoiturequi segaredevant chezmoiéteintlemoment.Jejetteunœilàlapendule,sic’estMickeyilsontunebonneheured’avance.Jeroulejusqu’àlaporte,Sanderrestedanslacuisine,jel’ouvreetdécouvremesparentsquimontelarampe.Qu’est-cequ’ilsfontlà?Ils m’embrassent, me saluent comme si c’était normal qu’ils viennent unvendredisoir.Jeleslaisseentrer,unpeuhébétéeetjevoisSanderseraidirdansla cuisine. Tout le monde se fige une fois la porte refermée et je roule pourpasserdevantmesparentsquidévisagentmonpetitcopain.—Heu,jevousprésenteSander.Sander,voicimesparents.Personnenebouge,ilsonttousl’airdesedemanderquoifaireetquiestdetrop.C’estgênant,jedoislereconnaître,àaucunmomentjeneleuraiparlédeluietdu faitqu’unhommeétaitentrédansmavie. Ils sontchoqués, je levoisbien,quantàSander,jecroisqu’ilpréféreraitêtreailleurs.Monpèresedécideenfinàbriserlaglace,ils’avancejusqu’àluietluitendlamain.—Enchanté,Sander.—Monsieur,répondcedernieravecunairdésespéréquimefaitrire.—Louis,appelle-moiLouis,jeunehommeetvoicimafemme,Alice.Mamèresedécideàsontourets’approchepourserrersamain.Ilsn’ontrienencommun,mamère et son air guindé, alors que Sander est en jean usé, t-shirtsombre et les cheveux négligemment attachés sur sa nuque. Sans oublier lacigarettequ’iladanslesdoigts.Cettesoiréevaêtreintéressante,jelesens.—Etsitunousservaisquelquechoseàboire,mapuce,lancemonpère.Jesorsdemacontemplation,croiseleregarddeSanderquis’agranditd’effroi,il

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attend que je le mette à la porte. Ça n’arrivera pas, autant qu’ils fassentconnaissancemaintenant.—Oui,unverre,jecroisqu’onenatousbesoin.Monpère semet à rire enécoutant sa femmeparler, ellen’estpasdugenreàboireniàvoirsafilleavecunhommeceladit.Jeleurindiqued’allers’asseoirdanslesalon.Mesparentss’exécutentetjemeretrouveàlacuisineavecSander.—Jevaisyaller,cesera…— Non, je le coupe, tu restes. Ça devait arriver, autant s’en débarrassermaintenant.—Elsa,jenesuispassûr…—Dequoiaujuste?Deresteravecmoi?Ilse figeetsonregards’assombrit, sibienqu’iléveilledeschosesenmoiquidemanderaientàseterminerdansunlit.—Non,ilaffirme.D’êtreàlahauteur.Je nepeuxm’empêcher de sourire, déjà parcequ’il est bien avecmoi et qu’ilcompte le rester.C’estvraiquec’est soudainet imprévu,mais iln’aqu’àêtrelui-même, à eux de l’accepter. Je ne vais pas lui demander d’être quelqu’und’autrepourfaireplaisiràmesparents.J’attrapeunplateauetsorsdesverresainsiquedesbouteillesque je luidonnepourqu’il lesemmènedans lesalon. Il terminesaclopeenmefixantd’unairagacé et terriblement sexy. Néanmoins il finit par écraser son mégot dans lecendrierpourprendrelesbouteilles.—Putaind’emmerdeuse!Jel’entendsmarmonneralorsqu’ilsedirigeverslesalon.Jeconnaisassezmesparentspoursavoirqueçanevapasêtresimple,maisj’aiconfianceennousetenSander.

***OndébarrasseledîneravecSander,toutsepasserelativementbien,Mickeyetsafemmesontarrivésentre-tempsetlecouplearéussiàdétendrel’atmosphère.Sanderaparléfeud’artificesavecmonpèreetj’aivusonregards’illuminer.Jene m’étais pas rendu compte à quel point ça pouvait lui manquer à lui aussiqu’on ne partage plus cette activité. Je leur ai montré le harnais, mon père a

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applaudil’ingéniositédeSander,unpointencommunentreeux,cettefacilitéàtransformer le quotidien pour qu’il soit adapté à ma condition. Comme je lepensais,avecmonpèretouts’esttrèsbienpassé,maisavecmamèrec’estautrechose.Ellel’aquestionnésursavie,sontravail,safamilleetçaajetéunfroid.Ilaétéévasif,maisjesaisqu’elleneresterapassursesréponses.Ellevoudraduconcret.—Çava?jeluidemandeunefoisqu’onestseulàlacuisine.—Jevaisallerfumeruneclope.J’acquiesce, il fait signe àMickey et les deux hommes sortent sous le porcheavecPoufsouffle.Mamèreenprofitepourmerejoindreetmedonneruncoupdemainaveclavaissellequejenesaisplusoùmettretellementilyenapartout.—Ilestétrange,ellecommence,depuiscombiendetempsvousêtesensemble?Elleneperdpasdetemps,jepeuxaumoinsluireconnaîtrecetalent.—Quelquetemps.—Pourquoitun’asriendit?—J’allaislefaire,quandj’enauraiseuenvie.—Elsa…Je lui enlève la pile d’assiettes qu’elle tient dans lesmains pour lesmettre aulave-vaisselle.—Quoi?J’attendsqu’ellemedisecequ’elleasurlecœuretquejedevineparfaitement.Êtrehandicapénefaitpasdemoiunedébilecontrairementàcequ’ellepense,jene suispasplus conneque lorsque j’étais surdeux jambes, je suismêmepluslucide sur la vie qu’avant. Je sais qu’on n’est pas forcément ce qu’on parait,qu’ontraversedeschosesquifontmaletqu’onpeutsereleversionaassezdeforces.Quetoutlemondealedroitàunedeuxièmechanceetquejugersurunpasséestdérisoire. Jevois leschosesdifféremmentdepuismonfauteuil, je lesvois en vrai sûrement et Sander n’est probablement pas l’homme idéal qu’onvoudrait pour sa fille de primes abords,mais il est celui que j’ai choisi. Il estparfaitpourmoi,parfaitdanssesdéfautsetsadouleur,parfaitpourcellequejesuis.Onsecomplèteluietmoietjenelaisseraispersonnemedirelecontraire,pasmêmemamère.—Es-tusûredecequetufais?Sonregardsedurcit,jen’aimepascettefaçondefairesemblantdemelaisserlechoix tout enmepoussantdansunedirection.Mamèreestmaîtressedanscetart,elledonnel’impressiond’écouter,delaisserauxautresprendrelesdécisionsquilesconcernenttouteninsinuantsonavisenespérantqu’onentiennecompte.

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Je la vois faire avecmonpère depuis des années et çamarche bien,mais pasavecmoi.Jeterminedemettrelesassiettesdanslelave-vaissellepuisjerefermelaporteetaccordemonattentionàcellequim’amiseaumonde.—Jesaiscequetupenses,jelevoisàlafaçondonttuleregardes,àtamanièrede lequestionneretd’essayermaladroitementdemefairecomprendrequ’il sefoutdemoi.C’estça,n’est-cepas?Ilsemoquedemoi,sesertdemoiparcequejesuishandicapée?C’estbiencequetupenses?Mamère balbutie quelques choses que je ne comprends pas, ses yeux grandsouvertsfaceàmonaudace.—Jenesuispassidésespérée,maman,jen’ensuispasencoreàvoirdel’amouroùiln’yenapas,àm’accrocheravecdésespoiràunhommejustepouravoirunpeud’attentionquejen’auraisjamaisautrementparcequejesuisenfauteuil!Ilm’aime!C’estpeut-êtreabsurdepourtoi,peutêtrequetutedemandescequ’unmeccommeluipeutmetrouveretjen’aipasvraimentderéponsesàtedonneràcesujet,maisj’aiconfianceenlui,encequejeressensetquetunepourraspascomprendre.Maintenant, s’il teplaît, essayede faire lamêmechose.Fais-moiconfiance!Jetermineàboutdesouffle,lesmainstremblantesetlecœurquitambourine.Jenote aussi le silence dans lamaison et je vois le reste des convives qui nousobserve.Sanderestrentré,jecroisesonregard,ilestplantéentrelesalonetlacuisine, les bras croisés sur sa poitrine et ses yeux sombresme renvoient sondésir.Moncorpsfrissonne,j’enoublielesautresetl’agacement,j’aimeraisqu’ilvienne,qu’ilm’enlèved’icietdecettesituationpourqu’ons’oubliedansmonlit. Je suis certaine que si je tends les bras, il n’hésitera pas. Sander n’a pasvraimentderègledeconduiteàtenirensociété,ilfaitcequ’ilaenviedefaire.—Quelqu’unveutducafé?jefinisparlâcherpourdésamorcerlasituation.Mickeysemetàrireetlaviereprenddanslamaison.—Jesuisdésolée,reprendmamère,jenevoulaispasquetupensesquej’estimequetun’espasassezbienpourattirerunhomme.Ellesoupirepuiss’agenouillepourprendremesmainsdanslessiennes.Toutachangéentrenousdepuismonaccident,avantellemefaisaitconfiancelesyeuxferméspourprendremesdécisions.Ensuite,ilyaeulesdramesetladouleur,laluttequejenevoulaispasfaireetcetapitoiementquimecollaitàlapeauavantquejereprennegoûtàlavieetquejedécidedemebattre.Depuisellemarchesur desœufs avecmoi, elleme laisse faire en essayant de prévenir les chocs,maisellenepeutpasmeprotégerdelavie.

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—Tuasbeaucoupdechosesàdonner,Elsa,jen’enaijamaisdoutéetj’espèreseulementqu’ilestdignedetoi,decequetuluioffres.Ellemesouritetjemepenchepourlaprendredansmesbras.Jesaisqu’elleenabavé, qu’elle prend sur elle depuis que j’ai emménagé ici, que j’ai voulu êtreindépendanteetvivreloindetoutetd’eux.Cen’estsûrementpassimpledevoirsa seule fille condamnée à vivre dans un fauteuil dans cemonde terriblementflippant.Mais si moi j’ai compris quema vie ne s’arrêtait pas à ça, j’ai bonespoirqu’elleaussienvienneàlepenser.

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Chapitre28Sander

Onfaitsigneauxparentsdel’emmerdeusequis’envontenfin.J’aidétestécettesoirée, j’ai détesté devoir faire attention à ce que je dis, et répondre auxquestionsquimemettentmalàl’aise.J’aiessayépourElsa,deparaîtrenormaletfinalementsonpèreestplutôtcool,maislesparentscen’estpasmontruc.Jenesuispaslegendreidéaletjelesais,jen’aipasbesoindelevoirdansleregarddesamèrepourlecomprendre.Néanmoins,c’estfait.Elsa et Molly regagnent l’intérieur rapidement et avec Mickey on reste unmomentdehorsàprofiterdelafraîcheurdelanuit.—C’étaitsympacommesoirée,semoquemonami,sionm’avaitditqu’unjourjeteverraisencompagniedetesbeaux-parents,j’auraisri.—Parcequelàtunerispas?—Ohsi!BonDieucequec’étaitbondetevoirepédalerdanslasemoule!Jefrappesonépauledemonpoing,enriantaussi,j’imaginequec’étaitunvraispectaclevud’unœilextérieur.Mickeymerendmoncoupetoncommenceàsebattrecommelorsqu’onétaitgamins.Çamedétendderetrouverunenormalitéaveclui,d’êtremoinssolenneletdepouvoirluienmettreuneaussi.On s’arrête une fois qu’on arrive sous le porche et je sors une clope enm’appuyantcontrelabalustrade.—Alors,reprendMickey,qu’est-cequetuvasfaire?Lesérieuxnousabsorbeetlacolèremereprend.Jenesaispasencore,jen’aipasdeplansquin’incluentpasuneballedanslecrânedecetenfoirédeWall.—Jenesaispas.J’aienvied’allerlà-basetdelebuter.—Qu’est-cequiteretient?Je baisse les yeux surmes pompes en fumant.Mêmemoi jeme surprends enétant là,enessayantde trouverunautremoyende le faire tomberquin’inclutpasquejememetteendanger.Maisj’aiunebonneraisonàça.—Elsa,jerépondssimplement.Jen’aipasenviede laperdreoude lui fairede lapeine.Jepréfère rongermafrustrationquelavoirpleurerousavoirqu’elleamalàcausedemoi.Jeluienaifaitassezcommeçaavecmesconneries,elleneméritepasdesouffrirplus.Jedoistrouverunesolutionquiépargneratoutlemonde,saufWall.

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—Quoi?jedemandeàMickeyalorsqu’ilmefixe.—Rien,mec, jesuis justesurprispar toutçaet jecroisqu’ilvamefalloirdutempspourcomprendrequec’estvrai.—C’estputaindevrai!Ilsemetàrire,jecomprendsquepourluicesoitsurréaliste,çal’estaussipourmoi.—Ouais,cettefillet’aime,tul’asécoutéavecsamère?J’aimelacombativitédel’emmerdeuse,elleauraitpujouerlafacilité,laissersamèrecroirecequi lui faitplaisirmaisellea toujourscebesoindedonnerauxactes leurvraievaleur.Elleesthonnête,avecelle-mêmeetsur lavie.Cen’estpas toujoursbeau,maiselle sait en tirer lemeilleur.Elle le fait avecmoi, ellearriveàmerendremeilleur.Putaind’emmerdeuse!Jeneméritepascettefemme,maisjenelalaisseraispasm’échapper,jeneferaisrienqui l’éloignerademoiet tantpissiçamerendmalade.J’aibesoind’elle,c’esttoutcequejesais.Jepeuxvivresansvengeanceexpéditive,maispassanselle.J’écrasemaclopedanslecendrierqu’elleainstallésousleporche.Elleenamispartout.—Prendstafemmeetcasse-toi,jelanceàMickeyenouvrantlaporte.—Hein?J’entresansluirépondre,ilaparfaitementcompris.ElsaetMollysontausalonàrireetdiscuter.Jem’approcheetsoulèvel’emmerdeusesurmonépaule.Ellecrieetfrappemondos.Jesaluenosinvitésd’unsignedelamainpuisjel’entraînedans sa chambre. J’ai envie d’elle, depuis unmoment et j’ai fait bonne figuredevantsesparents,maisMickeys’enfoutetj’enaimarred’attendre.Elsaritlatêteenbasalorsqu’onentredanssachambre,jeclaquelaporteavecle pied et la balance sur le lit. Elle rebondit et dégage ses cheveux qui luitombentsurlesyeux.—Ànousdeux,l’emmerdeuse.Ellesemordlalèvre,sonregardmeditclairementqu’elleenaautantenviequemoi.Jemontesurlelitetrampeau-dessusd’ellepourallerl’embrasser.Ellesedérobeentournantlevisage,jelesaisisdansmamainpourqu’ellearrêtedefuiretjedévisagecettefemmequirendmaviebeaucoupplusbelle.Quifaitquejen’aipluspeurdemoi-même,quiarriveàmecomprendreetàm’aimer.—Jet’aime,tusais,jelâchedansunsouffle.Elsa rougitavantqu’un immensesourirevienne illuminersonvisage,puiselle

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m’attirecontreelleetplusrienn’existe.

***Jeréfléchisbeaucoupencemoment.Àmavie,àl’avenirsurtout,parcequejedoisprendreenconsidérationunenouvelledonnéequin’existaitpasauparavant.Elsa.Sanselle,j’auraisdéjàenfoncélesportesduclubdeWalletflinguétoutcequipassaitdevantmoi.Aujourd’hui,jeprendsletempsdeposerleschosesetsijen’entrevoispasencored’issue, jesaisquece tempsestbénéfique.Walldoitpenser que c’est enterré avecSarah, que je ne saurais jamais la vérité et qu’ilpeut continuer àutilisermonbusiness commeside rienn’était.Or, je comptebienmevenger,ilmefautjustetrouvercomment.L’emmerdeusefaittoutpourquejen’ypensepas,jelesais,paslapeined’êtredevinpour comprendrequ’elle trouve toujoursquelquechosepourm’occuper.Lefeud’artificeprendformeetcematin,onaétécherchélesdernièresfusées.Elsas’éclatecommeunegosseàplanifierceprojet,etmoiaussi.J’adoreçaenfait,et j’espèrequeceseraàlahauteurdutravailqu’onafait.Ilnousmanqueencore la console de lancement. Son père doit nous prêter la sienne et nousl’emmener dans la semaine. Si le temps le permet, dimanche, elle aura sonspectaclesonetlumière.J’allume une clope et commence à décharger le matériel, l’emmerdeuse estcoincéetantquelecoffreestplein.Poufsoufflenemefacilitepasleschoses,àtraînerdansmesjambes, lescartonssonthautset jenevoispasàdeuxmètresdevantmoi.—Sander,grondeElsa,jet’aidéjàditdenepasfumeràcôtédesfeux!Jerisenposantlecartondanslegaragepuisjereviensenchercherunautreenfumant.Ouiellel’adéjàditunedizainedefois,elleesttrèsstrictesurlasécuritéavec les feux. J’ai eu le droit à tout un cours là-dessus, sur comment lesmanipuleretlesallumersansprendrederisque.Nepasmettresatêteau-dessusdufeulorsdel’installationdanslarampedelancement,allumerlamèchededosetàunmètrededistanceetsurtoutnepasfumeràproximité.Jesaisislesecondcartonenmerépétantsadirective,«pasdeclope,tupourraisfairetoutpéter,ilyaassezdepoudrespourrayermamaisondelacartesijamaisçaprendfeu.»Jelaisselecartonàsaplaceetmeretourneendirectiondugarage.Avectoutce

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qu’ilya là-dedans jepourrais faireunbeaufeude joiedansunclubdebiker.Toutcramerestuneidée.—Sander?JefaisletourdelavoiturepourrejoindreElsaàl’avant.J’ouvresaportièreetlaprendsdansmesbras.Je lacalesurmonépaulele tempsdesortirsonfauteuilpuisjelaréinstalledessus.—Qu’est-cequ’ilya?elledemandeenremettantsescheveuxenplace.—Jevaislesfairecramercesenfoirés.Sesyeuxs’ouvrentengrandpendantqu’unplanseprofiledansmatête.—Quoi?—C’est le seulmoyen, un d’avoir tout le club ou presque, et d’être hors decause.TheSyndicateabeaucoupd’ennemis,etdetrafic,personnenepenseraàmoi,jesuisenbonstermesaveceux.—Sander,t’espassérieux?Elleme dévisage comme si je venais de tomber du ciel, pourtant je suis trèssérieux.—C’estleseulmoyen.—Non!ellecrie.Je fronce les sourcils devant son refus catégorique. Je crois qu’elle pensaitsincèrementquej’allaisenterrercettehistoiresansmevenger.—Tunepeuxpasfaireça!C’esttropdangereux!—Qu’est-cequetuespèresaujuste?Quejelaissecouler?—Oui!Elle est à cran, je le vois à son regard qui cherche quelque chose à quoi seraccrocher. Je m’accroupis pour memettre à sa hauteur et prendre ses mainstremblantes.—Çan’arriverapas,l’emmerdeuse,jamais.Jenepourraispasvivreensachantqu’ilestvivant.Jedoislefaire,c’estunequestiondesurvie,peut-êtrequetunecomprendspas,maisc’estprimordialpourmoi,jedoismevenger.C’estcommeçaqueçafonctionne,commeçaquej’arrêteraisdemesentirtrahiet que les choses reprendront leur place. Elle ne se rend pas compte de cequ’impliquecettetrahison,decommentjemesensfaceàçaetdesdixputainsd’annéesdemaviequ’ilm’aprises.—Avecletemps,tuoublieras,tun’ypenserasplus.—Non,c’esttoutlecontraire,plusletempspasseetplusçam’obsède.Tusaiscommentjevaisfinirsijenefaisrien?Unvieuxaigriquiressassel’erreurdesavieetquinetrouverajamaisd’équilibre.Jelesais,Elsa,jelevisdéjàavecles

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conneriesdemonpère, jenemepardonnerai jamaiscequej’aifaitalors jenevaispasrajouterun trucàmonespritdéjà tordu.Merde!J’aimeraisavoirunevienormaledansceputaindemondeetçan’arriverapassijesaisqueWallestvivant.—Si,avecmoi,dit-elled’unevoixplusdouce.Jebaisse lesyeuxensecouant la tête,sesmainsserrent lesmiennescommesiellepouvaitmeretenirainsi.—Justement,c’estpourtoiquejenefaisriend’insensé,parcequejen’aipasenviedeteperdreoudefairequelquechosequipourraittefairedumal.Maisjenepeuxpasrestersansrienfaire,Elsa,jenepeuxpas.Etcramercetendroitestlameilleuresolution.Pourtoutlemonde.Onsedévisagedurantdelonguessecondesoùchacunrestesursesconvictions.Jenepourraispascédersurcepoint,mêmesijel’aime,mêmesijecomprendsqu’elle a peur, c’est impossible. Je sais que comme ça, je ne risque rien,personneneremonterajusqu’àmoi.—Trèsbien,ellefinitpardire.Jelâcheungrossoupiravantqu’ellereprenne.—Maisjeviensavectoi.L’étonnementmefigeuninstantpourtantelleal’airsérieuseetdécidée.—C’estnonnégociable.Elle lâchemesmains et fait demi-tour pour rejoindre lamaison. Je la regardefaireenessayantdemedirequej’aimalcomprissesparoles.Ellenepeutpasvenir.Jemeredresseetlarattrapesousleporche.—Elsa,c’estpaspossible.—Siçal’estpourtoi,çal’estaussipourmoi.—C’estpastonhandicapleproblème.Jeneveuxpasquetuviennes,onnesaitjamais…Jem’arrêteencomprenantlàoùellevoulaitenvenir.Ellehausseunsourcilenmeregardantmedébattreavecmespensées.—Tuvoiscequeçafait?ellem’interroge.Alorsilesthorsdequestionsquejerestederrièreàt’attendreetàmedemandersituvasbien.Jeviens.Ellemanquedemeroulerdessuspourpasser,jem’écarteetlaregardefaireenbandantcommeundingue.Çam’excitequ’ellesoitdirective,qu’elleprennedesdécisionsetqu’elleme tienne tête.Les femmesengénéralont toujours faitcequejeleurdemandais.Saufelle.—Putaind’emmerdeuse!

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Elle rit enentrantchezelleet si le cieln’étaitpasgris etmenaçant je l’auraisrejoint.Mais les feuxd’artifice et l’eaune fontpasbonménage. J’emmène lechienavecmoifinirderangerlescartonsdanslegarageensuiteonélaboreraunplan.Elleetmoi.Jepeuxvraiment l’entraîner là-dedans? Jevaisvraimentplanifierun incendieavecElsa?Çaparait surréaliste, tout l’estavecelle,maiscen’estpasun truclégal et agréable, ce sont des meurtres. Je ne vais pas la laisser devenir unemeurtrière.C’esthorsdequestions.Etsonhandicapvam’yaider.

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Chapitre29Elsa

Jetrembleetcen’estpasdefroid.J’aipeur,unepeurviscéralequimeretourneleventre.Mesyeuxnepeuvents’empêcherdefureterpartout,d’êtreàl’affûtdumoindremouvementetdel’interprétercommeunemenace.Je me demande ce que je fais là, mon arme calée sous ma cuisse à attendrecommeuneimbécile.Ilm’aeue.J’auraisdûinsisterpourlesuivreettantpissic’était plus dangereux, au moins j’aurais été avec Sander. Là, je suis seule,mêmePoufsouffleestrestéàlamaisonetjesuisterrifiée.Jefixelarue,j’essayedelevoirréapparaître, jepriepourquecesoit lecasetpluslesminutespassent,plusc’esteffrayant.J’ai insisté pour venir, il ne voulait pas, Sander estimait que c’était tropdangereux.Jel’aiconvaincu,maisilnem’apaslaissélechoixsurmapositiondanstoutça.Jedoisresterdanslavoiture,assurersesarrièresetlafuite.Jenesuis pas stupide, je sais qu’il m’a mise là parce que je serais un poids plusqu’uneaidesurleterrainaveclui.Maiscommeilafait l’effortdemeprendrepouralliée,jen’aipasrechigné.Jeregrette.Jeregrettedelelaisserfairecequis’apparenteàdusuicide.Ilestpartiilyavingtminutesàprésent.Sonplanestsimple,dumoinsdanslesfaits.Ildoitpasserpar-dessuslaclôturepouréviterleprospectdegardedevantl’entrée, puis s’assurer que les deux issues sont condamnées, que personne nepourra fuir.Enfin,vider sonbidond’essence toutautourduclubety foutre lefeu. Les pompiers sont loin, selon nos estimations ils mettront bien quinzeminutesàintervenir,cequilaisseraletempsauxhommesdemourirquecesoitparlafuméeoulesflammes.Unfrissond’angoissemeparcourt,çaparaitsimplesurlepapier,danslesfaitsc’est autre chose. Quelqu’un pourrait le voir, il pourrait se faire prendre etmourir.Sanderapréparéceplandepuisunesemaine,ilachoisilemomentoùleclubestenmeeting,quelesportessontclausesetqu’iln’yapersonned’autresprésent à l’intérieur. Normalement. Il m’a dit que The Syndicate avait seshabitudes, lorsde leur réunion,personnen’estadmisdans les locauxet tout lemondesaitqu’ilnefautpasvenir.Danslesfaits,c’estdoncsimple.Seulement,quandest-cequ’unplansedéroulesansaccroc?Jel’ignore,jenesuispasune

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criminelleetjen’aijamaiseuàmeposercegenredequestions.Çam’angoisse d’avoir à le faire, de savoir Sander seul au-devant des ennuis,mais l’empêcher était impossible. J’ai vu sa détermination, son besoin d’allerjusqu’auboutetsiçaluipermetdereveniràunevienormale,çameva.Jeferaisavec, je pourrais vivre avec lamort de ces hommes sur la conscience si notreexistence reprend le chemin emprunté depuis quelque temps déjà. Ensemblenoussommesbien,etj’aimeraisqueçadure,qu’onretrouvecetéquilibregagnéaprèsdenombreusesbatailles. J’aimeavoirSander avecmoi, j’aimequ’il soitchezmoi,qu’iltravaillesurlefeud’artificeetqu’onfassel’amour.Jemesensenosmoseaveclui,moi,nousetlavie.Cen’étaitpasarrivédepuislongtempsetjesaisquejesuisprêteàtoutpourqueçaperdure.Lapreuve,jesuislà,dansmavoitureàguettertouslesmouvementssuspectsencroisantlesdoigtspournepasavoiràutilisermonarme.Sandernesaitpasqueje l’ai emmené,en fait, il croitque je l’ai rendueà l’armurerie. Je l’aigardée,même après lui avoir tiré dessus, j’ignore pourquoi, une sécurité sûrement,néanmoins,jenel’aipasréutiliséedepuis.Elleétaitrestéedansuntiroirdemonarmoiresousdespullsbienépais.Maintenantelleestsousmacuisse,chargéeetprêteàservirsibesoin.LetempspasseetjedésespèredevoirSanderarriver,çanedevraitpasprendretantdetemps.Ildevraitêtrelà,ondevraitrentrerenlaissantdansnotredoslesflammes manger le club de bikers. Pour le moment, il n’y a ni flammes niSander.Je jette un œil à mon portable, pas d’appels ni de messages et ça fait trenteminutesqu’ilestparti.Jemedisquejeluienaccordeencorequelques-unesetensuite,j’iraisvoir.Mais sortir est risqué, s’il revient en catastrophe, avec le temps que jemets àsortirdemavoiture,onpourraitsefairetuer.Jenesaispasquoifaire,etl’angoissemetirailleencoreunpeuplus.Jeluiavaisditdedemanderdel’aideàMickey,queseul,iln’yparviendraitpas,maisiln’apasvouluimpliquersonamidanssavengeance.C’estlouable,maisçametue.Jesorsdenouveaumontéléphoneenpassantmondoigtsurlatouched’appel.Jecompteetàdix,jenetiendraisplus.

***

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SanderTout est simple quand c’est préparé. Mon père me l’a appris. Si tout estprogrammé, on gagne du temps et surtout on évite de se mettre en danger.Néanmoins, il y a un impondérable.Un seul, un que personne ne peut jamaismaîtriser à100%,celuiquivient toujoursdétruire lesplansdanschaque filmd’action, celui qu’on aimerait toujours éviter mais qui arrive au moment lemoinspropice.L’homme.L’humainest leparamètrehasardeuxparexcellence.Onabeauseprépareràtout,luiseulpeutfairequetouts’écroule.Enl’occurrence,aujourd’huic’estleprospectdegarde.Jel’aiévitépourrentreretmaintenantquetoutestenplace,jedoisl’attirer.Jenepeuxpasmepermettredelaisserunsurvivant.Jenel’aipasditàl’emmerdeuse,ellen’apasbesoindesavoir que je vais égorger un homme.Mettre le feu est une chose, il y a unedistance avec les victimes presque comme un détachement,mais sentir la vies’échapperd’uncorpsenestuneautre.Jeneveuxpasqu’ellesachequejel’aifait,unedernièrefoisavantd’êtrelibre.Sonregardsurmoichangerait,peut-êtremêmequ’ellenemeregarderaitplusetjen’arrivepasàmerésoudreàprendrecerisque.Tantpispour l’honnêteté, jen’ai pas d’autres solutions.Le prospect doitmourir avec les autres, sinon il yauratoujoursunepossibilitéqu’ilmeretrouve,qu’ilsachequec’estmoietc’esttropdangereux.Sanscompterqu’ilavertiralespompierstroprapidementetjenefais pas tout ça pour qu’on les sauve. S’en prendre à un club est déjà biencompliqué,laisserunmembrevivantestinimaginable.Heureusement pour moi The Syndicate a ses petites habitudes, ce genre dechoses qu’il ne faut pas faire quand on est du mauvais côté de la loi. Êtreprévisible vous expose au danger, ils le sont pour leurmeeting, deux fois parmois,régléscommedeshorloges,sibienqueleclubesttoujoursdésertlorsdesesréunions.Unsacréavantagepourmoi.Jen’aipaseudemalàpasserlemurdel’enceinte,àbloquerlesdeuxissuesetles fenêtrespardesbarresde fer et à faire le tourdubâtiment en laissantunetraînéed’essencetoutautour.Maintenant, je suis caché dans un fourré à gauche et je vais devoir me faireremarquerparleprospect.Jesorsmoncrand’arrêtetbalancequelquescaillouxprèsdel’entrée.L’appâtneprend pas immédiatement, je dois attendre de longues secondes pour voir sagueule de con apparaître dans la cour. Je continue de lancer des pierres pour

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qu’ilcomprennedequelledirectionellesproviennent.Cequ’il remarqueassezrapidement.Ils’approchedemoid’unpasdéterminé,leprospectn’estpasunedemi-portion,c’estmêmeunsacrémorceaud’aumoins1m90etunecentainedekilos. La surprise va jouer en ma faveur mais je n’aurais pas de deuxièmechance.Jeme positionne accroupi, la lame dans lesmains, le cœur qui tambourine etl’adrénaline qui parcourt mes veines. Il est au-dessus du fourré, il le fouilled’unemainetc’estlemomentquejechoisispoursurgir,luisauterdessusetlefairetomberàlarenverse.Jen’avaispasprévuquel’impactseraitaussiviolentetqu’ilmeferaitperdremoncouteau.Leprospectreprendvitesesesprits,iltentedemerepousser,yparvientalorsquej’essaiederetrouvermalamedanscebordelenévitantlescoups.Ilnefautpasqu’il se redresse, sinon je suis foutu. Il sera plus fort que moi. Il recule enrampant,jevoisenfinmoncouteauàdroiteetmejettedessus.Jesuispluslesteque lui, et dans la chute sa tête amorflé, une traînée de sang s’écoule sur sanuque.Je lui retombedessus, il est aussi silencieuxquemoi, il doit sedirequ’il doitfairepreuvedecourageetquec’est l’occasiondemontrerauclubqu’ilmériteson patch en arrivant à me maîtriser seul. Si seulement il savait que cetteambitionallaitluicoûterlavie,jemedemandes’ilagiraitdelamêmefaçonous’ilcrieraitàl’aidecommeunepetitefille.Ilréussitnéanmoinsàmeretournersurledosalorsquej’attrapaisenfinmoncouteau,ilgrimpesurmoietjenevoisplus rienàpart sespoingsdurantplusieurssecondes.Mes réflexesprennent ledessusetçamerappellelaprison,saufquelalamequejetiensn’estpasfaitedepapier, mais de métal. Je lui enfonce dans les côtes, ses coups diminuent, lasurprise et ladouleur font leur effet. Jenem’arrêtepas là, jeplante encore etencore,jevoisdusangsortirdesabouche,mamaingantéeenestpleineaussi,puisils’effondresurmoi.Merde !Ce conm’étouffe, il est sacrément lourd. Jeme secoue et tente de lefairebasculer pourm’extraire, je peine àyparvenir tellement il pèse surmoi.Lorsque je suis enfin libéré de ce fardeau, je prends le temps de respirer, decalmer l’adrénalinedansmesveinesquimenacede toutexploser.Cen’estpasencorefini.Jemerelève,jechancelleunpeu,ilm’asonnécecon,maisheureusementjeneperdspasdesang.Jel’attrapeparlesbrasetletraînejusqu’àcequesoncorpssoitcontrelebâtiment.Iltientàmoitiéassis,àmoitiécouché.Jesuisessoufflé,jeme rappelle lespériplesdans lesboisavecmonpère,desheuresàporter le

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matériel et à en chier dans un endroit que personne ne fréquente à part lesanimaux.J’aicettemêmefatiguealorsquejel’aisupportésurdixmètres.Jesorsuneclope,l’allumeetfumeunpeutranquillement,iln’yapasunbruitàl’intérieur,lasallederéunionestdel’autrecôté,etmanquedechancepoureux,c’est la seule qui n’a pas de fenêtres.Wall estméfiant, il a peur qu’on l’épiequandilrèglelesaffairesduclub.Çavaluicoûterlavie.Je jettema clope sur l’essence et le feu démarre. Je le regarde progresser etenflammer le combustible qui longe la maison à une vitesse folle. Je souris,bêtement,mavengeanceestlà.Cetenfoiréquiacrupossibledesejouerdemoi,quim’aprisdixansvapayer.Parlaplusdouloureusedesmorts.J’espèrequelesflammesauront raisonde lui, qu’il souffre etqu’il ressente tout lemalqu’il afait.Jenem’éternisepas,jefaisdemi-touretsorsparlàoùjesuisentré.J’escaladelemur et retombe dans la rue déserte. J’allume une autre cigarette et je rejoinsl’emmerdeuse à une allure normale. Elle était morte de trouille quand je l’aiquittée,jemedemandedansquelétatellevaêtreenlaretrouvant.C’estellequiavouluvenir,quiaprésumédesesforcesetjenesaispascommentellevagérertoutça.J’arriveàlavoiture,unefuméenoireetépaisses’installedanslequartier,etonaperçoitmême les flammes d’ici.Aucune sirène pour lemoment et si tout sepasse comme prévu, demain on pourra lire dans le journal qu’une dizained’hommessontmortsdansunincendie.

***

ElsaOnrouledepuisunmomentdéjà,sur la routequinousmèneàAnderson,mesmains ont cessé de trembler et mon corps semble apaiser par la présence deSanderàmescôtés.Ilestsilencieux,iln’arienditdepuisqu’ilestmontéetjen’aipaseubesoindeposerdequestions.Lafuméeetlesflammesontparlépourlui.L’ambiance est tendue celadit, c’est comme si chacunattendait la réactiondel’autre.Jenesaispascommentréagirjustement,parcequecesoulagementqu’ilsoitlàetenviesignifiequed’autrespersonnessontmortes.Certescen’étaient

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pasdesenfantsdechœur,maisquandmême.JerepenseàlafemmedeWall,iladesenfantsaussietsansqu’ellesoitmonamie,ellen’avaitpasétédésagréablelorsdenotrerencontre.EtSandervientdetuersonmari.Je souffle etme gare sur le bas-côté, la route est assez déserte pour ne gênerpersonne.Sandermejetteuncoupd’œilinterrogatif.Jenedisrien,jecoupelemoteuretrespirelonguement.—Crie,frappe-moi,maisnepleurepas,dit-ild’unevoixtendue.Jenefaisriendetoutça,jeresteàfixerl’horizondevantmoi,làoùlesoleilsecouche.J’aimerais ressentirquelquechose,medirequec’estmal,culpabiliser,ouluienvouloirmaisriendetoutçanevient.Cen’estpasnormal,çanedoitpassepassercommeça,jedoisavoirenviedecrieroudepleurer,maisnon,j’aibeauchercheraufonddemoi,c’estvide.MonDieu!Quelgenredefemmesuis-jedonc?Sander se détache puis il s’agenouille à mes côtés. Je le regarde, réellement,depuisqu’il estmontédansmavoiture,unbleucommenceà se former sur sapommetteetjemedisqu’ilestbeau,mêmeabîmé,quejel’aimeetqu’ilestenvie.Quec’esttoutcequicompte,tantpissijen’aiaucuneautresensationquelajoiedel’avoiràmescôtés.—Elsa,tupeuxcraquer.Jesouris,ouijepourraissij’enéprouvaislebesoin,maiscen’estpaslecas.—C’estfini,dis-jeeninspirant.Sanderhochelatêteetj’essayed’imaginercequeseralaviemaintenantqu’ilenaterminéavecsavengeance,maintenantqu’ons’esttrouvésetqu’ilsembleplusapaisé.—Onseraensemble?Ilsembleperplexedemaquestion.—Biensûr.Riennevachanger.—Jecroisquejustement,toutvachanger.Sanderdéfaitmaceintureetmesoulèvedemonfauteuilpourmeprendrecontrelui.Ilsentlafumée,unpeu,soncuirengardel’odeur.— Je viens de détruire le dernier rempart qui me maintenait dans le passé.Maintenant,ilyatoietlefutur,c’esttoutcequejevois,l’emmerdeuse.Iln’yaplusmonpère,nidevengeance,rienquinousempêched’êtreensembleetd’êtreheureux.Son père sera toujours là, en lui, et il le comprendra sûrement quand il devrafairefaceauxsentimentsquil’étripent.Maisjeseraislà,jelemaintiendraidanscetteréalité,danscemondequ’onvasecréerensemble,lenôtre,parfoismoche

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et incompris,mais tellementvivant.Dansnotre amour étrangequinousguéritd’unecertainemanière.Jeneretrouveraijamaismesjambes,maisj’enaifaitledeuil, toutcommeilafait lesiensursonesprit tordu.L’unsansl’autre,onestincomplet,ensembleonformeuntoutunpeubancalencoremaisquivagrandiretdevenirindestructible.

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ÉpilogueElsa

Cinqansplustard,Sandercoupelemoteurdelamotoetjeposemoncasqueainsiquemeslunettes.Je faisdemêmeàPoufsoufflequi, commeà sonhabitude, a lepoil dressédenotrevirée.Ilmefaitrireavecsalanguependanteetsonairdécoiffé.Unefoisdébarrassédes lunettes, iln’attendpasetdescendduside-carpourallercourirdans ce grand espace qui nous attend. Sander décrochemon fauteuil sanglé àl’arrièredelapetitecabinepuisilmehissedessus.Ilmepoussedansl’herbe,roulerparmoi-mêmeestcompliquésurcegenredeterrain.—Iln’apasplu,jefaisremarquer.Sanderétaitinquietàcesujet,ilapassélasoiréedelaveilleàguetterlesitedelamétéo sur son portable. On a couvert les feux d’artifice, comme on le faittoujours une fois l’installation terminée,mais ça aurait quandmême gâché lafêtededevoirpataugerdanslaboue.C’est le 4 juillet et cette année nous avons obtenu le droit d’élaborer le feud’artificedeDothan.Ceseranotretroisièmefêtenationaleoùl’onn’estpasducôtédupublic,maisdescréateursdel’évènement.Sanderesttendu,commechaqueannéedepuisqu’onacommencé.Jecroisqu’ille sera continuellement, un incident est vite arrivé, une erreur aussi et parfois,quelques couacs font que ce n’est pas parfait. Je ne sais pas si le public leremarquevraiment,maisnousoui.Sandermelaissedevantlespremièresfuséesquejedébâche,lecielestbienbleuetlapluieneviendrapascesoir.Ceseraunbeauspectacle,j’ensuiscertaine.Onamonténotreboîted’artificiersàlasuitedupremierqu’onafaitensemble.Mon père a pris Sander avec lui pour le 4 juillet suivant, afin de l’aider dansceluiqu’ilorganisechaqueannéepourMobile.Sanderyaprisgoût,çaluiplaîtetmoi,j’aitoujoursadoréça.Alorsplutôtquedemettredesputessurletrottoir,ilapassélaqualificationpourdevenirartificieretdepuis,onsillonnelacôteestdupayspourfairerêverlesgens.Etunjour,quisait,onferapeut-êtreceluidu

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31décembre àNew-York.On fonctionnebien ensemble, jem’occupedu côtéartistiqueetlui,delatechnique.Onadétruitsamaisonpourimplanterunhangarde stockage ainsi que le siège de notre société et lamienne est devenue notrechez-nous.Meséconomiesysontpassées,maisçavalaitvraiment lecoup.Onfaitcequ’onaime,onestlibresetensemble.Sandern’apassourcillélorsquelesbulldozerssontvenustoutraser,ilamêmesourienlesregardantfaire.Jecroisqueçaluiafaitdubienderayercetédificede sa vie, cette partie importante qui le reliait à son père. C’est un nouveaudépart qu’on a pris tous les deux, le sien devait passer par faire disparaîtretotalementlepassé.On termine de tout déplastiquer, puis on vérifie une ultime fois que lesbranchements sontbien faits, que tout est relié à la centralede lancement et àl’ordinateurquilapilote.Il faitnuit lorsqu’on termine, lepublic arrive,on lesentendde l’autrecôtédel’étangquivaservirdedécoràcefeud’artifice.Onrejointlatonnellequisertd’abri au centre technique. Les deux pompiers de service sont là, ainsi qu’unmembre du conseil municipal. On les salue puis, on mange des sandwichsensemble.L’ambianceestbonenfant,raressontlesfoisoùl’oncroisedesgensde mauvaise humeur dans ce genre d’évènements. Il n’y a qu’en cas deproblèmesquetoutdevientétrange.Onenaeu,descâblesdébranchésdontonne sait pas à quel feu ils appartiennent, des rampes de lancement cassées, cegenredechoses.Cesoir,toutvabienetjeprofitedecemomentdecalmepourposter des clichés sur nos divers réseaux sociaux afin de faire notre promo.Sanderestunsupermodèlepourça,quandilestconcentré,sescheveuxattachéset son regard étrécit, il est sexy. La gente féminine ne manque pas de leremarquer.Ilparticipeàdesconcourspoursefaireunnom,c’estcommeçaqueçamarchedanslemilieu,poursefaireconnaîtreilfautmontrerl’étenduedesontalentetcen’estpastoujoursdanslesfêtesdevillagesqu’onpeutl’exprimeraumieux.Lemoisprochain,onpartirapourlaCalifornieetlegrandrendez-vousannueldesartificiers du pays. J’ai hâte ! Ce sera notre première participation, l’annéedernière, ony était en spectateur et c’était déjàmagique.Sander stresse, jenepensepasqu’ilgagnera,objectivement ilseradans lesoutsiders,maisc’estunpasdepluschezlespros.Ledîner terminé,onsemetenplacederrière lesconsoleset leshowdémarre.Poufsouffleestàmespieds, j’ai lenezenl’air, jeregardelesfeuxs’élanceretéclater pour illuminer le ciel nocturne. Ajouté à lamusique, çame refile des

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frissons d’émotions tellement c’est beau. On a choisi le thème des contes defées,bonc’estmoiquiaichoisie,cequiafaitgrimacerSanderavantquejeluiexplique lespossibilités.Desmyriadesdecouleursqui rappelle lesprincesses,un air classiquequi enchante, et des cœurs pour célébrer l’amour.Les enfantsvontadorer!Lespectaclesepassesanssoucis,touts’estdéclenchécommeillefallait,etlebouquetfinalmedonneenvied’allerdéterrerdesDVDDisney.Le silence revient juste quelques secondes, puis les applaudissementsretentissent. Je me tourne vers Sander, il pose son casque et souffle en mesouriant.C’étaitparfait.Je roule jusqu’à lui, il tâte ses poches à la recherched’une cigarette et je saisqu’ilvam’entraînerhorsdelazone,letempsqu’ilsecalmeavecdelanicotine.Ensuiteonrangera.—T’asaimé?ildemandeenmepoussant.Illefaittoujours,monaviscomptebeaucouppourluietj’adoreça.—Oui,c’étaitparfait,beauboulot.Ondiscutedesenchaînementsjusqu’àcequ’onarriveàsamoto.Ilallumeenfinsacigarette et le silencenousabsorbequelques instants. Ilme fixe, je le sens,sonregardmetransperce,çaarrivesouvent,cesmomentsoùl’onserassuresurla présence de l’autre. Parce que ça n’a pas été simple après l’incendie qui aéliminé le club. Il a réussi à les tuer, tous, sans être inquiété,mais j’ai apprisqu’unhommeavaitétépoignardé.Cequ’ilavaitomisdemedire.Çaajetéunfroid entre nous, plus que le meurtre, c’est son mensonge qui m’a blessée.Sandern’apashésitéàmefairepartdecequ’ilcomptait fairepourobtenirsavengeance,maisilnem’arienditconcernantcetacteetçam’afaitmald’êtremiseàl’écart.Jemesuisénervée,puisonafiniparparler,ilm’aexpliquéqu’iln’avait pas eu le choix avec le prospect et qu’il nem’avait rien dit parce quejustement, j’allais réagir trop vivement. On a fait un deal, je pardonnais sonomissions’ilneretournaitpasjouerauproxénète.Jen’auraispassupporterqu’ilagisseencoreendehorsdelaloietqu’ilexploitecesfemmes.Cettehistoireauraitpunouscoûternotrecouples’iln’avaitpascédésurcepointque je savais ne pas pouvoir concéder. Il l’a fait et depuis le bonheur nemequitteplus.Jesourisbêtementenpensantaucheminqu’onaparcouru,àtouslesdéliresquisesontmissurnoscheminsetàlapaisibilitédenotreexistenceàprésent.—Aquoitupenses,l’emmerdeuse?J’aitoujourslemêmesurnom,ilaimequejel’emmerdejustement,quejeneplie

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pasàchacunedesesdirectives,çal’excite,toutcommejesuistoujoursexcitéeparlaviolencedontilestcapable.Parfois,ildéclenchedesbagarresdansunbar,justepourque je soisdanscet étatquinenous faitpasallerplus loinquemavoituregénéralement.—Aubonheur,jeréponds.Sandertireunedernièrefoissursacigaretteavantdel’écrasersurlesol.Ilmesoulève de mon fauteuil si abruptement qu’un couinement de surprisem’échappe.Jemeretrouvedanssesbrasàhauteurdesonvisage.Ilm’embrassedoucementetéveilleenmoidesdésirsplussauvages.C’esttoujourscommeçalorsqu’ilestdoux, j’aienviequ’ilsedéchaîneetquelquechosemeditqu’il lesait.J’enroulemesbrasautourdesesépaulesavantd’échapperàseslèvrespourmeblottircontrelui.Jesavourecemoment,cecalmeautourdenous,l’odeurdela poudre brûlée qui perdure dans l’atmosphère et cette fumée pas totalementdissipée.Cetinstantmagiqueavecl’hommequej’aime,quiestenvie,dansmesbrasetlibre.Quiestapaisé,affranchidupasséetquim’offreunavenirdifférentdeceque je m’étais imaginée. Un homme qui j’espère, a trouvé une forme derédemptionavecmoi.

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Remerciements

MerciàmamoitiéAm,pourlesoutientôcombienimportantdurantl’écrituredecetome.MerciàtoietClairepourlescouvs.MerciIsa,pourtarelectureavecuntimingsuperserréetpourtoutlereste.Mercid’avoirlucetopusdeRédemption,j’espèrequ’ElsaetSandervousaurontfaitpasserunbonmomentetonseretrouvevitepourceluideIaroslav ??

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Prochainement

WhisperedReviews,Tome2:Abraham&Lincoln

AvecAmélieC.Astier

Décembre2019

Leblogd’actualitésetdereportagesindépendantsdeChicago,WhisperedReviewsestcomposédechroniqueurstalentueux,curieuxetpassionnés.

Abraham«Abe»Turnerestl’undesjournalistesdusite.Intrépideetfouineur,sonsensdel’humouretsaténacitéfontsesqualités.Aprèsdesmoisd’attente,le

jeunehommedécrochesonticketpoursortirunreportageauxcôtésd’uneprestigieuseinstitutiondel’arméeAméricaine.Abeaimerévélerlespiresscandalesetilcomptebienuserdesestalentspourcettenouvellemission.

LepremiermaîtreLincolnWardestunNAVYSEALréputé.Cemilitaire

passionnéalaissétomberl’idéedefonderunefamilleendehorsdecellequ’ilpartageauxcôtésdesesfrèresd’armes.L’hommecachesonhomosexualité

depuisdesannéesetnecomptepaslarévéler.Patrioteinvétéré,ilestprêtàtoutpoursoncorpsd’armée.

Alorsqu’uneéquipeaétéprisepourcible,laSEALTEAMdeLincsevoit

confierlalourdetâchedemettrelamainsurungrouped’extrémistesdangereux.Etlorsqu’onannonceaugradéqu’ilsserontaccompagnésd’unjournaliste,

Lincolnn’estpasravi.Uncivilestunbonappât,unjournalisteestunecibledechoixdanslepaysoùlesmilitairesvontœuvrer.

Tandisquelesdeuxhommesvonttravaillerensemble,uneterriblealchimievasenouer.Touslesopposentsaufl’attirancecommunequ’ilssemblentpartager.

Page 212: Rédemption - Sander (French Edition)ekladata.com/...Sander-French-Edi-Mary-Matthews.pdf · Sander Birmingham, Alabama, 1995 Papa se gare le long du trottoir, il coupe le moteur et

Etl’enquêtequ’ilsvontmenervaêtreàlahauteurduCVdujournaliste:

compliquée,mystérieuseetnoyéesouslessecrets.Ques’est-ilvraimentpassélanuitdel’embuscade?

LincolnetAbevontdevoirledécouvrir.

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[1]:Extraitde«Invictus»poèmedeWilliamErnestHenley(1843-1903)[2] : Lesfeuxd’artificesontclassésparcatégorieselonlepoidsdelamatièreactive,K4étantlaplusgrossecatégoriesoitplusde500grammesdematièreactive,ilssontréservésauxprofessionnels