Récits de vie, récits d’esclaves

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Récits de vie, récits d’esclaves Travail de groupe en salle informatique Parmi les millions d’Africains déportés pendant la traite négrière, rares sont ceux qui ont pu raconter leur histoire. Nés dans l’esclavage sur le sol américain, leurs descendants ont, eux aussi, été réduits au silence. Les historiens se basent donc principalement sur des documents produits par les esclavagistes ou les opposants à l’esclavage pour tenter de comprendre ce phénomène, mais il est toujours dommage de n’avoir qu’un seul point de vue (surtout quand ce n’est pas celui des principaux intéressés !). Certains esclaves ont tout de même réussi à témoigner, malgré les difficultés qu’ils rencontraient pour partager leur expérience. Ce sont ces voix singulières que nous allons écouter aujourd’hui. Consignes 1. Regarder l’extrait vidéo : Solomon Northrup tente d’écrire une lettre quelles difficultés rencontre-t-il pour témoigner ? D’après les documents ci-dessous, a-t-il finalement réussi à témoigner ? De quelle façon s’y est-il pris ? Bayou Bœuf, le 15 août 1852 Messieurs, Cela fait très longtemps que je ne vous ai pas vus et que je ne sais rien de vous. Comme je ne suis pas sûr que vous soyez encore en vie, je vous écris dans le doute, contraint par cette situation qui m'y oblige. Je suis né libre mais je me trouve maintenant de l'autre côté du fleuve. Je suis sûr que vous me connaissez : à présent, je suis un esclave. Je voudrais que vous obteniez mes papiers d'homme libre, et que vous me les envoyiez à Marksville, Louisiane, Compté d'Avoyelles. Je vous en saurais gré. Vôtre, Solomon Northup. Voici comment je devins esclave: on me drogua dans la ville de Washington, et je restais inconscient pendant un moment. Lorsque je repris conscience, on m'avait dérobé mes papiers d'homme libre et on m'avait mis aux fers en route pour cet Etat. Je ne parvins pas à convaincre quiconque d'envoyer une lettre en mon nom jusqu'à maintenant. La personne qui écrit ce courrier pour moi met sa vie en péril si elle est démasquée. 2. Ouvrez le dossier « Histoire-Géo Elèves sur PEDA1 ». Ouvrez le dossier correspondant à votre groupe. 3. Observez attentivement l’ensemble des documents du dossier. Répondez aux questions et enregistrez une copie de votre document dans le dossier sous le titre « Groupe NOM NOM ». 3. Envoyez votre document à votre professeur par It’s Learning.

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Récits de vie, récits d’esclaves

Travail de groupe en salle informatique

Parmi les millions d’Africains déportés pendant la traite négrière, rares sont ceux qui ont pu raconter leur histoire.

Nés dans l’esclavage sur le sol américain, leurs descendants ont, eux aussi, été réduits au silence. Les historiens se

basent donc principalement sur des documents produits par les esclavagistes ou les opposants à l’esclavage pour

tenter de comprendre ce phénomène, mais il est toujours dommage de n’avoir qu’un seul point de vue (surtout

quand ce n’est pas celui des principaux intéressés !). Certains esclaves ont tout de même réussi à témoigner, malgré

les difficultés qu’ils rencontraient pour partager leur expérience. Ce sont ces voix singulières que nous allons écouter

aujourd’hui.

Consignes

1. Regarder l’extrait vidéo : Solomon Northrup tente d’écrire une lettre quelles difficultés rencontre-t-il pour

témoigner ? D’après les documents ci-dessous, a-t-il finalement réussi à témoigner ? De quelle façon s’y est-il pris ?

Bayou Bœuf, le 15 août 1852

Messieurs,

Cela fait très longtemps que je ne vous ai pas vus et que je ne sais rien de vous. Comme je ne suis pas sûr que vous soyez encore en vie, je vous écris dans le doute, contraint par cette situation qui m'y oblige.

Je suis né libre mais je me trouve maintenant de l'autre côté du fleuve. Je suis sûr que vous me connaissez : à présent, je suis un esclave. Je voudrais que vous obteniez mes papiers d'homme libre, et que vous me les envoyiez à Marksville, Louisiane, Compté d'Avoyelles.

Je vous en saurais gré.

Vôtre,

Solomon Northup.

Voici comment je devins esclave: on me drogua dans la ville de Washington, et je restais inconscient pendant un moment. Lorsque je repris conscience, on m'avait dérobé mes papiers d'homme libre et on m'avait mis aux fers en route pour cet Etat. Je ne parvins pas à convaincre quiconque d'envoyer une lettre en mon nom jusqu'à maintenant. La personne qui écrit ce courrier pour moi met sa vie en péril si elle est démasquée.

2. Ouvrez le dossier « Histoire-Géo Elèves sur PEDA1 ». Ouvrez le dossier correspondant à votre groupe.

3. Observez attentivement l’ensemble des documents du dossier. Répondez aux questions et enregistrez une copie

de votre document dans le dossier sous le titre « Groupe NOM NOM ».

3. Envoyez votre document à votre professeur par It’s Learning.

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Groupe 1 : La capture

Document 1 : Olaudah Equiano, Ma véridique histoire, trad. française, Paris, 2008, trad. française.

« Un jour où tous nos parents étaient allés à leurs travaux comme d’habitude,

tandis que j’étais resté seul avec ma sœur pour garder la maison, deux

hommes et une femme franchirent nos murs et, en un instant, nous saisirent

tous les deux et, sans nous laisser le temps de hurler et de nous défendre, ils

nous fermèrent la bouche et prirent la fuite avec nous en direction du bois le

plus proche. Là, ils nous ligotèrent les mains, et nous transportèrent aussi loin

que possible. […] Finalement, après plusieurs jours de voyage pendant lesquels

je changeai souvent de maîtres, j’arrivai entre les mains d’un chef de clan dans

une région agréable. […] Je fus encore vendu. De cette manière, je continuai

mon voyage jusqu’à ce que, au bout de six ou sept mois après ma capture,

j’arrivasse à la côte maritime ».

Document 2 : Un convoi de

captifs en Afrique centrale

(estampe anonyme, XIXe

siècle)

Document 3 : Visite virtuelle de l’île de Gorée

Voir : https://www.reseau-canope.fr/tdc/tous-les-numeros/les-

outre-mer-francais/videos/article/la-maison-des-esclaves-a-

goree.html

Document 4 : Ottobah Cugoano, Narrative of the enslavement of

Ottobah Cugoano, a native of Africa, Londres, 1825, trad. fr.

Je suis né dans la ville d’Agimaque, sur la côte fanti ; mon père était

proche du roi de cette partie du pays fanti et lorsque le vieux roi

mourut, je demeurai dans sa maison avec sa famille. […] Je vécus

avec ses enfants, dans la paix et la tranquillité, pendant une vingtaine

de lunes, selon leur mesure du temps, soit environ deux ans. On

m’envoya rendre visite à un oncle, qui vivait très loin d’Agimaque. […]

Je m’étais lié avec certains enfants des innombrables parents de mon

oncle et nous nous aventurions parfois loin dans les bois, pour cueillir

des fruits et attraper des oiseaux ou nous amuser à notre guise. […] Moins de deux heures plus tard, nos ennuis

commençaient. Plusieurs grands ruffians nous tombèrent dessus. Ils prétendirent que nous avions commis une faute

envers leur chef et que nous devions en répondre en personne devant lui.

Certains d’entre nous tentèrent, en vain, de s’enfuir mais des pistolets et des coutelas firent leur apparition et les

hommes menacèrent de tous nous tuer si nous bougions. […] Le lendemain matin, trois autres hommes arrivèrent.

Leur langue était différente de la nôtre et ils discutèrent avec certains de ceux qui nous avaient surveillés toute la

nuit ; celui qui avait affirmé qu’il interviendrait en notre faveur auprès du chef avait disparu, ainsi que plusieurs

autres. […] Le soir, on nous persuada de nouveau qu’il était impossible d’aller chez le chef avant le lendemain ;

lorsqu’il fallut se coucher, on nous sépara dans plusieurs maisons, avec des personnes différentes. Le lendemain

matin, je demandai à voir les hommes qui m’avaient amené là ainsi que mes compagnons mais on me répondit qu’ils

étaient partis pour la côte, afin de rapporter du rhum, des fusils et de la poudre, et que certains de mes compagnons

les accompagnaient, tandis que les autres se trouvaient dans les champs. Cela me fit soupçonner fortement une

machination et je crus que tout espoir de rentrer chez moi était perdu.

Page 3: Récits de vie, récits d’esclaves

1. A ton avis, pourquoi Olaudah Equiano et Ottobah Cugoano ont-ils publié leur autobiographie ?

2. Olaudah Equiano est également appelé Gustavus Vassa, Ottobah Cugoano est aussi appelé John Stuart. Explique

pourquoi ils choisissent tous les deux de publier leur autobiographie sous leur nom africain.

3. Quels éléments décrits par Olaudah Equiano et Ottobah Cugoano que retrouve-t-on dans le document 2 ?

4. Les informations fournies par le document 3 sont-elles fiables ? Justifie ta réponse.

5. Rédige un résumé pour raconter à tes camarades les conditions dans lesquelles s’effectue la capture des esclaves

en Afrique, en donnant des exemples tirés des documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- tu es un enfant africain devenu esclave. Comme Olaudah Equiano et Ottobah Cugoano, raconte ta capture

- rédige un texte de présentation de la Maison des Esclaves à l’attention de tes camarades

Page 4: Récits de vie, récits d’esclaves

Groupe 2 : La traversée

Document 1 : Olaudah Equiano, Ma véridique histoire, trad. française, Paris, 2008.

« On nous installa tous sous le pont […]. L’étroitesse de l’endroit ainsi que

la chaleur du climat, ajoutées aux passagers du bateau qui était tant

encombré de monde que chacun avait à peine l’espace pour se retourner,

nous étouffaient presque. Cela généra rapidement d’abondantes

transpirations, de sorte que l’air devint presque irrespirable, à cause d’une

variété d’odeurs répugnantes, et provoqua une maladie parmi les esclaves

dont plusieurs en moururent […]. Cette situation misérable fut encore

aggravée par le bruit irritant des chaînes, maintenant devenus

insupportables ; et la crasse des latrines. Les cris des femmes et les

gémissements des personnes mourantes rendaient toute la scène atroce.

Heureusement pour moi, peut-être, je devins bientôt si faible en cet endroit

qu’on jugea nécessaire de me laisser sur le pont presque tout le temps, et

parce que j’étais jeune on ne me mit pas aux fers […]. Un jour, deux de mes

compatriotes enchaînés l’un à l’autre, préférant la mort à une telle vie de

misère, passèrent à travers les filets (sur les côtés du bateau) et sautèrent à la

mer »

Document 2 : Description du Brookes, navire négrier, Londres, 1787.

Voir : http://www.bl.uk/learning/images/Campaign_MAI/photographs/large93035.html

Document 3 : La révolte des esclaves sur le Little George, racontée par son capitaine, George Scott (dans News

Letter, 6 mai 1731)

« Moi, George Scott, maître de la corvette le

Little George, appartenant à Rhode Island; a

navigué depuis les îles Bonnana sur la côte de

Guinée, le premier de Juin 1730 ayant à son

bord quatre vingt seize esclaves africains. Le 6

du même mois à quatre heure et demi passée du

matin, étant à environ 100 lieues de la terre, les

hommes sont sortis de leurs fers, et se frayant

un chemin à travers la cloison du pont, ont tué

les sentinelles : le Docteur John Harris,

Jonathan Ebens Cooper, et le marin Thomas

Ham; qui étaient, probablement tous endormis.

Etant alors dans ma cabine, j'ai entendu le bruit

sur le pont (ils ont jeté les sentinelles par-dessus

bord), j'ai pris directement mon pistolet, et ai

tiré le le auvent qui était à l'arrière, ce qui a fait

que tous les esclaves africains qui étaient à

l'avant couraient en liberté, sauf un ou deux

hommes (qui semblaient rire de la lâcheté des

autres, et nous défiaient, étant seulement 4

hommes et un garçon) qui jetèrent les auvents,

et nous tinrent confinés dans la cabine, en

passant par l'échelle pour nous voir ... »

Document 4 : Edouard-Antoine Renard, La

rébellion d’un esclave sur un navire négrier,

La Rochelle, Musée d’Art et d’Histoire, 1833.

Page 5: Récits de vie, récits d’esclaves

1. A ton avis, pourquoi Olaudah Equiano a-t-il publié son autobiographie ?

2. Certains historiens ont émis des doutes sur l’authenticité de ce témoignage, indiquant qu’Olaudah Equiano serait

né à Charleston, en Amérique. Si c’est le cas, d’où proviennent les informations du document 1 ? Sont-elles fiables ?

Justifie ta réponse.

3. Présente et décris le document 2. Explique comment ce document a pu être utilisé par la Société pour l’Abolition

du Commerce des Esclaves.

4. Cherche sur Internet des informations sur la révolte décrite dans le document 3. Comment se termine-t-elle ? Cite

tes sources et indique si elles sont fiables. Justifie ta réponse.

5. Rédige un résumé pour raconter à tes camarades les conditions dans lesquelles s’effectue la traversée de

l’Atlantique, en donnant des exemples tirés des documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, à partir du document 4, rédige un récit, au choix :

- tu es le personnage principal, explique ton geste et raconte les différentes étapes de ta révolte

- tu es Edouard-Antoine Renard, explique ton tableau et les raisons pour lesquelles tu l’as réalisé

Page 6: Récits de vie, récits d’esclaves

Groupe 3 : La vente

Document 1 : Olaudah Equiano, Ma véridique histoire, trad. française, Paris, 2008.

« Enfin, nous vîmes apparaître l’île de la Barbade et nous ancrâmes bientôt à

Bridgetown [à La Barbade]. […] Après notre débarquement, des Africains de

toutes langues vinrent à nous. Immédiatement, nous nous dirigeâmes vers la cour

du marchand, où on nous entassa tels des moutons dans un parc, sans souci du

sexe ni de l’âge […]. Cela ne faisait pas plusieurs jours que nous nous trouvions

sous la garde du marchand, lorsqu’on nous vendit d’après leur manière habituelle

qui est la suivante : au signal donné, les acheteurs accourent dans l’enclos où les

esclaves sont massés, et choisissent le lot qu’ils préfèrent […]. Je me souviens que

dans le bateau où je fus transporté, dans le compartiment des hommes, il y avait

plusieurs frères qui furent vendus dans différents lots : ce fut fort émouvant à cette

occasion de voir et d’entendre leurs cris lors de leur séparation ».

Document 2 : Gustave Doré, Une vente d’esclaves aux Etats-Unis, 1874

Document 3 : Mary Prince, La véritable

histoire de Mary Prince, esclave

antillaise, trad. française, Paris, 2000.

Le sombre matin a fini par se lever, trop

tôt pour ma pauvre mère et pour nous.

Tout en nous mettant les habits neufs

qu'on devait porter pour la vente, elle a

dit d'une voix pitoyable que je n'oublierai

jamais : « regardez-moi ! J'enveloppe mes

pauvres enfants dans le linceul ! Quel

horrible travail pour une mère ! » Puis : « Je vais porter mes petits poulets au marché ! » [...]

Finalement, le maître des enchères qui devait nous mettre en vente comme des moutons et des vaches est venu demander

à ma mère laquelle de nous était la plus âgée. Elle m'a montrée du doigt sans rien dire. Alors il m'a prise par la main et

conduite au milieu de la rue, puis me faisant tourner sur moi-même, il m'a exposée à la vue des gens qui attendaient pour la

vente. J'ai été très vite entourée d'inconnus qui m'examinaient et me tâtaient de la même façon qu'un boucher quand il veut

acheter un veau ou un agneau. Ils se servaient des mêmes mots, pour parler de ma tournure ou de ma taille, comme si je ne

pouvais pas plus en comprendre le sens qu'une bête muette. Ensuite j'ai été mise en vente. Les enchères ont commencé

bas pour monter petit à petit jusqu'à 57 livres et j'ai été adjugée au plus offrant. Alors les gens qui étaient là ont dit que

j'avais rapporté une belle somme pour une esclave aussi jeune.

J'ai vu qu'on amenait ensuite mes sœurs et qu'elles étaient vendues à des propriétaires différents, de telle façon que nous

n'avons même pas eu la triste satisfaction d'être compagnes d'esclavage. La vente terminée, ma mère en pleurs nous a

embrassées en nous serrant dans ses bras, elle nous a recommandé de garder courage et d'accomplir notre devoir envers

nos nouveaux maîtres. C'était une triste séparation, l'une allait d'un côté, l'autre de l'autre, et notre pauvre mère repartait

toute seule à la maison.

Document 4 : Charles Ball, Slavery in the United States: A Narrative of the Life and Adventures of Charles Ball, a

Black Man, New-York, 1837, trad. française.

Voir : https://esclavesenamerique.org/2010/08/18/charles-ball-vendu-a-quatre-ans/

Page 7: Récits de vie, récits d’esclaves

1. Les témoignages de Mary Prince, Charles Ball et Olaudah Equiano insistent tous sur un aspect particulièrement

inhumain de la vente. Lequel ? Cet aspect apparaît-il sur le document 2 ?

2. Montre que les esclaves ne sont pas considérés comme des êtres humains mais comme des animaux, en justifiant

avec des exemples pris dans chacun des documents.

3. A ton avis, pourquoi Mary Prince et Olaudah Equiano écrivent-ils leur autobiographie ?

4. Dans le document 2, montre comment Gustave Doré souligne le contraste entre les esclaves et leurs maîtres.

5. Rédige un résumé pour raconter à tes camarades les conditions dans lesquelles les esclaves sont vendus, en

donnant des exemples tirés des documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- raconte une vente aux enchères du point de vue de l’esclave

- raconte une vente aux enchères du point de vue de l’acheteur

Page 8: Récits de vie, récits d’esclaves

Groupe 4 : La vie quotidienne

Document 1 : Mary Prince, La véritable histoire de Mary Prince, esclave antillaise, trad. française, Paris, 2000.

Je suis née à Brackish-Pond aux Bermudes, dans une ferme qui appartenait à M. Charles Myners. Ma mère était

domestique dans la maison et mon père, qui s'appelait Prince, scieur de bois chez M. Trimmimgham, constructeur de

bateaux. A la mort du vieux M. Myners, quand j'étais petite, il y a eu un partage des esclaves et des autres biens de la

famille. C'est le vieux capitaine Darrel qui m'achetée avec ma mère pour me donner à sa petite fille, Miss Betsey Williams.

Mme Williams était une femme qui avait très bon cœur et traitait très bien tous ses esclaves. Elle n'avait qu'une fille à peu

près de mon âge, Miss Betsey, pour laquelle j'avais été achetée. J'étais très choyée par Miss Betsey et l'aimais beaucoup. Elle

m'amenait partout et m'appelait sa petite négresse. Cette époque a été la plus heureuse de ma vie ; j'étais trop jeune pour

bien comprendre ma condition d'esclave et trop étourdie et remuante pour penser d'avance aux jours de misère et de

chagrin.

Ma mère, domestique dans la même famille, s'occupait de moi et j'avais mes petits frères et sœurs pour compagnons de

jeu. Ma mère a eu plusieurs beaux enfants, trois filles et deux garçons, après son arrivée chez Mme Williams. Les tâches qui

incombaient aux enfants étaient légères et nous jouions tous ensemble avec Miss Betsey presque aussi librement que si elle

était notre sœur [...]

J'avais à peine atteint ma douzième année quand ma maîtresse devint trop pauvre

pour garder autant de monde ; elle me loua à Mme Pruden qui habitait une grande

maison au bord de la mer, dans une commune voisine à cinq miles de là. J'ai pleuré à

chaudes larmes en quittant ma chère maîtresse et Miss Betsey ; quand j'ai embrassé

ma mère et mes frères et sœurs, j'ai pensé que mon jeune cœur allait se briser

tellement j'avais de la peine. Mais cela ne servait à rien, j'étais obligée de partir [...].

Quelques heures après, je me suis retrouvée dans une maison étrangère au milieu

d'étrangers. A l'époque, cette séparation m'a semblé une cruelle épreuve, et pourtant

... elle était bien légère à côté de celles que j'ai subies depuis ! [...] Ma nouvelle

maîtresse était une femme coléreuse mais elle n'a pas été trop méchante avec moi.

[...] A cette époque-là, tout mon travail consistait à m'occuper du petit maître Daniel,

un adorable bébé [...] C'était trop beau pour durer !

Document 2 : Moses Grandy, Narrative of the life of Moses Grandy, Londres, 1843 (trad. française)

Voir : https://esclavesenamerique.org/2010/08/09/moses-grandy-dans-les-champs-de-mais/

Document 3 : deux estampes anonymes sur le travail dans les plantations de canne à sucre des Antilles françaises

au XIXe siècle

Page 9: Récits de vie, récits d’esclaves

1. Le document 1 et l’image qui l’accompagne sont deux formes de témoignage sur l’esclavage. Quelle différence

fais-tu entre ces deux témoignages ? Explique pourquoi ces deux documents sont intéressants.

2. D’après les documents 1 et 2, quels sont les différents types d’esclaves existant dans les colonies ?

3. Quelles différences y a-t-il entre le témoignage de Mary Prince et celui de Moses Grandy ? Quels indices nous

permettent de savoir que Mary Prince, enfant, est traitée comme une esclave et non comme une petite fille libre ?

4. Compare le document 3 aux documents 1 et 2. Quels sont les éléments mis en avant par chacune des estampes ?

A ton avis, dans quel but ce type de document était-il publié et diffusé au XIXe siècle ?

5. Rédige un résumé pour expliquer à tes camarades quelle était la vie quotidienne des esclaves, en donnant des

exemples tirés des documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- tu es Miss Betsey. Tu écris une lettre à Mary Prince quelques jours après qu’elle soit partie chez Mme Pruden.

- l’ancien contremaître de Moses Grandy le rencontre après la publication de son livre. Raconte leur conversation.

Page 10: Récits de vie, récits d’esclaves

Groupe 5 : Obtenir sa liberté

Document 1 : Lunsford Lane, The Narrative of Lunsford Lane, Boston, 1842, trad. française.

Je suppose que ceux de mes lecteurs qui n’ont pas l’habitude de faire commerce d’êtres humains seront curieux de voir les

actes de vente qui m’ont permis d’entrer en possession de ma propre femme et de mes propres enfants. […] Voici le

premier, pour ma fille Laura :

Sachez par les présentes qu’en contrepartie de la somme de deux cent cinquante dollars, qui m’a été versée en main propre, j’ai, ce jour, négocié et

vendu, et que, par les présentes, je négocie, vends et transfère à Lunsford Lane, homme de couleur libre, une fille noire nommée Laura, âgée

d’environ sept ans, et que, par les présentes, je justifie et défends que les droit et titre de ladite fille audit Lunsford et à ses héritiers sont libres des

prétentions de quiconque.

En foi de quoi j’ai apposé ma signature et mon sceau au présent acte, à Raleigh, le 17 mai 1841.

B. B. SMITH, [sceau].

En présence de ROBT. W. Haywood.

Document 2 : partition de la romance L’esclave affranchi, E. Barateau et P. Chéret, vers 1850.

Document 3 : article « Antilles, le nom de famille, clé de la

recherché des racines » (rtl.fr, 24/05/2014)

Voir : http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/antilles-le-

nom-de-famille-cle-de-la-recherche-des-racines-7772236139

Document 4 : Moses Grandy, Narrative of the life of Moses

Grandy, Londres, 1843 (trad. française)

Parmi mes enfants, six autres, trois garçons et trois filles, ont été

vendus à La Nouvelle-Orléans. Deux des filles ont pu acheter leur

liberté. L’aînée, Catherine, a été vendue trois fois depuis qu’elle a

quitté la Virginie. […] Comme elle s’était parfaitement occupée de

sa femme, le maître lui offrit une chance d’acheter sa liberté. Elle

refusa d’abord les conditions de son offre : il exigeait 4 dollars par

semaine, pris sur ses gains, et 1200 dollars pour l’affranchir. […]

Elle versait ponctuellement à son maître ses gains hebdomadaires

et des acomptes en vue de son émancipation, pour lesquels il

signait des reçus. Un vapeur du Mississippi cherchait un bon

steward. Elle fut engagée à trente dollars par mois, le salaire

habituel ; elle avait aussi le droit de vendre des pommes et des

oranges à bord ; et les passagers donnent d’ordinaire un pourboire

de vingt-cinq cents à un dollar si l’on s’occupe bien d’eux. Ses

gains totaux, incluant le salaire et l’appoint, se montaient à soixante

dollars par mois. Elle conserva cet emploi jusqu’à ce qu’elle eût

entièrement payé les 1200 dollars pour son affranchissement.

[…] J’ignore où sont mes quatre autres enfants, et s’ils sont morts ou vivants. Il sera très difficile de les retrouver car le

nom des esclaves change d’ordinaire avec chaque nouveau maître : ils ont coutume de porter le nom de celui auquel ils

appartiennent. Ils n’ont pas de nom de famille propre qui permette de retrouver leur trace. Pour cette raison et parce qu’ils

ne savent ni lire ni écrire, puisque la loi les en empêche, lorsque les enfants sont séparés de leurs parents très jeunes, leur

trace disparaît après quelques années. Une mère dont l’enfant est vendu et emmené loin sent qu’elle est séparée de lui pour

toujours : elle a très peu de chances de savoir ce qui adviendra de lui, en bien ou en mal. Le seul moyen de retrouver un

ami ou un parent vendu depuis quelque temps est de suivre sa trace, quand c’est possible, de maître en maître ; ou, à

défaut, de se renseigner dans le voisinage pour découvrir où il pourrait être, jusqu’à tomber sur quelqu’un qui sait que telle

personne appartenait à tel ou tel maître ; et la personne censée être recherchée se rappellera peut-être le nom de ceux qui

possédaient son père et sa mère. L’apparence physique n’apporte guère d’indications car il peut s’être écoulé tant d’années

qu’elle s’est effacée de la mémoire des parents ou des amis les plus proches. Il n’existe donc pas de liens durables qui

préservent les relations, même les plus étroites, et cela ne fait que renforcer l’affliction des esclaves lorsqu’ils sont vendus

et dispersés. J’ai peu d’espoir de retrouver mes quatre enfants.

Page 11: Récits de vie, récits d’esclaves

1. A ton avis, pourquoi Lunsford Lane rachète-t-il sa femme et ses enfants ?

2. Qui sont les lecteurs de l’autobiographie de Lunsford Lane ? Justifie ta réponse.

3. Sur le document 2, quelle est l’attitude de l’esclave ? En quoi cette attitude contraste-t-elle avec celle de Lunsford

Lane ou celle de la fille de Moses Grandy ?

4. D’après les documents 3 et 4, de quelle façon les esclaves et les anciens esclaves aux Antilles reçoivent-ils un

nom ? Pourquoi est-ce choquant ?

5. Rédige un résumé pour expliquer à tes camarades comment un esclave peut obtenir sa liberté, en donnant des

exemples tirés des documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- tu es un esclave affranchi. Ecris une lettre au propriétaire de ta sœur pour lui demander comment la racheter

- rédige une petite annonce pour retrouver un ami esclave dont tu ignores le nom

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Groupe 6 : Le marronnage

Document 1 : John Brown, Slave Life in Georgia, Londres, 1855, trad. française.

Pour m’empêcher de fuir à nouveau, Stevens m’accrocha des cloches et des cornes métalliques sur la tête. Cette punition

n’a rien d’exceptionnel. J’ai vu de nombreux esclaves coiffés de la sorte. On leur attache autour du cou un collier de fer,

muni d’une charnière à l’arrière, et de pattes et d’un cadenas à l’avant, sous le menton. Un second cercle est placé près du

sommet de la tête. Les deux cercles sont fixés par trois tiges de fer. Celles-ci dépassent de trois pieds au-dessus de la tête,

comme des cornes, et sont chacune surmontées d’une cloche. Les tiges métalliques et les cloches pèsent au moins douze à

quatorze livres. Après avoir fixé cet ornement sur ma tête, Stevens me laissa partir et me dit que je pouvais désormais

m’évader si l’envie m’en prenait.

Je fus contraint de porter ces cloches et ces cornes de fer, jour et nuit, pendant trois mois. Je ne pense pas qu’une

description du supplice enduré alors puisse en donner la moindre idée, ni permettre de ressentir combien ma tête et mon

cou souffraient sous leur poids, notamment lorsque je devais me baisser pour travailler. La nuit, je ne pouvais pas me

coucher, parce que les cornes m’empêchaient de m’allonger pour me reposer, et même de me recroqueviller sur moi-

même. Il était bien sûr inutile d’essayer de les enlever ou de fuir ainsi, mais je n’abandonnai pas pour autant ma résolution

de faire une nouvelle tentative de fuite dès que j’aurais un plan. Pendant ces trois longs mois, je pensai plus souvent et avec

plus de détermination à John Glasgow* et à un départ vers l’Angleterre que je ne l’avais jamais fait auparavant. Je

recueillais et emmagasinais toutes les bribes d’information que je pouvais apprendre des autres ou par moi-même. Je

dissimulai dans un vieux tronc d’arbre un ballot de vêtements, un silex, un morceau d’acier et une corne remplie d’amadou.

Mon cas paraissait désespéré, mais je continuais d’espérer avec une ténacité qui me surprend aujourd’hui. C’était une douce

consolation ; sans elle je serais mort

Document 2 : William Craft, Running a Thousand Miles for Freedom, Londres, 1860, trad. française.

Voir : https://esclavesenamerique.org/2010/07/30/william-craft-un-plan-de-fuite-tres-audacieux/

Document 3 : Marie Pascale Mallé, « Les maisons des Noirs marrons de Guyane », In Situ, n° 5, 2004.

Le long du Maroni, fleuve frontière entre la Guyane française et le Surinam, vivent les Aluku et les Djuka, descendants des

esclaves marrons échappés aux XVIIIe et XIXe siècles des plantations de la Guyane hollandaise. A l'écart des colons

occidentaux, ils ont développé des cultures originales, mélanges de traditions des sociétés africaines dont ils étaient issus et

d'emprunts aux Amérindiens. Malgré les bouleversements actuels, leur habitat reste un témoin remarquable de cette

histoire absolument originale.

Document 4 : Exposition photographique « Marrons », Fabrice

Monteiro (2014)

Au cours de son enfance au Bénin, Fabrice Monteiro est marqué par la bande dessinée Les Passagers du vent de François Bourgeon. Une partie de l’aventure se déroule à Ouidah, au Bénin, village d’origine de sa famille paternelle. Il est fasciné par le réalisme des images, il reconnait les lieux dessinés, les visages lui sont familiers. C’est dans ces pages qu’il découvre ces colliers étranges portés par certains esclaves pour les empêcher de s’enfuir. Son père lui raconte l’histoire de sa famille et la raison pour laquelle il porte un nom de famille portugais comme tant d’autres Béninois. Son ancêtre s’appelait Ayedabo Adagoun Odo, il était originaire du Nigéria. Il est mis en esclavage par les portugais et envoyé au Brésil. Il est revenu au Bénin des anfnées plus tard, affranchi, sous le nom de Pedro Monteiro. Sensible à la question de la traite négrière et du rôle joué par ce petit village de la côte béninoise, Fabrice décide d’explorer le sujet photographiquement afin de contribuer à la mémoire de l’esclavage. À partir du Code Noir (élaboré par Jean-Baptiste Colbert (1616 – 1683) et promulgué en mars 1685 par Louis XIV), de lithographies et des rares photos originales d’esclaves, Fabrice reconstitue les plans de cinq modèles d’entraves utilisées pour punir ou dissuader les esclaves de toute tentative de fuite. C’est à partir de ces plans que deux jeunes forgerons béninois reproduisent les entraves mises en scène dans cette série photographique.

Afin d’obtenir un effet de clair obscur, il choisit une approche moderne du traitement de la lumière. Il conçoit une boîte noire, un studio mobile permettant d’aller à la rencontre de ses modèles dans les ruelles de Ouidah.

Page 13: Récits de vie, récits d’esclaves

1. D’après les documents 1 et 2, que risquent les esclaves en fuite s’ils sont rattrapés ?

2. Comment William Craft réussit-il à fuir avec son épouse ? Quels sont les obstacles qu’ils doivent surmonter ?

3. Quelle information le document 3 nous donne-t-il sur le marronnage et ses conséquences aujourd’hui ?

4. Comment le travail de Fabrice Monteiro témoigne-t-il de la réalité de l’esclavage ? Pourquoi s’intéresse-t-il à ce

sujet ?

5. Rédige un résumé pour expliquer à tes camarades ce qu’est le marronnage, en donnant des exemples tirés des

documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- écris la lettre qu’un esclave ayant réussi sa fuite pourrait adresser à son ancien maître

- raconte les obstacles qu’un esclave fuyant en famille doit surmonter

Page 14: Récits de vie, récits d’esclaves

Groupe 7 : Les révoltes

Document 1 : Lettre d’un planteur de Caroline du Sud à un ami londonien, 1720 (G. Mulin, Flight and Rebellion :

Slave Resistance in Eighteenth-Century Virginia, 1973), trad. française.

« Je dois maintenant vous informer que nous avons subi tout récemment un complot très diabolique et très barbare

ourdi par les nègres et visant à détruire tous les Blancs de la région, puis à prendre Charles Town en entier ; mais il

plût à Dieu que le complot soit découvert et la plupart des nègres faits prisonniers, certains brûlés vifs, certains

pendus, certains bannis ».

Document 2 : Extrait du Code Noir (1685)

Article 33

L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort

Article 34

Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort, s’il y échet.

Document 3 : Discours de Toussaint Louverture, 29 août 1793

« Frères et amis. Je suis Toussaint Louverture, mon nom s’est peut-être fait connaître jusqu’à vous. J’ai entrepris

la vengeance de ma race. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire

exister. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l’arbre de

l’esclavage.

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Toussaint Louverture, Général des armées du roi, pour le bien public »

Document 4 :

Révolte des

esclaves, estampe

anonyme, XIXe

siècle.

Document 5 : La révolution haïtienne

Voir : https://www.herodote.net/22_aout_1791-evenement-17910822.php

Page 15: Récits de vie, récits d’esclaves

1. D’après les documents 1 et 2, que risquent les esclaves qui se révoltent contre leurs maîtres ?

2. Qui est Toussaint Louverture (doc. 3 et doc. 5) ?

3. A ton avis, le document 4 a-t-il été réalisé pour soutenir les révoltes d’esclaves ou pour les dénoncer ? Justifie ta

réponse.

4. Pourquoi y a-t-il eu une révolution à Saint-Domingue ?

5. Rédige un résumé pour expliquer à tes camarades les révoltes d’esclaves, en donnant des exemples tirés des

documents étudiés.

6. Travail personnel à rendre le 28/09. Sur une feuille à part, rédige un récit, au choix :

- raconte une révolte d’esclaves, du point de vue d’un planteur

- écris le discours d’un esclave souhaitant inciter ses amis à se révolter