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    LES CONFLITS DANS LE MONDE

    1999-2000

    Rapport annuel sur les conflits internationaux

    sous la direction deAlbert Legault et Michel Fortmann

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    La collection tudes stratgiques et militairesdirige par les professeursAlbert Legault et Michel Fortmann est une publication de lInstitut

    qubcois des hautes tudes internationales.Les opinions exprimes dans cette collection nengagent que la seule respon-sabilit de leurs auteurs.

    Toute reproduction ou traduction, mme partielle, ncessite au pralableune autorisation crite.

    Rdaction et administration :

    Institut qubcois des hautes tudes internationalesPavillon Charles-De Koninck, bureau 5458Universit LavalQubec G1K 7P4, CanadaTl. : (418) 656-2462 ou 656-7530Tlcopieur : (418) 656-3634 adresse lectronique [email protected]

    Direction ditoriale: Claude BassetMise en pages: lise Lapalme

    Distribution assure parLes Presses de lUniversit Laval

    TUDES STRATGIQUES ET MILITAIRES

    Dpt lgal (Qubec) 3e trimestre 2000ISSN 07127561

    ISBN 2-920027-31-X

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    TABLE DES MATIRES

    PRSENTATION_________________________________________________ 1INTRODUCTION ________________________________________________ 3

    LALENTERESTRUCTURATIONDESDBATSSTRATGIQUES____________ 25

    Albert Legault et Manon Tessier1. Les grands dbats stratgiques: renaissance ou dclin ? ____ 26A. L'arms control et les questions de non-prolifration__________ 26B. Le projet amricain de dfense antimissile________________ 302. L'UE et l'organisation de la scurit europenne___________ 35A. La marche vers une arme europenne__________________ 36B. Les difficults pour le Canada et l'Europe _______________ 383. Le maintien de la paix : de la culture de la raction

    la culture de la prvention___________________________ 42A. Bilan statistique du maintien de la paix__________________43B. Au-del des chiffres et des crises _______________________ 45

    RUSSIE ET EUROPEDELEST : LAGUERREDE TCHTCHNIE,L'INTANGIBILITDU TRAITABMETLESCONFLITSDEL'EX-YOUGOSLAVIE_________________________________________53

    J acques Lvesqueet PierreJ olicoeur

    1. La seconde guerre de Tchtchnie______________________ 53

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    Les Conflits dans le monde 1999-2000IV

    A.Les causes relles et les causes officielles:la difficult d'une distinction_________________________ 54

    B. Les leons de la premire guerre et lesobjectifs changeants de la seconde____________________ 59

    C.La prise de Grozny et la suite de la guerre ____________ 63D.Les dimensions internationales du conflit ______________ 662. La rvision ou l'abrogation du Trait ABM :

    les dilemmes et les enjeux pour la Russie______________ 69A.Les craintes spcifiques de la Russie __________________ 70B.Le sens de la ratification de START II__________________ 72

    C.Le sommet Clinton-Poutine et l'itinraire de Poutinevers le sommet du G8______________________________ 74D.Les options russes _________________________________ 783. Les difficults et les incertitudes de la paix dans

    l'ancien espace yougoslave___________________________ 81A.Kosovo : la reconstruction post-conflictuelle

    et la politique de l'UCK _____________________________ 81B.Le Montngro et la Serbie: vers une nouvelle

    confrontation ? ____________________________________ 85C.La Bosnie ________________________________________ 884. Le Canada et les Balkans ___________________________ 90

    LACOEXISTENCECONFLICTUELLE ISRALO-ARABE ___________________95

    Louis-J ean Duclos

    1. Le dbat politique isralien ____________________________ 962. L'interminable friction isralo-palestinienne ______________ 100

    3. Le bras-de-fer isralo-syrien ___________________________ 1034. Le front isralo-libanais ______________________________ 1055. Conclusion provisoire________________________________ 107

    CONFLICTS IN AFRICAATTHE TURNOFTHE CENTURY:MORETHE SAME? ___________________________________________111

    Timothy M. Shaw

    1. Proliferating Conflicts/Problematic Responses ____________ 1122. What African Renaissance? Back to Afro-Pessimism ____ 1163. Governance in Africa: Resilient Regimes________________ 1184. Privatization of Security? _____________________________ 120

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    Table des matires V

    5. New Realisms: Onto Security Communities? ____________ 1246. Civil-Military Relations: How Civil? What Military? _____ 126

    7. New Regionalisms: Onto Zones of Peace? ______________ 1278. Douglas Anglin and the State of

    African International Relations ________________________ 1299. Implications for Canadian Foreign Policies,

    State, and Non-State_________________________________ 131

    ASIEORIENTALE : UNENOUVELLEDYNAMIQUERGIONALE ?__________ 139

    Grard Hervouet

    1. Le Sommet de Pyongyang____________________________ 140A. Des impratifs de politique intrieure au Nord

    comme au Sud _____________________________________ 141B. Pyongyang et Soul en qute d'appuis extrieurs_________ 142C. La prparation du Sommet :

    du discours de Berlin aux tractations secrtes____________ 144D. Le Sommet et ses consquences _______________________ 1462. Tawan : l'lection d'un Prsident indpendantiste ________ 147A. L'attitude conciliante de Chen Shui-bian ________________ 148B. Les incertitudes de l'avenir immdiat ___________________ 1493. Chine: vulnrabilits et puissance _____________________ 1504. Les rapports complexes entre le Chine

    et les tats-Unis ____________________________________ 1535. Japon : prudence et volution _________________________ 1556. ASEAN : le test de la crdibilit_________________________ 1587. Le Canada et l'Asie _________________________________ 160

    Annexe: South-North Declaration, June 15, 2000 ___________ 163

    LES AMRIQUES_____________________________________________165

    Gordon Mace

    1. La Carabe_________________________________________ 1672. Le Cne sud _______________________________________ 1713. LAmrique du Nord ________________________________ 177

    4. Les Andes _________________________________________ 1805. Le Canada et les Amriques__________________________191

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    PRSENTATION

    LESCONFLITSDANSLEMONDE 1999-2000 en est sa dix-neuvime anne.Ce projet sinsre dans les activits de l'quipe de recherche interuni-versitaire de lInstitut qubcois des hautes tudes internationales sur

    les tudes stratgiques et militaires.Ces pages sont destines au grand public, aux mass media, aux

    hommes dtat, aux parlementaires et aux tudiants, et nous esprons quilsy trouveront linformation soutenue, continue et slective que chacunrecherche sur les grands vnements internationaux.

    La parution de ce dix-neuvime ouvrage couvre les vnements dejanvier 1999 lt de 2000. Toute personne dsireuse de recevoir lesnumros antrieurs cet ouvrage est prie den faire la demande lInstitutqubcois des hautes tudes internationales.

    Lquipe des Conflits dans lemonde se rend compte, danne en anne,quelle fournit ainsi un indispensable instrument de consultation ltudiant, luniversitaire et au grand public. Nous sommes donc heureuxdassocier le lecteur lenthousiasme sans cesse croissant que soulve cette

    publication. Nous le remercions par ailleurs de son fidle soutien.

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    Introduction

    La prsente anne se devait dtre inaugurale trois titres. Elle ouvre, eneffet, la porte une nouvelle dcennie, un nouveau sicle et un nouveaumillnaire. On aurait souhait que, dans ces circonstances, lan 2000 vienne

    clore une dcennie de transition, marque par les turbulences et lesincertitudes. Il nen est rien. Lactualit internationale continue, en fait, tre caractrise par ce mlange dancien et de nouveau, qui a tant dso-rient les internationalistes depuis la fin de la guerre froide. Deux imageschocs illustrent dailleurs fort bien une poque o se tlescopent traditionsmillnaires et haute technologie : lAgence France Presse a diffus, enjanvier 1999, cette extraordinaire photo dun Juif hassid collant son tl-phone cellulaire sur le Mur des lamentations pour permettre un coreli-gionnaire franais de prier virtuellement sur les Lieux saints. On sourit

    aussi linscription quont laiss des manifestants chrtiens dans unemosque nigrienne : La charia nest pas prte pour lan 2000 (Sharia isnotY2K compliant). Faut-il scruter le pass pour comprendre lavenir, ou luitourner rsolument le dos ? On se prend penser quen matire de conflit,cest la figure du dieu Janus qui est la plus approprie aujourdhui. Tout auplus pourrait-on dire quau terme dune dcennie de dbat entre lesoptimistes de laprs-guerre froide et les cassandres, ces dernires semblentnettement emporter largument.

    En effet, si nous considrons les tendances gnrales en matire deconflits, la plupart des observateurs constatent un phnomne proccupant.Aprs une diminution marque du nombre total de guerres depuis 1989, la

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    Les Conflits dans le monde 1999-20004

    fin des annes 1990 est caractrise par une reprise trs nette de la bellig-rance internationale. Cette tendance est perceptible malgr les diffrences

    qui existent entre les diverses sources. Le Center for Defense Information,par exemple, constate, en janvier 2000, que le nombre total de guerres passede 31 en 1989 21 en 1997, pour remonter 38 en 1999, soit une augmen-tation de 44 % en 3 ans. Lannuaire SIPRI 1999, avec des donnes lgrementdiffrentes, arrive aux mmes conclusions1. Le projet Ploughshares, quant lui, relve 40 conflits en 1999, soit une augmentation nette de 10 % parrapport lanne prcdente2. Comment interprter ces chiffres ?

    Le premier point relever est que deux rgions sont principalement

    responsables de cette tendance. Personne ne sera surpris de constater quilsagit de lAsie et de lAfrique (voir tableau 1).

    Tableau 1

    Distribution rgionale des conflits arms dans le monde

    (1990-2000)

    Source : SIPRI Yearbook 1999 ;TheWorld at War, Center for Defense Information,janvier 2000. (http://www.cdi.org).

    En Asie, en particulier, une demi-douzaine de points chauds sont(r)apparus en 1999 : lIndonsie, les Philippines, lAsie centrale (Kirghizs-tan, Ouzbkistan), la Chine et le Cachemire. En Afrique, les principaux

    responsables sont, entre autres, la Rpublique dmocratique du Congo,lthiopie et lrythre, lAngola, le Sngal et la Sierra Leone. Au Moyen-

    Rgion 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999-2000

    Afrique 10 10 7 7 6 6 5 8 11 11

    Asie 10 8 11 9 9 9 10 9 8 15

    Amriquedu Sud

    5 4 3 3 3 3 3 2 2 3

    Europe 1 2 4 5 4 3 2 1 1 2

    Moyen-Orient

    5 5 4 4 5 4 4 4 4 7

    Total 31 29 29 28 27 25 24 24 26 38

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    5Introduction

    Orient, lIrak, les tensions lies au problme kurde et la fin du conflit auSud-Liban ont occup lactualit durant lanne coule.

    Lambigut de ces donnes rside videmment dans le fait que laplupart de ces conflits ne sont pas nouveaux. Ils couvent, pour rapparatrergulirement sur les crans de lactualit. Par ailleurs, la simple mention deces diffrentes zones bellignes souligne quel point il est difficile de tenirune comptabilit exacte des guerres. Doit-on compter le Congo commeune guerre ou bien doit-on additionner le nombre de dyades impliquesdans le conflit (Congo-Rwanda-Ouganda-Zimbabwe, etc.) ? Lthiopie nestpas seulement en guerre avec lrythre, mais galement avec le Soudan et

    la Somalie ; faut-il alors dnombrer un ou trois conflits ? Et que dire de laviolence interstitielle ou des soubresauts politiques qui caractrisentmaints endroits comme le Nigeria, la valle de la Fergana en Asie centrale,la Papouasie, les les Fidji ou la Cte dIvoire. Ceux-ci ne sont, en effet,quelquefois mme pas compts dans les chiffres proposs par les grandsinstituts de recherche. Compte tenu de ces ambiguts, on comprend que lalecture des tendances lourdes en matire de conflits nest pas aise. Doit-onconclure, pour autant, quil ny a rien de nouveau sous le soleil ? Laspect

    le plus proccupant des conflits actuels rside, vrai dire, dans leur carac-tre endmique et rcurrent. Le Center for Defense Information ainsi quele Center for Systemic Peace soulignent juste titre que, si on comptabilisehabituellement les conflits en cours, il faudrait galement tenir compte desguerres latentes ou momentanment en sommeil. Le CDI en dresse la liste,il y en a 14. Le CSP nen compte pas moins de 38, la fin de 1999. Onpourrait aussi noter que le nombre de conflits persistants entre tatssouverains est beaucoup plus important que ne le laisse entendre le clichde lobsolescence des guerres intertatiques . Un simple survol desbelligrants rels ou potentiels totaliserait 12 relations conflictuelles et 30tats, dont au moins trois puissances nuclaires (voir tableau 2).

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    Les Conflits dans le monde 1999-20006

    Tableau 2

    Conflits intertatiques latents ou en cours touchant des questions

    territoriales ou de souverainet (1999)

    AfriqueCongo-Angola-Ouganda-Zimbabwe (1996-)Nigeria-Cameroun (1994-1995)Ouganda-Soudan (1995-)thiopie-Somalie-Soudan-Erythre (1995-)

    Amrique latineProu-Chili (Trait de novembre 1999)

    quateur-Prou (Trait de paix, 1998)Colombie-Venezuela (cessez-le-feu, 1995)

    AsieInde-Pakistan (1949-)Core du Nord-Core du Sud (1950-)Chine-Tawan (1949-)

    Europe-RussieConflits impliquant les composantes de lex-Yougoslavie (1991-)Turquie-Grce (Chypre), (1965-)Armnie-Azerbadjan (Nagorno-Karabakh), (1992-1994)

    Moyen-OrientIsral-Syrie-Liban (1967-)Isral-Entit palestinienne (1993-)

    Source : The International Institute of Strategic Studies,The1999 Chart of ArmedConflicts, 1999.

    Au-del des variations en chiffres absolus, lanalyse des tendances enmatire de conflits renvoie donc naturellement aux efforts de paix qui ontt entrepris depuis une dcennie ou plus. Peut-on savoir, par exemple, sile nombre de conflits en voie de rsolution depuis dix ans commence fairediminuer la liste des points chauds persistants qui parsment la plante ?Une prcision intressante, de ce point de vue, est donne sur le site delInternet Service on Conflict Resolution and Ethnicity (INCORE) de lUniver-sit dUlster, qui dtaille tous les accords de paix conclus de 1989 1999.

    On en dnombre pas moins de 44, qui ont tent de mettre fin 38 conflitsinternationaux ou guerres civiles. La question est videmment de savoircombien de ces accords ont rsist au temps Un simple coup dil rvle

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    7Introduction

    que prs du tiers (12 sur 38) dentre eux sont devenus lettre morte depuisleur signature. Plusieurs accords importants, comme celui du Vendredi

    Saint en Irlande ou celui dOslo entre Israliens et Palestiniens demeurentfragiles, comme le souligne lchec des pourparlers de Camp David, enjuillet 2000.

    Tableau 3

    Les types de guerres depuis 1990

    Source : M. SOLLENBERG, P. WALLENSTEEN et A. JATO, Major Armed Conflicts , SIPRI

    Yearbook 1999, Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 1-75.

    Ted Robert Gurr, qui dirige le projet Minorities at RisklUniversit duMaryland, nen croit pas moins que les annes 1990 ont t tmoin dunchangement stratgique trs positif. Il constate que le nombre de groupesethniques qui utilisent la violence diminue sensiblement (il est pass de 11595 sur 300). Mais de faon plus significative, il note que sur 59 conflitsethniques en cours, au dbut de 1999, 23 (soit 38 %) sont en train dediminuer dintensit, alors que 7 seulement semblent prendre de lampleur,29 demeurant constants3. En fait, sur une base annuelle, le nombre denouvellesruptions de violence ethnique a nettement diminu. Dune moyen-ne de 10 nouveaux conflits par anne la fin des annes 1980, noussommes passs 4 par an en 1995. Finalement, toujours selon T. R. Gurr,les conflits sparatistes (qui sont en gnral les plus violents) sont, eux aussi,en rgression. Depuis 1993, leur nombre a diminu de 60 %, passant de 44 18 en lan 20004.

    Dans lensemble, le tableau de la conflictualit internationale nest donc

    peut-tre pas aussi sombre quon pourrait le croire premire vue, mais uncaveat simpose. Quoiquen disent les sycophantes de la mondialisation, lerformisme libral nest pas ncessairement la meilleure solution face aux

    Type deconflit

    1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999-2000

    Guerre civile 28 28 28 28 27 24 22 23 24 35

    Guerreintertatique

    3 1 1 0 0 1 2 1 2 3

    Total 31 29 29 28 27 25 24 24 26 38

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    conflits arms qui affectent particulirement lAfrique et lAsie. Sil est vraique les impratifs conomiques et financiers contraignent des pays comme

    les deux Cores, la Chine ou Tawan la prudence militaire, il nen est pasmoins vrai que la mondialisation a galement accentu les problmesconomiques de nombreux tats du tiers-monde, comme nous le rappelleGordon Mace, dans le prsent volume, au sujet de lAmrique latine. Or,la pauvret est certainement un des catalyseurs les plus vidents de laviolence et de linstabilit dans le tiers-monde5. Il est pertinent dementionner ce sujet que, daprs les derniers chiffres des Nations Unies,plus de la moiti des 24 nations les plus pauvres du monde qui se

    trouvent incidemment en Afrique ont t galement ravages par laguerre durant la dernire dcennie. On notera aussi que, cinq ans aprs laConfrence des Nations Unies sur le changement social, confrence aucours de laquelle les pays industrialiss se sont solennellement engags diminuer de moiti le niveau de pauvret dans le monde dici 2015, lenombre de personnes vivant en dessous du minimum vital est encore lemme quen 1990 (1,2 milliard)6. Les racines socio-conomiques des conflitssavrent donc plus difficiles radiquer quon le pensait au dbut de la

    dcennie.

    1. Contrle des armements, maintien de la paix et relationstransatlantiques (ISDE)

    Comme nous le rappelle Albert Legault, sur le plan de larms control, lanne1999-2000 a t riche en dveloppements de toutes sortes, mais nousretrouvons galement ici ce mlange dancien et de nouveau qui caractrise

    la priode. Au printemps 2000, la Confrence dexamen 2000 du TNP sestrunie pour la sixime fois depuis 1970, rouvrant un ordre du jour que lesobservateurs du contrle des armements connaissent dj fort bien. Unegrande nouveaut cependant : les cinq membres du Conseil de scurit sesont engags sans quivoque liminer totalement leurs armes nuclaires.Encore faut-il ajouter que cet engagement est finalement peu contraignantpuisque les grandes puissances nen prcisent pas les dlais ni les modalitsdapplication. Comme la not avec un certain cynisme le ministre britan-

    nique de la Dfense, sengager liminer terme les armes nuclaires neveut pas dire que les choses vont changer demain, la semaine prochaine ouencore le mois prochain 7. Albert Legault et Manon Tessier soulignent trs

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    9Introduction

    justement, ce sujet, que la dissuasion et les doctrines qui la sous-tendentne sont donc pas prtes devenir lettre morte.

    En ce qui a trait aux dfenses antimissiles, Albert Legault nous rappellegalement que le dbat qui entoure la loi du NMD (National MissileDefense)est le troisime depuis la fin des annes 1960. On est lgalement en pleinenostalgie. Visiblement, la guerre des toiles a marqu profondment lapsychcollective amricaine et lon se perd quelquefois en conjectures sur la natureet les consquences de ce phnomne un peu surraliste. On se plat esprer que lchec cuisant du troisime test du systme, le 7 juillet 2000,fera rflchir les dcideurs politiques amricains. Jacques Lvesque et Pierre

    Jolicoeur soulignent par ailleurs, dans leur chapitre, que le projet amricainpourrait paradoxalement servir la cause du contrle des armements. Eneffet, les Russes seraient enclins accepter le dploiement dun minisystmeantimissile en change de coupures draconiennes dans les arsenauxstratgiques dans le cadre de START III. Dans lensemble, la plupart desgrandes puissances nont donc pas brill, cette anne, au palmars de larmscontrol. Dans le Forumdu dsarmementde janvier 2000, la directrice de lUNIDIR,Patricia Lewis, qui chaque anne dcerne des notes aux bons et aux

    mauvais lves du dsarmement, navait pas de compliments leur faire.Elle donnait par exemple 0 sur 10 aux tats-Unis pour la non-ratificationdu Trait sur linterdiction complte des essais nuclaires (TICE) et 3 sur 10pour leur nouvelle stratgie de dfense antimissile ; elle attribuait 3 sur 10lOTAN pour ne pas avoir renoncsa doctrine nuclaire et 0 sur 10 laChine pour la modernisation de son arsenal nuclaire8.

    Sur le plan de la dfense europenne, par contre, il y a du nouveau.Selon Albert Legault, depuis Saint-Malo, les Europens semblent en effetvouloir prendre les choses en main en ce qui a trait leur dfense maisil sempresse galement dajouter quen ce domaine, la route est longue etil y a loin de la coupe aux lvres . On peut, en particulier, se demandersi les Europens seront capables de faire les efforts financiers pour donnerune substance leur projet. Certains observateurs estiment en effet quemme une augmentation de 0,5 % des budgets de dfense par rapport auxPNB des tats europens constitue un mirage9. Plus grave, toutefois, est lesentiment de drive transatlantique qui transparat dans les discussionsentre Amricains et Europens propos de lIdentit de scurit et de

    dfense europenne . La grande question que se posent beaucoupdobservateurs, dans cette perspective, est la suivante : La scurit euro-penne et internationale se verra-t-elle renforce par ces dveloppements ou

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    sommes-nous en train dassister aujourdhui au dbut dune drivecontinentale transformant de manire inexorable le lien transatlantique ?

    Quant au maintien de la paix, finalement, Manon Tessier avance quenous demeurons dans une priode de transition et de rajustement, aprs lescrises qua connues lONU en ce domaine, au milieu de la dcennie. LesNations Unies, comme plusieurs organisations rgionales, sont donc enrflexion . Il sagit, dans ce sens, de tirer les leons du pass, puis de dfi-nir et de raffiner des directives pratiques pour les politiques relatives laplanification et la mise sur pied des oprations de maintien de la paix,ainsi qu lappui leur fournir . ce titre, les rapports denqute

    commands par les Nations Unies sur la chute de Srebrenica et lchec auRwanda, dposs au printemps 2000, constituent des documents dtapeimportants. Tim Shaw, dans le chapitre portant sur lAfrique, soulignegalement que plusieurs approches novatrices ont djt adoptes afin demettre fin aux crises humanitaires complexes qui affectent le continent.Dun point de vue positif, il faut galement signaler quaprs une baissedraconienne de 1993 1999, les effectifs des Casques bleus engags dansdes oprations de maintien de la paix ont commenc remonter cette

    anne, passant de 12 000 35 000 hommes malgr la diminution dunombre doprations (de 17 14). Dans lensemble, cependant, lepragmatisme reste lordre du jour et, comme le rappelle lEconomist, laquestion nest pas seulement de savoir comment amener lONUdevenir ungardien de la paix plus efficace. Par-dessus tout, il faut que le secrtairegnral sache dire non quand les membres du Conseil de scurit luidemandent limpossible 10.

    2. AfriqueLanalyse que nous prsente Tim Shaw, nouveau collaborateur dans cecollectif, de la situation africaine nous rappelle que Robert Kaplan, lauteurqui annonait en 1994 limplosion du continent, demeure dactualit. Lesinondations du Mozambique, la famine en thiopie, les meurtres collectifsen Ouganda, la dislocation de la Sierra Leone et la rcurrence des conflitssoulignent, sil en tait besoin, que le nouveau millnaire apporte plus detragdies que despoir dans cette partie du monde. Lauteur note ainsi quen1999 lAfrique sub-saharienne tait le thtre de plus de la moiti desconflits arms se droulant dans le monde. Deux tiers des pays de la rgionsont en guerre ou confronts la violence civile, nous dit-il. En outre,

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    11Introduction

    depuis 1998, nous sommes tmoins dune recrudescence de conflits grande chelle, chose qui ne stait pas produite depuis les annes 1960.

    Tim Shaw souligne galement que les guerres africaines ne sont pas que desguerres locales. Elles dbordent les frontires, ce qui constitue un de leursaspects les plus proccupants.

    La situation du continent rvle, par ailleurs, un paradoxe troublant :un renforcement de la dmocratie et de la socit civile, mais galement unecroissance des conflits traditionnels qui divisent les socits africaines(clivages ethniques, rgionaux, religieux, etc.). Les conflits, qui ravagent lecontinent, refltent galement, selon Shaw, la dynamique de la mondia-

    lisation : les causes internes des affrontements arms en Afrique, nous dit-il, ne peuvent tre analyses sans tenir compte du contexte international,particulirement en ce qui a trait aux retombes de lidologie nolibraleet de la mondialisation. Bref, la combinaison de la stagnation conomiqueet de lingalit sociale croissante constitue un mlange dtonnant.

    Lauteur souligne galement le phnomne, trs frappant, de laprivatisation des conflits africains. Trois genres d acteurs nouveauxapparaissent : des forces prives comme ExecutiveOutcomeou DefenceSystemsLTD

    , des units appartenant des forces nationales loues au plus offrant(Zimbabwe, Kenya), ainsi que des mafias et autres gangs. Ces nouveauxacteurs tirent leurs revenus du trafic des stupfiants, darmes et de pierresprcieuses. Et, en gnral, les forces de police africaines sont impuissantesface ces groupes, si elles ne sont dores et dj corrompues.

    Tim Shaw souligne galement les cots importants quengendre cettekyrielle de conflits, notamment en ce qui a trait aux achats de matrielmilitaire et aussi aux oprations militaires. La guerre civile angolaise coteplus de un milliard de dollars par anne, celle du Soudan, 400 millions.

    On peut se demander, face cette situation dsastreuse, ce que fait lacommunaut internationale. Selon Shaw, le contexte actuel est caractrispar trois tendances. Dune part, les tats occidentaux manifestent unerticence croissante intervenir dans des situations impossibles. Dautrepart, les Africains expriment clairement le dsir de prendre en charge leursproblmes et de les rsoudre eux-mmes. Il faut noter, dailleurs, que cettergionalisation de la rsolution des conflits nest pas toujours une bndic-tion. Dans le cas du Congo, il est vrai quil y a eu un ensemble defforts

    rgionaux qui ont abouti, entre autres, aux accords de Lusakalt 1999,mais, en ralit, le Congo at mis en coupe rgle par un groupe dtatsvoisins. En fait, 115 ans aprs la Confrence de Berlin, le Congo est

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    nouveau divis, non pas entre des empires coloniaux, mais entre des tatsafricains. Dans ce contexte, les notions jumelles dune renaissance africaine

    et dune communaut de scurit rgionale apparaissent donc comme desmirages lointains.

    Troisimement, Shaw souligne que les efforts de rsolution des conflitsengagent, eux aussi, un ensemble htrogne dacteurs non tatiques (ONG,organisations internationales, entreprises prives, etc.). Or, ceux-ci doiventtre mobiliss et coordonns pour agir de faon positive, ce qui est souventdifficile du fait mme de lparpillement de ces intervenants. Dans ce sens,les oprations dimposition de la paix, nous dit lauteur, sont de plus en plus

    dcrites comme des oprations de maintien de la paix complexes pluttque de simples crises humanitaires.En conclusion, Tim Shaw avoue qu laube du XXIe sicle, les causes

    relles des conflits de la rgion restent difficiles apprhender et que lessolutions proposes pour les rsoudre demeurent, par consquent,alatoires. Cela sexplique du fait que nos faons de penser sont dpasseset du fait de la grande diversit dintrts des intervenants. Linterventiondes tats et des acteurs non tatiques en vue de rsoudre les crises

    rcurrentes en Afrique exigera, de ce point de vue, une combinaisondinitiatives diplomatiques, de pressions conomiques et politiques, et desanctions positives et ngatives. La vritable renaissance africaine seraceprix.

    3. Moyen-Orient

    La situation du Moyen-Orient nincite pas non plus clbrer le nouveau

    millnaire. Louis-Jean Duclos, que nous accueillons galement cette anne,entame son texte en examinant la transition qui a port au pouvoir lepremier ministre Ehud Barak. Il analyse le dbat de socit qui entoure laquestion palestinienne et souligne demble quIsral soffre ainsi envitrine des diffrentes varits de la conflictualit moyen-orientale . Il note,en particulier, 3 clivages importants qui traversent la socit isralienne : unclivage politique, qui oppose le parti travailliste et le Likoud ; un clivagelac-religieux dans le cadre duquel les centristes sopposent aux intgristes du judasme ; une troisime fracture met en vidence larevendication identitaire de plusieurs composantes de la mosaque culturelleisralienne (arabes, ultra-orthodoxes juifs, russes et sfarades), revendi-cation qui transparat en filigrane dans tous les dbats politiques en Isral.

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    moins. Simultanment, les Israliens, qui ont dcid de se retirer avant le7 juillet 2000 , tentent de ngocier les modalits de leur dpart avec Damas

    et Beyrouth pour en faire llment dune convention de paix plus gnrale,mais en vain.

    En fait, le repli isralien intervient de manire apparemment nonconcerte, ds le 23 mai 2000. Celui-ci seffectue dans un ordre parfait,malgr lexode de 6500 Libanais, ex-collaborateurs ou simplement chrtiensminoritaires politiquement inquiets. Et le 5 aot, laFINUL, aprs plus de 22ans, peut se redployer et mettre en application la rsolution 425 de lONUqui la chargeait de constater le retrait immdiat de ses forces [israliennes] detout

    leterritoirelibanais [] et aider legouvernement libanais rtablir son autoriteffectivedans la rgion, en loccurrence sur les 1200 km mitoyens dIsral qui viennentjustement dtre librs. Depuis lvacuation isralienne du Liban, le dernier front isralo-arabe est donc entr son tour en sommeil.

    Les conclusions de Louis-Jean Duclos sont rassurantes mais ne donnentque peu despoir en ce qui concerne les progrs du processus de paix : lissue de la priode sous revue (mai 1999 mai 2000), le ou les conflitsisralo-arabes semblent mieux contenus que jamais. Leur gestion, qui relve

    la fois de la diplomatie et de la dissuasion militaire et financire, continuede placer Isral dans une situation extrmement avantageuse. Lune etlautre, en effet, visent et russissent dcourager toute contestationsrieuse de lordre rgional en place. La diplomatie sy emploie parlajournement systmatique des chances substantielles dplaisantes pourIsral. Ce faisant elle entrane la partie arabe lexercice des longuespatiences mais aussi lusure des rsistances .

    Ainsi apparat-il que le discours sur la paix, qui occupe tant de placedans les propos des chancelleries et des mdias, pourrait ntre quunealternative la paix elle-mme. Beaucoup dacteurs du Moyen-Orient ytrouvent avantage dans la mesure o, tout en loignant la menace de laviolence arme, il laisse subsister une tension propice aux renforcements despouvoirs politiques en place, lafflux des crdits, ainsi quau dvelop-pement des armements et de linfluence des militaires.

    4. Russie

    Selon Jacques Lvesque et Pierre Jolicoeur, lanne stratgique et militaire1999-2000 aura essentiellement t pour la Russie celle de la reprise descombats en Tchtchnie. Une foule de raisons ont t invoques pour

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    15Introduction

    justifier la nouvelle intervention russe, mais parmi les motifs les plusfrquemment invoqus, Moscou fait valoir que la Tchtchnie tait

    devenue un foyer de banditisme et de terrorisme en expansion incontrle.Plus gnralement, il semble que le gouvernement russe a maintenantadopt une vision huntingtonienne des relations internationales. Commela dit Vladimir Poutine, en juillet 2000 : Nous faisons face aujourdhui la formation dune internationale fondamentaliste qui cre linstabilit surun territoire qui stend des Philippines au Kosovo . Sans que cela suffise justifier la guerre, surtout le type de guerre qui a t mene, il faut bienreconnatre quil y a, l-dessous, une ralit certaine. Comme le note un

    commentateur : Dans cette socit sans tradition tatique et rebelle touteautorit [sinon celle de la tradition patriarcale] ltat ne jouit a prioridaucune lgitimit . Dans ces conditions, la Tchtchnie est effectivementdevenue un terrain favorable la prolifration de rseaux et dactivitsterroristes, de toute nature, criminelle et autre.

    Lvesque et Jolicoeur nous offrent un portrait saisissant de lescaladequi amne les Russes envahir la rgion, en octobre 1999, aprs lavoirbombarde pendant plus de deux mois. Le 1er octobre 1999, les troupes

    russes (environ 100 000 hommes de larme rgulire et des forces duministre de lIntrieur) entrent massivement en Tchtchnie. Si lavancedes forces armes russes, dans la partie nord de la Tchtchnie, se passesans difficults, les oprations militaires vont cependant dclencher ce quily a tout lieu de dcrire comme une catastrophe humanitaire. Au dbut delanne, la guerre avait dj fait plus de 150 000 rfugis tchtchnes enIngouchie, ce qui reprsente un peu plus de la moiti de la population decette rpublique. On aurait espr que la prise de Grozny, en fvrier 2000,mettrait un terme aux combats, mais cela ne semble pas encore le cas sept

    mois plus tard. Une victoire russe est-elle possible, se demandent Lvesqueet Jolicoeur. Oui, dclarent-ils, mais condition que la rpression soitsuffisamment brutale et meurtrire. En outre, au moins 250 000 hommesarms devraient imposer la paix non seulement en Tchtchnie, mais dansles rpubliques voisines du Caucase du Nord.

    Un autre dossier, qui occupe lactualit en Russie, est videmment celuidu projet amricain de dfense antimissile (NMD) et lon sinquite, Moscou, des consquences que pourrait avoir le dploiement dun tel

    systme pour le rgime de contrle des armements stratgiques. Pourlinstant, la Russie refuse toujours de modifier le TraitABM, tout en sachantque les tats-Unis peuvent dcider de sen retirer unilatralement en

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    donnant un pravis de six mois. Dans une telle ventualit, la Russie a djfait savoir quelle nentendait pas se doter elle-mme dun systme

    semblable. Elle nen a dailleurs pas les moyens. En fait, le souci rel desRusses semble moins tre un ventuel dploiement limit dun NMD par lesAmricains que lobsolescence progressive de leur force de dissuasion. Eneffet, daprs Alexei Arbatov, vice-prsident de la Commission de laDfense de la Douma, dans dix ans, au taux de financement actuel etcompte tenu du retrait des armes devenues trop vieilles, la Russie pourraitne disposer que de 1000 vecteurs nuclaires intercontinentaux modernes.La priorit du gouvernement russe est donc damener les Amricains

    accepter les plafonds les plus bas possibles pour STARTIII, afin de maintenirun quilibre stratgique entre les deux pays. On parle de 1000 1500ttes au lieu de 2000 2500. Compte tenu de cet objectif, pourquoi ne pasenvisager un change de bons procds avec les Amricains ? Ceux-ciaccepteraient des plafonds plus bas pour START III. De plus, dans ce cadre,la Russie pourrait mirver (cest--dire, quiper de ttes nuclairesmultiples) ses missiles les plus performants, les Topol. Cela garantirait quela force de dissuasion russe demeure viable sans grever le budget de la

    Dfense. En contrepartie, Moscou accepterait que le traitABM

    soit modifiexceptionnellement pour permettre le dploiement du systme minimal quesouhaitent les tats-Unis. Afin de prparer le terrain et de se prsenter enpromoteur responsable du contrle des armements, le prsident Poutine afait ratifier par la Douma le trait START II ainsi que lAccord surlinterdiction complte des essais nuclaires (TICE) que les tats-Unis ontjusquici refus de ratifier. Bien entendu, la ratification de START II a trendue conditionnelle au maintien du TraitABM. De plus, un article de laloi de ratification prvoit que si un Trait START III nest pas conclu avantle 31 dcembre 2003, la Russie se retirera de START II. La dmarche duPrsident russe semble pour linstant porter fruit. En effet, le 4 juin 2000,le prsident Clinton a rendu une premire visite Vladimir Poutine, Moscou, et les deux parties ont reconnu la contribution essentielle du TraitABM la rduction des armes offensives. En fait, laccord est considrcomme la pierre angulaire de la stabilit stratgique Cest lle point crucialpour les Russes. Les deux protagonistes ont galement exprim le dsir de poursuivre leurs efforts pour renforcer le Trait ABM et amliorer sa

    viabilit et son efficacit dans lavenir, en prenant en considration leschangements dans lenvironnement de scurit internationale . Cest l, entermes discrets, ce que souhaitait entendre ladministration Clinton.

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    17Introduction

    Messieurs Lvesque et Jolicoeur achvent leur chapitre par un tourdhorizon des difficults et des incertitudes de la paix dans lancien espace

    yougoslave.Au Kosovo, tout dabord, le dploiement militaire de lOTAN, qui a

    dbut le 12 juin 1999, sest avr un succs oprationnel. En un mois,leffectif de laKFOR comptait 33 000 soldats pour atteindre, la fin de lt1999, 50 000 hommes disposant dun tat-major unifiPristina, la capitalekosovare. Dans le sillage de ce dploiement, plus dun demi-million derfugis ont pu rapidement retourner au Kosovo et, la fin de lanne, plusde 700 000 Kosovars avaient regagn leur foyer. Selon le Haut Commis-

    sariat des Nations Unies pour les rfugis (HCR), le retour des rfugisalbanais constitue un succs sans prcdent.Par contre, il faut aussi souligner que 70 000 Serbes ont quitt le

    Kosovo pour rentrer chez eux, dans les jours qui ont suivi le dpart desforces serbes. En outre, le climat dinscurit gnralise hrit de la guerreest une des principales difficults actuelles au Kosovo. Un an aprs la findes frappes ariennes de lOTAN contre la Serbie, tout semble indiquer quele climat de violences post-conflictuelles au Kosovo saggrave plutt que de

    sattnuer, malgr la prsence de lONU

    et de lOTAN

    , et les mesures dertablissement de la confiance intercommunautaire. Selon la police de lONU,plus de 500 meurtres ont t commis au Kosovo entre aot 1999 et mai2000, en majorit lencontre des non-Albanais de la province.

    Dans son dernier rapport sur la situation au Kosovo en juin 2000, lesecrtaire gnral de lONU, Kofi Anan souligne, encore une fois, ladgradation de la situation dans la province et appelle la communautinternationale investir davantage pour consolider les rsultats atteintsjusqu prsent, faute de quoi la rgion risque de sembraser nouveau.

    Le cas du Montngro constitue actuellement la plus grande incertitudede la saga des conflits en ex-Yougoslavie. Officiellement, nous disentLvesque et Jolicoeur, la structure fdrale de la Yougoslavie confre auMontngro qui compte peine 650 000 habitants un statut gal celuide la Serbie. En fait, lgalit thorique entre les deux rpubliques nestquune structure de faade, et le pouvoir rel se trouve entre les mains deMilosevic.

    Depuis llection de Milo Djukanovic la prsidence, le 5 octobre 1997,

    le gouvernement montngrin a pris une srie dinitiatives de naturenettement autonomiste. Essentiellement, le Prsident cherche rformer lesinstitutions de la rpublique pour sortir de lisolement impos la

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    Yougoslavie. En raction cela, Slobodan Milosevic a pris des mesures quiont envenim la situation. Il a notamment suscit la formation dune unit

    paramilitaire denviron 1000 hommes, qui a dj eu maille partir plusieurs reprises avec la police montngrine. Paralllement, la Serbie aimpos un embargo conomique au Montngro. Les consquencesconomiques en sont graves, puisque 75 % des changes conomiques duMontngro se font avec la Serbie.

    Le projet de rforme constitutionnelle de Milosevic, de lt 2000,constitue un autre motif de confrontation entre les deux rpubliques. Larforme, qui a finalement t vote par le Parlement fdral yougoslave, le

    7 juillet 2000, permet au prsident Milosevic de demeurer encore huit ansau pouvoir. Ceci risque galement de dclencher un conflit avec leMontngro.

    Lvesque et Jolicoeur notent, finalement, que la question de lindpen-dance divise profondment la population de la rpublique. Le Prsidentserbe est donc en mesure dexploiter ces divisions internes son profit.Tout indique quil serait prt utiliser la force, sil le faut.

    En ce qui concerne la Bosnie, la paix rgne certes sur le plan militaire,

    mais aucune ralisation notable ne semble tre dfinitivement acquise. Les entits constitutives de la Fdration de Bosnie (la Rpublique de Sprskaet la Fdration croato-musulmane), les composantes multiethniques desdiverses assembles, les statuts spciaux de certaines villes, la prsidencecollgiale, etc., ne sont que des constructions factices, imposes par despuissances de tutelle.

    Lanne coule en Bosnie a toutefois t marque par deuxvnements positifs : le rglement, le 8 mars 2000, du statut de lamunicipalit de Brcko et la tenue dlections municipales en avril 2000, danstoute la Bosnie. cette occasion, les choses se sont passs dans le calme,mais les rsultats de ce scrutin ne marquent aucun progrs dans larconciliation interethnique. Par contre, on a pu observer une progressionrelative du mouvement social-dmocrate et multiethnique dans les villes duterritoire de lex-arme bosniaque, population majoritairement musul-mane. Les observateurs se tournent maintenant vers les lections gnrales,prvues pour octobre de cette anne. Esprant toujours voir russir le projetdune Bosnie multiethnique, les diplomates occidentaux commencent

    maintenant voquer la possibilit de reporter en 2001 ces nouvelleslections.

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    5. Asie orientale

    Comme le note Grard Hervouet, dans lentrecroisement des tendancespositives et ngatives, les observateurs prouvent beaucoup de difficults interprter les courants qui animeront la politique rgionale asiatique durantla prochaine dcennie. Partout, en effet, la mto gopolitique de lAsieorientale est lorage pour soudainement faire place des clairciesinattendues.

    Deux grands moments ont, en effet, marqu cette anne, lun porteurde danger, lautre de dtente. Le premier at la tenue, Pyongyang, dun

    sommet historique entre les prsidents corens du Sud et du Nord ; lesecond, au mois de mars 2000, llection dun prsident indpendantiste Tawan. Ces deux grands moments affectent les deux derniers tats divissdu systme international. Ils sont porteurs de lourds symboles, mais aussidespoirs ou de dceptions ventuelles.

    La rencontre entre Kim Dae-Jung et Kim Jong-Il reprsente un progrsconsidrable dans le dblocage dune situation gopolitique issue de laSeconde Guerre mondiale, aggrave par un conflit entre le Nord et le Sud

    et par les contraintes de la guerre froide. Intervenant quelques jours avantle 50e anniversaire du dbut de la guerre de Core (25 juin 1950), leSommet est, bien des gards, historique. Il entrane, en effet, unemodification fondamentale dans la dynamique dhostilits qui avait prvaluces dernires annes et semble enfin sonner le glas dune poque rvolue.

    Cest, par contre, avec une vive apprhension que les observateursattentifs de la politique chinoise ont suivi le droulement des lectionsprsidentielles au printemps 2000. Beaucoup craignaient, cette occasion,une escalade des tensions entre Taipei et Beijing. Lattitude conciliante dunouveau prsident Chen Shui-bian a cependant contribu apaiser lesinquitudes ce sujet. En attendant le dbut officiel de son mandat, le 20mai 2000, le prsident lu a adopt une attitude politique rassurante et avit toute dclaration intempestive et tout geste pouvant inquiter ouprovoquer les autorits chinoises.

    La modration de la Chine, quant elle, sexplique essentiellement pardes proccupations conomiques. Parvenue aux portes de lOMC et aprs lanormalisation de ses rapports commerciaux avec les tats-Unis, ladminis-

    tration chinoise ne peut, en effet, se permettre duser de menaces tropcoercitives lendroit de Tawan. Par ailleurs, si la fin de lanne 1999 etle dbut de lan 2000 confirment la monte en puissance dun immense pays

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    dont on a souvent dit quil tait dsormais veill , les proccupations durgime sont trs srieuses. Le taux de croissance du PIB chinois diminue de

    faon significative depuis quelques annes et il serait descendu 7,1 % en1999, alors quil tait de 7,8 % en 1998 et de 8,8 % en 1997. Et, bien quilsoit extrmement difficile dvaluer le taux de chmage en Chine, tous lesobservateurs saccordent noter son ampleur en milieu urbain.

    En ce qui a trait aux rapports sino-amricains, les choses vont un peumieux aprs les tensions de 1999 entre le deux pays (la suite de la destruc-tion accidentelle de lambassade chinoise Belgrade). Un pas importantdans lamlioration des rapports entre les deux pays at franchi le 25 mai

    2000 lorsque la Chambre des reprsentants a accord un statut permettantla Chine davoir des relations commerciales normales avec les tats-Unis.Ce vote a ainsi mis fin au renouvellement annuel de lprouvante clause dela nation la plus favorise accorde la Chine. Toujours dans ce registretrs positif, on a not, en juin 2000, la signature dun accord entre les deuxpays en vue de lutter conjointement contre le trafic de drogues.

    Le Japon constitue une autre pice importante du puzzle asiatique, cetteanne. Dire que la socit japonaise est en pleine volution constitue peut-

    tre un clich, mais est plutt un euphmisme. Lanne 1999 et le dbut de2000 auront confirm plusieurs changements dans les dbats politiquesinternes, ainsi que dans lamorce de perceptions nouvelles lendroit durle que le Japon pourrait jouer dans lenvironnement international.

    Un des grands dbats en matire de scurit intervenus la Dite, en1999, a touch aux dispositions lgislatives indispensables lapplication duTrait de coopration et de scurit universelle avec les tats-Unis. Lesdiscussions ont t longues et houleuses et ne se sont soldes que par uncertain nombre damendements mineurs.

    Le premier ministre Obuchi sest aussi employ contrler, avecbeaucoup dattention, la mise en place par la Dite de panels de rechercheconstitutionnelle qui serviront, en lan 2000, tudier une ventuelle rvi-sion de la constitution du Japon et, en particulier, de son trs clbre articleIX qui empche le Japon de recourir la violence arme.

    Dans la logique de sa traditionnelle paralysie constitutionnelle, le Japonna pas t en mesure de rpondre la demande qui lui avait t faite departiciper la force des Nations Unies au Timor, lautomne 1999. Dans

    le sillage des lections lgislatives de juin 2000 (aprs le dcs subit dupremier ministre), un changement semble cependant se dessiner dans lesmentalits. En effet une grande partie de la population parat dsormais

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    davantage sensibilise aux questions de scurit. Plus de 60 % despersonnes interroges lors de sondages disent vouloir un changementconstitutionnel et plus de 50 % disent craindre les menaces que font peser,sur le Japon, la Chine et surtout la Core du Nord.

    LASEAN constitue le quatrime thme abord par Grard Hervouet.LAssociation des pays de lAsie du Sud-Est prouve en effet, depuisplusieurs annes, beaucoup de difficulttrouver un second souffle. Linsis-tance de lassociation vouloir saccrocher tout prix au principe de non-ingrence at llment dterminant dans son incapacit faire face lamultiplication des problmes affectant un ou plusieurs de ses membres. En

    septembre 1999, la question du Timor oriental a constitu un test dcisif.LASEAN na pas fait la moindre mention de la crise, ni dans les commu-niqus et confrences ministrielles, ni dans ceux de lASEAN RegionalForum (ARF). Soulignant les dsaccords de lorganisation, la Malaisie, lesPhilippines et Singapour ont cependant envoy des contingents au Timor.Cette participation a dailleurs suscit de multiples controverses. Lempres-sement du Myanmar se dissocier de lintervention au Timor illustre cesrticences.

    Dsormais compose de dix tats, la diversit des rgions reprsentesa augment, ainsi toutefois que lingalit de dveloppement conomiqueentre les pays membres. Pratiquement tous les pays de lASEAN sont auxprises avec des problmes internes ethniques, religieux ou linguistiques, etles pratiques de la dmocratie doivent se dcrire sans vritablesrfrentiels aux habitudes occidentales. Outre les problmes internes, lesdernires annes ont t marques par une recrudescence des diffrendsentre pays, en raison surtout de litiges maritimes et territoriaux commeceux des les Spratleys.

    Sur un plan plus rgional encore, il convient de rappeler que lASEANpossde le leadership du seul forum de scurit existant dans la rgion.LARF semploie, depuis 1995, promouvoir les mesures de confiance, ladiplomatie prventive et llaboration dapproches nouvelles pour rgler lesconflits. LARFse veut surtout une tribune de discussions qui na pas encoredonn de preuves tangibles de son efficacit.

    6. Amrique latine

    la diffrence de ce qui se passe en Afrique ou en Asie, le bilan des douzederniers mois semble plutt positif en Amrique latine. Comme nous le dit

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    Les Conflits dans le monde 1999-200022

    Gordon Mace, le continent nest plus victime de conflits intertatiquesdepuis le milieu des annes 1990. La dernire escarmouche avait alorsoppos lquateur au Prou. Depuis cet incident, les gouvernements de largion ont surtout utilis la ngociation afin de rgler les diffrendsfrontaliers toujours en suspens, comme en font foi laccord de paix de 1998entre le Prou et lquateur ainsi que laccord sign par les gouvernementsdu Prou et du Chili en novembre 1999. Ces ententes, tout comme celleintervenue antrieurement entre le Chili et lArgentine, sont significativespuisquelles liminent progressivement les dernires sources de conflitsfrontaliers et contribuent ainsi amliorer la paix et la scurit dans

    lensemble de la rgion.Au-del des questions de paix et de scurit, on doit aussi considrercomme positifs, les progrs accomplis dans dautres secteurs dactivit.Ainsi, le Sommet ibro-amricain, tenu La Havane en novembre 1999, apermis aux chefs dtat prsents non seulement de raffirmer leurengagement en faveur de la consolidation dmocratique, mais aussi delancer des appels voils pour des rformes dmocratiques et le respect desdroits de la personne sur le territoire mme de Cuba. Enfin, une croissance

    conomique de plus de 4 % pour lensemble de la rgion, en lan 2000,devrait permettre certaines conomies latino-amricaines de rebondir,aprs une anne 1999 difficile pour plusieurs pays dont le Venezuela, laColombie et lArgentine.

    En parallle ces lments positifs il y a encore, malheureusement,plusieurs nuages sombres lhorizon. Parmi ceux-ci, le plus inquitant, etce qui dsappointe le plus aprs bientt quinze ans de rformes, estlincapacit des nouvelles politiques conomiques distribuer plusquitablement les bnfices de la croissance. Selon des donnes de laBanque mondiale, 36 % des Latino-amricains vivent toujours sous le seuilde la pauvret, alors que le taux de chmage dans lensemble de la rgiona atteint, en 1998, le niveau le plus lev depuis les annes 1980 (Mexique,Hati, quateur, Venezuela, Colombie).

    cette premire menace, certainement la plus fondamentale, sajoutentdautres sources nouvelles dinstabilit pour lensemble de la rgion. Laproduction et le trafic de la drogue, au premier chef, qui affectent de plusen plus de pays latino-amricains et que la coopration rgionale parvient

    mal, semble-t-il, enrayer. Viennent ensuite la corruption, la criminalit etle terrorisme qui sont souvent, mais pas toujours, associs au trafic de ladrogue et qui atteignent des niveaux datrocit de plus en plus levs

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    23Introduction

    comme lattestent les vnements survenus rcemment en Colombie. Lesfoyers de terrorisme demeurent heureusement circonscrits la rgion des

    Andes, mais la criminalit, lie ou non au trafic de la drogue, est de plusen plus rpandue et svit particulirement au Mexique, en Amriquecentrale, dans les Antilles et dans les Andes.

    Le bilan de lanne coule est plutt nuanc pour ce qui concerne lamenace la stabilit dans la grande rgion des Amriques. Si les menacestraditionnelles, encore une fois, paraissent sestomper, les menaces plusnouvelles, celles qui viennent de lintrieur mme des pays, semblent enrevanche plus prsentes. Et si certaines sous-rgions sont plus calmes,

    dautres deviennent plus agites.Murray Gell-Mann, dans son ouvrage LeQuark et leJ aguar, raconte unemerveilleuse anecdote, qui peut fort bien conclure cette introduction :visitant lexposition des sciences de Barcelone, il a pu admirer un montageillustrant le principe du chaos. La pice centrale de ce montage tait unbalancier non linaire que le visiteur pouvait lancer une vitessedtermine, dans une direction prcise. Le mouvement du balanciersinscrivait en mme temps sur une feuille de papier. Le visiteur tait ensuite

    invitrecommencer en plaant le balancier dans la mme position et enlui donnant la mme pousse. Mais quel que soit le soin avec lequellexprience tait reproduite, le parcours du balancier ntait jamais lemme. Observant alors deux individus qui semblaient attendre dans uncoin de la pice, Gell-Mann a signal leur prsence au directeur qui luifaisait visiter lexposition. Oh, ce sont deux techniciens nerlandais rpondit-il ils sont venus enlever le chaos . Apparemment, la picedevait tre dmonte et envoye Amsterdam. Je n'ai pu mempcher depenser conclut Murray Gell-Mann que ces deux individus seraient bienutiles dans plusieurs endroits de la plante afin d enlever le chaos qui yrgne 11

    Albert Legault et Michel Fortmann

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    Les Conflits dans le monde 1999-200024

    1. Dapr

    s le

    SIPRI Yearbook 1999, le nombre total de conflits passe de 19 en 1997

    27 en1999.

    2. Voir le site de Ploughshares ladresse suivante : http://www.ploughshares.ca/content/MONITOR.

    3. Il faut noter que ces chiffres ne correspondent pas la comptabilit du SIPRI. Voir, cesujet, le site du projet Minorities at Risk ladresse suivante : http://www.bsos.umd.edu/cidcm/mar/autonomy.htm. Pour fins de comparaison, voir galement notre tableau 3 tirdes donnes du SIPRI.

    4. Les donnes prcdentes sont tires de Ted Robert GURR, Ethnic Warfare on theWane , Foreign Affairs, vol. 79, no 3, mai-juin 2000, pp. 55-56.

    5. Voir en particulier, ce sujet, Klaus Jrgen GANTZEL et Torsten SCHWINGHAMMER, Warfaresince the Second World War, New Brunswick, Transaction Publishers, 2000. Daprs leschiffres du Center for Systemic Peace, en 1999, prs de 80 % des conflits affectent aupremier chef les tats les moins dvelopps (http://members.aol.co/CSPmgm/conquin1.htm).

    6. Voir The Poor are always with us , TheEconomist, 1er juillet 2000, p. 46.7. Nuclear abolition pact signed ,TheTimes, 22 mai 2000.8. 1995-2000 : une valuation , Forumdu dsarmement, no 1, 2000, pp. 5-14.9. Limes, 20 octobre 1999.10. The UN Missions Impossible,TheEconomist, 5 aot 2000, p. 26.

    11. Cit dans Thomas FRIEDMAN,TheLexus and theOliveTree, New York, Anchor Books, 2000,p. 17.

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    * Albert Legault est directeur du programmePaix et scuritinternationales delInstitut qubcois des hautes

    tudes internationales et professeur au Dpartement desciencepolitiquedelUniversitLaval. Manon Tessierest chargederecherche lInstitut qubcois des hautes tudes internationales. Les deux premires partiesont tcrites par Albert Legault, et la troisimesur lemaintien dela paix, par Manon Tessier.

    La lente restructuration des dbats stratgiques

    Albert Legault et M anon Tessier *

    Lanne 1999-2000 a t riche en dveloppements et rebondissements detoutes sortes. Sur le plan de larms control, les progrs sont minimes sinonquasi inexistants, mais les dbats stratgiques reprennent de leur vigueur,surtout avec le dveloppement de la loi amricaine National MissileDefenseAct. Les vieux dmons de la guerre froide reviennent ainsi hanter les esprits, cette diffrence que la donne aujourdhui est totalement nouvelle : lenombre dacteurs et la complexit des dossiers en cours dfient les lois duconsensus. Sur le plan de la dfense europenne, de Saint-Malo Cologne,et dHelsinki Santa Maria Da Feira en juin 2000, le discours dominant est

    le mme : les Europens doivent prendre en main les instances dcision-nelles de leurs moyens de dfense. En ce domaine, la route est longue etil y a loin de la coupe aux lvres, mais de timides progrs peuvent treenregistrs. On en est aujourdhui prparer la confrence doffresdengagements en matire de capacits , sous lgide de la prsidencefranaise. Quant au maintien de la paix, le pragmatisme est lordre du

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    26 Les Conflits dans le monde 1999-2000

    jour. Les choses progressent lentement mais srement, mme si plusieursestiment que lONU a, depuis la guerre du Kosovo, perdu beaucoup de son

    lustre et de sa crdibilit.

    1. Les grands dbats stratgiques: renaissance ou dclin ?

    Lre nuclaire nous a habitus dtranges dbats sur lquilibre de laterreur ou sur la dissuasion mutuelle assure. Depuis la fin de la guerrefroide, ces discussions sont passes larrire-plan. On se demande mmesi les armes nuclaires existent toujours, tant on en parle peu. La non-ratification du TICE (Trait dinterdiction complte des essais nuclaires) parle Snat amricain en octobre 1999 et le fait que soit pratiquement passeinaperue la dernire Confrence dexamen du trait de non-prolifrationdes armes nuclaires, qui a eu lieu New York en avril-mai 2000, renfor-cent le sentiment gnral dabsence durgence prouve vis--vis desquestions nuclaires. O va larms control et dans quelle mesure le projetamricain dune dfense antimissile nationale relance-t-il les vieux dbatsdhier ?

    A. Larms control et les questions de non-prolifration

    La fin de la guerre froide a provoqu chez notre voisin amricain unervision en profondeur de ses stratgies globales. Deux documentsimportants ont t signs par le prsident Clinton en novembre 1997 et enmai 1998. Il sagit des directives prsidentielles amricaines PDD 60 sur lesquestions nuclaires et PDD 63 visant protger les infrastructures criti-ques

    amricaines, notamment contre des actes de terrorisme caractrechimique, biologique ou nuclaire1.Les dernires directives prsidentielles sur les questions de la doctrine

    nuclaire sont importantes car elles raffirment les fondements de la dissua-sion nuclaire faire subir lagresseur des dommages inacceptables , lancessit de maintenir toutes les composantes de la triade stratgiqueamricaine et de conserver environ 7200 ttes nuclaires juges essentielles la protection de la scurit amricaine2. En revanche, le vieux concept dela possibilit de gagner une guerre nuclaire prolonge est abandonn auprofit dune doctrine demploi plus souple et flexible, tandis que le conceptdu Launch on Warning(LOW) est revu en fonction de critres de scurit pluscontraignants. Dans une confrence de presse de Robert Bell du NSC donne

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    27La lente restructuration des dbats stratgiques

    en dcembre 1997, celui-ci dclarera que la politique amricaine est dsor-mais de confirmer quil y a effectivement eu dtonation nuclaire avant de

    riposter3 .Le dveloppement de nouvelles ttes nuclaires et la conversion de

    certaines armes stratgiques nuclaires comme les B-61 en armes nuclairestactiques4, ainsi que la modernisation des principaux lments de la triadestratgique sont autant dlments qui indiquent que les tats-Unis nontnullement lintention de renoncer dans lavenir aux avantages que leurprocure la dissuasion nuclaire. De la mme faon, la Russie met laccentsur limportance accrue du nuclaire avec sa nouvelle doctrine de scurit

    nationale, tandis que ses autorits militaires ne se gnent pas non plus pourrclamer la modernisation de leur panoplie nuclaire. Le nuclaire est etrestera avec nous sans doute pour encore longtemps. Les tats-Unis ontrepris leur production de tritium afin de moderniser les armes sur le pointdtre retires en vertu des accords STARTII et quils conserveront en rserveindfiniment5. Comme le soulignait Wolfgang K. H. Panofsky dans unrapport important, la question nest plus de savoir how much is enough ,mais how low can we go 6 ? Ltude de Panofsky tourne autour de trois

    questions dialectiques essentielles : le binme offense/dfense est et resteraavec nous ; la prolifration a lieu et le gnie nuclaire est sorti de sa bou-teille ; les menaces dites asymtriques ne modifient pas les caractristiquesde la stabilit nuclaire.

    Tous ces dveloppements bien connus reposent en des termes assezsurralistes les questions de la non-prolifration nuclaire. Comment peut-on logiquement faire croire aux autres pays que la dissuasion nuclaireexiste pour les cinq membres permanents du Conseil de scurit de lONU,mais quelle doit rester interdite aux autres ? Cette difficult est au cur desrevendications des autres pays dans les confrences dexamen successivesdu Trait de non-prolifration des armes nuclaires. Sign en 1968 et revupriodiquement tous les cinq ans, il a t pour la premire fois renouvelpour une priode indfinie en 1995. La dernire confrence dexamenqui sest tenue New York du 24 avril au 19 mai 2000, est pratiquementpasse inaperue dans la presse amricaine. Les tats nuclaires ontpourtant renouvel leur engagement sans quivoque (le terme anglais estplus prcis : unequivocal commitment) respecter larticle 6 de ce trait, cest-

    -dire ngocier de bonne foi le dsarmement de leurs forces nuclaires7.Ils peuvent invoquer leur dfense les coupures substantielles dans lenombre de leurs ttes nuclaires ou de leurs vecteurs oprationnels qui

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    tendent diminuer au cours des ans, tout simplement parce que le contextestratgique noblige plus de tels excs. En outre, ils se sont peu peu

    librs de la camisole de force que leur imposait le nuclaire en dvelop-pant des armes dites intelligentes, ce qui leur permet dsormais de pouvoirintervenir dune faon ponctuelle et purement conventionnelle.

    Mais plus durement encore, en dpit des assurances amricainesdonnes en 1995 par les tats-Unis aux tats non nuclaires leffet quilsrespecteraient les rsolutions successives du Conseil de scurit de lONU cest--dire le non-recours des armes nuclaires contre les tatssignataires du TNP , des interrogations subsistent sur les privilges

    dexception que semble saccorder Washington en la matire. Sil faut encroire Robert Bell cit ci-dessus, il existerait trois exceptions la rgle. Eneffet, les tats-Unis pourraient 1) recourir lemploi darmes nuclaires, siltat menaant possde des armes de destruction massive (comme lIraktait souponn den avoir eu en 1991, par exemple) ; 2) recourir enpremier au nuclaire si ltat nest pas en bons termes ou en bons rapportsavec le TNP ou avec toute autre convention quivalente quil aurait pusigner ; ou 3) frapper si un tat, alli avec un autre tat nuclaire, attaque

    les tats-Unis, leurs forces ou leurs allis8

    . Ces exceptions ont videmmentfait couler beaucoup dencre lpoque et sem la zizanie entre leDpartement dtat et le Dpartement de la dfense Washington. Endpit des clarifications et assurances fournies par Washington, il ne semblepas que la politique amricaine soit aujourdhui diffrente. Autrement dit,la politique amricaine renonce au recours en premier larme nuclaire,sauf sil se produit lun ou lautre de ces trois cas despce. Une volutionsimilaire peut tre remarque dans la doctrine russe avec lintroductionrapide et prcoce darmes nuclaires tactiques, du moins sur le plan de ladoctrine affirme, dans le cadre dun conflit rgional9.

    Dans ces conditions, on comprend mieux les difficults de contrler lanon-prolifration. Les grands ne renoncent aucune sorte de supriorit,tandis que les petits tats doivent sen priver. Un gnral indien, tirant lesleons de la guerre du Golfe, concluait quil fallait tre dot darmesnuclaires avant de vouloir dfier les tats-Unis. Largument est ici fortcontestable, car il est probable quavec ou sans armes nuclaires possdespar lIrak en 1991, les tats-Unis auraient agi de la mme manire. Mais

    cette dialectique est symptomatique des difficults auxquelles larms controldoit aujourdhui faire face. Par ailleurs, depuis la fin des annes 1990, lestudes pullulent sur les hypothses de labolition de larme nuclaire.

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    29La lente restructuration des dbats stratgiques

    Michel Fortmann nous en a fourni un excellent rsum dans une publi-cation de lIQHI10. Le Snat du Canada a publi une tude sur le sujet et

    le gouvernement du Canada, dans la foule de cette publication, continueau sein de lOTAN rclamer un rexamen du nouveau Concept stratgiquede lOTAN11. Lopration vise videmment dlgitimer les armesnuclaires et faire voluer la doctrine de lOTAN vers le non-emploi delarme nuclaire. Bien que la conclusion des travaux de lOTAN en la matirene sera pas connue avant dcembre 2000, il ne semble pas que nos allisnuclaires soient trs proccups par ce sujet. Et selon les termes mmesdune dclaration du ministre faite devant le Nuclear Steering Group,

    Ottawa, il ne semble pas briller beaucoup de lumire sur cette question dans ltat actuel des choses.Les vnements rcents confirment ce pessimisme. Les tats-Unis ont

    refus de signer le TICE (Trait dinterdiction complte des essais nuclaires),mme si Madeleine K. Albright et le prsident Clinton restent toujoursconvaincus que le Snat devra un jour ratifier ce trait12. De plus, lesdiscussions sur la cessation de production de matires fissiles sont au pointmort, dautant que Washington a repris sa production de tritium, comme

    nous lavons dj soulign, et que la Confrence sur le dsarmement Genve est enlise sur cette question depuis deux ans. Larms control est-ilmort ou broken , comme se plat le dire Stephen Hadley, autrefois duPentagone sous le prsident Bush et aujourdhui conseiller du candidatprsidentiel rpublicain13 ?

    Ici, tout nest pas perdu. Cent quatre-vingt-sept tats ont aujourdhuiratifi le TNP14. Lors de la Confrence dexamen du Trait, tous les tatsrcalcitrants, Isral y inclus pour la premire fois, ont t invits adhrerau Trait. Les tats nuclaires se sont engags faire preuve dune plusgrande transparence dans la divulgation de leurs donnes quant leursarsenaux nuclaires et rductions en cours, mme si la modernisation de cesarmes poursuit inlassablement son cours. Tous ces lments traduisent bienle sentiment de prvention universelle qui existe lendroit du nuclaire. Lerenoncement aux armes nuclaires est donc peu probable dans les annes venir, mais les espoirs subsistent quant des rductions subsquentes plusimportantes dans lavenir. Les calculs de la stabilit nuclaire dautrefoissont cependant chose du pass. Nous sommes dsormais sortis du bilatral

    proprement dit pour entrer dans une nouvelle re multiplexe o lesnuds de dcision ne peuvent plus intervenir sur un plan purement bilat-ral. La vritable question est de savoir comment amnager un ordre

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    nouveau qui tienne compte des diffrentiels dingalits de puissance accep-tables lintrieur du systme international, o chacun pourrait y trouver

    son compte et sa scurit. Dcidment larms control nest pas mort, mais ilchange de masque. Ou peut-tre faudrait-il dire de masques au pluriel, carles acteurs sont pluriels et multiples ; la donne a chang ; la technologievolue rapidement, et les attentes de tous et chacun se multiplient. ClaireTran, dans un article publi dans le journal Le Monde, fait preuve dunpessimisme exagr :

    Si lon a aujourdhui un tel sentiment de rgression, cest que la particularit dudbat stratgique, outre sa dominante bipolaire, est son caractre abstrait : son

    vocabulaire pour initis, sa logique hermtique, trangre aux ralits, quoi quece soit dhumain. [] Terrain de bluff par excellence, des marchandages sordideset de mauvaise foi (les Russes outrags par le projet amricain [NMD], sont lesgrands pourvoyeurs en armes de ces tats-voyous dont lAmrique veut seprotger), le dbat stratgique est aussi la prrogative exclusive de quelquesdirigeants flanqus de quelques experts, bref lun des domaines les moinsdmocratiques de lexercice du pouvoir15.

    Il faut toutefois se rassurer. Les choses changent, la technologie aussi,ce qui explique les nouveaux dbats stratgiques sur les armes dfensives.

    B. Le projet amricain de dfense antimissile

    Un troisime dbat stratgique sest ouvert avec la loi du NMD (NationalMissile Defense) visant protger le territoire amricain dune attaquebalistique limite. Ds que cela sera technologiquement possible ,dclarait le prsident Clinton en avril 1999, la politique des tats-Unis estde dployer un systme de dfense antimissile national, capable de dfendre

    le territoire des tats-Unis contre une attaque limite de missilesbalistiques 16. Si le premier dbat est intervenu en 1972 avec la signaturedu trait bilatral sur la dfense antimissile qui venait ainsi consacrer leconcept de la dissuasion mutuelle assure chacun restant vulnrable lautre mais bnficiant nanmoins dune capacit de dfense limite etsymbolique , le second a eu lieu, aprs la dclaration intempestive etimprovise du prsident Reagan, en mars 1983, au sujet du fameux conceptde la Guerre des toiles, dailleurs ramen des proportions beaucoup plus

    modestes dans les annes qui suivirent.Le troisime dbat qui samorce aujourdhui est diffrent des deuxpremiers. La guerre du Golfe a eu lieu, les SCUD irakiens, aux yeux destats-Unis, ont menac trop facilement Isral, et la prolifration larve de

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    ces engins et des technologies relatives la fabrication des armes chimiquesou biologiques continue de se produire17. En outre, la technologie volue

    rapidement dans le domaine des systmes dfensifs et la RAM (Rvolutiondans les affaires militaires) permettra lintgration multiple doprations caractre dfensif et offensif menes en temps rel et dune faon quasisimultane.

    Plusieurs raisons indiquent que ce troisime dbat restera longtempsavec nous. En premier lieu, des sommes importantes, plus de 56 milliardsde dollars depuis 1983 ont t engags dans la recherche et le dvelop-pement de ces armes18. Selon les options envisages et une tude du GAO

    (General Accounting Office), la production dun tel systme limit, pouvantcompter 100 intercepteurs ou plus dici une quinzaine dannes, pourraitaussi slever plus de 60 milliards de dollars19. Lindustrie y trouve doncson compte20. En deuxime lieu, la prolifration balistique larve a lieu. tort ou raison, les tats-Unis estiment quil est urgent de sen protgercontre les effets les plus nfastes. En dpit du discours officiel russe,plusieurs indications laissent croire que les Russes sont aussi sensibles cegenre darguments. La preuve en est que la ratification des accords STARTII

    par la Douma en avril 2000 est intimement lie au respect par les tats-Unis du Trait ABM de 1972. Bien que ce trait interdise la dfenseantimissile partir de systmes bass dans lespace, rien ninterdit la dfenseantimissile limite partir de systmes terrestres. En outre, les ngociationsSTART III et celles portant sur le Trait ABM sont considres comme uneseule et mme ngociation par les Russes et les Amricains. Elle reprsentecertes lun des derniers vestiges de la guerre froide, mais il est de taille, endpit des efforts canadiens et dautres qui souhaiteraient multilatraliser cedialogue bilatral, en ltendant dautres pays comme la Chine parexemple. Enfin, les Russes ont leur propre projet de dfense antimissile etils sen sont ouverts au Secrtaire de la dfense William S. Cohen lors dupassage de celui-ci Moscou en juin dernier.

    En troisime lieu, le projet NMD est fortement soutenu par le Congrsamricain, en particulier par le Parti rpublicain dont les reprsentants lesplus colors sont les snateurs Curt Weldon, de Pennsylvanie et John Kyl,dArizona21. Un autre grand-prtre en faveur de la dfense antimissile estvidemment Frank J. Gaffney Jr. du Center for Security Policy

    Washington et qui pilote la coalition Protect Americans NOW. En revan-che, un groupe compos de plus de 33 personnalits, diplomates et universi-taires, ont demand au Prsident amricain en juin 2000 de ne pas avaliser

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    ce systme, parce que jug dstabilisant et susceptible de provoquer unenouvelle course aux armements22. En outre, durant la campagne lectorale

    amricaine, les deux candidats prsidentiels se sont tous deux prononcs enfaveur dun tel systme. Le prsident Clinton doit dcider en juillet 2000,dans la foule dun essai dinterception qui aura lieu au-dessus du Pacifiquesud23, sil donnera ou non le feu vert la construction dun site terrestre enAlaska. De lavis de la plupart des observateurs, peu importe le succs oulchec de cet essai, le prsident Clinton tentera de temporiser et pourraitmme reporter sa dcision de plusieurs mois ou ne pas la prendre toutsimplement avant la fin de son mandat. Une telle attitude obligerait le

    prochain Prsident amricain, dmocrate ou rpubli-cain, prendre lui-mme une dcision qui engagera les tats-Unis sur plusieurs annes.En ralit, plusieurs vnements rcents sont venus modifier la position

    amricaine. Le voyage de Clinton au dbut de juin 2000 Moscou sesttraduit par le statu quo. Les Russes ne veulent pas pour linstant modifierle Trait ABM et souhaitent son respect dans les limites fixes par lesamendements ce Trait et celles fixes en septembre 1997 par le Protocolede dmarcation entre les engins caractre de dfense antimissile de thtre

    (TBM

    Theater Ballistic Missile

    ), tels les Patriot ou leur version amlioreconnue sous le nom de PAC-3 (Patriot Advanced Capability), dune part, et lesengins pouvant servir la dfense antimissile balistique proprement dite,dautre part24. Parmi les autres facteurs semblant indiquer un adoucissementde la position amricaine, notons les derniers rapports de la CIA, comman-ds par la Maison-Blanche, qui insistent sur les effets dstabilisants dusystme amricain envisag25, et les conseils juridiques fournis par lesavocats de Clinton sur la possibilit de commencer des travaux dexca-vation pour la construction dun site en Alaska sans y adjoindre aucuneinstallation26. Notons aussi deux rapports rcents, lun secret et lautrepublic. Le premier a t labor par un groupe dexperts du Pentagone,prsid par un ancien gnral daviation, Larry Welch. Il insiste sur le faitquil reste encore bien des problmes techniques rgler, notamment sur lesquestions de saturation en matire de leurres, avant daccorder le feu vert un tel projet27. Le second, en provenance du GAO, va dans le mme sens,mais insiste surtout sur les limitations auxquelles est soumis le Pentagonequi, dans le contexte des acccords internationaux existants, ne peut

    vritablement tester toutes les composantes du systme projet28. Une tellesituation met donc en pril la fiabilit mme du systme, donc son efficacitsouhaite.

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    En quatrime lieu, on ne saurait stratgiquement considrer la dfenseantimissile isolment du dveloppement des armes de dfense antimissile de

    thtre dans lesquelles lindustrie et la dfense amricaine ont davantageinvesti que dans les armes antimissiles balistiques intercontinentales. Enralit, lvolution de la technologie tant ce quelle est, les tats-Unispourraient trs bien dcider quil y va de leur intrt de dvelopper termeune vritable architecture mondiale de dfense contre les missiles, lespremires tapes tant constitues par les armes TBMD (Theater Ballistic MissileDefense) qui peuvent tre bases sur terre, sur mer ou dans lair, pourvu queces mmes systmes ne puissent tre utiliss en mode ABM. En ce domaine,

    les projets abondent et les systmes sont nombreux29

    . Les progrs de cesarmes pourraient dboucher sur de vritables systmes de dfense contre lesmissiles de porte suprieure 1000 km et pourraient constituer un premierpalier dinterception possible, selon lendroit do les missiles seront lancset les coordonnes gographiques des systmes dinterception. Un rapportsecret du Pentagone vient dailleurs de confirmer quun systme bas surmer viendrait complter utilement le systme bas sur terre actuellementenvisag30. De proche en proche, les tats-Unis pourraient ainsi constituer

    seuls ou avec leurs allis une vritable architecture de dfense antimissile,sans quils soient vritablement inquits sur leur territoire, la dfenseantimissile nationale ne constituant que lultime et dernier palier dunensemble beaucoup plus vaste. Cette faon de voir serait videmmentconforme aux thories de la dissuasion tendue , Washington se sentantainsi mieux en mesure dtendre son parapluie nuclaire un tat rgionalen conflit.

    Les allis des tats-Unis, pour ne point parler des Russes, ne pensentvidemment pas de la mme manire. Un systme de dfense antimissilenational aux tats-Unis serait dstabilisant pour les autres tats nuclaires,plus particulirement pour la Chine, et tous les experts sentendent sur cepoint. La plupart des Europens estiment en outre que la menace des tatsparias est exagre et que ceux-ci ne disposeront pas avant longtemps demoyens suffisants pour srieusement menacer les tats-Unis. Le rappro-chement rcent entre les deux Cores enlve videmment du poids auxarguments amricains, mais ceux-ci rpondront que la prolifration a lieu,que les menaces existent et quil importe de se prvaloir contre les dangers

    de demain et non contre ceux du pass. Sil est deux choses dont les tats-Unis disposent, ce sont du temps et de largent. De lavis de la plupart desexperts amricains, le projet est encore prmatur : il sagit donc dy aller

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    lentement (le go slow approach gagne dailleurs du terrain), de tester latechnologie sous diffrents aspects et dans des situations o les contre-

    mesures pourraient exister, et en temps rel dans un cadre gopolitique oles trajectoires dinterception ne se feront pas douest en est, comme cestle cas pour les essais actuels, mais dest en ouest, comme les choses seraientsusceptibles de se passer dans la ralit.

    Le troisime dbat stratgique qui samorce reprend donc beaucoupdlments stratgiques des annes 1970, cette diffrence que les para-mtres sont beaucoup plus complexes quau temps de la guerre froide, queles acteurs concerns sont plus nombreux, et que la technologie implique

    est plus sophistique et difficile valuer, surtout en labsence dessais pluscontraignants ou de situations de crises relles, heureusement peu nombreu-ses. Cependant, largument central restera toujours celui de la stabilitstratgique entre les grandes puissances, dune part, et la faon dont de telsdveloppements affecteront les forces stratgiques dautres puissances,dautre part. Un exemple rcent dune publication importante en la matireest celle du Dr George Lindsey31, sans parler de ltude de Dean A.Wilkening dj cite. Enfin, plusieurs critiques ne manquent pas de souli-

    gner quune ventuelle menace darmes de destruction massive contre lestats-Unis pourrait fort bien provenir dun simple terroriste transportantune valise, que la fiabilit dun systme de dfense antimissile est loin dtredmontre, que de tels systmes coteraient un prix exorbitant et que detelles sommes pourraient tre utilises meilleur escient et, enfin, quun telprojet risquerait de dcoupler lEurope de lAmrique. Ce dernier argumentpeut videmment tre retourn : plus les tats-Unis seront invulnrables,plus ils seront prts prendre des risques pour dfendre lEurope. Sur leplan des relations amricano-russes, le prsident Chirac estimait, en aot1999, devant les ambassadeurs runis llyse, que le systme amricainprojet constituait une rupture des quilibres stratgiques 32. La plupartdes autres pays allis, dont le Canada particulirement, pensent ainsi.

    Le dernier lment considrer dont nous avons parl ci-dessus estlarms control, fort maltrait par les Rpublicains qui estiment que la guerrefroide est termine, quelle a t gagne par Washington et quils nont pluspar consquent se soucier de lex-URSS qui nexiste plus, mme si une telleattitude est tout fait contraire aux principes des droits de succession en

    matire de relations internationales. Chose certaine, le caractre pluriel etmultiple de la ralit daujourdhui ne laisse gure prvoir lmergence dunconsensus en la matire. Or, sur les questions de scurit, les tats-Unis ont

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    toujours dans le pass plutt inform que consult leurs allis. Il seraittonnant, la guerre froide tant termine, quils se mettent subitement agir

    diffremment dans lavenir. La question de la NMD sera manifestement unhritage lourd porter pour les Rpublicains, toujours dans lhypothse oils seraient ports au pouvoir en novembre prochain. Si lon se fie auxdclarations de George W. Bush, on peut sattendre davantage de gestesunilatraux poss par Washington, que ceci fasse laffaire de Moscou ounon33. George Bunn, en dcembre 1999, titrait son article : Does NMDStand for No More Disarmament As Well As National MissileDefence ? 34. On le voit, la question reste pose. Plus profondment,

    comme le soulignait Michael Krepon de lInstitut Harry L. Stimson, laquestion est de savoir si la tendance vers le dveloppement darmesdfensives dtruira toute possibilit dassurer une transition cooprative entre les grandes puissances35. Cest l le nouveau point de dpart de toutlchafaudage de larms control.

    2. LUE et lorganisation de la scurit europenne

    Depuis mars 1997, des ngociations sont en cours en ce qui a trait ladhsion lUE des six pays suivants : Chypre, Hongrie, Pologne, Estonie,Rpublique tchque et Slovnie. Avec tous ces candidats, des accords ontt conclus au chapitre de la PESC (Politique extrieure et de scuritcommune). De nombreux autres accords ont aussi t conclus avec ces paysen matire du droit des socits, de la libre circulation des capitaux, decontrle financier, de tlcommunications et technologies dinformation36.En outre, conformment au mandat du Conseil europen dHelsinki et sous

    la prsidence portugaise, des ngociations ont t entames en mars 2000avec six autres pays, savoir la Roumanie, la Slovaquie, la Lettonie, laLituanie, la Bulgarie et Malte. Plusieurs progrs ont t raliss en lamatire37. La Turquie, pour sa part, en reste toujours ltat de pradh-sion, en labsence de progrs substantiels sur les questions des droits delHomme, de ltat de droit et du systme judiciaire. Au 1er janvier 2001,on sattend ce que la Grce entre dans la zone euro.

    En matire de scurit, les ngociations en cours posent une srie deproblmes dont les plus importants tiennent certes aux institutions descurit quil faudra mettre en place pour permettre lUE dassumer sonrle sur le plan international, mais aussi la nature mme des statutsdiffrents quoccupent plusieurs pays au sein des institutions de scurit.

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    36 Les Conflits dans le monde 1999-2000

    A. La marche vers une arme europenne

    Cologne, en juin 1999, le Conseil de lUE a fermement tabli que lUEdevait possder les moyens et les capacits ncessaires pour lui permettrede jouer pleinement son rle en matire de prvention des conflits et degestion des crises (les missions de Petersberg, voir Les Conflits dans lemonde1998-1999). Sur un plan institutionnel, le Conseil Affaires gnrales estresponsable de tout le volet des ngociations en cours en matire de prven-tion des conflits et de gestion de crises38. Parmi les organes dcisionnelsenvisags Cologne, notons la cration dun Comit politique et de scurit

    (COPS), dun Comit militaire destin appuyer les travaux du COPS, et duntat-major dot de son propre centre de situation39. Ces organes intrimairesont t mis en place le 1er mars 2000. Dans la foule des dcisions deCologne, deux scnarios oprationnels sont envisags : des oprationsconduites par lUE, avec recours aux moyens et capacits de lOTAN selon lesententes conclues Berlin en 1996 et Washington en avril 1999, ou sansrecours aux moyens et capacits de lOTAN.

    Six mois plus tard, cest--dire lors de la runion dHelsinki endcembre 1999, le Conseil de lUE prcisait les capacits militaires recher-ches, cest--dire ltablissement dici lan 2003 dune force daction rapide(FAR) de 50 000 60 000 hommes, dployable en 60 jours et pouvant tresoutenue durant un an :

    Afin de dvelopper les capacits europennes, les tats membres se sont fixcomme objectif global dtre en mesure dici lan 2003, en cooprantvolontairement, de dployer rapidement puis de soutenir des forces [] capablesde mener bien lensemble des missions de Petersberg dfinies dans le traitdAmsterdam, y compris les plus exigeantes dentre elles, dans des oprations

    pouvant aller jusquau niveau dun corps darme (jusqu 15 brigades, soit 50 000 60 000 hommes). Ces forces devraient tre militairement autosuffisantes etdotes des capacits ncessaires de commandement, de contrle et derenseignement, de la logistique et dautres units dappui aux combats ainsi que,en cas de besoin, dlments ariens et navals. Les tats membres devraient treen mesure de dployer de telles forces dans leur intgralit dans un dlai de 60

    jours et, dans ce cadre, de fournir des lments plus rduits de raction rapidedisposant dun trs haut degr de disponibilit. Ils devront en outre tre en mesurede soutenir un tel dploiement de forces pendant au moins une anne. Cela

    ncessitera de disposer dunits dployables additionnelles (et de moyens desoutien) un degr de disponibilit moindre pour fournir les relves des forcesinitialement dployes40.

  • 7/29/2019 rapport1999_2000

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    37La lente restructuration des dbats stratgiques

    Ces dispositions ont t raffirmes lors du sommet de Santa Maria DaFeira en juin 2000. De plus, lon prvoit la tenue dune confrence doffres

    dengagements en matire de capacits , ce qui permettra aux tats de lUEde dfinir leur contribution respective laFAR. La France assumant la prsi-dence de lUE compter de juillet 2000, le Conseil Affaires gnrales estinvit prparer un rapport pour le prochain Conseil europen de Niceportant notamment sur les points suivants :

    a) llaboration de lobjectif global et des objectifs collectifs en termesde capacits arrts Helsinki, y compris en ce qui concerne lesrsultats de la Confrence doffres dengagement en matire de

    capacits, qui doit tre organise avant le Conseil de Nice ;b) la cration de structures politiques et militaires permanentes, qui

    devront tre mises en place le plus rapidement possible aprs leConseil europen de Nice ;

    c) lincorporation dans lUE des fonctions appropries de lUEO dans ledomaine des missions de Petersberg ;

    d) la mise en uvre des dcisions de Feira sur :

    les arrangements qui permettront, dans la gestion militaire decrises par lUE, la consultation et la participation de pays tiers ;

    la dfinition, sur la base des travaux entrepris dans les groupes detravail ad hoc UE-OTAN, des arrangements permettant de procder des consultations et de cooprer avec lOTAN dans la gestionmilitaire des crises ;

    e) la dfinition et la mise en uvre de capacits de lUE dans les aspectscivils de la gestion de crises, y compris la dfinition dobjectifsconcrets41.

    La restructuration de l