Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants...

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Face au droit, nous sommes tous égaux Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants Intérêt supérieur de l’enfant, égalité des droits et non- discrimination Rapport

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Page 1: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Face au droit nous sommes tous eacutegaux

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

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copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Un droit agrave la cantine scolaire

pour tous les enfants

mdashInteacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

eacutegaliteacute des droits et non-discrimination

R a p p o r t

Un droit agrave la cantine scolaire pour tous

les enfantsmdash

Inteacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant eacutegaliteacute des droits et non-discrimination

R a p p o r t

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Introduction 5

Recommandations du Deacutefenseur des droits 8

mdashI De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration

scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les enfants sans discrimination 10

a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation 11

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire 12

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire 14

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploi 15

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine 16

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination 17

II La tarification du service de restauration scolaire un outil au service du droit agrave la cantine pour tous les enfants 24

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire 24

Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination 25

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute 26

Table des matiegraveresmdash

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents 28

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo 29

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euro 30

III La composition des repas au centre de toutes les attentions 32

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants 32

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute 34

Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves 35

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacute 36

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans 38

mdashConclusion 41

Annexes 43

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Introductionmdash

Le Deacutefenseur des droits veille au respect des droits et liberteacutes par les administrations de lrsquoEtat les collectiviteacutes territoriales les eacutetablissements publics ainsi que par tout organisme investi drsquoune mission de service public ou agrave lrsquoeacutegard duquel la loi organique lui attribue des compeacutetences (article 71-1 de la Constitution de 1958)

Dans ce cadre il est chargeacute notamment de deacutefendre et promouvoir lrsquointeacuterecirct supeacuterieur et les droits de lrsquoenfant et

de lutter contre les discriminations directes ou indirectes ainsi que de promouvoir lrsquoeacutegaliteacute (article 4 de la loi organique ndeg 2011-333 du 29 mars 2011)

Le Deacutefenseur des droits est ainsi reacuteguliegraverement saisi depuis sa creacuteation de reacuteclamations visant les difficulteacutes drsquoaccegraves aux cantines scolaires que peuvent rencontrer certains enfants

A partir de ces reacuteclamations il a publieacute en mars 2013 un rapport intituleacute Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine de lrsquoeacutecole primaire eacutetayeacute en outre par de nombreux teacutemoignages de parents drsquoenfants et drsquoeacutelus locaux recueillis agrave cette occasion

Si une partie des constats effectueacutes dans ce rapport conservent leur pertinence six ans apregraves la situation a neacuteanmoins sensiblement eacutevolueacute au cours de cette peacuteriode

Tout drsquoabord le rocircle de la cantine scolaire srsquoest accru Lrsquoalimentation est essentielle agrave la croissance au deacuteveloppement psychomoteur et aux capaciteacutes drsquoapprentissage des enfants La reacuteussite scolaire est ainsi en partie tributaire de lrsquoalimentation des enfants Or lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire qui constitue un corollaire du droit agrave lrsquoeacuteducation joue un rocircle de plus en plus important dans lrsquoalimentation lrsquoeacutequilibre nutritionnel et le quotidien des enfants

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Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 2: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Un droit agrave la cantine scolaire pour tous

les enfantsmdash

Inteacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant eacutegaliteacute des droits et non-discrimination

R a p p o r t

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2

Introduction 5

Recommandations du Deacutefenseur des droits 8

mdashI De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration

scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les enfants sans discrimination 10

a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation 11

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire 12

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire 14

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploi 15

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine 16

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination 17

II La tarification du service de restauration scolaire un outil au service du droit agrave la cantine pour tous les enfants 24

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire 24

Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination 25

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute 26

Table des matiegraveresmdash

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents 28

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo 29

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euro 30

III La composition des repas au centre de toutes les attentions 32

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants 32

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute 34

Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves 35

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacute 36

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans 38

mdashConclusion 41

Annexes 43

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Introductionmdash

Le Deacutefenseur des droits veille au respect des droits et liberteacutes par les administrations de lrsquoEtat les collectiviteacutes territoriales les eacutetablissements publics ainsi que par tout organisme investi drsquoune mission de service public ou agrave lrsquoeacutegard duquel la loi organique lui attribue des compeacutetences (article 71-1 de la Constitution de 1958)

Dans ce cadre il est chargeacute notamment de deacutefendre et promouvoir lrsquointeacuterecirct supeacuterieur et les droits de lrsquoenfant et

de lutter contre les discriminations directes ou indirectes ainsi que de promouvoir lrsquoeacutegaliteacute (article 4 de la loi organique ndeg 2011-333 du 29 mars 2011)

Le Deacutefenseur des droits est ainsi reacuteguliegraverement saisi depuis sa creacuteation de reacuteclamations visant les difficulteacutes drsquoaccegraves aux cantines scolaires que peuvent rencontrer certains enfants

A partir de ces reacuteclamations il a publieacute en mars 2013 un rapport intituleacute Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine de lrsquoeacutecole primaire eacutetayeacute en outre par de nombreux teacutemoignages de parents drsquoenfants et drsquoeacutelus locaux recueillis agrave cette occasion

Si une partie des constats effectueacutes dans ce rapport conservent leur pertinence six ans apregraves la situation a neacuteanmoins sensiblement eacutevolueacute au cours de cette peacuteriode

Tout drsquoabord le rocircle de la cantine scolaire srsquoest accru Lrsquoalimentation est essentielle agrave la croissance au deacuteveloppement psychomoteur et aux capaciteacutes drsquoapprentissage des enfants La reacuteussite scolaire est ainsi en partie tributaire de lrsquoalimentation des enfants Or lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire qui constitue un corollaire du droit agrave lrsquoeacuteducation joue un rocircle de plus en plus important dans lrsquoalimentation lrsquoeacutequilibre nutritionnel et le quotidien des enfants

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Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

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Page 3: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

2

Introduction 5

Recommandations du Deacutefenseur des droits 8

mdashI De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration

scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les enfants sans discrimination 10

a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation 11

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire 12

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire 14

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploi 15

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine 16

Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination 17

II La tarification du service de restauration scolaire un outil au service du droit agrave la cantine pour tous les enfants 24

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire 24

Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination 25

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute 26

Table des matiegraveresmdash

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3

b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents 28

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo 29

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euro 30

III La composition des repas au centre de toutes les attentions 32

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants 32

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute 34

Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves 35

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacute 36

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans 38

mdashConclusion 41

Annexes 43

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5

Introductionmdash

Le Deacutefenseur des droits veille au respect des droits et liberteacutes par les administrations de lrsquoEtat les collectiviteacutes territoriales les eacutetablissements publics ainsi que par tout organisme investi drsquoune mission de service public ou agrave lrsquoeacutegard duquel la loi organique lui attribue des compeacutetences (article 71-1 de la Constitution de 1958)

Dans ce cadre il est chargeacute notamment de deacutefendre et promouvoir lrsquointeacuterecirct supeacuterieur et les droits de lrsquoenfant et

de lutter contre les discriminations directes ou indirectes ainsi que de promouvoir lrsquoeacutegaliteacute (article 4 de la loi organique ndeg 2011-333 du 29 mars 2011)

Le Deacutefenseur des droits est ainsi reacuteguliegraverement saisi depuis sa creacuteation de reacuteclamations visant les difficulteacutes drsquoaccegraves aux cantines scolaires que peuvent rencontrer certains enfants

A partir de ces reacuteclamations il a publieacute en mars 2013 un rapport intituleacute Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine de lrsquoeacutecole primaire eacutetayeacute en outre par de nombreux teacutemoignages de parents drsquoenfants et drsquoeacutelus locaux recueillis agrave cette occasion

Si une partie des constats effectueacutes dans ce rapport conservent leur pertinence six ans apregraves la situation a neacuteanmoins sensiblement eacutevolueacute au cours de cette peacuteriode

Tout drsquoabord le rocircle de la cantine scolaire srsquoest accru Lrsquoalimentation est essentielle agrave la croissance au deacuteveloppement psychomoteur et aux capaciteacutes drsquoapprentissage des enfants La reacuteussite scolaire est ainsi en partie tributaire de lrsquoalimentation des enfants Or lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire qui constitue un corollaire du droit agrave lrsquoeacuteducation joue un rocircle de plus en plus important dans lrsquoalimentation lrsquoeacutequilibre nutritionnel et le quotidien des enfants

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6

Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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8

Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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12

Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 4: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents 28

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant 28

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo 29

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euro 30

III La composition des repas au centre de toutes les attentions 32

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants 32

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute 34

Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves 35

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacute 36

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans 38

mdashConclusion 41

Annexes 43

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Introductionmdash

Le Deacutefenseur des droits veille au respect des droits et liberteacutes par les administrations de lrsquoEtat les collectiviteacutes territoriales les eacutetablissements publics ainsi que par tout organisme investi drsquoune mission de service public ou agrave lrsquoeacutegard duquel la loi organique lui attribue des compeacutetences (article 71-1 de la Constitution de 1958)

Dans ce cadre il est chargeacute notamment de deacutefendre et promouvoir lrsquointeacuterecirct supeacuterieur et les droits de lrsquoenfant et

de lutter contre les discriminations directes ou indirectes ainsi que de promouvoir lrsquoeacutegaliteacute (article 4 de la loi organique ndeg 2011-333 du 29 mars 2011)

Le Deacutefenseur des droits est ainsi reacuteguliegraverement saisi depuis sa creacuteation de reacuteclamations visant les difficulteacutes drsquoaccegraves aux cantines scolaires que peuvent rencontrer certains enfants

A partir de ces reacuteclamations il a publieacute en mars 2013 un rapport intituleacute Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine de lrsquoeacutecole primaire eacutetayeacute en outre par de nombreux teacutemoignages de parents drsquoenfants et drsquoeacutelus locaux recueillis agrave cette occasion

Si une partie des constats effectueacutes dans ce rapport conservent leur pertinence six ans apregraves la situation a neacuteanmoins sensiblement eacutevolueacute au cours de cette peacuteriode

Tout drsquoabord le rocircle de la cantine scolaire srsquoest accru Lrsquoalimentation est essentielle agrave la croissance au deacuteveloppement psychomoteur et aux capaciteacutes drsquoapprentissage des enfants La reacuteussite scolaire est ainsi en partie tributaire de lrsquoalimentation des enfants Or lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire qui constitue un corollaire du droit agrave lrsquoeacuteducation joue un rocircle de plus en plus important dans lrsquoalimentation lrsquoeacutequilibre nutritionnel et le quotidien des enfants

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Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

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Page 5: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Introductionmdash

Le Deacutefenseur des droits veille au respect des droits et liberteacutes par les administrations de lrsquoEtat les collectiviteacutes territoriales les eacutetablissements publics ainsi que par tout organisme investi drsquoune mission de service public ou agrave lrsquoeacutegard duquel la loi organique lui attribue des compeacutetences (article 71-1 de la Constitution de 1958)

Dans ce cadre il est chargeacute notamment de deacutefendre et promouvoir lrsquointeacuterecirct supeacuterieur et les droits de lrsquoenfant et

de lutter contre les discriminations directes ou indirectes ainsi que de promouvoir lrsquoeacutegaliteacute (article 4 de la loi organique ndeg 2011-333 du 29 mars 2011)

Le Deacutefenseur des droits est ainsi reacuteguliegraverement saisi depuis sa creacuteation de reacuteclamations visant les difficulteacutes drsquoaccegraves aux cantines scolaires que peuvent rencontrer certains enfants

A partir de ces reacuteclamations il a publieacute en mars 2013 un rapport intituleacute Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine de lrsquoeacutecole primaire eacutetayeacute en outre par de nombreux teacutemoignages de parents drsquoenfants et drsquoeacutelus locaux recueillis agrave cette occasion

Si une partie des constats effectueacutes dans ce rapport conservent leur pertinence six ans apregraves la situation a neacuteanmoins sensiblement eacutevolueacute au cours de cette peacuteriode

Tout drsquoabord le rocircle de la cantine scolaire srsquoest accru Lrsquoalimentation est essentielle agrave la croissance au deacuteveloppement psychomoteur et aux capaciteacutes drsquoapprentissage des enfants La reacuteussite scolaire est ainsi en partie tributaire de lrsquoalimentation des enfants Or lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire qui constitue un corollaire du droit agrave lrsquoeacuteducation joue un rocircle de plus en plus important dans lrsquoalimentation lrsquoeacutequilibre nutritionnel et le quotidien des enfants

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Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 6: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Drsquoune part les enfants prenant leur repas agrave la cantine sont de plus en plus nombreux La tendance constateacutee dans le preacuteceacutedent rapport selon laquelle par comparaison avec les anneacutees 1970 plus du double des eacutelegraveves scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire deacutejeune aujourdrsquohui agrave la cantine srsquoest accentueacutee Si comme il a pu ecirctre releveacute dans une eacutetude reacutecente les estimations sur la freacutequentation de la cantine par les eacutelegraveves varient drsquoune source agrave lrsquoautre et si de fortes dispariteacutes reacutegionales peuvent ecirctre enregistreacutees en moyenne 7 enfants sur 10 freacutequentent les cantines des eacutecoles primaires1 Cette eacutetude estime eacutegalement agrave 48 millions le nombre drsquoenfants inscrits agrave la cantine dans le premier degreacute pour un total de plus de 8 millions drsquoeacutelegraveves freacutequentant le service de restauration tous niveaux scolaires confondus (eacutecoles primaires collegraveges lyceacutees)

Drsquoautre part le rocircle joueacute par la cantine pour certains enfants en particulier les plus pauvres apparaicirct de plus en plus deacuteterminant le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et eacutequilibreacute de la journeacutee Cette situation est amplifieacutee par lrsquoaugmentation non seulement du taux global de pauvreteacute mais aussi de la part de la population la plus pauvre2 A cet eacutegard la Strateacutegie nationale de preacutevention et de lutte contre la pauvreteacute dont lrsquoengagement ndeg 2 rassemble les actions visant agrave laquo reacuteduire le taux de privation mateacuterielle des enfants pauvres raquo souligne le rocircle important de la cantine dans lrsquoalimentation des enfants les plus pauvres3

Or lrsquoaccegraves agrave la cantine se trouve entraveacute par le deacuteveloppement drsquoune fracture territoriale Les ineacutegaliteacutes entre collectiviteacutes locales accentueacutees par le renforcement des restrictions budgeacutetaires contribuent agrave renforcer les ineacutegaliteacutes sociales et les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves au service de restauration scolaire

En effet si dans lrsquoenseignement secondaire la restauration est un service public administratif obligatoire elle constitue en revanche dans lrsquoenseignement primaire un service public facultatif Alors que les conseils deacutepartementaux et les conseils reacutegionaux ont lrsquoobligation de mettre en place un tel service dans les collegraveges et les lyceacutees les communes conservent une liberteacute de choix Cette situation est la source de dispariteacutes sensibles entre collectiviteacutes tributaires de capaciteacutes budgeacutetaires diffeacuterentes qui provoquent des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine en particulier pour les eacutelegraveves drsquoeacutecoles rurales ou peacuteriurbaines

A lrsquoheure actuelle 19 000 communes disposeraient drsquoun service de restauration scolaire Dans la mesure ougrave environ 35 des communes nrsquoont plus drsquoeacutecole publique 80 des communes sont donc doteacutees drsquoun service de cantine et 20 nrsquoen auraient pas Mais de nombreuses communes en milieu rural sont reacuteunies en regroupement peacutedagogique intercommunal concentreacute ou disperseacute Il est donc difficile de savoir preacuteciseacutement combien drsquoeacutecoles publiques ne disposent pas drsquoun service de cantine

Les dispariteacutes entre collectiviteacutes se reacutepercutent eacutegalement sur les tarifs pratiqueacutes dont elles ont le libre choix Pour les familles agrave revenus modestes lrsquoinscription agrave la cantine exige un taux drsquoeffort proportionnellement plus important que pour les familles aiseacutees et coucircte souvent trop cher Or si les grandes villes pratiquent en geacuteneacuteral des prix diffeacuterencieacutes adapteacutes aux revenus des familles les petites villes et les communes rurales privileacutegient un tarif unique moins favorable aux familles agrave faibles revenus

1 Chiffres tireacutes de laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES) Document de travail ndeg 01-2019

2 Selon lrsquoInsee le taux de pauvreteacute au seuil de 60 de la meacutediane est de 142 en 2015 en leacutegegravere hausse par rapport agrave 2014 (14) et 2013 (138 ) httpswwwinseefrfrstatistiques3303433sommaire=3353488

3 Lrsquoeacutetude reacutecente du CNESCO disponible sur le sujet ne comporte que peu drsquoeacuteleacutements chiffreacutes CNESCO Contribution sur la restauration scolaire une dispariteacute en termes drsquoaccegraves et de service octobre 2017 httpwwwcnescofrwp-contentuploads201710171002_Restauration_scolaire_VFpdf

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 7: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Coucirct drsquoun repas servi encadreacute entre 65 et 10 euros

Coucirct drsquoun repas livreacute non servi entre 35 et 5 euros

Montant moyen payeacute par les familles pour un repas 35 euros4

Au-delagrave de ces eacutevolutions et comme le reflegravetent les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits la cantine scolaire apparaicirct eacutegalement comme un lieu investi par des enjeux de socieacuteteacute de plus en plus nombreux geacuteneacuteralement tregraves imbriqueacutes deacutepassant le seul cadre de lrsquoalimentation des enfants et de la fourniture drsquoun repas

Ces enjeux sont drsquoabord drsquoordre social et eacuteducatif Pour reprendre les termes de la circulaire ndeg 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR MENE0101186) laquo le repas de midi nrsquoest pas seulement la prise de nutriments ou de calories Crsquoest aussi le moment ougrave les eacutelegraveves apregraves lrsquoattention du matin se deacutetendent et ougrave les eacutechanges sociaux sont favoriseacutes raquo La restauration scolaire contribue aussi agrave la formation du goucirct et agrave laquo une eacuteducation nutritionnelle en expliquant la neacutecessiteacute de la diversiteacute alimentaire et les inconveacutenients des steacutereacuteotypes raquo Derriegravere lrsquoenjeu eacuteducatif visant agrave impreacutegner les habitudes alimentaires du futur adulte se profile ainsi un enjeu de santeacute publique

Lrsquoenjeu sanitaire lieacute agrave lrsquoobligation de seacutecuriteacute alimentaire se double deacutesormais drsquoun enjeu eacutecologique visant agrave introduire le laquo bio raquo agrave la cantine et agrave privileacutegier les circuits drsquoapprovisionnement courts Actuellement environ 20 des repas fournis pour la restauration scolaire du premier degreacute sont preacutepareacutes sur place (45 550 structures de restauration) et pregraves de 80 dans 970 cuisines centrales (qui livrent les repas dans des structures sans preacuteparation sur place)

La cantine cristallise eacutegalement des questions lieacutees aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher ainsi qursquoaux diffeacuterentes opinions

philosophiques sur les modes drsquoalimentation dont lrsquoessor du veacutegeacutetarisme nrsquoest qursquoun des reflets

Elle constitue en outre pour un certain nombre drsquoeacutelus un enjeu politique la cantine apparaissant alors comme un des lieux et un des temps ougrave se modegravele le citoyen de demain

Face agrave lrsquoensemble de ces eacutevolutions le cadre juridique applicable agrave la restauration scolaire a eacuteteacute ameneacute agrave eacutevoluer Lrsquoarticle 186 de la loi ndeg 2017-86 du 27 janvier 2017 relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Cette modification de la loi qui reflegravete lrsquoeacutevolution de la place de la cantine et les deacutebats qursquoelle suscite dans la socieacuteteacute a contribueacute agrave densifier le droit applicable agrave la restauration scolaire la jurisprudence administrative ayant eacutevolueacute srsquoagissant non seulement des conditions drsquoaccegraves au service de restauration mais aussi de la composition des repas

Ces diffeacuterentes mutations conduisent le Deacutefenseur des droits agrave analyser de nouveau agrave la lumiegravere des reacuteclamations qui lui ont eacuteteacute adresseacutees ces derniegraveres anneacutees lrsquoaccegraves aux cantines scolaires Mais au-delagrave de lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine titre du preacuteceacutedent rapport se pose deacutesormais la question du droit agrave la cantine scolaire pour tous les enfants

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoeffectiviteacute de ce droit est indissociable du respect scrupuleux de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant du principe drsquoeacutegaliteacute et de non-discrimination Il srsquoincarne non seulement dans le droit drsquoaccegraves au service de restauration scolaire mais aussi dans la tarification de ce service ou la composition des repas

4 httpswwwlagazettedescommunescom543041enquete-sur-le-veritable-cout-des-menus-dans-les-cantines-scolaires Voir eacutegalement lrsquoenquecircte publieacutee par le journal Sud-Ouest tregraves deacutetailleacutee httpswwwsudouestfrdossiersprix-des-cantines

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

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D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

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w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 8: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Recommandations du Deacutefenseur des droits

mdash

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence

lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette

perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH)

en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de

restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 9: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes

drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit

systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle

agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

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Page 10: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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I De lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de

restauration scolaire au droit drsquoaccegraves pour tous les

enfants sans discrimination mdash

Le rapport preacuteceacutedent du Deacutefenseur des droits rappelait ainsi que le principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves au service public de restauration scolaire dans le cas ougrave celui-ci existe ne srsquoopposait pas sous reacuteserve du controcircle du juge administratif agrave lrsquoadoption de certains critegraveres limitant ou priorisant lrsquoaccegraves au service notamment sous lrsquoangle de la capaciteacute drsquoaccueil des locaux

Comme il a eacuteteacute souligneacute lrsquoarticle 186 de la loi 27 janvier 2017 preacuteciteacutee a introduit au sein du code de lrsquoeacuteducation un nouvel article L 131-13 aux termes duquel laquo Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits comme pour la jurisprudence cet article a sensiblement modifieacute lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire Drsquoune part parce qursquoil impose deacutesormais aux communes drsquoadapter et de proportionner le service en fonction du nombre drsquoenfants scolariseacutes Drsquoautre part parce qursquoil conforte lrsquoapplication en la matiegravere du principe de non-discrimination et en particulier lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve qui lui est propre

Le service de restauration scolaire est un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales Ce caractegravere facultatif du service de restauration scolaire a eacuteteacute affirmeacute agrave plusieurs reprises pour les eacutelegraveves de lrsquoenseignement primaire5 Cependant une fois creacuteeacute ce service demeure soumis agrave lrsquoensemble des principes applicables au service public notamment lrsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves

5 CE Sect 5 octobre 1984 laquo Commissaire de la Reacutepublique de lrsquoAriegravege raquo ndeg47875 publieacute au Recueil et ficheacute notamment comme suit laquo la creacuteation drsquoune cantine scolaire preacutesente pour la commune un caractegravere facultatif raquo

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

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w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 11: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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a La genegravese difficile de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation mdash

En 2012 agrave lrsquoissue de lrsquointervention de plusieurs jugements et ordonnances de reacutefeacutereacute ayant annuleacute des deacutecisions de refus drsquoinscription au service de restauration scolaire notamment au motif de lrsquoabsence drsquoactiviteacute professionnelle des parents deux propositions de loi ont eacuteteacute deacuteposeacutees lrsquoune agrave lrsquoAssembleacutee nationale (7 feacutevrier 2012) la seconde au Seacutenat (25 mai 2012) visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire6

Elles preacutevoyaient en des termes proches le droit agrave lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire pour lrsquoensemble des enfants scolariseacutes degraves lors que ce service est mis en place par les collectiviteacutes Renvoyeacutes en commission ces textes nrsquoont pas eacuteteacute discuteacutes

Le 21 janvier 2015 une nouvelle proposition de loi allant dans le mecircme sens a eacuteteacute deacuteposeacutee agrave lrsquoAssembleacutee nationale par Roger-Geacuterard Schwartzenberg (deacuteputeacute du Val-de-Marne)7 Rejeteacutee par le Seacutenat le 9 deacutecembre 2015 elle a eacuteteacute reacuteintroduite au sein du projet de loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo par le biais de deux amendements identiques reprenant les dispositions du projet de loi de 2015

laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo

La commission speacuteciale chargeacutee drsquoexaminer le projet de loi a adopteacute ces deux amendements le 27 juin 2016

Lors des deacutebats parlementaires le projet drsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation a immeacutediatement fait lrsquoobjet drsquoune interpreacutetation soulignant lrsquoinstitution drsquoun droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire pour les enfants scolariseacutes en primaire quelle que soit la capaciteacute de ce service

Cette approche a susciteacute lrsquoopposition du Seacutenat craignant que lrsquoarticle L 131-13 ne creacutee des obligations trop lourdes (et non compenseacutees) agrave la charge des communes et ne tienne pas compte des possibiliteacutes concregravetes drsquoaccueil des enfants dans les collectiviteacutes8 Certains seacutenateurs estimaient eacutegalement que lrsquoarticle eacutetait soit inutile la jurisprudence administrative ayant deacutejagrave fixeacute un cadre clair concernant les refus drsquoinscription discriminatoires au service de restauration scolaire9 soit porteur drsquoineacutegaliteacute lrsquoaccegraves au service nrsquoeacutetant garanti que pour les enfants scolariseacutes dans les communes proposant ce service10

6 Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Michegravele DELAUNAY le 7 feacutevrier 2012 instaurant le droit agrave la restauration scolaire httpwwwassemblee-nationalefr13propositionspion4305asp Proposition de loi preacutesenteacutee par Madame Brigitte GONTHIER-MAURIN le 25 mai 2012 visant agrave garantir lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire httpwwwsenatfrlegppl11-561html

7 laquo Art L 131-13 ndash Lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires lorsque ce service existe est un droit pour tous les enfants scolariseacutes Il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille raquo La proposition de loi preacutevoyait eacutegalement une majoration de la dotation globale de fonctionnement pour compenser les charges induites par ces nouvelles dispositions httpwwwassemblee-nationalefr14propositionspion2518asp

8 laquo De vrais problegravemes peuvent se poser Si vous ecirctes agrave saturation dans votre cantine et qursquoil faut en construire une autre comment faites-vous raquo Monsieur Pierre-Yves COLLOMBAT Seacutenateur du Var laquo Deacuteclarez donc la cantine service obligatoire comme vous lrsquoavez fait pour les collegraveges et les lyceacutees et financez-la au lieu drsquoaccabler les maires de tous les maux car cela nrsquoest pas acceptable raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

9 laquo Ces pratiques sont toutefois drsquoores et deacutejagrave illeacutegales et sanctionneacutees par une jurisprudence constante du juge administratif raquo Monsieur Jean-Claude CARLE Madame Franccediloise LABORDE Rapport de la Commission speacuteciale du Seacutenat 14 septembre 2016

10 laquo Si au nom de lrsquoeacutegaliteacute vous instaurez pour tous les enfants un droit de deacutejeuner agrave la cantine dans les communes proposant ce service vous creacuteez une nouvelle discrimination pour les enfants scolariseacutes dans des communes ougrave il nrsquoy a pas de cantine raquo Madame Franccediloise GATEL Seacutenatrice drsquoIlle-et-Vilaine rapporteur ndash Seacuteance publique du 14 octobre 2016 (1egravere lecture au Seacutenat)

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 12: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Cette opposition mecircme reacutevegravele cependant que la lettre et lrsquoesprit de lrsquoarticle L 131-13 visent bien agrave instituer un droit drsquoaccegraves geacuteneacuteral au service de restauration scolaire En effet tant les promoteurs du texte dans les rangs du Gouvernement et de lrsquoAssembleacutee nationale que ses deacutetracteurs srsquoaccordaient sur le fait que ces nouvelles dispositions creacuteaient bien un nouveau droit au profit des eacutelegraveves les opposants concentrant leurs critiques sur le fait que celui-ci pourrait ainsi entraicircner des difficulteacutes drsquoapplication ainsi que de contraintes financiegraveres lourdes pour les communes

Le Deacutefenseur des droits auditionneacute par la Commission speacuteciale du Seacutenat le 19 juillet 2016 a soutenu le projet en indiquant notamment que laquo voter cette disposition ouvre en quelque sorte un laquo parachute raquo afin notamment drsquoeacuteviter la multiplication de refus discriminatoires drsquoinscription au service de restauration scolaire raquo11

A lrsquoissue de lrsquoadoption de la loi laquo Egaliteacute et citoyenneteacute raquo le Conseil constitutionnel saisi du texte a jugeacute que lrsquoarticle 186 de la loi creacuteant lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation creacuteait bien un laquo droit drsquoaccegraves raquo au service de restauration scolaire sans avoir toutefois pour effet de rendre ce service public obligatoire pour les communes12

En lrsquoeacutetat du droit en vigueur lrsquointerpreacutetation des dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteduction tant par le Deacutefenseur des droits que par les juridictions administratives est univoque ce droit implique lorsqursquoun systegraveme de restauration scolaire est mis en place dans le premier degreacute de lrsquoadapter et le proportionner au nombre drsquoenfants scolariseacutes

La juridiction administrative a eacuteteacute saisie de la porteacutee concregravete des nouvelles dispositions du code de lrsquoeacuteducation agrave la fin de lrsquoanneacutee 2017 par la megravere drsquoun eacutelegraveve qui srsquoest vue opposer le manque de place au sein du service de restauration scolaire Le tribunal administratif

de Besanccedilon en formation pleacuteniegravere lui a donneacute raison et enjoint agrave la mairie de reacuteexaminer la demande au motif notamment que les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation laquo impliquent que les personnes publiques ayant choisi de creacuteer un service de restauration scolaire pour les eacutecoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir agrave chaque eacutelegraveve le droit drsquoy ecirctre inscrit Elles doivent adapter et proportionner le service agrave cette fin et ne peuvent au motif du manque de place disponible refuser drsquoy inscrire un eacutelegraveve qui en fait la demande raquo13

11 Audition du Deacutefenseur des droits devant la Commission speacuteciale du Seacutenat 19 juillet 2016 12 laquo Si la premiegravere phrase de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire ont le droit drsquoecirctre

inscrits agrave la cantine crsquoest agrave la condition que ce service existe Ces dispositions nrsquoont donc ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la creacuteation drsquoun service public de restauration scolaire dans les eacutecoles primaires Degraves lors srsquoagissant de compeacutetences dont lrsquoexercice demeure facultatif le grief tireacute du non-respect de lrsquoarticle 72-2 de la Constitution doit ecirctre eacutecarteacute raquo CC ndeg2016-745 DC 26 janvier 2017 laquo Loi relative agrave lrsquoeacutegaliteacute et la citoyenneteacute raquo

13 TA Besanccedilon pleacuteniegravere 7 deacutecembre 2017 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg1701724

b Le droit agrave la restauration scolaire impose drsquoadapter et de proportionner le service de cantine au nombre drsquoenfants scolariseacutes en primaire mdash

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 13: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Le tribunal administratif de Montreuil saisi parallegravelement drsquoun contentieux similaire a adopteacute la mecircme solution14

Dans le cadre de lrsquoappel contre le jugement du tribunal administratif de Besanccedilon preacuteciteacute le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations soulignant la porteacutee large du droit deacutesormais reconnu par la loi (deacutecision ndeg2018-173 du 12 juin 2018)

La Cour administrative drsquoappel de Nancy a confirmeacute la solution deacutegageacutee en premiegravere instance en rappelant que le manque de place ne saurait ecirctre un argument opposable aux familles faisant une demande drsquoinscription au service de restauration scolaire laquo [Les dispositions de lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation] instituent le droit pour tous les enfants scolariseacutes en eacutecole primaire drsquoecirctre inscrits agrave la cantine degraves lors que le service de restauration scolaire a eacuteteacute creacuteeacute par la collectiviteacute territoriale compeacutetente Il srsquoensuit que lorsqursquoelle a creacuteeacute un tel service la collectiviteacute territoriale est tenue de garantir ce droit drsquoinscription agrave chaque enfant scolariseacute dans une eacutecole primaire degraves lors qursquoil en fait la demande sans que puisse ecirctre opposeacute le nombre de places disponibles raquo 15

La commune de Besanccedilon ayant formeacute un pourvoi en cassation devant le Conseil drsquoEtat cette interpreacutetation nrsquoest pas agrave la date de publication de ce preacutesent rapport totalement stabiliseacutee

Le Deacutefenseur des droits sans ignorer les difficulteacutes pratiques induites par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation tient agrave souligner toutefois lrsquoimportance qui srsquoattache agrave lrsquointerpreacutetation fondeacutee sur lrsquoeffet utile de cet article agrave deacutefaut de laquelle celui-ci se verrait priveacute de toute porteacutee reacuteelle

Si la jurisprudence anteacuterieure avait clairement eacutetabli que les critegraveres drsquoaccegraves eacutetrangers agrave lrsquoobjet du service nrsquoeacutetaient pas opposables aux parents notamment leur situation professionnelle les termes clairs de la loi et leur interpreacutetation par les juges qui se sont prononceacutes agrave ce jour donnent une assise suppleacutementaire agrave lrsquointervention du Deacutefenseur des droits dans son action en faveur des eacutelegraveves pour lesquels la question de lrsquoaccegraves agrave ce service se pose avec une acuiteacute particuliegravere (notamment enfants en situation de handicap ou dont les familles se trouvent en grande preacutecariteacute eacuteconomique)

14 TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme Mhellip c Commune de Villemomble raquo ndeg1710164 TA Montreuil ord reacutef 12 septembre 2018 laquo LDH c Commune de Villemomble raquo ndeg

15 CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 laquo Mme G c Commune de Besanccedilon raquo ndeg18NC00237

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 14: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Afin de garantir lrsquoeffectiviteacute du droit qursquoil proclame agrave lrsquoinscription des enfants au service de restauration scolaire lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation renforce la place du principe de non-discrimination en la matiegravere il laquo ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des eacutelegraveves] ou celle de leur famille raquo

Pour le Deacutefenseur des droits cette approche revecirct une porteacutee deacutecisive

Cette eacutevolution leacutegislative vient drsquoabord conforter un mouvement geacuteneacuteral par lequel lrsquoeacutegaliteacute rechercheacutee initialement dans la geacuteneacuteraliteacute de la loi puis dans lrsquoaccegraves aux services publics srsquoest progressivement concreacutetiseacutee passant deacutesormais par la prohibition des diffeacuterences de traitement fondeacutees sur des motifs interdits Dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services (dont relegraveve la cantine scolaire) ceux-ci sont eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 225-1 du code peacutenal mais aussi agrave lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions drsquoadaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

laquo Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son origine de son sexe de sa situation de famille de sa grossesse de son apparence physique de la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de sa situation eacuteconomique apparente ou connue de son auteur de son patronyme de son lieu de reacutesidence ou de sa domiciliation bancaire de son eacutetat de santeacute de sa perte drsquoautonomie de son handicap de ses caracteacuteristiques geacuteneacutetiques de ses mœurs de son orientation sexuelle de son identiteacute de genre de son acircge de ses opinions politiques de ses activiteacutes syndicales de sa

capaciteacute agrave srsquoexprimer dans une langue autre que le franccedilais de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposeacutee agrave une ethnie une nation une preacutetendue race ou une religion deacutetermineacutee une personne est traiteacutee de maniegravere moins favorable qursquoune autre ne lrsquoest ne lrsquoa eacuteteacute ou ne lrsquoaura eacuteteacute dans une situation comparable raquo

La mecircme loi preacutecise dans son article 2 laquo 3deg Toute discrimination directe ou indirecte fondeacutee sur un motif mentionneacute agrave lrsquoarticle 1er est interdite en matiegravere de protection sociale de santeacute drsquoavantages sociaux drsquoeacuteducation drsquoaccegraves aux biens et services ou de fourniture de biens et services Ce principe ne fait pas obstacle agrave ce que des diffeacuterences soient faites selon lrsquoun des motifs mentionneacutes au premier alineacutea du preacutesent 3deg lorsqursquoelles sont justifieacutees par un but leacutegitime et que les moyens de parvenir agrave ce but sont neacutecessaires et approprieacutes [hellip] raquo

Lrsquoarticle L 131-13 vient eacutegalement consacrer une eacutevolution qui a fait du principe de non-discrimination la pierre angulaire du droit des enfants agrave la restauration scolaire Ce faisant il renvoie agrave lrsquoensemble des discriminations directes ou indirectes prohibeacutees dans le domaine de lrsquoaccegraves aux biens et services ainsi qursquoaux dispositions qui les prohibent avec lesquelles il doit neacutecessairement se combiner

Il renvoie en outre en matiegravere civile au principe de lrsquoameacutenagement de la charge de la preuve au profit des victimes de discrimination Les dispositions de lrsquoarticle 4 de la loi du 27 mai 2008 qui ne srsquoappliquent pas devant les juridictions peacutenales preacutevoient en effet que

c Le renforcement de la place du principe de non-discrimination dans lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire mdash

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 15: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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laquo Toute personne qui srsquoestime victime drsquoune discrimination directe ou indirecte preacutesente devant la juridiction compeacutetente les faits qui permettent drsquoen preacutesumer lrsquoexistence Au vu de ces eacuteleacutements il appartient agrave la partie deacutefenderesse de prouver que la mesure en cause est justifieacutee par des eacuteleacutements objectifs eacutetrangers agrave toute discrimination Le juge forme sa conviction apregraves avoir ordonneacute en cas de besoin toutes les mesures drsquoinstruction qursquoil estime utiles raquo

En deacutefinitive le leacutegislateur est ainsi non seulement venu rappeler opportuneacutement que lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest pas eacutepargneacute par les discriminations agrave lrsquoeacutegard de certains enfants mais aussi offrir un outil suppleacutementaire au service de la lutte contre ces discriminations

Sur ce fondement le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave deacutenoncer un certain nombre de discriminations dans lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire

Reacuteserver lrsquoaccegraves agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent est une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des enfants dont les parents sont priveacutes drsquoemploiLes meacutedias se sont faits lrsquoeacutecho agrave plusieurs reprises de la volonteacute de certaines collectiviteacutes de reacuteserver lrsquoinscription agrave la cantine aux enfants dont les parents travaillent ou pour certaines drsquoeacutetablir sur le fondement de ce critegravere des prioriteacutes entre les demandes drsquoinscription

Les dispositions de lrsquoarticle L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles preacutevoient pourtant que lrsquoactiviteacute professionnelle des parents ne peut constituer un critegravere leacutegal de refus drsquoaccegraves agrave la cantine pour les familles comptant trois enfants ou plus 16

Par ailleurs la jurisprudence administrative considegravere depuis longtemps comme laquo sans lien avec lrsquoobjet du service raquo ce type de critegravere17

Depuis lrsquoentreacutee en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 combineacutee avec lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 (dans sa reacutedaction issue de la loi ndeg2016-832 du 24 juin 2016) cette pratique constitue une discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute reacutesultant de la situation eacuteconomique des parents

Le Deacutefenseur des droits a ainsi consideacutereacute qursquoun regraveglement de cantine municipal preacutevoyant une prioriteacute drsquoinscription pour

les parents qui travaillent eacutetait constitutif drsquoune discrimination notamment en ce qursquoil pouvait exclure des personnes heacutebergeacutees agrave lrsquohocirctel et deacutepourvues drsquoactiviteacute professionnelle (deacutecisions ndeg2018-234 du 5 septembre 2018 et ndeg2019-60 du 5 mars 2019) Le juge des reacutefeacutereacutes du tribunal administratif de Montreuil devant lequel il a preacutesenteacute ses observations a suspendu lrsquoapplication du regraveglement (ordonnance du 12 septembre 2018) Dans le cadre du recours au fond la commune a fait savoir que les dispositions contesteacutees avaient eacuteteacute abrogeacutees

16 L 214-4 du code de lrsquoaction sociale et des familles laquo Lrsquoadmission des enfants agrave la charge de familles drsquoau moins trois enfants au sens de la leacutegislation des prestations familiales dans les eacutequipements collectifs publics et priveacutes destineacutes aux enfants de plus de deux ans ne peut ecirctre subordonneacutee agrave la condition que chacun des parents exerce une activiteacute professionnelle raquo

17 TA Marseille 24 novembre 2000 laquo FCPE et MM D M et G raquo ndeg 96-4439 et CE ord reacutef 23 octobre 2009 laquo FCPE du Rhocircne et Mme P raquo ndeg329076 TA Versailles 13 juin 2012 laquo M D raquo ndeg 1202932

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

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w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 16: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation ou habitat preacutecaire une discrimination combinant souvent la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique et lrsquoorigine

Lrsquoaccueil agrave la cantine drsquoenfants vivant dans des milieux preacutecaires contribue agrave endiguer les pheacutenomegravenes drsquoexclusion ou de stigmatisation entre enfants la freacutequentation de la cantine eacutetant devenue une forme de norme sociale18

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi agrave plusieurs reprises de refus drsquoaccegraves agrave la cantine scolaire opposeacutes agrave des enfants reacutesidant dans des habitats preacutecaires soit heacutebergeacutes en hocirctel social soit demeurant dans des bidonvilles ou des campements illeacutegaux soit placeacutes pour diverses raisons dans une situation eacuteconomique preacutecaire

Dans une perspective comparable le Deacutefenseur des droits est saisi de maniegravere reacutecurrente du refus de certaines mairies de scolariser des enfants en raison de leur reacutesidence dans des campements ou des bidonvilles Face agrave ces discriminations dans lrsquoaccegraves agrave lrsquoeacutecole il arrive que le preacutefet se substitue au maire et impose lrsquoinscription des enfants agrave lrsquoeacutecole Or cette pratique ne srsquoaccompagne pas systeacutematiquement drsquoun accegraves agrave la restauration scolaire A la discrimination initiale peut donc se substituer une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits de tels refus caracteacuterisent une discrimination dans lrsquoaccegraves agrave un service fondeacutee sur lrsquoorigine prohibeacutee par les articles 225-1 alineacutea 1 du code peacutenal et lrsquoarticle 1er de la loi du 27 mai 2008 et reacuteprimeacutee par les articles 225-2 et 432-7 du code peacutenal

Face agrave ces situations la Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute vise agrave mettre en place un certain nombre drsquoactions destineacutees agrave favoriser lrsquoaccegraves agrave la cantine Elles impliquent que cet accegraves comporte un enjeu particulier pour les familles deacutefavoriseacutees qursquoil srsquoagisse drsquoun meilleur eacutequilibre alimentaire de la stabiliteacute de la scolarisation et de la poursuite ou de la reprise drsquoactiviteacute professionnelle des parents

Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo preacutevoyant lrsquoabaissement de lrsquoacircge de lrsquoinstruction obligatoire agrave trois ans19 lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui ne preacutevoit agrave lrsquoheure actuelle que le droit drsquoaccegraves des enfants scolariseacutes agrave lrsquoeacutecole primaire agrave la cantine devrait neacutecessairement ecirctre preacuteciseacute dans le cas ougrave cette mesure serait deacutefinitivement adopteacutee afin de preacutevoir que tout enfant scolariseacute en maternelle doit eacutegalement se voir garantir lrsquoaccegraves agrave ce service

18 Antoine MATH laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees ndash Un eacutetat des lieux des enjeux et des obstacles raquo op cit laquo Deacutesormais la socieacuteteacute tend de plus en plus agrave consideacuterer qursquoaucun enfant ne devrait ecirctre priveacute de cantine que ce soit pour des raisons institutionnelles ou financiegraveres et qursquoune telle privation est encore plus probleacutematique pour un enfant de famille pauvre degraves lors que la famille de ce dernier peut plus difficilement compenser lrsquoabsence de ce service raquo

19 Article 2 du projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo httpwwwsenatfrlegpjl18-474html

Une commune a refuseacute drsquoinscrire trois enfants au service de restauration scolaire au motif que leurs parents heacutebergeacutes en hocirctel

social et deacutepourvus drsquoemploi nrsquoeacutetaient pas en mesure de preacutesenter lrsquoensemble des piegraveces justificatives neacutecessaires La deacutecision a eacuteteacute contesteacutee devant le tribunal administratif

Lrsquoinstruction du dossier par le Deacutefenseur des droits a fait apparaicirctre que certaines de ces piegraveces sans lien avec lrsquoobjet du service (carte vitale attestation de lrsquoheacutebergeur et signature drsquoune attestation en mairie par lrsquoheacutebergeur en personnehellip) eacutetaient susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique des demandeurs certaines personnes ne pouvant ecirctre mesure de fournir ces eacuteleacutements (notamment carte vitale pour les personnes en situation irreacuteguliegravere) Le tribunal administratif a annuleacute le refus drsquoinscription de la mairie (TA Montreuil 3 juillet 2018 laquo Mme M raquo ndeg1710164)

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 17: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Restreindre lrsquoaccegraves agrave la cantine drsquoenfants en situation de handicap est une discrimination

Contrairement agrave la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapeacutees (CIDPH)20 la loi du 27 mai 2008 qui interdit toute forme de discrimination fondeacutee sur le handicap ne mentionne pas lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable et ne preacutecise pas comme lrsquoexige la Convention que son absence est constitutive drsquoune discrimination Ce caractegravere insuffisant et incomplet des lois nationales a drsquoailleurs eacuteteacute releveacute par le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations Unies (CRPD) et par la Rapporteure speacuteciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapeacutees dans son rapport de visite du 8 janvier 2019

Toutefois bien que cette obligation ne soit pas expresseacutement mentionneacutee dans la loi du 27 mai 2008 elle deacutecoule de lrsquointerdiction geacuteneacuterale des discriminations preacutevue par la loi et est donc agrave ce titre drsquoapplication directe

Il pegravese ainsi sur les collectiviteacutes une obligation de non-discrimination fondeacutee sur le handicap et de mise en place le cas eacutecheacuteant des ameacutenagements raisonnables afin drsquoaccueillir les enfants en situation de handicap En cas de refus il leur revient de deacutemontrer qursquoil leur eacutetait impossible drsquoaccueillir lrsquoenfant nonobstant la mise en place drsquoameacutenagements raisonnables

Aussi refuser ou exclure un enfant en raison de son handicap pourrait ecirctre consideacutereacute comme une deacutecision discriminatoire de la collectiviteacute territoriale si elle nrsquoest pas en mesure de prouver qursquoelle a mis tout en œuvre pour permettre cet accueil

Les difficulteacutes rencontreacutees par les enfants en situation de handicap pour acceacuteder agrave la cantine sont principalement lieacutees drsquoune part agrave lrsquoabsence de mise en œuvre par les collectiviteacutes de leur obligation drsquoameacutenagement raisonnable et drsquoautre part au deacutefaut de cadre juridique clair en matiegravere drsquoeacutevaluation et de prise en charge du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant

20 Aux termes de lrsquoarticle 7 de la CIDPH les Eacutetats Parties sont tenus de prendre laquo toutes mesures neacutecessaires pour garantir aux enfants handicapeacutes la pleine jouissance de tous les droits de lrsquohomme et de toutes les liberteacutes fondamentales sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants raquo Selon son article 2 laquo la discrimination fondeacutee sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination y compris le refus drsquoameacutenagement raisonnable raquo Lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable impose laquo lrsquoobligation leacutegale positive drsquoapporter un ameacutenagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement neacutecessaire et approprieacute lorsque cela est requis dans une situation donneacutee pour que la personne handicapeacutee puisse jouir de ses droits ou les exercer raquo La notion de laquo caractegravere raisonnable raquo drsquoun ameacutenagement renvoie agrave sa pertinence agrave son adeacutequation et agrave son efficaciteacute pour la personne handicapeacutee Deacuteterminer si un ameacutenagement raisonnable repreacutesente une laquo charge disproportionneacutee ou indue raquo suppose drsquoeacutevaluer le rapport de proportionnaliteacute entre les moyens employeacutes et lrsquoobjectif viseacute agrave savoir la jouissance du droit en question Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies (CRPD) - Observation geacuteneacuterale ndeg 6 sur lrsquoeacutegaliteacute et la non-discrimination (2018)

Recommandation ndeg1 Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation garantit lrsquoaccegraves

de tout enfant scolariseacute au service de restauration scolaire En conseacutequence lrsquoinscription au service de restauration scolaire conformeacutement agrave la jurisprudence en vigueur ne peut ecirctre refuseacutee agrave un enfant drsquoacircge scolaire le service devant ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo agrave cette fin

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 18: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Ne pas mettre en œuvre lrsquoobligation drsquoameacutenagement raisonnable est une discrimination

Permettre lrsquoaccegraves des enfants aux locaux de la cantine Lrsquoaccessibiliteacute de lrsquoenvironnement est une condition preacutealable et essentielle pour garantir agrave tous les enfants handicapeacutes quel que soit leur handicap un accegraves effectif agrave tous les droits sur la base de lrsquoeacutegaliteacute avec les autres enfants Les locaux de restauration scolaires en tant qursquoeacutetablissements recevant du public (ERP) et leur environnement sont ainsi tenus agrave une obligation drsquoaccessibiliteacute

Pour le Deacutefenseur des droits qui constate encore trop souvent que cette obligation nrsquoest pas toujours respecteacutee le refus drsquoaccueil drsquoun enfant handicapeacute au motif de lrsquoinaccessibiliteacute des locaux est discriminatoire

mdash Rappel des obligations en matiegravere

drsquoaccessibiliteacute des ERP La loi affirme le principe selon lequel les dispositions architecturales les ameacutenagements et eacutequipements inteacuterieurs et exteacuterieurs des eacutetablissements recevant du public et des installations ouvertes au public doivent ecirctre tels que ces locaux et installations soient accessibles agrave tous et notamment aux personnes handicapeacutees quel que soit le type de handicap notamment physique sensoriel cognitif mental ou psychique (Art L 111-7 CCH) La loi ndeg 2005-102 du 11 feacutevrier 2005 a imposeacute aux ERP existants recevant du public drsquoecirctre accessibles avant le 1er janvier 2015 Le proprieacutetaire ou lrsquoexploitant drsquoun ERP qui au 31 deacutecembre 2014 ne reacutepondait pas

aux exigences drsquoaccessibiliteacute (art R 111-19-7 agrave R 111-19-12 CCH) eacutetait tenu drsquoeacutelaborer et de deacuteposer un agenda drsquoaccessibiliteacute programmeacute (AdrsquoAP) avant le 27 septembre 2015

mdashEn outre en cas drsquoimpossibiliteacute aveacutereacutee de rendre la structure accessible ou dans lrsquoattente de la reacutealisation des travaux drsquoaccessibiliteacute les exploitants des ERP restent tenus agrave une obligation drsquoameacutenagement raisonnable Autrement dit lrsquoinaccessibiliteacute de la structure ne peut justifier en soi un refus drsquoaccegraves aux droits degraves lors que la prestation peut ecirctre deacutelivreacutee sous une autre forme au moyen drsquoun ameacutenagement raisonnable Cette obligation drsquoameacutenagement raisonnable est largement meacuteconnue des collectiviteacutes et devrait leur ecirctre rappeleacutee par les autoriteacutes administratives en charge de controcircler le respect des normes drsquoaccessibiliteacute

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de la reacuteclamation drsquoune megravere eacutelevant seule son fils handicapeacute moteur se deacuteplaccedilant en fauteuil

roulant scolariseacute dans lrsquoeacutecole drsquoune commune depuis la petite section de maternelle sur notification de la Maison deacutepartementale des personnes handicapeacutees (MDPH) Lrsquoenfant a fait lrsquoobjet drsquoun refus drsquoaccegraves au service de restauration scolaire au motif principal que la voirie ne se trouve pas accessible (le restaurant scolaire eacutetant lui-mecircme accessible) La mairie a refuseacute drsquoacceacuteder aux demandes drsquoameacutenagement preacutesenteacutees par la megravere de lrsquoenfant et a eacutegalement refuseacute drsquoenvisager toute solution alternative permettant agrave lrsquoenfant de deacutejeuner agrave la cantine Le Deacutefenseur des droits a notamment rappeleacute agrave la mairie la distinction entre accessibiliteacute et obligation drsquoameacutenagement raisonnable LrsquoAPF a pu agrave la suite des saisines du Deacutefenseur des droits proceacuteder agrave une eacutevaluation des besoins de lrsquoenfant sur le temps meacuteridien qui ont eacuteteacute transmises agrave la famille et agrave la MDPH

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 19: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Le Comiteacute des droits des personnes handicapeacutees des Nations-Unies rappelle que les obligations drsquoameacutenagement raisonnable diffegraverent de celles relatives agrave lrsquoaccessibiliteacute Ainsi lrsquoameacutenagement raisonnable peut ecirctre utiliseacute comme un moyen de garantir agrave une personne handicapeacutee dans une situation concregravete la jouissance effective drsquoun droit en lrsquoabsence de mesures drsquoaccessibiliteacute susceptibles drsquoapporter des reacuteponses adapteacutees agrave ses besoins speacutecifiques

Lrsquoargument de la seacutecuriteacute de lrsquoenfant nrsquoest pas toujours un motif leacutegitimePour justifier leur refus drsquoaccueil des enfants en situation de handicap agrave la cantine les collectiviteacutes invoquent eacutegalement un argument relatif agrave la seacutecuriteacute de lrsquoenfant lieacute notamment agrave lrsquoabsence de moyens adapteacutes et suffisants pour reacutepondre agrave ses besoins speacutecifiques Si lrsquoobjectif de seacutecuriteacute est leacutegitime la seule alleacutegation drsquoimpeacuteratifs de seacutecuriteacute sans que la reacutealiteacute des risques ne soit preacuteciseacutement deacutemontreacutee ne peut suffire agrave justifier ce refus En outre ce refus ne peut ecirctre fondeacute que sur une appreacuteciation objective et individualiseacutee de la situation de lrsquoenfant Agrave deacutefaut le refus drsquoaccueillir lrsquoenfant est constitutif drsquoune discrimination

Ainsi lrsquoargument de seacutecuriteacute nrsquoest recevable que srsquoil est aveacutereacute que lrsquoaccueil de lrsquoenfant soulegraveve des problegravemes de seacutecuriteacute auxquels la collectiviteacute nrsquoest pas en mesure de reacutepondre au besoin en mettant en place des ameacutenagements raisonnables

Lrsquoargument selon lequel des ameacutenagements ne peuvent ecirctre mis en place au motif de leur caractegravere excessif et disproportionneacute ne peut ecirctre retenu que dans la mesure ougrave la situation individuelle de lrsquoenfant a reacuteellement eacuteteacute eacutevalueacutee les ameacutenagements neacutecessaires identifieacutes et concregravetement envisageacutes et lrsquoimpossibiliteacute de les mettre en place objectivement deacutemontreacutee Or comme en matiegravere drsquoaccessibiliteacute le Deacutefenseur des droits deacuteplore une meacuteconnaissance de la part des collectiviteacutes de leurs obligations en matiegravere drsquoameacutenagement raisonnable

Exclure un enfant de la cantine en raison de son comportement cache parfois une discriminationDes enfants peuvent faire lrsquoobjet drsquoune mise agrave lrsquoeacutecart ou drsquoune exclusion du service de restauration scolaire du fait de leur comportement alors mecircme que celui-ci est lieacute agrave leur eacutetat de santeacute ou agrave leur handicap (troubles et deacuteficit de lrsquoattention avec ou sans hyperactiviteacute troubles du spectre de lrsquoautisme troubles envahissants du comportementhellip) Dans ce cas lrsquoexclusion de lrsquoenfant est susceptible de constituer une discrimination

Degraves lors tout trouble du comportement entraicircnant une perturbation du service de restauration scolaire devrait faire lrsquoobjet drsquoun eacutechange avec les parents afin de recueillir leurs observations sur lrsquoeacuteventuelle situation de handicap de lrsquoenfant apporter un eacuteclairage suppleacutementaire et envisager des adaptations du service le cas eacutecheacuteant La mise en place de ces ameacutenagements doit ecirctre un preacutealable agrave toute proceacutedure de sanction

Certaines situations drsquoexclusion drsquoenfants preacutesentant des troubles du comportement soumises au Deacutefenseur des droits ont donneacute lieu agrave des eacutechanges avec les collectiviteacutes concerneacutees qui ont permis de constater lrsquoignorance par certaines drsquoentre elles de la situation de handicap de lrsquoenfant Des ameacutenagements simples ont parfois suffi agrave remeacutedier aux difficulteacutes constateacutees (ex nomination drsquoune personne reacutefeacuterente aupregraves de lrsquoenfant)

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 20: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Mettre en place un accompagnement de lrsquoenfant en deacutepit drsquoun cadre juridique encore flouLes principales difficulteacutes releveacutees par le Deacutefenseur des droits dans le cadre du traitement des reacuteclamations visent lrsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant et la prise en charge de cet accompagnement

Srsquoagissant de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement des enfants en situation de handicap lrsquoexamen des pratiques des diffeacuterentes MDPH reacutevegravele une eacutevaluation variable des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur les temps peacuteriscolaires notamment sur le temps de cantine certaines MDPH se prononcent sur les besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire tandis que drsquoautres limitent leur intervention au temps strictement scolaire Faute drsquoeacutevaluation des besoins drsquoaccompagnement de lrsquoenfant par la MDPH celle-ci repose uniquement sur la collectiviteacute Cette absence drsquoobjectivation des besoins se traduit bien souvent par la subordination de lrsquoaccegraves de lrsquoenfant handicapeacute agrave la cantine agrave la preacutesence drsquoun accompagnant

Les teacutemoignages recueillis en 2012 par le Deacutefenseur des droits avaient mis en lumiegravere lrsquoabsence de cadre juridique clair concernant la compeacutetence des MDPH en matiegravere drsquoeacutevaluation des besoins sur le temps peacuteriscolaire Depuis une circulaire du MENESR ndeg 2017-084 du 3 mai 2017 est venue preacuteciser que laquo lors des activiteacutes peacuteriscolaires et des temps de restauration lrsquoaccompagnement speacutecifique de lrsquoenfant en situation de handicap nrsquoest pas systeacutematique La CDAPH notifie le besoin drsquoaccompagnement au regard de la situation personnelle de lrsquoenfant en situation de handicap et de la nature des activiteacutes proposeacutees raquo Pour autant cette circulaire adresseacutee aux rectorats nrsquoa pas vocation agrave srsquoimposer aux MDPH Le Deacutefenseur des droits relegraveve toutefois que de plus en plus de MDPH eacutevaluent le besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur le temps peacuteriscolaire

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi de plusieurs refus drsquoaccegraves drsquoenfants en situation de handicap au service de restauration scolaire

au motif de lrsquoabsence drsquoun(e) AESHAVS sur le temps meacuteridien Quelques illustrations reacutecentes

Une mairie refusait lrsquoaccegraves au service de restauration scolaire drsquoun enfant scolariseacute agrave lrsquoeacutecole primaire en indiquant que la prise en charge de lrsquoAESHAVS incombait agrave lrsquoEacutetat Le Deacutefenseur des droits a rappeleacute la possibiliteacute drsquoun conventionnement entre la collectiviteacute et lrsquoEacutetat concernant la mise agrave disposition de lrsquoAESHAVS sur le temps meacuteridien et a rappeleacute que le refus drsquoaccueil drsquoun enfant en situation de handicap au service de restauration scolaire pouvait avoir un caractegravere discriminatoire La mairie a finalement accepteacute la demande des parents apregraves extension de la prise en charge de lrsquoAESHAVS par lrsquoEacutetat (mars 2018)

Un refus a eacuteteacute opposeacute au motif que le manque de personnel communal sur le temps de restauration scolaire ne permettait pas lrsquoaccueil drsquoun enfant de 4 ans scolariseacute en eacutecole maternelle au service de restauration scolaire beacuteneacuteficiant drsquoun accompagnant sur le temps scolaire Apregraves intervention du Deacutefenseur des droits et rappel du caractegravere potentiellement discriminatoire de ce refus le maire a indiqueacute avoir contacteacute lrsquoinspection acadeacutemique et ecirctre finalement en mesure drsquoaccueillir lrsquoenfant agrave la cantine (deacutecembre 2017)

Une enfant de trois ans scolariseacutee en maternelle en situation de handicap moteur lrsquoamenant agrave se deacuteplacer avec un deacuteambulateur a eacuteteacute refuseacutee agrave la cantine degraves la rentreacutee de septembre 2018 au motif que son AESHAVS ne devait arriver qursquoen novembre 2018 Le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits est intervenu tregraves rapidement aupregraves de la mairie du directeur de lrsquoeacutecole maternelle et de la meacutediation acadeacutemique La megravere de lrsquoenfant lrsquoa informeacute degraves mi-septembre 2018 que lrsquoarriveacutee de lrsquoAESHAVS avait eacuteteacute avanceacutee et qursquoune personne avait eacuteteacute deacutesigneacutee pour assister sa fille durant les repas

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 21: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Une commune ne peut refuser drsquoaccueillir un enfant handicapeacute au motif que ce dernier ne beacuteneacuteficie pas de la preacutesence drsquoun accompagnant si la CDAPH a consideacutereacute que lrsquoenfant nrsquoavait pas besoin drsquoun tel accompagnement Mais degraves lors qursquoune deacutecision de la CDPAH preacuteconise le recours agrave une aide humaine sur les temps peacuteriscolaires et notamment meacuteridiens il est important que les parents en informent la mairie celle-ci nrsquoeacutetant pas destinataire de cette deacutecision

Il est agrave noter que la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue un rocircle essentiel en la matiegravere Reacuteguliegraverement ameneacutes agrave intervenir aupregraves des collectiviteacutes afin de leur rappeler que lrsquoabsence drsquoun accompagnant ne peut constituer par elle-mecircme un obstacle agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant lors des temps peacuteriscolaires leurs interventions permettent souvent de reacutetablir le dialogue avec la famille et ont donneacute lieu dans plusieurs cas au maintien ou agrave lrsquoadmission de lrsquoenfant agrave la cantine

Pour le Deacutefenseur des droits une clarification juridique des compeacutetences des MDPH dans ce domaine reste neacuteanmoins drsquoactualiteacute lrsquoeacutevaluation et lrsquoobjectivisation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant constituent un preacutealable neacutecessaire agrave une reacuteponse adapteacutee aux besoins de chaque enfant et agrave une prise en charge raisonneacutee en termes de moyens humains et financiers

Srsquoagissant de la prise en charge des accompagnants les reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits mettent en eacutevidence des difficulteacutes agrave identifier le deacutebiteur de lrsquoobligation de recrutement de lrsquoaccompagnant drsquoune part et de la prise en charge financiegravere de cet accompagnement drsquoautre part Ces questions donnent lieu agrave des interpreacutetations divergentes

Dans une ordonnance en reacutefeacutereacute du 20 avril 2011 le Conseil drsquoEacutetat a consideacutereacute laquo qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif agrave cette fin la prise en charge par celui-ci du financement des emplois des assistants drsquoeacuteducation qursquoil recrute pour lrsquoaide agrave lrsquoaccueil et agrave lrsquointeacutegration scolaires des enfants handicapeacutes en milieu ordinaire nrsquoest pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire raquo

Ce faisant le Conseil drsquoEacutetat reconnaicirct lrsquoobligation pour lrsquoEacutetat de prendre en charge les mesures propres agrave assurer lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et en lrsquooccurrence lrsquoaccegraves agrave la cantine alors mecircme que ces activiteacutes ne relegravevent pas en tant que telles de sa compeacutetence degraves lors que ces mesures apparaissent comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et qursquoelles sont preacuteconiseacutees par la CDAPH

En 2013 la loi de finance ndeg 2013-1278 du 29 deacutecembre 2013 a creacuteeacute le statut des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap (AESH) deacutefini agrave lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation21 Il ressort de ces dispositions que les communes peuvent obtenir une mise agrave disposition par lrsquoeacuteducation nationale drsquoAESH sur les temps peacuteriscolaires Toutefois on peut relever que lrsquoarticle L216-1 du code de lrsquoeacuteducation ne renvoie qursquoaux laquo activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires raquo passant sous silence le reacutegime applicable aux temps meacuteridiens qui ne semblent pas entrer dans ce peacuterimegravetre

21 Le projet de loi de finances pour 2018 preacutevoyait la mobilisation de 10 900 nouveaux emplois drsquoAESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 4 500 recrutements suppleacutementaires directs drsquoAESH par les eacutetablissements au cours de lrsquoanneacutee 2018 Le nombre total de ces creacuteations directes de postes drsquoAESH devrait atteindre 22 500 sur les cinq prochaines anneacutees Pour la rentreacutee 2019-2020 Le projet de loi de finances pour 2019 preacutevoit le financement de 12 400 nouveaux emplois AESH dont 6 400 accompagnants suppleacutementaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aideacutes en AESH et 6 000 AESH suppleacutementaires financeacutes au cours de lrsquoanneacutee 2019 (1 500 recruteacutes en fin drsquoanneacutee 2018 et 4 500 recruteacutes en 2019) Par ailleurs le projet de loi laquo Pour une eacutecole de la confiance raquo actuellement en discussion au Parlement preacutevoit une modification du recrutement des AESH en CDD de 3 ans renouvelable une fois puis en CDI agrave lrsquoissue du nouveau renouvellement (article 5 quinquies du projet de loi agrave lrsquoissue de la premiegravere lecture au Seacutenat)

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 22: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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mdash Lrsquoarticle L 917-1 du code de lrsquoeacuteducation

preacutevoit que laquo des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap peuvent ecirctre recruteacutes pour exercer des fonctions drsquoaide agrave lrsquoinclusion scolaire de ces eacutelegraveves y compris en dehors du temps scolaire Ils sont recruteacutes par lrsquoEacutetat [hellip] Ils peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 916-2 du preacutesent code raquo

Lrsquoarticle L 916-2 du code de lrsquoeacuteducation dispose laquo les assistants drsquoeacuteducation peuvent ecirctre mis agrave la disposition des collectiviteacutes territoriales pour participer aux activiteacutes compleacutementaires preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 ou aux activiteacutes organiseacutees en dehors du temps scolaire dans les eacutecoles et les eacutetablissements drsquoenseignement conformeacutement agrave lrsquoarticle L 212-15 Une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement employeur dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 216-1 preacutecise les conditions de cette mise agrave disposition raquo

Enfin lrsquoarticle L 216-1 du mecircme code preacutecise que laquo les communes deacutepartements ou reacutegions peuvent organiser dans les eacutetablissements scolaires pendant leurs heures drsquoouverture et avec lrsquoaccord des conseils et autoriteacutes responsables de leur fonctionnement des activiteacutes eacuteducatives sportives et culturelles compleacutementaires Ces activiteacutes sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activiteacutes drsquoenseignement et de formation fixeacutees par lrsquoEacutetat Les communes deacutepartements et reacutegions en supportent la charge financiegravere Des agents de lrsquoEacutetat dont la reacutemuneacuteration leur incombe peuvent ecirctre mis agrave leur disposition [hellip] Lrsquoorganisation des activiteacutes susmentionneacutees est fixeacutee par une convention conclue entre la collectiviteacute inteacuteresseacutee et lrsquoeacutetablissement scolaire qui deacutetermine notamment les conditions dans lesquelles les agents de lrsquoEacutetat peuvent ecirctre mis agrave la disposition de la collectiviteacute raquo

mdash

22 CAA Nantes 25 juin 2018 laquo Commune de Plabennec raquo ndeg17NT02963

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 23: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Recommandation ndeg2 Le droit drsquoaccegraves agrave la restauration scolaire passe par la suppression

de toute forme de discrimination agrave lrsquoeacutegard des enfants ou de leur famille quel qursquoen soit le motif Dans cette perspective le Deacutefenseur des droits recommande la mise en conformiteacute de la leacutegislation nationale avec les exigences de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant et agrave cette fin de modifier lrsquoarticle 1er de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 en ces termes laquo La discrimination inclut le refus de mettre en place les ameacutenagements raisonnables requis en faveur des personnes handicapeacutees raquo Il recommande eacutegalement une clarification juridique en ce qui concerne - drsquoune part la compeacutetence des maisons

deacutepartementales des personnes handicapeacutees (MDPH) en matiegravere drsquoeacutevaluation du besoin drsquoaccompagnement de lrsquoenfant sur tous ses temps de vie et notamment sur les temps peacuteriscolaires

- drsquoautre part les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires pour les enfants en situation de handicap srsquoagissant notamment du besoin drsquoaccompagnement

Ce flou juridique engendre drsquoimportantes dispariteacutes territoriales certaines communes financent lrsquoaide humaine sur les temps peacuteriscolaires notamment meacuteridiens drsquoautres srsquoy refusent et renvoient la responsabiliteacute financiegravere aux services acadeacutemiques de lrsquoeacuteducation nationale sur drsquoautres territoires encore les services de lrsquoeacuteducation nationale prennent en charge spontaneacutement ces accompagnements sous la forme de mises agrave disposition aupregraves des communes agrave titre gratuit

La jurisprudence de la cour administrative drsquoappel de Nantes22 nrsquoa pas leveacute lrsquoambiguiumlteacute dans la mesure ougrave elle ne distingue pas le temps meacuteridien dans la globaliteacute des temps peacuteriscolaires retenant la responsabiliteacute de lrsquoEacutetat pour le financement de lrsquointeacutegraliteacute de ces temps laquo Consideacuterant qursquoil incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de prendre lrsquoensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire ait pour les enfants handicapeacutes un caractegravere effectif qursquoagrave cette fin la prise en charge par lrsquoEacutetat du financement des emplois des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap nrsquoest comme indiqueacute au point 4 pas limiteacutee aux interventions pendant le temps scolaire qursquoainsi et degraves lors que lrsquoaccegraves aux activiteacutes peacuteriscolaires apparaicirct comme une composante neacutecessaire agrave la scolarisation de lrsquoenfant et que ces activiteacutes sont preacuteconiseacutees agrave ce titre par la CDAPH il incombe agrave lrsquoEacutetat conformeacutement aux dispositions mentionneacutees au point 3 drsquoassurer la continuiteacute du financement des accompagnants des eacutelegraveves en situation de handicap pendant les activiteacutes peacuteriscolaires et ce alors mecircme que lrsquoorganisation et le financement de celles-ci ne seraient pas de sa compeacutetence qursquoen conseacutequence degraves lors que la CDAPH a eacutemis de telles preacuteconisations ni le fait que ces activiteacutes peacuteriscolaires auraient un caractegravere facultatif ni le fait que les textes applicables ne preacutevoient pas la prise en charge par lrsquoEacutetat des moyens financiers affeacuterents agrave ces activiteacutes peacuteriscolaires ne sauraient deacutegager lrsquoEacutetat de sa responsabiliteacute que les textes lui confegraverent dans ces cas speacutecifiques [hellip] raquo

Une clarification juridique sur les conditions et modaliteacutes de prise en charge des moyens affeacuterents aux activiteacutes peacuteriscolaires et notamment sur le temps de cantine srsquoavegravere donc neacutecessaire

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

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Page 24: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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II La tarification du service de restauration scolaire

un outil au service du droit agrave la cantine

pour tous les enfants mdash

Face au coucirct de la cantine dont la facture annuelle moyenne par enfant serait de lrsquoordre de 400 euros pour le premier degreacute23 certains parents eacuteprouvent parfois des difficulteacutes agrave payer les factures Les mesures prises par certaines collectiviteacutes en la matiegravere

telles que par exemple la mise en place de menus diffeacuterencieacutes peuvent entraicircner des conseacutequences deacutefavorables sur la situation des enfants constitutives de discriminations et contraires agrave leur inteacuterecirct supeacuterieur

Le coucirct de lrsquoinscription agrave la cantine scolaire constitue souvent un obstacle majeur pour les familles les plus pauvres Selon les donneacutees statistiques disponibles 40 des enfants des familles deacutefavoriseacutees ne mangeraient pas agrave la cantine contre 17 des eacutelegraveves issus des cateacutegories socio-professionnelles supeacuterieures Les modulations tarifaires et en particulier la tarification progressive lieacutee au niveau de revenu des parents auxquelles peuvent recourir les collectiviteacutes jouent ainsi un rocircle essentiel pour lrsquoaccegraves agrave la restauration scolaire Ils conditionnent largement lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous

a Moduler les tarifs pour rendre effectif le droit agrave la cantine scolaire mdash

La tarification du service de restauration scolaire est fixeacutee librement par les collectiviteacutes locales Ce service public facultatif est soumis agrave des dispositions speacutecifiques (articles R 351-52 et R 351-53 du code de lrsquoeacuteducation) qui preacutevoient la possibiliteacute de modulations tarifaires agrave la condition que celles-ci ne se traduisent pas par une tarification supeacuterieure au coucirct par usager24

Lorsque la collectiviteacute en fait le choix les diffeacuterenciations tarifaires doivent en tout eacutetat de cause pour se conformer au principe drsquoeacutegaliteacute drsquoaccegraves des usagers au service public soit reacutesulter drsquoune loi soit traduire des diffeacuterences de situation appreacuteciables entre les usagers soit ecirctre imposeacutee par une neacutecessiteacute drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral en rapport avec les conditions drsquoexploitation du service25

23 A MATH op cit p 33 24 R 351-52 du code de lrsquoeacuteducation laquo Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux eacutelegraveves des eacutecoles maternelles des eacutecoles eacuteleacutementaires

des collegraveges et des lyceacutees de lrsquoenseignement public sont fixeacutes par la collectiviteacute territoriale qui en a la charge raquo Article R 351-53 du mecircme code laquo Les tarifs mentionneacutes agrave lrsquoarticle R 531-52 ne peuvent y compris lorsqursquoune modulation est appliqueacutee ecirctre supeacuterieurs au coucirct par usager reacutesultant des charges supporteacutees au titre du service de restauration apregraves deacuteduction des subventions de toute nature beacuteneacuteficiant agrave ce service raquo

25 CE 2 deacutecembre 1987 laquo Commune de Romainville raquo ndeg71028

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 25: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Lrsquoapplication drsquoun tarif laquo hors commune raquo aux enfants en situation de handicap scolariseacutes en classe ULIS peut constituer une discrimination Les collectiviteacutes locales modulent freacutequemment le coucirct du repas en fonction de la domiciliation des eacutelegraveves Dans ce cas la collectiviteacute fixe souvent un tarif plus eacuteleveacute pour les enfants reacutesidant hors de la collectiviteacute (un tarif laquo exteacuterieur raquo) les parents nrsquoeacutetant pas contribuables de celles-ci La jurisprudence administrative admet ces diffeacuterenciations tarifaires sous certaines reacuteserves notamment lrsquoappreacuteciation du lien de lrsquoenfant ou de sa famille avec la commune drsquoaccueil26

Comme le reflegravetent plusieurs reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits ce mode de tarification peut srsquoaveacuterer preacutejudiciable aux eacutelegraveves scolariseacutes en Uniteacutes locales pour lrsquoinclusion scolaire (ULIS) qui peuvent se voir appliquer un tarif hors commune raquo

Modaliteacute de scolarisation de certains enfants en situation de handicap les ULIS deacutecrites par la circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de lrsquoEducation Nationale27 sont des laquo dispositifs ouverts qui constituent une des modaliteacutes de mise en œuvre de lrsquoaccessibiliteacute peacutedagogique Les eacutelegraveves orienteacutes en Ulis sont ceux qui en plus des ameacutenagements et adaptations peacutedagogiques et des mesures de compensation mis en œuvre par les eacutequipes eacuteducatives neacutecessitent un enseignement adapteacute dans le cadre de regroupements raquo

Pour le Deacutefenseur des droits la tarification choisie par les collectiviteacutes ne doit en aucun cas geacuteneacuterer des discriminations entre enfants fondeacutees sur un motif prohibeacute En outre la mise en place drsquoune tarification progressive assise sur le niveau de revenu des parents apparaicirct de nature agrave favoriser lrsquoaccegraves de tous les enfants agrave la restauration scolaire y compris des plus pauvres

26 CE 13 mai 1994 laquo Commune de Dreux raquo ndeg116549 27 Circulaire ndeg2015-129 du 21 aoucirct 2015 du ministegravere de

lrsquoEducation Nationale Uniteacutes localiseacutees pour lrsquoinclusion scolaire (Ulis) dispositifs pour la scolarisation des eacutelegraveves en situation de handicap dans le premier et le second degreacutes NOR MENE1504950C httpwwweducationgouvfrpid285bulletin_officielhtmlcid_bo=91826

Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute saisi des difficulteacutes drsquoaccegraves agrave la cantine de plusieurs enfants issus drsquoune communauteacute rom installeacutee sur un

bidonville drsquoune commune La mairie refusant de consideacuterer les familles comme reacutesidents sur le territoire de la commune les enfants se voyaient appliquer le tarif correspondant aux personnes exteacuterieures agrave la commune tarif tregraves eacuteleveacute par rapport agrave la moyenne de cette cateacutegorie (14 euro) Les familles ne pouvant acquitter ce tarif les enfants ne pouvaient acceacuteder au service de restauration scolaire Par deacutecision ndeg2016-099 du 21 avril 2016 le Deacutefenseur des droits a recommandeacute que le tarif appliqueacute aux enfants reacutesidant dans des campements soit adapteacute aux ressources des familles La commune a refuseacute de donner suite agrave cette demande Le Deacutefenseur des droits a contacteacute lrsquoUNICEF dans le cadre de ce dossier pour signaler que la ville concerneacutee beacuteneacuteficiait du label laquo Ville amie des enfants raquo ce qui a conduit lrsquoUNICEF agrave mettre en garde la ville sur la possibiliteacute du retrait de ce label

Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement eacuteteacute saisi du cas drsquoune commune qui a creacuteeacute agrave lrsquooccasion drsquoune mise agrave jour de sa grille tarifaire de cantine une cateacutegorie deacutenommeacutee laquo enfant du voyage raquo Le montant correspondant agrave cette cateacutegorie (non deacutecrite par la deacutelibeacuteration) srsquoaveacuterait le plus eacuteleveacute de toutes les tranches tarifaires agrave lrsquoexception de celle reacuteserveacutee aux personnes exteacuterieures agrave la commune (le tarif se situant juste en dessous de celle-ci) Le Deacutefenseur des droits a fait valoir aupregraves de la mairie le caractegravere discriminatoire de cette cateacutegorie tarifaire Le conseil municipal a mis en place un comiteacute de pilotage associant les parents drsquoeacutelegraveves dans le cadre de la refonte de la grille tarifaire preacutevue en juin 2019 La mairie a confirmeacute au Deacutefenseur des droits avoir supprimeacute cette cateacutegorie de sa grille tarifaire

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 26: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Lrsquoarticle L 351-1 du code de lrsquoeacuteducation preacutevoit que lrsquoorientation drsquoun eacutelegraveve en ULIS relegraveve drsquoune deacutecision de la CDAPH28 En effet les enfants en situation de handicap beacuteneacuteficient drsquoun projet personnaliseacute de scolarisation (PPS) eacutevalueacute au regard des besoins de lrsquoenfant par une eacutequipe pluridisciplinaire au sein de la Maison Deacutepartementale des Personnes Handicapeacutees (MDPH) Une deacutecision drsquoorientation scolaire en fonction de ce PPS est ensuite valideacutee par la CDAPH Cette deacutecision srsquoimpose agrave lrsquoEducation nationale tout comme aux parents qui peuvent en faire appel srsquoils la contestent

Toutefois dans la mesure ougrave il nrsquoexiste pas de dispositif ULIS dans toutes les communes la direction deacutepartementale des services de lrsquoEducation nationale veillant agrave leur reacutepartition sur le territoire les parents nrsquoont parfois pas le choix de lrsquoeacutecole drsquoaffectation la deacutecision de la CDAPH srsquoimposant agrave eux Il est ainsi freacutequent que les enfants porteurs de handicap ne soient pas scolariseacutes sur leur lieu de reacutesidence mais dans une commune plus eacuteloigneacutee

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication drsquoun tarif maximum constitue une discrimination indirecte fondeacutee sur le handicap des enfants En effet cette mesure apparemment neutre applicable agrave tous les eacutelegraveves ne reacutesidant pas dans la commune creacutee un deacutesavantage particulier pour les enfants scolariseacutes en ULIS dont les parents ne peuvent choisir librement le lieu de scolarisation (deacutecisions ndeg2018-095 et ndeg2018-268)

Ne pas reacuteduire le tarif de la restauration scolaire pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun panier-repas dans le cadre drsquoun Projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacuteLe PAI coordonneacute par le meacutedecin de la protection maternelle et infantile ou le meacutedecin scolaire deacutefinit et organise lrsquoaccueil des enfants atteints de pathologie ou de maladie chronique Dans ce cadre les enfants sont accueillis au sein du service de restauration scolaire ougrave ils peuvent consommer le panier-repas fourni par les parents Le service de restauration scolaire fournit les locaux le personnel et assure la seacutecuriteacute et la surveillance de lrsquoenfant durant la pause meacuteridienne mais ne lui fournit pas le repas

28 laquo Les enfants et adolescents preacutesentant un handicap ou un trouble de santeacute invalidant sont scolariseacutes dans les eacutecoles maternelles et eacuteleacutementaires et les eacutetablissements viseacutes aux articles L 213-2 L 214-6 L 422-1 L 422-2 et L 442-1 du preacutesent code et aux articles L 811-8 et L 813-1 du code rural et de la pecircche maritime si neacutecessaire au sein de dispositifs adapteacutes lorsque ce mode de scolarisation reacutepond aux besoins des eacutelegraveves Les parents sont eacutetroitement associeacutes agrave la deacutecision drsquoorientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix La deacutecision est prise par la commission mentionneacutee agrave lrsquoarticle L 146-9 du code de lrsquoaction sociale et des familles en accord avec les parents ou le repreacutesentant leacutegal A deacutefaut les proceacutedures de conciliation et de recours preacutevues aux articles L 146-10 et L 241-9 du mecircme code srsquoappliquent raquo

Recommandation ndeg3 Le Deacutefenseur des droits recommande eu eacutegard agrave

lrsquoabsence de liberteacute de choix des parents dans lrsquoaffectation des enfants en ULIS que la tarification du service de restauration scolaire ne soit pas diffeacuterente pour les eacutelegraveves reacutesidant dans une commune autre que la commune drsquoimplantation de lrsquoULIS

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 27: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Afin de tenir compte de la diffeacuterence de situation de ces eacutelegraveves certaines collectiviteacutes preacutevoient un tarif speacutecifique en geacuteneacuteral minoreacute pour les familles placeacutees dans cette situation pour tenir compte des charges fixes du service mises agrave la disposition de lrsquoenfant

Drsquoautres collectiviteacutes ont fait au contraire le choix de facturer un tarif normal aux familles placeacutees dans cette situation Ces modaliteacutes de tarifications donnent lieu agrave un certain nombre de litiges dont le Deacutefenseur des droits est saisi

Pour celui-ci cette absence de modulation tarifaire conduit agrave nier la diffeacuterence de situation objective existant entre les enfants accueillis au sein du service de restauration scolaire certains beacuteneacuteficiant de la prestation complegravete de restauration drsquoautres uniquement drsquoune partie Si cette situation meacuteconnaicirct le principe de proportionnaliteacute du service rendu elle constitue surtout une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant dont la situation particuliegravere appelle un traitement plus favorable

Cette discrimination est encore plus flagrante lorsque le prix des repas est majoreacute comme crsquoest parfois le cas

Un deacuteleacutegueacute territorial a eacuteteacute saisi du cas de deux familles dont les enfants soumis agrave un reacutegime alimentaire strict du fait de

leurs allergies eacutetaient accueillis au service de restauration scolaire par le biais drsquoun PAI avec fourniture drsquoun panier-repas La mairie retranchait 050 euro du tarif du repas soit un tarif de 495 euro que les familles trouvaient tregraves eacuteleveacute par rapport aux autres familles beacuteneacuteficiant du repas classique sur place Apregraves intervention du deacuteleacutegueacute la mairie a accepteacute de modifier la grille de tarification du repas de 50 pour les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI avec panier-repas soit 273 euro

Une mairie a deacutecideacute de modifier sa grille de tarification du service de restauration scolaire en appliquant un surcoucirct constant de 515 euro pour les familles beacuteneacuteficiant drsquoun PAI par rapport au repas classique pour les 20 tranches deacutefinies par le conseil municipal Le Deacutefenseur des droits est intervenu aupregraves de la mairie pour lui signaler que les familles recourant agrave un PAI se trouvaient donc peacutenaliseacutees par rapport aux familles dont les enfants prennent des repas classiques la progressiviteacute du tarif nrsquoeacutetant pas effective pour toutes les familles Le Deacutefenseur des droits a souligneacute le caractegravere potentiellement discriminatoire eu eacutegard agrave lrsquoeacutetat de santeacute des enfants de ce mode de tarification La deacutelibeacuteration ayant eacutegalement fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux et agrave la suite de lrsquointervention du Deacutefenseur des droits le conseil municipal a finalement modifieacute agrave nouveau la grille tarifaire pour appliquer la progressiviteacute du tarif pour toutes les familles recourant agrave un PAI ou non

Recommandation ndeg4 Le Deacutefenseur des droits recommande que la tarification de

lrsquoaccueil au service de restauration scolaire dans le cas de conclusion drsquoun PAI avec panier-repas soit systeacutematiquement minoreacutee pour tenir compte de la fourniture du repas par les parents

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 28: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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b Factures de cantine non reacutegleacutees les enfants ne doivent pas payer pour les parents mdash

En deacutepit des modulations tarifaires les familles confronteacutees agrave des difficulteacutes financiegraveres peuvent se trouver dans lrsquoincapaciteacute de reacutegler le montant des sommes dues mecircme modestes

Face agrave ces situations certaines collectiviteacutes choisissent drsquoexclure les eacutelegraveves Drsquoautres srsquoinspirant des pratiques de laquo deacutejeuner humiliant raquo deacuteveloppeacutees notamment aux Etats-Unis preacutefegraverent quant agrave elles fournir aux enfants un repas diffeacuterent de celui servi aux autres eacutelegraveves afin de faire pression sur les parents

Dans tous ces cas le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que le recouvrement des factures impayeacutees doit ecirctre meneacute uniquement entre les collectiviteacutes et les parents et doit au maximum eacuteviter drsquoaffecter les enfants

Les exclusions pour impayeacutes une remise en cause de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se saisir drsquooffice de plusieurs cas drsquoexclusion drsquoeacutelegraveves dont les familles se trouvaient redevables drsquoimpayeacutes vis-agrave-vis de la collectiviteacute celles-ci ayant pu conduire agrave mettre en cause lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

Aux termes des dispositions de lrsquoarticle 2 de la Convention internationale relative aux droits de lrsquoenfant (CIDE) laquo les Etats parties srsquoengagent agrave respecter les droits qui sont eacutenonceacutes dans la preacutesente Convention et agrave les garantir agrave

tout enfant relevant de leur juridiction sans distinction aucune indeacutependamment de toute consideacuteration de race de couleur de sexe de langue de religion drsquoopinion politique ou autre de lrsquoenfant ou de ses parents ou repreacutesentants leacutegaux de leur origine nationale ethnique ou sociale de leur situation de fortune de leur incapaciteacute de leur naissance ou de toute autre situation raquo Ils laquo prennent toutes les mesures approprieacutees pour que lrsquoenfant soit effectivement proteacutegeacute contre toutes formes de discrimination ou de sanction motiveacutees par la situation juridique les activiteacutes les opinions deacuteclareacutees ou les convictions de ses parents de ses repreacutesentants leacutegaux ou des membres de sa famille raquo

En vertu des dispositions de lrsquoarticle 3 du mecircme texte laquo dans toutes les deacutecisions qui concernent les enfants qursquoelles soient le fait des institutions publiques ou priveacutees de protection sociale des tribunaux des autoriteacutes administratives ou des organes leacutegislatifs lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une consideacuteration primordiale raquo

Pour le juge administratif le regraveglement inteacuterieur doit preacutevoir lrsquoensemble des sanctions possibles et ecirctre porteacute agrave la connaissance des usagers du service public de la restauration scolaire29

A lrsquooccasion de la publication du rapport de 2013 et conformeacutement aux objectifs poursuivis par la CIDE le Deacutefenseur des droits avait preacuteconiseacute lrsquoenvoi drsquoune premiegravere relance de la facture impayeacutee proposant une rencontre avec les parents puis eacuteventuellement drsquoune seconde relance orientant les parents vers le CCAS de la commune

29 CE Sect 9 octobre 1996 laquo Socieacuteteacute Prigest raquo ndeg170363 Selon les conclusions du commissaire du gouvernement sous le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 septembre 1998 laquo lrsquoexclusion automatique de lrsquoeacutelegraveve degraves le deuxiegraveme rappel sans que le regraveglement ne distingue selon lrsquoimportance des sommes ni ne preacutecise le deacutelai entre les deux rappels et ne preacutevoit aucune proceacutedure contradictoire [hellip] paraicirct une mesure disproportionneacutee raquo

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 29: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Pour le Deacutefenseur des droits si dans le cas ougrave ces deacutemarches se reacutevegravelent infructueuses la collectiviteacute peut eacutemettre un titre de recettes et poursuivre le recouvrement celles-ci doivent ecirctre strictement limiteacutees agrave des eacutechanges entre les titulaires de lrsquoautoriteacute parentale et la collectiviteacute

Le Deacutefenseur des droits a ainsi recommandeacute agrave propos de lrsquoexclusion drsquoune fillette de cinq ans escorteacutee hors du restaurant scolaire par une policiegravere municipale en raison de factures de cantine impayeacutees de clarifier les proceacutedures de recouvrement et drsquoexclure ce type de deacutemarche traumatisante pour lrsquoenfant concerneacutee et ses camarades teacutemoins de la scegravene Il est en effet inacceptable eu eacutegard notamment agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant que de telles mesures soient mises en œuvre celles-ci constituant eacutegalement un manquement agrave la deacuteontologie commis par la policiegravere municipale concerneacutee30

En la matiegravere la meacutediation reacutealiseacutee par les deacuteleacutegueacutes territoriaux du Deacutefenseur des droits joue souvent un rocircle essentiel Geacuteneacuteralement agrave lrsquoissue de reacuteunions associant lrsquoensemble des parties (collectiviteacute parents parfois meacutediation acadeacutemique) une solution est trouveacutee permettant aux enfants drsquoecirctre agrave nouveau accueillis au sein du service de restauration scolaire

Repas diffeacuterencieacutes pour les enfants dont les familles sont redevables drsquoimpayeacutes srsquoopposer agrave lrsquoimportation de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo Face aux factures de cantines impayeacutees quelques collectiviteacutes ont fait le choix de servir aux eacutelegraveves concerneacutes sans les exclure du service un repas diffeacuterent de celui de leurs camarades

Cette pratique des menus diffeacuterencieacutes observeacutee aux Etats-Unis sous le nom de laquo deacutejeuner humiliant raquo apparaicirct comme un moyen de pression sur les parents pour les amener agrave reacutegler les factures impayeacutees

Pour le Deacutefenseur des droits elle constitue une discrimination fondeacutee sur la situation reacuteelle ou supposeacutee de particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique de la famille contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant en application des stipulations preacuteciteacutees des articles 2 et 3 de la CIDE Lrsquoenfant placeacute dans une telle situation fait lrsquoobjet drsquoune diffeacuterence de traitement deacutefavorable par rapport agrave ses camarades en raison drsquoune situation dont il ne peut ecirctre tenu pour responsable et sur laquelle il est deacutepourvu de toute possibiliteacute drsquoaction

30 Deacutecision ndeg MSP-MDE-MDS2013-125 du Deacutefenseur des droits du 11 juin 2013

Un maire a deacutecideacute drsquoexclure de la cantine pour la rentreacutee 2018 les trois plus jeunes enfants drsquoune megravere de 5 enfants inscrite dans

une proceacutedure de surendettement en raison drsquoune dette de 1 200 euro pourtant effaceacutee par la commission de surendettement Apregraves une reacuteunion de meacutediation associant le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire les services sociaux le CCAS et la reacuteclamante un protocole drsquoaccord a eacuteteacute signeacute permettant la reacuteinteacutegration des enfants agrave la cantine en septembre 2018 la megravere srsquoeacutetant en particulier engageacutee agrave reacutegler le paiement preacutealable des tickets

Un maire a exclu de la cantine plusieurs enfants en raison de factures impayeacutees Apregraves plusieurs eacutechanges teacuteleacutephoniques avec le deacuteleacutegueacute du Deacutefenseur des droits le maire a accepteacute de retirer sa deacutecision et a admis que les enfants ne devaient pas ecirctre peacutenaliseacutes par des litiges concernant les parents

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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38

Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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41

Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 30: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le Deacutefenseur des droits srsquoest saisi drsquooffice (deacutecision ndeg2017-141) de la deacutecision drsquoun maire relayeacutee par les meacutedias de

servir aux enfants dont les parents nrsquoavaient pas acquitteacute leurs factures de cantine un repas composeacute essentiellement de raviolis diffeacuterent de celui servi aux autres enfants Il a deacutenonceacute agrave la fois la discrimination fondeacutee sur la particuliegravere vulneacuterabiliteacute eacuteconomique prohibeacutee par lrsquoarticle 1er de la loi ndeg 2008-496 du 27 mai 2008 et le caractegravere stigmatisant de cette mesure contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Le Deacutefenseur des droits a pris acte de la suppression de la mesure et rappeleacute la neacutecessiteacute de concilier le systegraveme de tarification des cantines scolaires avec lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Il a en outre recommandeacute agrave lrsquoAssociation des maires de France (AMF) de diffuser aupregraves de ses membres cette deacutecision condamnant lrsquoimportation en France de la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo (deacutecision 2018-063)

Dans un second cas un maire a deacutecideacute de servir un repas diffeacuterencieacute aux enfants dont lrsquoinscription agrave la cantine nrsquoavait pas eacuteteacute reacutegulariseacutee par les parents Apregraves srsquoecirctre lagrave encore saisi drsquooffice de la question le Deacutefenseur des droits a rappeleacute sa deacutecision preacuteceacutedente et inviteacute la mairie agrave utiliser la possibiliteacute preacutevue dans son regraveglement inteacuterieur de servir les mecircmes repas agrave tous les enfants mecircme en cas de deacutefaut drsquoinscription au titre de la force majeure La commune a indiqueacute qursquoelle ferait deacutesormais usage de cette possibiliteacute et a confirmeacute que la reacutegularisation des inscriptions se deacuteroulerait deacutesormais strictement entre les parents et la mairie sans impact sur les enfants (deacutecision ndeg2018-237)

En effet le service de repas diffeacuterencieacutes aux enfants dont les parents sont redevables de factures impayeacutees ne saurait constituer eu eacutegard agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant un moyen neacutecessaire et approprieacute de poursuivre le recouvrement des factures bien que celui-ci puisse ecirctre consideacutereacute comme un objectif leacutegitime Degraves lors ces pratiques sont susceptibles de reacuteveacuteler lrsquoexistence drsquoune discrimination prohibeacutee tant par les dispositions de la loi du 27 mai 2008 que par lrsquoarticle L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation qui preacutevoit qursquo laquo il ne peut ecirctre eacutetabli aucune discrimination selon [la] situation [des enfants] ou celle de leur famille raquo

Le Deacutefenseur des droits appelle donc lrsquoensemble des collectiviteacutes confronteacutees agrave des difficulteacutes de paiement des factures de restauration scolaire agrave abandonner ce type de pratiques et agrave renouer le dialogue avec les parents

Vers la gratuiteacute des repas Un premier pas la cantine agrave 1 euroLe problegraveme poseacute aux familles preacutecaires par le coucirct de la cantine a conduit agrave faire eacutemerger une proposition de loi preacutesenteacutee par M Gaeumll Le Bohec deacuteputeacute drsquoIlle-et-Vilaine le 7 mars 2018 visant agrave inciter les collectiviteacutes compeacutetentes agrave creacuteer cinq tranches tarifaires dont la premiegravere serait gratuite31

Pour le Deacutefenseur des droits si les dispositions de la loi ndeg2008-496 du 27 mai 2008 autorisent des diffeacuterences de traitement lorsqursquoelles srsquoinscrivent dans la poursuite drsquoun but leacutegitime et srsquoopegraverent par des moyens neacutecessaires et approprieacutes le laquo deacutejeuner humiliant raquo ne saurait en aucun cas faire lrsquoobjet de telles justifications

Recommandation ndeg5 Le Deacutefenseur des droits rappelle que les impayeacutes doivent

uniquement faire lrsquoobjet de proceacutedures entre les collectiviteacutes et les parents sans impact sur les enfants Il appelle agrave bannir la pratique du laquo deacutejeuner humiliant raquo visant agrave servir aux enfants des menus diffeacuterencieacutes afin de faire pression sur les parents et ne pas recourir aux exclusions

31 Proposition de loi du 7 mars 2018 relative agrave la tarification de la restauration scolaire creacuteant un nouvel article L 533-3 du code de lrsquoeacuteducation (en Annexe)

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 31: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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La gratuiteacute permettrait en effet aux familles les plus fragiles de garantir lrsquoinscription de leurs enfants au service de restauration scolaire Elle reacutepond agrave ce titre agrave la vocation sociale de ce service souvent rappeleacutee au cours des deacutebats parlementaires ayant preacuteceacutedeacute lrsquoadoption de la loi Egaliteacute et citoyenneteacute et apparaicirct de nature agrave ameacuteliorer les conditions drsquoapprentissage des enfants vivant dans des familles preacutecaires

Cette modulation des tarifs en consideacuteration de la situation de la famille semble drsquoautant plus opportune que comme le souligne le rapport preacuteciteacute sur laquo Lrsquoaccegraves agrave la cantine scolaire pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees raquo32 dans les faits celle-ci est plutocirct pratiqueacutee dans les moyennes et grandes agglomeacuterations beaucoup moins dans les petites communes parfois reacuteticentes agrave recueillir les informations personnelles de leurs administreacutes

A cet eacutegard compte tenu des contraintes de financement des communes il convient de lever les incertitudes sur la compensation par lrsquoEtat de cette deacutepense pour les collectiviteacutes qui demeure incertaine (bien que le projet de loi preacutevoie un tel meacutecanisme)

Face au risque drsquoune deacutevalorisation du service releveacute par le Deacutefenseur des droits en 2013 une seconde option apparaicirct qui figure dans la

Strateacutegie nationale de lutte contre la pauvreteacute le repas de cantine agrave 1 euro annonceacute par le gouvernement le 7 avril 201933

Cette mesure dont la mise en œuvre eacutetait annonceacutee pour la fin du mois drsquoavril 2019 dans environ 10 000 communes vise essentiellement les communes rurales de 100 agrave 1 000 habitants qui pour la plupart pratiquent un tarif unique du repas de cantine plus deacutefavorable aux familles modestes Le caractegravere incitatif du dispositif repose sur lrsquoaide de 2 euro par repas que le gouvernement srsquoest engageacute agrave verser aux collectiviteacutes inteacutegrant le dispositif

Si les modaliteacutes pratiques de deacuteploiement de cette tarification peuvent susciter des interrogations et des critiques tant sur le montant moyen du coucirct de revient des repas retenu par le gouvernement (450 euro) que sur son deacutecalage avec la reacutealiteacute du terrain certaines collectiviteacutes proposant deacutejagrave une tarification infeacuterieure agrave 1 euro pour les tranches de facturation les plus basses34 il nrsquoen demeure pas moins que cette mesure srsquoavegravere de nature agrave renforcer lrsquoeffectiviteacute du droit agrave lrsquoinscription agrave la cantine pour les enfants scolariseacutes en particulier pour les enfants de familles deacutefavoriseacutees

32 Op cit p 38 et suivantes 33 JDD 7 avril 2019 laquo La secreacutetaire drsquoEtat Christelle Dubos sur le plan pauvreteacute ldquoNous lanccedilons la cantine agrave 1 euro raquo

httpswwwlejddfrSocietela-secretaire-detat-christelle-dubos-sur-le-plan-pauvrete-nous-lancons-la-cantine-a-1-euro-388752234 Gazette des communes 11 avril 2019 laquo Cantine agrave 1 euro lrsquoAMF deacutenonce un effet drsquoannonce raquo

httpswwwlagazettedescommunescom617322cantine-a-1-euro-lamf-denonce-un-effet-dannonceutm_source=quotidienamputm_medium=Emailamputm_campaign=2019-04-11-

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 32: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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III La composition des repas au centre

de toutes les attentions mdash

De nombreux troubles de santeacute (diabegravete allergies etc) imposent aux enfants de respecter certaines prescriptions alimentaires drsquoordre meacutedical

Srsquoagissant des allergies les donneacutees publieacutees par lrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute sanitaire de lrsquoalimentation de lrsquoenvironnement et du travail (ANSES) font eacutetat drsquoune proportion de 45 drsquoenfants souffrant drsquoune allergie ou drsquoune intoleacuterance alimentaire35 Si la diversiteacute meacutethodologique de recueil des donneacutees ne permet pas agrave lrsquoheure actuelle drsquoeacutetablir avec preacutecision la preacutevalence des allergies et intoleacuterances alimentaires chez les enfants les chiffres recueillis par les diffeacuterentes eacutetudes deacutemontrent neacuteanmoins une augmentation reacuteguliegravere du nombre drsquoenfants concerneacutes depuis la fin des anneacutees 1990

En fonction de lrsquoeacutetat de santeacute de lrsquoenfant son accueil au sein du service de restauration scolaire peut neacutecessiter lrsquoeacutetablissement drsquoun Projet drsquoAccueil Individualiseacute avec ou sans fourniture drsquoun panier-repas par les parents

La circulaire ministeacuterielle ndeg2003-135 du 8 septembre 2003 relative agrave lrsquoaccueil en collectiviteacute des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santeacute eacutevoluant sur une longue peacuteriode deacutefinit les ameacutenagements qursquoil convient de mettre en place afin que tout enfant ayant besoin drsquoun reacutegime alimentaire particulier puisse profiter des services de restauration collective36 soit gracircce agrave la fourniture drsquoun plateau-repas speacutecifique cuisineacute par les services soit drsquoun panier-repas fourni par la famille Dans tous les cas ougrave un reacutegime speacutecifique ne peut ecirctre mis en

Le Deacutefenseur des droits constate que le choix des menus cristallise de plus en plus de nombreux deacutebats qui traversent la socieacuteteacute agrave lrsquoheure actuelle touchant aux convictions religieuses et aux interdits alimentaires qui peuvent srsquoy attacher aux convictions philosophiques visant les modes drsquoalimentation et en deacutefinitive agrave la place qui doit leur revenir dans le champ eacuteducatif

a Recourir au Projet drsquoAccueil Individualiseacute (PAI) pour adapter les menus aux troubles de santeacute des enfants mdash

35 Cf lrsquoavis de lrsquoANSES relatif agrave lrsquoactualisation des donneacutees du rapport laquo allergies alimentaires raquo eacutetat des lieux et propositions drsquoorientations 3 deacutecembre 2018 httpswwwansesfrfrsystemfilesNUT2015SA0257pdf

36 Ces modaliteacutes sont les suivantes bull soit les services de restauration fournissent des repas adapteacutes au reacutegime particulier en application des recommandations du meacutedecin prescripteur bull soit lrsquoenfant consomme dans les lieux preacutevus pour la restauration collective le panier-repas fourni par les parents selon des modaliteacutes deacutefinies dans le projet drsquoaccueil individualiseacute (PAI) Dans ce cas la famille assume la pleine et entiegravere responsabiliteacute de la fourniture du repas (composants couverts conditionnements et contenants neacutecessaires au transport et au stockage de lrsquoensemble)

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 33: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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place conformeacutement aux dispositions de la circulaire interministeacuterielle ndeg2001-118 du 25 juin 2001 relative agrave la composition des repas servis en restauration scolaire et agrave la seacutecuriteacute des aliments les paniers-repas peuvent ecirctre autoriseacutes

Le PAI est un protocole eacutetabli par eacutecrit entre les parents le responsable drsquoeacutetablissement scolaire (en concertation avec lrsquoeacutequipe eacuteducative) le meacutedecin scolaire (en concertation avec le meacutedecin traitant) le maire ou son repreacutesentant qui a pour objet drsquoorganiser dans le respect des compeacutetences de chacun et compte tenu des besoins speacutecifiques de lrsquoenfant les modaliteacutes particuliegraveres de son accueil et de fixer les conditions drsquointervention des diffeacuterents partenaires Y sont notamment preacuteciseacutes les reacutegimes alimentaires les conditions des prises de repas les interventions meacutedicales parameacutedicales ou de soutien leur freacutequence leur dureacutee leur contenu les meacutethodes et les ameacutenagements souhaiteacutes

Selon la nature du trouble de santeacute il appartient au meacutedecin prescripteur drsquoadresser au meacutedecin scolaire avec lrsquoautorisation des parents la prescription ou non drsquoun reacutegime alimentaire les demandes drsquoameacutenagements speacutecifiques qursquoil convient drsquoapporter dans le cadre de la collectiviteacute lrsquoordonnance qui indique avec preacutecision le meacutedicament qursquoil convient drsquoadministrer nom doses et horaires Crsquoest agrave partir de ces eacuteleacutements que le PAI sera mis au point par le chef drsquoeacutetablissement avec le meacutedecin scolaire Le protocole drsquourgence le cas eacutecheacuteant est joint dans son inteacutegraliteacute au PAI

Comme le montrent certaines reacuteclamations adresseacutees au Deacutefenseur des droits les parents souhaitent parfois fournir eux-mecircmes des paniers-repas plutocirct que beacuteneacuteficier des repas speacutecifiques confectionneacutes par le service de restauration scolaire Toutefois ce choix nrsquoest pas laisseacute aux familles crsquoest bien la collectiviteacute qui met en place la modaliteacute de son choix pour

permettre lrsquoaccueil de tous les enfants elle respecte en ce sens ses obligations drsquoaccueillir tous les enfants sans discrimination et en mettant les ameacutenagements neacutecessaires en place Les parents ne peuvent donc pas exiger que des paniers-repas soient accepteacutes si la municipaliteacute fournit par ailleurs des plateaux-repas adapteacutes

Seule une eacutevaluation meacutedicale peut ecirctre prise en compte par les services de restauration scolaire pour modifier les menus voire les modaliteacutes des repas En effet le PAI est avant tout un document se fondant sur une eacutevaluation meacutedicale de la situation de lrsquoenfant et de ses besoins ni la famille ni les mairies ne peuvent se substituer agrave cet avis meacutedical

Dans le cas ougrave lrsquoalimentation en restauration collective serait impossible sous ces deux formes la circulaire preacutecise qursquoil convient alors drsquoorganiser au niveau local les modaliteacutes permettant drsquoapporter une aide aux familles en srsquoappuyant eacuteventuellement sur les expeacuteriences pilotes mettant en œuvre un reacutegime speacutecifique La circulaire de 2003 serait en cours drsquoactualisation afin de permettre drsquoautres modaliteacutes de mise en œuvre de PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve que plusieurs cas de refus drsquoaccegraves agrave la cantine dont il a eu agrave connaicirctre concernaient des enfants allergiques ou intoleacuterants agrave certains aliments certains sans protocole drsquourgence pour lesquels une eacuteviction simple de lrsquoaliment en cause aurait eacuteteacute possible

Le Deacutefenseur des droits rappelle que les services doivent eacutetudier la situation de chaque enfant au cas par cas et qursquoune exclusion du service de restauration scolaire est susceptible de constituer une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute De mecircme tout regraveglement tendant agrave refuser systeacutematiquement lrsquoadmission de ces enfants en raison de lrsquoexistence drsquoun PAI pourrait ecirctre consideacutereacute comme illeacutegal en raison de son caractegravere discriminatoire37

37 CAA Marseille 9 mars 2009 laquo Ville de Marseille raquo ndeg08MA03041 concernant lrsquoaccegraves des enfants allergiques agrave une cregraveche municipale de la commune de Marseille sur le temps des repas La CAA a jugeacute que laquo les dispositions du regraveglement inteacuterieur des cregraveches de la ville qui aboutissent agrave exclure de maniegravere systeacutematique drsquoun accueil en cregraveche durant la peacuteriode des repas sans prise en compte du degreacute ou de la complexiteacute de lrsquointoleacuterance dont il est affecteacute tout enfant atteint drsquoune allergie alimentaire meacuteconnaicirct le principe drsquoeacutegaliteacute de traitement en eacutetablissant une discrimination fondeacutee sur lrsquoeacutetat de santeacute des enfants raquo

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 34: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Un enfant de petite section de maternelle allergique aux proteacuteines de lait beacuteneacuteficiait drsquoun PAI impliquant la preacuteparation

drsquoun panier-repas par les parents qui pouvait ecirctre consommeacute dans la salle commune du restaurant scolaire avec ses camarades La mairie a cependant deacutecideacute de faire deacutejeuner lrsquoenfant agrave une table isoleacutee dans une autre salle Apregraves une premiegravere intervention du Deacutefenseur des droits un accord a eacuteteacute trouveacute entre les parties qui permettait agrave lrsquoenfant de deacutejeuner avec ses camarades sous la surveillance drsquoun animateur

Cependant quelques anneacutees plus tard la famille a de nouveau saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que les conditions du repas nrsquoavaient pas eacutevolueacute alors que leur fils ne souffrait plus drsquoallergie le PAI ayant eacuteteacute modifieacute pour inteacutegrer sa seacutelectiviteacute alimentaire

induite par son handicap (trouble du spectre de lrsquoautisme ndash TSA) Bien que lrsquoenfant ait ducirc toujours srsquoalimenter via un panier-repas en raison de son handicap sensoriel aucune contre-indication nrsquoeacutetait formuleacutee concernant la prise des repas en commun avec ses camarades Le Deacutefenseur des droits a souligneacute aupregraves de la mairie que cette deacutecision drsquoisoler les enfants beacuteneacuteficiant drsquoun PAI sur le temps meacuteridien avait un caractegravere discriminatoire et srsquoaveacuterait contraire agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-025) Le maire a fait savoir au Deacutefenseur des droits qursquoil faisait modifier le regraveglement de service et autorisait lrsquoenfant agrave deacutejeuner dans la salle de restauration commune

b Servir un menu de substitution pour respecter les convictions religieuses nrsquoest pas contraire au principe de laiumlciteacute mdash

Aucun texte leacutegislatif ou reacuteglementaire nrsquoimpose aux communes un ameacutenagement des repas en fonction des convictions philosophiques ou religieuses des familles Lorsque des repas de substitution sont neacuteanmoins proposeacutes ceux-ci reacutesultent exclusivement de la libre initiative des collectiviteacutes concerneacutees

En lrsquoabsence drsquoobligation pour les collectiviteacutes les refus opposeacutes aux demandes de menus de substitution ne revecirctent pas un caractegravere discriminatoire

En revanche le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute ameneacute agrave se prononcer plus reacutecemment sur les deacutecisions prises par certaines collectiviteacutes visant agrave supprimer ces menus de cantines au sein desquelles ils eacutetaient auparavant servis

Ces deacutecisions se fondent sur une conception extensive du principe de laiumlciteacute qui procegravede drsquoun certain brouillage conceptuel et caracteacuteriseacute par un glissement de la conception pluraliste de la laiumlciteacute instaureacutee en 1905 vers une laquo nouvelle laiumlciteacute raquo plus intransigeante

Pour le Deacutefenseur des droits lrsquoapplication du principe de laiumlciteacute qui a pour corollaire le principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur les convictions religieuses et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 35: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

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Les demandes de mise en place de menus de substitution par les parents entre absence drsquoobligation des communes et respect de la liberteacute de conscience des eacutelegravevesLrsquoarticle 1er de la Constitution dispose laquo La France est une Reacutepublique indivisible laiumlque deacutemocratique et sociale Elle assure lrsquoeacutegaliteacute devant la loi de tous les citoyens sans distinction drsquoorigine de race ou de religion Elle respecte toutes les croyances raquo En conseacutequence le principe de laiumlciteacute implique le strict respect drsquoun principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances

Cette neutraliteacute nrsquointerdit pas neacuteanmoins que certains ameacutenagements puissent ecirctre apporteacutes au fonctionnement du service afin drsquoassurer le respect des croyances et des cultes Ainsi que le rappelle la Charte de la laiumlciteacute dans les services publics (Circulaire du Premier Ministre ndeg5209SG du 13 avril 2007) laquo le service srsquoefforce de prendre en consideacuteration les convictions des usagers dans le respect des regravegles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement raquo

La circulaire du 16 aoucirct 2011 du ministre de lrsquoInteacuterieur a eu pour but de rappeler les principes preacuteciseacutement applicables dans le cadre de la restauration collective du service public notamment les eacutetablissements scolaires et les hocircpitaux Cette circulaire a ainsi clairement rappeleacute que laquo des demandes particuliegraveres fondeacutees sur des motifs religieux ne peuvent justifier une adaptation du service public raquo Ainsi les collectiviteacutes locales responsables de la restauration scolaire fixent librement les regravegles en la matiegravere notamment sur la composition des menus La circulaire du 16 aoucirct 2011 pose clairement que laquo le fait de preacutevoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour lrsquousager ni une obligation pour les collectiviteacutes raquo

Le refus drsquoune collectiviteacute drsquoadapter un repas en fonction des convictions religieuses des familles (ne pas servir de viande proposer un plat de volaille agrave la place drsquoun plat agrave base de porc etc) ne saurait ecirctre assimileacute agrave une pratique discriminatoire puisqursquoaucun refus de principe concernant lrsquoaccegraves agrave la cantine nrsquoest opposeacute aux parents

La juridiction administrative appreacutecie eacutegalement dans les cas qui lui sont soumis si la collectiviteacute compeacutetente est en mesure ou pas drsquoadapter son service afin de reacutepondre agrave la demande des parents Lorsque ces demandes se traduisent par de trop grandes contraintes drsquoorganisation et de fonctionnement du service le juge confirme le refus opposeacute aux demandes des parents38 Le Deacutefenseur des droits peut ecirctre ameneacute agrave solliciter des eacuteleacutements compleacutementaires drsquoexplication sur ce point aux collectiviteacutes dans le cadre de lrsquoinstruction de ces reacuteclamations

Si la collectiviteacute nrsquoest pas tenue drsquoacceacuteder aux demandes de menus de substitution elle ne peut en revanche en aucun cas sauf agrave porter une atteinte grave agrave la liberteacute de religion contraindre un enfant agrave manger un plat contenant un aliment contraire aux prescriptions alimentaires que lui imposent ses convictions religieuses

La demande drsquoun parent drsquoeacutelegraveve tendant agrave ce qursquoil ne soit pas servi de viande de porc ni de viande en geacuteneacuteral agrave sa fille acircgeacutee de 7 ans au

restaurant scolaire mais uniquement une part de leacutegumes srsquoest heurteacutee agrave un refus de la mairie Le pegravere de la fillette a saisi le Deacutefenseur des droits en indiquant que celle-ci serait forceacutee de goucircter agrave tous les plats Dans le cadre de lrsquoinstruction du dossier la mairie a indiqueacute ecirctre confronteacutee agrave des demandes de plus en plus nombreuses et reacutepondant agrave des motifs divers qursquoelle nrsquoeacutetait pas concregravetement en mesure de satisfaire La mairie a mentionneacute sa laquo Charte Restauration raquo invitant les enfants agrave goucircter de tout mais en preacutecisant que leur refus le cas eacutecheacuteant eacutetait toujours respecteacute Il a eacutegalement eacuteteacute indiqueacute au Deacutefenseur des droits qursquoune viande de substitution agrave la viande de porc eacutetait toujours preacutesenteacutee et clairement identifieacutee lors du service au self La mairie a confirmeacute qursquoaucune contrainte nrsquoavait eacuteteacute et ne serait exerceacutee sur la fillette

38 TA Marseille 1er octobre 1996 laquo Mme Zhellip raquo ndeg963523 CE ord reacutef 25 octobre 2002 laquo Mme Rhellip raquo ndeg251161 TA Cergy 30 septembre 2015 laquo M et Mme Mhellip raquo ndeg1411141 A contrario TA Versailles 9 juillet 2015 laquo M et Mme Ehellip raquo ndeg1106673

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

41

Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

43

1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

mdash

w w w d e f e n s e u r d e s d r o i t s f r

To u t e s n o s a c t u a l i t eacute s

copy 0 5 - 2 0 1 9 | D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

Page 36: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Afin drsquoeacuteviter tout litige il apparaicirct opportun que les mairies ne souhaitant pas mettre en place de menus de substitution preacutevoient un affichage des menus agrave lrsquoavance de maniegravere agrave permettre aux parents de preacutevoir les jours de preacutesence de leur enfant

La suppression des menus de substitution par les mairies lrsquoinvocation controverseacutee du principe de laiumlciteacuteParallegravelement aux demandes des familles de pouvoir disposer de menus conformes agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques le Deacutefenseur des droits a eacuteteacute solliciteacute dans le cadre de contentieux visant les deacutecisions de certains conseils municipaux de supprimer les menus de substitution proposeacutes jusque-lagrave par le service de restauration scolaire

Lagrave encore la juridiction administrative veacuterifie les motifs lieacutes agrave lrsquoorganisation et au fonctionnement du service fondant la deacutelibeacuteration du conseil municipal qui demeure le fondement juridique essentiel drsquoune telle modification du service de restauration scolaire

Or la plupart des deacutelibeacuterations intervenues sur ce sujet et ayant donneacute lieu agrave contentieux sont au contraires fondeacutees sur le respect du principe de laiumlciteacute mis en avant par les collectiviteacutes

Le Deacutefenseur des droits tient agrave rappeler que toute modification du regraveglement du service de restauration scolaire relegraveve de la compeacutetence du conseil municipal ou de lrsquoassembleacutee deacutelibeacuterante de lrsquoEPCI aucune deacutecision unilateacuterale du maire ne pouvant intervenir en la matiegravere39

Surtout le Deacutefenseur des droits rappelle que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas en lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution Lrsquoapplication de ce principe qui implique le respect du principe de neutraliteacute des services publics agrave lrsquoeacutegard de lrsquoensemble des religions et des croyances ne saurait justifier la suppression de tels menus sauf agrave constituer une discrimination fondeacutee sur la religion prohibeacutee par la loi du 27 mai 2008 et porter atteinte tant agrave la liberteacute de conscience qursquoagrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant garanti par lrsquoarticle 3 de la CIDE

Le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute des observations dans deux contentieux distincts visant la suppression de menus de substitution

au sein du service de restauration scolaire

Il a drsquoabord eacuteteacute inviteacute par un tribunal administratif agrave preacutesenter ses observations dans le cadre drsquoun contentieux relatif agrave une deacutecision de suppression fondeacutee sur le principe de laiumlciteacute agrave laquelle le maire a souhaiteacute donner une publiciteacute large Compte tenu notamment du fait que cette commune proposait des menus de substitution agrave la viande de porc depuis 1984 sans difficulteacute particuliegravere le Deacutefenseur des droits a rappeleacute que le principe de laiumlciteacute en lui-mecircme ne pouvait fonder cette suppression la mairie nrsquoapportant par ailleurs aucun eacuteleacutement concernant des contraintes particuliegraveres drsquoorganisation ou de fonctionnement lieacutees aux menus de substitution Le Deacutefenseur des droits a eacutegalement indiqueacute que ces mesures lui apparaissaient discriminatoires et contraires agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (deacutecision ndeg2017-132) Le tribunal administratif ayant annuleacute la deacutecision du maire et la deacutelibeacuteration du conseil municipal40 la commune a interjeteacute appel La cour administrative drsquoappel devant laquelle le Deacutefenseur des droits a eacutegalement preacutesenteacute ses observations a annuleacute le jugement du tribunal administratif fondeacute sur la meacuteconnaissance de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant mais a confirmeacute lrsquoannulation de la deacutecision et de la deacutelibeacuteration en indiquant que le principe de laiumlciteacute ne pouvait agrave lui seul fonder cette mesure (arrecirct du 23 octobre 2018)41

39 CE Sect 6 janvier 1995 laquo Ville de Paris raquo ndeg 93428 40 TA Dijon 28 aoucirct 2017 laquo LDJM c Commune de X raquo ndeg1502100 41 CAA Lyon 23 octobre 2018 laquo Commune de X raquo ndeg17LY03323

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

mdash

D eacute f e n s e u r d e s d r o i t s

T S A 9 0 7 1 6 - 7 5 3 3 4 P a r i s C e d e x 0 7

T eacute l 0 9 6 9 3 9 0 0 0 0

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Page 37: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Il reacutesulte de cette jurisprudence reacutecente42 une attention plus marqueacutee porteacutee agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant par le biais de la prise en compte de sa liberteacute de conscience ainsi que la confirmation que le principe de laiumlciteacute ne srsquooppose pas par lui-mecircme agrave la pratique des menus de substitution dans les cantines scolaires Il est eacutegalement reacuteaffirmeacute que ce principe ne peut agrave lui seul fonder leacutegalement une deacutelibeacuteration du conseil municipal ayant pour objet de supprimer les menus de substitution en particulier si cette possibiliteacute est offerte aux familles depuis de nombreuses anneacutees et ne soulegraveve pas de contrainte particuliegravere drsquoorganisation Le Deacutefenseur des droits demeurera attentif aux deacuteveloppements de cette jurisprudence

Le Deacutefenseur des droits srsquoest eacutegalement saisi drsquooffice de la deacutecision drsquoun maire de supprimer les menus de substitution servis dans sa commune et drsquoimposer le service drsquoun plat agrave base de porc toutes les semaines agrave compter du 1er janvier 2018 Cette deacutecision ayant fait lrsquoobjet drsquoun recours contentieux le Deacutefenseur des droits a preacutesenteacute ses observations devant le tribunal administratif en soulignant que cette mesure qui porte atteinte agrave la liberteacute religieuse des enfants garantie par la CIDE constitue eacutegalement une discrimination fondeacutee sur les convictions (deacutecision ndeg 2018-249) La juridiction a annuleacute la deacutecision du maire pour incompeacutetence seul le conseil municipal eacutetant en mesure de modifier les modaliteacutes drsquoorganisation du service de restauration scolaire

42 Cette jurisprudence nrsquoest pas encore deacutefinitive la mairie mise en cause dans la premiegravere affaire ayant formeacute un pourvoi en cassation aupregraves du Conseil drsquoEtat Par deacutecision ndeg2019-055 le Deacutefenseur des droits a produit des observations dans le cadre de ce pourvoi

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

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Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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Le recours au PAI intervient dans un cadre strict et requiert notamment lrsquoapprobation du meacutedecin scolaire En conseacutequence les enfants ne preacutesentant aucun trouble de santeacute lieacute agrave lrsquoalimentation ne sont pas fondeacutes agrave ecirctre accueillis agrave la cantine dans le cadre drsquoun PAI

Le Deacutefenseur des droits relegraveve agrave cet eacutegard lrsquoaugmentation significative de reacuteclamations ayant trait agrave lrsquoeacuteviction de la viande et en geacuteneacuteral des proteacuteines animales au sein des menus servis dans les restaurants scolaires Plusieurs reacuteclamations font eacutetat drsquoune attention particuliegravere porteacutee agrave lrsquoeacutecologie au deacuteveloppement durable agrave la preacuteoccupation lieacutee agrave la reacuteduction neacutecessaire de la consommation de viande afin de preacuteserver les ressources naturelles

Cependant le Programme national nutrition santeacute qui sert de guide agrave lrsquoeacutelaboration des menus servis dans les cantines preacutevoit une quantiteacute minimale de proteacuteines animales pour les enfants de la classe drsquoacircge concerneacutee43 Les collectiviteacutes compeacutetentes ou leurs prestataires eacutelaborent donc les repas suivant des standards et des normes de qualiteacute nutritionnelle qui ne coiumlncident pas toujours avec les objectifs rechercheacutes par les parents et qui font eacutegalement lrsquoobjet de remises en question par certaines ONG44

Le Deacutefenseur des droits precircte ainsi une attention particuliegravere agrave lrsquoexpeacuterimentation qui va ecirctre meneacutee agrave compter du mois drsquooctobre 2019 au plus tard issue de la loi ndeg2018-938 Agriculture et alimentation du 30 octobre 2018 Celle-ci a en effet introduit un nouvel article au sein du code rural et de la pecircche maritime (article L 230-5-6) qui preacutevoit

Les PAI deacutejagrave eacutevoqueacutes dans ce rapport font eacutegalement lrsquoobjet drsquoune attention croissante de certains parents voyant dans le recours au panier-repas un moyen permettant aux enfants de srsquoalimenter conformeacutement agrave leurs convictions religieuses ou philosophiques sur les modes drsquoalimentation et de contourner lrsquoabsence de menus de substitution

Le Deacutefenseur des droits a ainsi eacuteteacute saisi de plusieurs reacuteclamations eacutemanant de familles ayant adopteacute un reacutegime alimentaire de type veacutegeacutetarien vegan ou avec eacuteviction totale des proteacuteines animales souhaitant beacuteneacuteficier drsquoun PAI pour que leurs enfants deacutejeunent agrave la cantine munis de paniers-repas preacutepareacutes par les familles

Un pegravere a saisi le Deacutefenseur des droits du refus drsquoune mairie de signer un PAI solliciteacute pour ses deux filles scolariseacutees agrave lrsquoeacutecole primaire afin

de leur permettre drsquoapporter un panier-repas conforme agrave leurs convictions philosophiques (menus entiegraverement vegans) Le meacutedecin scolaire a refuseacute de signer le PAI car aucun trouble de santeacute nrsquoeacutetait preacutesent la mairie a confirmeacute ne pas pouvoir srsquoengager dans une deacutemarche de PAI dans cette hypothegravese Le Deacutefenseur des droits a indiqueacute au pegravere que le cadre actuellement applicable aux PAI preacutevoit que celui-ci est strictement reacuteserveacute aux enfants souffrant de troubles de santeacute et qursquoil ne peut ecirctre utiliseacute pour satisfaire des choix personnels drsquoalimentation

c Convictions et modes drsquoalimentation le recours au PAI nrsquoest pas une solution pour les reacutegimes veacutegeacutetariens ou vegans mdash

43 Arrecircteacute du 30 septembre 2011 relatif agrave la qualiteacute nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire httpswwwlegifrancegouvfraffichTextedocidTexte=JORFTEXT000024614763

44 Voir notamment le rapport de Greenpeace France laquo Viande et produits laitiers lrsquoEacutetat laisserait-il les lobbies controcircler lrsquoassiette de nos enfants raquo deacutecembre 2017 httpscdngreenpeacefrsiteuploads201712rapport_greenpeace_viande_et_produits_laitiers_a_la_cantine-1pdf_ga=21559978224735149571512386565-13407948411512386565

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

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Page 39: Rapport Un droit à la cantine ... - Défenseur des Droits · Repas différenciés pour les enfants dont les familles sont redevables d’impayés : s’opposer à l’importation

laquo A titre expeacuterimental [hellip] pour une dureacutee de deux ans les gestionnaires publics ou priveacutes des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer au moins une fois par semaine un menu veacutegeacutetarien Ce menu peut ecirctre composeacute de proteacuteines animales ou veacutegeacutetales [hellip] raquo Cette disposition issue de plusieurs amendements en cours de discussion sur le texte visait explicitement agrave faire diminuer la part de consommation de viande des eacutelegraveves accueillis dans les services de restauration scolaire mais eacutegalement agrave permettre de concilier cet objectif avec le respect de la liberteacute de conscience des eacutelegraveves45

Cette expeacuterimentation pourrait ainsi permettre de reacutepondre agrave la demande des parents qui sollicitent actuellement des collectiviteacutes faute drsquoalternative conforme agrave leurs attentes la conclusion drsquoun PAI afin de fournir agrave leurs enfants des paniers-repas confectionneacutes par leurs soins Car en deacutefinitive il importe que les PAI demeurent strictement reacuteserveacutes aux enfants preacutesentant des troubles de santeacute speacutecifiques

45 Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndegCE1248 preacutesenteacute le 13 avril 2018 par Mme VALETTA ARDISSON et M TROMPILLE laquo En France la leacutegislation oblige de servir viande poisson et produits laitiers agrave des freacutequences deacutefinies Elle empecircche ainsi les familles qui le souhaiteraient de voir leur enfant beacuteneacuteficier quotidiennement de repas veacutegeacutetariens ou veacutegeacutetaliens eacutequilibreacutes et instaure de fait une discrimination pour ces familles La proposition drsquoune option veacutegeacutetarienne quotidienne eacutequilibreacutee qui convient agrave toutes les communauteacutes religieuses et philosophiques favoriserait au contraire lrsquoaccegraves agrave la cantine du plus grand nombre raquo Exposeacute des motifs de lrsquoamendement ndeg792 preacutesenteacute le 7 septembre 2018 par Mme CAZEBONNE et al laquo En France la reacuteglementation impose de servir de la viande agrave une freacutequence deacutefinie Or une diversification des proteacuteines dans lrsquoalimentation constitue un chemin important dans la voie de la transition eacutecologique qui srsquoavegravere chaque jour plus urgente Lrsquoeacutecole peut et doit jouer le rocircle important drsquoinitier les enfants agrave la possibiliteacute de manger sainement tout en diversifiant lrsquoorigine des proteacuteines consommeacutees Lrsquoobjectif est drsquoeacutevaluer lrsquoincidence de la preacutesence drsquooptions veacutegeacutetariennes sur le gaspillage alimentaire puisque la part laquo viande poissons œufs raquo repreacutesente pregraves de 50 du coucirct de ce gaspillage Lrsquoobjectif est eacutegalement drsquoeacutevaluer lrsquoimpact drsquooptions veacutegeacutetariennes quotidiennes gracircce auxquelles les convictions de lrsquoensemble de la population seraient respecteacutees sur lrsquoaccegraves agrave la restauration collective et notamment agrave la restauration scolaire ougrave une alimentation saine contribue agrave la reacuteussite scolaire raquo

Recommandation ndeg6 Le Deacutefenseur des droits preacuteconise une reacuteflexion sur la geacuteneacuteralisation

du repas veacutegeacutetarien de substitution dans toutes les collectiviteacutes ougrave une telle mesure peut ecirctre mise en œuvre celle-ci permettant de reacutesoudre de nombreux litiges lieacutes aux demandes drsquoadaptation des menus dans la suite de lrsquoadoption de lrsquoarticle L 230-5-6 du code rural et de la pecircche maritime

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

41

Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

Rapport | Un droi t agrave la cant ine scola ire pour tous les enfants

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

Les arrecircts des cours administratives drsquoappel sont publieacutes sur le site wwwlegifrancefr

La proposition de loi est consultable sur le site wwwassemblee-nationalefr

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Conclusionmdash

Les reacuteclamations concernant la cantine scolaire adresseacutees au Deacutefenseur des droits depuis 2013 anneacutee de la publication du rapport sur Lrsquoeacutegal accegraves des enfants agrave la cantine scolaire mettent en eacutevidence de nombreuses eacutevolutions agrave la fois socieacutetales leacutegislatives et jurisprudentielles

Si la cantine paraicirct drsquoabord importante pour les parents en favorisant leur insertion professionnelle elle tend de plus en plus agrave jouer un rocircle essentiel pour les enfants Reacutepondant agrave

une veacuteritable vocation sociale lrsquoaccegraves agrave la cantine qui aux termes du nouvel article L 131-13 du code de lrsquoeacuteducation constitue deacutesormais un droit pour tous les enfants favorise lrsquoapprentissage scolaire en particulier pour des enfants de familles deacutefavoriseacutees ou confronteacutes agrave des difficulteacutes particuliegraveres telles que lrsquoheacutebergement dans des habitats preacutecaires Il contribue eacutegalement agrave lrsquoinclusion des enfants en situation de handicap ou victimes de troubles de santeacute Dans cette perspective lrsquoeacuteradication des diffeacuterentes formes de discrimination deacutenonceacutees tout au long de ce rapport apparaicirct comme une condition sine qua non du caractegravere effectif du droit agrave lrsquoeacuteducation et de lrsquoobligation scolaire

En deacutepit de ce rocircle primordial le droit pour tous les enfants agrave lrsquoinscription agrave la cantine des eacutecoles primaires demeure toutefois conditionneacute par lrsquoexistence mecircme drsquoun service de restauration scolaire Or dans le premier degreacute ce dernier constitue un service public administratif facultatif soumis au principe de libre administration des collectiviteacutes territoriales

Celles-ci doivent en effet faire face agrave lrsquoaugmentation constante de la freacutequentation du service de restauration scolaire et agrave des contraintes suppleacutementaires Conformeacutement aux exigences de la jurisprudence en vigueur ce service doit deacutesormais ecirctre laquo adapteacute et proportionneacute raquo au nombre drsquoenfants inscrits agrave lrsquoeacutecole primaire ce qui ne va pas sans interrogations dans certaines collectiviteacutes ougrave les conditions mateacuterielles drsquoaccueil sont deacutejagrave satureacutees ou proches de la saturation (tant en termes de locaux que de personnel)

Sans meacuteconnaicirctre lrsquoensemble des contraintes pesant actuellement sur les collectiviteacutes le Deacutefenseur des droits constate toutefois qursquoen lrsquoabsence de service public obligatoire lrsquoeffectiviteacute du droit agrave la cantine pour tous les enfants de lrsquoeacutecole primaire demeure tributaire des ineacutegaliteacutes territoriales

Ainsi et au regard de lrsquoeacutevolution sociale actuelle et des enjeux qui srsquoattachent deacutesormais agrave la cantine scolaire le Deacutefenseur des droits estime qursquoune reacuteflexion sur lrsquoeacutevolution du statut du service public de restauration scolaire meacuteriterait drsquoecirctre amorceacutee Pour paraphraser les termes de lrsquoordonnance du juge des reacutefeacutereacutes du Conseil drsquoEtat du 20 avril 2011 il incombe agrave lrsquoEacutetat au titre de sa mission drsquoorganisation geacuteneacuterale du service public de lrsquoeacuteducation de reacutefleacutechir agrave lrsquoensemble des mesures neacutecessaires pour que le droit agrave lrsquoeacuteducation et lrsquoobligation scolaire aient un caractegravere effectif

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

Annexesmdash

Les documents ci-dessous sont consultables directement en ligne dans la version numeacuterique du rapport en cliquant simplement sur le titre

Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

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1) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-173 du 11 juin 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (inscription au service de restauration scolaire)

2) CAA Nancy 5 feacutevrier 2019 ndeg 18NC00237 (inscription au service de restauration scolaire)

3) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MLD ndeg2012-167 du 30 novembre 2012 relative agrave lrsquoaccegraves des enfants handicapeacutes aux activiteacutes peacuteriscolaires et extrascolaires

4) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2017-025 du 26 janvier 2017 relative agrave la discrimination drsquoun enfant handicapeacute au sein drsquoune cantine scolaire

5) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-095 du 3 mai 2018 relative agrave lrsquoapplication du tarif de cantine laquo Exteacuterieur raquo aux enfants porteurs de handicap scolariseacutes dans un dispositif ULIS

6) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-063 du 22 feacutevrier 2018 relative agrave la fourniture dans une cantine scolaire drsquoun repas speacutecifique aux enfants dont les parents nrsquoont pas acquitteacute leurs factures

7) Deacutecision du Deacutefenseur des droits MSP-MDE-MDS 2013-125 du 11 juin 2013 relative agrave lrsquointervention drsquoune fonctionnaire de police municipale aupregraves drsquoune enfant de 5 ans dans une cantine scolaire suite agrave une mesure drsquoexclusion du restaurant scolaire

8) Deacutecision du Deacutefenseur des droits ndeg2018-062 du 7 mars 2018 relative agrave des observations en justice devant une cour administrative drsquoappel (suppression de menus de substitution)

9) CAA Lyon 23 octobre 2018 ndeg17LY03323 (suppression de menus de substitution)

10) CAA Nantes 25 juin 2018 ndeg17NT02963 (financement des AESH sur les temps peacuteriscolaires)

11) Proposition de loi du 7 mars 2018 de M Gaeumll LE BOHEC relative agrave la tarification de la restauration scolaire

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Par ailleurs lrsquoensemble des deacutecisions du Deacutefenseur des droits est consultable sur le site wwwdefenseurdesdroitsfr dans la rubrique laquo Espace juridiqueDeacutecisions raquo

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