RAPPORT SUR L'ANALYSE JURIDIQUE - global-diversity.org

45
RAPPORT SUR de l'impact des lois, politiques et institutions sur les aires et territoires du patrimoine communautaire au Maroc L'ANALYSE JURIDIQUE

Transcript of RAPPORT SUR L'ANALYSE JURIDIQUE - global-diversity.org

RAPPORT SUR

de l'impact des lois, politiques et institutions sur lesaires et territoires du patrimoine communautaireau Maroc

L'ANALYSE JURIDIQUE

Analyse juridique réalisée parAhmed BendellaConsultant juridique en collaboration avec Global Diversity Foundationet Moroccan Biodiversity and Livelihoods Association Rapport édité parBadia SAHMY, Coordinatrice Nationale PMF MarocLeah MESNILDREY, stagiaire PMF Maroc, étudiante enDéveloppement International (Sciences Po Paris)Heba RAGALA, étudiante en Droit International (Université Toulouse 1Capitole)

Septembre 2019

Crédits photos © SGP Morocco,ONG partenaires

LISTE DESSIGLES ABRÉVIATIONS

&

AVANTPROPOS

-

En 1995, le Maroc a ratifié la CDB. Vingt ans plus tard, en2015, le Royaume a réactualisé sa SPNAB, élaborée en2004, afin de l’aligner sur le Plan Stratégique de laBiodiversité (2011-2020) ainsi que sur les Objectifs d’Aichide la CDB. La nouvelle SPNAB (2016-2020) accorde uneplace de choix à la préservation des savoirs traditionnelsdans la conservation de la biodiversité et inclut desobjectifs opérationnels en lien avec la préservation despratiques communautaires locales (Objectif opérationnelE3) ainsi qu’avec l’accélération de l’expansion des airesprotégées (Objectif opérationnel A3). Depuis quelques années, le constat suivant a été établi : lessystèmes traditionnels et contemporains de gouvernanceintégrés dans les pratiques culturelles permettent deconserver, de restaurer et d’accroître la connectivité desécosystèmes, des habitats et des espèces spécifiquesconformément aux visions des communautés locales. Ainsi,partout dans le monde, les APAC abritent les zones parmiles plus riches en termes de biodiversité. Cependant, endépit des avantages qu'ont les APAC pour le maintien del'intégrité des écosystèmes, des cultures et du bien-êtrehumain, elles sont de plus en plus menacées. Ces menacessont exacerbées par le manque de politiques et deprogrammes qui appuient ou reconnaissent adéquatementles territoires, les zones et les ressources naturelles descommunautés locales. Au Maroc, les communautés rurales de plusieurs régions dupays continuent de mettre en œuvre et de maintenir desformes variées de gestion collective d’un certain nombre deterritoires et de ressources naturelles.

Ces territoires gérés par les communautés locales ont sus’adapter aux évolutions de leur environnement naturel etsocio-économique et représentent un réel atout en matièrede développement durable et de préservation dupatrimoine bio-culturel marocain. Néanmoins, ces modesd’organisations coutumiers qui ont contribué jusque-là à lapréservation de ces espaces sont de plus en plusconfrontés à d’importants défis. En effet, les APAC au Maroc ne sont pas directementintégrées dans les lois et les politiques environnementalesnationales, et ne font pas partie non plus du réseau des AP.La reconnaissance – encore trop partielle et éparse – quiest accordée à ces territoires gérés collectivement provientmajoritairement d’autres lois et politiques. Ainsi, l’objectifde cet examen approfondi des lois en vigueur est de mettreen lumière les opportunités à saisir et identifier les lacunesà combler pour une reconnaissance plus appropriée desAPAC dans la législation nationale. Ce travail s’insère dans le cadre de l’ICCA-GSI lancée en2015 par le PMF FEM dans le cadre de ses initiativesstratégiques de la sixième phase opérationnelle (OP6), enpartenariat avec le BMUB. Cette initiative mondiale viseprincipalement à élargir la gamme et la qualité desdifférents types de gouvernance des AP et des moyens desubsistance durables des communautés locales grâce à unemeilleure reconnaissance, un renforcement des capacités etun soutien direct sur le terrain aux APAC.

TABLE DES

Méthodologie I. Aperçu du pays, des communautés locales et des APAC au Maroc

1. Éléments contextuels du pays2. Communautés locales et changements environnementaux

2.1. Socio-historique des communautés locales2.2. Communautés locales au Maroc aujourd'hui2.3. Identités communautaires et indivisibilité nationale2.4. Menaces actuelles pesant sur la diversité linguistique et culturelle2.5. Principaux moteurs de la perte de la biodiversité et de l'appropriation des terres

3. Aires et territoires du patrimoine communautaire3.1. Porté, diversité et étendue des APAC3.2. Reconnaissance de la gouvernance des communautés locales3.3. Principales menaces à la gouvernance locale des territoires et des resources naturelles3.4. Initiatives entreprises pour contrer les menaces pesant sur les APAC

II. Droits Humains

1. Lois et politiques relatives aux droits humains soutenant les droits des communautéslocales et des populations autochtones2. Étendue et efficacité des protections juridiques3. Réformes possibles

III. Cadre législatif pour la reconnaissance des modes de gestion des ressources foncière, d'eaudouce et maritimes par les communautés locales

1. Agences et structures étatiques chargées de l'élaboration des lois et politiques relativesaux ressources des communautés locales2. Lois et politiques sur les ressources foncières

2.1. Législation concernant la reconnaissance de la propriété collective des communautés locales2.2. Nature juridique du titre collectif de la propriété des communautés locales sur les terres et les ressources2.3. Limitations des droits et pressions spécifiques portant atteinte aux droits fonciers de jure ou de facto

3. Reconnaissance des droits d'usage et d'exploitation3.1. Lois sur la reconnaissance de l'utilisation des lois et procédures coutumières pour la gestion des ressourcespar les communautés locales3.2. Fonctionnement des cadres législatifs et politiques au niveau des communautés locales

4. Impact de la gestion communautaire des ressources sur la conservation5. Réformes possibles

IV. Ressources naturelles, environnement et culture

1. Cadre législatif pour la gestion communautaire des ressources naturelles, del'environnement et de la culture

1.1. Appropriation et/ou gouvernance des ressources naturelles par les communautés locales1.2. Dispositions relatives aux savoirs traditionnels ou au patrimoine immatériel des communautés locales1.3. Accès et partage des avantages

2. Instances de gouvernance coutumières3. Réformes possibles

1

2

10

11

15

MATIÈRES

V. Exploitation des ressources naturelles

1. Exploration et extraction des ressources naturelles1.1. Lois portant sur l'exploration et l'extraction des ressources naturelles1.2. Droits humains

2. Projets de développement à grande échelle3. Réformes possibles

VI. Aires Protégées, APAC et sites naturels sacrés1. Aires Protégées2. Sites naturels sacrés3. Désignations liées aux APAC4. Réformes possibles

VII. Enjeux de la reconnaissance et du soutien non-juridique1. Documentation et recherches académiques sur les communautés locales2. Reconnaissance sociale3. Plaidoyer4. Soutien administratif5. Soutien financier6. Mise en réseau7. Réformes possibles

VIII. Jugements1. Compétence du Conseil de tutelle2. Compétence des juridictions pénales3. Compétence des juridictions civiles4. Compétence des juridictions administratives5. Réformes possibles

IX. Mise en oeuvre: réformes juridiques et politiques1. Contenu des réformes possibles2. Acteurs des réformes possibles3. Fenêtres d'opportunité

X. Résistance et engagement1. Exemple de conflits entre les communautés locales et le secteur privé, les groupesde conservation et les agences gouvernementales: les Aït Ougrour2. Réponse des communautés locales aux lois et politiques concernant leurs ressources

XI. Études de cas1. Les parcours de l'oriental2. Le rucher d'Inzerki3. L'agdal d'Igourdane

Tableau 1 - Lois et politiques relatives aux APACAnnexe 1 - Liste des textes juridiquesBibliographie

17

18

20

22

25

26

28

282828

M É T H O D O L O G I ECe rapport se concentre sur l'analyse de l'état actuel des lois, politiques et institutions nationales relativesaux communautés locales en matière de conservation et de développement des ressources naturelles auMaroc, identifie leurs lacunes et les contraintes existantes, et fournit des recommandations afin dereconnaître et renforcer le soutien aux APAC de manière appropriée à travers réformes législatives etpolitiques (notamment la promotion et le développement des AP gérées par les communautés locales pouratteindre les objectifs de Nagoya et les Objectifs de Biodiversité d'Aichi).

Cette revue juridique a été réalisée sur la base d’unquestionnaire élaboré par Natural Justice, uneorganisation non gouvernementale internationalemandatée par le FEM pour la conduite de cetexercice à l’échelle de plusieurs pays. Le processuss'est décliné en plusieurs étapes:

Une étude détaillée de la documentationnationale a été menée, incluant une analyse deslois relatives aux APAC et aux communautéslocales, afin de concevoir cette revue ;

Des consultations multipartites ont ensuite étéorganisées afin d’entamer les discussions sur laquestion des APAC, les stratégies déjà mises enplace et le cadre juridique existant ;

La restitution de ces débats aux communautéslocales a eu lieu lors d’ateliers qui ont permisdes échanges pertinents autour de la questiondu droit coutumier.

Plusieurs acteurs ont pris part à ces réunions etaux diverses étapes de l’élaboration de la revue.La participation d’organisations nongouvernementales, de communautés locales etd’acteurs gouvernementaux a vivementcontribué à l’enrichissement du débat autour dela question des APAC au Maroc. Les élémentsissus de ce processus consultatif ont permisd’alimenter les différentes conclusions etrecommandations présentées dans ce document.

M É T H O D O L O G I E D E R E C H E R C H E

1

Partie I - Aperçu du pays, descommunautés locales et desAPAC au Maroc

le Haut Atlas et l’Anti-Atlas. Au sud, la frontière naturelle duMaroc est marquée par le Sahara. Cette diversité depaysages permet une diversité écosystémique et climatiqueoffrant un fort potentiel de développement des APAC. Leclimat marocain est variable selon les zones et les saisons,mais il reste globalement caractérisé par l’irrégularité desprécipitations, et la rareté des ressources hydriques, ainsique par la menace de la désertification. Cette situation estexacerbée par les changements climatiques globaux, lapression démographique et l’intensification des activitésanthropiques. Malgré une forte augmentation des secteurs secondaire ettertiaire, notamment avec la mise en œuvre de grandsprojets à l’échelle africaine, l’agriculture reste l’activitéprincipale du pays, en employant 38,8% de la main d’œuvreau niveau national (73,7% dans le monde rural), et contribueà hauteur de 14% au PIB. Le système agricole marocainreste donc, selon le ministère de l’Agriculture, traditionnelet caractérisé par la culture de céréales et l’élevage. Selon le Conseil Économique, Social et Environnemental, lasuperficie totale concernée par le statut des terrescollectives s’élève à 15 millions d’hectares (dont 85% sontdestinés à l’élevage), à 9 millions d’hectares le domaineforestier, à 8,5 millions d’hectares de terres melk (propriété

Le Royaume du Maroc est situé au nord-ouest du continentafricain et compte une population de 33 848 000 habitants(RGPH, 2014) dont 39,6 % (13 292 000 habitants) résidenten milieu rural. Il s’agit d’une monarchie constitutionnelleavec un gouvernement central, un parlement bicaméral, 12régions décentralisées et 1 053 communes, dont 1 282communes rurales et 221 communes urbaines. Depuisl’indépendance du pays en 1956, l’organisation territorialene s’aligne plus officiellement avec la répartition tribale etethno-lignagère traditionnelle. La loi y est édictée au niveaucentral et applicable uniformément à l’ensemble duterritoire (sauf disposition contraire comprise dans le textede la loi). Elle est votée par le parlement, promulguée par leroi, et publiée dans le bulletin officiel dans sa versionoriginale, en langue arabe. L’arabe et l’amazigh sont les langues officielles du Maroc,respectivement depuis 1956 et 2011. Cependant, lefrançais reste enseigné en tant que langue étrangère et estconsidéré comme langue usuelle au quotidien par certainesadministrations. En outre, la Constitution de 2011 reconnaitdans son préambule les composantes arabo-islamique,amazighe, saharo-hassanie, africaine, andalouse, hébraïqueet méditerranéenne de l’identité marocaine. La populationutilise les langues vernaculaires (tarifit, tamazight, tachelhit etdarija) ainsi que l’arabe ou le français, ou des combinaisonsde ces langues. Depuis de nombreuses années, la sociétécivile milite pour la reconnaissance des droits linguistiqueset culturels de la population amazighe, et plus récemment,pour la reconnaissance et l’utilisation de la langue darija. Il n’existe pas de statistiques sur la répartition des groupesconfessionnels, cependant, l’article 3 de la Constitutiondispose que l’Islam est la religion officielle de l’État. Cedernier garantit le libre exercice du culte. Le Maroc dispose de deux fronts maritimes qui participent àsa richesse naturelle et économique : la Mer Méditerranéeau nord et l’Océan Atlantique à l’ouest. À l’intérieur desterres, on retrouve quatre principales chaines demontagnes: les montagnes du Rif au nord, le Moyen Atlas,

Éléments contextuels du pays1.

2

notamment au sein des corporations de métiers (Massignon, 1925). Ces cadres d’appartenance et de coopération de la sociététribale se concrétisaient de manière permanente, ponctuelleou ad-hoc, suivant les enjeux du moment et selon un modèledécrit comme segmentaire (Hart, 1981), oscillant entrestructures de base comme le douar (hameau) et les grandesconfédérations tribales. Tout groupement disposaitd’institutions communautaires dont un gouvernement local,un mode de délibération et un système judiciaire. Parmi cesinstitutions, le droit musulman conservait une placeeffective, notamment dans certains domaines comme lestatut personnel, alors que le droit coutumier local était leplus utilisé et appliqué dans les affaires collectives. Bien queles principes de base de ces systèmes juridiques locauxétaient communs à tous les cantons, leurs dispositionsvariaient et les institutions locales n’avaient pas decompétences au-delà du territoire de la tribu. Ainsi, lesquestions intertribales étaient généralement réglées àtravers des pactes négociés. Au niveau du pouvoir central, lecadre légal et politique s’adaptait et naviguait cette diversitésans véritablement essayer d’imposer un système unifié. Le protectorat instaura une double dynamique, d’une part,de renforcement d’un État central unifiant, et, d’autre part,d’institutionnalisation du fait tribal. Cependant, dès lespremières années de l’indépendance, les nouveaux pouvoirspublics procédèrent à un renouvellement del’administration territoriale et à un découpage électoral. Malgré cette mise à l’index du fait tribal, la tribu est parvenuà se maintenir, dans certaines zones, ne serait-ce quecomme cadre de référence et ce malgré les tendancespolitiques et économiques changeantes. Aujourd’hui, lesystème juridique marocain est un système civiliste, établipar une Constitution écrite et des efforts de codification.Les normes émanent exclusivement des pouvoirs publics, etne sont valides que si elles respectent les conditions deforme prescrites. Toutefois, le système autorise l’utilisationde dispositions et d’institutions du droit

privée non immatriculée) et à 2 millions d’hectares dedomaine privé de l’État.

2. Communautés locales et changementsenvironnementaux

2.1. Socio-historique des communautéslocales

La grande majorité de la population peut être considérée,d’une manière ou d’une autre, comme autochtone. Cettecommunauté de statut a été renforcée par les épisodes deprotectorats français et espagnol (1912-1956) qui ontconsolidé cette identification de la population autochtoneen contraste avec la population européenne installée auMaroc à cette époque. Le discours sur les origines distingue les ancienspeuplements ethniques suivants : les autochtonesamazighes (Basset, 1908, 329), les anciens peuplement juifs(Zafrani, 1999), les peuplements autochtones haratines (ElHamel, 2013), les arabes arrivés lors de la conquêteislamique au 7ème siècle (Valérian, 2011), les invasions destribus bédouines arabes comme les Béni Hilal et des BéniSouleim vers le 11ème siècle (Camps, 1983, 7-24), leslignages des chorfas (descendants du prophète) venus àdifférentes époques d’Arabie (Ferhat, 1999, 473-482), lesmusulmans et les juifs venus d’Espagne après laReconquista au 15ème siècle (Zayas, 1992), et lespopulations venues ou amenées du Soudan occidentalnigérien (blad soudan) notamment lors de l’invasion del’Empire Songhaï au 16ème siècle (Mouline, 2009). La population rurale était anciennement organisée en tribusreliées entre elles par un système d’alliances (leff-s, çoff-s)(Lakhassi & Tozy, 2000, 183-214), et entretenant avec leMakhzen (pouvoir central) des relations variables selon lesrégions et selon les époques. Les populations des villesétaient quant à elles brassées, bien que subsistaient desregroupements sur des bases ethniques et tribales,

3

Les réformes de modernisation mises en place par l’Étataprès 1956 n’affectèrent que très peu les zones où lagestion communautaire de la terre et des ressources étaitrestée majoritaire. Ainsi, ces collectivités locales purentconserver leurs terres et continuer de gérer leursressources selon les usages traditionnelles et à travers leursinstitutions ancestrales. Les principaux textes qui ont donné un cadre juridique pourla persistance et la perpétuation de ces ensemblescommunautaires et de leurs institutions sont les suivants(voir tableau 1):

dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrativedes collectivités et réglementant la gestion et l'aliénationdes biens collectifs, tel qu'il a été complété ou modifié ;

loi 36-15 relative à l’eau ;

dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation etl’exploitation des forêts.

Les communautés locales se sont également maintenuesautour de la gestion d’un autre type de bienscommunautaires, les mosquées. La construction, l’entretienet le fonctionnement des mosquées a toujours été uneaffaire de la communauté (Tozy, 2013); la négociation et lagestion du contrat (chart) du fqih est l’un des lieux les plusintenses de la concrétisation de la communauté et de sesinstitutions.

coutumier (terres collectives, droits traditionnels d’eau,jema’a, etc.), du droit musulman (statut personnel etsuccessoral, notariat traditionnel, adouls, modalitésd’administration de la preuve) et du droit hébraïque (statutpersonnel).

2.2. Communautés locales au Marocaujourd'hui

Au Maroc, la tribu prévaut comme cadre de vie sociale,économique et de la gestion de l’accès aux ressourcesnaturelles dans nombre de zones importantes pour labiodiversité. Elle a longtemps constitué le cœur de la viepolitique, économique et sociale dans les campagnesmarocaines. Bien que la tribu soit officiellement remplacéepar une autre entité, la commune, elle constitue encore lecadre naturel de la vie rurale (Es-Siari, 2019). En effet, cescommunautés locales ont su s’adapter aux évolutions deleur environnement et maintenir leurs institutionstraditionnelles. Ainsi, malgré la raréfaction des campementsnomades et des tribus en tant que telles au Maroc, d’autresgroupes se maintiennent et se perpétuent. Cesgroupements et institutions communautaires peuvent engénéral se maintenir pour autant que leur périmètred’action n’empiète pas sur ce que l’État considère relever desa compétence exclusive, que leur taille corresponde à deséchelles d’interactions opérationnelles et routinières et queles prélèvements de terres aient laissé une surfacesuffisante pour le fonctionnement normal du groupe.

2.3. Identités communautaires et indivisibiliténationale

Le Maroc est particulièrement attaché à la notiond’indivisibilité de son peuple, et ce malgré la diversitéculturelle qu'est celle de sa population. La Constitution de2011 reconnait en effet que l’unité du Royaume est « forgéepar la convergence de ses composantes arabo-islamique,amazighe et saharo-hassanie, (…) nourrie et enrichie de sesaffluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ». Endessinant ce cadre, la Constitution affirme que toutes lescomposantes de la société marocaine contribuent àl’enrichissement et la préservation de la diversité culturelleet linguistique au Maroc (Es-Siari, 2019). L’identité nationalemarocaine est donc unique mais nuancée par les influencesculturelles de chacun. L’État garantit aux différentes entitésindividuelles ou collectives leur droit à s’exprimer ets’engage également à assurer une certaine visibilité de cesdifférentes formes d’expression culturelle, linguistique ouidentitaire. Il est également important de souligner qu’au Maroc, il n’estpas fait référence au concept d’autochtonie. 4

Ce constat transparait clairement dans la Constitution de2011 : en effet, malgré la reconnaissance de différentsaffluents culturels, l’État rejette toute idée de discriminationou de différentiation fondée sur les croyances, la culture,l’origine sociale, régionale (Es-Siari, 2019). Cette doubleapproche permet alors d’affirmer l’unité identitaire tout enassurant le rayonnement de sa richesse culturelle.

2.4. Menaces actuelles pesant sur la diversitélinguistique et culturelle

Avec la Constitution de 2011, la crispation sur l’arabeclassique comme seule langue légitime à représenterl’identité nationale s’est assouplie, notamment grâce à lareconnaissance de la co-officialité de la langue amazighe.Cette diversité linguistique et culturelle du Maroctransparait dans la diversité des dialectes parlés maiségalement à travers les catalogues de traditions, chants etcélébrations, qu’offrent les différentes communautéslocales. Cependant plusieurs menaces pèsent toujours sur cemulticulturalisme :

Le travail institutionnel de réhabilitation et de promotionde la langue ainsi que de la culture amazighe est trèsimportant ; toutefois, la tendance à l’uniformisation et àla standardisation de cette langue peut présenter unrisque, à terme, d’appauvrir la diversité des variantes quiexistent aujourd’hui.

Les expressions artistiques et culturelles localesretrouvent de plus en plus une place légitime sur lascène nationale, voire internationale ; cependant,plusieurs formes de cet héritage sont menacées dedisparition quand les chaines de transmission sontrompues et que l’effort de documentation et d’archivageest insuffisant ou inexistant.

Le Maroc connait des cycles de sécheresse récurrents, etsur fond majoritairement aride, les ressources en eau sontde plus en plus limitées et tendent à se raréfier. Liée à cephénomène, la problématique de la désertification estégalement un véritable enjeu pour le pays. Ainsi, leséquilibres écologiques du Maroc sont très fragiles etparticulièrement vulnérables aux changements climatiques. Malgré cela, le Maroc dispose d’une biodiversité riche.D’après le Secrétariat d’État auprès du MEMDD, le tauxd’endémisme global au Maroc est de 11% pour la faune et25% pour les plantes vasculaires. À l’échelle de laMéditerranée, le Maroc est le 2ème pays après la Turquieavec une telle richesse biologique. Considéré commehotspot de biodiversité, le Maroc abrite de nombreusesKBA, des sites clés qui contribuent à la préservation de labiodiversité et des écosystèmes. Selon Birdlife International(2017), 64 KBA ont été recensées sur tout le territoiremarocain. Cependant cette biodiversité est de plus en plus menacée,malgré des efforts louables à l’échelle nationale, tels que lacréation d’aires protégées et de SIBE. En effet, lasurexploitation des sols, l’utilisation de produits chimiques,le surpâturage, la déforestation, la littoralisation, leréchauffement climatique, l’urbanisation et plusgénéralement les activités anthropiques intrusives sont desmenaces avérées qui participent grandement à la réductionde la biodiversité et à la perte de ces écosystèmes uniques.À cela s’ajoute le manque de conscience collective decertaines communautés par rapport aux richessesbiologiques dont elles disposent et dont elles sontgardiennes.

2.5. Principaux moteurs de la perte de labiodiversité et de l'appropriation desressources/terres

2.5.1. Perte de la biodiversité

2.5.2. Appropriation des terres

Le patrimoine foncier agricole au Maroc est constitué deterres de culture, de terres de parcours, de forêts et de terresincultes. Ces terres relèvent de statuts juridiques différents etsont régies par des lois particulières. Les terres de culturerelèvent de cinq statuts juridiques : la propriété privée, lecollectif, le guich, le domanial, et le habous (Mahdi, 2014, 4). Pendant le protectorat, un vaste programme detransformation économique et industriel a été mis enœuvre. Depuis l’indépendance en 1956 et l’intervention deslois sur la marocanisation, les terres ont étéprogressivement récupérées par l’État marocain qui les a

5

ensuite redistribuées et ouvertes à la privatisation. Ceci aabouti en 2004 à un partenariat public privé entre l’État etles sociétés d’exploitation SODEA-SOGETA. Dans la mêmelignée, le Plan Maroc Vert pour une agriculture intensive etexportatrice a été développé (Mahdi, 2014, 4). L’appropriation des terres revêt donc un enjeu économiquecapital au Maroc, d’où l’éternelle convoitise des investisseurssur les terres collectives. Ces terres sont régies par le dahirdu 27 avril 1919, selon lequel elles sont inaliénables,imprescriptibles, et insaisissables sauf indication contrairecomme disposé à l’article 11 dudit dahir : « l’acquisition d’unimmeuble collectif par l’État, les communes, les établissementspublics ou les collectivités ethnique peut être réalisée, soit de gréà gré, dans le cas où la collectivité propriétaire et le conseil detutelle sont d’accord, soit par voie d’expropriation dans le cascontraire ».

loi 27-13 relative aux carrières ;

dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation foncière ;

Les politiques publiques agricoles ;

loi 2003-11 du 12 mai 2003 relative à la protection del’environnement ;

loi de 1934 sur la création des parcs nationaux protégés ;

loi cadre 99-12 sur la CNEDD ;

Stratégie Nationale de Développement Durable 2030 ;

Stratégie et Plan National de la Diversité Biologique ;

loi 13-12 portant approbation du protocole de Nagoya

On retrouve au Maroc des situations et des institutions quipeuvent être assimilées aux APAC. Les troiscaractéristiques principales qui caractérisent une APACétant les suivantes :

Une personne ou une communauté bien définie possède unerelation étroite et profonde avec un site également biendéfini (tel qu'un territoire, une zone ou un habitat) et/ou uneespèce. Cette relation est ancrée dans la culture locale, lesens de l'identité et/ou la dépendance pour les moyens desubsistance et le bien-être.

La loi marocaine ne reconnait l’existence juridique etl’autonomie de la personnalité qu’aux personnes physiquesou morales publiques (État, collectivité territoriale) ouprivées (établissement public, entreprise privée, ONG).Toutefois, des communautés locales existent de facto àtravers les cadres d’interaction et de coopération qu’ellesmettent en place et à travers les biens communautairesqu’elles possèdent et/ou qu’elles gèrent. La propriété collective de la terre est l’un des dispositifs lesplus actifs dans le maintien et la vitalité des communautéslocales. Cette relation à la terre et au terroir/territoiredépasse le seul rapport de propriété foncière ; il s’agit d’unedimension de l’identité de groupe et d’élément quirassemble, offrant à ces communautés un espace et uncadre à la coopération, ainsi qu’un terrain d’exercice de lasouveraineté du groupe comme ensemble dépassant lasimple somme des individus.

Cet assouplissement au niveau de la cession des terrescollectives a ouvert la porte à certaines dérives, alors quedes personnes morales de droit public autorisées à acheter laterre par dérogation revendaient par la suite à d’autresentités privées. Ce détournement menace la propriétécollective des communautés locales (Mahdi, 2014, 4), d’autant plus que cette pratique s’est exacerbée par latendance mondiale de l’agriculture intensive et productiviste,réduisant ainsi le réservoir foncier des terres collectives. Parmi les principaux textes et politiques en lien avec laperte biodiversité et l'appropriation des terres et desressources, on peut notamment citer (voir tableau 1):

loi 22-07 relative aux aires protégées promulguée par ledahir 1-10-123 ;

loi 33-13 relative aux mines ;

dahir du 27 avril 1919 sur la gestion des terrescollectives ;

3. Aires et territoires du patrimoinecommunautaire

6

La communauté est le principal acteur dans la prise dedécision et la mise en œuvre concernant la gestion du siteet/ou des espèces.

La législation et les politiques publiques au Maroc ont laissédes zones libres où peut s’exercer le pouvoir de lacommunauté sans qu’il n’interfère ou qu’il ne remette encause celui de l’État. Dans la configuration décrite au pointci-dessus, la communauté est l’acteur principal qui définitles règles selon un système coutumier reconnu, les appliqueet sanctionne les manquements à la ligne définie.

Les décisions et les efforts de gestion du peuple ou de lacommunauté conduisent à la conservation des habitats, desespèces, de la diversité génétique, des fonctions/avantagesécologiques et des valeurs culturelles associées, quel'objectif conscient de la gestion soit la conservation ou non.

Les communautés locales au Maroc sont amenées à gérer larareté et l’aléa. Dans ce contexte, la communauté agitcomme instance de régulation des ressources, qui peuventêtre la source de coopération mais également de conflit.Ainsi, une gestion adéquate des ressources naturellesprésentent sur leurs terres est souvent mise en œuvre parles populations locales, permettant d’assurer unapprovisionnement durable en ressources et de ce fait, unepréservation de la biodiversité et des écosystèmes.

Bien que l’eau soit une propriété domaniale au Maroc, la loireconnait les droits traditionnels qui s’y appliquent. Lesdroits d’usages de certaines communautés sont reconnus,afin qu’elles les décomposent en droit privés, mais gérésinvariablement de manière collective. Ainsi, la communautégère les équipements de collecte, de stockage et dedistribution d’eau pour ce qui concerne leur réalisation, leurentretien leur surveillance et leur réparation. Elle gèreégalement la répartition de l’eau selon les droits depropriété privés appelés « tours d’eau ». Malgré le fait que lapropriété de l’eau soit publique et celle des tours d’eauprivée, la communauté joue un rôle déterminant dans lagestion de l’eau. Cette gestion mobilise, entre autres, la mémoire des droitset leur transmission, l’adaptation à l’irrégularité des cycles etaux variations saisonnières, la gestion de l’irrégularité descycles naturels, et la gestion de la solidarité au profit desexclus ainsi que la gestion de l’usage de l’eau pour desbesoins collectifs. La gestion et la surveillance du réseau constituent unegarantie pour le respect des droits reconnus des détenteursde droits, ainsi que la prévention et/ou la gestion desconflits. L’instance chargée de la gestion de l’eau sanctionneles contrevenants, gère les conflits et garantit un accès auxdroits relatifs à l’utilisation de l’eau. Elle a égalementl’autorité de mobiliser la communauté dans son ensembleafin de faire face à des travaux exceptionnels, vitaux eturgents.

3.1. Portée, diversité et étendue des APAC

L'une des principales caractéristiques des APAC est unerelation très étroite entre les ressources de la biodiversitéet les communautés locales. Au Maroc, les ressources sontgérées volontairement par les communautés locales elles-mêmes, selon leurs coutumes traditionnelles, ou en tant quepartenaire clé en collaboration avec des organismesextérieurs si la terre n'est pas leur propriété.

3.1.1. Gestion de l'eau (irrigation)

3.1.2. Gestion des pâturages

Au Maroc, les troupeaux sont une propriété majoritairementprivée, le pâturage se fait sur des terres collectives oupubliques et la gestion des parcours prend place au niveaucommunautaire. D’autres groupes, extérieurs à lacommunauté peuvent bénéficier de ces parcours.

7

L’enjeu principal reste la régulation : des droits de chaqueéleveur et/ou de chaque groupe d’accéder au parcours, despositions d’installation des tentes, d’accès aux points d’eau, de la mobilité vers et à l’intérieur des parcours, ainsi que desrythmes de transhumance. L’exemple de régulation le plus intéressant consiste en lamise en défens d’un parcours, l’agdal (Alifriqui & Auclair,2013). L’agdal consiste en la modulation de l’accès à unparcours par la limitation de ses dates d’ouvertures et/ou lalimitation de la population du cheptel qui peut y accéder.L’objectif ultime est là encore la régulation de l’usage desressources afin de préserver la végétation, permettre sonrenouvellement et trouver un équilibre entre la protectiondu parcours et l’élevage.

3.2. Reconnaissance de la gouvernance descommunautés locales

L’arboriculture en vergers ou en oasis intègre une partimportante d’exploitation collective et de gestioncommunautaire. L’enjeu de l’exploitation collective et de larégulation communautaire des arbres fruitiers au seind’autres activités agricoles et de la gestion de l’eau estd'assurer la gestion des ressources et la préservationd’équilibres écologiques souvent fragiles, notamment dansles oasis.

3.1.3. Gestion de l'arboricultureIl existe dans certaines régions du Maroc un systèmecoutumier cohérent, parallèle au droit étatique (Berque,2001). Ce droit n’est pas systématiquement écrit, n’est pascodifié à la manière civiliste, et n’est pas jurisprudentiel dansle sens où le précédent ne fait pas systématiquementautorité et s’impose pour les cas similaires ultérieurs. Bien qu’il s’appuie sur la tradition, ce système juridique estdynamique et adaptable, dans les limites de ses principesfondateurs et de la cohérence du système dans sonensemble. Les règles concrètes sont en général formuléeslorsqu’un cas est soumis à la délibération de l’autoritécompétente, le plus souvent une assemblée délibérative. Le contenu des règles varie d’une communauté à une autre,et aucune institution communautaire n’a le pouvoir de faireappliquer ses jugements au-delà de ses frontières. Toutefois,on retrouve une cohérence et des principes partagés entretous les groupements qui adoptent ce système juridique. Des transformations récentes ont érodé le pouvoircontraignant des communautés, affaiblissant alors lecaractère exécutoire de leurs décisions. La collectivité sedonne cependant encore les moyens de contraindre les

3.1.4. Gestion du patrimoine culturel/artistique

Les formes d’expressions artistiques sont une affairecommunautaire et visent un objectif beaucoup plus largeque le simple aspect récréatif. Il s’agit d’un aspect de larégulation du rythme de la vie sociale, en y intégrant unepart festive. Ces formes de régulation communautaire de laproduction et de la performance artistique sont deséléments capitaux pour la vitalité et la préservation dupatrimoine culturel de ces groupes.

3.1.5. Gestion du patrimoine sacré

Qu’il s’agisse de la mosquée et de sa gestion, dessanctuaires et des cultes qui y sont pratiqués, de lavénération des saints ou des différents rites à connotationsacrée qui rythment la vie du groupe (Rachik, 1990), ladimension sacrée et rituelle est capitale dans laconstruction et le maintien de la cohésion du groupe, dansle renouvellement et la transmission du sens et des récitsfondateurs, dans la consolidation de l’identité et la(re)définition des frontières du groupe.

8

récalcitrants à s’amender à travers la coercition symboliqueet la pression sociale. En outre, la gouvernance des APACpar les communautés est de plus en plus encouragée par lesefforts d’ONG, ou associations rurales, qui bénéficient desubventions internationales pour créer une prise deconscience de l’importance des ressources et du rôle quepeuvent jouer les communautés locales dans leurpréservation. Ces organismes travaillent en collaborationavec les communautés locales et axent leurs projets autourde la participation et la co-gestion des ressources naturelles(Es-Siari, 2014).

3.3. Principales menaces à la gouvernancelocale des territoires et des ressourcesnaturelles

La gouvernance locale des territoires, des zones et desressources naturelles fait face à quatre types de menaces :

La croissance démographique qui disperse la populationtout comme l’exode rural ;

La perte de savoir-faire traditionnels et de la transmissionintergénérationnelle qui empêchent la tradition de seperpétuer et fait perdre le sentiment d’appartenance auterritoire ;

L’affaiblissement des instances coutumièrestraditionnelles et le défi d’une gestion plurielle ;

Le manque de conscience des autorités compétentes dupotentiel des APAC et des communautés locales entermes de protection de l’environnement.

La prise de conscience de l’enjeu environnemental a étéd’une importance cruciale dans la mise en œuvre depolitiques pour contrer les menaces pesant aujourd’hui surles APAC au Maroc. En effet, le Maroc en adoptant la CDBet le cadre Aichi 2020, s’est engagé à développer et mettreen place des stratégies et plans d’action nationaux pouratteindre les objectifs escomptés dans les délais prévus. On peut noter la prise en compte au niveau national de laquestion des APAC, notamment dans son dernier rapportsur la biodiversité qui a traité la question des APAC commeune mesure de mise en œuvre efficace pour atteindre lesobjectifs nationaux de préservation de la biodiversité. Cetintérêt fait écho aux rapports et études menés par desexperts, dans le cadre de l’initiative ICCA-GSI, pour mettreen lumière la situation actuelle et le potentiel des APAC auMaroc.

De plus la dénomination « peuples ou communautésautochtones » a longtemps constitué un frein à l’ouvertureet la tenue du dialogue. Le basculement vers la terminologieplus neutre politiquement de « communauté locale » apermis l’ouverture du débat afin de soutenir favorablementla reconnaissance des APAC au Maroc. Cependant, les APAC restent un phénomène nouveau dansla terminologie marocaine. C’est avec les projets menés surle terrain avec le soutien de l’initiative ICCA-GSI, que lesAPAC commencent à capter l’attention des communautés,des acteurs institutionnels et de la société civile.

3.4. Initiatives entreprises pour contrer lesmenaces pesant sur les APAC

9

Les communautés locales au Maroc bénéficient d’uneprotection juridique relative à leur patrimoine. LaConvention pour la sauvegarde du patrimoine culturelimmatériel, approuvée par la loi 39-04 reconnaitl’importance des communautés locales dans la diversitéculturelle du pays. Elle insiste sur le respect et la sauvegardedu patrimoine culturel immatériel. Le rôle essentiel de lacommunauté dans la transmission y est égalementmentionné. Des lois régissant les régimes collectifs légaux et les terrescollectives existent également pour la protéger la propriétéet la jouissance de ces terres. Elles offrent une base légale aumélange des systèmes juridiques. On peut citer à titred’exemple le dahir de 1919 qui régit le droit de propriété destribus.

Il n’existe pas de lois ou de politiques spécifiques quisoutiennent directement les droits des communautéslocales. De plus, l’adoption de la déclaration des droits despeuples autochtones par l’Assemblée Générale de l’ONU,dont fait partie le Maroc, est certes une avancée mais ellerencontre des difficultés sur le terrain pour ce qui est deson application. On peut cependant citer les dispositionsconstitutionnelles qui édictent un certain nombre deprincipes et de garanties pouvant contribuer dans ce sens,ainsi que les lois citées plus haut sur la reconnaissance desdroits des collectivités locales sur la terre et l’usage decertaines ressources. Par ailleurs, les textes ci-dessous encouragent lacontribution des communautés à la gestion des bienscollectifs (voir tableau 1) :

Les dispositions constitutionnelles ;

Les lois garantissant l’accès des communautés locales àla propriété de la terre et à l’usage des ressources ;

Le dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelleadministrative des collectivités et réglementant lagestion et l'aliénation des biens collectifs, tel qu'il a étécomplété ou modifié ;

La loi 36-15 relative à l’eau ;

Le dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation etl’exploitation des forêts.

Partie II - Droits Humains

Lois et politiques relatives aux droitshumains soutenant les droits descommunautés locales

1.

2. Étendue et efficacité des protectionsjuridiques

3. Réformes possibles

La non-reconnaissance juridique officielle des communautéslocales en tant que personnes juridiques n’a pas empêchéleur subsistance. Ceci a été possible notamment grâce à lareconnaissance implicite à travers des textes qui organisentla propriété des terres collectives et des droits de l’eau et del’usage des ressources forestières (à la manière du dahir du27 avril 1919). Ainsi, il pourrait être souhaitable d’élargir les dispositions dela loi sur les terres collectives, ou d’introduire desdispositions relatives aux communautés locales dansd’autres textes pour renforcer et soutenir l’action de cescollectivités dans la gestion et la préservation de leursterritoires, de leur culture et de leurs modes degouvernance. D’autre part, les mécanismes participatifs, auniveau central ou territorial, pourraient inclure lesreprésentants des collectivités locales, soit directement, soitindirectement.

10

Domaine public local : les collectivités territoriales (dahirdu 19 octobre 1921 sur le domaine municipal ; loiorganique 114-14 relative aux régions ; loi organique113-14 relative aux communes) ;

Propriétés immatriculées : Agence Nationale de laConservation Foncière, du Cadastre et de laCartographie (dahir du 12 août 1913 surl’immatriculation foncière ; loi 58-00 portant création del'Agence Nationale de la Conservation Foncière, duCadastre et de la Cartographie).

Environnement & Développement Durable : Secrétariatd'État auprès du ministère de l'Énergie, des Mines et duDéveloppement Durable, chargé du Développement DurableLes agences et structures étatiques chargées de

l’élaboration des lois et politiques relatives aux ressourcesdes communautés locales et de leur mise en œuvre sont lessuivantes:

Terres collectives : la direction des Affaires Rurales duministère de l’Intérieur (dahir du 27 avril 1919 organisantla tutelle administrative des collectivités et réglementantla gestion et l'aliénation des biens collectifs) ;

Domaine forestier : le HCEFLCD (dahir du 10 octobre1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts) ;

Domaine public maritime : la direction des Ports et duDomaine Public Maritime du ministère de l’Équipement(dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public) ;

Domaine public hydraulique : les Agences de BassinsHydrauliques (loi 36-15 relative à l’eau) ;

Domaine privé de l’État : direction des Domaines de l’Étatdu ministère de l’Économie et des Finances (décret2.07.995 du 23 octobre 2008 relatif aux attributions et àl'organisation du ministère de l'Économie et des Finances) ;

Domaine public routier : la direction des Routes duministère de l’Équipement (dahir du 1er juillet 1914 surle domaine public) ;

Partie III - Cadre législatif pourla reconnaissance des modes degestion des ressources foncières,d'eau douce et maritimes parles communautés locales

Agences et structures étatiqueschargées de l'élaboration des lois etpolitiques relatives aux ressources descommunautés locales

1.

2. Lois et politiques sur les ressourcesfoncières

La seule législation reconnaissant la propriété des territoiresdes communautés locales est le dahir du 27 avril 1919organisant la tutelle administrative des collectivités etréglementant la gestion et l'aliénation des biens collectifs(voir tableau 1). Le titre d’occupation varie d’une simple présomption destatut collectif, à une délimitation administrative ou à uneimmatriculation foncière. Le ministère de l’Intérieur estchargé de recenser les collectivités propriétaires et leursterrains, et de veiller à leur préservation. Dans sa versionactuelle, cette loi offre des garanties relativement solidespour le respect des droits de propriété de ces communautéslocales. Le type de propriété édicté par le dahir du 27 avril 1919 surles terres collectives est une propriété restrictive dans lamesure où elle doit être exercée sous la tutelle de l’État..

2.1. Législation concernant la reconnaissancede la propriété collective des communautéslocales

11

La communauté locale bien qu’elle soit propriétaire, n’a pasle droit de disposer (vendre) son bien. Le projet de réformede la loi actuellement en cours propose d’ouvrir cettepossibilité de cession des terres collectives à desinvestisseurs privés.

Il existe un titre collectif de la propriété des communautéslocales sur leurs terres. Ce titre répond aux caractéristiquessuivants :

Ce titre n’est pas public dans la mesure où son détenteurn’est pas une personne de droit public et que sadestination n’est pas ouverte à l’ensemble de lacollectivité et/ou soumise aux règles du droitadministratif, mais destiné au bénéfice et à la destinationdu groupe propriétaire et des membres reconnus commeayants droit le composant, et géré selon les règles dudroit coutumier ;

Ce titre a des aspects assimilables à ceux auxquels sontsoumis les biens publics, c’est-à-dire, régi par une loiparticulière, soumis à la tutelle de l’État, frappéd’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité ;

Ce titre peut faire l’objet d’une immatriculation foncièreet d’une procédure d’expropriation ;

Ce titre n’est pas privé au sens strict du terme, vu qu’ilne possède pas une des caractéristiques constitutives dudroit de la propriété privée, c’est-à-dire, le droit dedisposer du bien possédé, et qu’elle se distingue de lapropriété en indivision (que le dahir du 25 juillet 1969relatif aux terres collectives en zones irriguées aintroduit).

Ainsi, cette propriété peut être limitée, voire menacée, par :

Les mécanismes de cessions régis par l’article 11 dudahir du 27 avril 1919 : « Par dérogation aux dispositionsde l’article 4 du présent dahir, l’acquisition d’un immeublecollectif par l’État, les communes, les établissements publicsou les collectivités ethniques peut être réalisée , soit de gré àgré, dans le cas où la collectivité propriétaire et le conseil detutelle sont d’accord sur le principe et les conditions del’aliénation, soit par voie d’expropriation dans le cascontraire » ; en permettant l’expropriation ou la cession,ce dahir assouplit l’inaliénabilité des terres collectives etouvre potentiellement la voie à des investissementséconomiquement rentables mais peu efficaceécologiquement.

Les lois sur le domaine public, et principalement le dahirdu 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitationdes forêts qui domanialise une partie des territoires quiétaient traditionnellement utilisées par les communautéslocales ;

La loi 33-13 relative au mines ; les droits miniers fontmême échec aux droits de la propriété foncière, qu’ellesoit collective ou non, puisque même quand il ne parvientpas à un « accord avec le propriétaire du terrain, le titulairedu permis de recherche ou de la licence d'exploitation demines peut être autorisé par l'administration à occupertemporairement le terrain situé à l'intérieur du périmètreconcerné et, le cas éventuel, à l'extérieur de celui-ci pour lesbesoins de l'activité minière ». (article 69) ;

Le dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculationfoncière qui donne « lieu à l’établissement d’un titre foncierqui annule tous titres et purge tous droits antérieurs qui n’yseraient pas mentionnés » (article 1) ; cet effet de purge acontribué à la dépossession, régulière ou non, librementconsentie ou pas, de plusieurs détenteurs de titrestraditionnels de propriété, notamment des communautéslocales ;

La loi 7-81 relative à l'expropriation pour cause d'utilitépublique et à l'occupation temporaire qui ouvre le droitd’expropriation « à l'État et aux collectivités locales ainsiqu'aux autres personnes morales de droit public et privé ouaux personnes physiques auxquelles la puissance publiquedélègue ses droits en vue d'entreprendre des travaux ouopérations déclarés d'utilité publique » (article 3) ;

2.2. Nature juridique du titre collectif de lapropriété des communautés locales sur lesterres et les ressources

2.3. Limitations des droits et pressionsspécifiques portant atteinte aux droits fonciersde jure ou de facto (voir tableau 1)

12

La loi 27-13 relative aux carrières ;

Les politiques publiques agricoles ;

La loi 113-13 sur la transhumance pastorale : sousréserve d’une autorisation de l’administration, l’article 12permet l’ouverture des pâturages à des troupeaux autresque ceux appartenant aux ayants-droit, ce qui risqueraitde bousculer le rythme d’utilisation durable desressources, et notamment le respect des règlescoutumières qui s’appliquent à la transhumance (Halimi,2018) ; les articles 23 à 31 stipulent que pour ouvrir oufermer des pâturages, il est nécessaire d’obtenir desautorisations, or cela n’est encore que trop peu appliquéet donne lieu à des conflits.

À noter que les ressources souterraines font partie dudomaine public de l’État.

dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrativedes collectivités et réglementant la gestion et l'aliénationdes biens collectifs, tel qu'il a été complété ou modifié ;

loi 36-15 relative à l’eau ;

dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation etl’exploitation des forêts ;

loi 113-13 du 27 avril 2016 sur la transhumance pastoraleet l’aménagement et la gestion des espaces pastoraux.

qui a permis de contribuer à les maintenir et à leur offrir desressources. Toutefois, la rigidité du dispositif met souventen tension la possibilité de déployer les modescommunautaires de gestion et de gouvernance. L’élevage reste une des activités collectives les plusrépandues. Les mécanismes de gestion et de régulationcommunautaires réussissent parfois à faire fonctionner desdispositifs intéressants comme les agdal, et à préserver ainsiles ressources et la cohésion des groupes. Dans d'autrescas, ces mêmes mécanismes sont voués à l’échec. Le cadrelégislatif ne peut donc pas expliquer à lui seul la facilité oules entraves à faire fonctionner les modes de régulationcommunautaires.

3.1. Lois sur la reconnaissance de l'utilisationdes lois et procédures coutumières pour lagestion des ressources par les communautéslocales (voir tableau 1)

3. Reconnaissance des droits d'usage etd'exploitation

3.2. Fonctionnement des cadres législatifs etpolitiques au niveau des communautés locales

La reconnaissance des droits d’usage de l’eau est un exemplede déploiement de règles complexes, précises et détaillées,et d’un système de gouvernance et de régulation prenant encharge une superposition de niveaux public, privé etcommunautaire. L’exemple de la domanialité forestière est un exemple depréservation des espaces et des ressources à travers undispositif de droit public et l’action de la puissance étatique,de la reconnaissance des droits des usagers communautaires

4. Impact de la gestion communautairedes ressources sur la conservation

Le cadre réglementaire encadrant le droit de propriétéet/ou d’usage de la terre et des ressources naturelles par lescommunautés locales n’édicte pas de dispositions ou demesures pour la conservation (excepté les droits d’usage àl’intérieur du domaine forestier). La gestion des parcours (85% des terres collectives) connaitune efficacité variable dans la conservation et lagouvernance des territoires, des zones et des ressourcesnaturelles. Cette efficacité varie selon la capacité du groupeà imposer une régulation communautaire de ces parcours.Des exemples d’institutions communautaires ou néo-communautaires particulièrement efficaces dans la gestionet la préservation des ressources pastorales sont à citer à cepropos : les agdals et les coopératives ethno-lignagères. La gestion de l’usage des droits d’eau traditionnelle resteglobalement la plus efficace pour le maintien et l’applicationdes règles communautaires ainsi que pour la conservationde la ressource. Des cas problématiques peuvent toutefoisêtre relevés, liés à une perte de savoir-faire traditionnelparticulier (khettaras), des ouvrages nécessitant uninvestissement en capital, en matériaux et ou en savoir-fairedépassant les ressources propres de la communauté, ladégradation cyclique ou structurelle de l’état et de ladisponibilité de la ressource.13

5. Réfomes possibles

Pour mieux protéger les droits des communautés localessur les territoires et zones terrestres, d'eau douce et marins,il conviendrait de :

sanctuariser davantage les droits d’eau traditionnels,notamment face à l’accaparement des terres en courspar des projets d’investissement privés pour desexploitations intensives sur les terres collectivesprésentant une menace sur ces systèmes ;

assouplir la législation forestière pour permettre, souscertaines conditions, l’application des règles derégulation communautaire ;

concilier les projets et les aides publiques en matièred’hydraulique avec les modes de gestion et les savoir-faire traditionnels ;

préserver et encourager la transmission des savoir-fairetraditionnels en matière de gestion de l’eau ;

donner une reconnaissance juridique et des moyens poursuppléer les déficits d’autorité et de coercition dontpeuvent souffrir les collectivités locales dans certainessituations (droit de verbaliser, de mise en fourrière destroupeaux en infraction, etc.) ;

sanctuariser certains espaces en procédant à laprotection et au classement de certains sites pour éviterune réversibilité des droits acquis, et par conséquent, lamenace de la durabilité des ressources.

14

loi 12-03 relative aux études d'impact surl'environnement ;

loi 22-17 de 2010 relative aux aires protégées ;

La stratégie et le plan national de la diversité biologique.

loi 36-15 relative à l’eau, notamment l’article 2 ;

dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation etl’exploitation des forêts, notamment l’article 21 ;

loi 17-97 relative à la Propriété industrielle ;

loi 25-06 relative aux signes distinctifs d'origine et dequalité des denrées alimentaires et des produits agricoleset halieutiques, notamment l’article 3 ;

loi 29-05 relative à la protection des espèces de flore etde faune sauvages et au contrôle de leur commerce ;

Plus concrètement, la gamme de lois et de politiques sur lesressources naturelles (biodiversité, agriculture, pêche,forêts, sous-sol, climat / pollution, ressources génétiques,etc.) qui interagit avec les modes de vie des communautéslocales, l'appropriation locale, et la gestion des territoires,des zones et des ressources naturelles :

loi-cadre 99-12 portant CNEDD : cette loi, promulguéele 6 mars 2014, édicte un certain nombre de principes,de droits et d’engagements de nature à renforcer lapréservation des ressources naturelles ouenvironnementales ainsi que les mécanismes et lesinstitutions qui contribuent à ces objectifs, tels lesAPAC ;

Partie IV - Ressources naturelles,environnement et culture

Cadre législatif pour la gestioncommunautaire des ressourcesnaturelles, de l'environnement et de laculture

1.

La Constitution reconnait des droits linguistes et prévoitla protection et la promotion des langues locales ;

loi 2-00 relative aux droits d'auteur et droits ;

loi 22-80 relative à la conservation des monumentshistoriques et des sites, des inscriptions, des objets d’artet d’antiquité.

1.1. Appropriation et/ou gouvernance desressources naturelles par les communautéslocales (voir tableau 1)

1.2. Dispositions relatives aux savoirs traditionnelsou au patrimoine immatériel des communautés ycompris les langues (voir tableau 1)

1.3. Accès et partage des avantages

Pour l’accès et le partage des avantages, il s’agit de se référerau projet de loi 56-17 sur l’accès aux ressources génétiqueset le partage juste et équitable des avantages découlant deleur utilisation (voir tableau 1). Ce projet s’inscrit dans lacontinuité de la mise en œuvre du protocole de Nagoyaadopté par le Maroc lors de la conférence mondiale sur labiodiversité de Nagoya en 2010. Le présent projet de loi met en place le cadre juridiquepermettant de garantir et de maitriser les opérations d’accèsaux ressources génétiques et la protection desconnaissances traditionnelles associées. Il définit égalementles règles garantissant le partage juste et équitable desavantages découlant de l’utilisation de ces ressources. Ceprojet de loi constitue une porte d’entrée potentielle pour lareconnaissance des APAC ; en effet, les connaissancestraditionnelles et les populations locales sont définies, et lelien entre communautés locales et préservation desressources clairement établi à travers le projet.

15

Le texte en question est encore à l’état de projet et n’a pasencore été adopté dans sa version définitive. Les modalitésdu consentement des collectivités locales serontprobablement détaillées par des textes d’application.

Djema’a : assemblée délibérative qui regroupe les chefsde foyers et par laquelle passe la prise de décision locale ;la configuration de la djema’a varie selon les circonstanceset selon la nature de l’objet discuté ; les femmes et lesjeunes sont normalement exclus de ces assemblées, bienque des évolutions à ce sujet peuvent aujourd’hui êtreobservées ; les sujets soumis à la djema’a sont débattusjusqu’à ce qu’un consensus se dégage ;

Naibs : représentants de la collectivité locale pour lesquestions des terres collectives (forment une assembléede nouabs) ; leurs modes de désignations varient selon lescommunautés (élection, cooptation, désignation par uncollège ou une assemblée), ainsi que les modalités decette désignation (mandat limité dans le temps ou non,consignation de la désignation par un acte adoulaire, etc.).

Aiguadier : personne en charge de la veille de la gestiondes équipements communautaires en rapport avec l’eau ;il est désigné par l’assemblée de la collectivité ou par uneassemblée regroupant les chefs de foyers concernés parles droits de l’eau ; il peut y avoir plusieurs aiguadiers sil’importance des équipements l’exige ; ceux-ci sontchargés de surveiller les récoltes privées et les bienscollectifs ; en cas de transgression des normes, ils peuventinfliger des amendes qui par la suite serviront à financerdes projets ou dépenses de la collectivité (Es-Siari, 2019) ;

Les gardiens de vergers collectifs ou des agdals veillentau respect des restrictions édictées par la collectivité, età l’application, le cas échéant, des sanctions décidées parle groupe ;

Les lois sur la protection de l’environnement pourraientmentionner spécifiquement le rôle des communautés localeset des modes de gouvernance coutumiers dans lapréservation des ressources. Elles pourraient égalementinclure ces collectivités dans la liste des acteurs concernéspar les mécanismes participatifs et consultatifs mis en placepar les lois et les autorités. Enfin, il serait souhaitable deprévoir un système d’inscription ou de classement des APACprotégeant les systèmes les plus fragiles et les plus menacéspour leur garantir une protection plus forte et plus pérenne.

2. Instances de gouvernance coutumières

Igoudar ou agadir : greniers collectifs construits etfortifiés construits par les communautés pour pallier larareté de certaines ressources, où sont entreposés lesproduits agricoles, ou denrées rares selon les régions(miel, beurre, huile, etc.) ; un gardien (amine) est mandatépour veiller sur les biens collectifs ; l’agadir a son propredroit dit louh, et une assemblée, les inaflas, chargée detenir les comptes et impose la bonne application du droitspécifique (Es-Siari, 2019) ;

Horoumou : institution qui crée une enceinte sacréeautour d’un objet à protéger, interdisant l’exploitation dubien sans l’accord préalable ou le contrôle de lacommunauté (Es-Siari, 2019).

3. Réformes possibles

16

Il existe très peu de mécanismes juridiques spécifiques etexplicites pour gérer les interactions de ces lois avec les loissur l’environnement et les droits de l’homme. Ainsi, quand laloi n’édicte pas des mécanismes de protection absolu(classement, inaliénabilité, interdiction d’accès, d’usage ou decommercialisation, etc.) seuls les mécanismes tels que lesétudes d’impacts sur l’environnement ou les principesgénéraux de la charte de l’environnement sont applicables.L’arbitrage reste donc politique, et non pas juridique.

Exploration et extraction desressources naturelles

1.

Le prix versé en compensation de l’achat ou de lalocation d’une parcelle d’un terrain collectif : une partieou la totalité de la somme peut être répartie sur lesayants droits (ce qui excluait en général les femmes) ; ellepeut être aussi utilisée en partie ou en totalité pour lefinancement de projets au profit de la collectivité ; selonle ministère de l’Intérieur, la majorité de ces projetsconsiste en des projets d’équipement de base qui sont enprincipe de la responsabilité de l’État (41% projets devoiries et de pistes, 16% eau potable et électrification) ;

L’impact économique de ces projets sur leurenvironnement immédiat : emploi, marché pour lescommerçants locaux, etc., mais cet impact reste engénéral très limité ;

L’action des entrepreneurs dans le cadre de la RSE.

Partie V - Exploitation desressources naturelles

1.1. Lois portant sur l'exploration etl'extraction des ressources naturelles (voirtableau 1)

loi 33-13 relative aux mines ;

loi 27-13 relative aux carrières ;

loi 12-03 relative aux études d’impact surl’environnement ;

loi-cadre 99-12 portant CNEDD

1.2. Droits humains

2. Projets de développement à grandeéchelleDepuis près d’un siècle, les projets de développement àgrande échelle (fermes, mines, périmètres irrigués, etc.) ontponctionné une quantité considérable de terres à traversdifférents mécanismes (achat, location, expropriation, etc.).Ces projets sont tous de grands consommateurs de foncieret d’eau. Seule la loi sur les terres collectives, dans sa version actuelle(le projet de réforme en cours constituant un recul à cepropos) permet de préserver les terres des collectivitéslocales dans certaines situations ( à l’exception des projetsminiers et/ou publics). Dans certains cas, ces dispositions permettent des avantagesdécoulant de ces activités, notamment :

3. Réformes possiblesLa mise en en place de dispositions législatives rendant plusefficaces la protection de l’environnement et des ressourcesnaturelles et culturelles, permettrait d’obtenir des arbitragesplus transparents entre projets de développement à grandeéchelle et préservation du patrimoine communautaire.

17

Les AP sont régis par la loi 22-07 qui a abrogé et remplacéle dahir du 11 septembre 1934 sur la création des parcsnationaux. La loi marocaine relative aux AP se réfère explicitement à laCDB, qui « entend par aire protégée tout espace terrestreet/ou marin, géographiquement délimité, dûment reconnu etspécialement aménagé et géré aux fins d'assurer la protection,le maintien et l'amélioration de la diversité biologique, laconservation du patrimoine naturel et culturel, sa mise envaleur, sa réhabilitation pour un développement durable, ainsique la prévention de sa dégradation » (article 1). Cette définition est conforme à la définition internationaledonnée par l’UICN, qui définit une AP comme « une portionde terre et/ou de mer vouée spécialement à la protection et aumaintien de la diversité biologique, ainsi que des ressourcesnaturelles et culturelles associées, et gérée par des moyensefficaces, juridiques ou autres ».

Aires Protégées1.

La loi 22-07 relative aux AP n’évoque pas explicitement lesAPAC. Toutefois, la catégorie dite de site naturel, « espacecontenant un ou plusieurs éléments naturels ou naturels etculturels particuliers, d'importance exceptionnelle ou unique,méritant d'être protégés du fait de leur rareté, de leurreprésentativité, de leurs qualités esthétiques ou de leurimportance paysagère, historique, scientifique, culturelle oulégendaire, dont la conservation ou la préservation revêt unintérêt général » (article 8) peut être considérée comme uneentrée intéressante pour soutenir les APAC. La loi reconnait en outre les « droits d'usage reconnusexpressément par la législation en vigueur aux populationsconcernées » (article 17). Enfin, « l'administration compétentepeut concéder la gestion de l'aire protégée, totalement oupartiellement, à toute personne morale de droit public ou privé,qui s'engage à respecter les conditions générales de gestionprévues par la présente loi et les clauses d'une convention et d'uncahier des charges établis par l'administration » (article 25). En outre, il existe selon cette loi cinq catégories d’AP dont lagestion est assurée par l’administration compétente, encollaboration et en partenariat avec les collectivitésterritoriales et les populations concernées :

Article 2 : une AP est classée par l'administrationcompétente, en fonction de ses caractéristiques, de savocation et de son envergure socio-économique, dansl'une des catégories suivantes : parc national, parc naturel,réserve biologique, réserve naturelle, site naturel.

Article 3 : une AP peut être subdivisée en zonescontinues ou discontinues relevant de régimes deprotection différents, compte tenu des objectifsd'aménagement, des contraintes découlant de l'état deslieux et des sujétions justifiées par les besoins et lesactivités des populations qui y sont installées.

Bien que cette loi ait été promulguée récemment, elle netient toujours pas compte des aires conservées par lescommunautés locales. La préparation de ce texte offraitl’opportunité irremplaçable de reconnaître les APAC,d’encourager leur extension, voire généralisation. Il estcertes fait référence aux populations locales, au respect deleurs intérêts, à leur participation et contribution à lagestion des ressources naturelles (co-gestion, gestionparticipative, éco-développement) ; néanmoins, il n’y a pasde véritable reconnaissance des capacités descommunautés locales (Es-Siari, 2019). Nonobstant, en partant des dispositions de cette loi, untexte d’application pourrait pallier ces lacunes en intégrantspécifiquement les APAC comme un type de gouvernancedes aires protégées tel que cela est préconisé par laclassification de l’UICN (2014).

Partie VI - Aires Protégées,APAC et sites naturels sacrés

18

Il existe un régime juridique de waqf (fondationsreligieuses/biens de mainmorte) qui permet de destiner lapropriété d’un bien immeuble en un usage d’intérêtreligieux. Il est régi par le dahir du 23 février 2010 formantcode des habous. Le plus souvent, un périmètre horm(sanctuaire) est mis en place et observé de manièrecoutumière autour de sites sacrés (mosquée, zawya,mausolée, etc.). Les sites naturels sacrés sont le plus souvent sous l’autoritécoutumière de lignages sacrés où le statut se transmet parhérédité ou de maître à disciple. Le site naturel sacré peutservir pour garantir l’efficacité des règles de gestion de l’APAC(Mahdi, 1999) et/ou la cohésion du groupe (Gellner, 1969).

2. Sites naturels sacrés

3. Réseau d'AP au Maroc (BIB, 2019)

154 Sites d'Intérêt Biologique etÉcologique

10 Parcs Nationaux

4 Réserves Biosphère

24 Sites Ramsar

1 Système Ingénieux du Patrimoineagricole Mondial (Saber, 2018)

4. Réformes possibles

Institutionnalisation de la reconnaissance des APAC desorte que leur gouvernance particulière par lescommunautés soit admise à l’échelle nationale commeun outil indispensable à la préservation de labiodiversité ;

Mise en place d’un cadre et de procédures d’inscription,de classement et de protection des APAC à l’image de cequi existe déjà pour les AP ;

Désignation d’une institution clé au niveau national pourse charger de la question des APAC au Maroc et menerdes projets ainsi que des politiques favorables à leurdéveloppement.

19

Un intérêt grandissant pour les particularismes locaux etrégionaux ;

Un intérêt notable pour les actions envers certainescatégories de la société telles que les jeunes et lesfemmes.

Tous ces éléments ont contribué à la vitalité et audynamisme de la société civile et il serait judicieux deréinvestir ces efforts dans le cadre de projets visant lesoutien et la reconnaissance des APAC, car il reste encorebeaucoup d’effort à entreprendre au Maroc, pour fédérercette société civile en vue de l’amener à comprendre etdéfendre les intérêts des APAC.

Depuis quelques années, la production académique sur leMaroc s’est réconciliée avec les études des différentesdimensions et aspects des communautés locales : langues,histoire, coutumes, institutions coutumières, expressionsculturelles et artistiques ; formes de solidarité et decoopérations tribales ; modes de participation au sein de lacommunauté ; rites, rituels et pratiques religieuses dans cessociétés ; mémoire et traditions orales; pratiques agricoleset pastorales: gestion des ressources, transhumance,nomadisme, etc.

Partie VII - Enjeux de lareconnaissance et du soutiennon-juridique

2. Reconnaissance sociale

La question des APAC n’a été abordée que récemment avecle lancement de l’initiative ICCA-GSI au Maroc. Encore peude plaidoyer est donc été fait autour de cette thématique.Lors des étapes à venir de cette initiative, les acteursdevront naviguer les contraintes suivantes :

Le respect de l’environnement, de la biodiversité et dudéveloppement durable ;

Le développement économique à travers les politiques etles projets productivistes ;

Le développement rural et territorial (emploi,infrastructures, lutte contre la pauvreté, etc.) ;

La pression sur le foncier rural et agricole ;

Le rythme long de la production et de l’adoption demesures législatives nouvelles ou de réformes dedispositions existantes.

Documentation et recherchesacadémiques sur les communautéslocales

1.

Depuis la libéralisation politique des années 1990, la sociétécivile marocaine s’est considérablement développée. Avecle nouveau règne et le lancement du chantier de l’INDH audébut des années 2000, ce mouvement s’est d’autant plusamplifié. Cette dynamique a impacté les communautéslocales, devenues les sujets principaux des travaux denombreux organismes de la société civile. Plusieurs facteursont influencé cette dynamique :

Un regain d’intérêt pour la diversité culturelle descommunautés, les langues et les traditions locales, lesperformances artistiques et les expressions culturelles, lamémoire et l’histoire orales, les savoir-faire locaux ;

Une mise à l’agenda politique, social et académique desquestions environnementales ;

3. Plaidoyer

20

Par-delà le degré de reconnaissance juridique des APAC etde leurs composantes, il faut reconnaitre quel’administration, dans sa gestion concrète et routinière desréalités locales, adapte une posture pragmatique s’adaptantaux réalités du terrain. Toutefois, les représentants desdifférentes administrations et autorités locales restenttributaires de leurs champs de compétence et de leursattributions. Les deux exemples suivant sont assezdémonstratifs des enjeux d’un soutien administratif adapté : Le HCEFLCD a pour mission la conservation de la ressourceforestière, mais n'a pas comme mandat principal la questiondes usages communautaires. Dans cette même optique, laconception de la conservation peut varier entre la visiontechnique des ingénieurs forestiers et celle coutumière descollectivités traditionnelles. D’un côté, les agents forestiersne peuvent agir que dans les limites thématiques etterritoriales de leurs champ de compétence ; de l’autre, lescollectivités locales n’ont pas la possibilité de déployer leursmécanismes de régulation communautaires au sein dedomaine forestier, rendant ainsi les actions et les stratégiesindividuelles incompatibles avec le respect des règlesd’accès et d’usage des ressources forestières etcompliquant alors les rapports entre l’administration et lacollectivité.

5. Soutien financier

4. Soutien administratif

Les autorités locales gèrent l’ordre public et assurent sur leterrain la tutelle des collectivités locales en matière deterres collectives. Ces autorités n’ont pas de compétencesparticulières directes en ce qui concerne la préservation desressources, et ne peuvent donc pas intervenir efficacementà ce niveau. Par ailleurs, elles se retrouvent en premièreligne quand la question des conflits intercommunautaires sepose. Le système coutumier n’offrant pas de mécanisme derégulation intertribal autre que les pactes négociés, quandles autorités locales interviennent, de leur propre chef ousur la sollicitation des parties, leur objectif est alors derestaurer l’ordre et la paix et de garantir un statut quo, sansse soucier nécessairement de régler l’objet à la base duconflit, ni d’imposer un fonctionnement permettantd’assurer l’utilisation et la préservation de la ressource objetdu litige (un parcours par exemple). En même temps, lespopulations sont en attente d’un rôle d’arbitrage que cesautorités locales n’ont pas les moyens d’offrir.

L’État et ses différentes administrations, les collectivitésterritoriales, les organisations internationales, et les ONGnationales ou internationales gèrent des programmes qui

6. Mise en réseauBien que le réseau APAC national ne soit pas encoreofficiellement mis en place, des liens se sont tissés entre les7 APAC dites « emblématiques » dans le cadre de l’ICCA-GSO et le cercle des ONG alliées, à travers les différentesrencontres et échanges qui ont été organisés durant lestrois années de mise en œuvre du projet ICCA-GSI. De plus,la communauté scientifique semble s’intéresser de manièrecroissante à la question de la gestion communautaire desressources naturelles (Es-Siari, 2019). Un projet PMF FEMest actuellement en cours de réalisation (2019-2020) pourla mise en place et le développement d’un réseau APACnational marocain. Parallèlement, le processus de créationd’une base de données pour le recensement des APAC, àl’échelle nationale, a été entamé.

7. Réformes possiblesIdentification d’un département gouvernemental quipuisse porter le dossier de soutien et de protection desAPAC ;

Adoption d’une approche pragmatique dans le travail desensibilisation et de lobbying, prenant en considération lescaractéristiques du système juridique et administratif ;

Prise en compte de la logique propre et les contraintesdes différents représentants locaux des administrationspubliques et des autorités pour une interaction et unecoopération plus efficientes ;

Utilisation des mécanismes participatifs locaux, régionauxet nationaux pour encourager la reconnaissance des APAC ;

Déploiement du cadre associatif et/ou coopératif afin derenforcer le soutien aux APAC.

offrent des possibilités de financements directs pour ceszones. Par ailleurs, elles peuvent déployer des programmespermettant d’accompagner les collectivités et lespopulations à générer des revenus à travers leursexploitations coutumière et durable des ressourcesnaturelles et culturelles. Néanmoins, il est à souligner queces appuis financiers ne concernent pas directement lesoutien aux APAC qui s’inscrivent indirectement dans lesactions de lutte contre la pauvreté et de protection del’environnement de manière plus générale.

21

Conformément aux articles 4 et 5 du dahir de 1919, ainsiqu’à la circulaire conjointe 8/62 des ministres de l’intérieuret de la justice , le Conseil de tutelle est compétent pourtoutes les affaires se rapportant à des terres collectivesdont la situation juridique a été apurée par immatriculationfoncière ou par délimitation administrative homologuée,qu’il s’agisse d’affaires entre :

Les membres d’une même collectivité locale (arrêt de laCour suprême 231 en date du 7 mai 1969) ;

Deux ou plusieurs collectivités locales gérant en communune terre collective dont la situation juridique est apurée ;

Des collectivités et les tiers portant sur des terrescollectives dont la situation juridique a été apurée etdont le caractère collectif n’est contesté par aucune desparties ;

Des collectivités et des personnes prétendant à la qualitéd’ayant-droit suivant les dispositions du règlement 2977en date du 13 novembre 1957 qui permet aux chefs defoyer étrangers ayant joui pendant une durée minimumde 10 ans des mêmes droits et obligations que les ayantsdroit.

Compétence du Conseil de tutelle1.

La dépossession d’autrui d’un immeuble (i.e. bien nonsusceptible de se déplacer ou d’être déplacé comme lesfonds de terres ou les sols) par surprise ou fraude : laquestion est réglementée par l’article 570 du code pénal(de portée générale et pouvant donc prétendre às’appliquer sur les terres collectives) ainsi que par ledernier alinéa de l’article 4 du dahir de 1919 ; toutefois,la Cour suprême (arrêt 1043/6 en date du 14 avril 2001)a jugé qu’il fallait statuer selon les dispositions du dahirde 1919, étant donné que les éléments constitutifs del’infraction dépendent de la décision de l’assemblée desnaïbs ou du conseil de tutelle.

La cession de biens inaliénables (i.e. bien qui ne peut pasêtre cédé) : sur la base des dispositions des articles 540et 542 du code pénal qui incriminent la disposition debiens inaliénables, ainsi que de l’article 4 du dahir de1919 qui dispose que les terres collectives sontinaliénables ; cette position a été confirmée par la Coursuprême (arrêt 2483/6 en date du 24 décembre 1997).

Partie VIII - Jugements

2. Compétence des juridictions pénalesLe principe étant la protection de la propriété, collective enl’espèce, en application des dispositions du droit pénal ainsique celles du dahir de 1919 :

3. Compétence des juridictions civilesLes actions possessoires (i.e. qui visent à être maintenuou à réintégrer la possession)

En matière immobilière, il est statué généralementconcernant les actions possessoires en référé sans préjugersur le fondement du droit de propriété, en application desarticles 166 et suivants du code de procédure civile ; enmatière de terres collectives, ces dispositions ne sont pasappliquées et le juge renvoie à la législation régissant lesterres collectives ; c’est ce qui a été confirmé par la Coursuprême (arrêt 3518 en date du 27 mai 1998) qui se fondesur les dispositions du dahir de 1919 stipulant que les terrescollectives sont imprescriptibles, que la possession aussilongue soit-elle ne confère pas de droit de propriété, et que,donc, les dispositions des articles 166 et suivant du code deprocédure civile relatifs à l’action possessoire nes’appliquent pas.

Les actions pétitoires (i.e. qui visent à reconnaitre undroit de propriété, c’est une action en revendication)

Ces actions pétitoires ne peuvent pas concerner les terrescollectives dont la situation juridique a été apurée parimmatriculation foncière ou par délimitation administrativehomologuée ; pour ce qui est du présumé collectif, de tellesactions sont possibles de la part d’une collectivité localeconcernant un terrain collectif en commun avec une autrecollectivité dans le cas d’une procédure d’immatriculationou de délimitation administrative ; la collectivité peutégalement faire face dans cette procédure à desprétentions possessoires d’individus ; la Cour suprême aconfirmé le droit de la collectivité à ester (i.e. intenter des

22

Sur ce point, il existe deux textes législatifs dont lesdispositions peuvent donner lieu à des interprétationsdifférentes. Il s’agit de l’article 12 du dahir de 1919 quidispose que les décisions du conseil de tutelle ne sontsusceptibles d’aucun recours, et d’autre part la loi 41-90portant création des tribunaux administratifs qui ouvre lapossibilité de recours en annulation contre les décisions desautorités administratives. La jurisprudence marocaineconcernant cette question varie selon qu’il s’agisse dejuridiction du fond ou de juridiction de cassation :

Juridiction du fondDans un arrêt du tribunal administratif d’Agadir (arrêt63/95 en date du 20 juillet 1995), la cour s’est déclaréecompétente pour connaître d’un recours en annulationcontre une décision du conseil de tutelle. Un autre arrêt dutribunal administratif d’Oujda (arrêt 25/2002 en date du 30janvier 2002) va dans le même sens. Les arguments invoqués par les deux cours portent sur lefait que le refus de recours contre les décisions du conseilde tutelle va à l’encontre des principes de l’État de droit. Lacour a considéré que par sa composition et sescompétences, le conseil de tutelle est de droit une autoritéadministrative, donc ses décisions sont des décisionsadministratives. D’autre part, la loi 41-90, de portée

actions devant les tribunaux et de se défendre lorsqu’on estl’objet de poursuite), selon l’arrêt 165 en date du 20 mars1968 et l’arrêt 181 en date du 2 juin 1971), rappelant ladistinction introduite par l’article 5 du dahir de 1919 entreles actions que la collectivité peut intenter directementconcernant toute opposition à des demandesd’immatriculation introduites par des tiers, et entre lesactions qui nécessitent l’autorisation de la tutelle.

4. Compétence des juridictionsadministratives

générale, s’applique à toutes les décisions administratives,dont les décisions du conseil de tutelle, sauf dispositionspéciale. De plus, l’immunité accordée par l’article 12 dudahir de 1919 ne vaut que pour les recours administratifs,et non pour les autres types de recours. À noter également un arrêt du tribunal administratif deCasablanca (arrêt 274 en date du 22 mai 2002), où il étaitquestion d’un recours en annulation contre une décisionadministrative. La défense de la tutelle a demandé le rejetdu recours qui aurait été présenté hors délai. Le tribunal arappelé que le délai court à partir de la date de publicationde la décision contestée. Il faut que la publication indique ladésignation de l’entité qui a rendu la décision, qu’elle soitémise par la partie compétente et qu’elle soit adressée auxpersonnes concernées. Dans le cas d’espèce, la cour aannulé la décision estimant que la condition de publicitéfaisait défaut car elle a été faite sur le territoire d’une autrecollectivité. Le tribunal administratif d’Agadir dans l’arrêt 241/2008 endate du 30 octobre 2008 a rejeté la requête du conseil detutelle. En effet, le conseil demandait le rejet d’un recoursqui serait intervenu hors délais. Le tribunal a estimé querien dans le dossier n’indique que la décision a étécommuniquée à l’intéressé. Un des autres moyens durequérant était le défaut de motivation de la décision.Cependant la cour n’a cependant pas annulé la décision surcette base.

Juridiction de cassationLa chambre administrative de la Cour suprême est jusqu’àprésent allée dans la direction de casser les décisions destribunaux administratifs qui se déclarent compétents pourconnaître des recours en annulation contre les décisions duconseil de tutelle, sur la base de l’article 12 du dahir de 1919.

23

Cette jurisprudence peut porter sur les conflits :

intra groupe sur la définition et l’interprétation des règlescoutumières ;

intra groupe sur les stratégies individuelles de sortie del’indivision et/ou du collectif et la sécurisation de droitsprivatifs ;

inter groupes sur les frontières ;

inter groupes sur la gestion commune des ressources ;

inter groupes sur l’accès aux ressources détenues et/ougérées par l’autre groupe ;

avec la tutelle et les tiers sur l’acquisition des terrescollectives ;

avec l’administration de l’Agriculture autour des aides,subventions et assistance technique ;

avec l’administration forestière autour du respect desconditions d’usage par les collectivités riveraines.

5. Réformes possiblesUne harmonisation des décisions de la Cour de cassationet des tribunaux administratifs pour éviter la cassationsystématique des décisions des tribunaux administratifsqui statuent sur les questions des terres collectives ;

Une reformulation du rôle régulateur des vis-à-vis descommunautés locales (agents forestiers et agentsd’autorité) pour une meilleure synergie avec le rôlerégulateur des institutions coutumières.

24

Bien que les APAC au Maroc ne soient pas considérés commefaisant partie du réseau des AP, elles jouissent néanmoinsd’une reconnaissance légale (au moins partiellement et defaçon éparse) par le biais d'autres lois et politiques. Même enl’absence d’une reconnaissance juridique spécifique et avecpeu de politiques publiques favorables aux cadresd’organisation des communautés locales, ces dernières ont sus’adapter aux évolutions de leur environnement et maintenirleurs institutions traditionnelles et leur droit coutumier. Le projet de réforme de la loi sur les terres collectives et leprojet de préparation des textes d’application de la loi surles AP constituent des fenêtres d’opportunité à saisir par leMaroc pour l’intégration des APAC.

Contenu des réformes possibles1.

Le développement du lien entre APAC et protocole deNagoya ;

L’utilisation d’indicateurs scientifiques afin de démontrerl’impact des APAC sur la conservation de la biodiversité ;

L’élaboration d’une stratégie de tourisme durableintégrant les APAC ;

Une sensibilisation de l’opinion publique sur l’importancedes APAC ;

La préparation de mécanismes d’arbitrage entre les projetsde développement à grande échelle et les projets extractifs ;

La mise en place de mécanismes de régulation et d’arbitrageentre les différentes collectivités locales, prenant enconsidération les impératifs de préservation des ressources.

Partie IX - Mise en oeuvre:réformes juridiques et politiques

2. Acteurs des réformes possibles

Ces réformes pourraient impliquer, à différentes échelles,des acteurs tels que :

Les représentants des communautés locales ;La société civile sensible à cette question dans sesdifférentes dimensions ;La communauté d’experts (agronomes, sociologues,économistes, etc.) ;Les autorités publiques chargées de l’environnement ;Les autorités publiques chargées de la tutelle sur lescommunautés locales;Les autorités publiques gérant le domaine public forestier ;Les autorités publiques chargées de l’agriculture ; Les organisations internationales concernées.

Ainsi, il serait souhaitable que les lois et politiques relatives auxAP ainsi qu’à la conservation de la biodiversité et del’environnement en général, incluent les suggestions suivantes :

Le maintien du système coutumier vivant et dynamiqueimplique un assouplissement des règles applicables à lagestion du domaine forestier et des AP gérées parl’administration forestière pour mieux intégrer laquestion des APAC ;

Une mention spécifique dans les lois sur la protection del’environnement, du rôle des communautés locales etdes modes de gouvernance coutumiers, en insistant surleur importance dans la préservation de la biodiversité ;

L’intégration des communautés locales dans la liste desacteurs concernés par les mécanismes participatifs etconsultatifs ;

L’élaboration d’un système d’inscription ou declassement des APAC pour protéger les écosystèmes lesplus fragiles tel que préconisé par l’IUCN ;

L’inscription du processus d’identification des APAC auMaroc dans la durée ;

La prise en compte dans certaines APAC de l’interactionentre système moderne et traditionnel ;

Une clarification des critères pour identifier les APAC ;

3. Fenêtres d'opportunitéLa réforme en cours des lois sur les terres collectivesLes textes d’application de la loi sur les aires protégées

25

En pratique, la mise en œuvre des législations liées auxAPAC et à leurs ressources donnent lieu à des situationsrelativement variées : Pour les terres collectives, les situations varient entre unegestion effective et routinière, et des tensions fortes autourde la définition et de l’interprétation des règles coutumières(l’exemple des soulalyates). Pour les droits d’eau, les choses se passent globalementbien pour autant que la ressource garde un niveau minimumde viabilité, que le coût et l’effort de gestion et d’entretiendes équipements soient raisonnable à l’échelle de lacollectivité, et que les accaparements des terres par desinvestisseurs privés ne soient pas importants. Pour la législation forestière, une nouvelle approche axéesur la coopération et le dialogue avec les populationslocales a été mise en place pour les sensibiliser et lesaccompagner dans la gestion des ressources.

Partie X - Résistance etengagement

Exemple de conflits entre lescommunautés locales et le secteurprivé, les groupes de conservation etles agences gouvernementales: les AïtOugrour

1.

Dans la province de Ouarzazate, les terres collectivesconstituent un réservoir foncier de plus en plus convoité.Ces terres s’étendent sur le versant sud du Haut Atlas, à 10kilomètres au nord-est de Ouarzazate. La communautélocale des Aït Ougrour fait partie depuis 1992 de lacommune rurale de Ghessat. Son mode de vie se caractérisepar une agriculture familiale, organisée autour de vergers etde petits champs, ainsi que par une activité d’élevage detranshumance.

Depuis 1980, la totalité des 64 000 hectares du territoirede la tribu Aït Ougrour forme un seul et même terraincollectif. L’intérêt de ce patrimoine foncier est moins dû àsa superficie qu’à un ensoleillement exceptionnel, qui en faitun emplacement idéal pour la production d'énergie solaire :les conditions climatiques de ces vastes étenduesdésertiques, qui constituaient jadis un handicap pour ledéveloppement de la région, sont désormais devenues unatout. En 2010, l’Agence marocaine pour l’Énergie Solaire aprocédé à l’acquisition d’une parcelle du terrain collectifappartenant à la communauté ethnique Aït Ougrour. Ceterrain, d’une superficie de 2 500 hectares, acheté au prixde 25 500 000 dirhams, abrite désormais une centralesolaire d’une capacité de 500 MW. Avant cet achat majeur par l’État la communauté des AitOugrour n’avait cédé ces terres à l’État qu’à l’occasion de laconstruction du barrage El Mansour Eddahbi et du golfroyal. La province elle-même a été peu utilisée commeréservoir de terre, et les expropriations (pour desinstallations de l’armée ou pour les exploitations minières)restent minimes. Plusieurs facteurs expliquent cela, commela superficie de la zone, l’insuffisance des infrastructures etdes investissements, ou encore le faible potentiel agricole.Cet exemple démontre comment l’État peut, pour desprojets dont il est l’instigateur, puiser dans le patrimoine desterres collectives, et la façon dont cette expropriation estgérée révèle les relations entre le local et le pouvoir central. La somme globale versée en contrepartie de la cession de laparcelle a été considérée comme une véritable manne, et asuscité d’immenses attentes. L’autorité de tutelle, à savoir leministère de l’Intérieur, a cependant décidé de ne pas verserd’argent directement aux ayants droit, mais plutôt d’utiliserle produit de la vente pour financer des projets d’intérêtgénéral. Si la superficie concernée par cette transaction estimportante, elle ne couvre pas la totalité des terrescollectives des Aït Ougrour, qui représentaient au

26

départ 64 000 hectares. Or, du fait de l’étendue de ceterritoire, les différents douars n’ont pas été touchés demanière égale par l’expropriation. Ne s’agissant pas d’unesortie complète du collectif, ni d’une répartition individuelledu prix de vente, les enjeux étaient différents de ceuxobservés dans d’autres régions, d’autant que l’usage de laparcelle vendue était collectif, bien qu’il ne concernait pasl’ensemble des membres de la tribu. Les douars les plusproches du site d’implantation de la station solaire – et doncusagers anciens et habituels de la parcelle – n’ont alors pasvécu cette vente et l’affectation des fonds de la mêmefaçon que le reste des « copropriétaires ». Les autorités locales ont engagé des consultations pourrecueillir des propositions de projets à financer. Cesconsultations furent l’occasion d’exprimer et de réactualiserle conflit autour de la définition de l’identité du groupepropriétaire de la parcelle expropriée. Les douars les pluséloignés du projet ont préconisé de verser l’argent à lacommune rurale, ce qui avait pour conséquence d’élargirl’assiette des bénéficiaires à des populations autres que lesAït Ougrour. Les douars intermédiaires ont plaidé pour unerépartition égalitaire par douar, certains proposant unepondération selon le poids démographique. Enfin, les douarsplus proches du site, qui se sont sentis lésés par lespremiers scénarios de partage de la rente, ont exigé que lepartage se réalise uniquement au profit des Aït Ougrour, etde manière proportionnelle, afin de tenir compte de lagradation du préjudice subi par la soustraction d’une partiede la terre collective, en fonction de la proximité de laparcelle cédée. Cet exemple met en exergue l’adaptation du discours surl’identité et la parenté au gré des intérêts et des enjeux ; lesplus proches de la source potentielle de ressources voulantresserrer les critères de l’appartenance, tandis que les pluséloignés souhaitent l’étendre. Ces stratégies réaniment leconflit autour de la définition de ce qu’est une « tribu » ouune collectivité. La loi sur les terres collectives nepermettant pas d’adapter l’attribution des parcelles ou duproduit de leur vente à l’organisation économique et socialelocale, cela s’avère problématique lors de la répartition,dans des cas similaires à celui-ci.

La promulgation de la loi 113-13 relative à la transhumancepastorale a suscité des discussions et des débats en lienavec les articles 12 et 23 à 31 (Halimi, 2018).

2. Réponse des communautés locales auxlois et politiques concernant leursressources

27

La zone de l’Oriental est une région du nord-est du Maroc, à vocation pastorale, où l’activité principale est l’élevageextensif sur de larges terres collectives et où le nomadisme était de mise jusqu’à ce qu’il soit abandonnéprogressivement. Cette zone est limitée au nord par les monts d'Oujda et de Debdou, à l'est par la frontière algéro-marocaine, à l'ouest par le plateau du Rekkam et la chaîne du Haut Atlas et au sud par la zone présaharienne.Administrativement, elle est divisée en trois provinces, Jerrada, Taourirt et Figuig. Elle comprend deux municipalités,Bouarfa et Aïn Beni Matahar, et dix communes rurales, Tendrara, Maatarka, Beni Guil, Ouled Ghzeil, Mrija, BeniMatahar, Ouled Sidi Abdelhakem, Ouled Mhamed, Ateuf et Abou lakhal. La population de cette région est répartie en « tribus » ou collectivités locales. Il s’agit de la grande confédération desBeni Guil au sud, et au nord de tribus de taille plus modeste, en l’occurrence les Beni Matahar, les Ouled SidiAbdelhakem, les Ouled Sidi Ali Bouchanafa, et les Zwas, toutes réparties en 158 fractions ou lignages majeurs etmineurs. Ces tribus exploitent des terres de parcours d'une superficie globale d’environ 37 000 km2. La propriété deces terres revient aux collectivités locales conformément aux dispositions du dahir de 1919, mais reste assujettie à latutelle du ministère de l’Intérieur. Cette tutelle est exercée sur place par les agents d’autorité locaux. Chaque fractiondispose d’une partie de parcours qui lui est réservée, connu sous le nom walf. Des parties de terrain, destinées aulabour, peuvent également être accordées à des ayants droit à titre d’usage privatif. L’accès au parcours est libre, or, dans les faits on remarque l’existence d’arrangements plus complexes. À cause de lasédentarisation des populations au cours des dernières années, l’adoption de stratégies permettant la sécurisation del’appropriation individuelle de parcelles du parcours s’est révélée être nécessaire pour les populations, notammentdans un contexte de dégradation croissante de ces terres. À cela s’ajoutent des frontières entre les différentsgroupements tribaux très fuyantes, ce qui provoque un certain nombre de conflits, ainsi que le chevauchement entreles frontières tribales et le découpage administratif, qui n’obéissent pas à la même logique. On peut égalementajouter une troisième frontière, la frontière algéro-marocaine ; si son tracé ne constitue pas un enjeu à ce niveau, lafluctuation de son étanchéité relevant jusqu’à un certain point de la situation politique relève néanmoins d’un réelenjeu dans cette région.

Partie XI - Études de cas

Les parcours de l'Oriental1.

La création de coopératives ethno-lignagères, une intervention sociale "partenariale"

Cette région a connu un vaste projet de développent, le PDPEO, initié par le FIDA. Dans ce cadre, les experts duprojet ont introduit la création de coopératives ethno-lignagères. Ces experts ont préconisé d’organiser cettepopulation dans un cadre associatif sur la base d’affinités « traditionnelles », l’appartenance ethno-lignagère. De fait,le lancement de ce projet de développement a été précédé par des études sociologiques visant à une connaissanceprofonde de la morphologie sociale. Ainsi, un certain nombre de coopératives fut créé sur la base d’un inventaire deswalfs pastoraux. Le nombre de ces coopératives a fluctué au gré des différentes scissions. L’un des objectifs majeurs du PDPEO fut la création de mises en défens ou mises en repos. Il s’agit d’un accord entreles parties, en l’occurrence les éleveurs coopérateurs, de réserver une partie du parcours, et de les soumettre à desrestrictions. Ainsi, le pâturage dans ces mises en défens est strictement interdit quand ces dernières sont ditesfermées. La coopérative, en collaboration avec les autorités locales et les agents du ministère de l’Agriculture fixe lesdates d’ouverture de ces mises en défens, la période durant laquelle elles resteront ouvertes, et la charge tolérée quidonnera le nombre de têtes que chaque éleveur pourra introduire. Tout en constituant un cadre nouveau pour l’expression d’enjeux, ces coopératives ont fait émerger de nouvellescompétitions et d’anciens conflits, en dessinant de nouveaux contours pour les relations de pouvoir locales et enélargissant les lieux de compétitions, les enjeux et les ressources.

28

Le site du rucher d’Inzerki regroupe des savoir-faire ancestraux et des pratiques traditionnelles communautaires quiassurent la pollinisation. Le rucher est situé dans la Réserve Biosphère de l’Arganeraie et est entouré de SIBE. Leshabitants de cette région riche en biodiversité, perpétuent ces pratiques et s’ancrent dans le processus de résilienceclimatique et de préservation de la biodiversité dont ils sont gardiens. Situé dans la province de Taroudant, le ruchercollectif d’Inzerki appelé en langage traditionnel taddart ou guerram est l’un des plus grands et plus anciens au monde.

2. Le rucher d'Inzerki

Préserver un patrimoine bio-culturel uniqueL’organisation de la communauté, qui joue un rôle essentiel dans le bonfonctionnement du rucher (Es-Siari, 2019), s’est dégradée au fil du temps. Latransmission de la sacralité du lieu et l’attachement au territoire sont désormaisinsuffisants pour maintenir son rythme optimal de fonctionnement. Le site aconnu de graves dégradations, et les tentatives menées pour sa restauration n’ontpas été prometteuses. Un autre rucher voisin, le rucher d’Aguersouane s’est mieuxconservé avec le temps (Lapourre, 2014), grâce notamment à son fonctionnementplus individuel qui permet de mieux suivre l’évolution de la société et des rapportsau sein de la communauté. Cependant, grâce à la collaboration entrecommunautés locales, coopératives, et ONG sur le terrain, des efforts sont fournispour restituer la tradition du site. Un intérêt est porté aux institutionstraditionnelles communautaires en perdition afin de permettre une meilleuregestion de la ressource et des coutumes. Les modes de gouvernance de cesruchers témoignent du rôle primordial de la communauté dans la conservation deson patrimoine ; celle-ci doit avoir conscience de l’importance des ressources dontelle dispose et faire en sorte que la tradition ne se perde pas d’une génération àl’autre.

3. L'agdal d'IgourdaneDans cette région du Haut Atlas, plusieurs tribus agropastorales se sont installées et ont développé des techniquesd’exploitation très abouties afin de tirer profit des ressources naturelles tout en préservant leur environnement,dont elles sont très proches et dépendantes. L’agdal est un mode de gestion et d’appropriation des ressources dansla montagne : on distingue les agdals pastoraux - mise en défens de parcelle de pâturage - d’une part, et les agdalsforestiers - mise en défens concernant la coupe de bois - d’autre part. L’agdal d’Igourdane de situe au sud de laprovince d’Azilal, dans la région de Beni Mella-Khenifra. Il s’agit un agdal pastoral, géré par plusieurs tribus, quipeuvent l’utiliser selon leurs besoins, tout en s’adaptant aux contraintes d’ouverture et de fermeture. Il est régi parle droit coutumier local qui ferme en général cet espace du printemps à la fin de l’été. Cette trêve saisonnièrepermet alors une conservation de la biodiversité et le maintien de quantité suffisante de ressources fourragères. Les tribus ont une propriété collective des terres, régie par le dahir de 1919 portant sur les régimes collectifs légaux.Durant la période de fermeture, trois gardiens sont désignés pour la surveillance de l’agdal par les nayebs (des tribusayants droits). Ils sont chargés d’y interdire l’accès et de veiller à ce qu’il n’y ait aucune transgression. Les gardiensdisposent également d’un pouvoir de sanction en cas de violation de la mise en défens. Cette gouvernance par lacommunauté, reposant sur la volonté des tribus et une organisation coutumière, est aujourd’hui menacée. Onconstate un désintérêt croissant pour la pratique de l’agdal et une perte de transmission intergénérationnelle. Laperte de cette pratique met en péril le maintien des instances coutumières qui veillent à son bon fonctionnement.

Recommandations

La mise en place d’une loi écrite organisant la pratique de l’agdal et inscrivant dans la durée, les institutionscoutumières qui la régissent ;Encourager une plus grande participation des autorités locales et des institutions pour résoudre les conflits,protéger les droits coutumiers qui gèrent l’agdal, et assure la durabilité de ce mode de gestion des ressources ;Redynamiser l’intérêt des communautés pour cette pratique afin de favoriser le transfert intergénérationnel etaméliorer la prise de conscience ;Assurer un encadrement adapté pour les éleveurs.

29

Dans l’espoir de redynamiser cette pratique et les institutions coutumières qui y sont associées, les tâches suivantspourraient être entreprises :

TABLEAU 1

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

dahir du 27 avril 1919 organisant latutelle administrative des collectivitéset réglementant la gestion etl'aliénation des biens collectifs, tel qu'ila été complété ou modifié

« Par dérogation aux dispositions de l’article 4 du présent dahir, l’acquisition d’unimmeuble collectif par l’État, les communes, les établissements publics ou les collectivitésethniques peut être réalisée, soit de gré à gré, dans le cas où la collectivité propriétaire etle conseil de tutelle sont d’accord sur le principe et les conditions de l’aliénation, soit parvoie d’expropriation dans le cas contraire » (article 11). Ce texte donne indirectement une existence juridique quasi officielle auxcommunautés ethniques/locales. Ainsi, en reconnaissant « le droit de propriété destribus, fractions, douars ou autres collectivité ethniques sur les terres de culture ou deparcours dont ils ont la jouissance à titre collectif » (article 1), la loi reconnait et faitexister juridiquement ces « groupement ethniques qui possèdent des biens ou desintérêts collectifs » (article 2). Par ailleurs, ni cette loi ni les autres textes relatifs aux terres collectives n’édictentde règles de fond, se contentant de renvoyer aux « modes traditionnels d’exploitationet d’usage » (article 1), ouvrant ainsi la voie à la reconnaissance de l’application dudroit coutumier dans ce domaine. La souveraineté de ce droit a pu s’imposer face audroit positif et au droit musulman. Enfin, en rendant les terres soumises à ce régime« imprescriptibles, inaliénables et insaisissables » (article 4), cette loi a permis depréserver une partie importante des territoires des communautés locales, au pointque nous rencontrons aujourd’hui des ensembles qui existe uniquement grâce à leurpossession d’une terre collective et à leur organisation pour la gérer. Par ailleurs, lagarantie du bon fonctionnement de la régulation sociale des institutionscommunautaires traditionnelles rend le mode collectif de gestion des ressourcescompatible avec leur préservation et leur durabilité, et même plus, il en constitueune garantie importante.

loi 36-15 du 10 août 2016 relative àl’eau

« Les dispositions de la présente loi se basent sur les principes suivants (…) la domanialitépublique des eaux à l’exception de celles sur lesquelles des droits historiques ont étérégulièrement reconnus » (article 2). Cette loi, abrogeant et remplaçant la loi 10-92 (promulguée le 16 août 1995)instaure, dans la continuité du dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public etle dahir du 1er août 1925 sur le régime des eaux, le principe de la domanialitédes eaux au Maroc, mais a maintenu les « droits historiques (…) régulièrementreconnus » (article 2). Au Maroc, l’eau est une ressource rare et précieuse, sa préservation revêt uneimportance capitale. Ainsi, ce domaine démontre toute la sophistication, lacomplexité et l’ingéniosité du droit et des savoirs faire communautaires. Lareconnaissance aux communautés locales de leurs droits traditionnels sur l’eau etleur compétence à les gérer a incontestablement contribué, au moins autant que ledroit de propriété collectif de la terre, à maintenir et à perpétuer ces communautés,leurs institutions, leurs règles et leurs savoir-faire.

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

30

&LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

dahir du 10 octobre 1917 sur laconservation et l’exploitation desforêts

« Des arrêtés viziriels pris sur les propositions conformes du secrétaire général duprotectorat et des directeurs des eaux et forêts et des affaires indigènes, régleront lemode d'exercice par les usagers marocains, à l'exclusion de tous autres, des divers droitsd'usage qu'ils exercent dans les forêts domaniales en vertu de la tradition et qui leur ontété reconnus par les commissions de délimitation du domaine forestier » (article 21). Ce dahir domanialise une portion importante des terres tout en reconnaissant auxcommunautés riveraines les « divers droits d'usage qu'ils exercent dans les forêtsdomaniales en vertu de la tradition » (article 21). Elle a permis de soustraire uneportion importante de terres à la spéculation, préservant ainsi une grande partie dupatrimoine forestier du pays. Toutefois, le dispositif que cette loi met en place provoque chez les populations descollectivités locales un ressenti fort et pour le moins ambivalent. Il faut soulignerque l’administration forestière, incarnée dans la figure du garde forestier, estsouvent une des expressions de l’État les plus proches et les plus présentes dans laquotidienneté des collectivités concernées. Si les restrictions sont toujours de mise, l’administration forestière a opéré uneréorientation de sa stratégie envers les populations pour privilégier la sensibilisation,l’accompagnement et le partenariat, à la sanction et la répression. La nouvelleapproche du HCEFLCD a pu inaugurer une nouvelle phase de coopérationmoyennant l’organisation des usagers parmi les populations riveraines dans descadres associatifs ou coopératifs. Ainsi, le domaine forestier, en préservant lesterres et en accordant des droits d’usages aux communautés locales, a contribué demanière importante au maintien et à la subsistance de ces dernières, dans les limitesde l’exercice de la puissance publique dont est investie l’administration forestière etles règles de fonctionnement strictes qu’elle édicte, ne laissant pas beaucoupd’espace pour le droit coutumier de se déployer.

loi 33-13 du 1er juillet 2015 relativeaux mines

Cette loi abroge et remplace les dispositions du dahir du 16 avril 1951 portant sur lerèglement minier (à l’exception de son article 6 réservant la recherche etl’exploitation des phosphates à l’État), qui avait lui-même abrogé et remplacé ledahir 1er novembre 1929. Elle dispose que « les mines font partie du domaine public de l’État » et que « Le permisde recherche et la licence d'exploitation de mines constituent des droits immobiliers, dedurée limitée et distincts de la propriété du sol » (article 3). L’activité minière estprésumée être d’intérêt général, et s’exerce de plein droit par ou au nom de l’Étatpropriétaire des droits miniers et qui en accorde l’autorisation temporaired’exploitation. Les droits miniers font même échec aux droits de la propriétéfoncière, quand il ne parvient pas à un « accord avec le propriétaire du terrain, letitulaire du permis de recherche ou de la licence d'exploitation de mines peut êtreautorisé par l'administration à occuper temporairement le terrain situé à l'intérieur dupérimètre concerné et, le cas éventuel, à l'extérieur de celui-ci pour les besoins del'activité minière » (article 69). La loi impose toutefois que le « titulaire de la licenced'exploitation de mines est tenu d'élaborer l'étude d'impact sur l'environnement et deprésenter l'acceptabilité environnementale » (article 59) et d’assurer « la protection desbiens culturels, archéologiques et monuments classés » (article 61).

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

31

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

loi 27-13 du 9 juin 2015 relative auxcarrières

Cette loi abroge et remplace le dahir du 5 mai 1914 réglementant l’exploitation descarrières et la loi 08-01 relative à l’exploitation des carrières. Elle dispose dans sonpréambule que les carrières jouent un rôle important « dans le développementéconomique et social de notre pays dans l'approvisionnent, en matériaux, du secteur dubâtiment et des infrastructures de base, considéré comme l'un des secteursfondamentaux de l'économie nationale ». La loi soumet les carrières « aux dispositionsde la loi 12-03 relative aux études d'impact sur l'environnement » (article 11) et imposeque « les exploitants de carrières présentent des rapports annuels sur la situationenvironnementale de leurs carrières » (article 13).

dahir du 12 août 1913 surl’immatriculation foncière

Ce texte constitue l'une des principales réformes juridiques instituées quelques moisaprès l’instauration du protectorat. Il réglemente un régime de propriété foncièrequi n’est pas exclusif des autres (des terres collectives ou des terres domanialespeuvent faire l’objet d’une procédure d’immatriculation). Ses promoteurs l’ontprésenté comme un instrument de sécurisation des droits fonciers dans un systèmemarqué par la multiplication des régimes et donc d’une instabilité, d’une précarité etd’un flou juridique. Il a constitué en son temps une des concrétisations les plusradicales de ce genre de régimes fonciers. En effet, il « a pour objet de placerl’immeuble qui y a été soumis sous le régime de [cette] loi, sans qu’il puisse y êtreultérieurement soustrait » (article 1). Mais surtout, il donne « lieu à l’établissement d’untitre foncier qui annule tous titres et purge tous droits antérieurs qui n’y seraient pasmentionnés » (article 1). Cet effet de purge a contribué à la dépossession, régulièreou non, librement consentie ou pas, de plusieurs détenteurs de titres traditionnelsde propriété, notamment des communautés locales.

dahir du 12 août 1913 surl’immatriculation foncière

Principes constitutionnels relatifs aux APACPréambule : souscription aux principes des droits de l’homme et réaffirmation duprincipe de la primauté du droit international sur le droit internePréambule & article 1 : reconnaissance de la pluralité et de la diversité de l’identitémarocaineArticle 1 & article 136 : décentralisation et régionalisationArticle 5 : diversité linguistique Article 12 : liberté d’associationArticle 13, article 14, article 15 & article 139 : instauration des mécanismesparticipatifsArticle 19 : égalité des sexes et parité Principes constitutionnels relatifs à l’environnement et au développement durableArticle 31 : l’accès à un environnement sain et au développement durable estreconnu comme étant droit de tous les citoyens.Article 35 : l’État œuvre à la réalisation d’un développement humain et durable, àmême de permettre (...), la préservation des ressources naturelles et des droits desgénérations futures.Article 88 : l’environnement fait partie des priorités du Royaume ; le Chef dugouvernement, après sa désignation, est appelé à présenter le programme qu’ilcompte appliquer, dans les domaines intéressant la politique économique, sociale,environnementale, culturelle et extérieure

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

32

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

Les politiques publiques agricoles Le projet de la réforme agraire a culminé avec la promulgation du dahir du 25juillet 1969 formant code des investissements agricoles. L’orientation de cettepolitique est claire, et peut être illustrée par l’exposé des motifs du dahir quiprécise que « Dans la bataille que Nous avons décidée de mener contre le sous-développement, une place de choix revient aux périmètres bénéficiaires ou susceptiblesde bénéficier de l'eau d'irrigation ». Si le concept de réforme agraire a été abandonné à partir des années 1990 et quel’État a redéployé son rôle, dans l’investissement agricole comme dans d’autressecteurs industriels et commerciaux de l’économie, les grandes orientationsproductivistes, d’intensification et d’exportation se sont maintenues dans lesnouvelles déclinaisons des politiques publiques agricoles actuelles. Il en est ainsi duPlan Maroc Vert, organisé autour de deux piliers : l’agriculture moderne etl’agriculture solidaire. Ainsi, on retrouve la même dualité mais avec un élargissementdes frontières du secteur moderne qui empiète notamment sur le foncier du secteurtraditionnel, et l’affichage de nouvelles ambitions pour ce dernier. Les promoteursde cette nouvelle politique considèrent que « l’objectif, concernant l’agriculturemoderne, est de développer une agriculture performante, adaptée aux règles du marché,grâce à une nouvelle vague d’investissements privés, organisés autour de nouveauxmodèles d’agrégation équitables ». L’objectif déclaré du pilier II du Plan Maroc vertorienté vers l’agriculture solidaire est la lutte contre la pauvreté à travers lapromotion de trois types de projets : « des projets d’intensification de la production (amélioration de la productivité), des projets de reconversion vers des productions à plus haute valeur ajoutée (essentiellement de la céréaliculture vers l’arboriculturefruitière pluviale ou irriguée), des projets de diversification pour générer des revenus complémentaires (produits du terroir par exemple) ».

loi 17-97 relative à la Propriétéindustrielle

« Toute indication qui sert à identifier un produit comme étant originaire d’un territoire,d’une région ou d’une localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ouautre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cetteorigine géographique » (article 180). « L’appellation d’origine est la dénomination géographique d’un pays, d’une région oud’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité, laréputation ou autres caractéristiques déterminées sont dues exclusivement ouessentiellement au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et desfacteurs humains » (article 181).

loi 29-05 relative à la protection desespèces de flore et de faune sauvageset au contrôle de leur commerce

« La présente loi a pour objet la protection et la conservation des espèces de flore etde faune sauvages, notamment par le contrôle du commerce des spécimens de cesespèces » (article 1).

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

33

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

loi-cadre 99-12 portant CharteNationale de l’Environnement et duDéveloppement Durable

Cette loi comble les lacunes juridiques existant dans les domaines de la protectionde l’environnement et du développement durable et résume tous les objectifsfondamentaux que le Pays se propose de mener dans ces domaines. Ce texte exigela prise en considération de la dimension territoriale, notamment régionale, etl'intégration d'une approche globale et transversale lors de l'élaboration et de lamise en œuvre des politiques et plans de développement. La loi encourage laparticipation active des entreprises, des associations de la société civile et descommunautés locales dans les processus d'élaboration et de mise en œuvre despolitiques de protection de l'environnement et du développement durable. Cette loi constitue l’un des instruments juridiques les plus à même de créer desconditions favorables aux interventions en faveur des APAC, en engageants dansce sens les acteurs aux différents niveaux. L’enjeu 3 de la SNDD, consacré à améliorer la gestion et la valorisation desressources naturelles et à renforcer la conservation de la biodiversité, devrait pourmieux répondre aux objectifs d’Aichi, comporter des indicateurs spécifiques aurenforcement des APAC (Es-Siari, 2019). Ces dispositions peuvent constituer un socle solide pour assoir un dispositif derenforcement et de protection des APAC, à travers la poursuite des objectifs qu’ellevise et des droits qu’elle garantit, l’activation des engagements et des mécanismesqu’elle prévoit, et le respect des principes qu’elle énonce. Toutefois, cette loi n’aborde pas spécifiquement les communautés locales, leursdroits sur leurs terres et sur les ressources naturelles ni leurs modes de gouvernancecoutumiers. D’autre part, elle édicte des principes généraux qui ne sont pasforcément accompagnés de mécanismes contraignants de mise en œuvre, ce quilaisse leur activation concrète fonction de l’orientation et du rythme de laproduction législative et de définition des politiques publiques.

loi 12-03 relative aux études d'impactsur l'environnement

Cette loi met en place un mécanisme concret de contrôle préalable des projetspouvant potentiellement constituer un impact négatif sur l’environnement. Elleexige qu’un certain nombre de projets « entrepris par toute personne physique oumorale, privée ou publique, qui en raison de leur nature, de leur dimension ou de leur lieud'implantation risquent de produire des impacts négatifs sur le milieu biophysique ethumain, font l'objet d'une étude d'impact sur l'environnement » (article 2). Ellesubordonne « l'autorisation de tout projet soumis à l'étude d'impact sur l'environnement(…) à une décision d'acceptabilité environnementale » (article 7). L’application desdispositions de cette loi est de nature à atténuer de l’impact des activitésd’extraction ou de production intensive sur la préservation des ressources, et depréserver éventuellement les APAC qui protègent les écosystèmes menacés.

loi 2-00 relative aux droits d'auteur etdroits voisins

« Les expressions du folklore sont protégées pour les utilisations suivantes, lorsquecelles-ci ont un but commercial ou se situent hors du cadre traditionnel oucoutumier » (article 7).

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

34

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

Projet de loi 56-17 sur l’accès auxressources génétiques et le partagejuste et équitable des avantagesdécoulant de leur utilisation

Ce texte « vise à réglementer l’accès aux ressources génétiques et aux connaissancestraditionnelles associées et à assurer un partage juste et équitable des avantagesdécoulant de leur utilisation, en application des dispositions du Protocole de Nagoya surl'accès aux ressources génétiques et du partage juste et équitable des avantagesdécoulant de leur utilisation » (article 1). Les dispositions « sont fondées sur les principes généraux suivants: la protection de la diversité biologique et des ressources génétiques et des connaissancestraditionnelles associées en tant que richesse nationale qui nécessite un bon usage dans le cadre d'une politique de développement intégrée; veiller à la mise en œuvre duprincipe du développement durable en établissant l'équilibre nécessaire entre lesexigences du développement, la protection de la diversité biologique et la conservationdes ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées; assurer que les avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques et / ou desconnaissances traditionnelles associées soient partagés de manière juste et équitable avec la population locale; respect des conventions internationales et de leurs exigences lors de l'exploitation et de l'utilisation des ressources génétiques et desconnaissances traditionnelles associées » (article 2).

loi 13-12 portant approbation duprotocole de Nagoya

Le texte met en place le cadre juridique pour mieux maitriser l’accès aux ressourcesgénétiques et protéger les connaissances traditionnelles associées. Des règles departage juste et équitable des ressources sont énoncées. Cette loi s’inscrit dans lalignée de la loi-cadre 99-12 portant sur la CNEDD. Cette loi entre dans la logique dela stratégie nationale du développement durable (Es-Siari, 2019).

loi 22-07 de 2010 sur les airesprotégées

Aux termes de cette loi, il existe cinq catégories d’AP, dont la gestion est assuréepar l’administration compétente, en collaboration et en partenariat avec lescollectivités territoriales et les populations concernées. Article 2 : une aire protégée est classée par l'administration compétente, enfonction de ses caractéristiques, de sa vocation et de son envergure socio-économique, dans l'une des catégories suivantes : parc national, parc naturel,réserve biologique, réserve naturelle, site naturel. Article 3 : une aire protégée peut être subdivisée en zones continues oudiscontinues relevant de régimes de protection différents, compte tenu des objectifsd'aménagement, des contraintes découlant de l'état des lieux et des sujétionsjustifiées par les besoins et les activités des populations qui y sont installées. Bien que cette loi ait été promulguée récemment, elle ne tient toujours pas comptedes aires conservées par les communautés locales. La préparation de ce texte offraitl’opportunité irremplaçable de reconnaître les APAC, d’encourager leur extension,voire généralisation. Il y est certes fait référence aux populations locales, au respectde leurs intérêts, à leur participation et contribution à la gestion des ressourcesnaturelles ; néanmoins, il n’y a pas de véritable reconnaissance des capacités deprise de responsabilité effective par les communautés. Nonobstant, en partant des dispositions de cette loi, un texte d’application pourrait pallierces lacunes et faire des propositions très concrètes pour la reconnaissance et le respectdes APAC, des règles et des instances coutumières de gouvernance (Es-Siari, 2019).

________________________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

35

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

Texte juridique ou politiquepublique

Principales dispositionspertinentes et commentaires

La Stratégie et le Plan Nationald’Action sur la Biodiversité

La première SPNAB a été menée en 2004, aujourd’hui ces éléments ont étéréactualisés pour s’aligner sur le plan stratégique de la biodiversité et sur lesobjectifs d’Aichi en 2015. Actuellement une SNDD est en cours avec des objectifs àatteindre d’ici 2030. Le nouveau SPNAB inclut des objectifs opérationnels en lien avec les objectifs 11 et18 d’Aichi, respectivement relatifs à l’augmentation de la superficie des APterrestres et marines, et à la préservation du savoir-faire traditionnel et despratiques communautaires locales (Es-Siari, 2019). Objectif 11 d’Aichi, objectif national opérationnel correspondantAccélérer l’extension des superficies d’aires protégées dans le cadre de la mise enœuvre du plan directeur des aires protégées, afin de disposer d’un système nationald’aires protégées écologiquement représentatif, visant à couvrir 17% desécosystèmes terrestres et d’eaux continentales et 10% des zones marines etcôtières. Objectif 18 d’Aichi, objectif national opérationnel correspondantInventorier les connaissances et savoir-faire traditionnels en matière deconservation et de valorisation de la biodiversité, et mettre en place desprogrammes de valorisation et de perpétuation de ce patrimoine culturel dans desactivités d’utilisation rationnelle et durable de la biodiversité nationale. La SPNAB suggère également des stratégies et programmes en cours qui pourraientcontribuer à réaliser cet objectif :

Plan Maroc Vert, pilier IISPANB 2004, pratiques traditionnelles de la conservationStratégie Nationale de Développement du Secteur des PAM, plantes et cultureStratégie d’Aménagement et de développement des Oasis au Maroc

La SPANB (2016-2020) accorde certes une place de choix à la préservation dusavoir écologique traditionnel, mais en restant vague sur le comment. Par ailleurs àaucun moment il n’est fait mention des aires conservées par les communautéslocales. Néanmoins, cette stratégie reste un point d’entrée idoine pour lareconnaissance des APAC et pour le renforcement de la législation nationale dansce sens.

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________________

36

LOIS POLITIQUESRELATIVES AUX APAC

&

ANNEXE 1

37

desLISTETEXTES JURIDIQUES

Alifriqui, M. et Auclair, L. 2013. Agdal : Patrimoine socio-écologique de l'Atlas marocain. IRD/IRCAM. Rabat. Basset, R. 1908. Notice « Amazigh », Encyclopédie de l’Islam. Berque, J. 2001. Opera Minora : Anthropologie juridique du Maghreb. 1. Biotope Ingénierie Biodiversité. 2019. Sixième rapport sur l’état de la mise en œuvre de la Convention sur la Diversité Biologique. BirdLife International. 2017. Ecosystem Profile : Mediterranean Basis Biodiversity Hotspot. Borrini-Feyerabend, G., Dudley, N., Jaeger, T., Lassen, B., Pathak Broome, N., Phillips, A., et Sandwith, T. 2014. Gouvernance des aires protégées :de la compréhension à l’action. Collection des lignes directrices sur les meilleures pratiques pour les aires protégées. 20. Gland, Suisse. UICN. Camps, G. 1983. Comment la Berbérie est devenue le Maghreb arabe. Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée. 35. El Hamel, C. 2013. Black Morocco: A History of Slavery, Race, and Islam. Cambridge University Press. Es-Siari, N. 2014, 10 octobre. « Ressources naturelles et développement ». Maghress. Es-Siari, N. 2019. Réalité nationale des APAC au Maroc : Regard sur un phénomène complexe et unique. Es-Siari, N. 2019. Documentation du processus de promotion et de soutien aux APAC au Maroc : un voyage au cœur de l’apprentissage. Ferhat, H. 1999. Chérifisme et enjeux du pouvoir au Maroc. Oriente Moderno. 79. 2. Gellner, E. 1969. Saints of the Atlas. Weidenfeld & Nicolson. London. Halimi, A. 2018, 29 décembre. « La loi sur la transhumance et les espaces pastoraux disséquée à Tiznit ». Libération. Hart, D. 1981. Dadda 'Atta And His Forty Grandsons: The Socio-political Organization Of The Ait Atta Of Southern Morocco. Middle East& North African Studies Press. Cambridge. Lakhsassi, A. et Tozy, M. 2000. Segmentarité et théorie des leff-s : Tahuggat et taguzult dans le Sud Ouest marocain. Hespéris-Tamuda. 38. Lapourre, O. 2014. Analyse de l’évolution d’un outil apicole à valeur productive en objet à valeur patrimoniale : le rucher collectif d’Inzerki.ISTOM. École Supérieur d’Agro-Développement International. Mahdi, M. 1999. Pasteurs de l'Atlas : production pastorale, droit et rituel. Casablanca. Mahdi, M. 2014. Devenir foncier agricole au Maroc : un cas d’accaparement des terres. New Medit. 4. Massigon, L. 1925. Enquête sur les corporations musulmanes d'artisans et de commerçants au Maroc. Ernest Leroux. Paris. Mouline, N. 2009. Le califat imaginaire d'Ahmad al-Mansûr. PUF. Paris. Rachik, H. 1990. Sacré et sacrifice dans le Haut-Atlas marocain. Afrique-Orient. Casablanca. Saber, Y. 2018, 24 décembre. « SIPAM : la FAO reconnait l’Arganeraie d’Aït Souab-Aït Mansour ». Les Eco. Tozy, M. 2013. Des oulémas frondeurs à la bureaucratie du « croire » : Les péripéties d’une restructuration annoncées du champ religieuxau Maroc dans Hibou, B. (eds). La bureaucratisation néolibérale. La Découverte. Paris. Valérian, D. 2011. Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval. Éditions de la Sorbonne. Paris. Zafrani, H. 1999. Deux milles ans de vie juive au Maroc. Maisonneuve et Larose. Paris. Zayas, R. 1992. Les Morisques et le racisme d’État. La Découverte. Paris.

38

BIBLIOGRAPHIE