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    P R O J E TR A PPOR T D I NF OR M A T I ON

    DEPOSE

    PAR LA COMMISSION DES FINANCES,DE LECONOMIE GENERALE ET DU CONTROLE BUDGETAIRE

    Polytechnique : lX dans linconnu

    ET PRESENTE PAR

    M. FRANOIS CORNUT-GENTILLE

    Dput____

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    SOMMAIRE

    ___

    Pages

    SYNTHESE DU RAPPORT....................................................................................... 6

    INTRODUCTION........................................................................................................... 7

    I. LX, UNE ECOLE FRANAISE SINGULIERE DEXCELLENCESCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE.............................................................................. 9

    A. LA PLURIDISCIPLINARITE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE....................... 9

    B. UNE FORMATION MILITAIRE OUVERTE SUR LA SOCIETE....................... 11

    C. UNE FORMATION PLUS QUE JAMAIS DACTUALITE................................... 12

    II. LX FRAGILISEE DANS SON IDENTITE ET SA MISSION.................................. 13

    A. LE DESENGAGEMENT DE LTAT DE LA SPHERE SCIENTIFIQUE ETTECHNIQUE............................................................................................................ 13

    1. Ltat, acteur de la sphre scientifique et technique, nest plus ce quil tait ........ 13

    2. Une gestion anachronique trop longtemps tolre par une tutelle dfaillante ........ 14

    3. Un lien organique et financier avec la dfense de plus en plus tnu ...................... 16

    B. LA MONDIALISATION DE LENSEIGNEMENT SUPERIEUR......................... 19

    C. UN REVELATEUR : LA CRISE DE LA PANTOUFLE....................................... 20

    1. Une aberration issue de la rforme X2000 ............................................................. 20

    2. Quatre ans aprs son lancement, une rforme toujours inacheve ......................... 22

    3. La crise de la pantoufle, la crise de trop ? ............................................................... 23

    III. LX TENTE DE REPONDRE SEULE AUX DEFIS QUI LUI SONT POSES...... 26

    A. LA DYNAMIQUE DE REFORME INTERNE DE LX.......................................... 26

    B. LACCROISSEMENT DES RESSOURCES PROPRES : QUELLESCONTREPARTIES ?.............................................................................................. 28

    C. FACE A LA MONDIALISATION, LX SUBIT-ELLE OU CHOISIT-ELLESON AVENIR ?........................................................................................................ 30

    IV. LTAT DOIT ENTAMER UN NOUVEAU DIALOGUE AVEC LX..................... 33

    A. QUE VEUT LTAT ? QUAPPORTE LCOLE A LTAT ?............................ 34B. LE LIEN AVEC LA DEFENSE : AVEC QUEL LIANT ?..................................... 35

    C. QUELLE PLACE POUR LTAT AU SEIN DE LCOLE ?.............................. 36

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    ANNEXES........................................................................................................................ 39

    ANNEXE N 1 : LISTE ALPHABETIQUE DES PERSONNESAUDITIONNEES............................................................................................................ 41

    ANNEXE N 2 : LISTE DES PERSONNES RENCONTREES LORSDU DEPLACEMENT A LCOLE POLYTECHNIQUE, LE 12FEVRIER 2014............................................................................................................... 43

    ANNEXE N 3 : DONNEES FINANCIERES SUR LCOLEPOLYTECHNIQUE....................................................................................................... 45

    ANNEXE N 4 : DONNEES SOCIALES SUR LCOLEPOLYTECHNIQUE....................................................................................................... 47

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    SYNTHESE DU RAPPORT

    Dans le contexte de mondialisation dans lequel les enjeux scientifiques ettechniques nont jamais t aussi forts, Polytechnique constitue objectivement

    pour la France un atout majeur singulier qui est pourtant aujourdhui sous-utiliset insuffisamment valoris.

    Malgr de relles rformes et volutions dont X 2000, aucune rflexionglobale de ltat sur le rle de lcole na t mene depuis plus de 40 ans. Menercette rflexion est absolument ncessaire pour inscrire lX dans une dynamique.

    Le prestige de lX et son apport sont indissociables de la place et du rlede ltat. La difficult de ltat dfinir une stratgie et une ambition dans lesdomaines scientifiques, techniques et industriels depuis plusieurs dcennies estsource daffaiblissement pour Polytechnique.

    Avec la mondialisation, le modle ancien qui fit le prestige de lX est repenser. Le nouveau modle doit-il toujours sarticuler autour et avec ltat ou enfaire dsormais abstraction ? Le statu quo actuel parait terme intenable. Il faudra

    bien choisir entre la rinvention dun modle franais ou lengagement armes

    gales dans la comptition mondiale.Il appartient ltat de dire ce quil veut de lX et, ainsi, daffirmer sa

    place dans la socit et lconomie franaises au cur de la mondialisation.

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    INTRODUCTION

    Lcole Polytechnique ne constitue que de loin en loin un centre dintrt

    pour le Parlement. Le dernier grand dbat parlementaire sur lX remonte en effet juin 1970 lors de la rforme dite Debr. Il faut galement mentionner deux textesde moindre importance. En mai 1994, une proposition de loi portant sur la missionde lcole et en 2012, la rforme de la gouvernance qui fut porte par voiedamendement. On remarquera que ces deux discussions lgislatives nemobilisrent que des dputs ayant la particularit dtre eux-mmes

    polytechniciens ! Sur la mme priode, les rapports spciaux des commissions desfinances et les rapports pour avis des autres commissions ne font que mentionnersans analyse les budgets de lcole.

    Pourquoi donc sintresser lX aujourdhui ? Il y a dabord un sujetdactualit tout fait conjoncturel. Les polmiques sur le non-remboursement dela pantoufle et le temps pris pour prendre conscience du problme et laborer unesolution ont dabord attir lattention du Rapporteur spcial.

    Mais au-del de cet lment anecdotique (quoique rvlateur), un regardport sur lX permet de soulever un certain nombre de questions de fond quidpassent largement lcole. Polytechnique est en effet un outil prestigieux etemblmatique du modle franais. De ce point de vue, loin de concerner les seuls

    polytechniciens, les atouts comme les faiblesses de lX dans la mondialisationconstituent un domaine de rflexion minemment politique au sens fort du terme.

    Aussi, ce bref rapport ne propose ni une valuation exhaustive, ni unequelconque rforme de lcole. En revanche, il sattache souligner les pointsquil faut trancher ou clarifier si lon entend prserver une spcificit de

    polytechnique. Avant quil ne soit trop tard, cest maintenant quil faut redfinirprcisment, et sans nostalgie, quel type de spcificit peut tre efficace dans lamondialisation. En dautres termes, cela a-t-il un sens de vouloir sauverPolytechnique et de refuser sa banalisation ?

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    I. LX, UNE ECOLE FRANAISE SINGULIERE DEXCELLENCESCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

    Lcole Polytechnique est une cole singulire reposant la fois surun enseignement scientifique et technique pluridisciplinaire de haut niveau etsur une formation militaire ouverte sur la socit. La combinaison de ces deuxlments fait de lX une institution part de lenseignement suprieur franais etmondial qui a pos sa marque sur les grands projets de ltat depuis des dcennieset qui rpond, peut-tre plus que jamais, un besoin objectif.

    A. LA PLURIDISCIPLINARITE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

    Larticle premier de la loi du 15 juillet 1970, codifi sous larticle L 675-1du code de lducation, dispose, dans son premier alina, que l'colePolytechnique a pour mission de donner ses lves une culture scientifique etgnrale les rendant aptes occuper, aprs formation spcialise, des emplois dehaute qualification ou de responsabilit caractre scientifique, technique ouconomique, dans les corps civils et militaires de l'tat et dans les services publicset, de faon plus gnrale, dans l'ensemble des activits de la nation. Les articlesD 675-1 et suivants prcisent le cursus suivi.

    Le cursus de quatre annes dispens par lcole Polytechnique vise donner aux lves une culture scientifique et technique pluridisciplinaire.Aprs la premire anne de formation militaire et de remise niveauscientifique , les lves suivent, pendant deux ans, un cursus pluridisciplinaire detrs haut niveau, comportant concomitamment 6 disciplines scientifiques (parmihuit disciplines proposes : biologie ; chimie ; conomie ; informatique ;mathmatiques ; mathmatiques appliques ; mcanique ; physique), uneformation pousse en sciences humaines et sociales et la pratique de deux languestrangres.

    La quatrime anne (voire au-del) dit cursus de spcialisation

    professionnelle peut prendre la forme dune formation diplmante propre l'colePolytechnique ou organise dans le cadre d'accords bilatraux avec desorganismes partenaires (coles dites dapplication), une formation diplmanted'universit ou d'cole franaise ou trangre confrant au minimum le grade demaster ou son quivalent tranger ou une formation diplmante par la recherche.Pour les lves admis dans un corps civil ou militaire de l'tat, leur formation estcomplte, le cas chant, par une formation spcialise.

    Lenqute auprs des promotions 2011 et 2012 indique que 60 % deslves portent un jugement positif ou trs positif sur le cursus acadmique de

    lcole. 25 % ont un jugement neutre. Ils sont cependant 57 % demander descours plus appliqus. 31 % souhaitent se spcialiser plus tt (cest--dire avant laquatrime anne effectue en cole dapplication ou au sein de lX via un Master).

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    Si limpatience des tudiants transparat dans ces deux derniers chiffres, le cursuspropos par lX est en dfinitive accept par ceux qui le subissent.

    Est-il pour autant pertinent sur le plan de linsertion professionnelle ? Descritiques rcentes se sont fait jour sur le niveau scientifique impos aux lves

    jug excessif par certains. Ces mmes critiques regrettent labsencedenseignements autour du management indispensables pour ces futurs cadressuprieurs du secteur priv. Peut-tre y a-t-il un vrai sujet qui mrite dtre traiten veillant bien conserver la spcificit de lcole.

    Quoi quil en soit, il nappartient ni aux lves, ni au pouvoirparlementaire de dfinir le contenu des enseignements dispenss lX. Il importepar contre de veiller lexistence et lefficience des valuations portes sur cescontenus. Cest prcisment la mission de la commission aval.

    La commission aval, reprsentant les principales catgoriesdemployeurs des diplms, assure le lien entre les enseignements dispenss etles besoins exprims par le secteur priv et ltat. Elle est sollicite pourmettre des avis et des propositions sur le cycle polytechnicien stricto sensu, sur lacration de Masters et sur la pertinence des Doctorats dlivrs par lX.

    La composition de cette commission aval est donc dcisive pourvaluer objectivement la pertinence des enseignements. Prside par un granddirigeant dentreprise (actuellement Xavier Huillard, PDG de Vinci), ellerassemble des cadres de lcole (directeur gnral, directeur gnral adjoint charg

    de lenseignement, directeur des relations extrieures, directeur de lcoledoctorale, directeur des programmes), deux directeurs dcoles ou Universits,deux reprsentants des grands organismes de recherche, dix reprsentants dusecteur conomique, deux lves du cycle polytechnicien, un tudiant de Master,un doctorant, le dlgu gnral de la Fondation X et le prsident de lAX.

    Cette composition appelle quelques remarques :

    Les cadres de lcole sont juges et parties au sein de la commission.Leur prsence avec voix dlibrative assure le lien avec lcole mais peut brider

    les avis de la commission. Malgr le renforcement de son rle, le prsident duconseil dadministration ne figure pas dans la commission mme sil en nomme le

    prsident. Une clarification de la place des cadres de lcole simpose.

    La prsence dun reprsentant du campus Paris Saclay nest nullementimpose, malgr lenjeu stratgique que reprsente ce projet pour lX et ses lves.

    Ltat y est absent alors que plusieurs dizaines dlves intgrent lesgrands corps scientifiques et techniques.

    Au-del mme de ses membres,la place et le rle de la commission avalsont susceptibles dtre modifis dans les annes futurespar le dveloppementdes chaires denseignement et de recherche finances par mcnat dentreprise et

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    de lapport de la Fondation X dans le budget de lcole. La monte en puissancedes financements privs corrlativement la stagnation des financements tatiquesne sont pas sans consquence sur la dfinition des enseignements dispenss.

    Sans la raffirmation par les autorits de tutelle de la singularit du

    cursus pluridisciplinaire de lX, la dfinition du contenu pdagogique risquede donner lieu un rapport de force permanent entre les enseignants, lesdpositaires de la tradition polytechnicienne, les employeurs et les financeurs. terme, laiss lui-mme, ce rapport de force peut fragiliser lidentit de lcole.

    B. UNE FORMATION MILITAIRE OUVERTE SUR LA SOCIETE

    Lcole Polytechnique est une cole sous tutelle du Ministre de la dfense(et du Ministre de lenseignement suprieur et de la recherche). Aujourdhui, ce

    lien historique marque toujours profondment lidentit et loriginalit de lX.Ds leur entre lcole, les lves peroivent cette relation trs forte avec

    les armes.

    Le premier mois de prsence lcole est consacr la prparationmilitaire suprieure au camp de La Courtine (Creuse). lissue, les lvesacquirent le grade daspirant et peroivent une solde. 80 % dentre-eux

    prolongent cette PMS par un stage de formation humaine dans les trois armes etla gendarmerie, comprenant une formation complmentaire en cole dofficier et

    un sjour de 4 mois en unit oprationnelle. Les 20 % restant effectuent un stagede formation humaine dans des tablissements ou associations caractre social,humanitaire, ducatif

    T ous les interlocuteurs rencontrs au cours de cette mission de contrleont soulign l apport de cette premire anne de formation humaine et militair e.

    Sur le plan humain, elle leur apporte un vcu collectif atypique que nepropose aucune autre cole. Elle constitue une originalit dans lapproche dumanagement des hommes et des projets.

    Sortis de plusieurs annes dintenses apprentissages thoriques, les lvessont confronts des ralits jusqualors trs loignes de leur quotidien. En outre,cette formation leur inculque le sens de lintrt gnral, le got pour les affaires

    publiques. Les lves dveloppent ainsi une sensibilit lintrt national qui seretrouvera tout au long de leur carrire, y compris au sein de socits prives,respectant en cela la devise de lcole : Pour la patrie, les sciences et la gloire.

    Autre originalit par rapport la plupart des filires scientifiques,louverture aux problmatiques sociales est renforce par des enseignements et

    sminaires dhumanits et sciences sociales faisant appel des professeurs derenom linstar dAlain Finkielkraut qui enseigna la philosophie pendant 25 ansaux lves de lX.

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    Une enqute mene par lassociation des lves auprs des promotions2011 et 2012 rvle lattachement des lves cette formation militaire et unedemande de plus dhumanits et sciences sociales (pour 42 % dentre-eux).Ces rsultats confirment la russite de cette pdagogie unique en France.

    C. UNE FORMATION PLUS QUE JAMAIS DACTUALITE

    Dans nos conomies mondialises, la formation scientifiquepluridisciplinaire est plus que jamais pertinente. Bernard Esambert, ancien

    prsident du conseil dadministration de lX (1985-1993), observe que lespolytechniciens sont heureux dans les priodes de grandes volutions technologiques,entranant le dveloppement conomique et social. Chaque sicle a connu sa phasedexpansion technologique au cours de laquelle les polytechniciens ont dmontr leurapport lintrt gnral. Le second Empire avec le dveloppement des

    infrastructures ferroviaires et des grandes industries ; la 5me

    rpublique avec lesgrands projets de rayonnement international (nuclaire, arospatial,).

    Le 21mesicle prsente des dfis de mme ampleur et sans doute encorebeaucoup plus complexes : la socit numrique, les ressources nergtiques, lesenjeux environnementaux, la biologie et les nanotechnologies.

    Les sciences et les technologies demeurent des moteurs du dveloppementconomique et social. Mais elles sinscrivent dans des environnements de plus en

    plus compliqus et interactifs : loutil est devenu systme, conjonction de

    plusieurs technologies faisant appel plusieurs domaines scientifiques. Lesfrontires entre les diffrentes sciences deviennent poreuses.

    Dans ce contexte, la perception des enjeux et la prise de dcision par lesleaders politiques et conomiques deviennent de plus en plus dlicates. Avec laformation polytechnicienne pluridisciplinaire, la France dispose dun atoutmajeur pour affronter ces dfis du 21mesicle. La capacit des lves de lX apprhender un sujet sous plusieurs angles scientifiques leur donne une forcedanalyse et de comprhension singulire. Selon Pierre Faure, ancien prsident duconseil dadministration de lX, lune des caractristiques de lidentit

    polytechnicienne est assurment lobligation faite aux lves de suivre un spectrede matires particulirement tendu. Alors que la tendance gnrale est dallertrs vite vers lapprofondissement disciplinaire, lcole polytechnique dfend unmodle fond sur une approche large, source dune diffrence profonde. (1

    Lavantage du cycle polytechnicien sur les formations mono-disciplinairesspcialises est particulirement perceptible lorsque les scientifiques seconfrontent la ralit du monde. la conjonction de plusieurs disciplinesscientifiques, il apporte une capacit dinnovation qui na nul autre pareil et dontla France a su tirer les bnfices par le pass.

    )

    (1) Cit in les Polytechniciens dans le sicle 1894-1994, sous la direction de Jacques Lesourne, Dunod,Paris, 1994

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    Toute la question est de savoir comment nous voulons faire voluer cet outil-polytechnique pour quil joue pleinement son rle en fournissant nosentreprises et ltat les cadres qui permettent notre pays de peser dans lamondialisation.

    II. LX FRAGILISEE DANS SON IDENTITE ET SA MISSION

    Lhistoire prestigieuse de lcole comme la pertinence actuelle de laformation dispense ne signifient pas pour autant que lavenir de lX soitdurablement assur. Parce que lie ltat, parce que franco-franaise, lcolePolytechnique doit aujourdhui sintgrer dans un nouvel environnement. La placeet lidentit de lcole ne vont plus de soi. Daucuns pourraient considrer cesinterrogations comme passagres et se persuader de la permanence de linstitution.Ce serait ignorer des volutions de fond qui, loin dtre superficielles, ne sont pas

    sans lourdes consquences sur lidentit et la mission de lX.

    A. LE DESENGAGEMENT DE LTAT DE LA SPHERE SCIENTIFIQUE ETTECHNIQUE

    Dans limaginaire collectif franais, la formation polytechnicienne restetrs attache aux grands corps techniques de ltat (X-Mines ; X-Ponts ; X-Armements ; X- ENSAE) et aux grands projets industriels et structurant de laFrance.

    Jusqu prsent, lX a constitu un rouage majeur dun projet plus largeport par ltat. Aussi, laffaiblissement de ce dernier dans la sphre scientifiqueet technique affecte terme lidentit mme de lcole.

    1. Ltat, acteur de la sphre scientif ique et technique, nest plus ce qui ltait

    Depuis plusieurs dcennies, le lien entre lcole et le service de ltat estde plus en plus tnu sous le double effet de laugmentation des places ouvertes au

    concours dadmission et de la baisse significative des places offertes dans lesgrands corps lissue de la formation. 1969 marque une rupture : partir de cettedate, moins de la moiti dune promotion entre dans un grand corps de ltat. En1991, la part tombe 37,4 % ; en 2002, 20 % ; 17,5 % aujourdhui.

    Le mouvement est certainement appel se poursuivre.Ltat nest plusun acteur oprationnel du dveloppement conomique et social. Donneurdordre, il a dlgu des oprateurs privs la mission de construire des routes,

    btir des navires, dvelopper les ressources nergtiques... Avec ladcentralisation, ltat a confi des entits publiques locales le pouvoir de

    dcider en matire damnagement du territoire, de logement.

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    Les corps dingnieurs de ltat ont ainsi perdu de leur poids dans lafonction publique, de leur prestige dans lopinion, de leur influence sur la dcision

    politique. Lvolution de la composition des cabinets ministriels accompagne cedclin des comptences scientifiques et techniques au sommet de ltat au profitdes comptences juridiques et administratives. De mme, les grands postes publicsou parapublics touchant la sphre scientifique et technique ne sont plus occups

    par des polytechniciens. Les grandes socits publiques de transport ou dnergiesont dsormais diriges par des non-polytechniciens.

    Cette volution nest pas sans consquence sur le fonctionnement mme deltat. De btisseur, il est devenu gestionnaire, sans pour autant acqurir la qualitde stratge. Aux ingnieurs de ltat, il est aujourdhui demand non dapporter uneanalyse technique et scientifique sur un enjeu social mais de grer des appelsdoffres pour mettre en uvre des programmes. La formation polytechnicienne, touten demeurant exigeante, sen trouve dvalorise. quoi bon matriser lesenseignements les plus ardus en mathmatique, physique ou biologie ?

    Lcole a pris acte du dsengagement scientifique et technique de ltat,en continuant accrotre le nombre de places offertes au concoursconcomitamment la baisse des postes proposs dans les grands corps. Depuis 40ans, sopre une dconnexion entre lX et la sphre publique. Elle a tconsacre par la loi ds 1970 en ouvrant les missions de lcole au-del de laseule prparation aux grands corps.

    Ainsi, lengagement de lcole au service de la nation a pris unenouvelle forme avec limplication massive de polytechniciens dans ledveloppement de grandes socits prives franaises dans des secteurs aussidivers que lnergie, larospatial, les travaux publics, les transports, lenuclaire Ce sont les officiers franais de la guerre conomique, pour reprendreune expression chre Bernard Esambert.

    Cependant au fil du temps, avec la perte de lisibilit de lambitionindustrielle franaise - sans parler de la drive financire des annes 2000 cestlutilit sociale de ces officiers qui peut faire aujourdhui dbat.

    2. Une gestion anachronique trop longtemps tolre par une tutelledfaillante

    Ce retrait de ltat de la sphre scientifique et technique sest doubl, pourlcole, dune inertie tutlaire.

    Lcole Polytechnique est une des quatre coles dingnieurs placessous la tutelle du Ministre de la dfense. Organiquement, cette tutelle estexerce par la direction des ressources humaines de la direction gnrale pour

    larmement (DRH-DGA), bureau de la tutelle des coles et des formationsinternationales supervis par une adjointe au directeur des ressources humaines.La tutelle financire est mene par le contrle financier dpendant de Bercy.

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    Mention doit cependant tre faite de lintervention de la direction des affairesfinancires du secrtariat gnral pour ladministration du ministre de la dfense.Au conseil dadministration de lcole, le DGA et le SGA sont prsents.Le contrleur budgtaire est prsent mais avec voix consultative.

    Pourtant, au moment mme du lancement de la rforme X2000, lecontraste est saisissant entre les ambitions affiches linternational et lagestion anachronique de lcole.

    En 2003, la Cour des comptes dnonce la fois une politique globale degestion des crdits au fil de l'eau et le faible investissement des autorits detutelle qui saccommodent dune gestion dfaillante.

    Bizarrement, ces critiques svres nont provoqu aucune raction. Il nestdonc pas surprenant quen 2010, le Contrle Gnral des Armes, associ

    lInspection gnrale de lducation nationale, puis, en 2012, de nouveau la Courdes comptes aient relev de graves dfaillances dans la gestion de lcole.

    Ainsi, laudit men par le Contrle Gnral des Armes et lInspectiongnrale de lducation nationale estime que la gestion budgtaire, financire etcomptable de lcole Polytechnique demande tre remise niveau. De sonct, la Cour des comptes observe que les lgitimes ambitions de dveloppementde lcole passeront ncessairement par une nette amlioration de lorganisationet de la gestion de ltablissement . Il est vrai que, sur le plan organique, lemandat de prsident du conseil dadministration, gnralement un haut

    responsable dune grande entreprise, tait bnvole. La direction gnrale surlaquelle reposait lessentiel de la gouvernance de linstitution, tait dvoluetraditionnellement un officier gnral issu des forces armes et tranger auxquestions universitaires.

    Ni la DGA, ni le contrle financier pas plus que le Parlement ne sesont mus au cours des annes 2000 de cette situation de fait. Seul unvnement extrieur a contraint lcole bouger: la cration du campus ParisSaclay et lobligation pour lX de dialoguer avec de futurs partenaires beaucoupmieux structurs. Laudit du contrle gnral des armes et de linspectiongnrale des armes en est la consquence. Soucieuse de disposer dune meilleurematrise du foncier dans le cadre de lamnagement du plateau de Saclay, lcole ademand en juin 2009 bnficier du transfert des responsabilits et comptenceslargies prvu par la loi n 2007-1199 du 10 aot 2007 relative aux liberts etresponsabilits des universits. Pour valider ce transfert, un audit pralable destin sassurer de la capacit de ltablissement assumer ces futures responsabilitset comptences tait obligatoire. Il donna lieu au rapport de janvier 2010dnonant les modalits de gestion de lcole.

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    Ces rapports accablants posent donc la question de la ralit de la tutelleexerce par la DGA et par le contrle financier. Comment lcole a-t-elle puarriver de tels errements dans sa gestion sans que la tutelle ne sen meuve ? Lesrunions prparatoires aux trois conseils dadministration de lcole sontmanifestement insuffisantes.

    Aprs le premier contrle de la Cour des comptes de 2003, il faut presquedix annes pour que les choses commencent voluer positivement. On ne sait sile plus stupfiant est linertie de lcole ou la dsinvolture de la tutelle.

    3. Un lien organique et financier avec la dfense de plus en plus tnu

    Le Ministre de la dfense nexerant sa tutelle sur lX que parintermittence, se pose la question du maintien du lien de cette dernire avec ladfense. En 2003, la Cour des comptes est conduite sinterroger sur la pertinencedu rattachement de lX au Ministre de la dfense pour conclure : les argumentsen faveur du maintien du statut militaire napparaissent pas probants .

    Sur un plan strictement juridique, le rattachement de lcole Polytechniqueau ministre de la dfense est consacr par larticle L.3411-1 du code de ladfense. Mais les dispositions de cet article se rvlent immdiatementambigus en renvoyant les rgles relatives aux missions et lorganisation delcole Polytechnique au Code de lducation.

    Les arguments ne manquent pas en faveur dune remise en cause dece lien historique : le manque de ractivit et danticipation de la tutelle duministre de la Dfense, la fin de la sanctuarisation des crdits allous lcole autitre du programme 144 Prospective et environnement de la politique dedfense , la forte diminution des postes offerts aux lves en fin de scolarit dansle corps des ingnieurs de larmement, les champs de recherche mens lXmajoritairement extra-militaires Dautres ministres pourraient revendiquer latutelle de lcole : le ministre de la recherche et de lenseignement suprieur, leministre de lindustrie, le ministre de lconomie

    La DGA exerce par dlgation du ministre de la dfense la tutelle descoles dingnieurs rattaches au programme 144 environnement et prospectivede la politique de dfense en raison de leur participation aux travaux derecherche et de prparation de lavenir. Organiquement, le bureau des tutellesdes coles est une composante de la DRH-DGA.

    Ce rattachement la DRH-DGA est assurment une faiblesse majeure.Si 18 lves sont encore recruts dans le corps des ingnieurs de larmement dela DGA, ceci ne suffit pas justifier le lien organique. Cest oublier un peurapidement les 380 autres qui optent pour une carrire civile, publique ou prive.

    Depuis plusieurs dcennies, lcole Polytechnique na plus pour vocation principalede participer aux travaux de recherche et de prparation de lavenir de ladfense. Pour la promotion 1927, sur un effectif total de 219, 108 polytechniciens

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    sortent dans les corps militaires. Pour la promotion 1956, sur 274, 74 rejoignent lescorps militaires. compter de la promotion 1960, les officiers ne reprsentent quequelques units, en dessous de la dizaine. Les ingnieurs militaires se maintiennentautour de la soixantaine, et leffectif tombe dfinitivement sous les 50 partirde 1969 pour dsormais se stabiliser en de de 20.

    La formation militaire nest plus une spcificit de lX. Plusieursgrandes coles de commerce et de management (HEC, ESSEC, ESC) font appelaux armes dans leur cursus pdagogique. De leur ct, les armes ont perulintrt quelles suscitent auprs des organismes de formation et des entreprises.Lcole spciale militaire de Saint-Cyr a cr une offre ddie, Saint-CyrFormation Continue, destination des entreprises, grandes coles et institutions

    publiques. Les modules proposs sont relatifs au leadership, au management, lagestion de crises, LInstitut des Hautes tudes de Dfense Nationale (IHEDN)organise chaque anne un sminaire grandes coles de quatre jours mlant lvesdes coles militaires, des grands corps de ltat mais aussi des grandes coles decommerce et dingnieurs autour des problmatiques et enjeux de la Dfense et dela scurit. Si ce nest dans sa dure, lcole Polytechnique ne peut plus mettre enavant la singularit de sa premire anne pour justifier de son lien avec leministre de la Dfense.

    Avec le campus Paris-Saclay, lcole Polytechnique sinscrit dans unenvironnement duniversits et de laboratoires de recherche, au risquedamoindrir un peu plus son identit militaire. LX partage avec la seule

    ENSTA la tutelle du Ministre de la dfense, les autres tablissements ayant destutelles civiles. Les synergies qui vont merger du plateau Paris-Saclay combinesaux contraintes financires de plus en plus fortes sont susceptibles de transformer terme la confdration dtablissements en une fdration statut civil. Si leCampus Paris Saclay doit devenir une marque commune (1

    Pour la totalit des personnes auditionnes dans le cadre de cecontrle, le rattachement de lcole Polytechnique au ministre de la dfenseconfre une scurit budgtaire plus forte que tout autre rattachement.Cettesanctuarisation toujours invoque est cependant dmentie au moins partiellementdans les faits.

    ), luniformisationstatutaire simposera rapidement au nom de lefficience. Dans cette perspective,faute darguments dcisifs, lX ne pourra longtemps dfendre sa spcificitmilitaire. De mme, il apparat difficile de faire coexister dans une entit uniquedes lves bnficiant dune solde car sous statut militaire et des tudiants devant

    payer des droits de scolarit. Sans fait nouveau, lharmonisation est inluctable, en

    dpit des discours affirmant le contraire. Le nombre donnera immanquablement ladirection.

    (1) Expression de la ministre de lenseignement suprieure, 15 juillet 2009.

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    Ds 2003, la Cour des comptes notait que sagissant des annes 1995 2001, le caractre peu stable des liens financiers unissant lcole sa tutelle etla tentative, plusieurs fois ritre dun relatif dsengagement de la DGA, invalidelargument selon lequel le rattachement au Ministre de la Dfense comporteraitun avantage financier dcisif pour lcole sur toute autre tutelle. En 2010,le contrle gnral des armes soulignait cependant que le ministre de ladfense est parvenu sanctuariser les moyens de lcole et peudtablissements publics et encore moins doprateurs de ltat peuvent fairerfrence une situation dun tel confort..

    Aujourdhui, les tensions pesant sur le budget de ltat, etparticulirement sur les crdits allous la dfense, fragilisent ce relatifconfortcomme la montr lexamen des crdits 2014 de la mission dfense parlAssemble nationale.

    En effet, le 30 octobre 2013, lexamen dun amendement de suppressionde crdits de 500 000 euros a donn lieu lexpression de critiques lencontre delX dpassant largement le rgime de la pantoufle pourtant motif du texte. Contrelavis du gouvernement, cest lunanimit que les dputs, nombreux en sance,ont adopt la suppression des crdits. Ceci marque un tournant politique majeur.Mais il y a plus. Au Snat, comme en seconde lecture lAssemble, legouvernement na nullement tent de rtablir les crdits supprims. Pour ceux quien doutaient, ces vnements attestent que lillusion dun rgime drogatoiresanctuarisant le budget de lX a vcu. Et la pression va tre de plus en plus forte

    sur les dotations prleves sur le budget gnral de ltat au profit de lcolePolytechnique : 73,5 millions deuros en 2014 sur le programme 144 de la MissionDfense; 2,9 millions deuros en 2014 sur le programme 150 de la MissionRecherche et enseignement suprieur.

    Ce nouvel tat de fait impose lcole et sa tutelle de devoirdsormais justifier les subventions pour charge de service public alloueschaque anne.Le rattachement des coles sous tutelle de la DGA au programme

    budgtaire 144 Environnement et prospective de la politique de dfensenest pasde nature faciliter lexercice. Le programme 144 regroupe des actions allant du

    renseignement (DGSE, DRM, DPSD) la diplomatie de dfense en passant par lestudes amont de la DGA et la prospective. Pour 2014, ce programme slve 1,9 milliard deuros dont 800 millions deuros pour les tudes amont et590 millions deuros pour la DGSE, deux priorits du livre blanc de la dfense etla scurit nationale de 2013. Dans ce conglomrat budgtaire, les 73 millionsdeuros allous lcole Polytechnique passent inaperus.

    Autre difficult pour lcole, le responsable du programme 144, le directeuraux affaires stratgiques, nest pas son autorit de tutelle, le DGA. Il ne disposemme pas dun sige au conseil dadministration, la diffrence du DGA et

    du SGA. Sur un strict plan budgtaire, le responsable nest pas le bon interlocuteurpour justifier des crdits. Et le bon interlocuteur ne peut pas sexprimer.

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    En dfinitive, lcole doit se prendre en charge pour justifier de sesdotations budgtaires car personne dautre ne le fera pour elle. Ceci loblige rapidement disposer dune comptabilit analytique. Mais surtout expliquer au-del du seul cercle dfense sa mission et justifier devant les armes son apport.

    B. LA MONDIALISATION DE LENSEIGNEMENT SUPERIEUR

    La difficult pour lX de justifier sa prsence au sein de la communaut dedfense est dautant plus grande que lcole doit faire face concomitamment unautre dfi : la mondialisation.

    tablissement denseignement suprieur, lcole Polytechniquesinscrit dans un environnement devenu de plus en plus concurrentiel enFrance et dans le monde. Sans toujours prendre le recul ncessaire, lesresponsables politiques et les mdias ont dsormais les yeux rivs sur lesclassements universitaires internationaux. Pour constater en dfinitive le mauvaisclassement des tablissements franais, X compris.

    Cette autoflagellation a pour principal objet de torture le classement dit deShanghai (Academic Ranking of World Universities). En 2014, la premireuniversit franaise (Paris 6) occupe la 35meplace, suivie par Paris 11 (42me) puislcole Normale Suprieure (67me). Lcole Polytechnique figure au-del de la300me place, en recul par rapport 2013, loin derrire lcole PolytechniqueFdrale de Lausanne (96me) devenue la fois un rfrentiel et un encombrantconcurrent pour lX.

    Ce mdiocre classement international vient bousculer les certitudesfranco-franaises sur lexcellence de son systme ducatif et de ses grandescoles. En raction, et ds 2008, le prsident de la Rpublique dalors dcide lacration dun ple dexcellence universitaire mondiale regroupant grandes coles,universits et laboratoires sur le campus de Paris Saclay avec pour objectifdatteindre une des 10 premires places du classement de Shanghai. Le nouveaucampus Paris Saclay regroupe 2 universits, 11 grandes coles, 7 organismes derecherche (1

    Une mauvaise place sur Shanghai est perue comme un handicapmajeur pour prserver lexcellence : les professeurs de renom et les meilleurslves dtermineraient leur affectation en fonction du potentiel universitaire valid

    par ce classement.

    ). Lambition affiche est de crer sur le plateau de Saclay uneuniversit de recherche capable de se classer moyen terme dans le groupe des10 meilleures universits mondiales.

    Cette mise en concurrence des tablissements denseignementsuprieur est en Europe lorigine du processus dit de Bolognequi introduit,

    (1) AgroParisTech; CEA ; CNRS ; Centrale ; ENS Cachan ; Ecole Polytechnique ; ENSAE ParisTech ; ENSTAParisTech ; HEC Paris ; IHES ; INRA ; INRIA ; INSERM ; Institut Mines Tlcom (Tlcom ParisTech,Tlcom SudParis) ; IOGS ; ONERA ; Suplec ; Systematic ; Synchrotron Soleil ; Universit Paris-Sud ;Universit Versaille-Saint-Quentin.

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    au sein de lUnion europenne, un systme de grades acadmiques facilementreconnaissables et comparables, facilitant ainsi la mobilit des tudiants, desenseignants et des chercheurs. En France, ceci a donn lieu la rforme dite LMD(Licence, Masters, Doctorat), dispositif sur lequel lensemble des tablissementsdenseignements suprieurs sont invits saligner.

    ce jour, lX na pas clairement redfini son positionnement dans unenseignement suprieur mondialis.

    C. UN REVELATEUR : LA CRISE DE LA PANTOUFLE

    Lors de lexamen des crdits de lcole Polytechnique par la reprsentationnationale en octobre 2013, lattention des dputs sest focalise sur la pantoufleet, travers elle, sur le statut particulier des lves de Polytechnique. Cetpisode est en fait emblmatique des difficults et dfis de lcole.

    1. Une aberration issue de la rforme X2000

    Les lves franais de lcole Polytechnique servent sous statut militaire.Officiers sous contrat, ils peroivent une solde spciale (473,10 euros net) et uneindemnit reprsentative de frais partir du 9memois (411,44 euros). Les lves

    bnficient dune couverture sociale et leur temps de scolarit cre des droitsquils pourront ensuite faire valoir dans le calcul de leur retraite. Ce statut,

    privilgi pour des lves dune cole denseignement suprieur, a t raffirmpar la loi du 15 juillet 1970 sous rserve du remboursement des frais dentretienet dtudes, dans les cas et les conditions fixes par dcret en Conseil dtat , laclbre Pantoufle.

    Antrieur la loi, le dcret n 70-323 du 13 avril 1970 prcise que sonttenus au remboursement les lves dmissionnaires et les anciens lves nerespectant pas lobligation dcennale de services ltat.

    Dans la suite logique de la rforme X2000, lcole a souhait ajouter untroisime cas afin de contraindre les lves une quatrime anne : les ancienslves qui () n'acquirent pas une formation complmentaire sanctionne par un

    titre ou un diplme franais ou tranger dont la liste est tablie aprs avis desautorits responsables de l'cole, par arrt du ministre charg de la dfensenationale et du ministre de l'conomie et des finances (). L'arrt prvu ci-dessus prcise pour chaque type de formation le dlai avant l'expiration duquel letitre ou le diplme exig doit tre obtenu.

    Cet ajout a totalement dnatur le rgime de la pantoufle. La 4meannedevenue obligatoire, le remboursement est dsormais exigible des seuls lvesadmis dans un grand corps de ltat et qui ne rempliraient pas lobligationdcennale de service. Ceci signifie quun Polytechnicien menant carrire dans des

    institutions bancaires amricaines est exonr de remboursement la diffrence duningnieur des Ponts travaillant dans une direction rgionale de ltat.

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    La drive nest pas anodine. 23 % des diplms de 2012 ont leur premieremploi ltranger ; 13 % ont rejoint un Corps de ltat. Parmi ceux qui ont choisile secteur priv, ils ne sont que 48 % opter pour lindustrie.

    Entre 2007 et 2013, lcole Polytechnique a mis 171 avis de remboursement

    de frais de scolarit (soit un montant de 5 401 346 euros) lencontre dancienslves franais toutes promotions confondues (X 1965 X 2006) : 144 avis deremboursement de frais de scolarit lencontre danciens lves ayant intgr uncorps de ltat par la voie rserve lcole en fin de troisime anne de scolarit ;27 avis de remboursement de frais de scolarit lencontre danciens lves nayant

    pas termin leur scolarit lcole (lves dmissionnaires, lves nayant pas validleur quatrime anne, lves ayant renonc leur formation complmentaire pour les

    promotions avant 1999 (24 sur les 27)).

    Une tude sur une priode plus longue dmontre limpact de la rforme de

    2000 sur le rgime de la pantoufle :Rpartition des avis de remboursement des frais de scolarit (AR) mis par promotion (X 1975 X 2011)

    Promo(P)

    Effectifsdes

    lvesfranais

    laces offertesdans lescorps

    (P+3 ans)

    Placesattribues

    dans les corps(P+3 ans)

    lvesnon-

    corpsards

    ARdes

    corpsards

    AR desnon-

    corpsards

    Annesd'mission

    des AR

    ARmispar

    promo

    Rpartition dunombre d'AR

    mis parpromotion

    Corpsard = lve admis dans les corps de l' tat Non-Corpsard = lve non-admis dans les corps de l' tat1975 300 nd 138 162 11 17 de 1978 2010 28 9,3 %1976 300 nd 138 162 22 20 de 1980 2012 42 14,0 %1977 300 nd 127 173 26 18 de 1981 2001 44 14,7 %1978 300 nd 126 174 18 19 de 1982 1999 37 12,3 %1979 300 nd 136 164 30 17 de 1983 2004 47 15,7 %

    1980 300 146 146 154 40 11 de 1984 2005 51 17,0%1981 310 nd 155 155 25 20 de 1985 2010 45 14,5 %1982 310 nd 155 155 24 26 de 1985 2011 50 16,1 %1983 325 nd 144 181 21 21 de 1986 2013 42 12,9 %1984 332 nd 123 209 19 26 de 1987 2010 45 13,6 %1985 336 nd 127 209 17 32 de 1989 2009 49 14,6 %1986 340 nd 131 209 16 24 de 1990 2013 40 11,8 %1987 315 153 137 178 18 13 de 1990 2013 31 9,8 %1988 310 nd 136 174 17 18 de 1992 2013 35 11,3 %1989 340 nd 146 194 13 18 de 1993 2013 31 9,1 %1990 360 nd 145 215 18 19 de 1993 2013 37 10,3 %1991 380 nd 132 248 15 20 de 1994 2013 35 9,2 %1992 400 nd 133 267 24 17 de 1995 2013 41 10,3 %1993 400 nd 123 277 16 12 de 1997 2013 28 7,0 %1994 400 nd 116 284 15 22 de 1997 2013 37 9,3%1995 400 147 111 289 8 12 de 1999 2010 20 5,0 %1996 400 151 120 280 12 5 de 2000 2013 17 4,3 %1997 400 167 104 296 8 5 de 2000 2011 13 3,3 %1998 400 179 115 285 7 2 de 2002 2009 9 2,3 %1999 400 150 121 279 9 0 de 2004 2013 9 2,3 %2000 400 193 111 289 3 0 de 2006 2009 3 0,8 %2001 400 161 118 282 10 0 de 2007 2008 10 2,5 %2002 400 142 107 293 5 0 de 2007 2011 5 1,3 %2003 400 166 94 306 6 0 de 2008 2011 6 1,5 %2004 400 200 111 289 1 0 2009 1 0,3 %2005 400 * 100 300 0 1 2011 1 0,3 %2006 400 102 96 304 4 1 de 2009 2012 5 1,3 %2007 400 91 83 317 1 0 2012 1 0,3 %2008 400 78 76 324 1 0 2012 1 0,3 %2009 400 78 73 327 0 0 nd 0 0,0 %2010 400 73 70 330 0 0 nd 0 0,0 %2011 400 nd nd nd 0 1 2013 1 0,3 %

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    2. Quatre ans aprs son lancement, une rforme toujours inacheve

    Cette aberration na t releve ni par la Cour des Comptes en 2003,

    ni par le contrle gnral des armes en 2010.En 2003, la Cour des comptesstonnait simplement du faible taux de remboursement au regard des carriresmenes par les lves. Changement de ton en 2012, elle appelait au ncessairertablissement de la pantoufle , soulignant que la rforme X2000 a cr unesituation indue et, de plus, inquitable pour les lves qui intgrent les corps deltat.

    linitiative des grands corps, la communaut Polytechnicienne aanticip la demande de la haute juridiction financire. Lors de sa sance du30 mars 2010, le conseil dadministration de lcole a approuv le principe dunerforme de la pantoufle . Dans un rapport remis ce mme conseildadministration en novembre 2010, Jean-Martin Folz notait qu au fil desannes le nombre des cas d'exemptions n'a cess de crotre avec la liste destablissements d'enseignement suprieur acceptables pour la formationcomplmentaire (y compris de nombreuses universits trangres) ; in fine larforme X2000, en instituant la 4 anne pour tous les non-corpsards et donc le

    passage gnralis dans une cole d'application ou une universit trangre, a eupour consquence d'exonrer du remboursement des frais de scolaritpratiquement tous les lves sauf les corpsards. La situation est donc paradoxale

    puisque le systme de la pantoufle, initialement destin faire rembourser leursfrais de scolarit aux lves ne choisissant pas le service de l'tat, s'esttransform en un dispositif ne sanctionnant pratiquement que ceux des corpsardsqui n'effectuent pas dix ans de service public ! Pour cet ancien prsident de laFondation X et de la commission aval, le statu quo tait clairementindfendable. Et de proposer comme principe que tous les lves quin'intgrent pas un corps doivent rembourser leurs frais de scolarit , sur le

    postulat que lcole Polytechnique est d'abord un tablissement destin formerdes hauts fonctionnaires comptence scientifique.

    Le conseil dadministration de lcole, lors de sa sance du 24 novembre2010, a approuv les orientations proposes par Madame Marion Guillou dont lertablissement des rgles contraignantes des frais de scolarit et linscription de larforme de la pantoufle dans le Contrat dObjectifs et Performances 2012-2016.

    Le COP 2012-2016, sign en mars 2012, fixe pour objectif de la rformede la pantoufle de disposer du dcret correspondant avant le concours 2013.Dsjuin 2012, le Conseil dadministration de lcole Polytechnique a approuvun nouveau rgime de remboursement de la Pantoufle. Ce nest quun an plus tardque les projets de textes rglementaires ont t adopts par le Conseil

    dadministration puis transmis au Ministre de la dfense. Le projet de dcret a ttransmis fin novembre 2013 aux ministres contresignataires (fonction publique,conomie et finances, budget) pour recueillir leur avis.

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    ce jour, le processus interministriel nest toujours pas achev.Lcole demeurait confiante pour une publication au cours de lt 2014 qui na

    pas eu lieu. Toutefois, la direction de Polytechnique souhaite que la rforme soiten vigueur pour les lves recruts au concours 2014. Le site internet de lXsensibilise dores et dj les candidats au nouveau rgime en prparation. Ce futurrgime institue le principe du remboursement sauf pour les lves qui, aprs leursortie de lcole, servent 10 ans dans la fonction publique (tatique, hospitalireou territoriale), dans une entreprise publique ou dans une fonction pouvantdonner droit dtachement pour les fonctionnaires ne sont pas tenus derembourser les sommes correspondant aux rmunrations perues durant leurscolarit. Le remboursement est exigible 3 ans aprs la sortie de lcole. Dslors quelle est partiellement commence dans les 3 ans, lobligation dcennale deservices doit tre accomplie dans les 15 annes.

    Tout au long de ce processus de refonte de la pantoufle, la tutelle estdemeure totalement passive.Elle na ni initi, ni acclr une rforme pourtantindispensable. Depuis 2007, lcole Polytechnique na reu ni instructions, nirecommandations de la part du ministre de la dfense concernant la gestioncourante du remboursement des frais de scolarit des lves franais de lcolePolytechnique.Aujourdhui, lcole porte seule et trop lentement cette rforme forte porte symbolique que la tutelle aurait d conduire dans un calendrier serr.

    Tout comme pour les drives en matire de gestion, rien ne permet dejustifier les retards dans le constat et dans la mise en uvre de la rforme de

    la pantoufle.

    3. La crise de la pantoufle, la crise de trop ?

    La crise de la Pantoufle est emblmatique des fragilits de lcole, dela faiblesse de la tutelle et des lenteurs de lX se rformer.

    Privilge indu dans sa forme actuelle, la pantoufle porte en elle les germesdune crise de lgitimit de lcole et doit ce titre tre traite en urgence. Lesdbats parlementaires de lautomne 2013, relays par les mdias, ont fait cho au

    malaise dans la socit. Ainsi, Jean Launay, rapporteur spcial de la commissiondes finances, parlait de drglement notoire : ceux qui choisissent de travaillerpour ltat sont plus lourdement pnaliss que ceux qui choisissent demble detravailler pour le priv ! Nous estimons que les lves qui se drobent lobligation de servir ltat qui justifie, lorigine, les moyens investis pourlcole polytechnique devraient tre soumis au mme rgime de remboursementde la scolarit que les autres. Prsidente de la commission de la dfense,Patricia Adam estimait, elle, quil y avait une sorte dinjustice dans le traitementdes jeunes forms par les coles dpendant du ministre de la dfense. () Lestudiants qui sont forms pour devenir des mdecins militaires sont tenus derembourser leur scolarit qui reprsente un montant trs important sils nesouhaitent pas continuer dans larme, et cest bien normal. Il en est de mme

    pour les ingnieurs par exemple, les ingnieurs darmement qui sont forms

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    notamment dans les coles dpendant de la direction gnrale de larmement. Ilme semble donc lgitime que la mme rgle soit applique lensemble de cestudiants, quelle que soit leur formation.

    Si lengagement de la rforme est un premier pas mettre au crdit

    de lcole, il ne peut suffire. La critique qui pse sur lcole ne seradfinitivement leve que le jour o lopinion et les mdias auront pris acte duchangement. Or, dans lhypothse o les textes rglementaires seraientincessamment adopts, les premiers remboursements de la pantoufle nouvelle

    formule ninterviendront qu partir de 2021. Les promotions qui sortiront delcole jusquen 2017 continueront bnficier du rgime ancien. Est-cemoralement et mdiatiquement acceptable ? Ne faudrait-il pas envisager unerforme plus radicale et plus rapide ?

    Par ailleurs, il convient de souligner quune application plus rapide de

    cette rforme permettrait un accroissement des ressources propres de lcole, delordre de plusieurs millions deuros par an.

    Aussi emblmatique, ncessaire et utile pour lcole quelle soit, larforme de la pantoufle, initie sous la pression parlementaire, ne peut cependantconstituer la seule rponse aux dfis que doit affronter lX. Lorsque la rforme dela pantoufle entrera en vigueur, partir de 2021, la question plus profonde delinsertion de lcole dans la comptition universitaire mondiale aura peut-trechang de nature.

    Enfin, le maintien mme temporaire du rgime actuel de la pantouflealimente le procs en litisme des Xmen par une frange non ngligeable de lasocit. Polytechnique nest pas la seule grande cole subir la vindicte populairemais, de par son histoire, elle en est lpicentre.

    Que lX ait un recrutement non reprsentatif de la structure socialefranaise est un fait tabli historiquement. Publies en fvrier 1969, les travaux deGrard Grunberg pour le compte du CEVIPOF (1

    Aujourdhui, comme hier, le recrutement majoritairement parmi llitesociale et conomique des lves de lX est incontestable, malgr un processus deslection fond sur les classes prparatoires scientifiques (

    ) montraient dj que, sur lapriode 1947-1967, plus des deux tiers des polytechniciens sont issus de presindustriels et gros commerants, cadres suprieurs, professeurs et professionslibrales. Mais le politologue prcisait que lorigine dite bourgeoise des lvesde lcole polytechnique nest pas spcifique cette cole.

    2

    (1) Lorigine sociale des lves de lEcole polytechnique 1948-1967, rapport denqute, Grard Grunberg,

    CEVIPOF- FNSP, fvrier 1969.

    ). Sur la priode

    (2) Le recrutement du cycle Polytechnicien sopre par un concours de haut niveau commun ouvert aux lvesde classes prparatoires scientifiques (en 2014 : 382 places pour les tudiants franais ; 42 places pour lestudiants trangers) ou par la voie universitaire (en 2014 : 18 places pour les tudiants franais ; 68 places

    pour les tudiants trangers) propose aux titulaires dune licence 2 en mathmatiques, informatique,mcanique, physique ou chimie.

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    2003-2013, 63,7 % des tudiants de premire anne taient issus dune famille decadres et professions intellectuelles suprieures, contre 5,6 % demploys et1,3 % douvriers.

    Cette surreprsentation de llite sociale et conomique parmi les lvesde lX peut devenir court terme une source de fragilisation. Une lite nest

    socialement accepte que lorsque sa contribution lintrt gnral est avre etreconnue par tous. Lincertitude voire lincomprhension autour de la finalit de laformation polytechnicienne ouvre la voie une critique aujourdhui infonde dune cole de llite pour llite aux frais des contribuables. . Combine aurgime exorbitant de la pantoufle, cette critique litiste peut mener un divorceentre la socit franaise et la formation dexcellence que constitue lX.

    1,2%

    5,7%

    63,7%

    10,5%

    5,6%

    1,3%

    0,4%

    9,9%

    1,7%Agriculteurs, exploitants

    Artisans, commerants et

    chefs d'entreprise

    Cadres et professions

    intellectuelles

    suprieures

    Professions

    intermdiaires

    Employs

    Ouvriers

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    III. LX TENTE DE REPONDRE SEULE AUX DEFIS QUI LUI SONT POSES

    Face aux volutions de lenvironnement et aux critiques formules lencontre de lcole, les diffrents prsidents de lX qui se sont succd depuis

    prs de 15 ans ne sont pas rests sans agir. Sous leur seule impulsion, lcole aprogressivement chang de visage mais sans que lon puisse rellement discernerune vritable stratgie concerte dans la dure.

    A. LA DYNAMIQUE DE REFORME INTERNE DE LX

    En rponse au rapport du contrle gnral et ceux de la Cour descomptes, plusieurs mesures importantes ont t adoptes : mise en place dunecomptabilit analytique des cots partir de 2011 ; rgularisation de la gestion ducorps professoral via le rfrentiel des quivalences de charges pour les

    enseignants-chercheurs et les dclarations de cumul dactivit ; mise enconformit de la grille de rmunration des enseignants temps incomplet ;contrle renforc sur les chaires via la Fondation

    Dans la continuit du projet X 2000, la mise en place du contratdobjectifs et de performances conclu entre lcole et le ministre de la dfenseconstitue la pierre angulaire stratgique de celle-ci pour la priode 2012-2016.

    En terme calendaire, ce document ne correspond ni la loi deprogrammation militaire (2014-2019), ni la loi de programmation des finances

    publiques (2011-2014). Il est galement en dcalage avec le cadre des campagnesde leve de fonds (2014-2018). Le financement du COP affiche ds lors unefragilit structurelle : ses financements publics sont dconnects des principauxdocuments programmatiques de ltat et donc soumis un fort ala. Cettesituation est apparue ds la mise en uvre du premier contrat quinquennal. En2003, la Cour des comptes observait que ds la premire anne dapplication dece plan (budget 2001), la dotation attribue au titre de la subvention de

    fonctionnement a t infrieure lenveloppe prvue dans le scnario du contratquinquennal qui avait reu laval du DGA ()Le document qui devait servir decadre de rfrence pour lvolution moyen terme des ressources financires delcole na donc pas t respect, laissant limpression dun exercice inutile alorsmme que cest la demande de la tutelle quil avait t conduit

    Malgr sa faiblesse structurelle, le COP demeure le document de rfrencedont il convient de questionner les orientations censes rpondre aux dfis poss lX.

    En matire de gouvernance, le COP 2012-2016 entretient un flourdactionnel : sur la base des conclusions de laudit ralis pour lattributiondes responsabilits et des comptences largies prvues par la loi LRU, et desrecommandations de la Cour des comptes, lcole amplifiera la dmarche demodernisation du pilotage et de la gestion.

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    Cest en fait grce lobstination de Pierre David, polytechnicien alorsconseiller du Premier ministre, que lcole a vu ses statuts bouleverss. Dans lesdernires semaines de la 13melgislature, le Parlement eut examiner le projet deloi relatif l'accs l'emploi titulaire et l'amlioration des conditions d'emploides agents contractuels dans la fonction publique, la lutte contre lesdiscriminations et portant diverses dispositions relatives la fonction publique.Au cours des dbats, fut dpos et adopt un amendement parlementaire, dfendu

    par le polytechnicien Herv Mariton, modifiant les dispositions de l'articleL. 755-1 du code de l'ducation rgissant la gouvernance de lcole

    polytechnique. La nouvelle rdaction de cet article dispose dornavant que l'administration de l'cole est assure par un conseil d'administration et leprsident de ce conseil. Un officier gnral assure, sous l'autorit du prsident duconseil d'administration, la direction gnrale et le commandement militaire del'cole. En dpit de lalternance issue des lections prsidentielles et lgislatives,

    la rforme fut poursuivie et aboutit au dcret du 21 mars 2013 relatif lorganisation et au rgime administratif et financier de lcole Polytechnique.

    La nouvelle gouvernance fait dornavant du prsident du conseildadministration un prsident de lcole temps plein et hirarchiquementsuprieur au directeur gnral. Dsormais, un civil dirige effectivement lcole.

    Nomm pour 5 ans en conseil des ministres, le prsident administre lcole dansle cadre des orientations dfinies par le conseil dadministration.

    Ds la publication du dcret en mars 2013, le processus de nomination du

    nouveau prsident a t engag. Il a abouti la dsignation de Jacques Biot enjuin 2013. Entre-temps, une vritable comptition sest instaure entre diffrentscandidats. Peu habitue un tel mode de dsignation, la communaut

    polytechnicienne a rvl au grand jour certaines dissensions et faiblesses.

    Dans son rapport de fvrier 2012, la Cour des comptes observait que lesrformes de lX menes depuis une dcennie ont t souvent linitiative desentreprises et des anciens lves. . La Fondation X, lcole doctorale, le projetX 2000 ont ainsi merg linitiative principalement de deux prsidents duconseil dadministration, Bernard Esambert et Pierre Faurre.

    Polytechnique est ainsi un curieux modle dautogestion lafranaise : ltat sest toujours repos sur les Polytechniciens issus des grandscorps techniques et scientifiques et des forces armes pour grer lcole.Les

    prsidences de lcole, de la Fondation X, de la commission aval sont confies des polytechniciens issus des grands corps. Cette autogestion reposait sur le

    pralable dune unit de la communaut polytechnicienne symbolise parlassociation des anciens lves de lX, lAX.

    Aujourdhui, cependant, cette unit semble devenue problmatique. La

    diversit des parcours polytechniciens et la concurrence entre grands corpstechniques de ltat sont sources de pluralit et non dunit. Le dclin de la culturescientifique et technique au sein de ltat et les mutations en cours de lcole

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    avivent des tensions sans que lobservateur extrieur soit en mesure den dcrireclairement les lignes de fracture en dehors de la diversit des carrires menes etdonc des regards ports sur ce que doit tre lcole.

    Depuis quelques mois, ces dbats internes la communaut

    polytechnicienne se sont ouverts aux mdias. En qute dune nouvelle lgitimitdevant lopinion publique, lcole polytechnique ne peut que ptir de cettesituation. Facteur aggravant, la communaut Polytechnicienne est en peine detrouver un arbitre extrieur pour mettre un terme ses dissensions. Tant queltat, et non lautorit de tutelle elle-mme partie prenante de lacommunaut polytechnicienne, naffirmera pas clairement les missionsdvolues lcole, ilest craindre que, par laffichage de leurs dbats, lesPolytechniciens ne contribuent fragiliser linstitution laquelle ils sontpourtant tous trs attachs.

    B. LACCROISSEMENT DES RESSOURCES PROPRES : QUELLESCONTREPARTIES ?

    Dans son rapport 2012, la Cour des comptes observe que les lgitimesambitions de dveloppement de lcole passeront ncessairement par une netteamlioration de lorganisation et de la gestion de ltablissement et par un fortaccroissement des ressources propres. Lcole ne peut raisonnablement pluscompter sur une hausse de sa dotation publique. Outre des gains de

    productivit et des conomies dchelle gnres par le campus Paris-Saclay, elle

    doit rechercher et trouver dautres recettes pour financer son dveloppement. LeContrat dobjectif et de performances 2012-2016 fixe un chiffre prcis : lcole

    poursuivra laccroissement global de ses moyens financiers en dveloppant sesressources propres dont la part sera porte de 20 30 %.

    Ainsi, la Fondation de lcole Polytechnique, fondation reconnuedutilit publique,est appele accrotre significativement sa contribution. Creen 1987 linitiative du prsident du conseil dadministration de lcole, BernardEsambert, la Fondation a collect un million deuros par an jusquen 2007. partirde cette date, Yannick dEscatha a souhait accrotre ce montant en donnant un

    objectif quinquennal de leve de fonds de 25 millions deuros. Au terme de lacampagne, le montant collect sest lev 35 millions deuros (22,9 millionsdeuros pour la fondation de lcole centrale Paris sur la mme priode ;23,5 millions deuros pour la fondation Mines ParisTech). Ce chiffre est cependantlargement dpass par la collecte des fondations des coles dapplication.

    Lobjectif de la Fondation pour les 5 ans venir est une collecte de100 millions deuros auprs de personnes physiques, essentiellement les ancienslves, et des entreprises qui peuvent financer galement directement des chairesdenseignement. Le Contrat dobjectif et de performances 2012-2016 de lcolePolytechnique se montre nettement moins ambitieux fixant 40 millions deuroslobjectif de la seconde campagne de leve de fonds (2014-2018).

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    Le conseil dadministration du 23 mars 2014 a fait voluer sensiblement leschma financier de lcole :

    Sur la base du cadrage budgtaire de janvier 2014, la mise en uvre deschantiers stratgiques est finance au quasi quilibre sur la priode de la loi de

    programmation militaire 2014-2019 aux conditions suivantes :

    une rduction du montant de la baisse de la subvention de 4,5 millionsdeuros

    une leve de la rserve LOLF chaque anne (9 millions deuros)

    une ponction sur le fonds de roulement de 9 millions deuros

    la ralisation dconomies de fonctionnement hauteur de 4,5 millions

    deuros la cration de ressources nouvelles (frais de scolarit, contrats,

    formation continue, entrepreneuriat, etc.) hauteur de 102 millions deuros

    la contribution de la leve de fonds hauteur de 50 millions deuros

    Au bilan, de 2014 2019, le budget de lcole passerait de 102 millionsdeuros un peu plus de 140 millions deuros.

    On constate en dfinitive que lcole sorganise pour faire chaque anne

    un peu plus appel aux leves de fonds organises par la Fondation. Ce fortaccroissement des ressources propres , invoqu par la Cour des comptes, estbien sr de nature modifier les orientations stratgiques qui gouvernentactuellement lcole. terme, si les financements publics venaient tre rejointsvoire dpasss par des financements privs, il apparat illusoire de penser que lagouvernance de lcole nen soit pas impacte. Dores et dj, la monte en

    puissance de la Fondation a contraint lcole tablir un business plan et accepter une procdure dite de reporting trimestriel notamment sur les dpensesengages et leur affectation.

    La Fondation participe galement aux jurys de stage. Son dlgu gnralcontribue aux travaux de la commission aval. Son prsident est membre du conseildadministration, non en tant que prsident de la fondation mais en tant que

    personnalit qualifie. On est indniablement entr dans un processus o le statutdoprateur de ltat reconnu lX en raison de son financement majoritairement

    public pourrait tre discut. Lcole a-t-elle les moyens de sopposer desinvestisseurs massifs privs ? Dans la ngative, sa gouvernance en seraitassurment bouleverse.

    Le paiement de frais de scolarit doit tre assurment envisag. Nonseulement pour les lves franais via la pantoufle mais aussi pour les lvestrangers. Les montants en jeu ne sont pas anodins : le calcul de la contribution auxfrais est tablisur la base des rmunrations perues par les lves au cours de la

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    scolarit (solde et indemnit reprsentative de frais), lexception de celles peruesdurant les douze premiers mois de scolarit. Le montant des frais rembourser estainsi estim 21 000 euros pour les lves corpsards (deux annes de rmunration)et 31 000 euros pour les lves non-corpsards (trois annes de rmunration). Unemajoration du montant des fraisest applique pour les lves et anciens lves quine poursuivent pas la formation polytechnicienne aprs lobtention du titredingnieur diplm de lcole lissue de la 3meanne de scolarit.

    Afin dattirer des tudiants issus des universits trangres, lX a optpour la gratuit de la scolarit. Ce choix, comprhensible, est cependant de nature dvaloriser la formation par rapport aux autres grandes universits mondiales quinhsitent pas afficher des frais de scolarit levs tout en dveloppant unsystme de bourses attnuant limpact rel de ces frais.

    Le dveloppement de formations continues, linstar du CNAM, et lacration dun incubateur de start-up constituent dautres voies definancementmais dont les rsultats ne se feront sentir qu moyen et long termes.

    C. FACE A LA MONDIALISATION, LX SUBIT-ELLE OU CHOISIT-ELLE SONAVENIR ?

    Lors du conseil dadministration de lcole du 23 mars 2014, il a trappel qu alors que la comptition mondiale dans le domaine de l'enseignementsuprieur et de la recherche se durcit, que les principaux acteurs internationaux

    accroissent leurs ressources financires et qu'une concentration est engage enFrance dans le domaine de l'enseignement suprieur, et alors que l'tat a assigndes objectifs de rayonnement ambitieux l'Universit Paris-Saclay dont l'X doittre un fer de lance, le CA a approuv le 24 octobre dernier le principe d'unestratgie de croissance. Ceci se traduit notamment par des objectifs ambitieux : avec pour objectif de dvelopper sa visibilit internationale et celle delUniversit Paris-Saclay travers linternationalisation de ses programmes de

    formation et de dveloppement dchanges internationaux dtudiants etdenseignants chercheurs, lcole maintiendra la proportion de 30 % dtudiantsinternationaux, et doublera le nombre dtudiants europens.

    Le choix stratgique de faire entrer lX dans la comptition mondialeest ancien.Il a t valid par le projet X 2000 qui introduit la logique des Mastersdans la formation polytechnicienne et par ladhsion, plus ou moins subie, au

    projet de Paris-Saclay.

    Limpact le plus visible de la mondialisation sur lcole Polytechniqueest laugmentation du contingent dlves trangers (30 % des effectifs totaux)et le recrutement denseignants trangers. La fondation X joue ici un rle majeur

    pour renforcer lattractivit de lcole auprs des professeurs trangers peu au fait

    des contraintes et pesanteurs de la fonction publique universitaire. Il se traduitgalement par une place plus importante donne aux enseignements en anglais etaux stages hors de France.

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    Laccueil fait aux lves et enseignants trangers part du principe delexcellence et de loriginalit de la formation polytechnicienne. LX peutlgitimement devenir le fer de lance mondial du modle franais de formationdes lites scientifiques et techniques. Dans un rapport dpos en janvier 2014 aunom de la commission des affaires trangres de lAssemble nationale etconsacre la Francophonie, Pouria Amirshahi rappelle que les classes

    prparatoires ont t exportes notamment au Maroc dans les annes quatre-vingt : il en existe une centaine qui prparent aux grandes coles marocaines et

    franaises et on retrouve ces ingnieurs notamment, partis tudier en France,dans la haute fonction publique marocaine. Cest tout ce rseau dailleurs qui estle creuset de lexceptionnelle densit de la relation conomique franco-marocaineet de lhyperprsence conomique de la France.

    Ltat et les grandes industries franaises, via la commission aval,

    doivent mieux dfinir les pays vers lesquels lX doit souvrir pour exporterson modle et sa formation.La francophonie et les pays mergents apparaissentici au premier plan avec une attention particulire pour la Chine et lAmrique duSud. Se faisant, elle prparera les liens conomiques, scientifiques et politiques

    porteurs de croissance internationale pour la France.

    En labsence de ces directives, lX sappuie sur des indicateursextrieurs, les classements internationaux des universits et grandes coles,sans en mesurer toutes les consquences.En effet, ni les critres tablis pour leclassement de Shanghai, ni les orientations portes par le processus de Bologne

    (rforme LMD) ne correspondent la formation polytechnicienne. En voulant sefondre sans rflexion pralable dans le systme LMD et mener la comptitionpour le classement de Shanghai, lX risque de perdre son identit et sasingularit.

    Car la comptition internationale telle que dfinie par le processus deBologne et le classement de Shanghai, contraint lcole Polytechnique et pluslargement la France renoncer au modle singulier des grandes colesfranaises.Cette adhsion nave repose sur loubli ou loccultation du fait que leclassement de Shanghai est surtout un moyen mis en place par les universits

    chinoises pour se valoriser sur la scne mondiale.Ainsi, la France se soumet sans rserve une opration de pur marketing

    qui lui est dfavorable. Emblmatique de cette stratgie, le rapport prsent endcembre 2013 par lancien dlgu gnral pour larmement Franois Lureau surle rapprochement X-ENSTA est porteur dune argumentation qui a le mrite dtreclairement revendique : la comptition sur le march des tudiants et desE/C dun ct, et de lautre, la recherche de financements tiers imposent nonseulement de se situer parmi les meilleurs au monde dans sa catgorie, maisgalement de promouvoir une ou des marques reconnues internationalement pour

    leur excellence.

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    Mais cette approche oublie que des concurrents, plus arms etexpriments, sont dj luvre. Polytechnique ne rivalisera jamais avec

    Normale Sup en matire de recherche, ni avec les grandes universits franaisesdans loffre LMD. En voulant faire de Polytechnique une marque sur unmarch concurrentiel, on en oublie loriginalit du produit.

    LX assure dj une formation de 3me cycle et mne des activits derecherche consacres par la loi du 12 juillet 1994. Mais le volet Master tait

    jusqu prsent nglig voire absent car pris en charge par des coles dapplicationextrieures. Dcision a t prise dinternaliser les Masters. Cest le projet X 2000dvelopp par Pierre Faurre et repris leur compte par ses successeurs la

    prsidence du conseil dadministration de lcole. Aujourdhui, 344 tudiants sontinscrits en Master 2 dispenss par lX. Lcole doctorale rassemble quant elle589 doctorants dans toutes les disciplines. Ceci signifie que les lves du cycle

    polytechnicien (400) sont dsormais minoritaires Polytechnique.En adhrant sans stratgie propre au processus LMD dit de Bologne,

    des grandes coles, au premier rang desquelles on peut citer Sciences Po, ontsacrifi leur singularit pour une banalisation universitaire. Polytechniquedoit-elle suivre le mme chemin ? Ny a-t-il pas un travail pralable de rflexion avoir pour valoriser les spcificits de lcole dans la mondialisation ?

    Loriginalit du cycle Polytechnicien est galement fragilise parlmergence dun acteur majeur ddi la comptition internationaleuniversitaire : Paris-Saclay. Dans le contrat dobjectif et de performances2012-2016, il est indiqu que lcole Polytechnique partage avec les autrestablissements de Paris-Saclay lambition de crer une universit denseignementet de recherche au tout meilleur niveau international, pour y attirer les meilleurstalents et en faire un haut-lieu de dveloppement technologique et conomique.

    Lambition de lcole se dfinit dsormais par son apport un projetuniversitaire extrieur,et non en mettant en avant sa finalit propre au sein de lasocit. Dans cette logique, Polytechnique nest plus une institution mais unoutildautant plus que, dans ce vaste ensemble, les lves du cycle polytechnicien

    compteront pour moins de 10 % des tudiants. Face au nombre, comment peutsaffirmer le cycle singulier des polytechniciens ? Cette interrogation est partagepar la communaut polytechnicienne par la voix de lAX qui, ds avril 2012,demandait lcole Polytechnique de faire reconnatre et de prserver [ses]spcificits.

    LX a peru rapidement le danger et cherche peser un maximum parmi lavingtaine de membres du conseil dadministration de Paris-Saclay. Ceci se traduit

    par la volont de matriser le foncier par lobtention de la comptence largieofferte par la loi LRU, de se doter dun prsident excutif, de mener une opration

    de croissance externe par le rapprochement avec lENSTA.

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    Mais cela semble insuffisant tant Paris-Saclay pse dans la rflexionpolitique. Par sa rdaction, le COP 2012-2016 soumet lavenir de lX larussite de Paris-Saclay: lUniversit Paris-Saclay est un projet de grandeampleur, structurant pour le devenir de lcole Polytechnique. La stratgie delcole sappuie donc sur une structure ltat de projet. Les rdacteurs duCOP font de lincertitude la pierre angulaire de la stratgie de lX. propos deParis-Saclay, ils notent que sa monte en puissance est en cours de dfinitiondans ses principes. Ses modalits de mise en uvre nont pas encore atteint unniveau de prcision qui puisse tre uniformment dclin de faon oprationnelledans ce contrat dobjectifs et de performance. Ce qui aboutit reconnatrequ au cours de la priode couverte par le contrat dobjectifs et de performance,lcole Polytechnique sera donc probablement conduite en ajuster certainsaspects de mise en uvre afin dassurer la cohrence optimale avec la monte en

    puissance de lUniversit Paris-Saclay. Au regard de la convergence des

    ambitions, ces ajustements devraient confirmer les lignes gnrales dfinies dansce contrat. Preuve de lucidit, le conditionnel employ dans cette ultimemention nest toutefois pas sans inquiter.

    La mondialisation de lenseignement ainsi que la mise en place de Paris-Saclay comme rponse celle-ci, imposent Polytechnique une rflexion dcisivequi est certes engage mais qui comporte encore ce jour de nombreusescontradictions et incertitudes.

    IV. LTAT DOIT ENTAMER UN NOUVEAU DIALOGUE AVEC LX

    Lavenir de lcole ne peut se dessiner entre polytechniciens, au grdes crises et des questionnements. Cette gestion au fil de leau mneinluctablement un effacement.

    Certes, lcole est maintenant revenue une saine gestion et dispose avecle COP dun document de cadrage quinquennal. Ce document de rfrencereconnat bien le nouveau contexte (mondialisation, Saclay, pression

    budgtaire). Mais il fait comme si tout cela tait sans vritable incidence sur

    lidentit et la mission de lX.Or, comme en 1970, il faut redfinir et actualiser la mission de lcole.

    lpoque il sagissait de prendre acte du recul de ltat et de fournir les cadres desgrandes entreprises publiques ou prives participant lambition nationale.

    Aujourdhui, dans un contexte mondial extrmement loign de celui de lafin des Trente Glorieuses, ltat doit refaire lexercice en sinterrogeant la foissur ses besoins propres et sur le profil des nouveaux officiers de la guerreconomiques du 21mesicle.

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    A. QUE VEUT LTAT ? QUAPPORTE LCOLE A LTAT ?

    Sous le triple effet de la mondialisation, de la dcentralisation et de lacontrainte budgtaire qui rogne les investissements, ltat daujourdhui diffre

    profondment dans son mode daction et ses marges de manuvre de celui de la

    rpublique pompidolienne.Le paradoxe de la situation actuelle mrite dtre soulign. un moment

    o les enjeux scientifiques et techniques sont plus que jamais dactualit, onassiste la poursuite voire lacclration de la perte dinfluence dePolytechnique au sein de la haute fonction publique et de la sphre politique.

    Pourtant, les besoins sont l. Du Grenelle de lenvironnement latransition nergtique, la difficult de ltat dfinir et proposer une stratgieenvironnementale et nergtique sur des bases scientifiques, conomiques et

    industrielles solides est la fois constante et navrante. Et que dire de lincapacit faute de comptence ? ngocier avec les grands groupes des PPP dans desconditions quilibres ?

    Ces deux exemples illustrent bien la ncessit dun dialogue approfondientre ltat et lX. Ltat doit prciser ses besoins ; lX dmontrer sa capacit fournir des rponses. On en est aujourdhui malheureusement trs loign. Lesimpratifs du marketing politique ont en effet conduit ne pas donner toute sa

    place lgitime ladministration scientifique et technique lors du Grenelle delenvironnement. Et que dire de la transition nergtique dont ladministration a

    t purement et simplement carte ?Pour clairer le dbat politique, ltat doit au contraire, avec un

    regard neuf, aller plus loin que le rapport Canepa-Folz (1

    La question du droulement des carrires doit galement tre prise encompte. Avec une difficult qui ne doit pas tre lude : comment conserver aumoins une partie des meilleurs lments au sein de la fonction publique ? Le statutne doit-il pas voluer afin de faciliter des allers-et-retours entre le public et le

    priv aujourdhui trop rares ?

    )dans la redfinitiondes comptences scientifiques et techniques qui lui sont utiles et qui luimanquent aujourdhui ou sont mal utilises. En particulier, une rflexion sur larevalorisation de la mission de conseil scientifique parat indispensable.

    De mme, ltat et lcole doivent engager un dialogue pour le secteurpriv participant au rayonnement conomique de la France. L aussi, il y a untravail entreprendre pour transformer les officiers de la guerre conomiquedes annes 80 en forces spciales de la mondialisation du 21mesicle. Celasuppose que ltat, dans ses diffrentes composantes, cest--dire en ne se limitant

    pas ses grands corps, dfinisse une stratgie pour que lcole puisse former lescadres adapts sa mise en uvre.

    (1) Rapport au Premier Ministre Mission dtude sur lavenir des corps dingnieurs de lEtat, DanielCanepa / Jean-Martin Folz, janvier 2009.

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    Or, il faut malheureusement bien reconnatre qu ce jour, mme si lon enparle beaucoup, cette stratgie industrielle nationale nexiste toujours pas. Ltatsemble pourtant conscient de ce manque comme en tmoignent les diffrentsrapports commands par les majorits successives : Investir pour lavenir(Jupp-Rocard 2009), Innovation 2030 (Lauvergeon 2013), Cependantaucun de ces travaux na pu dboucher sur une vritable politique industrielle

    porte dans la dure par ltat. En outre, le devenir de lcole na jamais tintgr dans ces rflexions.

    Il sagit l dune double faute. Car lcole a besoin de cette stratgie pourjustifier de son existence (en particulier sa dotation annuelle de 70 millionsdeuros environ) et ltat a besoin de lexcellence de lX dans la mise en uvre decette stratgie.

    Faute de renouer et de moderniser ce dialogue original qui est au cur de

    son identit, lcole semble plus ou moins long terme inluctablement voue une banalisation / privatisation. Est-ce bien cela que lon veut ?

    B. LE LIEN AVEC LA DEFENSE : AVEC QUEL LIANT ?

    Dans ce ncessaire dialogue entre lX et ltat, une attention particuliredoit tre porte la Dfense.

    En dpit de la faiblesse du recrutement de Polytechniciens par ce

    ministre (moins de 5 %), lattachement la Dfense demeure extrmementvif. Tous les interlocuteurs rencontrs insistent sur ce point. Ainsi, dans unemotion adopte le 10 avril 2014, le conseil de lAX, reprsentant la communaut

    polytechnicienne, a raffirm son attachement la tutelle Dfense, au service dela Nation dans son ensemble, que ce soit pour les besoins immdiats dans lesactivits de souverainet, et plus largement lis la dfense conomique, ou bien plus long terme, afin que les dirigeants de demain aient reu la formationhumaine et militaire qui forge les qualits de leadership, et aient connu tt ce lienavec la Dfense et aient ainsi t confronts ses problmatiques.

    Ce lien est la fois historique et, en quelque sorte, charnel tantlexprience de la premire anne est marquante. De plus, il nest sans doute pastotalement dpourvu darrires penses avec cette ide (de moins en moins assuremais laquelle tous les polytechniciens veulent croire) dune certaine scurit

    budgtaire.

    Les orientations stratgiques adoptes lors du conseil dadministrationdoctobre 2013 confirment cette forte volont de prserver le lien avec laDfense : L'cole Polytechnique est un tablissement d'enseignement suprieuret de recherche, fier d'appartenir l'univers du Ministre de la Dfense .

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    De son ct, le ministre de la Dfense est assurment fier, lui aussi,dabriter lX. Mais jusqu quel point ?En priode de tensions sur les financeset les effectifs, ce prestige de lX ne suffira plus dmontrer son apport. Au seindes forces, le faible nombre dofficiers polytechniciens ne permet pas dentretenirla flamme. Au sein de la DGA, au-del du recrutement annuel dune grossequinzaine dingnieurs de larmement, lintrt pour Polytechnique est dmontrer. Quant aux armes, elles ne font pratiquement pas appel ce vivierdofficiers de rserve que constituent les anciens de lX.

    terme, ces ralits vont peser de plus en plus. Elles risquent desupplanter un lien certes profond et puissant, mais compliqu expliquer auxnon-initis.

    Pourtant, le lien avec la Dfense est loin dtre dpourvu de sens. Ilserait mme souhaitable de le conserver. Mais cela implique une dmarche

    volontariste pour le conforter.

    La piste dun Campus Dfense autour de lX au sein de Paris-Saclay mriterait dtre creuse. Elle permettrait lX de prserver unespcificit forte en apportant aux armes une capacit de rflexion gostratgiqueet scientifique enrichie. Les synergies avec lIHEDN ou encore lcole de guerreseraient porteuses dinnovation. Enfin, les armes disposeraient dun cadre leur

    permettant de mobiliser la ressource des anciens de lX.

    Autre intrt, ce futur campus dfense pourrait galement sappuyer sur

    lincubateur de start-up souhait par le prsident de lX afin de dvelopper dessocits dveloppant des produits ou services rpondant en premier lieu aux

    besoins de la Dfense et de la scurit nationale. LX et lENSTA sont un viviersur lequel la DGA, notamment, devrait plus investir pour crer localement des

    ples dexcellence technologiques linstar du ple dexcellence cyber de Rennes.

    Quoi quil en soit, une rflexion novatrice entre ltat-major des armes,la DGA, la DAS et lcole apparat indispensable pour redonner un contenu solideet indiscutable au lien entre lX et la Dfense.

    Ne pas entreprendre cette dmarche aboutirait dans un avenir plus oumoins proche laisser se rompre ce lien que la seule tradition ne pourradurablement prserver.

    C. QUELLE PLACE POUR LTAT AU SEIN DE LCOLE ?

    Si ltat redfinit ses besoins propres (y compris en matire de dfense)ainsi quune stratgie industrielle dans laquelle lX conserve un rle majeur, il luireste raffirmer sa tutelle en en rformant le mode opratoire et rinvestir les

    instances stratgiques de lcole.

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    En effet, la rforme de la gouvernance de lcole ne rgle en rien laquestion de linertie de la tutelle.

    En fvrier 2013, le secrtariat gnral pour ladministration (SGA) duMinistre de la dfense a dit le premier guide pour lexercice de la tutelle des

    tablissements publics de ltat au ministre de la dfense. Cette initiativevertueuse quoique tardive part du constat que lorganisation du ministre de ladfense et la multiplicit des acteurs rendent ncessaire une clarification desrles, responsabilits et activits de chaque entit participant la tutelle. Cetteclarification constitue un pralable la matrise des risques. Lpais documentdtaille avec prcision les actes administratifs et financiers qui jalonnent lagouvernance des tablissements sous tutelle.

    Mais la tutelle ne peut pas tre seulement administrative et financire.Elle doit comporter un volet stratgique, ici totalement absent.Selon le SGA,les lettres de mission adresses aux prsidents de conseil dadministration etdirecteur dtablissement sont rdiges par la direction pilote, en liaison avec ladirection des affaires financires et le cas chant avec le responsable de

    programme. Pour Polytechnique, ceci signifie que le document le plus stratgiqueest conu par la direction des ressources humaines de la DGA ! Pour lcolenationale dadministration, le mme document est luvre des services du Premierministre ! On pourrait concevoir a minima une prise en charge par la direction dela stratgie de la DGA

    Sur le plan budgtaire, afin de gagner en cohrence et pour viter desengagements illusoires, lalignement calendaire du COP sur les principauxinstruments budgtaires programmatiques de ltat apparat comme unevidence : loi triennale et loi de programmation militaire. Cet alignement descontrats dobjectifs et de performance devrait dailleurs tre la rgle pour tous lesoprateurs de ltat auxquels il est demand de participer leffort deredressement des finances publiques.

    Ajoutons que cette imbrication des finances et de la stratgie renddiscutable labsence au conseil dadministration du directeur des affaires

    stratgiques, responsable du programme budgtaire 144 auquel est rattachelcole.

    Enfin, compte tenu de son rle essentiel qui vise sassurer que lcoledispense bien les formations adaptes aux besoins de lpoque, ltat doitgalement rinvestir la commission-aval. Certes les reprsentants des corps ysont bien prsents. Mais sont-ils les plus mme dexprimer les besoins de la

    puissance publique ? Ne faudrait-il pas associer plus largement les diffrentsministres (dfense, industrie, environnement, conomie numrique,) ? En effet,la prsence de ltat au sein de la commission aval ne se justifie pas

    seulement comme employeur dune minorit dlves mais comme stratge dela politique industrielle, scientifique et universitaire de la France.

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    ANNEXES

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    ANNEXE N 1 :LISTE ALPHABETIQUE DES PERSONNES AUDITIONNEES

    Jacques Attali

    Jean-Louis Beffa

    Laurent Bills-Garabdian, prsident de lAX

    Jacques Biot, prsident du conseil dadministration de lcolepolytechnique

    Romain Bordier, DREAL Nord - Pas de Calais

    Laurent Collet-Billon, dlgu gnral pour larmement

    Pierre David, ancien conseiller du Premier ministre (2007-2012)

    Yves Demay, directeur gnral de lcole polytechnique

    Dlgation des personnels de lENSTA (Jacky Auvray ; Agns Berry,Anne-Sophie Bonnet-Bendhia, Nathalie Branger, Sabine Ortiz )

    Philippe Errera, directeur des affaires stratgiques, Ministre de laDfense

    Yannick dEscatha