Rapport ghadi 2009 - maltraitance ordinaire santé

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    C.COMPAGNON .CONSEIL

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    La maltraitance ordinaire dans les tablissements de sant

    tude sur la base de tmoignages

    Claire Compagnon et Vronique Ghadi

    2009

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    AVANT - PROPOS

    Lieux dexcellence dans la prise en charge des patients, les tablissements de sant sontaussi des lieux de vie pour les patients comme pour les professionnels qui y travaillent ; leslogiques humaines, professionnelles ou dorganisation doivent se concilier, exercice dlicatau quotidien. Les patients hospitaliss et leurs proches tmoignent bien souvent et en mmetemps de lhumanit des professionnels de sant et des difficults quils ont rencontres ausein de linstitution hospitalire.

    La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant aprofondment chang les pratiques des professionnels et les relations avec les usagers.LAgence nationale daccrditation et dvaluation en sant (ANAES) puis la Haute Autoritde Sant (HAS) ont contribu la mise en uvre de ces droits, notamment au travers de lacertification des tablissements de sant.

    Cependant, malgr les progrs accomplis, certaines plaintes dusagers des tablissementsde sant tmoignent dattentes interminables et inexpliques, dentraves et de contraintesqui paraissent absurdes, dun manque dcoute, de considration ou dinformation.

    Cest ce qui est appel ici la maltraitance ordinaire , parce qu'elle n'est pas hors ducommun et que le risque le plus important de maltraitance rside dans sa banalisation, son invisibilit et donc son acceptation passive. Dautres lont appele, juste titre aussi,maltraitance institutionnelle ou passive .

    Pour cerner ce phnomne et renforcer la rflexion sur les moyens de le prvenir, la HAS asouhait que le cabinet C.Compagnon.Conseil se mette lcoute des patients, de leursproches mais aussi des professionnels et restitue ce quils disent de lunivers hospitalier auquotidien, pour clairer les travaux engags dans le cadre de llaboration du nouveaumanuel de certification des tablissements de sant.

    Cette tude est une monographie fonde sur des tmoignages de malades et de proches etde professionnels, pris tels quels, dans toute leur subjectivit. Elle ne vise donc pas mesurer lampleur de ce phnomne en termes quantitatifs ni porter sur lui un jugementglobal. Loriginalit et les limites de ce travail est de partir du point de vue de personneshospitalises, de leurs proches et de professionnels en sappuyant sur leur libre expression :tmoignages crits, entretiens...

    Au-del de lidentification du phnomne, cette tude doit permettre de repenser lesorganisations dun tablissement de sant et ladaptation des pratiques professionnellespour mieux accueillir, couter les patients et leur entourage et faire vivre leurs droits.

    La bientraitance, notion nouvelle dans le secteur sanitaire en France, a pris corps dans lesecteur mdico-social et est dsormais au cur des politiques publiques et des dispositifsdvaluation et damlioration visant ce secteur. Les travaux du Snat et de lInspectiongnrale des affaires sociales (Igas), le Plan bientraitance-maltraitance de mars 2007, lespremires recommandations de lAgence nationale de lvaluation et de la qualit des

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    tablissements et services sociaux et mdico-sociaux (ANESM) en 2008 et 2009 attestentune reconnaissance par les acteurs du secteur mdico-social et par les pouvoirs publicsfranais de lexistence de ce phnomne complexe, dont certains aspects sont peu visibles.

    La proccupation est longtemps reste marginale dans le domaine sanitaire et en particulierdans le domaine hospitalier.

    Les outils proposs par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos ministre de la Sant) et les travaux de fdrations dtablissements de sant visant accompagner le dispositif lgislatif relatif aux droits des usagers ont permis une premiresensibilisation du secteur aux enjeux de laccueil au quotidien, de la mise en uvre concrtedes droits et la notion de bientraitance. Lintgration de la thmatique bientraitance auxorientations nationales de formation 2010 et au plan de formation des tablissementsrelevant de la fonction publique hospitalire ainsi que la mission de dveloppement de labientraitance dans les tablissements de sant et mdico-sociaux confie aux agencesrgionales de sant (ARS) dans la loi Hpital, Patients, Sant et Territoires reprsentent lessignaux quune mutation sannonce dans le secteur sanitaire.

    La HAS prend toute sa place dans cette mutation en introduisant dans la certification destablissements de sant des exigences sur la mise en uvre dune dmarche debientraitance. Trois critres de qualit ont ainsi t emblmatiquement placs au cur de lanouvelle procdure de certification des tablissements de sant :

    - la gestion des plaintes et des rclamations, dont lorganisation a pris, avec lanouvelle procdure de certification, le statut de pratique exigible prioritaire . Cettegestion permet aux professionnels de se mettre lcoute des patients et de leursproches, elle atteste une volont de faire le plus grand cas de ce quils disent deltablissement et den faire le fondement de son amlioration ;

    - la mise en uvre des droits des patients en fin de vie et les soins palliatifs qui fonteux aussi lobjet dune exigence renforce dans la nouvelle certification, avec enparticulier la mise en uvre dun projet global de soin, laccompagnement desfamilles endeuilles, la formation et le soutien des professionnels ainsi que la mise enuvre effective des droits des patients et des directives anticipes ;

    - la mise en place dune dmarche de bientraitance qui repose sur un engagement dumanagement et des instances de ltablissement, en particulier de la commission desrelations avec les usagers et de la qualit de la prise en charge (CRU) pourpromouvoir la bientraitance ; la formation et la sensibilisation des professionnels ; lesactions de prvention de la maltraitance ; mais aussi des actions concrtes etdiverses centres sur lexprience quotidienne des usagers visant lamlioration delaccueil, la mise en uvre effective des droits et la rponse aux besoins despersonnes.

    Pour soutenir la mise en place de ces politiques, la HAS mettra la disposition desprofessionnels en tablissements de sant des outils, en particulier un guide de labientraitance en tablissements de sant dont la publication est prvue en 2010.

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    Chaque acteur du monde de la sant peut apporter des rponses. Ces rponses ont toutesdes limites, mais toutes sont la source damliorations qui peuvent devenir dterminantes etchanger le quotidien des patients accueillis en tablissements de sant.

    Le Collge de la Haute Autorit de Sant

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    Sommaire

    Avant-propos....................................................................................................................... 2 Introduction ......................................................................................................................... 9

    1. Lorigine du projet ....................................................................................................... 9 2. Lobjet dtude : la maltraitance ordinaire ..........................................................10

    2.1 La maltraitance : dfinition et rcente mise en politique .....................................10 2.2 Lenjeu de ltude ....................................................................................................12

    3. Mthodologie ..............................................................................................................12 3.1 Le choix dune approche qualitative.........................................................................12 3.2 Les sources de tmoignages de patients et de leurs proches..................................13 3.3 Lchantillon de patients et de proches....................................................................14 3.4 Lanalyse et le choix des citations............................................................................14 3.5 Le volet complmentaire sur le point de vue des professionnels .......... ...................15

    Chapitre 1 Les types de maltraitance selon les personnes hospitalises et leursproches...............................................................................................................................16 1. La maltraitance lie aux comportements des professionnels.................................17

    1.1 Un malade transparent, un malade objet.................................................................17 1.1.1 Quand les professionnels changent et discutent entre eux, en prsence dupatient........................................................................................................................18 1.1.2 Quand les professionnels nentendent pas ce que leur disent les maladesou leurs proches ........................................................................................................19

    1.2 Les pressions psychologiques.................................................................................21 1.2.1 Les menaces et humiliations.............................................................................21 1.2.2 La culpabilisation des proches ..........................................................................22 1.2.3 Les reprsailles : de l engueulade la punition...........................................23

    2. La maltraitance lie des facteurs institutionnels...................................................26 2.1 Laccueil de la personne hospitalise et de ses proches .........................................28 2.2 Le manque de disponibilit des professionnels........................................................29 2.3 Le rythme impos des soins....................................................................................30 2.4 Le bruit....................................................................................................................33 2.5 Les dysfonctionnements dune organisation complexe............................................34 2.6 Lorganisation de la sortie : le retour domicile ou le passage dans une autrestructure ........................................................................................................................36 2.7 Labsence de rponse aux courriers de dolance....................................................37

    Chapitre 2 Des droits traceurs de la maltraitance ordinaire......................................38 1. Linformation des patients .........................................................................................38

    1.1 Le dfaut dinformation............................................................................................38 1.2 Les conditions de dlivrance de linformation ..........................................................41

    2. La douleur, entre maltraitance physique et maltraitance psychologique...............43 2.1 La ngation de la plainte et la non-prise en charge de la douleur. ...........................43

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    2.2 Des soins raliss avec violence.............................................................................45 3. Le respect de la dignit ..............................................................................................46

    3.1 Latteinte lintimit et la confidentialit................................................................47 3.2 Lhygine corporelle, lhygine de la chambre et les traitements dgradant. ...........48

    4. La maltraitance lie certains contextes de soins : des situations risque .........51 4.1 La ranimation.........................................................................................................51

    4.1.1 Lexprience de la ranimation par les malades ...............................................52 4.1.2 La place des proches en ranimation................................................................53

    4.2 Les urgences...........................................................................................................55 4.3 La fin de vie.............................................................................................................56

    4.3.1 Lannonce de la mort prochaine........................................................................57 4.3.2 Pouvoir accompagner son proche en fin de vie.................................................58 4.3.3 Les conditions daccompagnement de la fin de vie ...........................................60 4.3.4 Laccompagnement de la mort et du deuil.........................................................61

    Chapitre 3 Les professionnels et la maltraitance ordinaire.............................................64

    1. La reconnaissance du phnomne par les professionnels .....................................65 1.1 Un phnomne reconnu, insidieux et difficile quantifier ..................... ...................65 1.2 Lidentification de secteurs et de situations risque................................................66 1.3 La perception des diffrents types de maltraitance..................................................67

    1.3.1 Latteinte la dignit.........................................................................................67 1.3.2 Le dfaut dinformation......................................................................................68 1.3.3 La douleur.........................................................................................................69

    2. Les causes de la maltraitance ordinaire selon les professionnels ...................69 2.1 La souffrance des professionnels ........... .................................................................69

    2.1.1 La confrontation avec la souffrance des patients...............................................69

    2.1.2 Des conditions de travail difficiles .....................................................................70 2.1.3 Des rapports complexes avec les patients et leurs proches..............................72 2.2 Des questions organisationnelles ........... .................................................................73

    2.2.1 Limportance de lencadrement.........................................................................73 2.2.2 Une organisation des soins rigide et mal adapte.............................................74 2.2.3 Un manque de professionnels forms et stables...............................................75

    2.3 Des politiques publiques et des dispositifs damlioration parfois mal perus..........76 2.3.1 La personnalisation de la prise en charge et la standardisation des soins.........76 2.3.2 Des rformes hospitalires et des instruments de rgulation incrimins ...........77

    3. La mobilisation des professionnels contre le risque de maltraitance et en faveur

    de la bientraitance ..........................................................................................................78 3.1 Prvenir la maltraitance...........................................................................................79 3.1.1 Former les professionnels pour les sensibiliser.................................................79 3.1.2 Identifier et rvler les situations de maltraitance..............................................81

    3.2 Lancer une dynamique de bientraitance..................................................................82 3.2.1 Repartir des attentes des malades et de leurs proches.....................................82 3.2.2 Prendre du recul sur son organisation et ses pratiques.....................................83

    3.3 Intgrer la bientraitance dans une approche managriale .................... ...................84

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    3.3.1 Responsabilit de lencadrement de proximit..................................................84 3.3.2 Responsabilit des directions dtablissements ................................................85

    Conclusion..........................................................................................................................87 Annexe 1. Recueil des donnes ...........................................................................................89 Annexe 2. Rfrences rglementaires, bibliographie et ressources Internet.........................92 Annexe 3. Remerciements ...................................................................................................95

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    Aux patients, leurs proches et aux professionnels qui nous ont aids crire cerapport en apportant leurs tmoignages et leurs rflexions.

    Retenez bien ceci : tout nous spare. Voustes en bonne sant, nous sommes malades.Vous navez pas le temps, nous avons trop detemps. Personne ne peut se mettre la place delautre ; en revanche nous pouvons tous fairequelque chose pour nous parler, nouscomprendre

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    I NTRODUCTION

    La HAS a commandit au cabinet C.Compagnon.Conseil lenqute qualitative prsente ici.Cette tude, qui porte sur la maltraitance ordinaire en tablissements de sant, estfonde sur lanalyse de tmoignages dusagers et la rencontre avec des professionnelstravaillant en tablissement de sant ainsi quavec des rfrents sur la question de lamaltraitance et de la bientraitance. Le projet et les rsultats ont t prsents au groupe droits et place des patients mis en place par la HAS partir doctobre 2007 dans le cadredes travaux dlaboration du manuel de certification V 20101. Les membres du groupe ontapprouv et soutenu la dmarche.

    1. Lorigine du projet

    Le projet de cette tude est n du constat que, si la certification des tablissements de santpeut tre juste titre considre comme un des vecteurs de la mise en uvre des droits despatients noncs dans la loi du 4 mars 2002, lvaluation mene au travers de la certificationne permettait pas toujours :

    - le reprage de certains manquements aux droits des patients, pourtant souligns parles usagers des tablissements ;

    - la prise en compte dune dimension de lexprience quotidienne des usagers entablissements de sant.

    1 Mme Laure ALBERTINI, directeur, dpartement des droits du patient et des associations, direction des affaires juridiques, AP- HP, Paris ; Mme Michelle ANAHORY-ZIRAH, avocate cabinet Landwell et associs, Montpellier ; Mme Hlne ANTONINI- CASTERA, directeur adjoint, directrice qualit, hpital griatrique Les Magnolias, Longjumeau ; M. Nicolas BRUN, charg demission, UNAF, Paris ; Mme Aude CARIA, psychologue, charge de mission, centre collaborateur OMS, responsable, maisondes usagers, CH Sainte-Anne, Paris ; Mme Alice CASAGRANDE, chef de projet, Agence nationale de lvaluation et de laqualit des tablissements et services sociaux et mdico-sociaux (Anesm), Saint-Denis ; Dr Roger CIAIS, cardiologue, directeurgnral, clinique des Trois-Luc, Marseille ; Mme Laura DANCEZUNE, directeur, ple qualit sanitaire, Groupe Korian, Paris ;Dr Jean-Franois DE FRMONT, nphrologue, mdiateur, polyclinique Saint-Cme, Compigne ; Mme Anne DEPAIGNE- LOTH, chef de projet, service dveloppement de la certification, DAQSS, HAS ; Dr Bernard DEVALOIS, chef de service, unitde soins palliatifs, centre hospitalier, Puteaux ; Dr Daniel D'HROUVILLE, maison mdicale Jeanne-Garnier, Paris ; MmeChristine FABRY, directrice des relations avec les usagers, Hospices civils de Lyon ; Dr Fadila FARSI, mdecin coordonnateur,rseau ONCORA, CRLCC Lon-Brard, Lyon ; Dr Marc GUERRIER, directeur adjoint, Espace thique, AP-HP, CHU Saint- Louis, Paris ; Mme Franoise HAFFEMAYER, directrice des soins, retraite, Le Mans ; Mme Marie Christine POUCHELLE,CNRS ; Mme milie PRIN-LOMBARDO, chef de projet, service certification des tablissements de sant, DAQSS, HAS ; MmeIsabelle ROBINEAU, adjointe de direction charge de la qualit, association l'lan Retrouv, Paris ; Mme Sverine ROMAIN,infirmire cadre de sant, hpital local, Sully-sur-Loire ; Dr Sylvie ROSENBERG-REINER, pdiatre, hpital Necker, Paris,association Apache, Antony ; Mme Michle SIZORN, prsidente, SOS Hpatites Paris-le-de-France, Paris ; M. Jean WILS,charg des droits des usagers, hpital europen Georges-Pompidou, Paris.

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    Les tmoignages des patients et de leurs proches, et aussi quelques trop rares maisprcieux travaux de sciences sociales2 mettent en lumire une forme de maltraitance ordinaire 3, passive 4 ou institutionnelle moins visible que les actes de violenceintentionnelle, individuelle et dlictuelle, mais tout aussi inacceptable.

    Or, les organisations sont rarement values de ce point de vue. Il a paru pourtant essentiel

    la Haute Autorit de Sant de tenter de cerner ces phnomnes de maltraitance ordinaire ou institutionnelle car ils caractrisent le quotidien de beaucoup dusagersdes tablissements de sant et justifient la promotion dune dmarche et dune politique debientraitance dans le cadre de la certification V 2010 des tablissements de sant.

    2. Lobjet dtude : la maltraitance ordinaire

    Pour dsigner cette forme de maltraitance, le choix a t fait, dans le cadre de cette tude,de retenir lexpression maltraitance ordinaire .

    2.1

    Le mot maltraitance est dapparition rcente (Le Robert, dictionnaire historique de lalangue franaise, indique la date de 1987). Il nexiste pas de dfinition juridique de lamaltraitance, mais le Conseil de lEurope en a propos une dfinition (2002), souventreprise, notamment par la commission denqute du Snat sur la maltraitance des personneshandicapes (2003). La maltraitance ( abuse en anglais) est dfinie comme : tout acte,ou omission, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manire volontaireou involontaire, aux droits fondamentaux, aux liberts civiles, l'intgrit corporelle, ladignit ou au bien-tre gnral d'une personne vulnrable 5.

    La reprise de cette notion par les acteurs du secteur mdico-social et par les pouvoirspublics franais notamment dans le cadre du Plan bientraitance-maltraitance de mars 2007atteste une reconnaissance de lexistence de ce phnomne complexe touchant plusparticulirement les personnes en situation de fragilit et qui dpendent dune autrepersonne dans les actes de la vie quotidienne : Il peut sagir de maltraitance passive tissede petites ngligences quotidiennes : faire des toilettes trop rapides, ne pas rpondre

    2 Notamment, Marie-Christine Pouchelle, Lhpital, corps et me. Essais danthropologie hospitalire, Paris, Seli Arslan, 2003 ;Lhpital ou le thtre des oprations. Essais danthropologie hospitalire 2, Paris, Seli Arslan, 2008 ; Anne Vega, Uneethnologue l'hpital, l'ambigut du quotidien infirmier, Paris Archives contemporaines, Paris, 2000.

    3 Une maltraitance ordinaire : perceptions et ractions des personnes ges aux actes de maltraitance . Rapport final, Dress,2004.

    4 Guide pratique bientraitance/maltraitance usage des tablissements et institutions, FHF, 2007.

    5 La protection des adultes et enfants handicaps contre les abus. Conseil de lEurope, Hilary Brown, la Documentationfranaise, Paris, 2002 ; Maltraitance envers les personnes handicapes : briser la loi du silence. Rapport de la commissiond'enqute n339 (2002-2003) du Snat de MM. Jean-M arc Juilhard et Paul Blanc, dpos le 10 juin 2003.

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    aux appels des personnes, servir des repas trop tt, ne pas respecter les rythmes de chacunpour le lever et le coucher6

    Si la prvention de la maltraitance et la promotion de la bientraitance ont une placeimportante dans les politiques publiques et les dispositifs dvaluation et damliorationvisant les personnes ges et handicapes comme latteste la publication des premires

    recommandations de lAgence nationale de lvaluation et de la qualit des tablissements etservices sociaux et mdico-sociaux (Anesm)7, ces sujets nont que rarement t abordsdans le secteur sanitaire et en particulier dans le secteur hospitalier.

    Les fdrations hospitalires ont favoris lmergence de la thmatique dans le secteurhospitalier. Par ailleurs, les actions rcentes des pouvoirs publics et en particulier de laDirection de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos ministre de la Sant)visant accompagner le dispositif lgislatif relatif aux droits des usagers initi par la loi du4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant sontanimes dun esprit trs proche de celui des dmarches de bientraitance.

    Ainsi, la Dhos a constitu une collection ditoriale Accueil et droits des usagers destablissements de sant rassemblant des travaux rcents dans ces domaines8 et a ouvertun site de partage dexprience Accueil, information et prise en charge des usagers dansles tablissements de sant prsentant des ralisations innovantes et exemplaires enmatire daccueil et de mise en uvre des droits des usagers9.

    Enfin, la loi Hpital, Patients, Sant et Territoires reprsente une tape significative enintgrant dans les missions des agences rgionales de sants, la lutte contre la maltraitanceet le dveloppement de la bientraitance (article L. 1431-210 du Code de la sant publique).

    6 Intervention de Philippe Bas, ministre dlgu la Scurit sociale, aux Personnes ges, aux Personnes handicapes et la Famille, confrence de presse Plan bientraitance/maltraitance, 14 mars 2007.

    7 La bientraitance : dfinition et repres pour la mise en uvre, aot 2008 ; Mission du responsable dtablissement et rle delencadrement dans la prvention et le traitement de la maltraitance, dcembre 2008.8 laborer et diffuser le livret d'accueil des personnes hospitalises - Recommandations et propositions / juillet 2008, Fichesinformatives sur les droits des usagers / juillet 2008, Rdiger le rapport annuel de la CRU - Recommandations et modle-type /mai 2008, Faire vivre la lecture l'hpital - Recommandations et bonnes pratiques / mai 2008, Organiser une permanenced'accs aux soins de sant (PASS) - Recommandations et indicateurs / mai 2008, Guide pour les reprsentants des usagers dusystme de sant / janvier 2005, Plaintes et rclamations dans les tablissements de sant : guide mthodologique / octobre2007.

    9 Accueil, information et prise en charge des usagers dans les tablissements de sant :http://www.sante.gouv.fr/experiences_usagers/accueil.htm

    10 Les ARS contribuent, avec les services de ltat comptents et les collectivits territoriales concernes, la lutte contre lamaltraitance et au dveloppement de la bientraitance dans les tablissements et services de sant et mdico-sociaux . Article118 de la loi n2009-879 du 21 juillet 2009 portan t rforme de l'hpital et relative aux patients, la sant et aux territoires.

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    2.2

    La Haute Autorit de Sant a fait le choix de retenir pour thmatique prioritaire dudveloppement de la certification V 2010, la question de la maltraitance ordinaire subiepar les usagers dans les tablissements de sant.

    Au-del ou en de des faits de maltraitance caractrise, qui font lobjet dune qualificationpnale et/ou disciplinaire, lorsque lon va la rencontre des faits, les exemples affluent surdes situations plus banales , plus pernicieuses, celles qui sont vcues quotidiennementpar les personnes : les situations de maltraitance ordinaire . Cette forme de maltraitancenest pas essentiellement lie aux individus, elle a plus souvent trait au fonctionnement desorganisations qui privilgient linstitution par rapport lintrt et aux besoins des personnes.

    Ladjectif ordinaire signifie ici la fois quotidien , banal c'est--dire retraantlexprience et le vcu de tous les jours.11 Le phnomne de maltraitance ordinaire estinvisible ; il est parfois ignor par les professionnels et intrioris jusqu un certain point parles patients.

    Cest sur cela que porte ce rapport. La maltraitance, quelle quelle soit, puise son originedans la dpendance de la personne maltraite par rapport la personne ou lorganisationmaltraitante, et dans le silence qui lentoure. Elle nest possible que parce que la parole despersonnes est confisque, do la difficult de pouvoir la reprer, lidentifier, lvaluer12.

    Lenjeu de cette tude est donc de rendre visible cette forme de maltraitance ; pour nourrirles actions qui permettront de lutter contre elle et de faire des tablissements de sant desinstitutions vritablement bientraitantes .

    3. Mthodologie

    .1

    Lanalyse des situations de maltraitance dans un contexte de soins sest essentiellementtraduite dans des travaux mens partir dexpriences de terrain et de tmoignages13. Cestgalement cette option qui a t retenue dans cette tude : donner la parole aux personnes

    11 Le terme fait cho lusage qui en est fait aujourdhui dans les sciences sociales. Le terme ordinaire est utilis pourdsigner des mthodes et des objets de recherche nouveaux privilgiant lanalyse dactions et de penses ordinaires communes , profanes ou quotidiennes plutt quune attention exclusive aux reprsentations savantes et auxmobilisations et actions organises et institutionnalises.

    12 Rapport Igas valuation du dispositif de lutte contre la maltraitance des personnes ges et des personnes handicapes misen uvre par les services de ltat dans les tablissements sociaux et mdio-sociaux. MF Bas Thron et C Branchu, rapport n2005179, mars 2006.

    13 Perceptions et ractions des personnes ges aux comportements maltraitants : une tude qualitat ive , tudes etrsultats, Dress, janvier 2005.

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    elles-mmes et ainsi dcrire et analyser le phnomne de maltraitance ordinaire dans lestablissements de sant.

    Ltude prsente ici est donc fonde sur une analyse qualitative approfondie detmoignages de patients et de proches, complte par des entretiens avec desprofessionnels14.

    .2

    Plusieurs sources ont t utilises :

    - les corpus de tmoignages existants : courriers de plainte, tmoignages recueillispar des associations dusagers, certains tablissements de sant, mais aussilivres de tmoignages ;

    - des entretiens semi-directifs raliss auprs de personnes ou de leur entouragesur une exprience dhospitalisation rcente ou en cours. La Midiss (Mdiation,

    Information et Dialogue pour la Scurit des Soins), alors rattache la HAS, aaccept de permettre des contacts avec des patients et leurs familles.

    Au total, 59 crits ont t analyss, et des entretiens raliss avec 23 personnes. Cestmoignages sont trs divers :

    - ils proviennent de personnes hospitalises ou de leur entourage ;

    - ils relatent le vcu dhospitalisation dans des tablissements de court sjour,SSR-SLD15, dans diffrentes disciplines (pdiatrie, psychiatrie), de divers statuts(priv, public, PSPH16), Paris, en province, en milieu urbain et en milieu rural ;

    - tous les ges sont reprsents.

    Les sources de documents crits ont t la HAS, des tablissements de sant, lesassociations dusagers et certains sites Internet. Marie-Christine Pouchelle, anthropologue,directeur de recherche au CNRS,17 a fourni une part importante des tmoignages crits.

    Le recrutement pour les entretiens sest fait suivant les mmes modalits : Haute Autorit deSant, tablissements de sant et associations dusagers. La plupart des entretiens se sontdrouls en face face.

    14 Pour une prsentation dtaille, voir annexe 1.

    15 Soins de suite et de radaptation soins de longue dure16 tablissement privs participant au service public hospitalier

    17 Institut interdisciplinaire danthropologie du contemporain, IIAC.

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    .

    Sagissant dune enqute qualitative, il ntait pas ncessaire de constituer un chantillonreprsentatif des patients ou de lentourage des patients pris en charge dans lestablissements de sant franais. Dautant plus que les auteurs ont privilgi des sourcesqui concernent des personnes prsentant une caractristique qui nest pas galementpartage au sein de la population des usagers des tablissements : un dsir particulier detmoigner. Les entretiens ont t en effet recueillis auprs de personnes ayant un moment ou un autre manifest la volont et la capacit de restituer, expliquer, leur expriencedusagers des tablissements de sant18.

    Issue de lanalyse dun matriel qualitatif fourni par des personnes dsireuses de tmoigner,ltude ne peut prtendre distinguer des populations plus risque que dautres.Beaucoup de plaintes portent sur des hospitalisations denfants, mais cela peut sexpliqueren partie par une prsence accrue de lentourage et de parents particulirement actifs quiprennent leur place dans les soins. Peu de tmoignages sur les personnes ges ou les

    personnes en situation de handicap, dont on sait quelles sont particulirement concernespar la problmatique. Souvent ces personnes disposent de peu de moyens pour faireentendre leur parole et ne bnficient pas toujours dun entourage pour la relayer.

    Dans le cadre de cette tude, une place particulire est faite aux paroles de proches depersonnes hospitalises. Ces derniers sont concerns par ltat de sant de la personnehospitalise, ils sont parfois eux-mmes fragiliss et exposs de la maltraitance. Au-del,ils apportent dans le cadre de cette tude la fois un regard extrieur, une observationprcise des comportements et parfois une analyse remarquable des pratiques ou delorganisation de la prise en charge.

    .

    Les entretiens et les crits ont fait lobjet dune analyse thmatique. Une premire lecturedes crits a permis didentifier des dimensions du sujet et de construire une grille danalysequi a servi autant pour les tmoignages crits que pour les entretiens.

    Si l'ensemble des documents et des entretiens recueillis dans le cadre de cette tude ontpermis de nourrir l'analyse, les verbatim prsents dans le rapport sont extraits dun nombreplus restreint de textes. Nous avons dlibrment privilgi les tmoignages qui paraissaient la fois les plus reprsentatifs du vcu des patients et les plus construits.

    18 Ltude de la direction de la recherche, des tudes, de lvaluation et des statistiques du ministre de la Sant (Drees) a bienmontr que la perception et la reconnaissance des situations de maltraitance dpendaient troitement de lhistoire de vie desvictimes Perceptions et ractions des personnes ges aux comportements maltraitants : une tude qualitative . tudes etrsultats, janvier 2005.

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    La premire phase stait exclusivement attache mettre en exergue le point de vue despatients et de leurs proches, avec leurs mots, retraant au plus juste certains vcus difficiles.Les rsultats prsents devant le groupe de travail droits et place des patients mis enplace par la Haute Autorit de Sant ont permis de confirmer en grande partie cestmoignages, de croiser des vcus communs. Le groupe a souhait que ce premier travailpuisse servir de support une rflexion plus gnrale. Il a t convenu dapporter le point devue complmentaire des professionnels lanalyse des tmoignages de patients. Il devenait ncessaire de mettre en miroir les tmoignages des usagers et des professionnels afindquilibrer les points de vue.

    Il sagissait dapporter des lments permettant de reprer sil existait une vision partageentre les usagers, et les professionnels ce que les ractions des membres du groupelaissaient supposer mais galement didentifier comment les professionnels se mobilisaientou souhaitaient se mobiliser autour de cette problmatique.

    Une deuxime phase de travail a eu pour objectif de donner la parole des professionnels et des experts. Comme la premire phase, la cible tait large et ne devait pas se cantonner une discipline, un champ spcifique dinvestigation. Cest donc davantage une diversitquune reprsentativit des points de vue qui a t recherche. De mme, les personnesinterroges ont t choisies cause de leur intrt dclar pour le sujet ou identifies par lesmembres du groupe comme des personnes sensibilises ce type de problmatique. Lecadre de cette tude ne permettait pas de recueillir des entretiens auprs de toutes lescatgories professionnelles ni dinvestiguer de manire exhaustive la question des facteursde la maltraitance. Ce volet doit tre lu comme un clairage et une contribution sur unequestion qui est et devra tre traite de manire approfondie dans dautres travaux19.

    19 On peut citer notamment : Gestion des risques de maltraitance en tablissement : mthode, outils, repres. Comit national devigilance contre la maltraitance des personnes ges, ministre dlgu la Scurit sociale, aux Personnes ges, aux Personneshandicapes et la Famille. Paris, 2007.

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    C HAPITRE 1 LES TYPES DE MALTRAITANCE SELON LES PERSONNESHOSPITALISEES ET LEURS PROCHES

    Quand on doit se dshabiller compltement et mme ter ses bagues pour une douchedsinfectante et sallonger sur le brancard pour lopration, on se sent vraiment un objet,dautant plus que ceux qui tont amene l doivent tout reprendre, de peur des vols : onest vraiment une petite chose (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Cette citation illustre bien le point commun des tmoignages recueillis : pour les usagers destablissements de sant, la situation dhospitalisation est demble vcue comme unesituation de vulnrabilit. Tous les tmoignages recueillis sur lexprience personnelle dunsjour dans un tablissement de sant soulignent que cette vulnrabilit renforce le besoinpour le malade dtre accueilli, soutenu et reconnu comme une personne.

    Dans leurs lettres ou au cours des entretiens, les malades et leurs familles veillent mettreen valeur ce quils ont vcu de positif. Cela permet didentifier les attitudes et lescomportements qui sont un soutien lors dun recours un tablissement de sant. Ils lesvoquent ainsi :

    Un personnel trs gentil et toujours vous rendre service, il ny a qu appeler, onarrive () avec le sourire, essayant dtre le plus agrable possible . Les femmes demnage qui sont l, qui sont gracieuses, qui vous disent bonjour, qui vous causent (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    Ils sont reconnaissants de la prsence et de la disponibilit des professionnels. Ils voquentle mdecin qui passe deux fois par jour, les infirmires qui rpondent aux appelsrapidement Les patients dcrivent des actes, des paroles qui rassurent Ainsi ce patient,qui lors dun sjour en ranimation a beaucoup dormi, se souvient :

    Il y avait toujours quelquun auprs de moi, pas trs loign, elles me demandaient si javais besoin de quelque chose (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    Le besoin dtre entour, de ne pas tre abandonn, prime. Lhumanit des professionnelsest perue comme une garantie de la qualit des soins, au-del des aspects techniques queles professionnels eux-mmes mettent en avant.

    La nuit, ce ntait pas pareil, les infirmires me parlaient, elles sasseyaient, elles meparlaient de leurs enfants, elles me massaient le dos pour viter les escarres. Ellesvenaient passer du temps avec moi. On est content que vous vous en soyez sortie .(Personne hospitalise, victime dinfection nosocomiale, tmoignage oral)

    Les attitudes valorises sont celles qui personnalisent le rapport entre le professionnel et lapersonne malade.

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    Ainsi, cette femme, admise aux urgences, ayant pass quelques jours en ranimation suite une intervention digestive a voqu le bien-tre que lui a procur la visite dune desinfirmires des urgences et limportance de ce geste ses yeux.

    Il y a mme des infirmires des urgences qui sont descendues me voir en ra .(Personne hospitalise, tmoignage oral)

    Nanmoins, patients et proches sont nombreux dnoncer une maltraitance diffuse, quotidienne, qui se manifeste essentiellement par le dni des besoins, des attentes et des droits des personnes hospitalises et de leurs proches.

    Les maltraitances ressenties et restitues par les diffrentes personnes interroges ou ayant tmoign sont multiples. Nous en proposons ici une typologie. Elle est, bien sr, ncessairement incomplte et schmatique.

    Ce rapport distinguera dans un premier temps deux types de maltraitance : celle lie auxcomportements des professionnels et celle lie lorganisation dun tablissement de sant.Cette distinction paratra parfois thorique car dans les faits, les deux sont intimement lis etla frontire entre la maltraitance lie aux comportements des professionnels et celle due linstitution est parfois tnue. Lattitude des professionnels traduit frquemment lescontraintes de lorganisation. De mme, les stratgies de protection dveloppes par lesprofessionnels tendent rigidifier lorganisation dun tablissement de sant.

    1. La maltraitance lie aux comportements des professionnels

    Un tablissement de sant est inquitant pour les personnes hospitalises et leurs proches,

    parce quil y est question de la maladie, de la souffrance et de la mort. De plus les usagersperoivent les tablissements de sant comme une organisation complexe. Aussi lespersonnes hospitalises et leurs proches attendent des professionnels une coute, de labienveillance et parfois un accompagnement.

    Les professionnels ne rpondent pas toujours ces attentes. Les tmoignages sontnombreux dnoncer des attitudes indiffrentes, dplaces ou agressives.

    1.1 ,

    La personne hospitalise semble parfois considre comme un objet, comme la matirepremire sur laquelle les professionnels travaillent. Les professionnels, au carrefour deplusieurs logiques parfois contradictoires entre elles, confronts des choix difficiles et seconfortant mutuellement dans leurs comportements, finissent par afficher une certaineindiffrence la prsence du malade. Ils ignorent en partie les attentes et demandes de lapersonne hospitalise et de son entourage.

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    Plusieurs tmoignages font ainsi tat dun fonctionnement collectif des professionnels quiparaissent ignorer la prsence mme des malades ou de leurs proches.

    Ainsi perdurent certains comportements, pourtant souvent dnoncs.

    Le lendemain matin, une personne entre dans la chambre sans frapper la porte, sansdire bonjour, sans se prsenter et je suppose que cest une infirmire, elle vient peser mafille. Laprs-midi, comportement quasi identique de lquipe daprs-midi, elles entrentdans la chambre, comme si elles taient chez elles, vont voir directement mon enfant etprennent les constantes sans remarquer ma prsence, elles saperoivent que jexiste etse retournent vers moi pour me demander de prendre la temprature de ma fille et devenir leur communiquer pendant quelles continuent leur tour (Mre d'un bbhospitalis, tmoignage crit)

    1.1.1 ,

    Comme dans tout milieu professionnel, les changes entre collgues ne concernent pasuniquement les tches raliser, mais peuvent galement concerner ce qui relve de leurvie prive. Anodines dans la plupart des cas, ces discussions peuvent porter consquencequand elles se droulent devant un public non concern et qui aurait besoin au contraire detoute lattention des professionnels. Or certains malades soulignent que des professionnels peuvent avoir tendance continuer leurs conversations prives en ignorant dlibrment lespersonnes prsentes quelles sont censes accueillir.

    Lespace de la salle de rveil est entirement privatis par le personnel : lescommentaires et commrages personnels, conflits concernant leur service, discussionsalatoires, etc. sont incessants. On a lespoir dun certain calme seulement quand lepersonnel souhaite se reposer [] (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    La rification des patients par le personnel est trs profonde. Par exemple, lacontinuation imperturbable des discussions prives pendant la manipulation douloureusedun patient comme sil nexistait ni lui ni sa douleur est une image qui me suivra (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Pendant un des examens que lon ma fait, ils avaient une soire, ils parlaient de cequils allaient boire et manger le soir, comme si je ntais pas l (Personne hospitalise,tmoignage crit)

    A la sortie du bloc opratoire, les infirmires du service de chirurgie dORL montpropos de descendre en salle de rveil. Ayant sonn la porte dentre de la salle de

    rveil, linfirmire qui ma ouvert ma indiqu de faon brutale et dsagrable que jenavais qu attendre derrire la porte et que lon viendrait me chercher. [] Puis une foisen salle de rveil, jai pu constater qu un certain moment, les infirmires se sont toutesrunies autour du bloc central pour voquer les rcriminations faire auprs des autresservices, qui portaient naturellement sur des questions de coordination et dorganisation.Certes, il ny avait que deux enfants ce moment prcis dans la salle de rveil, maiscroyez bien que la tenue de tels propos en la prsence de parents ne fournissait pas

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    lapaisement dont ils ont besoin aprs le stress subi du fait de lopration de leur enfant (Mre d'un enfant hospitalis, tmoignage crit)

    Dautres tmoignages relvent le comportement des professionnels qui tendent seregrouper lcart des malades, semblant oublier les demandes ou tout simplementlexistence des malades prsents dans le service. Ainsi, un proche dun malade hospitalisen psychiatrie dcrit :

    les infirmires enfermes dans leur bocal, au milieu du service. Elles sont l, plusieurs en train de rire et les malades dambulent en pyjama la recherche de lienhumain, cest insupportable (Proche, tmoignage crit)

    Les conversations portent parfois sur les conditions de travail, les professionnels ouvrantalors un vritable chantier de culpabilisation du patient et de ses proches : le patient estpoint implicitement comme la source des difficults des personnes qui la soignent. tant lorigine des motifs de plaintes des professionnels, les personnes nosent plus se plaindre etsont dautant plus fragilises. La fille dune personne en fin de vie dnonce ainsi :

    Avec le malade, pas de gaiet, pas de rires et encore moins de sourires, pasdchanges. Entre agents, par contre, stridences de poulailler, des heures et des heuresde cancanages, dans les chambres comme en dehors, sur syndicat, CDD, aspiration accident de travail, congs, rcuprations, paye, petites histoires du service. () Uneinconcevable hantise du moindre effort physique de manipulation du patient etapparemment une paralysie consquente des ressources que le calme, lorganisation etle bon sens peuvent apporter pour la ralisation de ces efforts. () Hmiplgique, mamre a pu profiter plein de cet enthousiasme au mtier de la part dagents quon auraitmajoritairement pu, les entendre, croire incomparablement plus plaindre quelle (Fille d'une personne hospitalise, tmoignage crit)

    galement ce tmoignage dun pre, accompagnant son enfant pour une interventionchirurgicale, qui montre comment les patients peuvent tre ainsi pris en otage de conflitsinternes ltablissement de sant.

    Nous attendons les brancardiers pour le transporter au bloc opratoire, quand deuxinfirmires se prsentent dans la chambre, pestant contre le manque de personnel etarguant que ce nest pas elles de faire a. Elles sexcutent tout de mme avec unecertaine agressivit, je ne peux pas mempcher de leur demander de se calmer car leurcomportement ne fait que rajouter du stress mon fils .20

    1.1.2

    On note aussi souvent le peu de crdit accord la parole du malade. Dans ces cas, lamaltraitance ordinaire est troitement associe des dsagrments physiques, voire unemise en danger des personnes.

    20 Philippe Costes, Le printemps blanc, non-assistance famille en danger, Les ditions de lofficine, Paris, mars 2007.

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    Lexemple qui suit montre bien comment la connaissance dite scientifique est utilisepour disqualifier la connaissance issue de lexprience personnelle du patient. Cette tyrannie de la science mdicale et ce mpris de la parole des malades non seulementinduisent un sentiment dimpuissance, mais peuvent galement provoquer une situationdsagrable, douloureuse voire dangereuse.

    Mon corps se couvre de pustules, du cuir chevelu la raie des fesses. Forte ractionaux produits anesthsiques. Impossible rtorque lanesthsiste, vous auriez fait uneraction pendant et pas aprs Dsole de vous dcevoir sur vos comptences,Madame lanesthsiste, mais on ma dj fait le coup une fois, pour une autre opration,avec un autre produit qui a failli celui-l menvoyer trpas (la xylocane). Quimporte,les tests, quon ne fait quaprs, le diront avec certitude, comme cela avait t le casavec la xylocane. L non plus, le mdecin ne voulait pas ladmettre. Heureusement, iltait intelligent et on a fait les tests. Quand il a eu les rsultats de lallergologue en main,l il a bien d reconnatre que oui, ctait rare, mais bien rel. Mais poursuivons moncorps me dmange jour et nuit [] Je rclame le produit qui pourrait calmer enfin lesdmangeaisons. On sait mieux que moi. On me donne autre chose. De la polaramine. Jesais, par exprience, que cette molcule ne marche pas sur moi. Mais je nai pas faitmdecine. Je vis simplement dans mon corps depuis 35 ans !! Je gueule, je hurle. Jeconnais, pour avoir subi dautres allergies, dont celle suite linjection de xylocane, leproduit qui peut me soulager. Le pire est que ce produit est l. Ce nest pas demander lalune. [] Et je me gratte je gratte, je gratte 48 h sarracher la peau. [] Au bout de48 h, je finis par lavoir [le produit]. Et l quelques heures suffisent pour que lesdmangeaisons se calment et que la vie redevienne supportable. Il ne suffisait que dea. Pourquoi est-il si difficile dtre cout ? Et quen est-il de tous ceux qui souffrent etqui ne peuvent ou nosent pas parler, demander, gueuler ??? (Personne hospitalise,tmoignage crit)

    Ces attitudes sont dnonces parce que leurs consquences peuvent tre graves, en cas de

    risque dallergie non pris au srieux, dlments diagnostiques, ignors dalerte donne etnon prise en compte... Certains retards de diagnostic, certaines erreurs sexpliquent par lamfiance systmatique prouve par certains professionnels lgard des ressentisexprims et des informations donnes par des patients et/ou leurs proches. Cestparticulirement vrai pour les parents denfant hospitalis.

    Jai eu regretter que la parole de la mre parlant de son enfant pas commedhabitude ne soit pas entendue ; il a fallu 36 heures pour un constat que je savaisintrieurement au bout de 2 h aprs laccident... De devoir affronter seule la ralit duntrauma crnien grave aprs un scanner o on ma laisse remonter seule avec monenfant sur les bras, alors que leurs visages en disaient long. Que mon inquitude ne soitcomprise quune fois le diagnostic tabli et lenfant envoy durgence en hlico (36 haprs la chute) (Mre d'un enfant hospitalis, tmoignage crit)

    Ou pour cet enfant souffrant dune maladie orpheline, qui prsente une peau fragile ; il sestbless en tombant.

    Le chirurgien et lanesthsiste sont trs dsagrables. Ils ne me prennent pas ausrieux. Je leur explique que je connais bien la maladie et je leur conseille de faire 30

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    points. Rponse du chirurgien : Je connais mon mtier ! Quand mon enfant est sortidu bloc, jai eu peur de regarder sous le pansement, jai fait confiance. Ils nont pas voulule pltrer. Je leur ai dit que ctait indispensable. Ils ont refus ! Mon fils est sorti sanspltre. Le lendemain, jai enlev le pansement. Horreur ! 9 points seulement ! Uneanesthsie gnrale pour 9 points ! Rsultats trois jours plus tard, tous les points ontsaut, a sest infect et il a fallu laisser comme a. [] Beaucoup de mdecins sont trop

    imbus de leur personne pour avouer quils ne connaissent pas une maladie. Ils neveulent pas admettre quon en apprend tous les jours, quon est humain et quon ne SAITpas toujours tout ! Je me suis sentie misrable, gamine Et mon fils en a subi lesconsquences, jai t gnante pour eux. On ne nous a pas couts (Mre d'un enfanthospitalis, tmoignage crit)

    1.2

    1.2.1

    Les patients interrogs relatent des situations dhumiliation, des propos blessants ou desmenaces implicites ou explicites. La situation de dpendance des malades exige de la partdes professionnels une attitude qui attnue cette dpendance, au moins symboliquement, enfaisant preuve dgards, en tant attentifs traiter la personne galit.

    Or, sans mme quils en aient conscience certains propos des professionnels peuventblesser ; cest ce qui sest pass pour cette patiente lors de lannonce de son diagnostic.

    Le gynco que jai vu ma dit que javais un cancer. Il ma dit on peut vous gurir maisil va falloir enlever le sein Je ntais pas contente. Il ma dit lge que vous avez cenest pas un problme . Je lui ai dit que jaimerais bien voir sa raction si on luiannonait quon lui en enlevait une ! (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    De nombreux tmoignages voquent des humiliations en rapport avec le corps, lintimit et lebesoin daller aux toilettes ou davoir le bassin. Ces rcits particulirement significatifs serontanalyss dans la partie sur les atteintes la dignit.

    La pression exerce sur les patients prend des formes diffrentes selon les situations.

    Elle peut prendre la forme de menaces

    Arrive aux urgences aux alentours de 14 h 30 15 h 00, un mdecin a pris mon fils encharge. Il a auscult mon fils aprs lui avoir dit si tu me dis que tu as mal, tu restes lhpital et tu auras des piqres, si tu nas pas mal, tu rentres avec maman la maison Que pensez-vous quun enfant de trois ans et demi allait rpondre cette question ? (Mre d'un enfant ayant eu recours aux urgences, tmoignage crit)

    Cet enfant a t admis dans un autre tablissement de sant plusieurs jours aprs poursoigner ce qui tait une fracture.Ou de rprimandes

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    Les femmes de service, elles vous virent du lit sans mnagement, moi je men fousmais enfin. Moi jai me plaindre de certaines femmes de service, celles qui font les litset quand je suis en ranimation cardiaque, moi je naurais jamais trait un maladecomme a, je suis rest un quart dheure assis dans un fauteuil, je men fous de rester unquart dheure, mais je me fais encore engueuler car je navais pas appel, je ne voulaispas les dranger. Et puis une autre qui ma dit : Cest moi qui commande ici

    (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    1.2.2

    Les exemples de culpabilisation des proches sont nombreux, en particulier dans le cas desparents de jeunes enfants. L encore, les tmoignages donnent limpression dun enjeu depouvoir qui affleure entre les proches et les professionnels. En effet, autant les malades sontrarement dans une situation qui leur permet de sopposer, autant les proches sontpotentiellement plus actifs et donc plus revendicatifs. Les questions lies au cot occasionn par la prise en charge de la personne malade peuvent tre utilises pour les dstabiliser.

    Jai obtenu de nouvelles lectrodes. Celles que tu portes ne collent plus et tu sonnes plus que jamais. Je suis un peu gne parce que linfirmire me rappelle quecela cote cher et que tu ten vas bientt . (Mre dun bb hospitalis, tmoignagecrit sous forme dune lettre adresse son enfant)

    Le talon dAchille des proches rside dans le lien quils ont avec la personnehospitalise. Lorsquun enfant ou un vieux parent est hospitalis, les membres de la famillesinterrogent plus ou moins consciemment sur leur possible responsabilit danslhospitalisation et les professionnels peuvent alors jouer de cette faille.

    En conclusion [de lexprience de lhospitalisation dune de ses jumelles], je me suis

    trouve de trop dans tous les cas. Limpression dtre une mauvaise mre et davoir malfait dans tous les cas. Fautive dtre enceinte de deux enfants. Fautive de navoir rien faitplus tt pour linfection urinaire, alors que mon mdecin avait diagnostiqu unerhinopharyngite avec 40de fivre. Dans tous les c as, le personnel mdical met bien envidence ses annes dtudes et son savoir mdical. Pour eux, nous, en tant que mres,nous ne sommes rien et nous devons nous soumettre leurs dcisions ! (Mre dunenfant hospitalis, tmoignage crit)

    Gnralement, lenjeu se cristallise autour des questions dducation : les parents de jeunesenfants sont dlgitims dans leur rle auprs de leur enfant. La discussion qui suit entreune mre et une infirmire sur la position adquate pour dormir est un exemple caricatural

    des confusions entre positions soignantes et positions parentales. Et pour toute recette, elle me rtorque vous lcoutez trop. Ce nest pas comme aque lon doit faire avec les enfants. Jen ai eu trois. Je sais comment on fait . Et commesi je ntais pas suffisamment nulle, elle ajoute et puis vous la surlevez pour dormir.a ne sert rien Je suis culpabilise, comme je ne lai encore jamais t. Je ne suisplus quun mollusque infantilis. Elle na rien entendu de ma dtresse, de ma culpabilit.Elle se contente de laugmenter de faon vertigineuse (Mre d'un bb hospitalis,tmoignage crit)

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    Cette culpabilisation peut se faire de manire plus violente encore, comme lattestelexemple suivant : des parents arrivent lhpital, aprs avoir fait 300 km de nuit suite desinformations angoissantes quils ont reues par tlphone sur lintervention cardiaque de leurbb. Ils arrivent et se retrouvent face au mdecin qui sest occup de leur fille et qui leurdemande sans autre prambule :

    Vous avez dautres enfants, vous les avez abandonns l-haut ? . Et ton pre de luirpliquer oui, ils sont dans un placard . Et moi de rester bouche be, stupfaite,terriblement consciente de cette culpabilit quil semait en moi. Vous comprenez cettepetite, elle ntait pas prvue. Jai d lui faire de la place dans mon service. On a ddplacer un autre enfant. Et puis vous savez, il faut savoir prendre du recul . Nul doutequil avait, lui, un recul tout fait certain. Et puis la voix teinte je demandais comment tuallais. Et il condescendait enfin nous dire que tu allais bien. Cest juste ce que nousvoulions savoir. Ses problmes de service, on sen moquait royalement. Bien sr, ilntait pas possible de te voir. Ctait beaucoup trop compliqu. Tu venais dembrasser lamort mais nous ne pouvions tembrasser (Mre d'un bb hospitalis, tmoignage critsous forme dune lettre adresse son enfant)

    1.2.

    Lorsque les menaces et la culpabilisation des proches ne suffisent pas faire entrer lespersonnes hospitalises et leur entourage dans les rles prescrits, certains professionnelspeuvent alors passer aux reprsailles.

    Je me suis fait houspiller. Jtais revenue trop vite de la salle o je prenais mon petitdjeuner. Les mdecins taient encore autour de toi. Jattendais discrtement, adosse la chambre, ne les regardant mme pas La surveillante ma rappel que je navais rien faire l et ma renvoye dans la salle. Jy suis retourne, enfant docile et punie (Mred'un bb hospitalis, tmoignage crit sous forme dune lettre adresse sonenfant)

    Ces reprsailles se traduisent souvent par ce que les patients dcrivent comme des engueulades : mot qui revient souvent comme si aucun autre terme ne pouvait tre aussi juste.

    Julie consacrera 6 minutes Mme X durant une grande heure dexercices, maislaissera entendre de grands clats de rire au loin, o on semble se raconter de bonneshistoires. Julie aura mis un drap, plac un ballon sous les pieds de Mme X elle part endisant allez-y , sans autres explications. Mme X reprend les exercices de la semaineprcdente au rythme devenu habituel : exercice 5 fois, dtente, exercice 5 fois, dtente,etc. Lors dune dtente, Julie fond sur Mme X et lenguirlande : dfendu de sarrter, ilfaut faire chaque exercice dheure sans sarrter. Julie consacre un instant regarderMme X reprendre sa tche. Bon, la voil qui se fche parce que les mouvements ne sontpas faits suivant son got (mais elle na pas montr comment les faire). (Mme X naimepas beaucoup tre gronde, dune faon gnrale, mais plus particulirement quandcest absurde) (Extrait du journal de bord dune animatrice dun lieu dinformation dansun tablissement de sant)

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    Cette attitude tend infantiliser le patient. Ainsi, un patient qui sollicite trop les soignants,selon leurs critres, va se voir rappel lordre.

    Pas de distanciation comprhensible au malade mais, au moindre appel ou lamoindre demande, les dfausses classiques non-rponse ou irritation de lagentmdiocrement comptent et rtif au drangement pour le plus faible qui, immobilis

    et psychiquement fragilis, dpend de lui. Ce qui sest clairement produit avec ma mreau temprament plutt combatif que soumis (Fille d'une patiente ge hospitalise,tmoignage crit)

    La mise distance de la sonnette ou de la tlcommande de la tlvision est parfois utilisecomme une punition , en rponse une prsence trop forte de la famille ou une plainte.

    Sa sonnette est reste en panne une semaine puis quand elle a t rpare, elle a tmise distance (Fille dune patiente ge hospitalise, tmoignage crit)

    Aprs il y a eu des reprsailles : la personne qui mamenait mon petit djeuner le matinloignait ma table avec la tlcommande et je me retrouvais sans jusqu midi et, enisolement, il ny a rien dautre faire que regarder la tlvision (Femme hospitalise,victime d'infection nosocomiale, tmoignage oral)

    Les proches sont souvent la cible de mesures de reprsailles car ils sont davantage ensituation de protester, de sopposer.

    Le cadre infirmier disait ma femme : Souriez, Mme G, vous ne voyez pas la tteque vous faites (Pre dun adolescent hospitalis, tmoignage oral)

    On nous donne une chambre et l commence une longue attente o lon ne nous ditrien, o lon parle peine lenfant, o lon nous fait remarquer que cest insupportable

    dentendre cet enfant pleurer quand on vient lui faire un soin (Mre dun enfanthospitalis, tmoignage crit)

    Nous avons laiss notre enfant endormi profondment et attach sa perf ; pour parler lextrieur dans un patio qui donnait sur sa chambre. De l nous avons vu uneinfirmire venir et rler, remonter la barrire du lit nous sommes alls sa rencontre etelle nous a engueuls, disant quelle tait responsable. Le lendemain, jai eu la mmeremontrance (Mre d'un enfant hospitalis, tmoignage crit)

    Tout devient plus tendu si les parents tentent dinterfrer dune manire ou dune autre dansle domaine rserv aux soignants, cest--dire lobservation de lvolution clinique du patient,le choix du traitement Ainsi dans lexemple qui suit, lors de lhospitalisation de leur enfant,les parents constatent une dgradation de son tat et tentent dinterpeller en vain lesprofessionnels :

    Nous avons encore attendu 10 minutes que linterne daigne venir et nous noussommes finalement fait enguirlander comme du poisson pourri Devant mes larmes,elle sest un peu adoucie, jai essay de me contrler pour ne pas effrayer encore plusmon fils [] 20 h 30, je suis partie tout en signalant quil avait de plus en plus de mal

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    respirer. Linfirmire a hauss les paules et je suis sortie en larmes (Mre dun enfanthospitalis, tmoignage crit)

    Lenfant a t transfr le lendemain en ranimation. On soulignera la fois le peu de crditaccord aux dires des parents et la violence avec laquelle ils sont exclus.

    La demande dun deuxime avis, pourtant prvu dans la loi du 4 mars 2002, peut tre trsmal vcue par les professionnels et dfinitivement dtruire la relation entre lesprofessionnels et les parents.

    Nous profitons dune cure de chimio palliative de Jrme, pour demander un entretienavec le chef de service car la dernire entrevue avec son mdecin rfrent nayant abouti rien nous souhaitons demander des avis extrieurs, notamment ltranger. Il doit fairedes recherches et surtout traduire le dossier mdical, mais nous naurons quun nom surun bout de papier et rien dautre. Ce fut notre dernier entretien avec lui (). Nousntions plus dignes de lui, dailleurs, chaque fois que nous le croisions dans les couloirsde C, il ne disait bonjour qu Jrme Son ego tait touch, mais son intelligence

    suprieure aurait pu et d admettre notre position, lgitime de surcrot 21

    Les interactions avec les professionnels peuvent se muer en conflit ouvert et les reprsaillespeuvent tre encore plus violentes, prenant en otage les enfants et adolescentshospitaliss et concrtisant ainsi les apprhensions des parents,

    Ma femme tait trs angoisse de comment cela pouvait se passer quand elle ntaitpas l, vu comment cela se passait quand elle tait l. Un jour il y a eu une altercationverbale entre ma femme et une infirmire. Linfirmire est venue dire mon fils : jattends que ta mre vienne faire ses excuses alors que mon gamin tait clou aulit (Pre dun adolescent hospitalis, tmoignage oral)

    Pour conclure, voici un tmoignage rsumant de nombreux aspects de la maltraitance ordinaire lie aux comportements des soignants :

    Ma mre ma continment exprim, par des mots et images rcurrents, sans doutesimplifis mais rvlateurs, les sentiments suivants partir de son vcu quotidien : uneculpabilisation des efforts requis pour la bouger ( cest a quils naiment pas faire ),dappeler, de se rebiffer ( elles arrivent furieuses, des vipres qui sifflent )...; une vraiedtresse, des vacarmes ambiants qui lui vrillaient la tte et lempchaient de se reposer( ce serait pourtant si bien et si facile ), une apprhension angoisse de labrusquerie des manutentions ( ballon de rugby ) ; une souffrance relationnelle derapports humains blessants soit envers elle ( ce que je ne supporte pas, cest la

    petitesse ) soit de ce quelle entendait des discussions entre agents dans la chambrependant les soins ( cest tout du vulgaire , et il est certain que, loin dattendre desmanires affectes, elle voquait les vraies vulgarits qui remontent du fond)

    En avril, je lai vue, pour la seconde fois de ma vie, pleurer dautres fois plus contenuesont prcd et ont suivi car une aide-soignante lui avait dit entre autres douceurs

    21 Philippe Costes, Le printemps blanc, non-assistance famille en danger, Les ditions de lofficine, Paris, mars 2007.

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    quelle navait rien faire ici . Je lai souvent trouve de la mme taciturne tristesseque celle dun enfant malheureux quon met longtemps faire sexprimer, tristesse biendistincte de celle qui a merg plus tard quand son angoisse sur sa perspective sestdveloppe (Fille dune patiente ge hospitalise, tmoignage crit)

    2. La maltraitance lie des facteurs institutionnels Ctait une grosse institution o lhumain disparat, on devient juste une matirepremire. (). Demble vous devenez dbiteur du mdecin, vous lui devez la vie devotre enfant. Ce nest plus de la dpendance, cest de la soumission. Il y avait une totaleabsence dgalit, alors que lon devrait tre dans une relation plus galitaire (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Parmi tous les tmoignages recueillis, un certain nombre dlments peuvent trecaractriss comme de la maltraitance sans que lon puisse rattacher la situation dcrite des comportements individuels : cest le fonctionnement de lorganisation qui agresse les

    malades et leurs proches. Cette partie sera consacre aux composantes organisationnellesde la maltraitance ordinaire , aux situations o le fonctionnement de linstitution etlorganisation professionnelle priment sur lintrt de la personne malade. Ainsi que lcritune personne, en bilan de son hospitalisation :

    Il faut sadapter au service et jamais linverse, ce nest jamais le service qui sadapte la personne (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    En rgle gnrale, il est effectivement demand au patient de sadapter aux contraintes delorganisation et non linverse. Le malade doit entrer dans le rle qui est le sien et tendre verslobjectif ultime de gurison.

    Avoir toujours du courage : interdit dtre fatigu, davoir du vague lme ; sinonsovitisation en retour : on est coupable de ne pas vouloir gurir et de ne pas secomporter comme il faut : psychiatre et mdicaments. Il faut rire. Pourquoi occulte-t-onles doutes, le dcouragement, la tristesse ? Pourquoi laisse-t-on le malade se dbrouillerseul avec son dsespoir, en lui collant, en plus, le sentiment que cest honteux

    On ma dit aussi, car on me traitait comme une gosse quon ne respecte pas et cesttrs tonnant quand on est une adulte respecte si on nest pas content de lhpital, onva dcevoir le grand docteur Jai souvenir davoir t menace, toujours pour la mmeraison, dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (Personnehospitalise, tmoignage crit)

    Une forme dautocensure est inculque aux patients et leurs proches :

    Ce personnel considre comme lgitime, de faon profondment banale, donc trsancre, que la priorit de son implication est de se faciliter lui-mme ; ainsi oncommunique au patient ds son entre un sentiment aigu dautocensure pour ne pas gner les employs administratifs, les infirmiers et les aides soignants (Prochedune personne hospitalise, tmoignage crit)

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    Ltablissement de sant fonctionne selon des rgles implicites connues seulement desprofessionnels, ou parfois explicites dans un rglement plus ou moins formalis.Linvocation de ce rglement a pour objectif de faire entrer le malade dans un rle prescrit,dautant moins accept que les rgles dictes ne trouvent pas de justification claire, etconfinent parfois labsurde, voire linhumanit.

    On nous a remis le rglement du service : les parents sont invits ne pas restertrop longtemps auprs de leur enfant. Les enfants cardiaques sont fatigables. Noussommes sur une autre plante

    Jessaie de reculer le plus longtemps possible le moment o il faudra te rveiller. Jesais bien qu 8 heures, il faut que tu sois pese et que ta temprature soit prise. Cest lerglement. Et il importe peu que les enfants dorment ou non, quils aient enfin trouv lesommeil aprs une nuit puisante. Je le connais le rglement et je sais aussi quecertaines auxiliaires sont gnes de lappliquer ainsi la lettre et ne peuvent que senexcuser par un mot ou une caresse sur ta tte. Elles aussi ne font quobir (Mre dunenfant hospitalis, tmoignage crit sous forme dune lettre adresse son enfant)

    Et ce rglement ne semble mme pas ngociable, pas adaptable chaque situation.

    Ds larrive, cela sest mal pass. Dj, ils nous ont fait entrer deux jours avant pourla prparation. Ctait pour remplir leurs lits ! Ctait pour lui faire ses injections decalciparine lhpital. Mais moi je savais faire et javais dj fait. Quand jen ai parl auchirurgien, il ma dit, cest lanesthsiste qui dcide. Je nai jamais revu lanesthsiste. (Femme dune personne hospitalise, tmoignage oral)

    Nous avons t surpris par la volont de lun ou lautre membre du personnel soignantqui voulait que Fanny prenne ses repas dans la salle manger commune. Celadrangeait quelle mange dans sa chambre avec ses parents. Outre le fait que,

    pratiquement, la salle manger commune est un hall de gare dans lequel des dizainesde personnes passent sans arrt, y compris pendant lheure des repas, nous noussommes demand pourquoi il fallait manger ensemble [] Pour nous, le repas est unmoment en famille, relativement priv (Parents dun enfant hospitalis, tmoignagecrit)

    Seules des stratgies assez raffines peuvent permettre de contourner le systme et sesrigidits. Mais leur mise en uvre nest en gnral possible que pour des proches disposantde certains talents de diplomatie, et rarement des malades eux-mmes, dpendants delinstitution, affaiblis par la maladie.

    Mon frre : ce fut une aide prcieuse, un autre moi-mme lhpital. Avec son systme on ne se fche avec personne mais on fait tout ce quon veut , il sest entendu avectoutes les infirmires, aides soignantes et tout le personnel de lhpital, draguant lune,souriant lautre, fouillant par-ci, par-l quand il le voulait. Cest ncessaire quelquuncomme lui lhpital : jai comme seul souvenir en ranimation de lavoir vu arriver (telZorro renversant tout sur son passage alors que des aides soignantes lui criaient : cestinterdit, monsieur et lui : je sais, mais je ne lui dis que bonjour et il avanait guidpar ma voix ou mon rle plutt. [] Il ma vit la guerre ouverte avec le personnel et

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    papoter. Et ce temps prcieux que lon est en train de me voler. Et si je tombais dans lespommes, me dis-je, peut-tre quelle ragirait. Je suis en pleine dtresse, un navire quichavire et que lon regarde couler. Je ne sais pas quoi faire et jamais je me suis sentieaussi importune, dans une telle incapacit. Je finis par apercevoir un planning o jedevine que sont affichs les noms des bbs. Et je vois ton nom et le numro de tachambre. Je dois chercher encore. Je cherche toute seule. Cest peut-tre lheure de la

    pause caf. Et il y a une petite voix qui finit par mappeler alors que je traverse lescouloirs. Cest ton pre. [] Et jen veux terriblement cette vitre qui nous spare, cethpital qui ne sait pas nous runir dignement, qui ne comprend pas (Mre dun bbhospitalis, tmoignage crit sous forme dune lettre adresse son enfant)

    Cette situation derrance dans ltablissement de sant, que lon pourrait attribuer au fait quelarrive de cette mre, certes attendue, ntait pas prcisment prvue, se constategalement dans le cas de rendez-vous programms.

    Il en est ainsi de lhospitalisation de cet enfant admis pour un bilan pr-greffe.

    12 h 30 toujours pas de chambre. Nous errons, Pierre, Coralie et moi dans les couloirs,en attente de je ne sais quoi, de quelquun qui parler, quelquun qui va nous accueillir,nous expliquer le droulement de la semaine, le fonctionnement du service (Parentsdun enfant hospitalis, tmoignage crit, site de lassociation Sparadrap)

    Excs inverse dans certains services de psychiatrie o le protocole daccueil peut trevcu comme une exprience traumatisante.

    La mise en place des systmes de scurit est terrible. Ils sont tous tellement centrssur la scurit des patients, quils sont quatre pour accueillir les patients et quils lesmettent systmatiquement sous contention mme si la personne est calme. Cesttraumatisant aussi pour les familles dassister a (Mre dun jeune adulte hospitalis,tmoignage oral)

    2.2

    Un autre reproche est adress aux professionnels : leur manque de disponibilit. Lesprofessionnels, happs par lorganisation et les tches raliser, oublient lesmalades.

    Ce qui manque le plus au personnel soignant, cest du temps, du temps pourcommuniquer avec le patient quil suit : trois minutes pour sasseoir sur le bord de son lit,tenir la main de celui qui est agit, parler avec celui qui a tant envie de sexprimer sur sasouffrance. Au lieu de cela ils ne peuvent lcher quun banal tout lheure etrepartent, ils ont tant faire ailleurs ! (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Ce manque de temps peut alors aboutir une rupture de la prise en charge.

    Jai essay de joindre le pdopsychiatre pour tre aide face aux paroles de ma fille,dhier soir [Ce nest pas que je naime pas la vie mais je ne veux plus vivre comme a].

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    Mais il na pas le temps, ma-t-il rpondu ! Quand Coralie aura trouv elle-mme sesrponses, il aura peut-tre enfin le temps ! (Parents dun enfant hospitalis, tmoignagecrit, site de lassociation Sparadrap)

    Un patient a rdig un rapport dcrivant ce quil avait vcu lors de son hospitalisation etproposant des amliorations. Il crit ainsi :

    Rduire le temps des professionnels, mdecins ou non, pass en runion ou surordinateur ; veiller au non-dbordement des temps de pause et ce que les infirmiers etaides-soignants ne pausent pas tous ensemble ; poser en obligation absolue, en fondamentaux professionnels aux personnels infirmiers et aides-soignants que(comme on y veille heureusement pour les enfants) on vient tout de suite chaqueappel, quon y avise sans cris ni aigreur, quon change tout de suite le grand maladeimmobilis, une couche salie, etc. (...) ; rtablir la pratique dune brve contre-visitemdicale du soir (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Mais cette question centrale de la disponibilit ne se rduit pas sa dimension quantitative ;

    la disponibilit est galement une attitude, comme lattestent les exemples suivants : Visite lhpital, le Dr A nous reoit, jaillais dire entre deux portes. Sa consultation neme plat pas. Plein de gens entrent et sortent de son bureau. Il me semble press et peudisponible. Cela magace. Puis, rencontre avec le Dr B toujours aussi pos, serein,rassurant. Il prend son temps, ne danse pas sur sa chaise, attend que ce soit nous quimettions fin lentretien. Quelle diffrence ! (Parents dun enfant hospitalis,tmoignage crit, site de lassociation Sparadrap)

    a se passe vraiment bien ici, car cest calme, les gens sont gentils, ils sont toujours votre disposition. Cest quelque chose de formidable (Personne hospitalise,tmoignage oral)

    Les personnes hospitalises et leurs proches valorisent tout particulirement la capacit desprofessionnels rpondre, non pas immdiatement, mais dune manire qui leur donne lesentiment que leur demande a t entendue.

    Je suis une personne qui angoisse beaucoup, donc quand je sais que si jappelle, jevais toujours avoir quelquun, a aide parce que je sais quon va soccuper de moi (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    Des fois cest un petit peu plus long, mais enfin elles passent quand mme me dire quest-ce qui ne va pas, je viens dans 5 minutes par exemple si jai besoin dequelque chose, je viens dans 5 minutes, ne vous inquitez pas . On vient me direquand mme (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    2.

    Tout au long de lhospitalisation, ltablissement de sant impose son rythme aux personnes hospitalises et leurs proches ; au quotidien, les patients ont limpression que lorganisation fonctionne devant eux comme sils nexistaient pas. Ils subissent les

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    dommages collatraux de cette organisation, tels que le bruit, un rythme impos parfois dcousu et incohrent rendant impossible le repos.

    Trs souvent une injonction est faite aux malades dtre la disposition permanente desprofessionnels, les personnes prtent leurs corps le temps ncessaire et nen disposent plus.

    Je ne parlerai pas ici des rendez-vous dexamens o parqus dans une salle pendant1, 2 voire 3 heures, lon doit attendre un passage de 10 minutes en chographie, scannerou autres radios (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Je ne parlerai pas du va-et-vient du personnel soignant dans la chambre de 21 h 00 23 h 30 pour temprature, tension, pouls, dextro. Y a-t-il une autre organisation, je nensais rien. Je naborderai pas non plus le problme des visites de contrles aprs latransplantation : des gens se dplacent depuis 5 h du matin pour un bilan sanguin 8h etun RV avec le praticien laprs-midi entre 15 h 00 et 19 h 30. Cette longue journe doitse faire sur un banc dur dans des conditions peine supportables pour un individu enbonne sant (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    Dans la plupart des cas, les malades se plient cet emploi du temps exigeant. Bon ce matin, 5 heures, on ma dj pris la tension.- 5 heures ?- Du matin.- On vous a rveill ?- Ouais, un peu, je dormais bien, mais a na pas dimportance.Et puis petit djeuner 9 h 00, 9h15.- Il ne sest rien pass entre 5 heures et 9 heures ?- Ah si ben, il est venu dautres encore prendre la tension et tout.- Encore prendre la tension ?- Oui la tension et la prise de sang (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    Les reproches des malades se manifestent quand ils ressentent le besoin de se reposer et

    quils en sont empchs. Cela est dautant plus vrai la nuit o les soignants, pris dans lestches assurer, en oublient le respect du sommeil des malades.

    La salle o se trouve le malade comporte deux circuits de lumire commandssparment : 2 tubes de non (puissance moyenne) qui clairent le plan de travail desinfirmiers et des internes et 8 tubes de non (puissance forte) pour la pice elle-mme.Quand quelquun entre et vous allume ces 8 tubes en pleine figure, faites-moi confianceque vos yeux en prennent un sacr coup. Il suffirait en entrant dallumer tout dabord lesdeux tubes du plan de travail pour nous habituer progressivement la venue de lalumire, puis, dans un deuxime temps, dallumer cette lumire violente et crue qui vouspermet doprer sur nous. Cest a se mettre la place du malade ! Cest alhumanisation dans les hpitaux ! Pour la plupart des infirmires, cest Versailles

    quatre heures du matin. Pleins feux. On rveille tout le monde. Et que a saute. Aprstout, elles sont bien debout, elles (Personne hospitalise, tmoignage crit)

    A contrario , quand les soignants sorganisent pour viter aux malades les dsagrments deleur intervention la nuit, les malades le remarquent et leur en sont reconnaissants.

    Les infirmires, je crois mme quelles laissent la porte pas ferme la nuit, pour pasfaire de bruit la nuit parce quelles viennent chaque fois, elles ont une petite lampe, je

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    ne les entends pas ouvrir, a me rveille parce que jai le sommeil trs lger je vous airveill ? , elles font trs attention (Personne hospitalise, tmoignage oral)

    La tolrance des parents denfants hospitaliss est moindre et ils ressentent la successionde soins et dexamens comme une agression. Ils tentent en vain de protger leur enfant decet environnement hostile, comme en tmoigne la scne ci-dessous qui se droule aprs la

    ralisation dune prise de sang. Petite tte, clin. Tu es bien. Tu puises ton rconfort sa source. Et tu tabandonneset sombres doucement dans le sommeil. Mais cest lheure des mdecins. Et donclheure de se rveiller. Un beau souffle danastomose comme le tien ne peut que les fairese dplacer. Tu crois pouvoir te rendormir un peu. Mais lheure de la radio a sonn. Onty attend. Qu cela ne tienne. On y va. Je te rveille et je ty accompagne. Tu trouves laforce de faire de jolies grimaces. Tu pleures aussi un peu. Bon on remonte. Petite tte.Ouf ! Enfin au calme. Je pense inutile, aprs toutes ces pripties, de tenter de te mettreau lit et te garde tout contre moi. Au moins tu te reposes un peu. Mais il faut encoreinstaller la tente oxygne, puis loxygne et mesurer ta saturation. Tu dormiras plustard peut-tre. En attendant, il faut te rveiller. Une fois encore. Colre. Colre. Colre.

    (Mre dun bb hospitalis, tmoignage crit sous forme dune lettre adresse sonenfant)

    Plus encore, ce rythme impos finit parfois par entrer en contradiction avec la qualit dessoins et les rgles dhygine, acclrant la dgradation de ltat des personnes :

    Il ne faut pas sonner 18 h 00 car elles sont occupes, 19 h 00, elles font lespapiers, il fallait attendre 20h00 lquipe de nuit qui passait la tte en me disant voussavez quon ne peut soccuper de vous qu la fin , donc jattendais jusqu 23 h 00quand le pus avait coul 17 h 00 (Personne hospitalise victime dune infectionnosocomiale, tmoignage oral)

    Des personnes qui arrivent plus ou moins valides et le rythme et lorganisation duservice les obligent porter des couches et faire dedans. Les changes, aller auxtoilettes se fait heure fixe. Il ny a que deux AS pour 24 personnes dpendantes 22 . Ducoup les personnes se dgradent trs rapidement : le moral tombe et les capacitsavec (Fille dune personne ge hospitalise, tmoignage crit)

    Un soir des premiers temps, 18 h, aprs 8 heures passes au fauteuil roulant sanschangement de position et aprs 6 heures dattente dun verre deau quon minterdisaitde lui faire boire moi-mme ( le mdecin a prescrit), le coucher de ma mre a trecul de 2 heures (soit donc 10 heures de suite au fauteuil) au motif que le premiertour des couchers ayant commenc pendant quelle buvait, il lui faudrait attendre le toursuivant, 20 h, pour tre allonge. Pour tre juste ce jour fut un sommet dans le genremais aussi un concentr rvlate