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Rapport établi à la demande de la Confédération suisse, via le Département fédéral des affaires étrangères, sur la gouvernance et le management d’une fondation d’utilité publique régie par le droit privé (la FIPOI) (septembre/octobre 2015) par Claude Rouiller avocat et professeur ancien président du Tribunal fédéral suisse président du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail (TAOIT/ILOAT) du Tribunal du GAVI/Vaccine alliance, initiée par la Bill & Melinda Gates Foundation du Tribunal de la Bourse Suisse (juridiction de régulation de SIX Swiss Exchange) de la juridiction concordataire (intercantonale) en matière de jeux d’agent (Rekolot ; CR-CILP ; RK-IVLW)

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Rapport établi à la demande de la Confédération suisse,

via le Département fédéral des affaires étrangères, sur la gouvernance et le management

d’une fondation d’utilité publique régie par le droit privé

(la FIPOI)

(septembre/octobre 2015)

par

Claude Rouiller avocat et professeur

ancien président

du Tribunal fédéral suisse

président du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail (TAOIT/ILOAT)

du Tribunal du GAVI/Vaccine alliance, initiée par la Bill & Melinda Gates Foundation du Tribunal de la Bourse Suisse (juridiction de régulation de SIX Swiss Exchange)

de la juridiction concordataire (intercantonale) en matière de jeux d’agent (Rekolot ; CR-CILP ; RK-IVLW)

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TABLE DES MATIERES Remarque initiale L’identité du juriste soussigné Le cadre du mandat et la procédure suivie pour son exécution

1.1 La conclusion du mandat 8 1.2 Le cahier des charges 1.3 La documentation initialement produite 1.4 La nécessité d’une enquête administrative complémentaire

1.5 Le cadre formel des auditions 1.5.2.3 Procédure d’enquête 1.6 Déclaration d’indépendance et d’impartialité

1.7 Déclaration de confidentialité de la secrétaire 1.8 Le chiffrage de l’enquête 1.9 Les réserves d’usage Considérations critiques sur la fondation, sa structure et l’accomplissement de ses tâches

2.1 L’institution 17 2.2 Les normes constitutives 2.3. Le patrimoine immobilier de la FIPOI

l’Immeuble administratif de Varembé (IAV) le Centre de Conférences de Varembé (CCV) le Centre International de Conférences de Genève (CICG) l’Immeuble Administratif Avenue de France (IAF) les Maisons internationales de l’environnement (MIE 1 et MIE 2) l’Immeuble administratif de Montbrillant (IAM), le Centre du Commerce International (CCI) le Parking de la Place des Nations (PPN), la salle William Rappard,

le Palais Wilson, immeuble sous gestion de la FIPOI 2.3.4 Perspectives 2.4 Autres aspects, purement financiers 2.5 Les organes de la FIPOI 2.5.1 Le développement organique de la FIPOI de 1965 à nos jours 2.5.2 le Conseil de fondation 2.5.3 la direction 2.5.4 les divisions et services subordonnés à la direction 2.5.5 description de l’échelon subordonné 2.5.5.2 la division Bâtiments 2.5.5.3 la division Conférences 2.5.5. la division Projets de construction 2.5.55 la division Finances 2.5.6 le service Gérance 2.55.7 les activités de support 2.55.8 la "division" ou le "bâtiment" de la Genève internationale, une terminologie comptable

2.5.6 Les commissions d’appui 2.6 La surveillance de la FIPOI et la révision de ses comptes 2.6.1 l’Autorité fédérale de surveillance des fondations

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2.6.2 le Contrôle fédéral des finances 2.7 Remarque finale Considérations sur la Cour des comptes, sur la conduite de son audit et sur la crédibilité de ses constats 3.1 Préambule 38 3.2 L’institution 3.3 La mission confiée en l’espèce à la Cour

3.4 La procédure suivie par la Cour 3.5 Remarques sur l’usage par la Cour de son pouvoir d’appréciation

Synthèse raisonnée du rapport du 30 juin 2015 et des prises de position de la FIPOI Préambule 45 4.1 Les constats de la Cour des comptes 4.1.1 Les constats que les organes dirigeants de la FIPOI reconnaissent exacts, sans réserve majeure 4.1.2 Les constats que les organes dirigeants de la FIPOI reconnaissent fondés en partie seulement ou avec des réserves plus ou moins importantes

4.1.3 Les constats dont les organes dirigeants de la FIPOI contestent radicalement l’exactitude

4.2 La description des risques liés aux déficiences constatées

4.3 La prise de position des organes dirigeants de la FIPOI 4.4 Les recommandations de la Cour destinées à parer aux risques qu’elle a décrits

et l’acceptation de ces recommandations par la FIPOI Les investigations complémentaires 5.1 Remarques sur la coopération multiple dont nos investigations ont bénéficié 57 5.2 L’apport de la Cour des comptes 5.3 Les auditions

Résultats et conclusions

6.1 La véracité des constats de la Cour des comptes 64 et la réalité des risques qu’elle a identifiés 6.2 Réflexions sur l’accueil inadéquat par la FIPOI des travaux du

Contrôle fédéral des finances et de la Cour des comptes genevoise 6.4 Conclusions 69 Recommandations et commentaires

Recommandations 74 Commentaires 76 Première et onzième recommandations (direction et conseil de fondation) Deuxième à sixième recommandations (rationalisation de l’organigramme) Septième et huitième recommandations (résiliation des rapports de travail) Neuvième et dixième recommandations (meilleure garantie d’une rectitude dans l’attribution des marchés)

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REMARQUE INITIALE

Le présent document est le rapport final établi selon le cahier des charges joint au

mandat. Il est censé répondre à toutes les questions posées et clôt notre mission dont le

terme avait été fixé au 31 décembre.

Ce document reprend grosso modo et mutatis mutandis le cadre du rapport

intermédiaire que nous avons présenté en urgence au mois de septembre. Il

complète, modifie et actualise ce rapport à la lumière des innombrables données

qui ont été fournies de tous côtés au cours de nos investigations complémentaires.

Il est d’ailleurs dans la nature des choses que constats et conclusions d’un

rapport intermédiaire puissent différer de ceux du rapport final dans une mesure

importante, voire essentielle.

Le rapport intermédiaire de septembre 2015 doit donc être tenu pour un simple

document de travail informant la mandante des grandes lignes que nous avions

prévu de suivre d’après les éléments que nous connaissions alors.

La diffusion dudit rapport intermédiaire dans un cercle plus étendu que celui des

personnes auxquelles il avait été diffusé à l’époque, serait donc inopportune sous

l’angle du devoir de transparence qui exige une information vraie, objective et

sûre du public et des intéressés.

* Le texte est présenté sans notes marginales dont l’expérience montre qu’elles gênent le

lecteur. Références et renvois sont donc insérés dans le texte, entre parenthèses et,

parfois, dans une police de caractères réduite.

* Nous avons renoncé à présenter un résumé distinct du rapport, afin d’éviter de

donner lieu à des interprétations erronées parce que trop hâtives. Le lecteur qui souhaite avoir une vue d’ensemble sommaire du rapport pourra lire le chapitre "Résultats et Conclusions" (pages 63 à 72, chiffres 6.1 à 6.4), avant de lire le chapitre "Recommandations et Commentaires" (pages 74 et 80).

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L’identité

du

juriste soussigné

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Le juriste soussigné, né à Martigny et originaire de Dorénaz (Valais), est titulaire d’un doctorat en droit de l’Université de Genève ainsi que d’un brevet d’avocat et d’un diplôme de notaire du Canton du Valais. A compter de 1965/1966 il a pratiqué ces professions à titre indépendant et exercé diverses charges publiques dont, pendant douze ans, celles de député au Grand Conseil valaisan (chef de groupe) et de conseiller municipal (exécutif) de la Ville de Saint-Maurice. A la même époque, il a été membre de la Chambre arbitrale de l’Ordre cantonal des avocats (à l’époque organe de régulation du barreau) et de l’une des autorités de surveillance cantonales en matière tutélaire (Chambre des tutelles). Durant plus de vingt ans, il a fait partie des commissions d’experts pour l’obtention du brevet d’avocat et du diplôme de notaire, dont il présidait les sections francophones. Il a été élu juge suppléant ordinaire au Tribunal fédéral suisse en 1975, à l’âge de 33 ans, et juge fédéral quatre ans plus tard.. Il a toujours siégé au sein des cours compétentes en matière de droit constitutionnel et administratif (Cour de droit public [Section générale et Chambre de l’art. 4 Cst] puis, après une réorganisation du Tribunal fédéral, Première Cour de droit public); il a assumé la présidence de la Première Cour de droit public. En 1992 et en 1994, l’Assemblée fédérale l’a successivement élu vice-président puis président du Tribunal fédéral. Il a quitté le Tribunal fédéral à la fin de l’année 1996 au terme de son mandat présidentiel de deux ans, dont la loi excluait alors le renouvellement. Le Conseil fédéral l’a nommé en 1986, à la tête de l’Office fédéral de conciliation et d’arbitrage, compétent en matière de conflits de travail d’importance nationale (loi sur le travail). Il a occupé cette charge jusqu’en 1998, contribuant au règlement de deux conflits sociaux majeurs (grèves et occupations " multisites" ) dans le commerce des journaux et dans celui des jouets. Il est depuis deux décennies le président (Obmann) - nommé par le Président du Tribunal fédéral - de la juridiction supérieure en matière de surveillance et d’autorégulation des opérations de bourse (Tribunal de la Bourse suisse [SIX Swiss Exchange]), dont le siège est à Zurich. Au moment de l’entrée en vigueur de la " Convention du 7 janvier 2005 sur la surveillance, l’autorisation et la répartition du bénéfice de loteries et paris exploités sur le plan intercantonal ou sur l’ensemble de la Suisse", la "Conférence spécialisée des membres de gouvernements concernés" (CDCM/FDKL) l’a appelé à faire partie de la juridiction concordataire de cinq membres, compétente notamment pour contrôler, sur recours, la légalité des mesures de surveillance, des autorisations et des homologations relatives aux jeux de loterie (Rekolot ; Commission de recours). La Conférence l’a désigné, en novembre 2009, à la présidence de ce tribunal de dernière instance. Elle vient de renouveler pour la quatrième fois ses mandats de juge et de président. Le 15 juin 2004, la Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail l’a élu au nombre des sept juges internationaux de son Tribunal administratif (TAOIT/ILOAT, ancien Tribunal de la SDN), dont une soixantaine d’organisations intergouvernementales, instituées dans et hors du système des Nations unies, reconnaissent la juridiction. Il a été réélu pour la troisième fois le 17 juin 2013 et assume depuis mai 2015 la présidence de cette juridiction. Il est le juge unique du "GAVI ALLIANCE ad hoc appeals Tribunal" (Global Alliance for Vaccines and Immunization / fondation Bill & Melinda Gates). Expert du Conseil de l’Europe, de 1989 à 1998 pour l’organisation de la transition en matière de justice et d’autonomie locale dans les anciens pays "socialistes" et en Fédération de Russie, il est membre effectif de l’ "Académie européenne des privatistes", dont le siège est à Pavie et qui œuvre à l’élaboration d’un code européen des contrats (projet Gandolfi). Il fut de 1991 à 2006 professeur associé de l’Université de Neuchâtel, chargé d’un enseignement du droit public. Il est l’auteur de nombreuses publications dans divers domaines du droit constitutionnel, du droit administratif et du droit de procédure. Il exerce des activités de consultant, d’arbitre et de médiateur pour le compte de collectivités publiques et de particuliers en Suisse et à l’étranger. Il a conduit diverses enquêtes administratives. Les rapports de plusieurs d’entre elles ont été publiés et sont toujours accessibles sur internet (abus de la location de services [pendant le "Personal-Stop"] au sein d’une Haute Ecole fédérale (EPFL), dysfonctionnements d’une Cour administrative supérieure (TA/Vd), mort violente d’une personne internée dans le quartier de haute sécurité d’une prison (Skander Vogt), évasion d’un condamné dangereux à l’occasion d’un pique-nique avec deux agents de détention (Jean-Louis B.),immunité d’un Conseiller d’Etat (Hainard), légitimité de la décision de l’exécutif d’une commune urbaine d’évincer son président (Legrix). Il a présidé en 2010/2011 le groupe d’experts chargé par le Conseil d’Etat du canton du Valais d’élaborer un projet de révision de la partie générale de la Constitution cantonale de 1907. L’opportunité d’entrer en matière sur ce projet - dont il a rédigé l’exposé des motifs - a été admise par la quasi unanimité du Grand Conseil en 2014.

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Le cadre du mandat

et

la procédure suivie pour son exécution

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1.1 La conclusion du mandat

1.1.1 Les 4 et 5 septembre 2015, la Confédération suisse, représentée par le Département fédéral des affaires étrangères, a passé avec le soussigné un contrat de mandat qui porte sur d’éventuels dysfonctionnements au sein de la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (ci-après la Fondation ou la FIPOI selon son acronyme). Ces dysfonctionnements auraient été révélés par divers audits. Le plus récent a été conduit, pendant le premier semestre de l’année 2015, par la Cour des comptes de la République et canton de Genève (ci-après : la Cour des comptes ou la Cour) à la suite d’une dénonciation anonyme transmise à cet organe par le Contrôle fédéral des finances auquel elle avait été adressée en sa qualité d’organe de révision de la FIPOI. Au terme de ce dernier audit, la Cour a formulé dix-sept recommandations. Ce sont le bien-fondé, l’interprétation et l’exécution de la première de ces recommandations qui font l’objet du mandat. La durée de celui-ci devait s’étendre du 2 septembre au 31 décembre 2015. Toutes les informations auxquelles le mandataire pouvait avoir accès devaient demeurer confidentielles, de même que le contenu de ses rapports, intermédiaire ou final.

1.2 Le cahier des charges Le contrat de mandat était accompagné d’un cahier des charges qui en faisait partie intégrante. Les missions à exécuter y étaient définies comme il suit: 1) Vérifier la pertinence de la recommandation n°1 émise par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2015 en prenant en compte les observations préliminaires du Conseil de fondation, ainsi que les diverses prises de position de [R.], Directeur de la FIPOI et des autres collaborateurs de la direction, et de [Py.], Magistrat auprès de la Cour des comptes. Sur la base des résultats de l’analyse, rédiger un rapport expliquant si cette recommandation est fondée et doit donc être suivie, le cas échéant préciser la portée et les modalités de sa mise en œuvre, ou si, au contraire, elle ne résiste pas à une analyse plus approfondie basée sur les différents éléments du dossier et en particulier sur les explications avancées par [R.] et les autres collaborateurs de la direction. Si, dans le cadre de l’analyse des pièces du dossier, des mesures visant à l’amélioration de la culture d’entreprise de la FIPOI apparaissaient comme nécessaires, il en sera fait mention dans le rapport sous la forme de recommandations. Un rapport intermédiaire sera remis au DFAE d’ici au 21 septembre 2015. Quant au rapport définitif, il devra être rendu d’ici au 31 octobre 2015. 2) Dans un deuxième temps, analyser la corporate governance du Conseil de fondation, en vérifiant notamment si sa composition est adéquate et son fonctionnement adapté aux circonstances et à ses tâches. Clarifier les risques pour la Confédération et, le cas échéant, émettre des recommandations (éventuellement sous forme d’options). Le deuxième rapport devra être rendu d’ici au 31 décembre 2015.

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1.3 La documentation initialement produite

Le Conseil de la FIPOI nous a d’emblée remis un fort classeur fédéral contenant la documentation suivante :

- Rapport d’audit de la Cour des comptes, y inclus observations préliminaires des Président et Vice-président du Conseil de la FIPOI

- Prises de position de la direction et des collaborateurs concernés (établies à la demande du Conseil de fondation)

- Compilation des prises de position

- Prises de position individuelles avec annexes

- - - R. directeur (prise de position personnelle, compléments d’informations sur les constats 24, 25, 26, 27 ; réalisations et projets de la FIPOI de 2007 à ce jour)

- - - W. d at

- - - D. d c

- - - M. RH

- - - P. d p

- - - Ra. d b

- - - Ro. d f

- - - C. a d b

- - - M. d b

- - - Z. c s c, s f

- Evaluation des constats et critiques de la CDC dans le domaine de la sélection des fournisseurs et des procédures d’adjudications par le Service juridique de l’OFCL (établie à la demande du Conseil de fondation)

- Considérations du responsable de la gestion globale des risques de l’Etat de Genève au niveau du système interne de contrôle (SCI) et de la gestion des risques (établie à la demande du Conseil de fondation)

- Documents référenciés dans le rapport d’audit

- - Rapport Bd.

- - Rapport Em. (état des lieux et propositions)

- - Tableau de suivi des recommandations Bd. et Em.

- - Rapport Sw.

- - Extrait du statut du personnel HUG

- Procès-verbal de la séance extraordinaire du Conseil de fondation du 4 août 2015, y inclus l’échange de vues avec le rapporteur de la Cour

- Lettre du Président du Conseil FIPOI demandant audit rapporteur un complément d’information sur certains constats

- Réponse dudit rapporteur du 20 août 2015

- Prise de position du directeur sur le complément d’information donné par la Cour

- Lettre du Président du Conseil FIPOI au rapporteur de la Cour suite à la séance extraordinaire du Conseil du 28 août 2015: acceptation des recommandations (sauf recommandation 8), examen externe, tableau de suivi complété

- Note d’accompagnement du tableau de suivi des recommandations et actions

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1.3.1 Cette documentation, de même que celle réunie au cours des investigations complémentaires sera conservée dans le bureau privé de l’expert qui ne la communiquera à personne, en tout ou en partie et sous quelque forme que ce soit. Elle sera détruite par lui trois mois après l’envoi du rapport final à la mandante.

1.4 La nécessité d’une enquête administrative complémentaire

1.4.1 Après avoir lu le dossier et confronté les constats de la Cour des comptes avec les contestations ou explications des responsables dont l’action est concernée par ces constats, nous sommes arrivé à la conclusion que sa mission ne pouvait aboutir sans qu’il soit procédé à des investigations complémentaires. Celles-ci devraient comporter une nouvelle audition de ces responsables, la consultation d’autres documents que ceux produits par le Conseil de la FIPOI et la prise de tous contacts qui nous paraîtraient utiles, y compris avec la Cour des comptes, c’est-à-dire avec le magistrat rapporteur et les collaborateurs qui ont œuvré à son audit. 1.4.2 Ayant obtenu l’accord préalable de la mandante, nous avons donc décidé d’ouvrir une enquête administrative complémentaire dont nous avons fixé le déroulement. 1.4.2.1 Un examen approfondi de la documentation qui nous a été remise, spontanément ou sur sa requête, nous a cependant convaincu qu’il serait inopportun de réentendre les employés subalternes de la Fondation, largement mis à contribution par l’organe d’audit. Cela n’eût rien apporté d’utile à la poursuite des objectifs fixés dans le cahier des charges. La ré-audition de ces travailleurs aurait en outre accru les troubles que dénonciation et audits successifs ont manifestement fait naître au sein de la Fondation. 1.4.2.2 En conséquence, nous avons limité nos auditions à celles des cadres supérieurs de la FIPOI (huit personnes) qui ont été entendus dans une salle de conférence de l’étude MCE à Lausanne dont nous sommes le conseil. 1.4.2.3 Nous avons aussi, in fine, rencontré séparément les uns des autres, trois membres du Conseil de fondation, soit son président qui y représente la Confédération suisse co-fondatrice (le représentant permanent de la Suisse auprès de l’Office des Nations unies et

des organisations internationales à Genève) et son vice-président qui y représente la République et canton de Genève co-fondatrice (l’actuel président du gouvernement cantonal), ainsi qu’un troisième membre nommé par le Conseil d’Etat pour y représenter la Ville de Genève en vertu d’un accord passé entre celle-ci et le canton (une conseillère

administrative de la Ville de Genève). Ces rencontres ont eu lieu le 9 octobre 2015 dans le bureau de l’expert au siège du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail à Genève.

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1.4.2.4 1.4.2.4.1 Au contraire de ce qui s’est passé au cours des discussions que nous avons eues avec les membres de la Cour des comptes que nous avons invités à collaborer, l’audition des cadres et la rencontre avec le Conseil de la FIPOI n’ont pas eu pour objet la vérification des faits cités à titre d’exemples dans le rapport d’audit. 1.4.2.4.2 C’eût été sans pertinence pour l’accomplissement de la présente mission d’expert. Toutes les personnes appelées à donner des renseignements se sont en effet déjà exprimées oralement et par écrit sur chacun de ces faits au cours de l’audit de la Cour des comptes. Elles l’ont fait de manière exhaustive, dans le respect du principe du contradictoire, et la Cour nous a remis tous les comptes rendus de leurs auditions, rigoureusement "anonymisés". 1.4.2.4.3 La prise de connaissance de ces comptes rendus et de la documentation pertinente a été suffisante pour que nous puissions forger notre intime conviction sur la véracité des constats ponctuels de la Cour, cités par elle à titre exemplaire. 1.4.2.5 Aussi les auditions du personnel de la FIPOI n’ont-elles porté que sur la bonne marche de la Fondation et sur les mesures envisagées, par les cadres entendus, pour améliorer la gestion de celle-ci au regard des défis qui se posent désormais à elle. 1.5 Le cadre formel des auditions 1.5.1 L’expert a adopté une directive ponctuelle autonome qui garantit de manière satisfaisante tant les droits des tiers que les droits des personnes appelées à donner des renseignements, qu’elles aient ou non été mises en cause dans le rapport d’audit. Pour ce faire, il s’est inspiré librement, en particulier, des règles observées par lui-même dans des enquêtes administratives antérieures, et des textes qui régissent les enquêtes administratives ordonnées par les autorités supérieures de la Confédération, soit essentiellement les articles 27a-27j de l’ordonnance sur l’organisation du gouvernement et de l’administration, adoptée par le Conseil fédéral le 25 novembre 1998, qui a abrogé la directive du 18 novembre 1981 concernant les enquêtes administratives. 1.5.2.1 Cette directive ponctuelle autonome, approuvée par la mandante, se lit ainsi qu’il suit dans sa version légèrement modifiée - avec l’accord de la mandante - eu égard au cadre nouvellement limité des auditions : 1.5.2.2 Préambule La Confédération a confié à Claude Rouiller (ci-après : l’expert), avocat, professeur de droit, ancien président du Tribunal fédéral suisse et président du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail, une mission définie dans un cahier des charges dont l’expert donnera lecture aux personnes qu’il décidera d’entendre. L’expert accomplira ladite mission en toute indépendance. L’enquête complémentaire est une enquête administrative spéciale ne relevant ni du droit pénal ni du droit disciplinaire. Elle n’est pas dirigée contre une ou plusieurs personnes en particulier. Son seul but est d’éclairer l’expert sur la situation de fait qu’il doit élucider et apprécier.

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1.5.2.3 Procédure d’enquête 1. L’expert n’est responsable que devant la Confédération, sa mandante. Il est tenu au secret de fonction. 2. La mandante et ses organes n’ont aucun droit de s’immiscer dans l’enquête. Il en va de même des membres du Conseil de la FIPOI et du personnel de celle-ci. Il est cependant loisible à l’expert de consulter la mandante et le Conseil de fondation, ou d’en requérir la coopération, à chaque fois que cela pourrait lui paraître utile pour la poursuite de ses investigations. Les contacts permanents de l’expert auprès de la mandante et de la fondation sont, d’une part, M. Benno Bättig, Secrétaire général du Département fédéral des affaires étrangères et, d’autre part, M. Alexandre Fasel, ambassadeur et président du Conseil de la FIPOI. 3. L’expert décidera, selon sa propre appréciation, de tous les moyens de preuve utiles en s’inspirant des dispositions pertinentes de la législation fédérale sur la procédure et la juridiction administratives. L’audition de témoins, au sens des articles 15 à 17 LPJA, est cependant exclue. Les personnes entendues le seront donc au seul titre de personnes appelées à donner des renseignements. Elles ne pourront, à aucun moment de l’enquête, se faire représenter ou assister par un mandataire. 4. Le personnel administratif que l’expert entendra, ou qu’il invitera à lui remettre tous documents et renseignements que lui-même jugera - souverainement - utiles, sera préalablement délié du secret de fonction par le Conseil de fondation dans les limites des faits décrits dans le cahier des charges. Le personnel de la FIPOI sera, d’emblée et préalablement, rendu attentif - par une communication générale que le Conseil de fondation adressera à chaque membre du personnel - à son devoir, s’il en est requis par l’expert, de participer aux investigations de celui-ci et de le faire dans le respect de la bonne foi, avec pour seul objectif la recherche de la vérité. Il sera aussi, d’emblée et préalablement, rendu attentif à son devoir de répondre aux convocations que l’expert pourrait lui envoyer par écrit, par courriel ou par téléphone, et de remettre à celui-ci tout document qu’il pourrait juger utile. Cette communication mettra en évidence l’indépendance absolue de l’expert, sa désignation par la Confédération via le Département des affaires étrangères, son devoir total de confidentialité et la garantie qu’aucune mesure ne sera prise par le Conseil de fondation et la direction au motif de la liberté de déclaration dont auront usé, au cours de leur audition, les personnes appelées par l’expert à lui donner des renseignements. Cette communication indiquera aussi que les déclarations ne seront en aucun cas portées par l’expert à la connaissance ni du Conseil de fondation, ni de la direction de la FIPOI. Elle informera aussi le personnel qu’il sera convoqué individuellement par l’expert, qu’il bénéficiera du temps nécessaire à sa participation aux investigations de celui-ci et que ses frais de déplacement seront couverts par l’employeur. Le Conseil de la fondation donnera dès à présent et sans retard à l’expert les indications professionnelles lui permettant de convoquer directement les personnes qu’il souhaitera entendre (téléphone ou adresse électronique, éventuellement adresse postale si les intéressé

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travaillent hors du site FIPOI). Il lui signalera aussi les cas de vacances pendant la période du 1er au 20 octobre 2015. 5. L’expert signalera lui-même, avant son audition, à chaque personne appelée à lui donner des renseignements qu’elle ne pourra refuser de répondre à ses questions que si la révélation des faits dont elle a connaissance est manifestement et objectivement susceptible de l’exposer à une procédure pénale ou disciplinaire. L'expert est tenu de garantir aux personnes appelées à donner des renseignements une confidentialité absolue quant à leur identité et au contenu de leurs déclarations, cela y compris à l'égard de la mandante et du Conseil de fondation. L’expert rendra d’emblée la personne entendue, attentive à ce qu’il sera tenu un procès-verbal de son audition sans que cette personne puisse s’y opposer. A la fin de l’audition, il lui donnera lecture de ce procès-verbal et le soumettra à sa signature. Les procès-verbaux dûment "anonymisés" ne pourront être consultés par quiconque, hormis par l’expert et par sa secrétaire ; ils ne sortiront pas des archives personnelles de l’expert si ce n’est pour être détruits. Le rapport final de l’expert sera établi de telle sorte que la détermination de la paternité des déclarations de ces personnes soit exclue. 6. Les auditions se dérouleront dans l’une des salles de conférences de l’Etude MCE à Lausanne, dont l’expert est le conseil (1-3 Grand-Chêne). L’expert désignera en toute liberté une secrétaire administrative qui l’assistera au cours de ces auditions ; il en assumera les coûts. Par une déclaration écrite, la secrétaire s’engagera à respecter un devoir de confidentialité absolue à l’égard de tous les faits qui pourraient être portés à sa connaissance, de quelque manière que ce soit. Elle devra également se prévaloir de ce devoir à l’encontre de ses employeurs et de ses collègues de travail. Son devoir de confidentialité subsistera indéfiniment après la clôture de l’enquête. Toutes les données qui lui auront été confiées au cours de l’enquête seront détruites sous la surveillance de l’expert après la remise du rapport final, et cela quel qu’en aura été le support. 7. Les membres du Conseil de fondation pourront aussi être entendus. En pareil cas, cela se passerait à Genève, dans le bureau de l’expert au siège du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail (TAOIT/ILOAT) qu’il préside. 8. Il est loisible à l’expert d’entendre de manière informelle le magistrat rapporteur de la Cour des comptes et son collaborateur M. D. ainsi que les autres magistrats de la Cour. Une telle rencontre devrait se dérouler dans les locaux de cette autorité et ne ferait l’objet d’aucun procès-verbal.

./.

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1.6 Déclaration d’indépendance et d’impartialité

1.6.1 Avant d’accepter le mandat, nous avons été invité par la mandante à déclarer que nous n’avions aucun lien avec les membres du Conseil de fondation et les personnes impliquées à un titre quelconque dans le rapport d’audit de la Cour des comptes.

1.6.2 Nous avons tout de même signalé avoir rencontré le vice-président du Conseil de fondation à l’issue des obsèques officielles de M. le Juge fédéral Bernard Corboz décédé, en fonctions, le 24 septembre 2013. Mais cette rencontre a été fort brève et de pure courtoisie.

Nous avons également signalé une brève conversation téléphonique qu’il nous semblait avoir eu avec ce vice-président pour les besoins d’un avis de droit commandé par le Conseil d’Etat de la République et Canton de Genève. Mais il y a de cela bien des années et c’est assez ancien pour que le soussigné n’en ait plus qu’un souvenir très évanescent.

1.6.3 Nous avons enfin signalé que le magistrat Py rapporteur de la Cour des comptes, a été pendant deux ou trois ans l’un des collaborateurs-juristes de la première Cour de droit public du Tribunal fédéral au sein de laquelle nous avons siégé pendant dix-sept ans. Ce juriste n’a cependant jamais été ni notre collaborateur personnel, ni notre assistant scientifique.

Nous ne l’avons plus rencontré depuis un déjeuner partagé vers 1996 dans un restaurant de Genève, s. e. à l’issue d’une conférence que le soussigné avait donnée en cette ville.

1.6.4 La mandante a estimé que ces faits n’étaient pas de nature à entamer l’apparence de notre indépendance et de notre impartialité.

1.6.5 Nous tenons néanmoins à déclarer sur l’honneur que nous n’avons aucun lien avec l’une ou l’autre des personnes intéressées à un titre quelconque par la présente expertise et que nous avons exécuté celle-ci en toutes liberté et loyauté.

1.7 Déclaration de confidentialité de la secrétaire

La secrétaire qui a participé aux auditions a signé la déclaration suivante: La soussignée X, secrétaire en l’étude MCE à Lausanne, s’engage à respecter un devoir de confidentialité absolue à l’égard de tous les faits qui viendront à être portés à sa connaissance, de quelque manière que ce soit, au cours de la procédure d’investigations conduite dans l’affaire W 96 par M. le Professeur Claude Rouiller, avocat, ancien Président du Tribunal fédéral suisse et Président du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail, procédure à laquelle elle participera en qualité de secrétaire-administrative. Elle prend note de ce que ce devoir s’impose également à l’encontre de ses employeurs et de tout le personnel de l’étude MCE et qu’il subsistera après la clôture de l’enquête sans limite temporelle. Après avoir régulièrement remis à l’organe d’enquête tous les documents qu’elle aura, le cas échéant, réunis à sa demande, elle détruira - à première réquisition de l’expert et

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sous son contrôle - tous ceux qui resteront en sa possession et cela quel qu’en soit le support. Lausanne, le 22 septembre 2015. X.

1.8 Le chiffrage de l’enquête

Nous avons couvert le dossier, ainsi que la correspondance relative à l’affaire, du chiffre W96 pour sauvegarder au mieux, pendant nos travaux, la confidentialité exigée par la mandante.

1.9 Les réserves d’usage

La présente expertise se fonde sur l’état des faits résultant soit de la

documentation produite par la FIPOI, par la Cour des comptes et par les personnes entendues (énumérée plus haut, au chiffre 1.3 et plus bas aux chiffres 5.1.3 et 5.2.2.3.1/2), soit des déclarations qui nous ont été faites par ces dernières.

Demeurent réservés tous éléments matériels qui n’auraient pas été portés à

notre connaissance.

*

16

Considérations critiques

sur

la Fondation,

sur

sa structure

et sur

l’accomplissement de ses tâches

17

2.1 L’institution 2.1.1 La Fondation des immeubles pour les Organisations Internationales (FIPOI) est

une fondation de droit privé et d’utilité publique, sans but lucratif et d’une durée indéterminée, dont le siège est à Genève (aux numéros 9-11 de la rue de Varembé).

2.1.2.1 Elle a été créée en 1964, conjointement par la Confédération suisse et le canton de Genève, pour soutenir le rôle de celui-ci en tant que centre de rencontres internationales. Le rôle actuel de la FIPOI, affirmé de façon croissante au cours des cinquante années de son existence, est essentiellement de faciliter l’arrivée et le maintien sur le territoire suisse d’organisations internationales. Elle met pour cela à la disposition de ces dernières tous les moyens matériels ou intellectuels, utiles et raisonnablement disponibles. L’installation ordinaire de ces organisations sur le territoire du canton de Genève n’exclut pas le déploiement des activités de la FIPOI sur le territoire d’autres cantons. Cela concerne essentiellement le territoire des communes vaudoises limitrophes. 2.1.2.2.1 Nous nous sommes posé la question de savoir pourquoi les co-fondateurs de 1964 ont opté pour un régime de droit privé, alors qu’une telle fondation est d’ordinaire une fondation de droit public, institut ion familière du droit genevois et du droit fédéral. Les travaux préparatoires n’apportent aucune réponse à cette question et le Conseil de fondation n’a pu nous expliquer la raison de ce choix, qui réside vraisemblablement dans le double caractère fédéral et cantonal de l’institution. Nous avons tout d’abord pensé à proposer un changement de ce régime, mais nous y avons finalement renoncé. La surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des fondations et du Contrôle fédéral des finances, jointe à l’introduction d’une clause statutaire soumettant l’adjudication des marchés au droit public fédéral (selon notre neuvième recommandation), permet en effet - sans heurter la souveraineté légitimement sourcilleuse du canton – d’atteindre un résultat équivalent à celui que produirait le régime de la fondation de droit public. (voir : Arrêté fédéral du 11 décembre 1964 concernant l’octroi de fonds à la FIPOI ; Feuille fédérale, 1964 II 801 et 1544 ; pour l’exemplarité initiale des missions de développement de la FIPOI : Message du Conseil fédéral du 30 mai 1994 concernant l'acquisition du terrain et de l'immeuble du "Geneva Executive Center" (GEC) par la Confédération et le transfert du bâtiment du GEC à la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI) à Genève ainsi que le financement d'un nouveau prêt à la FIPOI en vue de l'extension du siège de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ; Feuille fédérale, 1994 III 1033).

2.1.2.2.2 En premier lieu, la FIPOI met à la disposition de bénéficiaires institutionnels - clairement déterminés par le droit fédéral - des immeubles, bâtis ou non, appartenant le plus souvent à l’Etat de Genève ou à des établissements du droit public genevois.

En second lieu, elle finance la construction et, désormais, la rénovation

d’immeubles, utilisables ou utilisés par les dits bénéficiaires, ceci par le truchement de prêts que la Confédération leur octroie pour une longue durée, à taux préférentiels constants ou à taux nuls (avec aujourd’hui la participation possible du canton).

18

De ce point de vue, la FIPOI peut être qualifiée, en termes certes peu académiques, d’entreprise de services, de conseil, de liaison et de facilitation.

2.1.2.2.3 La FIPOI met aussi à la disposition des bénéficiaires ses propres immeubles

(CCI, CICG, IAF, IAM, IAV, MIEI 1 & 2) ou des immeubles propriétés de la Confédération (Palais Wilson) qu’elle leur loue, en tout ou en partie, pour les héberger ou pour leur permettre d’y organiser conférences et réunions.

De ce point de vue, la FIPOI exerce une activité de gérance ou de régie

immobilière. 2.1.2.2.4 Lorsqu’elle s’engage dans la construction, la rénovation ou l’extension de

ses propres immeubles, elle agit en qualité de maître d’ouvrage. 2.2 Les normes constitutives 2.2.3.1 La Fondation est régie par les articles 80 et suivants du Code civil (CC). 2.2.3.2 Elle est dotée de statuts qui, entrés en vigueur le 6 décembre 2013, ont

abrogé ses statuts précédents adoptés, pour les plus récents, en dates des 1er juin 2004 et 26 mars 2010. Leur dernière modification tendait notamment à adapter la charte de la FIPOI aux nouvelles tâches à elle confiées par la Confédération en conséquence de la décision, prise par celle-ci en 2013, de participer aussi, désormais, au financement de la rénovation des bâtiments hébergeant des organisations internationales.

2.2.4.1 Les statuts de la FIPOI définissent ainsi son but: mettre des immeubles à la

disposition d’organisations intergouvernementales, d’institutions internationales, de secrétariats ou autres organes créés par un traité international, de tribunaux internationaux et d’organisations internationales quasi-gouvernementales, et fournir des locaux d'accueil aux conférences internationales, à des commissions indépendantes, à des tribunaux arbitraux et à d’autres organismes internationaux.

2.2.4.2 Pour atteindre ces objectifs, la FIPOI peut notamment construire ou acheter

des biens immobiliers pour son propre compte, construire des immeubles pour le compte des bénéficiaires, leur octroyer des prêts de construction et de rénovation, louer, sous-louer et, le cas échéant, gérer des locaux. Elle peut aussi conseiller les bénéficiaires, en matière de construction et d’entretien d’immeubles.

2.2.4.3 Si l'intérêt de la politique d'accueil de la Suisse le requiert de manière

impérative, la FIPOI peut, également à titre exceptionnel, exercer ces activités dans les autres cantons qui accueillent les bénéficiaires institutionnels. Lorsque tel est le cas, les représentants des autorités cantonales concernées peuvent être invités à participer, avec voix consultative, aux délibérations du Conseil de fondation qui traitent de ces objets.

2.2.4.4 La FIPOI peut, également à titre exceptionnel, mettre des locaux d'accueil à

la disposition de rencontres internationales se déroulant en Suisse, et à la disposition d’organisations internationales non gouvernementales.

19

2.2.4.5 De manière plus générale, la FIPOI est habilitée à traiter toutes activités de

gestion et de conseil dans le domaine immobilier en lien avec la Genève internationale, pour autant que le Conseil de fondation donne son accord.

2.2.4.6 La FIPOI est l’un des membres institutionnels associés du Centre d'Accueil -

Genève Internationale (CAGI). Le CAGI est une institution créée en 1996 par la Confédération suisse et la République et canton de Genève avec le soutien de diverses entités nationales et locales, publiques et privées. Sa mission essentielle est de d’offrir toutes prestations utiles à l’accueil dans la région lémanique, avec les membres de leur famille, des acteurs de la Genève Internationale, soit des organisations internationales et de leurs agents de tous grades, des membres de missions permanentes et de consulats, ainsi que des collaborateurs d'organisations non gouvernementales (ONG) et d'entreprises multinationales.

2.2.4.7 Ne peuvent bénéficier des prestations de la FIPOI que des organisations

jouissant d'un statut privilégié au sens de la loi fédérale du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte (LEH ; RS 192.12).

2.3. Le patrimoine immobilier de la FIPOI

2.3.1 Au cours des cinquante années de l’existence de la FIPOI, la Confédération suisse (avec le concours de l’Etat de Genève qui a notamment mis à disposition des terrains, voire des bâtiments, nécessaires) a financé, par le truchement de la FIPOI, la construction et l’acquisition d’immeubles à hauteur d’environ 1,3 milliard de francs, le volume des investissements annuels oscillant entre 6 et 30 millions de francs en chiffres ronds.

2.3.2 La FIPOI est aujourd’hui propriétaire des bâtiments suivants :

2.3.2.1 L’ Immeuble administratif de Varembé (IAV) 2.3.2.1.1 L’ Immeuble administratif de Varembé (IAV), situé aux 9-11 de la rue de

Varembé près de la place des Nations, est le premier bâtiment construit par la FIPOI, de 1966 à 1969, pour héberger l’Association européenne de libre échange (AELE). Il est aujourd’hui occupé notamment par cette association d’Etats (sensiblement réduite par

l’adhésion de membres importants à l’Union européenne), par les bureaux de la FIPOI et par ceux de la Mission suisse (un étage chacune), par la fondation Green Cross (créée par M.

Gorbatchev), par la fondation Kofi Annan et par l’International Strategy for Disaster Reduction (ISDR) organisation onusienne créée en 1999.

2.3.2.1.2 L’ IAV fait actuellement l’objet de gros travaux d’extension dont le

coût estimatif est d’environ vingt-cinq millions de francs. Eu égard à leur coût, c’est la division Projets et non la division Bâtiments de la FIPOI qui a piloté ces travaux.

2.3.2.2.1 L’ IAV contient le Centre de Conférences de Varembé (CCV), soit cinq

salles dont chacune peut accueillir de quinze à deux cents personnes. Le CCV peut être

20

utilisé conjointement avec le Centre International de Conférences de Genève (CICG) lors d’événements dont l’ampleur le nécessite.

2.3.2.2.2 Cette structure n’est momentanément plus disponible à cause des travaux

d’extension de l’IAV. L’audit de la Cour des comptes a révélé que le coût du rééquipement de ce centre, qui se monte à environ neuf cent mille francs, n’avait pas été compris dans le budget de son extension. Nous y reviendrons.

2.3.2.3 Le Centre International de Conférences de Genève (CICG), sis au 17 de la

rue de Varembé, presqu’en face de l’IAV, a été construit en 1973/1975 par la FIPOI qui en est demeurée le propriétaire. Il accueille chaque année environ trois cents conférences dans une vingtaine de salles dont deux ont une capacité de base, modulable, de trois cent cinquante à mille places assises. Il dispose aussi d’un espace polyvalent de six cents mètres carrés et d’un restaurant d’une capacité de six cents convives. Les salles de conférence sont mises gratuitement à la disposition des organisations internationales qui ne payent que les frais.

2.3.2.4 L’ Immeuble Administratif Avenue de France (IAF ), sis au 23 de l’avenue

de France, est aussi une construction de la FIPOI, son propriétaire, qui l’a inaugurée au printemps 2012. Il dispose d’un parking souterrain et de surfaces de bureaux disponibles pour quatre cents places de travail. Ces surfaces sont offertes en location aux missions diplomatiques et aux organisations internationales, mais aussi à des particuliers.

2.3.2.5 Les Maisons internationales de l’environnement (MIE 1 et MIE 2)

2.3.2.5.1 En 1993, la Confédération a acquis le Geneva Executive Center (GEC) sis à Châtelaine sur le territoire de la commune de Vernier. Ce centre regroupait diverses organisations actives dans le domaine de la protection de l’environnement, ainsi que des services de l’ONU, dont le bureau régional européen du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) créé en 1972. La Confédération a cédé cet immeuble à la FIPOI. C’est aujourd’hui la Maison internationale de l’environnement 1 (MIE 1), qui est gérée et entretenue par la FIPOI, son nouveau propriétaire.

En 2007-2009, la FIPOI a procédé à l’assainissement énergétique de ce

bâtiment qui a obtenu pour cela le label Minergie Renovation.

2.3.2.5.2 De 2002 à 2004, la FIPOI a construit un second immeuble adjacent au précédent. C’est la Maison internationale de l’environnement 2 (MIE 2) dont elle est propriétaire et qu’elle gère et entretient.

2.3.2.5.3 MIE 1 et MIE 2 sont toutes deux destinées à héberger des organisations internationales, gouvernementales ou non, actives dans les domaines de l'environnement et du développement durable.

2.3.2.5.4 Ces bâtiments disposent d’un parking dont la FIPOI est copropriétaire

avec des particuliers du voisinage.

21

2.3.2.5.5 Plusieurs salles de conférence sont disponibles dans ces bâtiments. Elles peuvent recevoir de quinze personnes à cent dix personnes et sont réservées aux organisations locataires, aux membres du Réseau environnement de Genève et à d'autres institutions de protection de l’environnement.

2.3.2.6 L’ Immeuble administratif de Montbrillant (IAM ), sis au 94 de la rue de Montbrillant, est aussi la propriété de la FIPOI. Construit de 1990 à 1995, cet édifice est loué au Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR).

2.3.2.7 Le Centre du Commerce International (CCI) [en anglais : ITC, acronyme d’ International Trade Center] est le locataire d’un bâtiment de plus de dix mille cinq cents mètres carrés de surface utile, que la FIPOI, son propriétaire, a construit en 1981 aux 54-56 de la rue de Montbrillant.

2.3.2.8.1 Le Parking de la Place des Nations (PPN), dont la capacité est d’environ mille cent places, a été construit en 1973/1975 par la FIPOI pour faciliter l’accès aux nombreuses organisations internationales qui ont leur siège dans ce secteur. Son adresse est au 2 de la rue de Varembé.

2.3.2.8.2 En 2004/2005, la FIPOI y a entrepris d’importants travaux de rénovation.

2.3.2.8.3.1 La FIPOI est encore propriétaire de la salle William Rappard, bâtiment adjacent, mais distinct, du complexe de l’immeuble de l’OMC, sis à la rue de Lausanne. Cette salle d’une contenance de sept cents places, est destinée à l’usage exclusif de l’OMC. La FIPOI, qui l’a construite en 1998, en assure l’entretien.

2.3.2.8.3.2 Quant au complexe de l’immeuble de l’OMC, jadis siège du BIT, puis du

GATT, il a été cédé par la Confédération à cette organisation qui en assure l’entretien. La FIPOI s'est grandement investie dans l’extension quelque peu

tumultueuse de cet immeuble.

2.3.3 Le Palais Wilson, immeuble sous gestion de la FIPOI 2.3.3.1 Le Palais Wilson, qui fut longtemps un établissement hôtelier avant de

devenir le siège de la Société des Nations (SDN), porte le nom du président américain Woodrow Wilson, promoteur de cette organisation mondiale après la Grande guerre. C’est une bâtisse imposante qui se situe au 52 de la rue des Pâquis, dans une position dominante sur la rive droite du lac, dont elle n’est séparée que par le quai Wilson et les aménagements riverains. Après un incendie qui l’a partiellement détruit, le bâtiment a été cédé par la Ville de Genève à la Confédération suisse qui l’a restauré, rénové et transformé de 1993 à 1997.

2.3.3.2 La Confédération a gardé en propriété directe le Palais Wilson qui est loué

au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Elle en a confié la gestion et l’entretien à la FIPOI. Sa surface utile est d’environ treize mille mètres carrés.

22

2.3.3.3 La FIPOI vient d’achever d’importants travaux de rénovation de ce bâtiment (changement des fenêtres) dont le coût s’est élevé à environ cinq millions de francs. Eu égard à leur coût "relativement modeste", c’est la division Bâtiments de la FIPOI et non sa division Projets qui a piloté ces travaux.

2.3.3.4 Le Palais Wilson dispose d’un parking pour une centaine de véhicules. La

Confédération en est copropriétaire et la FIPOI en assure la gestion et l’entretien.

2.3.4 Perspectives

2.3.4.1 L’activité de la FIPOI devrait se développer dans une mesure importante au cours des prochaines années.

2.3.4.2 Ce sera tout d’abord la conséquence d’un accroissement notable de son

patrimoine immobilier 2.3.4.2.1 La FIPOI va en effet absorber le patrimoine de la Fondation du Centre

International de Genève (FCIG), fondation du droit public cantonal dont le but est de favoriser l’établissement d’ONG sur le territoire du canton de Genève. Cette fondation de droit public est propriétaire de cinq bâtiments construits (s.e. : pour quatre d’entre eux, sur des terrains dont elle est propriétaire, et pour l’autre, sur un terrain propriété de l’Etat de Genève en vertu d’un droit de superficie [droit distinct et permanent]). En vertu de l’acte de fusion, ces cinq bâtiments viendront s’ajouter au patrimoine immobilier de la FIPOI. La fusion FCIG/FIPOI n’interviendra qu’après l’adoption d’une loi cantonale dissolvant la FCIG et autorisant le transfert de ses biens à la FIPOI.

2.3.4.2.2 Indépendamment de cette fusion par absorption, l’Etat de Genève va opérer

une cession de biens immobiliers à la FIPOI par la constitution de droits de superficie (droits distincts et permanents) en faveur de celle-ci sur les terrains de son domaine de La Pastorale. Cette opération permettra à la FIPOI de devenir propriétaire des bâtiments construits sur ce domaine. Il s’y trouve une maison de maître, bâtie au dix-neuvième siècle, avec ses dépendances. Cette maison se définit comme un lieu d’accueil des fonctionnaires internationaux. Il s’y trouve aussi des immeubles à usage collectif construits au milieu du vingtième siècle mais qui ont fait naguère l’objet d’une réhabilitation.

2.3.4.2.2.1 Ces immeubles, sis au 106 de la route de Ferney, sont actuellement loués

notamment par la Croix-Rouge, par la Fondation pour Genève, par le Club suisse de la presse et par le CAGI.

2.3.4.3.1 L’accroissement de l’activité de la FIPOI résultera ensuite d’une

augmentation des investissements de la Confédération, voire de l’Etat de Genève, en faveur des organisations internationales.

2.3.4.3.2 Vu l’état relativement dégradé du parc immobilier de la Genève

internationale, qui pourrait compromettre l’image et l’attractivité de celle-ci, la Confédération a en effet décidé, en 2013, de participer au financement de la rénovation des bâtiments des organisations internationales, ce qu’elle ne faisait pas auparavant. Cette participation se fera - à l’instar du financement de constructions -

23

sous la forme de prêts (consentis cette fois au taux de refinancement de la Confédération) auxquels le canton participera à hauteur de 30% des prêts accordés. Les projets les plus importants concernent ici la rénovation du bâtiment de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui - avec son extension - devrait amener la Confédération à accorder des prêts pour un total d’environ quatre cents millions de francs, et la rénovation du bâtiment de l’OIT dont le coût a finalement été réduit de deux cent nonante neuf millions de francs à environ deux cent trois millions, grâce notamment au produit de l’aliénation de terrains, pour laquelle il est admis que la FIPOI s’est entremise de manière efficace. Le financement de la Confédération via la FIPOI, devrait s’élever pour ce second projet à environ septante millions de francs.

2.3.4.3.3 Il est aussi prévu que la Confédération accorde, à diverses autres organisations internationales, des prêts pour la rénovation/réaménagement ou la démolition/reconstruction de divers bâtiments qu’elles occupent. Cela concerne notamment la FICR, l’UIT, l’OMC et le CICR. La division Projets de la FIPOI étudie en outre un plan de financement pour de lourds travaux au CERN, qui pourrait amener la Confédération à accorder à cette institution un prêt de longue durée d’environ six cents millions de francs.

2.3.4.4 C’est donc au total un financement de près de deux milliards de francs que

la FIPOI pourrait être appelée à gérer au cours des dix prochaines années.

2.3.5 Les travaux d’entretien courant (nettoyage etc.) des bâtiments dont la FIPOI a la charge sont autofinancés par les loyers que payent les bénéficiaires.

2.3.6 Ces travaux, de même que la quasi-totalité des autres travaux pilotés par la

FIPOI, sont, pour leur plus grande part, adjugés à des entreprises ayant leur domicile fiscal dans le canton de Genève.

2.4 Autres aspects, purement financiers

2.4.1 Le capital de la fondation est constitué d’une dotation de base de cent mille francs versés à parts égales par la Confédération suisse et la République et canton de Genève. Sont également considérés comme capital les réserves sans affectation particulière ainsi que tous dons et legs acceptés par le Conseil de fondation.

2.4.2 Pour accomplir ses tâches, la Fondation dispose de ressources propres. Ce sont le rendement des avoirs incluant le produit des loyers ainsi que les prestations financières que la Confédération lui fournit pour la construction, la rénovation, voire la maintenance de ses propres immeubles. Ce sont aussi les prestations de nature immobilières que peut lui fournir l’Etat de Genève.

2.4.3 L’argent prêté par la Confédération pour financer la construction et la

rénovation d’immeubles hébergeant des bénéficiaires institutionnels qui en sont les propriétaires ou les superficiaires ne fait que transiter par la FIPOI.

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2.5 Les organes de la FIPOI 2.5.1 Le développement organique de la FIPOI de 1965 à nos jours 2.5.1.1.1 Au moment où son acte de fondation a été signé, immédiatement après

l’acceptation par le peuple genevois de la loi du 4 avril 1965, la FIPOI a emménagé dans le quartier des Eaux-Vives plutôt éloigné du cœur des organisations internationales. Elle n’y disposait que d’un modeste secrétariat pour appuyer l’action du Conseil de fondation qui accomplissait directement les tâches administratives confiées à la nouvelle institution, avec le concours des services cantonaux et fédéraux concernés.

2.5.1.1.2 Vu l’accroissement constant, et alors déjà prévisible, des engagements de la

FIPOI, le Conseil de fondation s’est vu contraint d’étoffer cette structure. Il a donc nommé, en 1970, une sorte d’administrateur délégué, en la personne d’un ancien membre du gouvernement local qui avait présidé ledit Conseil. Ce délégué a été chargé de l’administration courante et de la représentation de la FIPOI, qui disposera dès lors d’un bureau et d’un secrétariat permanents. Il en est résulté un allégement bénéfique des charges qui pesaient tant sur le Conseil de fondation que sur les services administratifs cantonaux et fédéraux. Cette forme d’administration semble avoir bien fonctionné, puisque, pendant la première décennie de son existence, la FIPOI a construit d’importants immeubles et accompli de lourdes tâches de gestion immobilière et financière, sans que son action eût prêté le flanc à la critique.

2.5.1.2.1 En prévision du départ normal de cet administrateur délégué, de nouveaux

statuts ont été adoptés en 1978, qui ont institué un véritable système directorial. 2.5.1.2.2 C., fonctionnaire de l’administration fédérale des finances, qui siégeait déjà

au Conseil de fondation, a été nommé directeur ; deux commissions, l’une financière et l’autre technique, ont été mises en place, dans lesquelles l’administration fédérale paraît avoir joué d’emblée un rôle majeur.

2.5.1.2.3 Il semble bien que l’harmonie régnant alors au sein de la FIPOI entre le

directeur et son personnel, dont l’effectif du personnel s’est régulièrement étoffé jusqu’à atteindre trente-cinq unités en 1995 (à cause notamment de la reprise, par la FIPOI, de la gestion du Parking des Nations et du CICG qui avait été au départ confiée à des tiers), a donné au Conseil de fondation, assisté du comité de direction, les mains libres pour conduire une stratégie, appréciée, de résistance à l’attractivité de grandes capitales ou ex-capitales (Bonn) concurrentes de la Genève internationale.

2.5.1.2.4.1 C’est ainsi qu’a pu être édifié, à l’aide d’un prêt fédéral géré par la FIPOI,

l’ Immeuble administratif de Montbrillant (IAM) dont cette dernière est le propriétaire et dont on a vu qu’il accueille le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR).

2.5.1.2.4.2 Le transfert du HCR dans ce bâtiment a libéré les locaux du Centre William

Rappard qui, on l’a vu aussi, ayant été jadis le premier siège du BIT puis celui du GATT, a pu devenir le siège de l’OMC après une extension qui a certes suscité des controverses. L’OMC gère le bâtiment et en dispose exclusivement en vertu d’un contrat d’infrastructure, avec droit de retour, qu’elle a signé avec la Confédération. La

25

FIPOI y a toutefois conservé la propriété de la salle William Rappard réservée aux conférences de l’OMC, mais dont la FIPOI assume la maintenance.

2.5.1.2.4.3 C., le premier directeur proprement dit de la FIPOI, a pris sa retraite en 1997. Il est généralement admis que sa direction fut une direction forte et que la gestion du personnel ne posa aucun problème au cours des dix-sept années qu’elle a duré. 2.5.1.3.1 G., qui a succédé à C., venait de l’économie privée (secteur de la construction), qu’il a réintégrée à titre indépendant après dix ans à la tête de la FIPOI. Les cadres qui étaient déjà au service de la FIPOI sous sa direction et qui ont été entendus au cours de nos investigations ont qualifié sa gestion comme celle d’un promoteur immobilier rêvant d’une extension maximale des projets. Cette conception l’aurait amené à laisser beaucoup plus de latitude à ses chefs subordonnés. 2.5.1.3.2 Il ne nous a pas été possible d’obtenir des informations sûres au sujet de l’état des rapports entre la direction et l’échelon opérationnel pendant la période où G. était le directeur. Mais de nombreux éléments laissent à penser que c’est alors que les chefs de division ont saisi l’opportunité de la faible intervention du directeur dans l’opérationnel, pour commencer à se tailler leur impérium actuel qui n’est pas sans lien avec les faits dénoncés le 11 juin 2014 et avec ceux que l’audit consécutif de la Cour des comptes a mis en lumière. 2.5.1.3.3 Une source digne de foi nous a signalé un fait concernant l’ancien directeur G. Rentré dans l’économie privée après avoir quitté la FIPOI, ce directeur aurait été choisi par une organisation internationale pour la conseiller dans l’analyse du projet de rénovation du bâtiment de son siège, projet dans lequel la FIPOI est lourdement impliquée. Nul ne songerait à soupçonner cet ancien directeur d’avoir pris le risque de causer un préjudice quelconque à la FIPOI, à la Confédération ou à l’Etat genevois. Il n’empêche que la présence d’un initié aux côtés d’un interlocuteur important de la FIPOI était de nature à poser quelques problèmes. G. aurait finalement renoncé à ce mandat. Ce fait peut sembler anecdotique. Mais nous le citons parce qu’il illustre l’urgence d’adopter des règles d’éthique rigoureuses vu les risques que comportent les relations étroites, en soi utiles, qui s’établissent peu à peu entre les cadres de la FIPOI et ses clients ou ses autres cocontractants.

2.5.1.4 R. a succédé à G. le 1er août 2007. C’était un haut fonctionnaire cantonal qui

avait occupé le poste de directeur des bâtiments avant de devenir le secrétaire général du Département des constructions et des technologies de l'information (DCTI). Il connaissait sans doute très bien la FIPOI, non seulement à cause de ces fonctions cantonales mais aussi parce qu’il était depuis plusieurs années membre suppléant du Conseil de fondation. Ses subordonnés le définissent comme un excellent représentant et porteur d’image, mais lui reprochent de graves déficiences dans le pilotage de la FIPOI. On relèvera simplement que le partage des tâches entre le poste de directeur et le poste de directeur adjoint - créé assez récemment - ne semble actuellement satisfaire personne. Cette problématique sera examinée plus bas.

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2.5.2 Le Conseil de fondation 2.5.2.1 Le Conseil de fondation est l’organe suprême de la Fondation, investi de tous les pouvoirs nécessaires à la définition de la stratégie et à la bonne gestion de celle-ci.

2.5.2.2.1 Il se compose de six membres dont trois sont nommés par le Conseil fédéral et trois par le Conseil d’Etat genevois, pour une période renouvelable de quatre ans.

2.5.2.2.2 Le Conseil de fondation est présidé alternativement, selon un tournus

annuel, par un représentant de la Confédération et un représentant du canton de Genève. Son président est actuellement l’ambassadeur X, chef de la Mission suisse ; son vice-président est actuellement le Conseiller d’Etat Y.

2.5.2.2.3 Les représentants de la Confédération sont aujourd’hui, hormis le président, deux fonctionnaires, Monsieur P., de l’OFCL (Office fédéral des constructions et de la logistique) et Madame A., de l’administration fédérale des finances.

2.5.2.2.4 Les membres désignés par le Conseil d’Etat genevois sont actuellement,

hormis le vice-président, un autre Conseiller d’Etat et Madame Z, membre du Conseil administratif (exécutif) de la Ville de Genève à laquelle un siège a été laissé par le Canton.

2.5.2.3 Le Conseil de fondation compte également six suppléants, désignés de la

même manière que les membres ordinaires. Lorsque cela s’impose, eu égard à leurs compétences spécifiques, les

suppléants peuvent être appelés à participer aux séances du Conseil de fondation avec voix consultative alors même que ledit Conseil est au complet. Ce fut le cas pour la réunion du 4 août 2015 organisée pour un échange de vues "explicatif" avec le magistrat rapporteur de la Cour des comptes et l’un de ses collaborateurs (auditeur

senior) qui avait participé aux investigations et à l’établissement du rapport d’audit. Le suppléant présent lors de cette rencontre y avait été convié en sa qualité

de président de la commission financière de la FIPOI. 2.5.2.4 Le Conseil de fondation édicte les prescriptions et les règlements intérieurs

encadrant l’activité de la fondation. Il approuve le budget, prend acte de la planification financière, fait dresser les comptes et le rapport de gestion annuels, statue sur les prêts, les emprunts, les acquisitions, cessions ou locations d’immeubles et sur la constitution de droits réels ou de gages immobiliers. Il assure aussi la planification des besoins des bénéficiaires institutionnels, conformément aux buts de la fondation.

2.5.2.5 Le Conseil nomme le directeur ou son remplaçant et adopte la politique

d'engagement du personnel ainsi que la politique salariale. Il représente la Fondation envers les tiers et désigne les personnes autorisées à représenter et à obliger celle-ci vis-à-vis des tiers, en leur conférant le droit de signature individuelle ou collective.

2.5.2.6 Le Conseil de fondation se réunit trois à quatre fois l’an. L’ordre du jour

des séances est rédigé par le directeur de la FIPOI.

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2.5.3 La direction 2.5.3.1 A la tête de l’administration de la FIPOI est placé un directeur, assisté d’un directeur-adjoint. Leurs compétences, de même que celles de chaque chef de division ou d’unités, sont fixées par un cahier des charges qu’adopte le Conseil de fondation. 2.5.3.2.1 Le directeur assure les relations avec le Conseil de fondation, l’organe de surveillance, les commissions d’appui, les autorités, les OI, les ONG, les tiers, les médias, ainsi qu’avec tous organes dont l’action est en rapport avec la Genève internationale. Il définit la stratégie et la politique des diverses branches de la Fondation, et celle des opérations immobilières, financières ou mobilières, des activités de conférences, du développement durable et du "processus de qualité". Il valide les acquisitions d’immeubles. 2.5.3.2.2 Le directeur valide le budget, la planification financière, le rapport de gestion, de même que l’engagement et le traitement du personnel, les projets ou les propositions, qui sont élaborées par le directeur adjoint ou à l’élaboration desquels ce dernier participe. 2.5.3.2.3 Le directeur assume en quelque sorte la haute responsabilité de l’opérationnel, sous l’autorité du Conseil de fondation.

2.5.3.2.4 Le directeur préside tous les quinze jours un comité de direction dont le directeur-adjoint, les chefs de division et le responsable des Ressources humaines font partie. Le responsable du service Gérance et les personnels chargés des autres activités de support n’en font pas partie. 2.5.3.3.1 Le directeur adjoint assure les relations avec les divisions, les activités de support, le personnel, les administrations publiques et les tiers dont l’action est en rapport avec ses tâches. 2.5.3.3.2 C’est au directeur adjoint qu’il incombe d’assurer le suivi de l’avancement des objectifs et des projets des divisions et services, du contrôle budgétaire et du "processus de qualité". C’est aussi lui qui élabore et met en œuvre les tableaux de bord nécessaires au bon fonctionnement des divisions et services, ainsi que les procédures et directives dans son domaine de compétences. Enfin, il a pour tâche de superviser et d’analyser la récolte de données et informations, les indicateurs de pilotage ainsi que l’exploitation de la statistique ; il établit les rapports de synthèse à l’attention de la direction. 2.5.3.3.3 Le directeur adjoint assume en quelque sorte, sous l’autorité du directeur, la responsabilité de la gestion opérationnelle des diverses activités normales ou des activités déléguées ou confiées, ainsi que la responsabilité de la gérance et des activités de support, les finances constituant elles-mêmes une division. Il dirige immédiatement les ressources humaines, l’informatique et la gérance. 2.5.3.4 Les tâches de représentation sont assumées par le directeur en ce qui concerne la Fondation elle-même et par le directeur adjoint pour ce qui concerne les séances internes, les groupes de travail et les relations administratives avec les tiers (autorités, OI, mandataires, maîtres d’état etc.).

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2.5.4 Les divisions et services subordonnés à la direction 2.5.4.1 Généralités

2.5.4.1.1 L’administration comprend quatre divisions ou unités : la division

Bâtiments, la division Conférences, la division Projets de construction et la division Finances.

2.5.4.1.2 S’y ajoute le service Gérance qui ne compte que deux employés : les

chargés de gérance placés sous la responsabilité immédiate du directeur adjoint. 2.5.4.1.3 S’y ajoutent aussi des personnels, chargés des activités de support

(informatique, ressources humaines) placés, comme la gérance, sous l’autorité immédiate du directeur adjoint.

2.5.4.2.1 Une architecte d’exécution, qui figurait au nombre desdites activités de

support, a été récemment mutée à la division Bâtiments pour des raisons de cohérence et de synergie, nous a-t-on dit.

2.5.4.2.2 Un poste d’expert en techniques & projets immobiliers a été créé, qu’occupe

l’ancien chef de la division Bâtiments ; cet employé est désormais directement rattaché au directeur adjoint. Nous reviendrons sur cette particularité.

2.5.4.2.3.1 Dans une entreprise normalement gérée, pilotée par une direction

forte, les personnels mentionnés du chiffre 2.5.4.1.2 au chiffre 2.5.4.2.2, de même que la division Finances, devraient être des facteurs de transversalité. A la FIPOI, ce n’est manifestement pas le cas. L’une de nos recommandations tendra à les intégrer dans une division à créer.

2.5.4.2.3.2 L’étude du dossier et nos investigations complémentaires nous conduisent

à affirmer que, selon une vraisemblance confinant à la certitude, l’absence de transversalité résulte d’une sorte de souveraineté jalouse revendiquée par les chefs de division. Faute d’une direction en mesure de les piloter de manière proactive et de contrôler efficacement leurs activités, ces chefs se sont installés dans une zone de confort protégée par de longues habitudes d’autogestion.

2.5.4.3 C’est d’ailleurs l’un des constats les plus troublants opérés par la Cour des

comptes. C’est aussi le constat de l’un au moins des autres audits que la direction a elle-même mis en œuvre dans le contexte de la problématique qui est à la base de la dénonciation anonyme de juin 2014 qui émanait d’un responsable alarmé par la mauvaise gestion qu’illustraient les conflits d’intérêts parvenus à sa connaissance.

2.5.5 Description de l’échelon subordonné 2.5.5.1.1 Selon les indications fournies par la responsable, démissionnaire, des

ressources humaines, l’état du personnel de la FIPOI serait, au moment où nous écrivons, de 53 collaborateurs, soit 50 ETP (équivalent temps plein). Il aurait donc augmenté de trois collaborateurs, soit 48,5 ETP, par rapport à ce qu’il était au moment où la Cour des comptes à fait son audit.

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2.5.5.1.2 Un peu moins d’un tiers de ce personnel est affecté à la division Bâtiments.

Un peu plus d’un tiers est affecté à la division Conférences. 2.5.5.2 La division Bâtiments 2.5.5.2.1.1 La division Bâtiments, placée sous l’autorité du directeur adjoint, regroupe

une quinzaine de travailleurs, parmi lesquels huit agents de maintenance, un serrurier, un magasinier et un intendant d’exploitation dépendent d’un chef de service.

Ce chef de service dirige maintenant aussi la division, ad interim depuis que le

précédent titulaire a été muté au poste, créé pour lui, d’expert en technique et projets immobiliers qui dépend immédiatement du directeur adjoint. Cette mutation répondait à des critiques - injustifiées selon l’intéressé - contenues dans un rapport d’audit établi par la société de conseils Em.

2.5.5.2.1.2 Par ailleurs, comme on l’a déjà dit, l’architecte d’exécution qui dépendait

directement du directeur adjoint a été récemment rattachée à la division Bâtiments. 2.5.5.2.2.1 La division Bâtiments, placée également sous l’autorité du directeur

adjoint, a pour tâche d’assurer l’exploitation technique des bâtiments qui font partie du patrimoine immobilier de la Fondation et de ceux qui lui sont confiés par mandat. Elle assure donc la maintenance physique et l’entretien des bâtiments dont la FIPOI est propriétaire, ainsi que du Palais Wilson, propriété de la Confédération.

2.5.5.2.2.2 La division Bâtiments gère aussi la rénovation de ces immeubles. Cela a

été le cas pour le changement des fenêtres du Palais Wilson (5 millions de francs). Mais les travaux de rénovation les plus onéreux, telle l’actuelle extension de l’IAV, sont du ressort de la division Projets et non de la division Bâtiments (25 millions de francs).

2.5.5.2.2.3 C’est encore la division Bâtiments qui s’occupe du nettoyage des parties

communes des bâtiments de la FIPOI qui sont en "multilocation", et, partant, de l’adjudication des travaux y relatifs et de leur surveillance. Le "gérant technique" qui s’occupe de cette activité a été muté du service Gérance à la division Bâtiments.

2.5.5.3 La division Conférences 2.5.5.3.1.1 La division Conférences, placée sous l’autorité immédiate du directeur,

regroupe une vingtaine de travailleurs, parmi lesquels quinze (techniciens, accueil et

exploitation) dépendent provisoirement du chef de service "responsable des opérations". 2.5.5.3.1.2 Le lieu de travail du personnel de la division Conférences est le CICG. Les

autres employés de la FIPOI travaillent en face, à l’ IAV. 2.5.5.3.2.1 Les conflits d’intérêts dénoncés le 11 juin 2014 auraient existé

principalement au sein de la division Conférences. Cette dénonciation a conduit le Conseil de Fondation à licencier deux responsables, alors que - selon ce que la direction nous a dit - un blâme eût été suffisant et que, aux yeux de la plupart des cadres appelés à donner des renseignements, cette mesure de licenciement aurait été disproportionnée.

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2.5.5.3.2.2 A la suite de ces licenciements, la cheffe de la division Conférences, qui

occupait son poste depuis 2008 et dont les personnes que nous avons entendues ont tenu à souligner les compétences, a décidé de donner son congé. Elle a quitté la FIPOI au mois de mars 2015. La division est actuellement dirigée ad intérim par l’employé responsable de communication et relations publiques au sein de cette division, personne parfaitement qualifiée et motivée, dont le Conseil de fondation a toutefois retardé la titularisation dans l’attente d’une clarification des problèmes qui font l’objet de la présente expertise.

2.5.5.3.3.1 La division Conférences assume la responsabilité de l’acquisition, de l’organisation et de la tenue de congrès et conférences à caractère principalement international. Elle exploite non seulement le Centre international de conférences de Genève (CICG), créé pour qu’OI et ONG puissent tenir leurs conférences à Genève, mais aussi le Centre de conférences de Varembé (CCV) dont l’activité est momentanément interrompue, nous l’avons dit, à cause des travaux d’extension de ce dernier immeuble. L’activité de cette division est d’importance car ces deux centres sont assez généralement tenus pour la vitrine d'accueil de la Genève internationale.

2.5.5.3.3.2 Ses activités de gestion ont pour conséquence que la division Conférences réalise le chiffre d'affaires le plus élevé parmi les divisions de la FIPOI (12 millions de francs), après celui réalisé par le service Gérance (une vingtaine de millions) qui encaisse les loyers des bâtiments propriété de la FIPOI ou gérés par celle-ci. 2.5.5.3.3.3 Il sied de relever que la FIPOI met gratuitement le CICG à la disposition des organisations internationales qui ne paient que les frais et qu’elle reçoit pour cela, de la Confédération, un montant forfaitaire qui s’élèverait en ce moment à environ six millions de francs. Les organisations s’adressent pour cela à la Mission suisse qui transmet la demande à la division Conférences de la FIPOI. 2.5.5.3.4 Les salles de conférences aménagées dans les immeubles MIE1 et MIE2 ne sont pas gérées par la FIPOI et ne concernent donc pas sa division Conférences ; elles son gérées par les locataires, dont des ONG liées à la protection de l'environnement.

2.5.5.4 La division Projets de construction 2.5.5.4.1 La division Projets de construction n’est pas une division de gestion

opérationnelle mais une division de développement dont l’activité touche constamment au rayonnement de la Fondation. Elle est régie par un chef de division placé sous l’autorité immédiate du directeur et non sous celle du directeur-adjoint. Le chef de division est assisté par une cheffe de projets SHP (Strategic heritage plan) qui s’occupe, en ce moment, du projet de restructuration du siège de l’Organisation des Nations Unies, dont l’importance a nécessité son engagement.

2.5.5.4.2.1 La division Projets de construction exécute les tâches de la FIPOI en

rapport avec les rénovations les plus onéreuses (au-delà d’environ dix millions de francs nous a-t-on dit). C’est donc elle qui a traité les travaux de l’OMC ; c’est elle qui traite l’extension actuelle de l’IAV et qui est engagée dans les projets de démolition partielle et de reconstruction du bâtiment de la FICR. C’est en revanche la division Bâtiments

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qui a traité le remplacement des fenêtres du Palais Wilson, parce que son coût s’est élevé à environ cinq millions de francs.

2.5.5.4.2.2 A ce propos précis, les chefs des divisions concernées n’ont pas été en

mesure de nous dire s’il existait des règles de compétences disant jusqu’à quel montant environ c’est l’une qui traite les travaux et à partir de quel montant environ c’est l’autre ! Ce sont des imprécisions du même genre qui ont conduit au cafouillage, obscur mais sans dommage, de 900'000 francs (coût des travaux d’équipements de la salle de conférences de l’IAV) dont il est partout question.

2.5.5.4.3.1 Le processus ordinaire est le suivant : une organisation internationale

informe de ses projets la Mission suisse qui les communique à la FIPOI. Celle-ci en détermine la faisabilité en mesurant son coût. Si le plan budgétaire présenté par le maître de l’œuvre est accepté, la division Projets de construction remet au DFAE un document technique suffisant à celui-ci pour soumettre le projet au Conseil fédéral. Si le gouvernement l’approuve, un crédit initial de 10% est alloué à la FIPOI pour la poursuite de l’étude du projet par le maître de l’œuvre. Une fois le coût définitivement calculé, la division Projets de construction prépare un message technique qui sert de base à la présentation du Message du Conseil fédéral aux Chambres. La division gèrera ensuite les fonds reçus de la Confédération au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

2.5.5.4.3.2 Le rôle assumé par la FIPOI via sa division Projets de construction est

ainsi celui d’un intermédiaire qui facilite l’accès des OI et ONG aux crédits que la Confédération peut leur accorder sur la base de la LEH.

2.5.5.4.4 Cette division intervient de la même manière auprès de la Confédération

lorsque celle-ci n’est pas appelée à accorder des prêts à des organisations tierces mais à investir dans la construction ou la rénovation des immeubles dont la FIPOI est propriétaire.

2.5.5.5 La division Finances 2.5.5.5.1 La division Finances, placée sous l’autorité du directeur adjoint, occupe

quatre personnes, y compris la cheffe de division. 2.5.5.5.1.1 Au moment où nous l’avons entendue, celle-ci était "sur le départ" au

motif, nous a-t-elle dit, de "l’absence de retour dans ses relations avec le directeur adjoint" et, plus généralement, de l’incapacité de la direction de communiquer avec elle dans des affaires dont elle mettait en cause le traitement. Elle a manifestement souffert de la situation au sein d’une entreprise à laquelle elle dit avoir été très attachée.

. 2.5.5.5.1.2 Il est assez symptomatique du capharnaüm administratif de la FIPOI

que cette responsable ait tenue à nous annoncer sa démission au début de son audition, c’est-à-dire avant d’avoir envoyé sa lettre au directeur. Au moment de leur audition ultérieure du même jour, ni le directeur, ni le directeur adjoint ne savaient qu’elle allait ainsi " jouer la fille de l’air " !

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2.5.5.6 Le service Gérance 2.5.5.6.1 Les activités du service Gérance sont confiées à deux chargés de

gérance qui ne constituent pas un service proprement dit mais dépendent immédiatement du directeur adjoint. Ces personnes s’occupent des baux et loyers des immeubles dont la FIPOI est propriétaire et qu’elle loue en tout ou en partie (CCI, IAF, IAM, IAV, MIE 1, MIE 2) et des baux et loyers des immeubles pour lesquels la FIPOI a reçu un mandat de gestion et de maintenance (Palais Wilson et

Parking de cet immeuble). Les principaux locataires sont le HCR, le HCDH, le PNUE, le PNUD, l’AELE, le CCI, l’ONU-HABITAT, le HAP, la Mission Suisse et d’autres missions diplomatiques.

2.5.5.7 Les activités de support 2.5.5.7.1 Les activités de support (l’expression est nôtre) sont exercées par le service

nouveau des Ressources humaines dont la responsable vient également de donner son congé, le service informatique IT, ainsi que l’expert en technique et projets immobiliers. Tous ces postes dépendent du directeur adjoint.

Le poste d’expert en technique et projets immobiliers a été nouvellement créé pour

l’ancien directeur de la division Bâtiments qui, on l’a vu, a laissé sa place à un chef ad intérim. Il est censé s’occuper désormais de la sécurité périphérique et de l’expertise des bâtiments.

La gérance et l’architecte d’exécution étaient récemment encore considérées comme

des activités de support, alors qu’elles relèvent manifestement de l’opérationnel. Le poste d’architecte d’exécution a été logiquement transféré dans la division Bâtiments. Les synergies entre les tâches assumées par le service Gérance et celles d’entretien assumées par la division Bâtiments pourraient à première vue justifier aussi un transfert du premier vers la seconde.

2.5.5.7.2 Nous reviendrons sur l’incohérence de l’organisation des activités de support qui ne peuvent jouer leur rôle d’instruments de cohésion et transversalité.

2.5.5.8 La "division" ou le "bâtiment" de la Genève internationale, une terminologie comptable On lit dans l’une ou l’autre pièce du dossier les mots "division de la Genève internationale". Cela laisse à penser aux non-initiés qu’il existerait une autre division que celles définies par l’organigramme. Cette terminologie, parfaitement inadéquate et propre à semer la confusion, ne définit en réalité qu’une rubrique de la comptabilité analytique : le reporting financier de toute l’activité de conseil dont la FIPOI fait bénéficier les organisations internationales. (dans le même contexte le dossier parle souvent, de façon imagée, du bâtiment de la Genève internationale)

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Cette confusion terminologique nous donne l’occasion de fournir ici déjà une explication qui nous dispensera d’y revenir lors de l’examen du rapport de la Cour des comptes, qui traite de la comptabilité analytique au chiffre 14 de sa page 32. La Cour y fait notamment remarquer qu’en 2014 aucun frais de structures n’a été imputé à l’activité Genève internationale qui tire pourtant profit des activités de support que nous avons décrites (chiffre 2.5.5.7). Elle y a vu un exemple de la faiblesse de la comptabilité analytique de la FIPOI, qui ne permettrait pas d’avoir une vision suffisamment fiable des charges et revenus imputables à chacune de ses trois grandes divisions, d’une part, et à son activité Genève internationale, d’autre part. Les charges de ces divisions ne seraient donc pas allouées correctement à chacune d’elles. Ce mode de faire ne comporte vraisemblablement pas un risque financier ou un risque de fraude immédiat, dès lors qu’une distribution incorrecte des charges, frais ou coûts entre les divers bâtiments ou divisions est en définitive un jeu à somme nulle. Il n’empêche que le procédé donne l’impression que l’activité coûteuse "Genève internationale" engendre moins de prélèvement de ressources que ce n’est le cas. Nous n’avons pu déterminer si ledit procédé est intentionnel. Toujours est-il qu’une réduction comptable artificielle des charges de l’activité, coûteuse et politiquement sensible, de la Genève internationale pour les noyer dans les charges d’activités qui produisent beaucoup d’argent du fait de la refacturation de leurs prestations (la Gérance ou les Conférences), est propre à donner l’impression que la Genève internationale coûte relativement peu, ce qui pourrait amener à la prise de décisions de gestion inappropriées et dommageables. Le directeur adjoint a répondu positivement à cette critique de la comptabilité analytique en allouant à chaque activité concernée, dans le budget 2016, les frais de structures qu’elle a causés.

2.5.6 Les commissions d’appui (la qualification est nôtre) 2.5.6.1 Le Conseil de fondation et la direction ont pour appui une commission

financière et une commission technique, dont la composition et les compétences sont fixées par les statuts de la Fondation.

2.5.6.2.1 Chacun de ces organismes est composé de deux personnes choisies au sein

des membres et suppléants du Conseil de fondation, l’un représentant la Confédération et l’autre le canton de Genève.

2.5.6.2.2 La commission financière est actuellement placée sous la responsabilité de

Monsieur H., qui est le suppléant de Madame A. au sein du Conseil de fondation et le subordonné de celle-ci à l’Administration fédérale des finances.

2.5.6.2.3 La commission technique est actuellement placée sous la responsabilité de

Monsieur P., membre déjà mentionné du Conseil de fondation.

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2.5.6.2.4 Le directeur de la Fondation et le directeur adjoint assistent aux délibérations de ces deux commissions ; un représentant du DFAE peut aussi y prendre part, à titre consultatif.

2.5.6.2.5 Les commissions financière et technique peuvent s’adjoindre des experts. 2.5.6.2.6.1 Les compétences de ces deux commissions, dont le rôle est d’examiner la

faisabilité des projets de la FIPOI du point de vue technique et du point de vue financier, sont fixées par un règlement.

2.5.6.2.6.2 Avant de soumettre au Conseil de fondation une proposition ayant des

implications techniques, la commission financière requiert le préavis de la commission technique et le mentionne dans son rapport.

2.5.6.2.6.3 Inversement, avant de soumettre au Conseil de fondation une proposition

ayant des implications financières, la commission technique requiert le préavis de la commission financière et le mentionne dans son rapport.

2.6 La surveillance de la FIPOI et la révision de ses comptes

2.6.1 L’Autorité fédérale de surveillance des fondations 2.6.1.1 En vertu de l’article 84 CC, les fondations sont placées sous la surveillance de la corporation publique dont elles relèvent par leur but. La Confédération, les cantons et les communes doivent donc désigner une autorité de surveillance qui leur est propre. Les cantons peuvent toutefois soumettre les fondations communales au contrôle de l'autorité cantonale de surveillance qu’ils ont instituée. 2.6.1.2.1 La Confédération a dès lors institué un organe, l’Autorité fédérale de surveillance des fondations, qui, rattaché au Département fédéral de l'intérieur, est chargé de la surveillance fédérale sur les fondations reconnues d'utilité publique œuvrant aux échelons national et international. 2.6.1.2.2 Eu égard à ses buts d’importance nationale que définit l’article 2 de ses statuts, la FIPOI a été placée sous la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des fondations (article 1, second alinéa des statuts). 2.6.1.3.1 Les tâches qui incombent à l’Autorité fédérale de surveillance des fondations sont définies dans leur principe par l’article 84, alinéa 2, CC qui stipule que l'autorité de surveillance pourvoit à ce que les biens des fondations soient employés conformément à leur destination. 2.6.1.3.2 La portée de cette disposition a été explicitée par le Tribunal fédéral dans une jurisprudence abondante. Il suffit ici de rappeler que parmi ces tâches figure le contrôle annuel des rapports de gestion. Il sied aussi de dire que, selon la pratique, toute personne qui a un intérêt déterminé, actuel ou virtuel, au contrôle de l'activité des organes d’une fondation peut s’informer sur l'activité d'une fondation auprès de l’autorité de surveillance, voire déposer auprès de celle-ci une plainte portant sur la

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légalité de l'activité d'une fondation ou sur le comportement des organes de la fondation (voir notamment l’arrêt du Tribunal fédéral publiés dans son recueil ATF 107 II 385). 2.6.1.3.3 L'Autorité fédérale de surveillance des fondations peut non seulement prononcer des sanctions civiles ou administratives, mais non pénales, qui vont du rappel à l'ordre jusqu’à la dissolution de la fondation en passant par des directives, une exécution par substitution ou la révocation des organes de la fondation (ATF 111 II 98

aux considérants 2 et 3 ; 112 II 471, aux considérants 2 et 3). 2.6.1.3.4 On rappellera enfin que la volonté des fondateurs de placer au conseil de fondation des personnes déterminées par leur fonction, n’empêche pas ce conseil et, partant, l’autorité de surveillance, de révoquer ces personnes pour des motifs objectivement fondés, en appliquant par analogie l’article 68 CC (ATF 128 III 210 au

considérant 4). 2.6.2 Le Contrôle fédéral des finances 2.6.2.1 La Fondation a désigné le Contrôle fédéral des finances comme son organe de révision (article 15 des statuts).

2.6.2.2 Le Contrôle fédéral des finances, rattaché administrativement au Département fédéral des finances, est l'organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière. Il jouit, dans l’exercice de ses attributions, d’une autonomie et d’une indépendance qui ne sont limitées que par la loi. Son champ d’action ne s’arrête pas au contrôle de la gestion financière de l’administration fédérale mais peut s’étendre à celui de la gestion d’organisations semi-étatiques et internationales.

(Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances ; Loi sur le Contrôle des finances,

LCF ; RS 614.0).

2.6.2.3 L’article 15 des statuts de la FIPOI, fondation de droit privé financée par les pouvoirs publics, précise que le Contrôle fédéral des finances assure le contrôle annuel des comptes de la fondation et établit chaque année un rapport à l’intention du Conseil de fondation et de l’autorité de surveillance.

2.6.2.4 C’est en cette qualité que le Contrôle fédéral des finances, saisi d’une dénonciation dont l’objet dépassait son cadre de compétences, s’est adressé en janvier 2015 à la Cour des comptes du canton de Genève où la Fondation à son siège, ce qui a déclenché la procédure d’audit dont l’examen d’une des recommandations fait l’objet de la présente expertise.

2.6.2.5 Il ne nous a pas été possible d’obtenir des explications convaincantes sur les raisons précises qui ont conduit l’auteur de la dénonciation anonyme du 11 juin 2014 à s’adresser uniquement au Contrôle fédéral des finances et non pas, également ou exclusivement, à l’Autorité fédérale de surveillance des fondations. Lui-même est resté d’une obscurité totale sur ce point.

Sur le vu des questions qui nous sont posées, cela ne revêt pas un intérêt primordial.

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2.7 Remarque finale

2.7.1 A la lecture des pièces du dossier, on constate que nul ne met en cause l’efficience globale de la Fondation résumée comme il suit par le Conseil de fondation: La FIPOI jouit de la reconnaissance sans réserve des OI auxquelles elle offre des prestations. Au cours de son existence, elle a géré un volume d’investissements de plus de 1,3 milliard de francs suisses, à la satisfaction des institutions bénéficiaires et des deux membres fondateurs… (Observations des président et vice-président du Conseil, rubriquées sous chiffrée 5.1.1 des pièces produites par la Fondation) 2.7.2 Il semble en effet tenu pour acquis que la FIPOI accomplit à la satisfaction de ses deux fondateurs la mission de soutenir le rôle de Genève en tant que centre de rencontres internationales. 2.7.3 Il ne semble contesté par personne qu’elle a contribué, dans une mesure importante et de manière continue durant un demi siècle, au développement de la Genève internationale en rendant le territoire cantonal et urbain attractif, en premier lieu pour les institutions spécialisées de l’ Organisations des Nations unies. 2.7.4 Les critiques émises dans divers audits portent exclusivement sur le fonctionnement interne de la Fondation. 2.7.5 Force est de constater, déjà à ce stade de notre analyse, que le fonctionnement organique interne manque gravement de professionnalisme et que cela est de nature à endommager lourdement un précieux instrument au service de la politique étrangère de la Confédération. 2.7.6 Les audits susmentionnés et en particulier l’audit de la Cour des comptes n’ont pas établi que des actes délictueux ont jusqu’à ce jour été commis par les personnes impliquées. D’ailleurs, si tel avait été le cas, la législation que nous allons résumer (au chiffre 3.2) aurait fait à la Cour le devoir de les dénoncer au Ministère public. Mais on ne peut passer sous silence que la Cour a identifié un risque important de fraude, sans exclure absolument que ce risque (incluant l’octroi d’avantages illicites à des organes de la FIPOI ou à des tiers) ait déjà pu être, une fois ou l’autre, réalisé du fait notamment des modes d’adjudication pratiqués. 2.7.7 Ces audits et en particulier l’audit de la Cour des comptes n’ont pas non plus révélé soit que les graves déficiences organiques rapportées auraient, jusqu’à ce jour, causé un dommage économique à la Fondation, à ses deux fondateurs ou à des partenaires de la FIPOI, soit qu’elles aient entravé la réalisation des objectifs que ses deux fondateurs ont assignés à la Fondation. Mais il ne faut pas perdre de vue que la mission de la Cour des comptes n’était pas d’identifier et de chiffrer un tel dommage. 2.7.8 On verra cependant que c’est à juste titre que la Cour des comptes a mis l’accent sur les risques objectifs qu’elle a identifiés.

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Considérations

sur

la Cour des comptes,

sur

la conduite de son audit

et sur

la crédibilité de ses constats

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3.1 Préambule

Il n’est pas possible de vérifier les constats résumés dans le rapport d’audit du 30 juin 2015 sans avoir une connaissance satisfaisante de la Cour des comptes et des méthodes qu’elle applique, sans définir le cadre dans lequel son rapport s’est inscrit et sans examiner, d’une part, si elle a respecté la procédure qu’elle devait suivre et, d’autre part, si elle est restée dans les limites de son pouvoir d’appréciation.

3.2 L’institution 3.2.1 Le 27 novembre 2005, les citoyens de la République et canton de Genève ont modifié leur Constitution du 24 mai 1847 et mis en place, pour la première fois en Suisse, une cour des comptes investie notamment du contrôle indépendant et autonome de l’administration cantonale, des institutions cantonales de droit public et des organismes subventionnés (article 141). Cette disposition constitutionnelle a été concrétisée par une loi du 10 juin 2005 instituant une Cour des comptes.

3.2.2 Entrée en vigueur le 1er juin 2013, la Constitution cantonale du 14 octobre 2012 a maintenu cette institution dont elle a rappelé la tâche d’assurer le contrôle indépendant et autonome de diverses administrations et d’organismes privés subventionnés ou dans lesquels les pouvoirs publics exercent une influence prépondérante. Le constituant ajoute que les contrôles de la cour relèvent de son libre choix, font l’objet de rapports rendus publics qui peuvent comporter des recommandations et sont communiqués aussi à l’entité contrôlée. La Cour des comptes exerce son contrôle selon les critères de la légalité des activités, de la régularité des comptes et du bon emploi des fonds publics. Placée sous la haute surveillance du Grand Conseil, la Cour des comptes, n’est pas un tribunal et aucun de ses actes n’est de nature juridictionnelle. Ses membres ont cependant le rang de magistrats ; ils sont élus au système majoritaire par le corps électoral pour une période renouvelable de six ans et bénéficient de l’immunité pénale relative qui est notamment celle des juges. Nul ne peut opposer le secret de fonction à la Cour des comptes ; le secret fiscal et les autres secrets institués par la loi sont toutefois réservés, dont elle peut solliciter la levée par une requête motivée qui fixe les limites et les finalités de son investigation. (articles 52, 94, 95, 128 et 131 Cstgen). 3.2.3.1 Ces nouvelles dispositions constitutionnelles ont été concrétisées par une loi du 13 mars 2014 sur la surveillance de l’Etat qui, entrée en vigueur le 1er juin 2014, a abrogé la loi du 10 juin 2005. 3.2.3.2.1 Le chapitre quatrième de la loi de 2014 (articles 27 à 44), intitulé Contrôle externe et évaluation des politiques publiques, est consacré à l’organisation et aux compétences de la Cour.

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3.2.3.2.2 La Cour est composée de trois magistrats titulaires qui exercent leur charge à plein temps et de trois suppléants. Elle est présidée, à tour de rôle, pour une période de deux ans, par l’un des magistrats titulaires.

3.2.3.2.3 Les organes des entités sur lesquelles la Cour exerce son contrôle indépendant et autonome (soit notamment les organismes placés sous la surveillance d’un

département et les entités subventionnées) peuvent la saisir ladite Cour d’une mission de contrôle portant sur des faits ou des pratiques propres à affecter l’accomplissement des tâches de ces entités. Il en va de même d’autorités ou institutions comme la commission des finances et la commission du contrôle de gestion.

Mais le requérant, quel qu’il soit, ne peut intervenir dans les procédures que la Cour engage à sa demande.

3.2.3.3 Le contrôle des entités concernées peut viser la légalité de leurs activités et le bon emploi des fonds publics dans le respect des principes de la performance publique au sens de la législation cantonale sur la gestion administrative et financière. Il peut aussi avoir pour but d’apprécier la qualité de la gestion des entités contrôlées et de leur efficience au regard des objectifs que leur assigne le législateur ainsi que des moyens mis à leur disposition. 3.2.3.4 La Cour des comptes organise librement son travail et dispose de tous les moyens d’investigation nécessaires pour établir les faits. Il lui est ainsi loisible de requérir la production de tous documents utiles et de procéder à des auditions, voire à des investigations dans les locaux de l’entité contrôlée.

3.2.3.5.1 La Cour établit un rapport détaillé de ses contrôles et évaluations, qu’elle communique à l’entité contrôlée en l’invitant à lui faire part de ses observations qui sont dûment reproduites dans le rapport final qu’elle rend public avec ses contre-observations et ses recommandations éventuelles. Elle détermine l’étendue des informations contenues dans ses rapports en tenant compte des intérêts publics et privés susceptibles de s’opposer à la divulgation de certaines informations.

3.2.3.5.2 Il lui incombe de dénoncer au Ministère public les infractions pénales révélées dans le cadre de ses audits de gestion, et de signaler aux autorités compétentes tous autres abus et irrégularités qui peuvent faire l’objet de ses recommandations.

./.

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3.3 La mission confiée à la Cour des comptes

3.3.1 La Cour a été saisie de la présente affaire par une demande que le Contrôle fédéral des finances lui a adressée en janvier 2015 six mois après avoir reçu une dénonciation anonyme ayant notamment pout objet les conflits d’intérêts qui existeraient au sein de l’administration de la FIPOI, principalement au sein de sa division Conférences.

3.3.2 La FIPOI faisant partie des organismes placés sous la surveillance du département présidentiel du Conseil d’Etat, la Cour des comptes a décidé de donner suite à la demande du Contrôle fédéral des finances. Elle a précisé qu’elle n’était pas liée au requérant par un mandat et que, partant, elle agissait en toute indépendance.

3.3.3 La Cour a annoncé sans retard au Président du Conseil de fondation de la FIPOI qu’elle allait procéder à un audit de gestion sur le vu des faits qui avaient été portés à sa connaissance par le Contrôle fédéral des finances.

3.3.4.1 L’audit de la Cour des comptes n’avait pour objet ni l’examen des comptes et de la gestion financière de la FIPOI (tâche assumée par le Contrôle fédéral des finances), ni une analyse détaillée d’opérations tels les processus liés à la gestion des ressources humaines et aux revenus, ni l’identification et le chiffrage d’un éventuel dommage causé à la FIPOI, à ses fondateurs ou à ses partenaires.

3.3.4.2 Elle n’a toutefois pas exclu, dans son rapport, qu’elle puisse mener un audit ultérieur sur les comptes et la gestion financière de la FIPOI.

3.4 La procédure suivie par la Cour des comptes

3.4.1 La Cour a désigné son rapporteur en la personne du magistrat Py. qui, après avoir siégé pendant près d’une vingtaine d’années à la Cour de justice et au Tribunal administratif genevois dont il fut le président, a été élu membre de la Cour des comptes le 4 novembre 2012 et l’a présidée jusqu’au 31 décembre 2014.

3.4.1.1.1 Le rapporteur a été assisté, tout au long de ses investigations par le directeur d’audit Blg, lui-même assisté des auditeurs seniors Rx et Dst, ce dernier ayant accompagné le magistrat rapporteur lors de la réunion du 4 août 2015 dont nous reparlerons.

3.4.1.1.2 Ce système, à la fois collégial et plutôt hiérarchisé, a été mis en place, selon ce que nous avons compris, pour garantir au mieux l’impartialité, la correction, l’efficacité et l’exhaustivité des constats, des appréciations et des recommandations éventuelles de la Cour.

3.4.2.1 La Cour a suivi correctement la procédure fixée dans les dispositions de la loi cantonale sur la surveillance de l’Etat qui sont applicables à ses audits de gestion (voir plus haut sous chiffre 3.2).

41

3.4.2.2 Elle s’est également conformée aux normes internationales d’audit et aux codes de déontologie de la Fédération internationale des comptables (IFAC) et de l’ Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI). Nous n’avons ni les moyens ni les compétences pour vérifier cette affirmation dont on doit présumer la véracité.

Elle dit avoir appliqué ces directives usuelles dans la mesure où il lui est possible de s’y référer eu égard à la spécificité de l’exercice de ses propres compétences légales.

3.4.2.3 La Cour dit avoir observé aussi ses propres usages auxquels elle s’était tenue au cours des quatre-vingt-neuf audits qu’elle a opérés antérieurement et qui, d’après ce que nous avons pu vérifier, n’ont jamais provoqué de contestations ni pour la manière dont ils ont été conduits, ni pour les procédures de suivi mises en place par la Cour.

3.4.2.4 La Cour dit enfin avoir procédé de manière participative et constructive, dans le respect du principe du contradictoire, guidée qu’elle aurait été par la seule recherche de solutions améliorant le fonctionnement de la FIPOI. Nous avons constaté, à la lecture des copieux comptes rendus d’audition ("anonymisés" selon l’accord passé avec la Cour) et à la lumière de nos auditions, que tel a bien été le cas.

3.4.3 Le magistrat rapporteur et ses collaborateurs susmentionnés ont procédé à une cinquantaine d’auditions. Certaines des trente personnes entendues - sur les cinquante qui figuraient alors au tableau des effectifs de la fondation - l’ont été à deux reprises. Des informations étaient en effet parvenues à la Cour, de nature à la faire douter de la liberté avec laquelle ces personnes s’étaient exprimées devant elle.

3.4.4 Parmi les nombreux documents portés à la connaissance de la Cour pendant ses investigations figurent de précédents rapports d’audit déposés aux mois d’avril et de septembre 2014 par les bureaux Em. et Bd., dont les conclusions sectorielles plutôt critiques se retrouveront en partie dans un troisième rapport de synthèse déposé au mois de mars 2015 par le bureau Sw. spécialisé dans les services aux entreprises.

3.4.5.1 La Cour a remis son projet de rapport aux président et vice-président du Conseil de fondation, moins de quatre mois après le début de ses investigations. Ces deux responsables ont été autorisés à en transmettre une copie aux autres membres du Conseil que la Cour a invités à formuler leurs observations.

Les observations du Conseil et les contre-observations de la Cour ont été incluses dans le rapport, qui a été finalisé le 30 juin 2015.

3.4.5.2 Le droit cantonal décrit plus haut (au chiffre 3.2) prévoit la publication des rapports de la Cour des comptes. Leur confidentialité est l’exception.

3.4.5.3 La discrétion ayant été souhaitée par le Conseil de fondation, la Cour a dérogé à ce principe. En accord avec la FIPOI, elle a opté pour une mode de diffusion très limité et personnalisé de son rapport.

3.4.5.4 Le but était d’éviter qu’une diffusion tapageuse ne vînt porter une atteinte injustifiée à l’image de la FIPOI.

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3.4.5.5 Au regard de l’ensemble des circonstances régnant au moment précis où l’audit a été conduit, ce risque était plutôt ténu et nous ne sommes personnellement nullement convaincu que les conditions légales pour une dérogation aux règles légales de publicité et de transparence eussent été réunies.

Il en irait peut-être différemment aujourd’hui où une pluie d’audits a déstabilisé l’équilibre interne de la Fondation et où une publicité trop grande pourrait, de ce fait, être dommageable à l’intérêt public.

3.4.5.6 Mais nous voulons bien admettre qu’en cédant à la demande de la FIPOI, la Cour des comptes s’est plus ou moins conformée aux principes que le législateur lui a commandé de respecter en matière de publicité.

3.4.5.7 Quant aux critiques émises à un moment ou à un autre par la FIPOI sur les phases successives de la communication du rapport d’audit, elles sont dépourvues de sérieux. Elles nous paraissent au mieux être le fruit de malentendus liés assez vraisemblablement à une perception subjective du bien-fondé de la première recommandation de la Cour.

3.5 Remarques sur l’usage par la Cour de son pouvoir d’appréciation

3.5.1 Nous ne ferons ici qu’esquisser une appréciation prima facie du contenu du rapport de la Cour des comptes et de l’usage qu’elle a fait de son pouvoir d’appréciation. La description et la critique de ce rapport seront l’objet du prochain chapitre.

3.5.2.1 Le dossier révèle qu’une certaine tension a momentanément existé entre la Cour et la FIPOI qui a paru mettre en cause une partie de la méthode suivie.

3.5.2.2 Nous dirons plus bas ce qu’il faut déduire de ce comportement du Conseil de fondation. Nous nous bornerons ici à nous étonner de ce que, lors de la réunion du Conseil de fondation du 4 août 2015, le rapporteur de la Cour des comptes ait eu à subir une sorte d’interrogatoire dont la forme était plutôt curieuse vu la qualité de magistrat de l’intéressé.

3.5.2.3 Ce comportement est insolite. Il ne le serait pas moins si l’on tentait de l’expliquer par le souci que la rédaction de la première recommandation de la Cour pouvait donner au Conseil de fondation.

3.5.3 Il est patent que la Cour des comptes a accompli dans un minimum de temps un travail considérable.

Selon les termes dont le magistrat rapporteur s’est servi au cours de sa rencontre du 4 août 2015 avec le Conseil de fondation, l’audit aurait même été conduit au pas de charge eu égard à l’agenda de la Cour.

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A nos yeux, cela n’a en rien affecté la fiabilité des constats et de leur appréciation, ni d’ailleurs la fiabilité de l’évaluation des risques, figurant dans le rapport final du 30 juin 2015.

3.5.4 Aucune des critiques émises par la FIPOI, à un moment ou à un autre, sur la conduite de l’audit de la Cour des comptes, n’est propre à mettre en doute ni la crédibilité de cet audit, ni l’objectivité et l’impartialité des personnels qui y ont œuvré. L’essentiel de ces critiques a d’ailleurs porté sur la présentation des faits choisis pour exemples et sur l’opportunité d’appliquer la première recommandation avec la rigueur qu’elle paraît prima facie comporter, plutôt que sur l’appréciation de la situation globale de l’administration de la FIPOI et sur la pertinence de l’évaluation des risques, ce qui est évidemment l’essentiel.

3.5.5.1 La Cour s’est arrêtée à sept domaines dont elle a estimé qu’ils constituaient "les principales thématiques liées à la gouvernance globale" de la FIPOI. Cinq de ces thématiques, traitées aux chapitres 4.1 à 4.5 du rapport d’audit, se rapportent à l’organisation, à la stratégie, à la gestion des risques, à la conformité à la loi et aux méthodes d’information et de communication.

3.5.5.2 Bien que l’analyse de ces thématiques soit importante pour comprendre le bon ou mauvais fonctionnement de la FIPOI dans son ensemble, c’est avant tout les constats opérés dans le cadre de l’analyse des deux autres thématiques (i.e. la surveillance [monitoring] et le respect des règles d’intégrité et d’éthique, traités aux chapitres 4.6 à 4.7 du rapport d’audit) qui ont donné lieu à la plus vive contestation des personnes impliquées et, plus généralement, de la FIPOI en tant que telle.

3.5.6.1 Le Conseil de fondation avait pourtant, alors déjà, accepté quinze recommandations de la Cour avant d’en accepter aussi la première sous une réserve dont il sera question plus bas.

3.5.6.2 Il n’a rejeté que la huitième recommandation dont il a contesté la pertinence au motif qu’elle toucherait à la politique étrangère qui n’est pas de son ressort.

3.5.6.3 Ainsi motivé, ce rejet est surprenant et pour le moins contradictoire puisque ledit conseil ne cesse d’insister sur l’implication directe de la FIPOI dans le rayonnement de la Genève internationale et, partant, de la Confédération suisse.

3.5.6.4 L’acceptation par la FIPOI de la plupart des recommandations de la Cour signifie évidemment que l’audit répondait à une nécessité et que ces recommandations étaient, dans leur principe au moins, utiles et raisonnables. Nous nous en sommes définitivement persuadé en entendant les cadres de la FIPOI.

3.5.7 Rien ne nous permet de mettre en doute ou en discussion la neutralité et le sérieux des constats qui sont cités dans le rapport du 30 juin 2015.

3.5.8 Rien, dans les innombrables éléments recueillis tout au long des investigations complémentaires, ne nous autorise à dire que la Cour aurait abusé de son pouvoir d’appréciation ou l’aurait excédé.

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Synthèse raisonnée

du

rapport du 30 juin 2015

et des

prises de position de la FIPOI

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Préambule

A. Les considérations émise dans les deuxième et troisième parties qui précèdent commande que l’on se pose la question principale de savoir si la situation au sein de l’administration de la FIPOI est à ce point dégradée qu’un suivi attentif, par la Cour des comptes, de la mise en œuvre des quinze recommandations, qui ont été retenues pertinentes d’emblée, ne suffira pas à la normaliser.

Dans la négative, il faudrait se demander si la situation est telle qu’il se justifierait de résilier les rapports de service entre la Fondation et ses deux dirigeants les plus élevés ou les cadres qui leur sont immédiatement subordonnés. Cette solution, envisagée avec plus ou moins de clarté dans la première recommandation de la Cour, serait-elle alors une solution appropriée, raisonnable et conforme aux diverses exigences du principe de la proportionnalité ?

B. A ce propos, une incertitude sourd de certaines déclarations des représentants de la Cour, consignées dans le procès-verbal du 4 août 2015. Elles donnent l’impression que, pris isolément, aucun des faits relevés dans le rapport ne serait "gravissime" et que seul leur ensemble aurait justifié la sévérité des conclusions de l’audit. Une analyse approfondie du dossier laisse au contraire à penser que plusieurs de ces faits, même pris isolément, sont pour le moins d’une certaine gravité eu égard au devoir d’exemplarité qui s’impose constamment, même dans les détails, à ceux qui administrent une entreprise gestionnaire de masses considérables d’argent public.

C. On pourrait prima facie s’étonner qu’au cours de cette réunion, le magistrat-rapporteur ait laissé l’impression d’entrer en discussion au sujet d’une mise en balance de l’intérêt public à la rupture de rapports de travail et des risques financiers de procédures éventuelles de contestation du bien-fondé de ces licenciements. Mais les propos qu’il a tenus à ce propos tendaient évidemment à souligner que, selon la conviction de la Cour, un éventuel procès serait vraisemblablement moins préjudiciable à la FIPOI que le maintien de la direction en place, quels que soient les dommages-intérêts à payer aux intéressés en cas de perte du procès. Les représentants de la Cour ne nous ont en effet pas caché qu’à leurs yeux le départ de la direction actuelle était la condition sine qua non d’une réforme en profondeur, indispensable à une bonne gouvernance de la FIPOI.

Remarque :

La lecture du procès-verbal de la séance du 4 août donne le sentiment curieux qu’on y a raisonné, sur ce point précis, comme si l’on se trouvait sur le terrain du droit public et non sur celui du droit privé qui régit les rapports de travail établis entre la Fondation et ses employés. Un contrat de droit privé peut en effet être résilié dans les termes et délais qu’il prévoit et on ne voit pas qu’une telle résiliation pût avoir les conséquences redoutables envisagées au cours de cette séance. Nos propres recommandations devraient convaincre tout le monde que cette discussion était dénuée de pertinence.

D. Quoiqu’il en soit, la confusion qui transparaît de divers éléments du dossier exigeait que nous nous engagions dans une enquête complémentaire. Avant d’en examiner les résultats, il convient de procéder à une analyse synthétique du rapport de la Cour des comptes.

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4.1 Les constats de la Cour des comptes 4.1.1 Les constats que les organes dirigeants de la FIPOI reconnaissent exacts, sans réserve majeure 4.1.1.1 Consultée par le Conseil, la direction de la FIPOI a d’emblée admis la véracité d’onze constats opérés au cours de l’audit de la Cour des comptes. Elle a certes émis des réserves mineures au sujet de quelques uns de ces constats, mais ces réserves se rapportent plutôt aux illustrations choisies par la Cour parmi les faits innombrables décrits dans les comptes-rendus d’audition qui nous ont tous été remis par la Cour. Ce sont les constats portant les numéros 7, 8, 9, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 21 et 28. 4.1.1.2 Sous la rubrique Stratégie, la Cour constate que les orientations définies au niveau des divisions, dans le cadre du budget ou de la planification quinquennale, ne respecteraient pas les bonnes pratiques liées à l’établissement des objectifs. De surcroît, presque toutes ces orientations ne seraient pas associées à des indicateurs, ce qui aurait pour effet d’empêcher une juste mesure de leurs résultats et une connaissance des délais (N° 7). Les conséquences financières de certains objectifs fixés dans le cadre des entretiens de fin d’année ne seraient par ailleurs pas mesurables (N° 8). 4.1.1.3 Sous la rubrique Gestion des risques, la Cour constate que l’inventaire des risques de la FIPOI ne serait pas fiable. Il présenterait des incohérences compromettant l’établissement et la mise en œuvre d’une stratégie adéquate (N° 9). 4.1.1.4 Sous la rubrique Information et communication, la Cour constate que tant la direction que les divisions et services n’établiraient pas des indicateurs et des tableaux de bord sur des éléments opérationnels. Cela augmenterait la difficulté de piloter de manière adéquate les activités de la FIPOI (N°12). La comptabilité analytique par activités (qui correspondent aux divisions de l’administration de la FIPOI dont nous avons décrit plus haut la structure et les tâches), comporterait des faiblesses de nature à obscurcir la vision des charges et revenus de chacune de ces diverses activités et de chacun des bâtiments dont la FIPOI a la responsabilité à titre de propriétaire ou de gérante (N° 14). 4.1.1.5 Sous la rubrique Surveillance (monitoring), la Cour relève que le directeur par intérim de la division Bâtiments n’exercerait pas une surveillance suffisante du travail des techniciens qui lui sont subordonnés et qui disposent d’une grande autonomie dans l’organisation de leur travail (N° 16). Le contrôle du temps de travail du personnel administratif ne serait pas approprié, ce qui aurait donné lieu à des anomalies et à des erreurs dans la saisie des heures. En particulier, le système de contrôle du temps de travail des collaborateurs de la division Bâtiments serait trop générique pour permettre un suivi de l’activité de maintenance accomplie par ces personnes (N° 17, N°18, N°19).

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Quant à la surveillance proprement dite, elle serait lacunaire. Les contrôles de base, mal ou non formalisé, de même que les activités de contrôle exercées par la direction ne suffiraient pas à garantir l’efficience des mécanismes de contrôle interne (SCI) dans l’ensemble de la Fondation. Les vérifications de la direction ne porteraient que sur les matrices des risques et contrôles relatives aux processus achats, charges et revenus. Contrairement à ce qu’exigent les principes du SCI que la FIPOI devrait respecter, le Conseil de fondation n’aurait pas reçu de rapport annuel sur ce mécanisme de contrôle interne. Seuls les risques stratégiques auraient été portés à sa connaissance (N° 21). 4.1.1.6 Sous la rubrique Intégrité et éthique, la Cour rapporte qu’un cercle restreint de collaborateurs, y compris des cadres, organiserait des repas avec l’argent reçu pour la vente du cuivre récupéré lors de travaux, au mépris tant de l’égalité de traitement que de l’intérêt financier de l’employeur (N° 28). 4.1.2 Les constats que les organes dirigeants de la FIPOI reconnaissent fondés en partie seulement ou avec des réserves plus ou moins importantes 4.1.2.1 Les constats numéros 2, 3, 4, et 23 ne sont qu’en partie contestés ou le sont avec des réserves plus ou moins importantes.

4.1.2.2 Sous la rubrique Organisation, la Cour relève que la bonne gouvernance de la Fondation est entravée par des insuffisances documentaires. Les étapes de processus importants, comme ceux qui s’appliquent au traitement des projets de construction, ne seraient pas décrits et formalisés. Le document sur les principes du SIC serait lui-même incomplet : il ne dirait pas à qui doivent s’adresser les collaborateurs qui identifient un dysfonctionnement causé par un membre de la direction, ni quand ces collaborateurs ont le devoir de saisir directement le Conseil de fondation des constats qu’ils ont faits (N° 2). L’insuffisance documentaire s’étendrait aux dispositions de portée générale, directives incluses, qui ne mentionneraient pas toujours les dates de leur validation et de leur entrée en vigueur, ni - du moins avec une précision suffisante - l’identité de l’organe compétent pour les valider et leur champ d’application (N° 3). 4.1.2.3 Sous la rubrique Stratégie, la Cour constate qu’il n’existe pas de plan, systématisé par la direction, pour l’ensemble de la FIPOI permettant de faire le lien entre mission, vision, valeurs et objectifs ou orientations stratégiques. La cohérence transversale des activités serait entravée par l’ignorance de ces données de base, dans laquelle se trouverait la grande majorité des collaborateurs entendus par la Cour. (N° 4) 4.1.2.4 Sous la rubrique Surveillance (monitoring), la Cour relève le risque de litiges, résultant de ce que certaines prestations relatives à l’entretien des bâtiments ne font pas l’objet d’un contrat écrit (N° 23).

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4.1.3 Les constats dont les organes dirigeants de la FIPOI contestent radicalement l’exactitude

4.1.3.1 La direction de la FIPOI taxe d’inexacts ou de faux quatorze des vingt-neuf constats opérés par la Cour des comptes. Ce sont les constats numéros 1, 5, 6, 10, 11, 13. 15, 20, 22, 24, 25, 26, 27 et 29. 4.1.3.2 Sous la rubrique Organisation, la Cour donne une appréciation critique des motifs qui ont conduit la FIPOI à modifier son organigramme à la fin du mois de mars 2015, alors que l’audit était en cours. Cette modification n’aurait pas tendu à améliorer la qualité de la gestion, mais à résoudre des problèmes de personnes. Ainsi, le poste d’expert confié à C., ancien chef de division, aurait été créé à seule fin de déplacer ce chef dont les compétences étaient contestées (N° 1). 4.1.3.3 Sous la rubrique Stratégie la Cour fait part de sa perplexité devant l’absence d’une définition et d’une communication des objectifs stratégiques. Faute d’une réflexion appropriée, nul ne serait en mesure de s’assurer que la gestion des ressources est efficiente. La problématique serait d’autant plus inquiétante que les activités et les responsabilités financières de la Fondation devraient s’accroître au cours de ces prochaines années (voir au chiffre 2.3.4 du présent rapport). (N° 5). La Cour relève, plus concrètement, des imprévoyances fautives dans la gestion du parc immobilier de la Fondation. Fussent-elles exactes, qu’elles relèveraient manifestement de l’incurie. Ces imprévoyances fautives concerneraient en effet, plus particulièrement, le défaut d’une planification locative pour l’Immeuble administratif de Varembé (IAV) dont l’extension est en cours. Les projets locatifs indiqués par la direction ne pourraient se réaliser qu’au détriment des surfaces qui étaient disponibles dans cet immeuble avant son extension. Elles concerneraient aussi l’Immeuble administratif de l’avenue de France (IAF), également propriété de la FIPOI. Faute d’une stratégie commerciale qui lui aurait permis de prendre en compte la concurrence d’un bâtiment à fonction universitaire récemment construit à proximité (Maison de la Paix), la FIPOI se serait trouvée dans l’obligation de louer d’importantes surfaces à des administrations publiques et à des particuliers, alors que l’immeuble était prioritairement destiné à l’hébergement de missions diplomatiques et d’organisations non gouvernementales. (N° 6) 4.1.3.4.1 Sous la rubrique Conformité aux bases légales et réglementaires, la Cour traite d’une des déficiences les plus graves dans la gouvernance de la FIPOI. Celle-ci aurait violé les dispositions de son propre règlement sur les procédures d’adjudication des marchés publics. Elle aurait par exemple adjugé de gré à gré sans mise en concurrence de grosses prestations de nettoyage pour deux bâtiments alors que, vu les montants en jeu, ce procédé n’aurait plus été conforme audit règlement. De même, les travaux périodiques d’entretien du Centre international de conférences (CICG) auraient été attribués sur invitation au motif que les coûts exigeant un appel d’offres n’auraient pas été atteints l’année précédente ; ce motif serait sans pertinence dès lors

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qu’à réception de l’offre acceptée, la FIPOI n’aurait pu ignorer que les travaux coûteraient plus que les montants pour lesquels une procédure ouverte est exigée. (N° 10) 4.1.3.4.2 Dans ce dernier cas, le règlement aurait en outre été détourné par le mode de calcul du coût déterminant pour le choix de la procédure d’adjudication. Ce coût aurait été calculé pour chaque bâtiment, alors que le prestataire concerné serait au bénéfice d’autres contrats pour le compte de la FIPOI, dont le montant total exigerait une procédure ouverte. Cela viendrait de ce que la FIPOI n’aurait pas défini les éléments à prendre en considération pour déterminer un marché de manière uniforme. (N° 11)

4.1.3.5.1 Sous la rubrique Information et communication, la Cour dénonce d’importantes faiblesses dans l’information qui ne serait pas toujours pertinente ou ne serait pas toujours remise à temps aux bons destinataires. 4.1.3.5.2 Faute de retour sur les travaux demandés par les locataires, le service Gérance - qui compte deux employés chargés de gérance dépendant directement du directeur adjoint - ne serait pas en mesure d’effectuer un suivi correct de ces travaux. 4.1.3.5.3 Faute d’être informée sur la disponibilité des locaux de l’IAF, la division Conférences n’aurait pas toujours été à même de répondre à des demandes de location de longue durée. 4.1.3.5.4 Les contrats d’entretien et les plans des bâtiments seraient souvent difficilement accessibles aux collaborateurs de la division Bâtiments avec le risque de ne pouvoir contrôler si ces travaux sont faits ou s’ils ne sont pas facturés à double. La direction ne communiquerait pas systématiquement et de manière pertinente les décisions du Conseil aux collaborateurs concernés. Les modifications des normes et directives applicables, comme celles relatives à l’adjudication de travaux, sont certes mises à la disposition des collaborateurs mais ne seraient pas toujours présentées de façon adéquate. De même, les conclusions d’audits antérieurs n’auraient pas été portées assez clairement à la connaissance de collaborateurs qui ne seraient dès lors pas en mesure de savoir comment modifier leur comportement pour éviter des conflits d’intérêts. (N° 13) 4.1.3.6.1 La Cour dénonce des faiblesses comparables dans la comptabilité analytique. Celle-ci ne permettrait pas d’avoir une vision assez fiable des charges et revenus imputables aux activités de la Fondation qui se rapportent soit à la gérance des bâtiments dont elle a la charge (propriété ou gestion sous mandat), soit à l’organisation des disponibilités pour les conférences, soit encore aux frais de structure, soit, plus généralement, au soutien à la Genève internationale qui est la mission primordiale de la FIPOI. 4.1.3.6.2 Dans le compte 2014 aucun frais de structure n’aurait été imputé à l’activité Genève internationale qui bénéficie des services de plusieurs divisions ; il en résulterait une baisse artificielle, correspondante, des charges imputées à cette activité. 4.1.3.6.3 Quant aux frais de structure imputés aux bâtiments et activités ils ne seraient pas représentatifs de leurs coûts réels. Ainsi la comptabilisation de frais de la division

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Conférences ne prendrait pas en compte la refacturation de charges à ses clients. (N° 14) 4.1.3.7.1.1 Sous la rubrique Surveillance (monitoring), la Cour met l’accent sur d’inquiétants problèmes de gouvernance. 4.1.3.7.1.2 La direction ne s’impliquerait pas de manière adéquate dans la gestion et des responsables subalternes effectueraient des tâches qui devraient être du ressort de la direction. Celle-ci n’aurait pas une vue d’ensemble des activités de ses divisions et services qui agiraient de manière autonome sans entretenir entre elles et avec la direction les liens nécessaires à la bonne marche de l’entreprise. Leur mode de fonctionnement relèverait d’une sorte d’autogestion (le mot est nôtre) dépourvue de transversalité. La division financière ne jouerait pas son rôle de conseil et de vérification, la direction ne l’impliquant pas assez dans les aspects financiers des grands projets. L’allocation des ressources ne répondrait pas toujours aux exigences du principe d’efficience. Des demandes de postes supplémentaires auraient ainsi été faites sans une analyse préalable suffisamment concrète des besoins à satisfaire ; un chef de division aurait géré directement une demande de subvention fédérale ; un montant de près d’un million de francs (recte : 900.00.-), affecté à l’équipement de la salle de conférences, à aménager dans l’extension de l’IAV, n’aurait pas été inscrit au plan financier y relatif. (N° 15) 4.1.3.7.2.1 Le constat suivant a conduit la Cour des comptes à s’inquiéter de la manière dont il serait donné suite à son rapport. Cela pourrait expliquer la rigueur apparente de sa première recommandation. 4.1.3.7.2.2 Les contrôles détaillés de l’analyste Bd. n’auraient en effet porté que sur la division Conférences à l’exception d’autres divisions, et notamment de la division Bâtiments ou de la division Projets de constructions où les risques de fraude seraient pourtant plus élevés. 4.1.3.7.2.3 Qui plus est, le mandat de l’audit Bd. a été géré par le directeur adjoint mis en cause personnellement par la dénonciation qui a causé in fine l’intervention de la Cour. 4.1.3.7.2.4 Celle-ci fait aussi observer qu’il eût appartenu à la direction de s’impliquer dans la gestion du mandat Sw. et de ne pas confier cette tâche aux seuls responsables de la division Bâtiments dont l’audit Em., conduit un an plus tôt, avait relevé les déficiences. 4.1.3.7.2.5 Seules trois recommandations sur les vingt-quatre formulées au total par les audits Em. et Bd. auraient été mises en œuvre à la date du 31 mars 2015. Or, certaines de ces recommandations portaient sur les points essentiels de l’organisation et de la culture d’entreprise. (N° 20) 4.1.3.7.2.6 Toujours dans ce chapitre, la Cour revient sur le défaut de mettre en concurrence les entreprises prestataires de l’entretien des bâtiments et de la recherche des locataires des surfaces disponibles à l’IAF. (N° 22)

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4.1.3.8.1 Sous la rubrique Intégrité et éthique, la Cour a tout d’abord rappelé le code de conduite applicable au sein de la FIPOI, qui a été révisé en cours d’audit. 4.1.3.8.2 Ce code rappelle le devoir des collaborateurs d’informer la direction sur les risques et dysfonctionnements qu’ils identifient, de telle sorte qu’il puisse y être paré à temps. 4.1.3.8.3 Il rappelle que les procédures d’adjudication doivent être constamment guidées par les principes de l’intérêt public, de l’égalité entre les candidats, à qui doit être garantie une concurrence équitable et loyale, et de l’impartialité des agents qui, appelés à participer à tous niveaux au processus d’adjudication, doivent, d’une part, se récuser en cas de conflit d’intérêts et, d’autre part, aviser leur supérieur des liens personnels ou économiques qu’ils pourraient avoir avec des soumissionnaires. 4.1.3.8.4 Le code fait interdiction aux cadres et employés d’accepter avantages ou cadeaux dans l’exercice de leurs tâches. En contractant avec la FIPOI, les entreprises s’engagent à ne pas "solliciter ses collaborateurs par un quelconque intéressement et à refuser toutes sollicitations de leur part ". Le 27 mars 2015, une directive a été modifiée pour interdire au personnel, d’une part, de fournir des prestations à d’autres collaborateurs ou à des tiers pendant le temps de travail et, d’autre part, d’utiliser les ressources de la Fondation en dehors de ce temps. 4.1.3.8.5 En violation de ce code de conduite, le directeur serait intervenu oralement dans la sélection des prestataires, pour favoriser certains d’entre eux ou demander l’intégration de l’offre d’entreprises non soumissionnaires. Il aurait de la sorte non seulement compromis l’équité du round de négociation (avec pour conséquence l’impossibilité d’établir un rapport optimal prestation/prix), mais aussi, de manière plus générale, causé un important dégât d’image à la Fondation et compromis l’instauration d’une culture d’éthique appropriée à la mission de celle-ci (N° 24). 4.1.3.8.6 Le directeur aurait délibérément empêché que ne remonte aux commissions consultatives (financière et technique) un dépassement important de budget, consécutif à une omission dans le plan financier relatif à l’équipement de la salle de conférences IAV (les 900.000 francs dont il a été question plus haut). 4.1.3.8.7.1 Plus généralement, le directeur n’aurait pas fourni au Conseil de fondation et aux deux commissions consultatives (technique et financière) des informations complètes et correctes sur des éléments importants empêchant par là ces organismes d’apprécier objectivement la culture éthique de l’organisation. (N° 25) 4.1.3.8.7.2 L’absence de culture éthique est apparue évidente à la Cour lorsqu’elle s’est vue contrainte d’entendre à deux reprises des cadres et employés qui lui auraient donné des renseignements inexacts, s’étant préalablement concertés avec des personnes entendues, de même grade ou de grade supérieur. Sur ce point précis, la Cour démasque une violation des normes sur la surveillance de l’Etat qui font aux personnes appelée à donner des renseignements, le devoir de renseigner et de collaborer. (N° 26)

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4.1.3.8.7.3 Il aurait existé au sein de la FIPOI une pratique générale d’utilisation des ressources de l’entreprise à des fins privées, pendant les heures de travail ; des travailleurs appelés à fournir de telles prestations (désormais, en tout cas, illicites en vertu du code de conduite modifié en mars 2015), n’y auraient pas fait objection par crainte de représailles. (N° 27) 4.1.3.8.8.1 L’environnement de travail ne bénéficierait pas d’une exemplarité de la direction dont la culture éthique ne serait pas une préoccupation primordiale. Des tensions seraient palpables sur le lieu de travail, soit entre les divisions, soit au sein de celles-ci et notamment au sein de la division Bâtiments. 4.1.3.8.8.2 Qui plus est, la direction s’inquiéterait assez peu du nécessaire respect mutuel entre les sexes, pour que des membres de la "direction élargie" prennent la liberté d’adresser à des collaboratrices de sexe féminin des commentaires sur leur émotivité… voire sur leur anatomie (N° 29) ! 4.2 La description des risques liés aux déficiences constatées 4.2.1 Les faiblesses, déficiences ou irrégularités présentées ci-dessus ont amené la Cour à identifier d’importants risques. 4.2.2.1 La FIPOI courrait tout d’abord un risque opérationnel faute d’un organigramme répondant aux besoins, d’une surveillance adéquate des activités, d’une stratégie formalisée et communiquée disant à chacun ce qu’il doit faire et pourquoi il doit le faire, d’une information ponctuelle satisfaisante des collaborateurs, d’une collaboration transversale entre les divisions ou services et d’une maîtrise suffisante des risques toujours afférents à l’exercice des diverses activités. 4.2.2.2 L’absence d’un organigramme répondant aux besoins et la maîtrise insuffisante des risques toujours afférents à l’exercice des diverses activités engendreraient ensuite un risque financier qui résulterait aussi d’une comptabilité analytique déficiente et de l’utilisation inefficace des ressources (notamment en ce qui concernent les surfaces vacantes dans les immeubles gérés). Ce risque serait d’ailleurs aggravé par la conclusion de contrats non soumis à la signature des adjudicataires, par l’implication insuffisante de la direction dans les projets dits "stratégiques" et par l’adjudication de prestations de service ou de travaux au terme d’une procédure sur invitation ou de gré à gré, alors qu’il eût fallu ouvrir une procédure ouverte de mise en concurrence. 4.2.2.3 La plupart de ces déficiences engendrerait en outre un risque de contrôle aggravé tant par le défaut de directives précises et adéquates que par l’absence d’une identification systématique des marchés qui permettrait de vérifier efficacement le respect du règlement ad hoc et de rectifier les irrégularités. 4.2.2.4 Il existerait en outre un risque de conformité dès lors que les principes du système de contrôle interne (SCI) ne seraient pas respectés et que, faute d’une possibilité de déterminer correctement la valeur des marchés qui ne nécessitent pas l’ouverture d’un concours, la FIPOI pourrait être amenée à utiliser des procédures autres que celles qui devraient régir les adjudications.

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4.2.2.5 Les faiblesses dans l’organisation, le manque de lisibilité de la stratégie, les défauts dans la communication interne, l’absence d’une surveillance appropriée des activités et les manquements constatés en matière d’intégrité et d’éthique, comporteraient un risque d’image dommageable à la perception que le personnel et les partenaires doivent avoir d’une fondation vouée à l’accomplissement d’une mission élevée. 4.2.2.6 Un important risque de fraude résulterait enfin des défauts du système de contrôle interne et de l’éthique peu rigoureuse que révèlent certaines pratiques en matière de conclusion de contrats de prestations, des ingérences directoriales inadmissibles dans les appels d’offres et l’adjudication de travaux sans la mise au concours qui eût dû être requise. 4.3. La prise de position des organes dirigeants de la FIPOI 4.3.1.1 A réception du projet de rapport d’audit, les président et vice-président du Conseil de fondation, qui étaient seuls alors en possession de ce document, ont invité la direction à se déterminer sur les constats qui y figuraient. Le Conseil a ainsi pu prendre position en toute connaissance de cause sur chacun de ces constats et sur toutes les illustrations de dysfonctionnements données par la Cour. Sous sa forme initiale, cette prise de position a été incluse dans le rapport d’audit conformément au droit cantonal applicable. 4.3.1.1.1 Elle a ensuite été développée pendant le mois de juillet 2015 sur la base des explications de tous les services concernés. 4.3.1.1.2 Certaines des observations de la FIPOI sont d’un intérêt plutôt mineur en tant qu’elles reviennent à contester les exemples cités par la Cour. D’autres sonnent comme un reproche fait à la Cour de mettre l’accent sur des points qui font l’objet de correctifs en voie d’établissement. 4.3.1.1.3 La majeure partie et les plus importantes des contestations se rapportent aux constats relatés dans les chapitres Surveillance (monitoring) et Intégrité et éthique. 4.3.2 La Cour s’est elle-même exprimée de manière concrète sur les observations de la FIPOI qui ne l’ont pas conduite à modifier en quoique ce soit le résultat de ses investigations et de ses analyses. 4.3.3 La présente enquête a tenté de vérifier si, traités de façon générique et dans leur ensemble, les constats critiqués sont ou non suffisamment fondés pour qu’on puisse se forger une conviction dont l’expression soit utile à la mandante.

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4.4 Les recommandations de la Cour destinées à parer aux risques qu’elle a décrits et l’acceptation de ces recommandations par la FIPOI 4.4.1 La Cour des comptes a formulé dix-sept recommandations pour parer à ces risques. 4.4.2.1 Au cours de sa séance du 4 août 2015, déjà évoquée plusieurs fois, le Conseil de fondation a définitivement retenu comme pertinentes quinze de ces recommandations. Il s’est déclaré soucieux de la bonne gouvernance de la FIPOI qui, comme instrument central de la politique de l’Etat hôte, jouerait son rôle à l’entière satisfaction de ses fondateurs et dont les prestations seraient universellement reconnues et appréciées par les clients (organisations internationales et missions diplomatiques). 4.4.2.2 Il s’est donc engagé à arrêter et mettre en œuvre les mesures d’exécution de ces quinze recommandations, à compléter le tableau de suivi présenté par la Cour et à engager avec elle le processus de suivi au cours des trois prochains exercices. 4.4.3 Le Conseil a, en revanche déclaré non pertinente la huitième recommandation, relative à la communication externe, au motif que sa mis en œuvre ne relèverait pas de sa compétence, mais de celle de l’autorité politique. Nous ne partageons pas ce point de vue pour la raison sommairement indiquée au chiffre 3.5.6.3. 4.4.4 Il ne nous incombe pas de détailler et d’apprécier les recommandations que le Conseil de fondation a retenues pertinentes. Mais, dans l’hypothèse où nous arriverions à la conclusion définitive que les constats de la Cour des comptes sont justes, il lui faudrait cependant tenir compte de l’ensemble de ces recommandations pour déterminer, premièrement, si l’administration actuelle de la FIPOI est capable de les mettre solidement et rapidement en œuvre, et, deuxièmement, si cette mise en œuvre suffirait non seulement à remédier aux dysfonctionnements actuels de l’administration de la FIPOI mais aussi à prévenir la réitération des mêmes dysfonctionnements ou d’autres dysfonctionnements comportant les mêmes risques à court ou moyen terme. Dans la négative, il s’imposerait d’appliquer sans retard la première recommandation dans son interprétation la plus rigoureuse. 4.4.5.1 La première recommandation de la Cour des comptes se lit comme il suit : 4.4.5.2 Au vu des nombreuses lacunes constatées en matière de gestion et d’éthique, la Cour recommande au Conseil de fondation de prendre toutes les mesures nécessaires en matière de ressources humaines, en envisageant notamment des modalités de fin des rapports de travail avec les cadres concernés par les constats du présent rapport. Cela permettra de changer "la culture de gestion de la FIPOI" et d’instaurer une direction faisant preuve d’exemplarité dans son comportement. 4.4.5.3 Le Conseil de fondation s’est d’emblée montré réservé sur l’opportunité de cette recommandation. A l’issue d’une séance extraordinaire tenue le 20 août 2015, il a fini par l’accepter dans la perspective de sa stratégie à moyen terme pour la direction de la Fondation.

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4.4.5.4.1 Dans une communication au magistrat rapporteur de la Cour des comptes, il a précisé comme il suit le sens de cette acceptation : 4.4.5.4.2.1 Lors de la séance du 4 août 2015 avec le Conseil de fondation, vous avez expliqué qu’à votre sens la fin des rapports de travail devait être vue comme l’une des mesures qui devrait être envisagée, tout en notant que le Conseil était libre dans le choix de la solution et que l’audit ne présentait pas d’élément qui vous paraissait de nature telle qu’il fasse envisager une rupture immédiate du contrat de travail. Cela dit, les constats de la Cour étant de caractère grave et la recommandation 1 portant à conséquence, le Conseil a décidé de mandater un examen indépendant externe des constats de la Cour et des explications de la direction portant sur les questions de prise d’influence sur la sélection de fournisseurs et de l’utilisation privée de ressources de la FIPOI. Il formera, d’ici fin octobre 2015, son appréciation en vue des mesures à prendre dans le domaine des ressources humaines. A la demande de la Délégation des finances des Chambres fédérales, la personnalité chargée de mener cet examen sera nommée et mandatée par le Chef du Département des affaires étrangères. 4.4.5.4.2.2 L’interprétation que le Conseil donne, dans cette communication, des expressions verbales du magistrat rapporteur, relatives à la portée de la première recommandation de la Cour, est discutable. Tenus dans un contexte assez singulier, les propos auxquels il se réfère ne sont peut-être pas tous d’une clarté céruléenne. Mais, confrontés à la teneur de la recommandation discutée, aux constats qui l’ont motivée et aux autres propos tenus par les deux représentants de la Cour à la réunion du 4 août, il est raisonnable de leur donner le sens suivant : 4.4.5.4.2.3 Les faiblesses organiques de l’administration de la FIPOI, la non observance de normes, écrites ou non, se traduisant par des irrégularités dans l’attribution de marchés publics et par l’allocation d’avantages privés indus, le cloisonnement excessif des divisions, des services et de leurs agents, qui empêche une vue d’ensemble et une surveillance adéquate et les autres dysfonctionnements révélés par l’audit commandent au Conseil d’envisager la possibilité de changements à bref délai des dirigeants de la Fondation, comme un moyen de prévenir la survenance de risques graves, vu l’accroissement prochain des tâches confiées à cette fondation. 4.4.5.4.2.4 La prudence verbale dont le magistrat rapporteur a fait preuve, au cours de la réunion précitée et dans la rédaction de la première recommandation, témoigne en effet de ce que la Cour n’a pas voulu imposer une solution déterminée au Conseil, mais a envisagé le changement de personnes comme une solution efficace, le coût d’un éventuel procès entre employeur et employés n’étant pas significatif au regard des préjudices qui pourraient résulter du maintien d’une organisation inefficiente au moment où les responsabilités de la FIPOI vont s’accroître massivement.

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Les investigations

complémentaires

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5.1 Remarques sur la coopération multiple dont nos investigations ont bénéficié 5.1.1 5.1.1.1 Il faut souligner la coopération sans faille qui fut celle du Secrétaire-général du DFAE et du président du Conseil de fondation. Ils furent nos contacts permanents, l’un auprès de la mandante, l’autre auprès de la FIPOI. Le président du Conseil de fondation a en particulier servi d’intermédiaire constant et fort disponible avec la direction de la FIPOI et les cadres appelés à lui donner des renseignements. Cela a permis à donner aux auditions la distance nécessaire à la sincérité des déclarations. 5.1.1.2 Il sied de saluer également la disponibilité du directeur du Contrôle fédéral des finances qui, soit spontanément, soit sur requête, lui a donné quelques renseignements utiles sur les circonstances dans lesquelles l’organe qu’il dirige a été amené à s’adresser, le 10 novembre 2014, à la Cour des comptes de la République et Canton de Genève. 5.1.1.3.1 Il n’allait pas de soi que ladite Cour des comptes, organe cantonal indépendant, collaborât à la présente expertise, d’autant plus que la mise en place de celle-ci pouvait paraître à ses magistrats comme un signe de défiance envers les travaux qu’elle avait accomplis et envers leurs résultats. Après en avoir délibéré, elle l’a cependant fait, sans réserves majeures. Mais elle a exigé une garantie écrite que les données personnelles qu’elle allait nous transmettre serait traitées avec une confidentialité absolue. 5.1.1.3.2 Sans son apport documentaire massif des extraits de tous ses procès-verbaux, la vérification du bien-fondé de ses constats aurait nécessité une sorte de contre-audit inutilement coûteux et, surtout, déstabilisant pour la FIPOI. C’est grâce à cet apport que les investigations complémentaires du soussigné ont pu s’arrêter – avec l’accord de la mandante - à une audition serrée des cadres de la FIPOI, mesure qui s’inscrivait parfaitement dans la ligne des divers objectifs du mandat. 5.1.2 5.1.2.1.1 On signalera enfin la correction, la courtoisie et la coopération de toutes les personnes appelées à donner des renseignements, lors des auditions et de la préparation de celles-ci. Cela ne nous autorise naturellement pas à préjuger, de quelque manière que ce soit, de la crédibilité de toutes les déclarations faites au cours des investigations. 5.1.2.1.2.1 Rappelons cependant un événement qui, pour être apparemment anodin, revêt une signification exemplaire : 5.1.2.1.2.2 Hormis le cahier des charges de chaque responsable à entendre, nous avons souhaité recevoir, avant les auditions, son contrat de travail et son curriculum vitae. Le mandat - axé sur la première recommandation de la Cour - présuppose en effet qu’on réponde notamment à la question de savoir si chaque membre du personnel d’encadrement de la FIPOI est bien the right man in the right place et - dans l’éventualité où tel ne serait pas le cas - quelles pourraient être les conséquences

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concrètes soit d’une résiliation du contrat de travail, soit d’une mutation interne de l’intéressé. 5.1.2.1.2.3 Nul n’a donc contesté la pertinence de cet apport documentaire dont le président du Conseil de fondation devait requérir la production par le directeur avant de nous le faire parvenir. Tous les intéressés se sont exécutés. 5.1.2.1.2.4 L’un d’eux, certes "sur le départ" mais qui semble pourtant avoir toujours été loyal et soucieux de la bonne marche de la maison, s’est cependant énergiquement refusé à remettre au directeur les documents demandés, réservant sa production au seul expert soussigné qui les a donc reçus de sa main au début de son audition. 5.1.2.1.3 Cet incident suscite la perplexité 5.1.2.1.3.1 Est-il concevable que le directeur d’un établissement d’utilité publique n’ait pas à sa disposition, dans ses dossiers, le contrat de travail et le curriculum vitae de ses employés, au nombre d’à peine cinquante, ou, dans le cas contraire, qu’il ne soit pas en mesure d’obtenir de ce personnel qu’il l’autorise à remettre ces documents à un expert chargé par le gouvernement dont dépend cet établissement de chercher des solutions pour parfaire la bonne marche dudit établissement ? 5.1.2.1.3.2 Ce comportement de résistance n’est-il pas un indice fort de ce que la gestion du personnel de la FIPOI manque d’une autorité minimale et qu’elle est pour le moins peu propice à l’éclosion de la confiance réciproque (entre employeur et employés) qui est indispensable à la bonne marche de toute entreprise ? 5.1.3 Le Département des affaires étrangères, le Contrôle fédéral des finances, le Conseil de fondation et le personnel entendu nous ont remis les pièces suivantes qui complètent la documentation énumérée plus haut (au chiffre 1.3): - mandat, cahier des charges et normes (conditions générales de la Confédération relatives à l’achat de services) applicables à l’expertise - cahiers des charges, curriculum vitae et contrats individuels de travail des cadres appelés à donner des renseignements - organigramme nominal de la FIPOI - liste du personnel de la FIPOI, avec la fonction de chacun et, le cas échéant, l’indication de leur éventuelle audition par la Cour

- courrier anonyme reçu le 11 juin 2014 (i. e. dénonciation reçue et transmise au Secrétariat du DFAE pour traitement

- article de la Tribune de Genève du 30 juin 2014 - lettre du 10 novembre 2014 du Contrôle fédéral des finances au Conseil de fondation en rapport avec l’audit confié à l'entreprise Bd..

- lettre du 5 décembre 2014 du Conseil de fondation au Contrôle fédéral des finances qui aurait conduit celui-ci à "douter une fois de plus de l'indépendance et des capacités de gestion de cet organe"

- lettre du 5 décembre 2014 de la Fondation au Contrôle fédéral des finances - original lisible du tableau des investissements de la FIPOI - détermination écrite particulière sur les reproches concernant l’une des personnes entendues - plaquette éditée pour le jubilé de la FIPOI

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5.2 L’apport de la Cour des comptes 5.2.1.1 Ce serait faire injure au pouvoir républicain genevois que de rappeler avec trop d’insistance que la Cour des comptes est une autorité publique de contrôle instituée par la loi, dont les membres ont la qualité de magistrats et qui ne connaît d’autre maître ou mandataire que l’intérêt public au bon fonctionnement des entités qu’elle auditionne. Ses travaux ne sauraient donc être évalués de la même manière que doivent l’être ceux d’un bureau privé de services aux entreprises du type de ceux que la Fondation a mandatés antérieurement ou parallèlement. 5.2.1.2 Il sied donc de souligner que les critiques qui ont été adressées in casu à cet organe ne peuvent le placer dans la position d’un accusé, ou dans celle d’une partie à une procédure civile ou administrative, tenue de justifier un comportement ou d’établir un fait dont elle veut déduire un droit. 5.2.1.3.1 Les intéressés ont certes une prétention - reconnue par le droit cantonal qui régit les enquêtes de la Cour - à formuler des observations sur les constats que celle-ci a faits, sur les conclusions qu’elle en a tirées ou sur les recommandations qu’elle a formulées. 5.2.1.3.2 Mais ces observations, voire ces dénégations, ne peuvent, à elles seules, amoindrir la crédibilité des conclusions de la Cour lorsque, comme ce fut le cas en l’espèce, ces conclusions reposent sur l’examen circonstancié et impartial de tous les documents pertinents disponibles et sur l’analyse neutre d’innombrables comptes-rendus d’audition des personnes les mieux informées. 5.2.1.4 Nous avons dit plus haut que le régime collégial des investigations de la Cour, de même que la procédure stricte que lui dicte la loi, commandent de présumer le sérieux et la neutralité de ses travaux, qui ne peuvent, partant, être mis en doute avec légèreté. 5.2.1.5 La Cour des comptes a suivi scrupuleusement les normes de procédure applicables (voir plus haut au chiffre 3.4.2.1). L’expert soussigné se bornera donc à examiner si, parmi les constats du rapport d’audit, il en existe qui reposent sur des erreurs matérielles grossières ou sur l’omission de faits pertinents ou décisifs que la Cour aurait refusé de rectifier en méconnaissant arbitrairement la crédibilité de certaines observations de la FIPOI. S’il s’avérait que la Cour serait tombée dans l’arbitraire en constatant certains faits, encore faudrait-il que ce vice ait faussé son appréciation du fonctionnement de la FIPOI. 5.2.2.2 S’il s’avérait que les constats de la Cour ne sont ni arbitraires, ni erronés, ni lacunaires, l’expert vérifiera simplement si les faits constatés sont révélateurs des dysfonctionnements globaux décrits par elle et si ces dysfonctionnements sont assez graves pour mettre en œuvre la première de ses recommandation dans ce qu’elle envisage de plus rigoureux. 5.2.2.3 Une mise en cause des constats de la Cour, qui sortirait du cadre ainsi tracé, ne serait concevable que si l’expert soussigné avait pour mission de mettre en œuvre

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un nouvel audit contradictoire. Ce n’est pas la volonté de la mandante et nous n’avons pas été doté de moyens temporels, matériels et personnels comparables à ceux dont a disposé la Cour, ce qui eût été nécessaire à la conduite d’un tel audit. Au demeurant, l’audition des cadres de la FIPOI nous a convaincu que la réouverture d’une enquête approfondie n’aurait aucun sens. 5.2.3

5.2.3.1.1 C’est dans cette perspective restreinte que la mandante nous a autorisé à rencontrer la Cour des comptes, auteur de l’audit à l’issue duquel a été formulée la première recommandation dont la portée et l’application fait l’objet de la présente expertise. Le président du Conseil de fondation n’a pas élevé d’objection contre cette mesure d’investigation. 5.2.3.1.2 Le 21 septembre puis le 14 octobre 2015, nous avons donc rencontré pendant plusieurs heures à Genève, au siège de la Cour des comptes, le magistrat rapporteur Py, accompagné du directeur d’audit Blg qui, avec deux subordonnés, l’a assisté tout au long de la procédure d’audit. 5.2.3.2 Après la dissipation d’une certaine méfiance liée à la crainte que le rôle de la Cour ne soit méconnu au point qu’elle soit traitée comme si elle avait à se justifier, ces personnes se sont montrées très coopératives. Elles ont répondu de manière complète et approfondie à toutes les questions que nous leur avons posées. 5.2.3.3.1 Ainsi que nous l’avions demandé par téléphone au magistrat rapporteur, la Cour nous a remis les extraits pertinents des comptes-rendus, dûment "anonymisés", de toutes les auditions auxquelles elle a procédé. Nous avons pu constater la fidélité de ces extraits à l’occasion de la présentation sur écran de l’un ou l’autre des comptes-rendus intégraux. 5.2.3.3.2 La Cour nous a, de surcroît, remis les pièces suivantes qui complètent la documentation énumérée plus haut, aux chiffres 1.3 et 5.1.3: - première page-type d’un procès-verbal d’audition - liste des fondations genevoises de droit public - rapport du Conseil fédéral des finances du 15 mai 2014 - règlement du Conseil d’Etat genevois du 10 décembre 2014 sur l’établissement des états financiers - lettre du 21 janvier 2015 du Contrôle fédéral des finances à la Cour - courriel du 21 janvier 2015 du directeur d’audit B. au président du Conseil de fondation - lettre du 21 janvier 2015 de la Cour au président du Conseil de fondation

- lettre du même jour de la Cour au président du Conseil de fondation - lettre du 2 septembre 2015 de la Fondation à la Cour - lettre du 7 septembre 2015 de la Cour au président du Conseil de fondation

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5.2.3.4 La Cour nous a demandé de signer la déclaration suivante de confidentialité : Enquête administrative FIPOI / Engagement de confidentialité M. Claude ROUILLER, ancien Président du Tribunal fédéral, a été chargé par le Département fédéral des affaires étrangères d’une mission d’enquête faisant suite au rapport no 90 : "Audit de gestion – Gouvernance de la fondation des immeubles pour les organisations internationales", achevé par la Cour des comptes le 30 juin 2015.

Dans ce contexte, il souhaite s’entretenir des résultats de cette mission avec un membre et un collaborateur de la Cour

M. Claude ROUILLER s’engage à ne divulguer aucune information confidentielle quant à la mission accomplie par la Cour des comptes auprès de la FIPOI auprès de quelque tiers que ce soit, information de nature à mettre en cause personnellement l’une ou l’autre des personnes appelées par la Cour à lui donner des renseignements.

Il a pris note en particulier de l’interdiction faite aux membres et aux collaborateurs de la Cour des comptes par l’art. 40 de la loi cantonale sur la surveillance de l’État du 13 mars 2014 (LSurv – D 1 09) de révéler l’identité des personnes entendues.

Genève, le 21 septembre 2015 Claude Rouiller (S)

Cette déclaration est rédigée de telle sorte que la sphère personnelle des employés de la FIPOI ayant participé à l’audit soit absolument sauvegardée et, plus particulièrement, qu’aucun déclarant ne soit exposé à des discriminations professionnelles de la part de leurs supérieurs, voire à des représailles.

5.3 Les auditions 5.3.1 Ont été ensuite entendus le directeur de la FIPOI, son directeur adjoint, les chefs des divisions Finances, Bâtiments, Conférences et Projets de construction, ainsi que la responsable du service Ressources humaines et l’un des deux employés chargés de gérance. 5.3.2 Ces auditions ont eu lieu, à une seule exception, les 28 et 30 septembre 2015 dans une salle de conférence de l’Etude MCE, à Lausanne dont le soussigné est le conseil. Elles ont duré au moins une heure et demie pour chacune d’elles. Le chargé de gérance entendu l’a été pendant une heure le 9 octobre à Genève. Le directeur adjoint a demandé à être réentendu, ce qui s’est fait le 7 octobre 2015, au domicile du soussigné. 5.3.3 Il sied tout d’abord de constater que, sur les quatre chefs de division, l’une a démissionné pour le 30 novembre 2015 et deux occupent leur poste à titre provisoire, à la suite, respectivement, de la mutation et de la démission des titulaires, intervenues aux mois de février et de mars 2015. Quant à la responsable des Ressources humaines, elle nous a annoncé sa démission au début de son audition, juste avant de l’envoyer au directeur ! 5.3.4 Le soussigné a également rencontré, le 9 octobre 2015 en son bureau du Tribunal de l’Organisation internationale du Travail à Genève, trois membres du Conseil de fondation, soit le président, le vice-président et la représentante de la Ville de Genève.

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Résultats

et

conclusions

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6.1 La véracité des constats de la Cour des comptes et la réalité des risques qu’elle a identifiés 6.1.1 A la différence des autres audits sectoriels ayant concerné la FIPOI, l’audit de la Cour des comptes avait pour tâche de procéder à des investigations approfondies sur le fonctionnement global de cette institution, sur la bonne marche de chacune de ses divisions et services et sur l’aptitude de la direction à veiller à l’intégrité et à l’éthique, à la bonne insertion du personnel de tous grades et à l’entretien de toutes relations transversales utiles entre les services administratifs, conditions sine qua non pour prévenir des dysfonctionnement majeurs comportant le risque de dommages divers pour l’institution et ses fondateurs. 6.1.2 La Cour n’a pas excédé son pouvoir d’appréciation et n’en a pas abusé, que ce soit dans la conduite de son audit ou dans l’établissement de son rapport. Elle a accompli sa tâche dans un délai plus que raisonnable ; elle a agi de bonne foi et elle n’a pas été guidée par des préjugés partiaux mais par le seul souci de prévenir de graves atteintes à l’intérêt public. 6.1.3.1 Il est dans l’ordre des choses que l’inertie de quelqu’un à qui l’on offre des solutions de mise en ordre, si ce n’est de sauvetage, peut à la longue conduire un organe de contrôle à proposer des solutions radicales en prenant le risque qu’elles ne puissent être acceptées par les intéressés. Mais ce n’est pas ce qu’ont fait ni la Cour des comptes ni le Contrôle fédéral des finances. 6.1.3.2 Les recommandations de la Cour des comptes, y compris la première d’entre elles interprétée avec la rigueur qui sera la nôtre, ne heurtent en effet nullement le principe de la proportionnalité dans ses divers aspects (adéquation, aptitude, nécessité, balance objective des intérêts en présence). 6.1.4.1 Comme cela a été dit, la Cour des comptes a mis à notre disposition la masse imposante des comptes rendus de ses auditions. Une lecture attentive de chacun de ces comptes-rendus, l’analyse d’autres rapports d’audits et d’étude commandés par la FIPOI, la patiente audition nouvelle de tous les cadres de celle-ci (direction, chefs de divisions, responsables des services intéressés) et l’examen de toute la documentation qui nous a été remise, nous permettent d’affirmer ce qui suit : Les constats qui ont amené la Cour des comptes à formuler ses dix-sept recommandations sont justes. Ils le sont dans leur ensemble. Ils le sont aussi dans leur singularité, même si certaines contestations de la direction et de ses subordonnés ne sont pas dépourvues de toute vraisemblance. Celles de ces contestations qui ne sont pas manifestement mal fondées ne concernent en effet ni la substance des constats les plus pertinents, ni la réalité d’un ensemble de dysfonctionnements et de carences administratives au sein de la Fondation. Elles portent essentiellement sur la manière de présenter les choses ou sur la prétendue ignorance, par la Cour, d’adaptations managériales déjà opérées ou en cours.

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6.1.4.2 L’absolue exactitude de la description de faits particuliers et l’opportunité de l’une ou l’autre des illustrations figurant dans le rapport de la Cour ne sont nullement décisives au regard de l’objet de notre mandat. Ce qui est décisif c’est que les faits qui n’ont pas été contestés suffisent, dans leur ensemble, à démontrer que la gestion administrative de la FIPOI souffre de dysfonctionnements graves et que ces dysfonctionnements sont porteurs de risques vitaux. 6.1.5.1 La Cour était en droit de s’attendre à ce que ses constats, appréciations et recommandations fussent accueillis positivement par la FIPOI dont l’intérêt à s’y conformer devait lui paraître évident. 6.1.5.2 Après avoir invité l’administration à se déterminer, le Conseil de fondation a malheureusement vu les choses par le petit bout de la lorgnette. Il a certes d’emblée admis le bien-fondé de la quasi-totalité des recommandations de la Cour, ce qui montre la pertinence des analyses de celle-ci et de ses conclusions. Mais il a saisi au vol des imprécisions de détail dans les relations factuelles du rapport pour mettre en cause le bien-fondé de la première recommandation qui n’est pourtant que la conséquence logique des autres. 6.1.5.3 C’était ne pas tenir compte, d’une part, de ce que ces imprécisions étaient de celles qu’on peut toujours trouver dans une synthèse d’investigations, et, d’autre part, de ce que la Cour a laissé de côté de nombreuses illustrations fortes, qu’elle aurait pu tirer des déclarations dont nous avons pu prendre connaissance. 6.1.5.4 De ce point de vue le rapport de la Cour est soft au point que, dans un premier temps, nous nous sommes demandé pourquoi elle n’avait pas cité certains faits plus accablants que ceux mentionnés et, en définitive, pourquoi elle s’est montrée plus réservée que nous l’eussions été si nous avions été appelé à conduire cet audit.

Les raisons en sont à notre avis les mêmes que celles qui l’ont conduite à convenir d’un mode de communication plutôt discret eu égard aux exigences du droit cantonal. La Cour des comptes, organe public du canton de Genève a, dans toute la mesure du possible, retenu son bras pour éviter que, si son rapport était diffusé dans le public (ce qui est peut-être inévitable aujourd’hui), l’illustration des dysfonctionnements constatés ne porte une atteinte grave à l’image de la FIPOI et, au-delà, aux intérêts vitaux du canton.

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65

6.2 Réflexions sur l’accueil inadéquat par la FIPOI des travaux du Contrôle fédéral des finances et de la Cour des comptes genevoise

6.2.1 6.2.1.1 Si on lit attentivement la lettre que la FIPOI a écrite au Contrôle fédéral des

finances le 5 décembre 2014 et les documents qui s’y rattachent, on perçoit que, saisie de la dénonciation du 11 juin 2014, la FIPOI s’est plutôt cantonnée dans une espèce d’autosatisfaction.

Encore à ce moment-là, elle n’avait pas du tout pris conscience des dangers

bien réels que son management défectueux lui fait courir. C’est pourquoi le CDF (que l’un des membres du Conseil de Fondation connaît si peu qu’il persiste à l’appeler le CFF!) n’a pas eu d’autre solution que de s’adresser à la Cour des comptes genevoise. On ne saurait ignorer que le Contrôle fédéral des finances a laissé à la FIPOI près de six mois pour régler ses problèmes en interne.

6.2.1.2.1 S’il est correct de parler d’autosatisfaction, il ne serait pas juste de dire que

la FIPOI n’a rien fait en prenant connaissance de la dénonciation précitée. Mais ses démarches, initiales et principales, sont un témoignage supplémentaire de son incapacité à envisager les réformes en profondeur qui s’imposent à elle.

6.2.1.2.2 Bien que la direction eût proposé une sanction disciplinaire moins lourde et

que le personnel considère toujours aujourd’hui que la mesure était excessive, le Conseil de fondation a tout d’abord tenté de frapper en quelque sorte les esprits par le licenciement immédiat, et sans instruction, des deux employés de la division Conférences impliqués dans le conflit d’intérêts dénoncé. Il estimait que le maintien en place de ces travailleurs risquait de porter une atteinte grave à l’image de la FIPOI. Ces employés ont cependant reçu leur salaire jusqu’à l’expiration du délai de congé.

Ce fut la politique du fusible, qui est le plus sûr moyen de continuer à vivre dans

l’inertie. Nous insistons sur le fait qu’une telle politique ne saurait être poursuivie plus longtemps. Ce serait le cas si l’on était tenté, à la suite du présent rapport, de "faire porter le chapeau" au seul directeur adjoint, le plus fragile et peut-être le moins fautif des cadres impliqués.

6.2.1.2.3 En même temps qu’elle licenciait deux lampistes, la FIPOI chargeait un

bureau privé d’examiner si elle avait subi un préjudice financier du fait de ces conflits d’intérêts, s’il existait d’autres cas de conflits d’intérêts et quelles seraient les mesures appropriées pour éviter que de tels conflits prennent naissance.

Il ne lui est nullement venu à l’esprit qu’il eût fallu d’emblée aller plus loin, non

seulement en examinant sérieusement ce qui se passait, de ce point de vue, dans l’ensemble des divisions, mais - aussi et surtout - en vérifiant avec tous les moyens disponibles si l’adjudication des marchés FIPOI se faisait correctement. Les conflits d’intérêts sont en effet naturellement générateurs d’irrégularités ou de fraudes dans l’achat de prestations. Il est donc difficile de comprendre pourquoi le Conseil de fondation a parlé à ce propos de "domaine complémentaire" dont l’examen pouvait être renvoyé à plus tard.

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6.2.1.3.1 C’est ce comportement inquiétant qui a contraint le Contrôle fédéral des finances à saisir la Cour des Comptes genevoise alors même que la compétence de celle-ci n’était pas d’emblée évidente.

6.2.1.3.2 Aux yeux du CDF, l’audit Bd. n’était pas suffisant puisqu’il ne s’était

attaché qu’à la division Conférences incriminée dans la dénonciation. De surcroît, il avait porté sur une période trop brève et avait été piloté par le directeur adjoint, lui-même impliqué pour avoir en particulier demandé à un employé, faute de directives internes, d’effectuer pour lui un petit ouvrage privé pendant les heures de travail.

L’audit Bd. n’était donc pas idoine pour établir, contrairement à ce que

semblait penser le Conseil de fondation, que la FIPOI n’avait subi aucun dommage et qu’il n’existait pas d’autres conflits d’intérêts que ceux dénoncés au mois de juin. Le Contrôle fédéral des finances jugeait enfin insatisfaisantes les explications données par le Conseil de fondation pour la poursuite des relations contractuelles avec l’une des entreprises concernées par les conflits d’intérêts dénoncés.

6.2.1.3.3 Les précautions du Contrôle fédéral des finances était d’autant plus fondées

que le mandat donné un peu plus tôt à un autre bureau privé d’audit montrait que la FIPOI n’avait même pas été capable de régler, seule et de sa propre initiative, des problèmes tout simples liés à la gestion des ressources humaines qu’elle voulait attractive et adaptée à sa mission qui présuppose une culture d’entreprise appropriée.

6.2.1.3.4 Au demeurant, alors qu’était en cours l’audit de la Cour des comptes, un

troisième bureau déposait un rapport dans lequel il constatait que la division Conférences n’était pas la seule à souffrir de déficiences sérieuses. Il en allait en effet de même de la division Bâtiments soumise à un management autoritaire ou paternaliste. Certes, ce type de gestion archaïque a pu être favorisé par l’absence, jusqu’à une époque récente, d’une structure Ressources humaines (RH). Mais l’existence même de ce type de gestion montre que le défaut d’une direction forte a provoqué l’avènement de roitelets de bureau persuadés qu’ils n’avaient pas à rendre compte de leurs comportements envers leurs subordonnés. Aussi cet audit a-t-il mis en exergue le manque de soutien à l’ensemble des collaborateurs et, plus généralement, l’urgence d’entreprendre des réformes propres à assurer un développement stratégique cohérent.

6.2.2 6.2.2.1 Qu’à réception du rapport de la Cour des comptes, le Conseil de fondation et

la direction soient entrés dans une sorte de logique d’affrontement avec les auditeurs au lieu de saluer l’utilité de leurs constats et d’engager en urgence un processus de réforme profonde, voilà ce que l’on pourrait qualifier de sidérant, si une longue carrière de magistrat ne nous avait appris à un peu trop peser nos mots.

6.2.2.2.1 Les dirigeants de la FIPOI n’ont en effet pas reconnu, dans leurs causes et

conséquences, les déficiences et les dangers qui leur étaient signalés. Ils se sont au contraire gendarmés contre les interventions et travaux du Contrôle fédéral des finances puis de la Cour des comptes genevoise, et surtout contre les résultats de ces travaux.

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6.2.2.2.2 Ils ont vu et voient encore de l’hostilité, ou tout au moins de la partialité, là où il n’y a eu de toute évidence que la volonté de mettre les moyens, dont disposent ces deux organes publics de contrôle, au service d’une entreprise qui doit impérativement et d’urgence surmonter des difficultés organiques lourdes de risques.

6.2.2.2.3 L’énervement que l’apparente indolence des responsables de la FIPOI a pu susciter chez certains agents, ne s’est pas traduit par des actes ou propos critiquables. Si l’un d’eux s’est dit "surpris" de ce que le rapport de la Cour des comptes n’ait pas encore été diffusé dans le public, ce n’était pas pour souhaiter qu’il le fût, mais pour s’inquiéter de ce que quelqu’un s’en saisisse en temps inopportun pour obtenir qu’une vraie réforme soit entreprise "une bonne fois". Si la plupart d’entre eux disent haut et fort qu’il est impératif de donner "un bon coup de balai" dans l’administration de cette fondation, c’est seulement parce que tous sont convaincus que c’est la condition sine qua non de l’efficience d’une telle réforme.

6.2.2.3 Au lieu d’inviter sa direction à faire son mea culpa et à "retrousser ses

manches" pour appliquer sans délai les recommandations de la Cour et celles d’autres expertises dont la mise en œuvre tardait indûment, le Conseil de fondation est tombé dans le travers d’un soutien sans faille à sa direction. Or, il était naturel que, menacée de licenciement par l’application de l’une des recommandations - qui n’est d’ailleurs que le corollaire des quinze autres -, la direction prît le parti de tout contester ou, du moins, de tout justifier par des formules convenues. 6.2.2.4 Le comportement du Conseil laisse l’impression forte qu’il cherchait à maintenir le statu quo parce qu’il lui semblait à tort dangereux de changer la direction d’une institution qui, malgré tout, accomplit sa mission. 6.2.2.5 Or, il est absolument exclu de se reposer sur les acquis de la FIPOI pour ignorer ses carences organiques et pour s’en remettre aux seuls suivis périodiques de la Cour des comptes et du Contrôle fédéral des finances. Il n’a sans doute pas été établi qu’à ce jour un dommage ait été causé à la FIPOI, à ses fondateurs et à tous autres intéressés, ou que des employés ou des tiers aient tiré un profit ou un avantage illicite notable de l’incurie managérial de la direction. La recherche d’un dommage et son estimation n’étaient d’ailleurs pas dans le cahier des charges de la Cour des comptes. Il n’en demeure pas moins que la réalité des risques identifiés par celle-ci, que nous confirmons dans le présent rapport, exigent des solutions qu’il faut impérativement et sans retard mettre en œuvre. L’autosatisfaction ne saurait être une règle de gouvernance. 6.2.3 6.2.3.1 Il n’est pas vain de revenir une dernière fois sur la dénonciation du 11 juin 2014 qui a provoqué longa manu l’intervention de la Cour des comptes. 6.2.3.2 Cette dénonciation n’était pourtant que le plus étincelant des nombreux signaux - envoyés, notamment, par la base de son échelon opérationnel - que la FIPOI

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n’a jamais perçus, du moins avec la lucidité qui eût été celle d’un manager privé diligent. Cette dénonciation n’a été que la goutte d’eau qui devait faire déborder le vase, si l’on nous passe cette trivialité plus que banale et mal appropriée. 6.2.3.3 Elle émanait d’un initié, vieux serviteur de la FIPOI et viscéralement attaché à elle. Nous l’avons interrogé de manière approfondie, dans le plus grand secret puisque nous serions - si l’on en croit les dirigeants de la FIPOI - le seul à connaître son identité. Il nous a expliqué de manière crédible que, contrairement à ce qui a pu être suspecté, il n’avait nullement agi par vengeance. Il a dit n’avoir pas eu d’autre choix que de s’adresser au Contrôle fédéral des finances car son observation des comportements qui avaient cours à la FIPOI témoignaient d’une inertie et d’un laxisme propres à mettre en péril la survie même de ce qu’il a appelé "cette belle entreprise". 6.2.3.4 N’est-ce pas déjà le signe d’une défiance nécessairement liée à de la mauvaise gestion qu’un travailleur informé d’irrégularités dans un autre service que le sien e sente obligé de s’adresser non pas à sa direction mais à un organe de contrôle extérieur ?

6.2.3.5 Il sied de relever que les craintes déclarées du dénonciateur sont partagées par

plusieurs des cadres que nous avons entendus, y compris par le directeur adjoint qui n’a lui-même pas eu l’autorité nécessaire pour s’imposer à ses subordonnés immédiats. Ces craintes ont, en partie au moins, motivé le départ en cascade de plusieurs responsables de l’échelon opérationnel, départ qui n’améliore évidemment pas l’état de marche de la FIPOI.

6.2.3.6 Sans aller aussi loin que ces démissionnaires, les cadres de cet échelon nous

ont dit, sans exception et sans réserve, regretter vivement le manque de pilotage de l’entreprise et redouter qu’un dommage grave n’en résulte un jour ou l’autre. L’un d’eux invité à nous dire ce qu’il pensait du transfert plus qu’opportun de son service vers une division existante nous a répondu tout simplement : C’est une très bonne idée mais à la condition qu’il y ait au-dessus quelqu’un qui sache ce que veut dire diriger et qui s’intéresserait à ce que je fais.

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6.3 Conclusions 6.3.1 Nul ne conteste que, jusqu’à ce jour, la FIPOI a pu accomplir correctement et avec dynamisme la mission qui lui a été confiée.

C’est le fruit de l’engagement constant et coordonné de ses deux fondateurs et des relais qu’ils ont su établir pendant un demi-siècle avec les organisations internationales, voire avec des organisations non gouvernementales, séduites par la perspective d’établir leur siège à Genève ou d’y développer leurs activités.

6.3.2 L’organisation administrative de cette institution est en revanche déficiente.

Faute d’un directeur fort et compétent, qui eût dû s’impliquer non seulement dans le rayonnement extérieur de la Fondation mais, tout aussi pleinement, dans sa gestion administrative au quotidien, chaque division y jouit d’une espèce de souveraineté jalouse, et leurs chefs - conquérants d’une zone de confort imprenable - communiquent peu si ce n’est dans les séances du comité de direction que deux d’entre eux ont d’ailleurs qualifiées d’inutiles.

Ces problèmes relationnels sont une source des faiblesses que la Cour a signalées, notamment dans le contrôle interne, dans la surveillance financière, dans la coordination des activités, dans la transparence des actions, dans l’éthique et dans la connaissance et la maîtrise des règles à observer pour que l’entreprise réalise sainement ses objectifs. Le résultat global culminant a été une perte importante d’une culture d’entreprise nécessaire à la prévention des abus ou des irrégularités.

6.3.3 La situation aurait, paraît-il commencé à se dégrader sitôt après le départ du directeur C. qui aurait mené la maison avec une poigne de fer que les cadres les plus anciens disent regretter. Les mêmes voix admettent que la dégradation de l’autorité directoriale aurait été ralentie pendant le temps où le poste nouveau de directeur adjoint était occupé par un certain M. qui aurait été de la même trempe que C.

Nous n’avons pas jugé utile de vérifier ces données historiques.

Il suffit de constater que la direction actuelle – et aussi, pendant sa dernière époque, la direction de G. qui l’a précédée – porte, avec le Conseil de fondation, la responsabilité principale de la situation critique où se trouve l’administration de la FIPOI. Elle n’a pas toujours donné le bon exemple et s’est montrée incapable d’obtenir le changement des relations de pouvoir cultivées dans l’échelon opérationnel.

6.3.4 Les conséquences décrites dans le détail par la Cour, entre autres la dissimulation de conflits d’intérêts dans la plus importante des divisions, des interventions directoriales indues dans des processus d’adjudication mal réglementés et une comptabilité analytique non-conforme présentant une fausse image du coût respectif de chaque activité, ainsi que l’utilisation privative des services de l’entreprise avec un effet d’exemplarité désastreux et mal mesuré.

6.3.5 La gestion inappropriée de l’entreprise est en train d’avoir une conséquence mortifère que tout manager diligent aurait dû prévoir : la démotivation du personnel. Elle est illustrée par le départ en cascade d’excellents cadres soucieux de transversalité, de transparence et d’une gestion participative de l’opérationnel.

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Pour se convaincre qu’il est urgent d’agir, il suffit d’avoir vu la cheffe de la division Finances – démissionnaire - pleurer "pour de vrai" à la fin de son audition, la cheffe des Relations humaines - elle aussi démissionnaire - manifester autrement, mais de façon tout aussi expressive, son désappointement, et l’ancien chef de la division Bâtiments - mis au placard de manière pour le moins insolite - étaler une amertume forte et partiellement justifiée.

Deux divisions opérationnelles ne sont-elles pas décapitées? La cheffe de la plus importante d’entre elles, la division Conférences, a en effet aussi donné sa démission au mois de mars de cette année au motif qu’elle ne pouvait admettre les suites données par le Conseil de fondation à la dénonciation du 11 juin 2014.

6.3.6.1 Les risques qu’engendre la situation décrite dans le corps du présent rapport sont de toutes gravité et imminence. Les plus évidemment redoutables sont les risques d’image et de fraude. S’ils ne se sont apparemment pas réalisés jusqu’à aujourd’hui, c’est seulement parce que les chefs de division, actuels ou démissionnaires (et leurs remplaçants intérimaires), sont honnêtes et loyaux et qu’aucun d’eux n’a profité du manque de direction qu’il déplore vivement. Mais ils ne seront pas toujours là !

6.3.6.2 Nous nous sommes limité, sur ce point, à poser la question suivante aux membres les plus notables du Conseil de fondation que nous avons entendus : Dans l’organisation actuelle, insuffisamment contrôlée, qu’est-ce qui empêcherait, par exemple, qu’un futur chef de la division Projets et construction s’avise de monnayer avec les représentants d’un bénéficiaire institutionnel la célérité avec laquelle il va traiter son dossier ?

Nous y avons-nous-même répondu par un seul mot : "Rien". Nos interlocuteurs ne nous ont pas contredit.

Trop d’argent et trop loin de Berne, c’est en soi déjà un risque. Mais ce risque est aggravé par le fait, d’une part, que les bénéficiaires institutionnels ignorent tout des connexions personnelles locales, et, d’autre part, que certains d’entre eux peuvent être tentés de pratiquer même chez nous des usages particuliers. Que ce risque se concrétise une seule fois et la FIPOI aurait "fini de rayonner" !

L’occasion (c’est-à-dire l’opportunité associée à des mobiles trop humains) fait le larron, dit la sagesse de notre peuple.

Est-il déplacé de voir un "indice précoce d’une évolution incertaine" dans le comportement d’un ancien directeur qui, retourné dans le privé après avoir fait briller la FIPOI pendant des années, a accepté de conseiller un bénéficiaire institutionnel dans ses tractations avec la Fondation ?

6.3.7 Si l’on maintenait en place les directeur et directeur adjoint qui ont laissé s’installer ou s’aggraver une situation périlleuse et si l’on ne changeait pas de façon rationnelle l’organigramme qui est une source de désordre, le suivi annuel des recommandations de la Cour serait illusoire. On continuerait à gouverner cette entreprise à coups d’audit et d’études à répétition, au lieu d’empoigner vigoureusement soi-même les problématiques qui surgissent au cours du temps.

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6.3.8.1 A ce propos, le Conseil de fondation et le directeur répètent à l’envi que la FIPOI est certes une entreprise réduite en effectif, mais que ses problèmes sont très particuliers et complexes à cause de la diversité de ses activités.

6.3.8.2 Cette remarque est incompréhensible dans la mesure où elle se veut une justification d’un état de choses critiqué qui a été critiqué par plusieurs audits, par le Contrôle fédéral des finances, par la Cour des comptes genevoise et dans le présent rapport. Fût-elle fondée que la prétendue singularité des activités de la FIPOI serait une bonne raison pour mettre un terme immédiat à l’actuelle vacuité managériale.

6.3.8.3.1 Cette remarque n’a d’ailleurs aucune pertinence.

6.3.8.3.2 Il n’est pas du tout évident que la diversité des activités de la FIPOI soit si extraordinaire que paraît le dire le Conseil de fondation. Il y a de la gestion immobilière, de la construction, de l’événementiel et du développement impliquant une activité de conseil aux bénéficiaires institutionnels et aux entreprises générales. Ce ne doit pas être "bien sorcier" de coordonner ces activités.

6.3.8.3.3 On ne voit en tout cas pas que cette diversité soit qualitativement différente de celle des activités que déploie, par exemple, une industrie fabriquant des instruments de précision dont les tâches des cinquante travailleurs sont distribuées dans la recherche, l’acquisition de matières premières et d’équipements hautement spécialisés au meilleur prix, la publicité et le marketing, la gestion d’un personnel aux compétences très variées, la conclusion de contrats de tous genres et l’établissement des budgets et comptes relatifs à tout cela. Il existe en Suisse un grand nombre de telles entreprises. Celles qui marchent le mieux sont généralement dirigées par un seul patron pleinement responsable, sauf si des raisons, tels des impératifs successoraux, commandent que la direction soit momentanément partagée.

6.3.8.3.4 La diversité des activités justifie bien sûr leur distribution entre différentes sections administratives. Mais cette distribution doit être rationnelle. Il saute aux yeux que ce n’est pas le cas à la FIPOI.

Le service de gérance des immeubles, dont celle-ci est propriétaire ou dont elle assume la gestion, est distinct de la division de gestion Bâtiments qui a pour tâche majeure l’entretien et la maintenance de ces immeubles.

Les deux divisions de gestion et la division de développement coopèrent assez mal entre elles pour que naissent de faux problèmes comme celui du plan de financement des équipements de la salle de conférences à réaménager dans le cadre de l’extension de l’IAV où se trouve cette salle. Les cheffes de la division Finances et du service RH ont d’ailleurs claqué la porte, en dépit de leur attachement à la FIPOI, parce qu’elles ne pouvaient jouer leur rôle de coordination. On ne voit pas que la mise au placard de l’ancien chef de la division Bâtiments, qu’il fallait probablement muter, ait été perçue par le personnel comme une mesure propre à favoriser la transversalité.

6.3.9 Il résulte de ce qui précède qu’une refonte de l’organigramme doit accompagner le remaniement de l’échelon directorial.

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6.3.10 6.3.10.1 Voici, en vrac, quelques réflexions, mises en forme interrogative, qui résument assez bien ce qui précède.

6.3.10.2 La première recommandation de la Cour eût-elle dû à ce point déconcerter le Conseil de fondation ?

Ne se basait-elle pas de toute évidence non seulement sur les constats relatifs aux méthodes d’achat de prestations et aux conceptions de l’éthique d’entreprise, mais aussi sur une fort imposant ensemble de constats qui en confirmait l’opportunité.

Comment n’a-t-on pas vu que cette recommandation n’était que le corollaire indispensable des autres recommandations de l’audit? 6.3.10.3 Les préoccupations qui ont conduit la Cour des comptes à émettre ses recommandations, ainsi étroitement liées entre elles, n’avaient d’ailleurs rien de nouveau et d’original. La Fondation s’interroge elle-même depuis longtemps, avec raison, sur l’adéquation de son administration aux besoins qu’elle doit satisfaire.

6.3.10.4 Pourquoi des adaptations aux besoins, dont la nécessité et l’urgence auraient dû sauter aux yeux du Conseil de fondation, de la direction et des chefs de divisions, n’ont-elles pas été ordonnées avant même qu’une dénonciation ne vînt déclencher un processus d’investigations énorme et dommageable ?

6.3.10.5.1 Pourquoi - au moins à réception de la dénonciation - la FIPOI n’a-t-elle pas immédiatement fait les adaptations les plus aisées, en édictant par exemple des directives claires sur la transparence et le contrôle?

6.3.10.5.2 Etait-il si difficile de formaliser soigneusement les processus de sécurisation des organisations internationales, les processus liés aux projets de construction et les processus d’adjudication de travaux ?

6.3.10.6 Pourquoi le Conseil de fondation et la direction se sont-il contentés d’adaptations peu réfléchies de l’organigramme aux besoins opérationnels au lieu de chercher tout de suite à définir plus clairement et à communiquer - de manière immédiatement compréhensible pour le personnel qu’elle doit responsabiliser - le contenu des concepts de mission, de vision entrepreneuriale et de valeurs institutionnelles qui doivent guider les activités de la Fondation ?

6.3.10.7 Pourquoi s’en est-elle remise à un audit sectoriel ?

6.3.10.8 Le recours à des audits ou à des expertises externes à répétition - très coûteux - pour savoir ce que chacun doit faire à la place où il doit être, est-il un mode de gestion optimisé pour une entreprise, de dimension somme toute réduite, qui a été créée pour accomplir une haute mission d’intérêt général, national et international, et qui est chargée de l’allocation optimale d’importantes ressources financières publiques, en passe de devenir de plus en plus élevées ?

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Recommandations

et

commentaires

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I. Recommandations Il est recommandé à la mandante de veiller à l’adoption des mesures suivantes :

1. Le remplacement de la direction bicéphale de la FIPOI par une direction unique, à compter du 15 mars 2016.

A cette date, le directeur et le directeur adjoint seront remplacés par un directeur, chargé des tâches réparties aujourd’hui entre le cahier des charges du directeur et celui du directeur adjoint ; les chefs de division seront tous immédiatement subordonnés au nouveau directeur.

Le poste de directeur pourra être doté d’un assistant de direction.

2. La constitution d’une division des services généraux (de support ou d’appui) ; cette division inclura au moins la division actuelle Finances, le service RH et le service IT. 3. La titularisation, sans délai, du chef ad intérim de la division Conférences.

4. La nomination, sans délai, d’un nouveau chef de la division Bâtiments. Cette nomination impliquera le retour de l’actuel directeur ad intérim à son ancien poste ; il sera fixé clairement à celui-ci des objectifs à court ou moyen terme.

5. L’intégration du poste expert en technique & projets immobiliers à la division Bâtiments ; le titulaire sera directement rattaché au nouveau chef de ladite division. 6. Le rattachement des chargés de gérance à la division Bâtiments ; le service de gérance sera immédiatement subordonné au nouveau chef de ladite division. 7. La résiliation, pour motifs de restructuration, des rapports de service qui lient la FIPOI et son directeur actuel, avec effet au 15 mars 2016. 8. La résiliation, pour motifs de restructuration, des rapports de service qui lient la FIPOI et son directeur adjoint actuel, avec effet au 15 mars 2016. Suggestions en rapport avec les recommandations 7 et 8 :

L’exemplarité sociale dont la puissance publique doit faire preuve en toutes circonstances et la nécessité d’offrir une image particulièrement attractive de la FIPOI conduisent le soussigné à suggérer à la mandante de faire en sorte que : a) - l’employeur verse au directeur son salaire actuel jusqu’à l’expiration du délai de congé de six mois prévu à l’article 6 de son contrat de travail, délai qui commencera à courir à partir du jour où la résiliation de ses rapports de service lui aura été notifiée ;

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- (sous réserve de l’hypothèse où l’intéressé retrouverait un emploi) l’employeur, respectivement les deux Etats fondateurs, veillent à ce que le directeur actuel, qui aura atteint l’âge de 62 ans le 3 mars 2016, puisse percevoir, à compter de la fin du délai de congé, une retraite anticipée pleine et entière (i.e sans réduction pour anticipation) équivalant à celle qu’il recevrait s’il avait cessé de travailler à l’âge de 65 ans ; - si les trois années qui resteront à courir jusqu’à ce que le directeur actuel ait atteint l’âge de 65 ans devaient avoir pour effet de réduire sa rente AVS, l’employeur verserait auprès de la Caisse de compensation les cotisations nécessaires pour éviter un tel dommage ; b) - l’employeur verse au directeur adjoint son salaire actuel jusqu’à l’expiration du délai de congé de trois mois prévu à l’article 1 de son contrat de travail, délai qui commencera à courir à partir du jour où la résiliation de ses rapports de service lui aura été notifiée ;

- si le maintien de l’intéressé à un autre poste au sein de la FIPOI, correspondant à ses aptitudes, n’est pas possible, la Confédération et le canton veilleraient à ce qu’une alternative d’emploi raisonnable lui soit proposée, en fonction de ses aptitudes et des disponibilités ; - si la Confédération et le canton n’était pas en mesure de lui proposer une telle alternative, la FIPOI offrirait à l’intéressé un suivi de reclassement externe (Out-Placement) à titre gratuit.

9. L’introduction dans les statuts de la FIPOI d’une disposition prévoyant que l’adjudication de toutes prestations soit régie par les dispositions du droit fédéral en matière de marchés publics. 10. Il est conseillé de convenir généralement avec les bénéficiaires institutionnels que, dans la mesure où ils sont financés par des prêts de la Confédération, l’adjudication des travaux et prestations qu’ils engagent soit régie par des règles au moins équivalentes aux exigences de la législation cantonale ou fédérale sur les marchés publics.

11. La modification, sans autre changement, de l’article 8, alinéa 5, des statuts, de telle sorte que le tournus présidentiel annuel soit remplacé par un tournus de trois ans.

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II. Commentaires Première et onzième recommandations (direction et conseil de fondation)

1. Sous la direction actuelle, le suivi périodique du CDF et de la Cour des comptes ne suffira pas à prévenir les risques objectifs et sérieux identifiés par celle-ci, et en premier lieu les risques d’image et de fraude, que les défauts de pilotage, d’éthique, de contrôle, de transparence et de coordination des activités fait courir à une institution majeure de la politique étrangère de la Suisse.

Il faut à la FIPOI une direction entièrement nouvelle. Cette direction doit être confiée à une seule personne apte non seulement à faire rayonner encore davantage la FIPOI mais aussi à maîtriser les questions financières et les problèmes de construction, ainsi que la conduite d’une entreprise et de son personnel selon les règles modernes d’éthique, d’intégrité, de surveillance et de contrôle.

Le marché du travail doit fourmiller de candidats ayant le profil adéquat.

2. Le personnel que nous avons entendu, y compris le directeur-adjoint, souhaite que la direction bicéphale soit remplacée par un directeur unique. Nous nous sommes permis d’interroger à ce propos – évidemment sans rien leur dévoiler du but de nos questions – quatre patrons ou dirigeants d’entreprises privées ou publiques plus étoffées en personnel et en équipements que la FIPOI : tous estiment que le découplage de la direction est peu propice à la bonne gestion d’une PME, quelle que soit son type d’activité.

3. Il y a certes péril en la demeure, mais pas au point qu’il faille procéder demain matin à cette réforme. Le choix et l’introduction du nouveau directeur ne doivent à coup sûr pas être hâtifs et inconsidérés.

Un délai au 15 mars 2016 semble raisonnable.

4. Si cette solution n’était pas retenue, le seul moyen de tenter d’atteindre les buts recherchés par la mandante - après les constats et recommandations d’organes officiels de contrôle, fédéral et cantonal -, serait de modifier complètement la composition du Conseil de fondation, pour y placer des managers venus de l’économie privée ou de l’économie publique. Les personnes choisies devraient avoir une disponibilité de tous instants et une proactivité particulièrement motivée. Seule cette solution radicale pourrait vraisemblablement garantir, en dépit d’une direction faible, le fonctionnement, sans risques majeurs, de l’administration de la FIPOI.

Non sans hésiter, nous sommes arrivé à la conclusion que, dans l’hypothèse où notre première recommandation était adoptée par la mandante, cette modification, qui pourrait d’ailleurs heurter le politique, ne serait pas opportune.

Elle serait même contreproductive si elle aboutissait à déresponsabiliser un directeur même fort, enclin, pour se couvrir, à renvoyer au Conseil de fondation la solution de problèmes qu’il serait dans ses compétences de résoudre.

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5. En revanche, il est déraisonnable d’appliquer le système du tournus annuel à la gouvernance d’une fondation, appelée à gérer de plus en plus d’argent public. C’est pourquoi nous proposons de substituer un tournus triennal au tournus annuel prévu par les statuts pour la présidence du Conseil de fondation.

Nos raisons sont les mêmes que celles qui conduisent de nos jours le constituant à étendre à plusieurs années le mandat des présidents de corps de magistrats (exemples : les Conseils d’Etat de Vaud et de Genève, ainsi que le Tribunal fédéral, où la période de présidence de deux ans est désormais renouvelable… et jusqu’à aujourd’hui toujours renouvelée par le parlement).

Cette solution aurait le mérite de motiver le président du Conseil dont le devoir sera aussi de veiller à ce que l’administration de la FIPOI ne se retrouve plus dans la situation actuelle. Un président de trois ans pourrait nouer des contacts plus utiles avec les partenaires.

Deuxième à sixième recommandations (rationalisation de l’organigramme)

1. Les dysfonctionnements de la FIPOI et les risques qui en découlent sont en partie dus à l’absence de transversalité entre, d’une part, les divisions de gestion et, d’autre part, entre elles et la division de développement existante.

La constitution d’une division des services généraux, incluant - pour le moment – la division actuelle Finances, le service RH et le service IT, est en ce sens opportune. Cette division pourrait enfin exercer les activités de support ou d’appui propices à la transversalité, c’est-à-dire essentiellement à la coopération entre les divisions. On a vu que le défaut de coordination avait conduit à des conséquences confinant à l’absurde, comme cela a été le cas en matière de prévisions locatives et de planification budgétaire d’une rénovation.

Cela se passe d’autres commentaires, si l’on sait que la cheffe de division Ru. et la responsable Mo., légitimement frustrées, viennent brusquement de "tourner les talons" à la FIPOI!!!

2. L’intérim du chef de la division Conférences a assez duré. Il semble que M. Dri. soit très à son affaire mais qu’il soit démotivé par le provisoire de sa position. Cette recommandation se passe de commentaire.

3. Beaucoup doutent que le chef ad intérim de la division Bâtiments ait les qualités particulières qu’il faut pour assumer durablement cette fonction. Lui-même est à cet égard peu rassuré. Le choix d’un nouveau chef de cette division devrait s’accompagner du retour de l’intérimaire Rém. à son ancien poste où tous s’accordent à dire qu’il était excellent. Ce retour doit évidemment s’accompagner d’une fixation des objectifs qu’il devra atteindre à court ou moyen terme, afin d’éviter qu’il ne s’installe lui aussi dans les béatitudes de l’autosatisfaction.

4. Le poste expert en technique & projets immobiliers a été créé pour résoudre un problème relationnel et revient à mettre le titulaire dans un placard où ses tâches concrètes sont peu claires. Il doit impérativement et sans retard réintégrer la division Bâtiments pour y exercer son activité d’expert sous l’autorité directe du chef, à

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nommer, de ladite division. Ses tâches doivent être, sans délai, définies avec plus d’exactitude.

5. La gérance doit être rattachée à la division Bâtiments, dont elle constituera un service placé sous l’autorité du chef, à nommer, de ladite division. De simples raisons de logique et de synergie suffisent à justifier ce transfert souhaité même par le responsable de la gérance que nous avons entendu… à la condition que la nouvelle direction de la division Bâtiments soit forte.

6. Ce réaménagement de l’organigramme revient à doter la direction d’une structure solide composée d’une division des services généraux vouée dans son ensemble à garantir la transversalité, d’une division de développement qui n’a pour l’instant, à notre connaissance, jamais posé de problèmes d’éthique, et de deux fortes divisions de gestion qui ne devraient plus poser de tels problèmes dès lors que de nouveaux responsables bien choisis seront sous la responsabilité d’un seul et même directeur.

Septième et huitième recommandations (résiliation des rapports de travail) 1. La résiliation des rapports de travail du directeur et du directeur adjoint, déjà implicitement esquissée dans la première recommandation de la Cour des comptes, doit intervenir au plus tard le 15 mars 2016. 2. La désignation de l’une ou de l’autre de ces deux personnes au poste nouveau de directeur unique, n’entre pas en ligne de compte.

Elle aurait de graves conséquences étant inévitablement perçue comme un " Circulez y a rien à voir !". Avec un Conseil de fondation trop peu incisif dans l’accomplissement de sa tâche statutaire, les deux membres de la direction sont en effet - à des degrés divers - responsables du gâchis organique que nous avons constaté après bien d’autres. La nomination de l’un d’eux à la nouvelle direction reviendrait à conforter les cadres inférieurs - naturellement inquiets de tout changement même s’ils souhaitent l’avènement d’une direction et d’un pilotage solides - dans la foi apaisante ou "leibnizienne" que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles et que leur loyauté, leur attachement à la FIPOI, la force des choses et une harmonie préétablie (on ne sait trop par qui) concourront à ce que "la boutique continue à marcher encore longtemps comme ça".

3. Il a pu être établi à la charge des deux intéressés, et surtout à la charge du directeur actuel, des comportements peu délicats, peu exemplaires et peu adéquats.

Mais il n’a pu être prouvé que ces comportements ou d’autres aient eu pour la FIPOI des conséquences dommageables perceptibles ou l’attribution à des tiers d’avantages injustifiés, voire illicites.

Il n’est d’ailleurs pas contesté que le directeur a accompli les activités de développement qu’il devait stimuler. C’est son incapacité administrative, encouragée par le découplage de la direction, qui est en cause. Quant au directeur adjoint, on lui a rendu un très mauvais service en le nommant à un poste qui requiert un profil de meneur d’hommes qu’il n’a manifestement pas.

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La responsabilité du désordre, auquel il faut remédier pour parer à des risques graves, est partagée par le Conseil de fondation qui eût dû voir la situation comme elle était, sans se reposer sur les lauriers de la FIPOI et prendre à temps les mesures appropriées. C’est elle qui a choisi le directeur adjoint contre l’avis de la direction qui avait sans doute perçu qu’il ne pouvait pas être le right man in the right place, ce qui a eu pour conséquence de faire perdre à ce quinquagénaire trois années précieuses pour son plan de carrière. 4. Une première étude du dossier nous avait amené à dire, dans notre rapport intermédiaire de septembre, que les personnes éventuellement licenciées, devraient être tenues indemnes de tout préjudice. Les investigations complémentaires nous ont convaincu que cette idée était juste, car leur licenciement intervient pour les besoins d’une restructuration nécessitée aussi par le laisser aller administratif du Conseil de fondation. L’exemplarité sociale dont les co-fondateurs doivent témoigner les conduira sûrement à trouver une solution convenable et honnête aux problèmes humains qui résultent de cette mesure. Le directeur aura 62 ans au mois de mars 2016. Peut-il encore contribuer au rayonnement de la FIPOI, seul domaine où il n’a pas démérité? Ce n’est pas à nous de le proposer, même si le président du Conseil de fondation nous a parlé de cette éventualité. Nous dirons seulement que, si le Conseil de fondation lui trouvait une utilité externe majeure, il ne devrait plus, en aucun cas, apparaître dans l’organigramme de la FIPOI et, partant, être en contact avec le personnel. Le directeur adjoint, n’est pas doué pour la conduite d’hommes enclins à mal supporter le changement. Mais il a une formation de très haut niveau et des compétences certaines dans les domaines de la finance et de la comptabilité. Il pourrait diriger la nouvelle division de services généraux ou prendre la responsabilité des finances. Cela exigerait une procédure préalable d’assessment comportant un volet technique où serait examinée de manière approfondie la maîtrise par le candidat des normes IPSAS. Ces normes sont en effet le "référentiel comptable principal" auquel la FIPOI, "entreprise consolidée", est tenue de se conformer en vertu de l’article 3 du Règlement sur l’établissement des états financiers, adopté par le Conseil d’Etat genevois le 10 décembre 2014, et de l’Annexe III à ce règlement.(Recueil systématique genevois D 1 05.15). Cet assessment devrait être mené avec sérieux afin de ne pas aboutir à une solution qui reviendrait à placer une seconde fois l’intéressé dans une position professionnelle où il ne pourrait qu’échouer.

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Neuvième et dixième recommandations (meilleure garantie d’une rectitude dans l’attribution des

marchés)

1. Pour les raison indiquées plus haut (page 17, au chiffre 2.1.2.2.1), la neuvième recommandation dispense la mandante de se poser la question fondamentale de savoir si la FIPOI ne devrait pas devenir une fondation de droit public, régime qui pourrait à première vue sembler plus compatible avec sa mission. 2. La modification ici proposée veut en outre donner un signe fort aux négociateurs de la FIPOI et aux négociateurs des prestataires. En l’absence d’un tel signe, on continuera à faire comme avant, quels que soient les amendements apportés ou à apporter à la réglementation interne des marchés. Sans un tel signe, des prestataires pourraient continuer à penser qu’on peut toujours trouver des arrangements plus ou moins douteux, comme dans le passé. C’est une mentalité lourde de risques mais difficile à changer autrement qu’en adoptant la recommandation ici traitée. 3. La dixième recommandation est formulée avec assez de souplesse pour ne pas heurter les " susceptibilités autonomistes" des bénéficiaires institutionnels. La Confédération et le canton doivent veiller à ce que l’argent qu’ils prêtent soit utilisé de façon correcte et sans que les bénéficiaires institutionnels, maîtres d’ouvrage qui ne connaissent pas le marché local, puissent être trompés par les entreprises générales qu’ils engagent.

Dorénaz (VS) et Lutry (VD), le 19 octobre 2015

Claude Rouiller