RAPPORT D'EXPÉRIMENTATION

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INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUES SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES SENS ET COMMUNICATION II Pédagogie et narrativité JT tr 1976

Transcript of RAPPORT D'EXPÉRIMENTATION

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUES

SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES

SENS ET

COMMUNICATION II

Pédagogie et narrativité

JT

tr

1976

Dans la même collection

2344 - L'enseignement du français à l'école élémentaire - Essais et confrontations (1970).

2346 - L'enseignement du français à l'école élémentaire - Aspects linguistiques (1971).

2347 - L'enseignement du français à l'école élémentaire - Prin­cipes de l'expérience en cours (1971).

2357 - Linguistique fonctionnelle et enseignement du français (1973).

2361 - L'enseignement du français à l'école élémentaire - Plan de rénovation - Hypothèses d'actions pédagogiques (1973).

2365 - Langage : langue parlée, langue écrite et créativité à l'école maternelle (Unité de recherche pré-élémentaire) (1974).

2343 - Recherches dans l'enseignement du français au second degré (I) (1971).

2349 - Recherches dans l'enseignement du français au second degré - Grammaire - Expression - Méthodes (II) (1971).

2352 - Linguistique et enseignement du français - Recherches au niveau du premier cycle (1969-70 - 1970-71) (1972).

2356 - Enseignement du français et enseignement des mathé­matiques - Deuxième cycle du second degré (1972).

2363 - Enseignement du français et linguistique : problèmes pratiques et théoriques (premier cycle du second degré) (1974).

SOMMAIRE

Pages

Présentation générale 5

A) FONCTION/QUALIFICATION

— Présentation 12

— Résumé de quelques positions théoriques 13

— Fiche d'expérimentation 17

— Rapports d'expérimentation en classe

I - Exercices à partir d'une image — Lycée de Meudon 21 — Lycée F. Villon - Par i s 27

II - Exercice à partir d'un texte

— Lycée F . Villon - Par i s 29

B) SEQUENCE ET FONCTIONS

— Présentation 36

— Variation de récits sur une Séquence unique : « la Trom­perie »

I - Fiche d'expérimentation 37

II - Rapports d'expérimentation en classe

— Lycée de Gonesse 39 — C.E.S. rue Cler - Par i s 50 — Lycée de Maisons-Alfort 54

— De la Fonction à la Séquence

• Rapports d'expérimentation

— Lycée Sainte-Geneviève-des-Bois 59 — Lycée de Gonesse 64 — Lycée Edgar Quinet - Par i s 70

Pages

— Document exemple de mise en séquence d'un conte

a) Le conte 73

b) La mise en séquence 75

C) ETUDE DE DEUX RECITS

—• Présentation 78

— Rapports d'expérimentation en classe

• Etude de « La Vénus d'Ille » (Prosper Mérimée) — Lycée de Meudon 79 — Lycée de Pontoise 87

• Etude du « Miroir d'encre » (Jean-Louis Borges)

— Lycée de Meudon 91

D) ESSAIS D'ENCHAINEMENT D'EXERCICES

— Présentation 100

— Rapports d'expérimentation en classe

— Maison d'éducation de la Légion d'Honneur (Saint-Denis) 101

— Lycée Diderot - Paris 109

— Vers de nouveaux exercices

— Lycée E. Quinet - Paris 127

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. RAPPEL DES HYPOTHESES DE TRAVAIL

Dans « Essai de définition d'une recherche pédagogique » pour Sens et communications du numéro 69 de cette même collec­tion, nous posions comme principe que la pédagogie n'est pas un lieu d'application des sciences humaines (linguistique, sémio-tique littéraire, psychologie, sociologie, psychanalyse), mais un lieu de réflexion autonome qui tire partie de ces sciences.

Nous sommes restés fidèles à ce principe dans notre travail sur la Narrativité, et le lecteur ne doit donc pas s'attendre à trouver, ici, une série d'exposés sur les techniques d'analyse narrative. Il s'agit bien, pour nous, d'utiliser quelques concepts de la sémiotique narrative pour faire surgir une problématique péda­gogique de la communication écrite et orale, en général, et de l'étude des textes, en particulier.

Et pour que cela soit bien clair, il nous semble utile de rappeler quelques-unes des lignes de forces qui traversent et ordonnent notre activité de recherche pédagogique.

1.1. Travailler sur les conditions de production des discours

Nous ne cherchons pas à substituer un modèle d'analyse de texte à un autre ; nous essayons surtout de placer l'élève au cœur des mécanismes de la communication, qu'il s'agisse de l'activité lecture-production ou de l'activité production-lecture (cf. R.P. 69, p. 44, Il - Procédure pédagogique).

Nous sommes, en effet, persuadés que l'essentiel d'une péda­gogie de la communication porte sur les conditions de produc­tion des discours et non sur le contenu de ces discours, bien plus difficile à repérer, à saisir et à maîtriser.

Il s'ensuit une double exigence pour l'enseignant : celle d'es­sayer de connaître le plus scientifiquement possible ces condi­tions de production et c'est là qu'il faut faire appel aux sciences humaines comme nous l'avons dit précédemment ; celle d'es­sayer de saisir de l'intérieur, c'est-à-dire par l'expérience, les mécanismes que l'on essaye de comprendre intellectuellement.

C'est dans cette interaction constante connaissance-expérience que l'enseignant pourra acquérir un savoir-faire nouveau, qui permettra l'existence d'une pratique enseignante au service du développement de l'esprit critique des élèves et non des normes culturelles que la société voudrait imposer pour se rassurer elle-même.

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C'est pourquoi nous attachons tant d'importance à l'auto-expé-rimentation. Tout groupe de recherche doit expérimenter d'abord sur lui-même l'exercice qu'il a mis sur pied avant de le lancer dans le circuit de la classe.

1.2. Le cadre d'activité pédagogique

Nous ne recherchons donc pas un nouveau modèle pédagogique (fait de règles précises et figées) mais il nous fallait bien définir un mode d'action pédagogique. Celui-ci s'est imposé de lui-même au cours de notre pratique « cherchante » et enseignante. Il s'agit en fait d'un cadre d'activité pédagogique composé de trois phases (voir R.P. n° 69, p. 14 et 15) :

— Pratique des élèves destinée à les sensibiliser à un problème particulier en leur faisant manipuler, en groupe, un certain maté­riau discursif ;

— Connaissance, c'est-à-dire prise de conscience des méca­nismes sur lesquels reposent les faits de discours étudiés, par une elucidation collective au cours de laquelle l'enseignant devra utiliser son savoir-faire ;

— Pratique des élèves qui doit consister en un réinvestissement de ce qui a été « construit » précédemment.

1.3. La procédure de travail

Enfin, travailler sur les conditions de production et sur les mécanismes de communication exige, d'une part, que les objets utilisés — en l'occurrence les textes — soient considérés comme des prétextes à découvrir ces mécanismes et, d'autre part, que les mécanismes en question soient décomposés et étudiés indi­viduellement pour être ensuite recombinés dans un ensemble structurel supérieur. Ainsi avions-nous procédé pour le travail sur l'objectif et le subjectif dans l'image puis dans les textes (voir R.P. n° 69) ; ainsi avons-nous procédé dans le domaine de la Narrativité en étudiant d'abord la différence entre la Fonction et la Qualification avant de passer à l'étude de la Séquence puis d'une unité textuelle comme le conte fantastique.

C'est au point de convergence de ces trois lignes de force (l'étude des conditions de production du discours ; l'interaction Pratique/Connaissance/Pratique, et la procédure de travail qui va du ponctuel au global) que se mettra en place une activité pédagogique véritablement inductive qui respecte la multiplicité du savoir et permette à chaque élève de prendre la mesure de sa propre compétence ainsi que des mécanismes qui l'ai­deront à interroger, voir à démonter, les objets de parole qui l'entourent.

2. DISCOURS NARRATIF ET OBJECTIFS DE TRAVAIL

Dans notre précédente publication (R.P. n° 69) nous avions également fourni notre programme d'expérimentations (p. 16) pour le domaine sémio-linguistique.

Par rapport à ces programmes nous présentons donc ici le résultat de nos expérimentations sur la Narrativité.

A travailler sur un concept limité, mais essentiel, comme celui-ci, on comprendra du même coup que notre préoccupation soit très différente de celle d'autres groupes de travail et de revues qui cherchent plutôt à mettre sur pied une action générale pour inciter les enfants à lire et qui se posent donc des problèmes d'infrastructure pédagogico-administrative, ou de choix de textes et de constitution de programmes.

Nous ne nous posons pas davantage le problème du statut de la littérature dans l'enseignement, considérant que celle-ci doit être prise dans le sens général de l'ensemble de la production écrite et orafe d'une communauté socio-linguistique.

Enfin on comprendra également que nous ne fassions pas d'exposé théorique sur la Narrativité considérant que c'est aux enseignants de s'informer, et de s'en donner les moyens, s'in­former ne voulant pas dire que l'on doive devenir spécialiste.

Il s'agit, pour nous, de considérer la Narrativité comme un méca­nisme dont on va chercher à repérer les composantes (Fonction, Qualification, Séquence, etc.) et à comprendre leurs rapports et leur fonctionnement.

A ce titre, la Narrativité est un phénomène bien plus important à étudier que le récit car on la voit en œuvre dans la plupart des discours (même en poésie). Evidemment, dans un premier temps, on a choisi des récits parce que c'est dans ceux-ci que la mécanique narrative est le plus apparente (bien que certains récits, par leur aspect fortement symbolique, rendent cette approche difficile). Cependant l'objectif est de montrer aux élèves que cette mécanique narrative fonctionne dans d'au­tres types de discours.

Cela est confirmé par notre choix (qui a entraîné d'ailleurs un certain nombre de problèmes) de l'image comme point de départ à l'étude de l'opposition de base : Fonction/Qualification.

Cela nous a permis, d'une part, de faire éclater la lecture glo­bale qu'impose l'image dans un premier temps (il suffit pour cela de la faire décrire et de la faire signifier différemment selon le contexte discursif dans lequel on l'inclut) et d'autre part de faire comprendre que le mécanisme de la narrativité est à saisir sur un plan conceptuel en deçà de la surface stylistique du discours (d'où les exercices de variation de la surface stylis­tique à partir d'une même trame narrative).

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Par là-même nous avons essayé de faire prendre conscience aux élèves qu'ils ont eux-mêmes une « compétence narrative », que c'est cette compétence qu'ils utilisent lorsqu'ils lisent ou écrivent, et que la découverte de son fonctionnement doit aboutir à un plaisir accru de la lecture/écriture.

Et voilà retrouvé le fond de notre problématique pédagogique. Nous pensons que c'est en donnant aux élèves un certain pou­voir d'action sur les faits de communication, pouvoir personnel à chacun, qu'on les amènera à une lecture/écriture critique qui sera en même temps un plaisir ; c'est là, de notre point de vue, ce qu'on appelle la motivation, celle qui apparaît sans qu'on veuille agir directement sur elle.

3. QUELQUES REFLEXIONS SUR NOTRE TRAVAIL

L'heure n'est pas encore aux bilans ni aux conclusions d'en­semble, et d'ailleurs, est-ce bien le rôle d'une recherche qui ne se donne pas pour objectif d'aboutir à des modèles précis, car cela voudrait dire qu'ils seraient prédéterminés en fonction de normes qui dépendent d'un état du savoir et ne tiendraient pas compte ni de la multiplicité du savoir ni de ses change­ments ?

Contentons-nous donc de quelques réflexions sur la signifi­cation de notre travail.

La première réflexion concerne une difficulté intrinsèque, de toute recherche pédagogique : celle de l'écart qui existe entre la prévision de l'expérimentation et ses résultats. Il y a en effet un abîme entre ce qu'un groupe d'enseignants prévoit dans la mise en place de l'expérimentation (même lorsque ce groupe s'est soumis à l'auto-expérimentation) et ce qui ressort effec­tivement de l'expérimentation en classe. Fort heureusement il y a des constantes dans ces résultats, ce qui nous permet d'avancer dans notre travail, mais il y a une quantité d'autres choses qui apparaissent sans que, la plupart du temps, on puisse les prévoir (cf. les rapports d'expérimentation). Cela doit contri­buer à nous rendre modestes dans nos projets d'expérimen­tation, mais en même temps cela confirme bien la nécessité d'une procédure de travail véritablement inductive car cela veut dire qu'il faut à tout prix respecter la stratégie d'acqui­sition du savoir personnelle à chacun.

La deuxième réflexion, qui n'est d'ailleurs pas étrangère à la première, porte sur une autre difficulté ; celle qui a trait à la transmission des résultats de notre travail. Nous savons par avance que ce numéro de R.P. ne donnera pas une idée exacte (elle en sera même éloignée) de notre activité de recherche.

Cela ne tient pas au manque de temps ni de place (pouvoir écrire trois ou quatre numéros n'y changerait rien), mais à nos hypothèses de travail qui exigent que nous soyons plongés dans une pratique que nous essayons d'élucider ensuite. Dès lors on comprend que ceux à qui on essaye de communiquer nos résultats ne soient pas en mesure de saisir tout l'arrière plan de pratique dont dépendent ces résultats.

L'impuissance que nous ressentons devant cet obstacle à communiquer ce que nous faisons, nous en avons tous pleine­ment conscience, et nous l'acceptons parce qu'elle nous confir­me qu'il n'y a pas de véritable recherche pédagogique hors d'une praxis et que la parole n'est pas suffisante à la trans­mettre.

C'est pourquoi nous pensons que cela rend caduque aussi bien la plupart des manuels qui se collent l'étiquette de scien-tificité, que les instructions officielles dont le discours est voué à n'être qu'une simple rhétorique. Mais c'est pour cette même raison que nous pensons que le lecteur de cette revue ne devrait pas juger les exercices que nous proposons à la simple lecture et qu'il devrait essayer de les pratiquer pour en prendre la véri­table mesure.

Ma dernière réflexion sera un souhait : que ce numéro de recherche pédagogique aide d'autres groupes de travail à pré­ciser leurs hypothèses pédagogiques et à mieux définir leurs rapports à la théorie.

Patrick CHARAUDEAU

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A. - FONCTION ET QUALIFICATION

• PRESENTATION

• RESUME DE QUELQUES POSITIONS THEORIQUES

• FICHE D'EXPERIMENTATION

• RAPPORTS D'EXPERIMENTATION EN CLASSE

Exercices à partir d'une image

Exercice à partir d'un texte

PRESENTATION

Travail conçu pour permettre aux élèves de découvrir quels sont les concepts de base qui président à la mise en place de la « mécanique narrative », à savoir : Fonc­tion/Qualification.

En effet, la pédagogie traditionnelle (cf. les manuels sco­laires de littérature) n'est pas du tout au clair sur les concepts de « récit », « description », et de « narration ».

Dans un récit il y a, à la fois, du descriptif qualificatlonnel et du narratif fonctionnel. Il semble que la trame narrative d'un récit obéisse davantage à des règles plus ou moins logiques, et que le remplissage qualificationnel soit plus libre et plus subjectif. Mais, en fait, tout récit se carac­térise par un jeu subtil de relation entre le qualificatif et le fonctionnel, et il n'est possible de découvrir ce jeu qu'à la condition d'être capable de discriminer les Fonc­tions des Qualifications.

Nous présentons donc, après quelques considérations théoriques, une expérimentation en deux temps.

Premier temps : exercice qui utilise l'image comme point de départ, pour faire éclater l'aspect de saisie globale immédiate du document ¡conique en montrant qu'il y a, sous-jacente, une structure significative qui fait que l'élu-cidation du sens d'un tel document passe nécessairement par une démarche analytique (deux rapports).

Deuxième temps : application à un texte verbal, de cette distinction Fonction/Qualification, pour apprendre à repé­rer les marques linguistiques et discursives du qualifi­catif et du fonctionnel (un rapport).

Enfin une deuxième remarque.

Nous présentons plusieurs rapports d'expérimentation sans synthèse, ni bilan. Nous pensons, en effet que le propre d'une expérimentation pédagogique est de présenter une grande diversité dans ses résultats et que c'est donc à chaque lecteur de lire ce qui l'intéresse et de tirer ses propres conclusions.

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RÉSUMÉ DE QUELQUES POSITIONS THÉORIQUES

A) VLADIMIR PROPP : Morphologie du conte

(Le Seuil, Points, 1970)

Avant Propp on se préoccupait du « sujet » des contes, c'est-à-dire de leur contenu pris en bloc. Propp souligne cependant que Veselovski avait déjà considéré des « motifs », et Bédier des « éléments » assemblés dans les contes. Mais il juge ces notions trop vagues. Il introduit le mot de « fonction ».

« D'un conte à l'autre, dit-il, ce qui change, ce sont les noms, et en même temps les attributs des per­sonnages ; ce qui ne change pas, ce sont leurs actions, ou leurs «fonctions». Il propose une défi­nition : « Par jonction, nous entendons l'action d'un personnage, définie du point de vue de sa significa­tion dans le déroulement de l'intrigue» (p. 29-31). La fin de la définition est essentielle : elle distingue une fonction d'un motif. Une fonction n'existe pas en elle-même comme le motif ; sa valeur dépend (est fonction) de celles qui la précède et qui la suivent.

La fonction Méfait a pour signification du point de vue narratif de préparer des fonctions comme Combat, Réparation du méfait. Propp établit donc une série de 31 fonctions dont l'ordre de succession caractérise le type de contes qu'il a étudié (une centaine de contes merveilleux, p. 34). Chaque fonction est définie en termes généraux (ex. : Mé­fait) et Propp spécifie ensuite les formes qu'elles peuvent prendre (chap. 3, p. 35 sq.). C'est la diffé­rence entre des « genres » et des « espèces ».

On voit que les unités narratives de Propp sont fortement reliées les unes aux autres dans une structure où rien n'est inutile. Propp dit encore par exemple : « C'est à ses conséquences qu'on définit un élément» (p. 82). Mais il apparaît tout de même que certains éléments ont une nécessité moins forte que d'autres. Il ne s'agit plus alors de fonctions. Lesquels de ces éléments pourraient-ils être considérés comme des qualifications ? Quel est leur degré de nécessité ? Quelle est leur significa­tion ? Propp ne nous permet guère de répondre à ces questions (cf. Barthes, ci-dessous).

Il y a d'abord, selon Propp, les espèces dans les­quelles se réalisent les fonctions générales. Il ne peut s'agir de qualifications : ces espèces tiennent lieu de fonctions dans chaque groupe de contes : par exemple, pour Combat, les adversaires « se battent en plein champ », ou « entrent en compé­tition», ou «jouent aux cartes» (p. 64). Ces spé­cifications sont inévitables dans la trame narra­tive : ce ne sont pas elles qui fourniront les quali­fications dans notre expérience sur la bande dessi­née. Nous les désignerons plutôt comme un « rem­plissage sémantique » de la structure formelle.

Cependant ces spécifications ne sont pas toujours faciles à distinguer d'éléments clairement désignés par Propp comme des attributs et dans lesquels nous pouvons voir des qualifications. Ces attributs apparaissent négativement dès la définition des fonctions par Propp : « la question de savoir ce que font et comment il le fait, sont des questions qui ne se posent qu'accessoirement» (p. 29). Dans notre expérience la difficulté sera de ne pas confon­dre le « comment » accessoire de l'action avec l'in­dispensable « remplissage sémantique ».

Les attributs de Propp ( = attributs des person­nages, car dans le conte merveilleux, très anthro-pomorphique, le « décor » qualifie toujours une action ou un personnage) ne comportent « que les trois rubriques fondamentales suivantes : aspect et nomenclature ( = nom du personnage ?), parti­cularités de l'entrée en scène, habitat. A cela s'ajoute une série d'éléments auxiliaires moins im­portants » (p. 107, à compléter par les tableaux p. 146 sq.).

B) CLAUDE BREMOND : Le message narratif (Communications n" 4, p. 4)

Brémond assure la transition entre les études de Propp restreintes à un domaine particulier, le conte merveilleux, ou même étendues à l'analyse des mythes (Lévi-Strauss) et à la découverte du fonc-

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tíonnement des récits quels qu'ils soient : « Nous ne cherchons pas à typer un groupe de messages particuliers (comprenons les contes merveilleux), mais à rétablir dans sa généralité le système lin­guistique sur lequel ces messages sont prélevés » (p. 19). Cette démarche rend possible notre expé­rimentation sur la bande dessinée.

Brémond reprend un acquis essentiel de Propp : « Alors que le motif, fermé sur lui-même, ne doit sa signification qu'à son contenu, la fonction, ou­verte sur le contexte, prend son sens par référence aux fonctions qui la précèdent et qui la suivent » (p. 15). Cependant Brémond n'admet pas la série figée des 31 fonctions, parce qu'elle ne convient qu'aux contes merveilleux (et encore). Selon lui, seules certains groupes de fonctions sont fixes et ces groupes se déplacent le long de la structure : par exemple un même récit peut comprendre plu­sieurs combats qu'il n'y a pas lieu de différencier bien qu'ils soient suivis d'actions différentes (combat - réception de l'auxiliaire magique ou combat - victoire et réparation du méfait, cf. Propp, p. 54, D 9 et p. 64, H 1). Nous retenons donc pour notre expérience que les relations fonctionnelles des unités narratives s'étendent sur des « seg­ments » plus courts que ne l'avait prévu Propp : autant que possible les élèves devront raconter des « séquences élémentaires » (p. 20). Chacune de celles-ci est construite selon « les modalités de son origine, celles de son développement, celles de son achèvement» (p. 20).

Une même fonction appartient très souvent à plu­sieurs séquences alors que Propp voyait un « en­chaînement unilinéaire » (Brémond, p. 26) des fonc­tions. « La même action peut jouer simultanément un rôle fonctionnel différent dans chacune des séquences que le récit fait avancer de front » (p. 26). Brémond rejette également le principe trop rigide consistant à définir une action par ses conséquen­ces : « Propp nous dit que A est A parce que B s'ensuit. Si donc A entraîne B', A n'est plus A mais A'» (p. 11). Il pose l'existence des fonctions-pivots (p. 11), des bifurcations (p. 15) ; et re­commande de ne jamais « poser une fonction sans poser en même temps la possibilité d'une option contradictoire» (p. 15). N'est Combat (symbole H) pour Propp que celui qui se termine par la Victoire du héros. Brémond reconnaît l'existence de l'alter­native structurale : échec ou victoire.

Si Brémond étend et précise le sens de la fonction, il ne dit rien ici des éléments que Propp désignait

comme des attributs et où nous voyons des qualifi­cations. Barthes est plus explicite sur ce point.

C) ROLAND BARTHES : Introduction à l'analyse structurale des récits (Communications n° 8)

L'essentiel de ce qui nous intéresse se trouve aux paragraphes II. 1 (La détermination des unités) et II.2 (Classes d'unités) ; Barthes précise les places respectives dans le récit des fonctions de Propp et des attributs. Il montre d'abord qu'il faut se méfier de cette distinction : « un récit n'est jamais fait que de fonctions : tout à des degrés divers y signifie» (p. 7). Les fonctions se divisent en deux classes : les unes distributionnelles, les autres inté-gratives », autrement dit « certaines unités ont pour corrélat des unités de même niveau (1) ; au contraire pour saturer (= compléter) les autres, il faut passer à un autre niveau (2) ».

Les fonctions proprement dites de Barthes corres­pondent à la définition de Propp revue par Bré­mond. L'exemple classique (Tomachevski) peut en­core servir : « l'achat d'un revolver a pour corré­lat le moment où l'on s'en servira » (p. 8). Barthes propose de distinguer les « fonctions cardinales (ou noyaux) » qui sont celles qui ouvrent une alterna­tive et les « catalyses » ou menues actions ne met­tant pas en jeu l'issue narrative (ex. : allumer une cigarette, le plus souvent, cf. p. 9).

L'autre classe d'unités, Barthes propose de les ap­peler indices. Nous les avons appelés des qualifi­cations, ce qui convient pour la définition donnée par Barthes : « l'unité renvoie alors, non à un acte complémentaire et conséquent, mais à un concept plus ou moins diffus, nécessaire cependant au sens de l'histoire : indices caractériels concer­nant les personnages, informations relatives à leur identité, notations d'" atmosphère ", etc. ; la rela­tion de l'unité et de son corrélat n'est plus alors distributionnelle (souvent plusieurs indices ren­voient au même signifié et leur ordre d'apparition dans le discours n'est pas nécessairement pertinent), mais integrative». «Les indices... sont des unités véritablement sémantiques, car, contrairement aux fonctions proprement dites, ils renvoient à un si­gnifié, non à une opération» (p. 9). Cette classe

(1) Les /onctions de Propp. (2) A peu près les attributs de Propp.

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d'unités se diviserait-elle aussi en « indices pro­prement dits » renvoyant à un « caractère, à un sentiment, à une atmosphère, à une philosophie », et en informations « qui servent à situer dans le temps et dans l'espace » (p. 10) et qui « par consé­quent permettent d'enraciner la fiction dans le réel » : l'informant est « un opérateur réaliste » (P- H ) ?

Cette rapide analyse de Barthes est très utile pour notre expérimentation, d'abord parce qu'elle essaie de répartir en deux catégories (indices, informants) les attributs rassemblés pêle-mêle par Propp ; et surtout parce qu'elle montre que les indices (les attributs) concourent au sens du récit comme les fonctions. D'où la nécessité de savoir, en présence

d'une image de B.D., si tel trait a un « corrélat » directement au niveau narratif (un homme pointe un revolver : il va tirer) ou si le trait acquiert son sens en passant par un autre niveau (un air farou­che « indiquant » l'agressivité d'un personnage et ses possibles méfaits). Déjà Propp avait remarqué que certaines actions elles-mêmes ne servaient qu'à souligner un « caractère » et Barthes confir­me : « on ne peut réduire les fonctions à des ac­tions (verbes) et les indices à des qualités (ad­jectifs), car il y a des actions qui sont indicielles, étant " signes " d'un caractère, d'une atmosphère, etc. » (p. 9, note 2).

Rémy MARTEL

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FICHE D'EXPERIMENTATION

1. OBJECTIFS

Faire connaître et faire pratiquer le discours nar­ratif en la distinguant d'autres types de discours possibles (poétique, argumentatif).

Voir et faire fonctionner des structures narratives.

Soit, dans un premier temps, distinguer les fonc­tions et les qualifications.

2. PROCEDURE

2.1. On prendra une séquence d'images extraite d'une bande dessinée.

2.2. Le travail de la classe consistera alternative­ment en exercices en groupes, en moments d'élu-cidation collective.

Les élèves répondent par groupes à des consignes les invitant à des productions écrites ; les textes produits sont ensuite confrontés et analysés par la classe entière avec l'aide du maître.

3. PREPARATION

3.1. Aucune sensibilisation des élèves n'est indis­pensable, puisqu'il s'agit du premier temps d'expé­rimentation sur un type de discours (narratif) qu'il a été décidé d'étudier en premier.

3.2. Choisir une seule image dans une séquence : une photocopie sera remise à chaque groupe. Le choix de l'image doit répondre à certaines condi­tions :

— Elle ne doit pas appartenir à un genre trop marqué (bande dessinée du type « western » ou fantastique) ;

— Elle doit se prêter à la construction d'un nombre limité de séquences narratives (cf. ici 4.2.) ;

— Elle doit être suffisamment chargée en qualifi­cations.

Le choix de l'image est commandé par l'objectif : il ne s'agit donc pas de faire produire aux élèves des récits originaux, variés et longs. Tout au contraire il serait bon qu'ils donnent des récits aisément réductibles à quelques variétés peu nom­breuses qui se prêtent à des comparaisons et fina­lement à l'élucidation du type commun qui devra être retrouvé par les élèves.

4. DEROULEMENT

4.1. Remise d'une copie de l'image à chaque équipe.

Première consigne : « Décrivez dans le détail tout ce que vous voyez dans l'image » (par écrit).

Discussion des groupes : une description par grou­pe. Le maître pourra intervenir ou non (transmettre dans le compte rendu les questions que posent les élèves). S'il intervient, il devra peut-être indiquer que la description d'une attitude, d'une position pour un personnage ne doit pas être confondue avec l'action qu'il accomplit (cf. 4.2.).

4.2. Deuxième consigne : « Racontez ce qui se passe juste avant et juste après l'image, en disant par conséquent aussi ce qui se passe dans l'image » (par écrit).

Discussion des groupes : une narration par groupe.

Les interventions du maître, au cas où elles seraient sollicitées, pourraient insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de deviner l'histoire absente mais d'en construire une (limitée à l'équivalent de quelques images de B.D.) à laquelle l'image donnée s'in­tègre parfaitement.

4.3. Confrontation collective (toute la classe) : les descriptions ou « listes », de chaque groupe seront comparées par exemple par l'énumération à

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haute voix des traits relevés. Le maître peut en même temps tracer un tableau qui affiche les cor­respondances entre les listes (cf. 5.1. Résultats). Aussitôt après constitution d'une liste maximale qui serait le dénominateur commun des autres listes.

4.4. Lecture collective des récits

Confrontation des récits : comparaison avec la liste maximale.

A la suite : relevé des éléments de la liste maxi­male « utiles » pour chacune des narrations : compa­raisons (cf. 5.2.). Ce dernier travail est collectif. Il peut être ou non préparé par un court moment de concertation dans les groupes.

Cette phase du travail peut mettre au jour les classes d'éléments : • Eléments de la liste repris en narration = fonc­tions ; • Eléments non repris = qualifications.

La mise en évidence de ces deux classes n'est ce­pendant pas assurée à cet instant du travail. C'est pourquoi il faudra passer à l'étape suivante.

4.5. Exercice collectif : modification d'éléments de l'image

Le maître fera supposer différents ou absents cer­tains éléments (un personnage ? un objet ? un trait caractérisant l'un ou l 'autre?).

Les possibilités paraissent être les suivantes : — Elément supprimé, séquence non affectée —•> qualification ; — Elément substitué, séquence non affectée —» variant d'une fonction ;

— Elément commuté, séquence affectée —> inva­riant d'une fonction.

Autrement dit si l'on supprime un trait de l'image et que les séquences construites par les élèves sont toujours possibles, nous avons une qualification ; si l'on substitue un trait à un autre avec le même résultat (sans toutefois pouvoir supprimer l'un ou l'autre), on a une fonction qui se manifeste indif­féremment par l'un ou l'autre qu'on désignera alors comme variants ; si l'on commute un trait de l'image et que la séquence en tant que telle soit modifiée (cas pour lequel nous réserverons le terme de commutation), l'élément initial sera considéré comme une fonction (et un invariant).

Toutes ces distinctions ne seront pas présentées aux élèves comme ci-dessus. On laissera la classe per­cevoir à sa manière, dans son langage, les diffé­rences d'effet des opérations effectuées.

4.6. Définir ce qu'il y a de commun à tous les récits de groupes.

Ce travail, guidé par les résultats obtenus avec les commutations, permettrait d'aboutir à désigner les fonctions (à faire désigner par les élèves eux-mêmes) : ex. : Accueil, Départ, Lutte...

5. RESULTATS

Les résultats pourraient être consignés dans les tableaux dont le remplissage se ferait pendant les étapes d'élucidation collective. Ces tableaux peu­vent prendre des formes très variées. Voici quel­ques propositions.

5.1. Tableau 1 (correspondant au point 4.3. de la présente fiche)

Eléments de la liste maximale

Eléments des listes particulières

Groupe I 1 Groupe II Groupe III, etc.

Remarque : ce tableau permettra de définir les éléments de description (qui ne doivent être ni globaux ni atomisés). Il y aurait intérêt à le remplir dès l'étape 4.3.

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5.2. Tableau 2 (correspondant au point 4.4.)

Eléments de la liste maximale

Narrations

Groupe I Groupe II Groupe III, etc.

5.3. Tableau 3 (correspondant au 4.5.)

A Eléments

de la liste maximale

a b c

B

Suppression sans conséquences

Qualifications

C

Modifications

N'ont pas d'effet

a', a", a'"

« R e m p l i s s a g e s é ­mantique de la fonc­tion » ( « variants » )

D

Modifications

Changent la séquence

x', x", x'"

Les éléments qui ne peuvent être commu­tés sont des fonctions ( « invariants » )

4.5. Tableau 4 (correspondant au 4.6.) par les narrations particulières. Le type commun pourra apparaître facilement. Une dernière co-

On reportera la colonne D du tableau 3 en regard l o n n e p o u r r a i t c o m p o r t e r la désignation des fonc-des colonnes du tableau 2. Elle permettra de veri- tions fier comment les fonctions sont prises en charge

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RAPPORTS D'EXPÉRIMENTATION EN CLASSE

l a - EXERCICE A PARTIR DUNE IMAGE (premier rapport)

Etablissement : Lycée de Meudon Classe : Seconde C Enseignant : Annie HUCHON

1) PRESENTATION DE LA CLASSE

Classe de Seconde C (36 élèves). Classe éveillée et dynamique habituée aux travaux de groupe (les élèves travaillent souvent en groupes fixes, déjà constitués : chaque groupe a été plusieurs fois amené à analyser son mode de fonctionnement).

Une sensibilisation aux problèmes narratifs a déjà été faite lors de l'exercice sur la description à partir du texte : La Plage (Robbe-Grillet).

Les élèves invités à écrire un récit en y incluant quatre phrases du texte descriptif, avaient eu beau­coup de difficultés à passer du discours descriptif au discours narratif.

On avait alors essayé de définir le récit : diverses définitions avaient été suggérées et l'on était passé de : « un texte où il y a des actions, du mouve­ment... », « un texte où il se passe quelque chose », à « un texte où la situation évolue, elle peut s'amé­liorer ou se dégrader ».

Pour ces différentes raisons, il me paraît souhai­table d'enchaîner les deux exercices, les élèves étant toujours très motivés par l'idée que l'on avance dans l'élucidation des problèmes et heureux de comprendre quels matériaux on se propose d'étudier (nécessité de parler en termes d'objectifs même si la poursuite de ces objectifs ne suppose pas une progression très rigoureuse).

2) LE TRAVAIL EN GROUPES (Sur une vignette de Fred, dans Les aventures de Philemon, voir l'image à la fin de ce rapport.)

Première consigne : « Décrivez dans le détail tout ce que vous voyez dans l'image ».

Je demande aux élèves d'établir immédiatement une liste des éléments descriptifs.

Double avantage : dans la confrontation collec­tive, on peut davantage tenir compte de tout ; la liste énumérative évite l'interprétation au niveau des actions accomplies par les personnages.

Je précise qu'il n'est pas nécessaire d'entrer dans de trop longs débats lorsque les élèves sont en désaccord sur l'identification d'un objet, l'interpré­tation d'un détail.

Ce moment du travail doit être court (1/2 heure), sinon il mobilise l'attention des élèves et la se­conde partie de l'exercice risque d'être escamotée.

Deuxième consigne : « Racontez ce qui se passe juste avant et juste après l'image, en disant par conséquent aussi ce qui se passe dans l'image ». Les élèves ne savent pas exactement jusqu'où ils peuvent « remonter » dans le récit. Plusieurs me demandent s'il s'agit de décrire l'image précé­dente.

Il semble par contre plus aisé de laisser le récit ouvert (voir les productions des groupes).

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3) ETUDE DE LA NARRATIVITE DECOUVERTE ET DESIGNATION DES FONCTIONS

que je collerai chaque fois à une extrémité du tableau de façon à pouvoir inscrire sur la droite l'étude des diverses histoires.

a) La confrontation collective des disciplines

Durée : 1/4 d'heure.

On parvient rapidement à la liste exhaustive ci-jointe.

Je la recopierai sur une grande feuille de papier

b) Etude des récits en relation avec la liste des disciplines

— Je distribue le texte de tous les récits à chaque élève ;

— A droite de la liste, je trace au tableau les co­lonnes suivantes :

1

Liste maximale

2

Eléments qui ont servi

pour l'histoire

3

Variations possibles

4

Objet ou qualité d'un objet

indispensable au récit

5

Fonctions

Le tableau se remplit de la gauche vers la droite.

J'explique que l'on considérera comme qualificatif, tout ce qui de la colonne 1 n'a pas été repris dans la colonne 2 et tout ce que l'on a supprimé dans la colonne 2, après coup, lorsque l'on a répondu non à la question : « Cet élément est-il nécessaire au récit ? »

En cas contraire, on se pose la question quoi peut-on le remplacer ? ».

« Par

On inscrit la réponse dans la colonne 3.

On remplit la colonne 4, en comparant 2 et 3.

A ce niveau (colonne 4) on peut croire que l'on reste dans le qualificatif, cependant on progresse vers les fonctions car les objets ou les éléments descriptifs sont alors à l'origine d'actions :

exemple : Le hibou est désigné par la formule « objet dans lequel on pénètre », « objet qui vole » ; Le paysage : « lieu étrange où ils sont arrivés sans le vouloir » ;

Le bras levé du roi : « signale que l'entrée est possible ».

Néanmoins, pour distinguer les fonctions, je fais relire entièrement le récit et demande de ne rete­

nir que les actions essentielles à la progression, en tenant compte des abstractions successives que l'on vient de faire.

Exemple de résultat pour le récit n° 1 : • Ils arrivent ; • Ils découvrent l'objet mystérieux ; • Ils s'efforcent de percer le mystère ; • Ils trouvent le moyen de le faire ; • Ils tombent dans un piège et sont enlevés.

La difficulté est de passer d'une enumeration d'ob­jets ou de qualifications qui nous laissent imaginer une action, à la désignation de cette action. Il faut cependant marquer la différence, si l'on veut que les élèves voient nettement la distinction Fonc­tion/Qualification.

Je fais lire chaque histoire l'une après l'autre par un membre du groupe qui l'a écrite et on l'étudié jusqu'au bout (c'est-à-dire jusqu'à ce que les prin­cipales fonctions soient dégagées).

La comparaison des histoires entre elles se fera seulement à la fin de l'exercice et les élèves s'aper­cevront que tous ces récits, fort divers en appa­rence, finalement se ressemblent. (Seule la pre­mière histoire est vraiment différente puisqu'elle se termine par un enlèvement et que le hibou est

22

ici un piège. Le récit n° 3 se rapproche du texte initial mais ne se clôt pas sur une défaite aussi apparente du sujet.)

C'est au cours de cette comparaison-description que l'intérêt de l'exercice apparaît vraiment. Si l'on ne poursuit pas jusque là l'exercice, les élèves restent sur l'impression que le travail a été plus appau­vrissant que créateur. Par contre, ils apprécient l'instrument d'analyse qu'ils ont acquis et l'expéri­mentent immédiatement dans le travail comparatif.

Il serait intéressant de dégager les traits fonction­nels en comparant les histoires entre elles tout de suite. Cela me paraît impossible à faire cependant à partir d'un corpus de six textes même courts. Il faudrait alors en isoler deux, radicalement diffé­rents (fonction et distribution des rôles actantiels différents).

Le va-et-vient entre les colonnes 2 et 3 d'une part à 4 d'autre part est nécessaire. S'il se double d'une comparaison entre deux textes, cela complique la difficulté et ne me paraît guère réalisable avec des élèves.

Analyse fonctionnelle des différents récits (co­lonne 5) :

a) Récit n° 1 :

Arrivée ; Découverte d'un objet mystérieux ;

Découverte d'un moyen permettant de percer le mystère ; Faute (ils tombent dans un piège) ; Enlèvement.

b) Récit n° 2 : Arrivée ;

Découverte d'un objet extraordinaire ; Accueil, invitation ; Acceptation de l'invitation.

c) Récit n° 3 : Arrivée ;

Proposition d'une épreuve ; Refus (?).

d) Récit n° 4 : Arrivée ; Demande d'aide.

e) Récit n° 5 :

Arrivée ; Découverte d'un objet magique ; Accueil, invitation ; Acceptation de l'invitation ; Départ.

f) Récit n" 6 :

Découverte, rencontre du roi ; Invitation ; Acceptation de l'invitation ; Départ.

4) RECITS DES ELEVES

a) Après avoir fait naufrage, un roi et ses deux amis échouent sur un rocher. Voyant un phare aux formes étranges, ils s'approchent lentement de lui. Arrivés à la porte, ils essaient vainement de l'ouvrir. Au bout de quelques instants, le roi trouve une clef sous un rocher et appelle les deux autres alors que le hibou commence à huhuler. Ils entrent lentement, referment prudemment la porte. A peine la porte est-elle fermée que l'oiseau s'envole, em­portant ses victimes.

b) Des vacanciers, inscrits dans une organisation de voyage, débarquent sur la côte. Le guide leur montre les curiosités du paysage et en particulier ce hibou-maison qui est vraiment extraordinaire. Le guide explique l'existence du hibou, mais sou­dain un personnage déguisé en roi sort du ventre du hibou pour accueillir les étrangers. Ils les invite dans sa demeure. Les voyageurs acceptent l'invi­tation du roi et entrent.

c) Un chevalier et son écuyer abordent en pleine nuit sur l'île du vieux sorcier. Ce fou détient pri­sonnière, dans son hibou géant, la jeune princesse fiancée au chevalier. Après avoir escaladé des ro­chers escarpés les deux compagnons arrivent devant le gigantesque oiseau. Tout à coup, la porte s'ouvre en grinçant, le vieux roi fou sort et leur dit : « Si vous voulez la princesse, il vous faudra subir de nombreuses épreuves ». Malgré le déferlement des vagues, on perçoit les hurlements de terreur de la princesse. Fou d'amour, le chevalier bondit dans les entrailles du monstre ailé.

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d) Un vaisseau spatial terrien qui ressemble à un hibou atterrit sur Jupiter. Le roi terrien sort de sa cabine spatiale pour communiquer avec les deux jupitériens qui viennent à sa rencontre. Il leur demande de l'aide pour reconquérir son royaume.

e) Il fait nuit, le ciel est étoile, la mer est agitée, le vent souffle. Deux enfants luttent désespéré­ment pour ne pas être emportés par la mer déchaî­née. Tout à coup, une vague plus forte les entraîne vers le large. Après un moment de combat inégal, ils se sentent agrippés par les pieds et attirés vers le fond. Ils perdent connaissance. A leur réveil, ils se trouvent sur une île déserte. Soudain un immense hibou surgi de nulle part apparaît, et un homme

coiffé d'une couronne sort de son ventre : « Venez, venez, leur dit-il, je vais vous faire voir le royaume des enfants, dont je suis le roi ». Stupéfaits et intrigués, ils acceptent l'invitation, et entrent dans le hibou qui disparaît aussitôt sans laisser de trace de son passage sur la côte.

f) Un soir, alors que Jean se promène sur une grève déserte, il voit atterrir devant lui un hibou déme­suré d'où sortent par une petite porte deux per­sonnages étranges : un roi et un lutin. Le roi invite Jean, médusé, à le suivre dans son royaume, le nain lui sert d'interprète. Emerveillé, Jean ac­cepte et dans un hululement, l'engin s'envole de la terre.

5) TABLEAU DES RESULTATS

Eléments de la liste maximale

Paysage : Un gros rocher Bord de mer

Deux rochers dans la mer Ciel sombre Horizon net Mer calme, plus sombre à '.'horizon Sol inégal, rocailleux, en pen­te, végétation ou ombres ?

Le hibou : Immense par rapport aux per­sonnages Ventre en pierre

Une porte en bois (poignée, chambranle) Gros yeux ronds lumineux Pupilles petites Deux pattes Trois doigts crochus Un bec triangulaire

Eléments qui ont servi pour l'histoire

Récit n° 1

Le rocher La mer

Ventre en pier­re = un phare

La porte

Yeux lumineux

Variations possibles

La forêt Le désert

Une maison abandonnée Une trappe

Objets ou qualité d'un objet

indispensable au récit

Lieu étrange où les personnages sont a r r i v é s sans le vouloir

Fonctions

ARRIVEE

Objet dans le­quel on pénètre Une ouverture DECOUVERTE

D'UN OBJET PIEGE

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Eléments de la liste maximale

Ailes, tête, queue avec des plumes Houppes sur la tête Se trouve sur un rocher Pousse trois hululements

Personnage de droite : Porte une couronne

Main droite levée vers le hi­bou Tient un objet (?)

Bras gauche plié, main gau­che sur le ventre

Parle Une grande robe, col de four­rure Tourné vers les deux autres Petit par rapport au hibou

Personnage du milieu :

Le plus petit Plus en arrière Tourné vers l'oiseau Porte une veste, un pantalon court, des chaussures Une tête en pain de sucre Porte un bonnet, un capu­chon ? Plus gros que le personnage de gauche Porte des vêtements plus clairs

Personnage de gauche :

Bras et jambes écartés Plus grand Tourné vers l'oiseau Silhouette dans l'ombre ? Mince Cheveux ébouriffés

Eléments qui ont servi pour l'histoire

Récit n° 1

Ailes (il s'envo­le)

Hululements

Premier personnage Le roi Bras levé

Tient une clef

Parle

Deuxième per­sonnage

Troisième per­sonnage

Variations possibles

Un moteur à réaction

0

Un seul person­nage

Trouve un dé­clic Pousse la porte Fait jouer un stratagème quelconque

Peut être sup­primé

Peut être sup­primé

Objets ou qualité d'un objet

indispensable au récit

Obje t v o l a n t dissimulé

Un personnage

Trouve un moyen pour en­trer

Fonctions

ENLEVEMENT

DECOUVERTE D'UN MOYEN QUI PERMET DE PERCER

LE MYSTERE

25

Ss^^ms^^SËSStÊ^

26

Ib - EXERCICE A PARTIR D'UNE IMAGE (deuxième rapport)

Objectif : travail sur une image tirée d'une sé­quence de bande dessinée : la chouette (voir document précédent).

Remarques : classe de Cinquième. Huit équipes de trois ou quatre élèves.

1) LA CONSIGNE A ETE ESSAYEE SOUS CETTE FORME

Décrivez sous la forme d'une enumeration tout ce que vous voyez sur cette image.

Que pensez-vous que font les personnages de l'image ? Que s'est-il passé juste avant ? Que se passera-t-il juste après ?

On peut aussi dessiner l'image qui précède et celle qui suit.

2) TRAVAIL COLLECTIF A PARTIR DES PRODUCTIONS D'EQUIPES

On écrit au tableau tout ce qui a été vu sur l'image par l'ensemble de la classe (liste maximale), avec discussion et deux possibilités quand on ne peut pas trancher. La classe est rapide et la liste me semble assez synthétique (peut-être déjà en fonc­tion des histoires ?).

On lit les histoires. Les élèves s'en sont en général assez bien tenus à ce qui se passe juste avant et juste après, sans finir l'affaire.

On coche les traits pertinents ou éléments fonc­tionnels sur lesquels s'appuie chaque récit (co­lonnes au tableau en regard de la liste maximale).

On s'interroge sur le rôle de ce qui reste. Les élèves disent assez vite que ce sont les traits qui servent

Etablissement : Lycée F. Villon - Paris Classe : Cinquième Enseignant : Denise BURGOS

à situer l'histoire, à préciser le décor (les deux petits rochers...) ou les personnages (le manteau du roi, la queue en éventail de la chouette...), à montrer qu'on est dans une histoire fantastique (le rayon lumineux quand il ne sert pas...).

On revient aux récits pour voir leurs ressemblances et leurs différences. On s'aperçoit qu'avant il y a toujours eu une arrivée (de deux personnages ou des trois). Que la chouette est une maison ou un phare, ou une machine qui va se mettre en branle ou bien une souveraine inquiétante. Quant au geste du roi, trois possibilités sur l'ensemble des huit histoires : ou bien il appelle ses compagnons, ou bien il accueille les arrivants, ou bien il les re­pousse. Il y a donc eu un premier (et modeste) débrouillage des éléments essentiels de l'histoire, avec les possibilités qu'ils ouvrent, et du « reste »...

N.B. — Quant aux dessins, étant donné la consigne sans doute, il semble que ce ne soit pas de vrais dessins de bande dessinée (on pourrait alors avoir par exemple, juste avant, un gros plan sur les enfants ébahis) ; mais des dessins qui ont été faits par rapport au récit écrit qu'ils illustrent.

3) DOCUMENTS : PRODUCTIONS D'ELEVES

a) Liste maximale de description

Au premier plan, une butte rocheuse qui est sans doute l'extrémité d'une île.

Derrière la mer est calme.

Deux petits rochers dedans à droite.

C'est la nuit.

Debout à l'extrémité de la butte : une énorme chouette ou une habitation en forme de chouette.

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Corps : en grosses pierres ou briques, ailes et tête en plumes ou en paille.

Oreilles.

Bec crochu normal.

Gros yeux ronds d'où provient un faisceau lumi­neux.

Queue en éventail.

Au-dessus, écrit, HOU HOU HOU...

Trois petits personnages : — un debout près de la porte avec une couronne de roi, un manteau d'hermine, une main levée qui tient un objet, au-dessus une bulle vide ;

— un petit gros avec un. bonnet pointu, un plus grand et plus maigre (deux enfants ou deux hom­mes s'avançant vers le premier personnage).

b) Récits

Le roi tait un geste d'appel

Trois naufragés se retrouvent sur une île. Une fois arrivés, ils aperçoivent une sorte de grosse bâtisse en forme de hibou. Le roi s'approche le premier et appelle les deux autres. Ils en font le tour, puis ils entrent à l'intérieur. Ils découvrent des tableaux de bord et des moteurs. Ce n'est pas un bâtiment, c'est une machine. Le roi maladroitement pose son coude sur une manette, alors la machine s'ébranle

et démarre dans les airs vers une destination in­connue.

Le roi (qui était déjà sur l'île) fait un geste d'accueil

Les deux personnages étaient sur un bateau qui a coulé. Ils sont arrivés sur l'île en barque. Ils ont été attirés par un grand hibou-phare. Le roi les voit venir de loin et les invite à avancer vers lui en leur faisant des signes de la main droite. Ils arri­vent devant le hibou. Le roi leur offre l'hospi­talité dans sa demeure mystérieuse.

Le roi fait un geste qui repousse

La chouette, personnage inquiétant, vient de ren­trer dans sa bâtisse. Elle a ordonné au personnage couronné d'arrêter les deux personnages qui lui paraissent trop curieux. Le personnage couronné fait un signe de la main. Il arrête les deux autres et se met à parler : « Repartez de cette île au plus vite, sinon la chouette vous tuera ». Une dizaine d'hommes sortent de la chouette pour attraper les deux personnages qui sont sûrement des enfants qui s'enfuient en courant.

Les deux hommes qu'on voit de dos sont des naufragés qui ont été attirés par cette sorte de hibou gigantesque. L'homme qui porte une cou­ronne est un fou et un savant qui a fait construire le hibou par des esclaves et qui se prend pour le roi de l'île. Et le roi les chasse pour ne pas se faire découvrir.

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Il - EXERCICE A PARTIR D'UN TEXTE

Objectif : à partir de « résumés » et de variantes d'un même conte, sensibilisation à la notion de structures narratives (nœuds dans le récit, sé­quences fonctionnelles et séquences qualificatives, actants et personnages...).

1) DEROULEMENT DE L'EXPERIMENTATION

Première heure : dictée du début du Petit Poucet dans la version de Perrault. Puis les élèves doivent résumer par écrit la suite de l'histoire telles qu'ils la connaissent (sauf l'élève haïtien de la classe à qui on la donnera à lire...).

Deuxième heure prolongée... : lecture de la ver­sion intégrale de Perrault. Puis au tableau, en classe entière, on réduit le conte en une liste de phrases simples (G.N. - G.V.) qui rendent compte de son déroulement. Ce déroulement est simple, sans retour en arrière. On y repère assez facilement des suites d'actions (séquences) qui forment des mini-récits dans le récit. Les termes de situation initiale, départ, épreuve, poursuite, etc. sont sug­gérés par le professeur, en même temps qu'on cherche des exemples dans d'autres contes. La né­cessité de rendre compte d'actions simultanées amène à la disposition en colonnes par personnage, et l'on voit bien qui est le héros, l'auxiliaire, l'agres­seur... (voir tableau ci-joint).

Troisième heure prolongée : on en arrive enfin à la comparaison avec les récits des élèves. Le pro­fesseur a fait lui-même le dépouillement des co­pies. On réfléchit ensemble sur les principales variantes (les copies en question sont lues).

2) COMMENTAIRE DES RESULTATS

a) Certains « résumés » ne comprennent pas la séquence du premier abandon qui échoue, puisque

Etablissement : Lycée F. Villon - Paris Classe : Quatrième classique (28 élèves) Français expérimental depuis la Sixième Enseignant : Denise BURGOS

le Petit Poucet a semé des cailloux qui permettent aux enfants de rentrer. Dans ce cas ils ne sèment pas non plus de miettes de pain et sont donc d'em­blée perdus — ils aperçoivent la maison de l'Ogre, etc. Il semble clair alors que cette première réussite du Petit Poucet (suivie de l'échec qui permet tout le reste de l'histoire) ne sert qu'à le poser comme héros astucieux méconnu précédemment (séquence qualificative). Et l'histoire est celle de l'affronte­ment avec l'Ogre qui permettra de revenir riche et comblé... Pas de séquence des petits cailloux non plus et pour cause, dans le devoir où ce sont les parents qui ont disparu et où les enfants se jettent dans la forêt en allant à leur recherche !...

Il est intéressant de noter que cet abrègement du conte choque beaucoup d'élèves pour qui le Petit Poucet, c'est d'abord cette histoire de petits cail­loux qui permettent de revenir à la maison...

b) Inversement deux autres « résumés » donnent bien ce premier épisode, puis l'arrivée chez l'Ogre, auquel les enfants échappent. Mais c'est pour ren­trer à la maison définitivement, semble-t-il. Fin de l'histoire. Il n'y a plus alors d'histoire merveil­leuse, mais seulement une histoire d'abandon et de danger auquel on échappe, thème qui a pu frapper plus que tout certains enfants. Mais ainsi l'his­toire n'est pas satisfaisante. Il manque le vol des Bottes de sept lieues, objet magique qui seul permet de combler les deux manques repérés au début : faiblesse du Petit Poucet, héros méconnu, et misère de la famille des bûcherons. On a donc affaire là à une séquence fonctionnelle indispensable.

(On peut noter que la comparaison des « résumés » évoqués en a) et de ceux évoqués en b) renforce, semble-t-il, la thèse de deux contes combinés en un : celui des enfants abandonnés dans la forêt et celui du Petit Poucet et de l'Ogre.)

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c) La séquence de l'échange des couronnes des filles de l'Ogre et des bonnets du Petit Poucet et de ses frères, échange qui fait que l'Ogre égorge ses propres filles tandis que les autres s'enfuient, est presque toujours absente dans les copies. Sans doute les livres d'enfants l'omettent-ils à cause de sa cruauté. Peut-on voir là encore une séquence seulement qualificative (cruauté de l'Ogre, nou­velle consécration du héros, qui ne lésine pas sur les moyens...), séquence qui peut être supprimée sans nuire à l'histoire ? Ou est-elle tout de même fonctionnelle (nécessaire à l'enchaînement) dans Perrault, s'il est sûr pour le lecteur que l'Ogre ne dormira pas avant d'avoir mangé des petits enfants, malgré la promesse faite à sa femme d'attendre le matin — calcul qui se révèle juste et justifie la ruse ?

d) Perrault donne lui-même deux fins à son récit, une fois les frères renvoyés à la maison et les Bottes enfilées par le héros : « Il y a bien des gens qui ne demeurent pas d'accord de cette dernière cir­constance et qui prétendent que le Petit Poucet n'a jamais fait ce vol à l'Ogre (le vol de ses riches­ses)... ». Dans les «résumés» des enfants, on ne trouve jamais la version du Petit Poucet se ren­dant à la maison de l'Ogre en son absence et obtenant toutes ses richesses en racontant une his­toire à sa femme. Sans doute cette escroquerie n'a-t-elle pas paru normale non plus aux auteurs de livres d'enfants... Dans la séquence retenue, le Petit Poucet va à la cour offrir ses services au roi et y réussit grâce aux Bottes, établissant aussi frères et père... Dans un devoir, une autre possi­bilité : avec les Bottes, le Petit Poucet va chercher l'armée qui tue l'Ogre ; le Petit Poucet qui en a débarrassé le pays est récompensé (séquence sup­plémentaire dans une autre copie : le Petit Poucet épouse la princesse...).

Toutes ces séquences peuvent se substituer l'une à l'autre sans changer le fonctionnement de l'his­toire (en en changeant, certes, l'idéologie...). Par toutes en effet, les deux manques initiaux sont comblés.

Ces « résumés » ont donné encore bien des va­riantes de détails fort intéressantes, même si elles n'intéressent plus seulement les structures narra­tives.

L'argent qu'ont reçu les parents et qui permet de subsister quelque temps après le premier aban­don et le retour des enfants, n'est pas souvent une dette qu'a enfin payée le seigneur, comme dans

Perrault, mais de l'argent donné par le seigneur en reconnaissance de bons et loyaux services — ou de l'argent qu'avait emprunté le voisin boulanger...

Si le Petit Poucet, la deuxième fois, sème son pain qui sera mangé par les oiseaux, c'est que, « grisé par son premier succès, il s'est levé trop tard pour ramasser à temps des petits cailloux»...

A la fin, la mère est souvent morte de misère, et c'est le père seul qu'on retrouve, etc.

Toutes variantes qui donnent bien aux enfants le sentiment qu'une même structure peut être habillée différemment. A l'inverse on lit les deux résumés très brefs qui (mémoires infidèles ou paresse ?) donnent d'emblée des structures narratives presque purement formelles : « Il revient à la maison grâce à un système ingénieux». Ou bien, après l'aban­don : « Alors commence une aventure sans fin. Ils tombent dans la maison d'un Ogre, mais ils arri­vent à en réchapper et ils retrouvent leur père ». Structures qu'on pourrait rhabiller...

3) CONCLUSION

Le corpus comparé à la version intégrale de Per­rault n'était pas homogène, puisqu'il ne faisait pas le partage entre ce qui venait de livres d'en­fants avec leur volonté propre de simplification et leur idéologie, et ce qui était résumés maladroits du conte de Perrault, ne sachant pas à quel niveau se situer ; sans compter les trous de mémoire et les projections personnelles. Mais le travail a beau­coup intéressé la classe. Tout en restant très riche en discussions de toutes sortes sur la signification du conte, il semble avoir permis de faire prendre conscience aux élèves que certaines séquences pou­vaient être supprimées (séquences qualificatives) — qu'à certaines on pouvait en substituer d'autres (variantes à proprement parler) — qu'enfin cer­taines étaient indispensables pour le fonctionne­ment général du conte (séquences fonctionnelles).

4) APPENDICE

Dans une autre séance, un peu plus tard, on a lu le conte de Grimm Hansel et Gretel et on l'a comparé avec celui de Perrault. La recherche des ressemblances qui ont d'abord frappé les élèves, et

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des différences entre les deux contes a été faite en groupes. La mise en commun des résultats, outre des différences de structures, a permis de voir que les rôles (actants) étaient non seulement tenus par des personnages différents dans les deux histoires, mais aussi parfois répartis différemment :

— Ce n'est plus à un héros suivi de six frères semblables à lui, mais passifs, qu'on a affaire, chez Grimm, mais à un garçon et à une fille qui se partagent également (discussion !) le rôle ;

— Ce ne sont plus les parents qui prennent la décision de perdre les enfants, mais la marâtre seule ;

— Ce n'est plus chez un Ogre qu'ils arrivent, mais dans la maison de pain d'épices et de sucre d'une sorcière qui vit seule ;

— La ruse pour échapper à la sorcière sert aussi à la supprimer (Gretel l'enferme dans le four qui

a été chauffé pour manger Hansel le premier). Du même coup la séquence de la poursuite et du vol des Bottes n'a pas besoin d'équivalent ; ils n'ont qu'à partir tranquillement avec les bijoux de la vieille... ;

— C'est leur père seul qu'ils retrouvent à la fin, la cruelle marâtre ayant été chassée. Satisfaction d'un désir affectif qui n'était pas au départ dans Perrault.

5) DOCUMENTS

Le Petit Poucet

Situation initiale : La famine sévit. Le bûcheron et la bûcheronne sont misérables et ont sept en­fants. Le plus jeune est tout petit et on le croit stupide.

Actions des parents

(1) Les parents décident d'abandonner leurs en­fants

(4) Les parents emmè­nent les enfants dans la forêt

(9) Les p a r e n t s les abandonnent (7) Les parents rentrent (8) Ils reçoivent de l'ar­gent du seigneur

(10) Les parents déplo­rent l'absence de leurs enfants

(12) Les p a r e n t s a c ­cueillent les enfants

Actions du Petit Poucet

(2) Le Petit Poucet sur­prend le complot

(3) Il fait provision de cailloux (5) Le Petit Poucet sè­me les cailloux sur le chemin

(9) Le Petit Poucet ra­mène ses frères devant la maison

(11) Le Petit Poucet et ses frères font connaître leur présence

Actions de la femme de l'Ogre

Actions de l'Ogre

31

Actions des parents Actions du Petit Poucet Actions de la femme de l'Ogre

Actions de l'Ogre

(Les parents n'ont plus d'argent. Retour à la situation initiale)

(13) Les parents déci­dent une deuxième fois d'abandonner leurs en­fants

(16) Les parents em­mènent les enfants dans la forêt

(19) Les parents aban­donnent les enfants

(14) Le Petit Poucet surprend le complot

(15) Il ne peut faire provision de cailloux (17) Le Petit Poucet sè­me son pain sur le che­min

(20) Le Petit Poucet et ses frères se perdent dans la forêt

(21) Le Petit Poucet voit la lumière d'une maison

(22) Il conduit ses frè­res à cette maison

(23) Il demande l'hos­pitalité

(25) Le Petit Poucet choisit de rester

(32) Le Petit Poucet remplace les couronnes des filles par les bonnets des garçons

(18) Les oiseaux man­gent le pain

(24) La femme leur ré­vèle que c'est la maison d'un Ogre

(27) La femme cache les enfants

(30) La femme persuade l'Ogre d'attendre le ma­tin (31) Elle couche les en­fants dans la chambre de ses filles

(26) L'Ogre arrive

(28) L'Ogre découvre les enfants (29) Il décide de les manger tout de suite

(33) L'Ogre tue ses filles

32

Actions des parents

(45) Les p a r e n t s a c ­cueillent le Petit Poucet avec joie

(45 bis) = 45

Actions du Petit Poucet

(34) Le Petit Poucet se sauve avec ses frères

(37) Le Petit Poucet et ses frères voient l'Ogre (38) Le Petit Poucet et ses frères se cachent dans une grotte

(40) Le Petit Poucet fait rentrer ses frères à la maison (41) Il enfile les Bottes de l'Ogre

(42) Il se rend à la mai­son de l'Ogre (43) Il obtient les ri­chesses de l'Ogre (44) Il ramène l'argent à la maison

(42 bis) Il va à la cour (43 bis) Il s'enrichit grâce aux Bottes (44 bis) = 44

(46) Il établit ses frères et son père (47) Il réussit à la cour

Actions de la femme de l'Ogre

Actions de l'Ogre

(35) L'Ogre découvre les cadavres (36) Il part avec ses Bottes de sept lieues

(39) L'Ogre s'endort sur la grotte

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B. - SÉQUENCE ET FONCTIONS

• PRESENTATION

• VARIATION DE RECITS SUR UNE SEQUENCE UNIQUE : «LA TROMPERIE»

Fiche d'expérimentation

Rapports d'expérimentation en classe

• DE LA FONCTION A LA SEQUENCE

Rapports d'expérimentation en classe

• DOCUMENT :

EXEMPLE DE MISE EN SEQUENCE D'UN CONTE

PRESENTATION

Ce travail a été conçu en prolongement du précédant. Il s'agit cette fois de travailler, à la fois, sur la notion de Séquence et sur celle d'Actant, en relation avec la notion de Fonction.

Par ce travail de décomposition séquentielle et fonction­nelle d'une histoire nous espérons voir les élèves réin­vestir ce savoir dans leurs lectures scolaires (comparer différentes fables) ou personnelles (bandes dessinées, romans, etc.).

C'est une attitude de lecture active et critique qui est

ainsi mise en place et qui est bien plus précieuse qu'au­cune explication de texte aussi savante soit-elle.

Nous présentons donc :

— Un exercice de variation de récits autour d'une sé­quence préalablement décidée : « La Tromperie ». Cet exercice est surtout destiné à montrer qu'une même structure de base peut donner lieu à des récits très différents au niveau de la manifestation (trois rapports) ;

—• Un exercice plus global, davantage centré sur la dé­couverte des séquences dans un conte et un texte court (trois rapports) ;

— Un exemple de mise en séquence d'un conte, préparé par le groupe de conception, sans participation de spé­cialiste en sémiotique narrative.

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VARIATION DE RECITS SUR UNE SEQUENCE UNIQUE : "LA TROMPERIE"

I - FICHE D'EXPERIMENTATION

1. OBJECTIFS

1.1. Distinguer dans un schéma narratif court, présent sous des formes diverses dans de nom­breuses histoires, les « valeurs constantes » et les « valeurs variables » (concepts utilisés par Propp, Morphologie du conte, chap. 2).

1.2. Définir ce schéma en décrivant ses articu­lations et ses composantes structurales.

2. PROCEDURE

On propose aux élèves une petit unité narrative, de l'ordre de la séquence : elle est désignée en quelques mots (cf. R. Barthes, Communications n° 8 : la séquence est toujours nommable). Par groupes, les élèves spécifient cette séquence, puis comparent leurs différentes réalisations. Cet exer­cice se distingue donc du remplissage sémantique de structures formelles données par avance. Ici les structures sont à composer. On a choisi La Tromperie.

3. PREPARATION

3.1. Autant que possible, faire l'auto-expérimen­tation dans l'équipe d'établissement (cf. 4. Dérou­lement). Produire ou rassembler des séquences de tromperie, faire la comparaison, établir le sché­ma constant et les variantes.

3.2. Sinon définir un schéma s'inspirant du sui­vant :

Soient : A : le trompeur B : le trompé.

3.2.1. Situation initiale : B (en général agres­seur) a un projet Z (contre A).

3.2.2. Série de fonctions : Io A forme un projet X (contraire au projet Z) qu'il cache à B ;

2" A fait croire à B quelque chose — dissuasion pour le projet Z ; 3° A persuade B de faire une action Y qui per­mettra la réalisation du projet X.

N.B. — Les temps 1° et 3° sont une complication de l'intrigue la plus simple quand B est un agres­seur : A peut se contenter de déjouer l'intention d'agression Z.

3.2.3. Axes de différenciation entre les histoires :

Io Caractères définissant le trompeur A et le trom­pé B :

— Le trompeur A vient de subir une dégradation (cf. les schémas de C. Brémond) (1) : il se venge ; — Le trompeur A n'a pas la force, mais un autre pouvoir (lequel ?), ou bien il paraît faible ;

— Des critères de valorisation marquant le « hé­ros » opèrent en même temps la distinction trom­peur/trompé.

2° Objectifs du trompeur A : Conserver ï

Reprendre K quelque chose. Acquérir J

(1) Communications n° 4 et n° 8 et Brémond, dans Sémio-tique textuelle et narrative (Larousse, Collectif, 1974).

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3° Moyens utilisés par le trompeur A : Un subterfuge, Un discours, Le pouvoir même de B, Un autre pouvoir. ,i|

4" Dégradation du trompé B :

Eliminé, Neutralisé, Puni, Privé d'un pouvoir qu'il possédait.

N.B. — Il ne paraît pas intéressant de donner un tel schéma même simplifié, par avance aux élèves. Il faudra plutôt les aider à constituer leur grille de travail.

3.3. Prévoir d'enregistrer les récits des élèves et de les polycopier (indispensable pour un travail de cette nature).

4. DEROULEMENT

4.1. Consigne de narration : «A, qui est faible, trompe B qui est fort». Raconter cette histoire en une page maximum.

Le récit est fait individuellement par les élèves chez eux.

4.2. Travail de groupe : choix d'une histoire, deux au maximum, par groupe. On notera les raisons de ce choix : pertinence par rapport à la consigne, cohérence narrative, autres raisons.

4.3. Séance collective : lecture à la classe des récits choisis par les groupes. Ils doivent être poly­copiés et, si possible, enregistrés.

4.4. Nouvelle phase de travail en groupes : un élève sera rapporteur. Distribution des quelques récits polycopiés.

Consigne : Trouver

a) Les différents moments de chaque histoire ; b) Les points communs aux différentes histoires ; c) Les différences entre ces histoires.

4.5. Nouvelle phase collective : discussion sur les analyses de chaque groupe. Essai de constitution d'un tableau récapitulatif du schéma constant sous-jacent à la tromperie, des possibilité diverses de spécification du schéma.

5. RESULTATS

Us seront enregistrés sous la forme : — Du tableau récapitulatif produit en elucidation collective (4.5.) ;

— Des documents produit en cours d'exercice : le temps des histoires, des notes prises sur les concertations dans chaque groupe (4.2.), des tra­vaux des rapporteurs (4.4.), des notes sur les débats d'élucidation collective (4.5.) ;

— D'un compte rendu joint aux documents bruts et suivant la démarche de la présente fiche (cf. l'exemple d'un compte rendu de la série Récit et narrativité, A. Huchon).

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l ia - RAPPORT D'EXPERIMENTATION (premier rapport)

Etablissement : Lycée de Gonesse Classes : Seconde AB (27 élèves)

Seconde C (34 élèves) Enseignant : Martine BEAULU

1) OBJECTIFS

— A partir de la consigne : « A qui est faible trompe B qui est fort », qui est la mise en sé­quence de la fonction « tromperie » (fonction VI in La Morphologie du Conte de V. Propp), faire écrire des récits aux élèves ;

— Du sémantisme et des articulations différentes d'un récit à l'autre, dégager la place et le fonc­tionnement communs de cette séquence.

2) DESCRIPTION

Chaque élève a composé chez lui un récit.

a) Choix, par groupe, d'un seul récit suivi d'une discussion collective sur les critères retenus (1 h).

Il est difficile de faire le point sur les relations entre les « qualités » du récit choisi et la person­nalité de son auteur. Un groupe en 2° AB se refuse à toute discussion et passe directement au vote.

Exemple d'une discussion enregistrée dans un groupe : Henri (le leader) : « Il s'agit de discuter dessus » (les récits).

Frédéric (le souffre-douleur du groupe) : « De discuter dessus ? ».

H. à F. : «Le tien, il ne parle pas d'animaux».

F. : « Il parle de quoi, alors ? Les castors qu'est-ce que c'est ? ».

H. (à propos d'un autre récit) : « C'est humoris­tique ».

F. : Le mien parle de castors ».

H. : «C'est bête... (coupure). J'ai demandé à ma mère ; je lui ai lu mon histoire, elle n'a pas arrêté de se marrer... Je préfère celle du ski nautique... ».

D'après l'enregistrement de la discussion de trois groupes et d'après les commentaires collectifs, quel­ques-uns des critères sont les suivants :

— Le respect de la consigne ;

— La dramatisation de la ruse : Ex. : Marc reproche à son camarade : « Tu ne ra­contes pas, tu n'expliques pas les choses. Grâce à elle de nombreux... On ne voit pas comment elle trompe. Elle lui soutire des renseignements, mais on ne voit pas. Y a pas ruse » ;

— La vraisemblance, la pertinence des moyens utilisés. Un groupe rejette ainsi un récit où un magicien est trompé : Hélène : « Le magicien, il a tous les pouvoirs, alors il aurait vu ».

Michèle : « Oui, mais si tu tombes dans le domaine du vraisemblable, alors il n'y a plus beaucoup de contes qui veulent marcher. La chèvre de M. Se­guin ne marche plus » ;

— L'originalité (la contemporanéité) ou le plus grand classicisme (j'avais en effet demandé de rédiger un conte sans envisager les connotations qu'avait pour les élèves ce terme). Un récit par exemple, sera retenu parce qu'il rappelle un conte de Perrault ;

— La moralité de l'histoire. Aucun récit d'ailleurs ne présente un méchant faible.

b) Chaque groupe remplit une grille préparée et refaite avec la classe (2 h), cf. documents ci-joints. Chaque récit retenu a été polycopié.

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c) Reprise collective (2 h) :

Lecture des colonnes donnant les qualifications des personnages. Malgré les variantes individuelles, il a été aisé de dégager les constantes dans l'inves­tissement de « faible » associé à petit, pauvre, gé­

néreux, méritant... et de « fort » associé à gros, bête, orgueilleux, laid, brutal, égoïste... La lecture de la colonne 6 pour A et 5 pour B per­met d'établir les relations sujet-objet (de la ruse) que les récits instaurent. On en arrive à trois sortes de schémas :

Avant la ruse

Sujet (A) — Sujet (B)

Après la ruse

S (A) — S (B)

Objet (Z) Pouvoir royal Pouvoir du maire..

O (Z)

S (A) — S (B)

\ S O (Z) Succession

Victoire à la course

S (A) — S (B)

O (Z)

ou S (A) — S (B) S (A)

O (Z) Menace de mort

Les schémas de gauche sont ainsi formulés désire

B veut garder veut commettre

désire posséder désire empêcher

La séquence de la tromperie appelle donc une séquence initiale qui l'intègre dans une logique narrative.

Lecture des moyens utilisés pour assurer le triom­phe de la ruse. Il s'agit d'amener les élèves à une certaine généralisation dans la formulation de ces moyens.

Cette phase a été la plus dirigée, même une fois posé le code A, B, X et Y. En étudiant les récits l'un après l'autre, nous dégageons les trois types d'enchaînement suivants (pour les deux classes).

A fait une action X (couper les robinets de pétrole) et fait croire à B une action Y (rétablir le pé­trole) ou laisse faire à B une action X (le chardonneret et l'aigle) et fait croire à B une action Y ou une parole ou fait croire à B une parole X (vertu magique de l'habit), action X (l'Etat ne donne plus d'ar­gent)

et fait faire à B une action Y.

La discussion a essentiellement porté ensuite sur la typologie du fort et du faible dans le récit et sur le caractère relatif des rapports entre force et faiblesse reliés souvent dans les récits à l'institution (les formes de pouvoir).

Après que nous avons dégagé la trame commune, les élèves sont donc revenus spontanément au sé-mantisme des récits seul porteur selon eux du

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sens dans la mesure où l'utilisation commune d'un faire et d'un faire-semblant pour la tromperie leur a paru être l'évidence même, quel qu'en soit le fonctionnement.

3) DOCUMENTS

Première série d'exemples (Seconde C)

1. Mohamed-ben-Souffi l'en avait bien assez d'être volé. Déjà le gros Américain l'y avait presque tout mangé le pétrole. Avec sa Cadillac il était passé et il avait acheté, acheté, acheté, avec des tas de gros billets, et même que pour lui c'était de la pécadille, et que le pétrole qu'il achetait ici quel­ques dollars il le revendait chez lui dix fois plus cher. Bientôt Ben-Souffi vit arriver d'autres per­sonnages et tous y voulaient du pétrole. « 50 000 dollars», « 80 000 roubles », « 180 000 francs ».

Alors Ben-Souffi qui l'était malin, il avait vu qu'il y restait pas beaucoup d'or noir. Alors comme en plus il était fatigué et que le soleil y tapait dur sur le crâne de Mohamed, il a fermé les robinets et est allé se coucher. Le lendemain, tout le monde lui proposait le double. « 100 000 dollars », « 160 000 doubles », « 360 000 francs ».

Alors Mohamed il a donné le pétrole un peu et puis il a refermé le robinet. Alors le lendemain tout le monde lui donnait le triple.

Mais Mohamed il se posait une question : « Qu'est-ce qui font avec tout ça ? C'est même pas bon à boire ».

C'était autrefois, quand le soleil tapait dur encore sur cette planète qu'on appelait la terre, avant qu'à bout de pétrole, les grandes puissances ne se soient entre-dévorées et n'aient ainsi détruit la terre.

Jean

2. Il était une fois deux architectes qui arrivaient dans une ville.

L'un était fort comme un taureau et puissant, l'autre était malingre et fiévreux.

Ils firent le pari de construire un bâtiment. Celui qui était fort construisait une cathédrale et son échafaudage en était au dernier étage.

Le petit architecte n'en était qu'aux fondations, faute d'ouvriers et de force, sous les yeux du public admiratif de ce pari.

Il invoqua le diable qui accepta le service qu'il lui demandait mais à condition qu'il lui donne deux âmes pour les emmener en enfer, et en faire ses esclaves.

Le diable fit échouer le puissant architecte qui se suicida. Le petit architecte gagna le pari et devint le maire de la ville sous les acclamations du public.

Le diable attendait comme prévu sur le pont. Le petit architecte lâcha de la porte de la ville deux chiens. Le diable égorgea les deux animaux et trépigna de rage et depuis ce temps-là, le pont resta à jamais tordu.

Didier

3. Dans une forêt de France, au moment où les beaux jours commençaient à arriver, les animaux décidèrent d'organiser une course entre eux et de porter le gagnant en triomphe. Le renard, le plus connu du bois, s'inscrivit en hâte, défiant tous les autres de pouvoir le vaincre. Deux escargots qui trouvaient le renard trop orgueilleux décidèrent de ne pas le laisser remporter la victoire. Le jour de la course arrivé, il y avait un des deux escargots au départ aux côtés de nombreux autres animaux. Quand les concurrents entendirent le mot de dé­part, chacun partit aussi bien qu'il put. Le renard, sans trop se fatiguer, put prendre une avance assez nette sur tous ses adversaires, si bien qu'il se voyait déjà triompher. Mais à cent mètres de l'arrivée, il vit une chose qui le stupéfia. L'escargot était en train de remporter la victoire sous les acclamations des spectateurs. Il se crut désormais sans pouvoir, lui qui avait tout prévu pour gagner sans mal, et c'était tomber bien bas que de se faire battre par un escargot.

Ce qui s'est passé en fait, c'est que le deuxième escargot qui n'était pas au départ était posté aux derniers mètres avant l'arrivée et qu'il remplaça le premier avant que le renard n'arrive.

Nedjma

4. Il était une fois, dans un pays appelé Grown-well, deux enfants. Le premier, Alban était doux, généreux et avait beaucoup de petits et de petites camarades. Alban faisait partie d'une famille de treize enfants. Ses parents étaient paysans et étaient

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très pauvres. Le second s'appelait Brutus, il était fils unique, méchant, égoïste et très laid. Son père était le marchand de tissus le plus important du village.

Tous les ans, le châtelain organisait des jeux dans la cour du château pour les enfants du village. Et tous les ans, Alban, à la même époque, était très triste car chaque année Brutus gagnait tous les jeux réservés aux enfants. Alban aurait voulu gagner au moins une fois dans sa vie à ces jeux. Le jour de fête arriva. Durant toute la nuit pré­cédant les jeux, Alban ne pouvait dormir. Alors quelques instants avant que le soleil ne se lève une fée apparut dans la chambre d'Alban et vint s'asseoir tout près de lui.

Voici ce qu'elle dit à Alban : « Bonjour Alban, je te connais bien et je sais que tu mérites de gagner aux jeux de sir de Féroë». Alban n'en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. « Aussi, dit la fée, chaque fois que tu verras Brutus faire une mau­vaise action afin de pouvoir gagner, fais un vœu qui le punira ». La fée disparut dès que les pre­miers rayons de soleil emplirent la pièce.

En se rendant au château, il rencontra Brutus. Chemin faisant, Brutus bouscula Alban et s'éloi­gna en courant. Dans sa chute, Alban se foula la cheville. Il alla donc au château à l'aide d'un bâton. Quand il arriva, les jeux étaient déjà commencés.

Alban s'assit dans les tribunes.

Il y avait vingt coureurs qui participaient à la course. Brutus était troisième. Il bouscula celui qui était devant lui, le coureur tomba. Alors Alban se rappela ce que la fée lui avait dit. Lorsque Brutus allait agripper le coureur de tête, Alban pensa « tombe ». Alors Brutus tomba au sol comme un sac de son. Brutus encore fier se releva et se dirigea vers l'endroit où se déroulait le tir à l'arc. Là encore, Brutus fit les pires méchancetés à ses camarades. Quand ce fut à son tour de tirer Alban fit un vœu et la flèche de Brutus alla se planter encore plus loin du centre de la cible que celle des autres concurrents. Brutus se sentait profon­dément humilié et tous les joueurs commençaient à se moquer de lui. A la lutte, Brutus fut tout de suite vaincu. Alban avait encore fait un vœu au moment opportun. Ce fut Gruylart, voisin d'Alban qui remporta toutes les épreuves.

Alban n'avait pas encore gagné cette année mais

il était quand même heureux : Brutus avait mal joué et il avait perdu.

Bernadette

5. Il était une fois, il y a bien longtemps, un homme fort riche qui aimait les promenades à cheval et possédait une bête somptueuse. Cet hom­me était brutal, aimait se faire respecter, ne se souciait pas des autres. D'autre part, un pauvre petit paysan dont la ferme se trouvait sur le chemin des promenades du riche, enviait beaucoup son somptueux cheval noir. C'était un homme très simple, renfermé sur lui-même, prenant garde de ne pas gêner autrui.

Un jour, l'homme riche fit sa promenade habituelle à cheval, et, arrivé à la hauteur de la ferme du paysan, voyant son cheval donner des signes de fatigue, il s'arrêta. Il entra sans gêne dans la ferme et cria au paysan sur un ton de commandement : « Eh, toi, garde mon cheval pendant que je conti­nue ma promenade à pied. Et pendant que tu y es, tu me le brosseras et me le nettoieras. Qu'il soit impeccable quand je reviendrai». Le pauvre accepta sans mot dire, un peu apeuré par le ton sur lequel il avait reçu ces ordres. Et le riche s'en retourna à sa promenade. Alors, le pauvra alla conduire le somptueux cheval dans la petite écurie qu'occupait déjà un vieux cheval usé par les la­bours. A ce moment le pauvre eut une idée diabo­lique. L'envie d'avoir un cheval comme celui du riche le poussa à ceci : il prit de la teinture noire et en recouvrit le corps de son vieux cheval, il le maquilla si bien qu'on l'eût confondu avec celui du riche. Peu après, ce dernier revint chercher son cheval, cria très fort après le paysan, disant qu'il l'avait mal brossé, et repartit avec le vieux cheval maquillé. Il remarqua que la bête n'était pas comme d'habitude, qu'elle était lente. Alors il soupçonna quelque chose et, tout à coup, le cheval passa dans une flaque d'eau et le bas de ses pattes reprit sa couleur naturelle. Alors, le riche comprit tout, entra dans une fureur vive et retourna vite chez le paysan. Il arriva à la ferme et cria toutes les injures possibles au malheureux qui, apeuré, s'était réfugié dans l'écurie. Le riche y pénétra bruta­lement, aperçut son cheval, sa colère redoubla, il saisit un bâton et frappa violemment le paysan à moitié caché sous la paille. Il continua à frapper malgré les cris de douleur du paysan qui implorait sa pitié et demandait sa grâce. Après avoir subi pendant un quart d'heure les coups de bâton, il mourut. Alors le riche reprit son cheval et s'en

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alla. Puis, le cheval du pauvre s'allongea à côté de son maître et se laissa mourir.

Jean-Jacques

6. Il était une fois une éléphante très coquette qui voulait s'offrir pour Noël un cadeau peu banal : un manteau de souris blanches. Ainsi peu à peu les souris furent décimées. Nul dans le pauvre peuple des « poils aux pattes » n'en réchappa, sauf une souris minuscule qui était la fille du roi. Elle décida de venger sa « patrie ». Elle donna rendez-vous à l'éléphante et, le jour convenu, elle jeta son gant à la figure de l'éléphante. Malheureu­sement le gant s'engouffra dans la trompe de l'élé­phante. La souris s'élança vaillamment dans la trompe pour récupérer son bien. La pauvre élé­phante prise au dépourvu s'écroula étouffée. La souris triomphante fut surnommée : « l'éléphan-tine » et vécut jusqu'à la fin de ses jours heureuse d'être vengée.

Eric

7. Au cours de la guerre entre Israël et les Philis­tins, il y eut un combat singulier. David, qui était petit et malingre, provoqua en duel un géant Phi­listin, Goliath, qui était très fort. Sa face était hirsute, il avait tout d'une brute. Son corps était massif ; de ses épaules à ses hanches, il n'y avait aucune différence. Plusieurs bracelets enserraient ses puissants bras.

Le combat arriva. Goliath était armé d'une grosse massue hérissée de clous alors que David n'était apparemment pas armé. Goliath s'avança vers Da­vid d'une démarche saccadée et très imposante. David ne bougeait pas, semblant attendre la mort. Mais, brusquement, David sortit une fronde de sa tunique, y introduisit une pierre et la propulsa vers le colosse. Le géant tituba et s'écroula, juste aux pieds de David. Le faible avait triomphé du fort.

Thierry

Seconde série d'exemples (Seconde AB)

1. Il était une fois un continent appelé l'Europe qui possédait tout ce que pouvaient souhaiter ses habitants pour manger à leur guise et vivre tran­quilles sauf une chose nécessaire pour fabriquer certains produits et objets et chauffer leurs de­meures : le pétrole. C'étaient ses voisins du Sud,

l'Algérie, l'Iran, l'Irak, le Pakistan... qui le déte­naient. Or, mis à part cette richesse, ces pays étaient pauvres et de nombreuses régions déser­tiques souffraient de la sécheresse ; leurs habitants devaient durement travailler la terre pour obtenir quelque récolte. Ils avaient souvent demandé de l'aide à l'Europe qui, toujours animée de bonnes intentions changeait d'avis en cours de route, lais­sant ses voisins dans l'attente. C'est pourquoi ils décidèrent de punir cet ami en qui ils avaient mis toute leur confiance, et coupèrent les robinets qui acheminaient le pétrole vers l'Europe.

Corinne

2. L'action se passait sur les quais de la Seine. Assis sur un banc, un homme d'une quarantaine d'années pensait : « Cela fait maintenant une se­maine que je suis ruiné. Il faut que je trouve une solution pour gagner rapidement de l'argent ».

La solution jaillit de ses pensées quand il aperçut un gros homme qui criait en sautant de joie : « J'ai gagné vingt millions au tiercé ».

Il mit aussitôt son plan à exécution. Il aborda l'homme et lui dit :

— « Pardon, mais vous aviez misé combien pour gagner une somme pareille ?

— Toute ma paye, mon gars, oui, toute ma paye, ha, ha.

— Alors, tu es ruiné mon pauvre ami. Tu n'es pas au courant ? L'Etat ne donne plus l'argent car il a besoin de fonds. « Ils » ont même dit : tant pis pour ceux qui ont gagné. Allez, va donne-moi ton ticket. Comme cela te ferait trop de peine de le mettre toi-même à la poubelle, je le ferai pour toi. »

L'armoire à glace lui tendit le billet et il se jeta dans la Seine.

Peu de temps après, quand l'autre se présenta pour encaisser l'argent, il s'entendit dire par le fonctionaire : « Vous n'êtes pas au courant ? L'Etat a besoin de fonds et il ne donne rien. Le président de la République a même dit : et tant pis pour ceux qui ont joué ».

Pierre

3. « Oyez, oyez, bonnes gens de Paris. Venez tous écouter l'histoire du bouffon devenu roi.

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Autrefois, un roi cruel aimant la bonne chère et la guerre régnait sur cette province. Il terrifiait ses sujets qui fuyaient sur son passage. Un soir, revenant d'une bataille, il dit à son bouffon : « Je donne une fête en l'honneur de ma victoire, je t'ordonne de me révéler le secret du rire sinon je t'envoie moisir dans le plus profond des ca­chots ». Le bouffon, rusé comme un renard et malin comme un singe, cherchait toujours l'occa­sion de tromper son maître. Il feignit la peur : «Pitié, majesté, pitié, je vais tout vous dire». Il s'approcha du souverain et lui chuchota à l'oreille : « Mon travesti est magique ; tous ceux qui le por­tent ont le pouvoir de faire rire. Si mon seigneur le désire, demain je lui prêterai mon habit et mon seigneur me prêtera sa couronne ».

Le roi chez qui la force était bien plus développée que la cervelle, ne mit point en doute la parole de son bouffon. Le lendemain au dîner le roi es­sayait en vain de faire rire ses convives quand tout à coup, le bouffon coiffé de la couronne royale et assis majestueusement sur le trône, or­donna : « Gardes, jetez dans le plus profond des cachots ce misérable bouffon ». Le règne de la cruauté fit place à un règne de bonté. Et c'est ainsi, bonnes gens de Paris que pour la première fois dans l'histoire de France, un bouffon devint roi. »

Martine

4. Maître Pique-Bœuf sur un hippopotame per­ché tenait en son bec un insecte.

— Oh, petit ami, dit l'hippopotame, débarrasse-moi de ces maudites bêtes.

— Mais avec plaisir, maître Hippo, à une seule condition.

— Laquelle ? Dis, si elle est en mon pouvoir, je te l'accorderai.

— En es-tu sûr, maître Hippo ? Tout le monde au village dit que tu es féroce et bonimenteur.

— Ils disent cela ? Mais ils ont tort... Dis-moi vite ta condition, je sens une mouche sur mon oreille gauche.

— Eh bien là voilà : c'est que je puisse garder un couple d'insecte comme compagnons.

—• Piètres compagnons, en effet. Mais tu as peut-être raison, c'est une condition vraiment minime.

Tu ne veux vraiment rien d'autre ?

—• Non. Ah si, peux-tu me laisser tranquille tout le temps de mon festin ?

— Bien entendu. Bon appétit, maître Pique. Une heure après...

•— Je me suis bien repu et je crois t'avoir débar­rassé de tous tes locataires.

— Merci maître Pique. As-tu gardé ton couple de bestioles ?

— Oui.

— Alors tu peux partir et me laisser en paix pour ma sieste. Au revoir, mon ami.

— Je te saluerai après avoir mis mes compagnons en lieu sûr, sur ton échine par exemple.

— Tu n'oseras pas ? Ne le fais pas. Oh, par tous les saints Hippo il l'a fait... Ta condition n'était pas celle-ci.

— Non, mais personne ne m'interdisait dans notre contrat de les remettre en liberté. Au revoir, maître, et à bientôt, j'espère...

Ainsi fut trompé l'hippopotame, animal fort par son physique et non par son esprit, par le pique-bœuf, amateur d'insectes.

Philippe

5. Après la mort de leur ancien roi, tous les oi­seaux du bois, grands et petits, se réunirent pour désigner leur futur monarque. Et comme le voulait la vieille coutume, c'était celui qui montait le plus haut dans les airs et pouvait ainsi dominer toute la forêt qui était sacré souverain.

Personne ne doutait du résultat, celui qui gagne­rait serait le plus fort, le plus puissant, autrement dit l'ambitieux et impie aigle géant.

Cependant, il y en avait un qui ne désespérait pas. En effet, le joyeux petit chardonneret, bien que considéré comme faible par les uns, sans cervelle par les autres, voulait montrer ce dont il était capable. Et, pour cela, il avait dans sa minuscule tête multicolore, un plan. Plan qu'il ne lâcherait pas de si tôt.

L'heure arriva. Tous les oiseaux se sentant capables de gagner, se préparaient à prendre le départ. Le chardonneret aussi était là. Personne ne l'avait vu. Lorsque l'aigle déploya ses ailes pour s'envoler, il se mit à battre de ses fragiles ailes et se posa déli-

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catement sur le dos du puissant rapace. Enfin, tous s'envolèrent. Bientôt l'aigle distança tous les autres, il montait si rapidement que le pauvre petit char­donneret dut s'aggripper solidement aux petites plumes soyeuses du grand oiseau.

Quand l'aigle fut fatigué par son effort, et sut que personne ne pouvait plus le battre, il se posa sur un rocher de l'immense montagne qui limitait le royaume des bêtes. C'est le moment que choisit le passager clandestin pour s'envoler.

A cet instant, on entendit des cris de joie et de respect. L'aigle gonfla son buste ; mais bien vite il devint furieux en voyant que ces acclamations ne lui étaient pas adressées. Il leva la tête et vit le chardonneret perché sur le sommet de la mon­tagne ; il en resta muet, comme paralysé.

Et ce fut le minuscule chardonneret qui succéda à l'ancien roi, aimé et respecté de tous, tandis que l'aigle n'en revenait pas de sa défaite.

Moralité : il ne suffit pas d'être fort pour pouvoir faire la loi ou la loi du plus fort n'est pas toujours la meilleure.

Marc

6. Il était une fois un tout petit village perdu au fond de la vallée. Le maire de ce village était un homme vaniteux et méchant. D'une force hercu­léenne et d'une endurance à toute épreuve, il orga­nisait chaque année une foire gigantesque où se déroulaient essentiellement des tours de force. Là, le maire paradait. Il offrait à tous le spectacle de ses muscles d'acier, de sa puissance incroyable. La foire durait trois jours. Les deux premières jour­nées, on admirait le maire, on l'applaudissait. Mais le troisième jour, chacun tremblait. En effet le maire était aussi, hélas, d'une infinie cruauté. Il avait inventé un jeu affreux qui consistait à pren­dre un « volontaire forcé » et à l'obliger à porter une pierre lourde de cent kilos. En général, le pauvre paysan en était bien incapable, et le maire victorieux réussissait toujours à hisser l'énorme bloc à une hauteur considérable. Puis, il tenait le langage suivant : « toi, paysan, qui a osé défier ma force, tu finiras ta vie en prison. Quant à ta

femme et tes enfants, ils seront châtiés comme il se doit ».

Il faisait beau par ce troisième jour de foire. Mais, hélas, personne ne souriait. Seul, le petit cordonnier semblait heureux. Il se réjouissait du bon tour qu'il allait jouer au vilain maire. A l'aube, il était allé au cœur de la forêt. Sur sa demande, les araignées avaient tissé une énorme toile, une toile si grande qu'elle pouvait recouvrir sans peine une pierre de cent kilos. Puis, les fourmis avaient tressé de solides nattes de mousse et d'herbes coupantes, des nattes si solides qu'elles pouvaient sans peine re­tenir une pierre de cent kilos. Puis il leur avait expliqué son plan.

Il était dix heures passées quand le maire arriva sur la place, devant la pierre. Il s'apprêtait à choisir une victime lorsque le petit cordonnier arriva tout essoufflé et déclara : « J'accepte, puis­sant seigneur, mais à deux conditions : tout d'abord, ce sera toi le premier qui soulèvera la pierre, et deuxièmement, si tu échoues, tu iras en prison, comme les autres ». « Soit, répondit le seigneur amusé, mais prend garde, tu paieras ton audace. » Puis il se dirigea vers la pierre. Il retira son manteau, respira de toutes ses forces. Il passa ses deux bras puissants autour de la pierre et essaya de la soulever. Mais que se passait-il donc ? La pierre ne bougeait pas d'un pouce. Il essaya une deuxième fois, en vain. Il s'époumonait, soufflait, crachait. La rage déformait son visage. Comment aurait-il pu deviner que trois pieds sous terre une légion de fourmis tirait d'énormes nattes ac­crochées à une toile d'araignée qui recouvrait une certaine pierre de cent kilos. La foule observait le maire. Puis, n'y tenant plus, elle se précipita sur lui, le traîna en prison, le battit. Pendant ce temps, le coordonnier avait coupé les nattes et congédié les fourmis. Puis, aidé par tout le village, il traîna la pierre devant la cellule où était enfermé le maire et déclara : « Toi qui n'écoutais que ton orgueil, je te laisse à jamais cette pierre devant ta porte. Tu ne pourras jamais t'en débarrasser car en te réveillant tu t'apercevra qu'on t'a coupé les bras. Souffres comme tu as fait souffrir les au­tres ».

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45

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49

l ib - RAPPORT D'EXPERIMENTATION (deuxième rapport)

Objectif : à partir d'une même séquence fonc­tionnelle ( « la tromperie » ) mais avec des rem­plissages différents, reconnaître les fonctions, déter­miner ce qu'elles ont de commun ou de différent et tracer un schéma de la séquence.

1) DEROULEMENT

Consigne : rédiger un récit d'une dizaine de lignes dans lequel un fort A est trompé par un faible B.

L'exercice est présenté comme un exercice « nor­mal » et se déroule en deux séances de travaux pratiques (classe dédoublée à la première, regrou­pée à la seconde qui dure deux heures).

a) Première séance

Chaque élève a été prié la veille de réfléchir à un thème mettant en rapport un fort et un faible. La consigne est donnée. Les élèves se groupent, par affinité, en équipes. Ceux qui n'ont pas trouvé de place sont répartis entre les équipes constituées. On note quelques différences avec la constitution précédente des équipes. Chaque équipe désigne un secrétaire, confronte les thèmes proposés par ses membres, choisit celui qui lui paraît le plus inté­ressant, le met en forme collectivement.

Observations : le secrétaire choisi est généralement le plus mauvais élève. Il participe peu à la rédac­tion commune et se cantonne dans son rôle de « script ».

Etablissement : C.E.S. mixte, 6, rue Cler - Paris (7e) Classe : Quatrième B (27 élèves) : milieu social diversifié avec dominante « em­ployés » et « petits cadres », niveau : C ; majorité de garçons Enseignant : Marcel JARRAUD

Des oppositions, souvent vives, éclatent au niveau des idées, de la sémantique et de la syntaxe. Le texte définitif ne retient que le consensus général et se trouve amputé de tout ce qui n'a pas reçu un accord général.

Le récit « Le Lion et le Rat » a été l'objet de trois rédactions successives (voir documents annexes). Le choix du Lion et du Rat comme personnages fort et faible paraissait excellent. Mais la première version, proche de la fable de La Fontaine, ne paraissait pas développer une tromperie. La se­conde non plus, en particulier la morale. La troi­sième est révélatrice de l'effort fait pour y par­venir.

Le texte est polycopié par les secrétaires.

b) Deuxième séance

10 Le texte polycopié des six récits est distribué à tous les élèves. 2° Chaque histoire est lue et on procède à la cor­rection des fautes (orthographe, ponctuation, syn­taxe) . 3° Chaque équipe répond à la question suivante : « Pourquoi (et comment) avez-vous choisi dans votre groupe le récit que vous proposez ? ».

Les réponses se regroupent en trois types :

11 est plus facile de mettre en action des animaux. On peut leur faire dire ce que l'on veut, les faire agir comme on veut ; avec des personnages hu­mains cela paraîtrait invraisemblable.

Nous avons voulu choisir une histoire aussi proche de la réalité que possible.

50

Nous avons choisi ce qui offre un caractère de créativité originale. Nous avons éliminé les fables et contes déjà connus.

4° Les groupes se reconstituent et analysent les six récits selon une grille écrite au tableau.

5° Collectivement sont établis : un tableau des ressemblances et des différences, un schéma de la séquence commune aux six récits.

2) ANALYSE DES RECITS

Io GRILLE

a) Rapport fort-faible

Pourquoi dites-vous que A est fort ?

Pourquoi dites-vous que B est faible ?

Le rapport fort-faible vous paraît-il exact du début à la fin ?

Comment évolue-t-il ? Qu'est-ce qui peut le modi­fier ?

b) Projets des personnages

Que cherche à obtenir le fort ?

Que veut le faible ?

c) La mise en œuvre des moyens

Que met en œuvre le fort ?

Que met en œuvre le faible ?

Dans quels récits vous semble-t-il qu'il y ait du­perie ?

Selon vous que faut-il pour qu'il y ait duperie ?

Pourquoi avez-vous accepté les récits où il n'y a pas duperie ?

Qui est valorisé et comment ?

d) Le résultat

Qui triomphe ?

Les positions sont-elles les mêmes qu'au début ?

Une moralité vous semble-t-elle nécessaire ? Pour­quoi ?

2° CONCLUSION D'ENSEMBLE (Les débats n'ont pas été enregistrés)

Le rapport fort-faible s'établit dans un même domaine : force physique, condition sociale, qualité particulière, possession d'un objet, etc. Pour que ce rapport s'établisse il faut qu'il y ait une compé­tition entre A et B. Ce rapport est finalement celui qui existe entre «être» et «paraître». A paraît fort (apparence physique, sociale, conventionnelle, due à la renommée, etc. B est réellement fort (sa force n'est pas apparente au début, mais s'il était faible il ne l'emporterait pas ; c'est toujours le fort qui triomphe). A est affaibli ou non. B est renforcé ou non .Le rapport A/B est toujours in­versé. Le triomphe de B est moral ou non.

Presque toujours, et conventionnellement, B est présenté sous un aspect sympathique. Il est valo­risé. Une fin morale est ressentie comme néces­saire.

3) TABLEAU DES RESSEMBLANCES ET DES DIFFERENCES

Sur l'identité et les caractères de A et de B.

Il porte : Sur le bien (possède ou convoite) : bien matériel, vie, renommée, amour-propre, etc. ; Sur les projets : acquérir ou conserver ; Sur l'adjuvant mis en œuvre : objet, tiers, ruse, incitation à commettre une action qui affaiblit A, attente d'une faute, hasard, etc.

Observation : une longue discussion s'établit pour savoir si le hasard doit être admis ou si l'intention est indispensable à la notion de tromperie.

S'appuyant sur deux récits : Le braconnier trom­pé par son chien (absence d'intention, hasard) et le Chien et le Lièvre (intention), l'avis gé­néral est que le résultat serait le même si l'on supprimait la marque du hasard ou la marque de l'intention, ou si l'on inversait ces marques, et que donc le hasard doit être admis (comme 0 in­tention) .

51

4) SCHEMA (écrit au tableau) Le Lion et le Rat

a) A veut acquérir un bien que possède convoite

B.

A est en position d'agressivité. Il en résulte une opposition agent/patient.

matériel conserver acquérir b) B veut ce bien vie

renommée amour-propre, etc.

c) Le rapport initial est inversé (B devient agent, A. est patient).

d) Pour cela B met en œuvre un adjuvant (objet, tiers, ruse, incitation à une faute, attente de la faute, ou hasard, ou circonstance favorable) qui affaiblit A.

e) B devient plus fort que A et atteint son objectif.

5) DOCUMENTS ANNEXES

Le Chien et le Lièvre

Au cours d'une chasse, Médor flaire la trace d'un pauvre lièvre. Vite il se rapproche du lièvre, et aussitôt une poursuite folle s'engage par monts et par vaux. Après vingt minutes de cette course in­terminable le lièvre trouve le moyen de se débar­rasser du chien. U traverse une basse-cour pour brouiller sa piste et en sort sans danger. Et Médor de rentrer la tête basse, la queue entre les pattes, aussi penaud qu'un renard qu'une poule aurait pris.

de de Goy, Erny, Beaupin, Châtelet.

La Dupe de Sophie

Un jeudi, j'étais avec ma petite cousine, cinq ans. On m'avait recommandé de ne pas lui donner de sucreries à cause de ses dents. Mais elle m'en réclama sachant qu'il y en avait dans la cuisine. Je refusai de lui en donner. Elle finit par trou­ver une ruse. Elle me fit croire que l'on avait sonné à la porte et que je n'avais pas entendu. J'allai ouvrir et je ne trouvai personne, je regar­dai en vain et quand je revins, je vis Sophie avec une tablette de chocolat à la main.

de Tabut, Kasty P., Napoli, Varigault.

Première version :

Un beau matin de printemps un lion s'éveille, engourdi et voit entre ses pattes sortir de terre un petit rat étourdi. Le roi des animaux, en cette occasion montra ce qu'il était et lui laissa la vie sauve. Mais le rat se montra féroce et quelqu'un n'aurait jamais pensé qu'un lion eût affaire à un rat. Cependant, juste à la sortie de la forêt, ce grand roi fut interpellé par ce rat qui lui avait tendu un piège : une fosse à lions. Ses rugissements et sa force ne purent le laisser sortir de la fosse. La patience et la longueur des temps font plus que force ni que rage.

Deuxième version :

Un beau matin de printemps, un lion s'éveilla, engourdi, et vit entre ses pattes sortir de terre un petit rat étourdi. Le roi des animaux, en cette occasion, montra ce qu'il était et lui laissa la vie sauve. Mais le rat se montra féroce, comme pour vouloir dévorer cette grosse bête. Et quelqu'un ni personne n'aurait jamais pensé ni cru qu'un lion eût affaire à un rat. Cependant, juste à la sortie de la forêt, ce grand roi fut interpellé par ce rat qui lui adressa des injures. Le lion affligé lui courut après et le rat lui avait tendu un piège : une fosse à lions. Ses rugissements et sa force ne purent le sortir de la fosse. Le rat le regardait en riant. La patience et la longueur des temps font plus que force ni que rage.

Troisième version :

Un beau matin de printemps, un lion s'éveille, engourdi, et voit entre ses pattes un petit rat qui lui rongeait ses restes de nourriture. Le roi des animaux, en cette occasion, montra ce qu'il était et lui laissa la vie sauve. « Retire-toi d'ici, pauvre petite bestiole, je pourrais te mettre en bouillie sans même le faire exprès. Quant aux miettes de mon festin, que tu venais voler, je te les abandonne volontiers ; emporte celles que tu pourras. » Mais le rat se montra méchant : « Je t'aurai. Je te montrerai que je suis plus puissant que toi, dit-il». Le lion faillit s'étrangler de rire. A peine était-il sorti que le rat revint et dit : « Je ne puis rentrer dans mon terrier : un chien monte la garde. Puis­que tu es si généreux et si puissant, accompagne-moi jusqu'à ma demeure». Le lion lui répliqua :

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« Faut-il que je sois bon ! ». Mais le rat passa sur une fosse à lion qu'il savait tendue là. Le noble animal y tomba de tout son poids et y perdit sa liberté et sans doute la vie. Le rat le regardait en riant. Il ne faut pas mépriser les faibles : que peut la force contre la volonté de nuire ?

de Proust, Sgard, Lascaud, Zimmermann.

Le Rallye

Deux amis de longue date se rencontrent un jour dans un café. L'un d'eux dit : « Sais-tu que j 'ai acheté une alpine Renault ». L'autre dit d'une voix faible : « Moi je n'ai qu'une deux chevaux, mais elle roule à merveille». Et continuant à dis­cuter ils engagèrent un pari. Le pari était une course automobile entre la deux chevaux et l'al­pine. Deux jours après ils se retrouvèrent. Le parcours était assez long. Le chauffeur de l'alpine dit au chauffeur de la deux chevaux : « Je te laisse une heure d'avance. — D'accord ». Le conduc­teur de la Citroën au cours de la course s'arrêta et il déplaça les panneaux indicateurs. Et ainsi lorsque l'alpine arriva sur les mêmes lieux, elle se trompa de chemin et c'est ainsi que le conduc­teur de la deux chevaux gagna la course.

de Leray, Terrier, Lemercier, Gravet.

Le petit Vendeur de journaux

Il était une fois dans l'île de Prâcas en Orient, un enfant d'une dizaine d'années qui vendait des jour­naux pour aider sa mère malade. Depuis quelque temps, une bande de voyous prenaient la mauvaise habitude de venir déchirer les journaux du gamin. Mais un jour un homme bien bâti vit la scène et alla voir sa mère pour lui demander l'autori­sation d'emmener l'enfant dans son gymnase per­sonnel, « c'était un ancien boxeur ». Un mois du­rant on ne vit pas le petit vendeur de journaux dans le quartier. Puis un jour comme par enchan­tement, on le revit au kiosque de sa mère ; alors la bande de galopins revint et ils voulurent re­commencer leur amusement aux dépens de l'enfant. Celui-ci, tout calmement, sortit de sa petite bou­tique, et, en quelques instants, la place fut nette. Tous les galopins étaient assis sur la chaussée et les passants se riaient d'eux. Depuis ce jour là, les voyous achètent leurs journaux au lieu de les prendre.

Moralité :

Il ne faut pas se croire supérieur car il y a toujours plus fort que soi.

de Bancelin, Caen, Dabout, Friteyre, Lambert.

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I le - RAPPORT D'EXPERIMENTATION (troisième rapport)

Etablissement : Lycée de Maisons-Alfort Classe : Quatrième, classe mixte (27 élè­ves) Enseignant : Suzanne SALVAN

Objectif : étude du narratif. J'ai utilisé là ce que nous avions fait à l'intérieur du groupe Charau-deau, même si j 'ai quelque peu changé les consi­gnes ou l'ordre des exercices.

1) ETUDE DU RECIT

Sujet de rédaction (faite à la maison) : vous inven­terez un récit où le faible dupe le fort par une ruse. Votre récit pourra mettre en scène des per­sonnes ou des animaux.

J'ai corrigé les copies et, le jour du compte rendu, j 'ai indiqué que nous allions étudier le fonctionne­ment du récit à travers quelques devoirs. J'avais retenu moi-même quatre devoirs (pas forcément les mieux écrits) où les personnages et la trom­perie me semblaient assez différents.

(Je crois qu'un choix fait en commun, élèves/pro­fesseurs, serait meilleur. Une simple raison de temps m'en a éloignée.)

Lecture des quatre devoirs devant toute la classe : — Le lapin trompe le coyote ; —• Le rat trompe le griffon ; — Petit Pierre trompe l'Ogre Arsenpius ; — Le Duc et son majordome Yawata trompent les paysans.

Je demande la mise au point d'un tableau qui pourra faire apparaître les qualités, les défauts, les actions des personnages. Les élèves ont déjà perçu des ressemblances entre les quatre devoirs, ressem­blances dues à la consigne du devoir. On revient donc à cette consigne et on propose le tableau suivant que j'inscris au tableau sous la dictée des élèves. Il s'agit là d'un travail fait en commun après discussion entre élèves.

Faible

Lapin : — Petit

— Herbivore

— Rusé

Dupe

Pourquoi : revanche

Comment : Profite des défauts de l'adversaire Un adjuvant : le buis­son d'épines

Fort

Coyote : — Plus gros — Carnivore

— Cruel — Rusé (mais moins que le lapin)

Résultat

Vie sauve

Le tableau où figurent les quatre récits a été écrit au tableau. L'étude de ce tableau permet de trouver les points communs aux quatre récits :

— Chaque récit, présuppose, évoque ou raconte un passé qui place les personnages comme forts ou faibles, qui justifie le combat et le recours à la ruse ;

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(Une discussion surgit ici pour le quatrième récit : le Duc trompe les paysans parce que le Duc est noté comme fort au niveau social — mais un retour au devoir de l'élève et une seconde lecture font apparaître que l'élève a bien noté le Duc comme faible devant une horde de paysans injustes à son égard, n'hésitant pas à recourir à la calom­nie) ;

—• Chaque récit comporte un défi (sous-entendu ou lancé) qui vient soit du fort, soit du faible ( « fort, tu ne m'auras pas » ou bien « faible, tu ne m'échapperas pas») . J'ai interprété ce défi comme une marque sémantique pour signaler le début du combat ;

— Dans chaque récit il y a un adjuvant qui va permettre la victoire du faible (buisson d'épines, os, sac, labyrinthe pour les quatre devoirs étudiés). Mais cet adjuvant est là soit par hasard (et alors le faible fait du hasard une providence) soit par la volonté du faible. De toutes façons cet adjuvant n'acquiert sa fonction d'aide que par l'astuce du faible.

Cette étude a duré deux heures. Les élèves ont été très intéressés par la lecture des récits et par ce travail de rapprochement. Il s'agissait là d'abor­der les variations possibles à partir d'une même séquence. L'étude du tableau (faible — dupe — fort — résultat) a permis d'introduire les mots : Séquence, Fonction, Qualification, mots jetés sans être pour le moment vraiment expliqués.

2) EXERCICE SUR L'IMAGE

Cet exercice a été fait après entente avec le pro­fesseur de dessin. Il s'agissait d'étudier l'image fonctionnant comme « signe de ».

Le professeur de dessin a distribué aux élèves une page de catalogue (type la Redoute ou autre).

Consigne : découper une image, la coller sur une feuille de papier à dessin, la compléter avec bulle (s) et/ou légende.

L'exercice a duré à peine une demi-heure au cours de dessin.

Ensuite j 'ai étudié avec les élèves quelques résul­tats (cf. deux feuilles ci-jointes). J'ai fait cir­culer les images en demandant à tous le pourquoi de telle bulle ou de telle légende. Il a fallu en fait procéder en deux temps : description ( « ob­jective » ?) de l'image ; traits de l'image qui ont fait naître la légende ou la bulle.

On arrive ainsi aux remarques suivantes :

• Toute image offre un certain nombre de signes ; • Certains signes sont retenus (expliqués par la bulle ou la légende), d'autres sont oubliés ou cen­surés ;

• Les signes retenus sont interprétés (par exem­ple : le regard en coin interprété comme signe de la peur dans une des images ci-jointes).

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X

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DE LA FONCTION A LA SEQUENCE

a - RAPPORT D'EXPERIMENTATION (premier rapport)

1) OBJECTIF

Le but de l'exercice est de parvenir à une prise de conscience de la notion de fonction dans un récit et de l'organisation des fonctions entre elles dans des possibles narratifs (séquences logiques et séquences probables. Voir l'article de C. Bré-mond dans Communications n° 8).

Le texte utilisé pour cette étude est Le courageux petit tailleur de Grimm.

2) DEROULEMENT

a) Première consigne

Résumer le texte sous forme d'une liste de phra­ses simples, du type nom de personnage -\- groupe verbal, de manière que l'enchaînement des actions demeure compréhensible et en se posant la ques­tion « est-ce nécessaire pour comprendre la sui­te ? » à propos de chacune des phrases.

Cette dernière précision est importante : il était apparu en effet, dès le début de la réflexion des élèves par petits groupes sur cette question, qu'on risquait d'aboutir à une liste qui aurait comporté presque autant de phrases que le texte de Grimm lui-même. D'autre part, les phrases obtenues de­vraient se rapprocher ainsi davantage de la défi­nition de la fonction et de sa situation par rapport aux fonctions qui la précèdent et la suivent.

Etablissement : Lycée Sainte-Geneviève-des-Bois Classe : Première C et D (28 et 30 élèves) Enseignant : Jean-Jacques HEUDE

Toutefois, et cela reste le principal problème lié à ce procédé, la question sur laquelle portent essen­tiellement les discussions des groupes, est la dif­ficulté de déterminer sur quel plan il faut se situer pour établir la liste : il apparaît qu'il y a des passages qu'on pourrait résumer par une seule phrase ou même passer sous silence, sans que cela nuise à l'intelligence d'ensemble de la suite du récit, comme par exemple la nuit passée chez les géants (où, de plus, l'intervention du hasard fait problème). Les mêmes difficultés surgissent au moment d'établir une liste commune (voir en annexe), étape nécessaire pour la poursuite du travail, mais il est entendu que cette liste n'est pas un modèle : on pourrait sans doute l'allonger en décomposant certaines « fonctions » en leurs diffé­rentes phases exprimées ou non, ainsi pour la phrase n° 9 : «Le petit tailleur gagne par ruse».

Quoi qu'il en soit, l'approche des fonctions par ce procédé laisse inévitablement une marge d'ap­proximation. Faut-il pour autant y renoncer au profit d'une méthode de type déductif ?

b) Deuxième consigne

Avec cinq phrases maximum prises dans la liste commune, construire un petit récit qui ait son commencement et sa fin en lui-même, à l'intérieur du récit complet du conte.

Cette deuxième question soulève moins de diffi­cultés, une fois que l'on a précisé qu'il ne s'agit

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pas de créer un aut re conte et qu'i l est par consé­quent impossible de revenir en arr ière (en u t i l i ­sant par exemple la phrase 12 après la phrase 15).

Deux problèmes se présentent à propos des suc­cessions proposées. Certains élèves présentent des successions qui sont un résumé schématique du texte : dans ce cas, il y a bien un début et une fin mais on n 'a pas affaire à un récit inclus dans l 'ensemble du texte. Exemple : 3 + 13 + 19 + 24. D'autres combinaisons commencent avec la p h r a ­se 13 « le petit tail leur arr ive à la v i l le» .

Le dépar t est sous-entendu à la manière de cer­tains récits, donnés ici comme justification par les élèves, qui s 'ouvrent sur une action en développe­ment . Il faut donc établir la distinction entre ordre logique et procédé l i t téraire.

De la discussion sur les combinaisons proposées il ressort très vite que :

La phrase 3 constitue un nœud, une « bifurcation », à par t i r de laquelle on peut enchaîner sur 4 ou sur 13, et ainsi tout l'épisode avec le géant pour ­rai t ê t re logiquement omis (4 à 12), et même à l ' intérieur de cet épisode on pourra i t encore sup­pr imer 10 et 11 (la nui t chez les géants) .

Le texte pourra i t s 'arrêter avec la phrase 19, le reste é tant seulement un possible.

Le nombre de points de départ pour la constitution de ces successions de phrases est limité. La p lupar t d 'entre elles doivent être précédées d 'une ou p lu ­sieurs autres pour être comprises, et ainsi on se rend compte qu 'une fonction n 'a de sens qu 'en rappor t avec son entourage (cas des séquences lo­giques) .

Il apparaî t de manière claire pour les élèves qu'i l y a un choix du contenu et que ce choix n'est pas tout à fait fortuit ni innocent.

L'épisode du « concours » ent re le petit tai l leur et le géant n 'a qu 'un rôle qualificatif. C'est un épisode secondaire destiné à diffuser une certaine idée du personnage du peti t tail leur qui rende crédibles ses « exploits » futurs fondés un ique­ment sur la ruse.

A propos du dernier épisode (20 à 24) qui para î t surajouté, l 'histoire ayant déjà eu une heureuse conclusion, on pourra i t se demander quelles preuves de pouvoir le peti t tai l leur devait donner pour que la princesse « devînt elle aussi une bonne reine ».

3) LISTE ELABOREE APRES DISCUSSION

(Première D)

1. Le petit tail leur tue sept mouches d'un coup.

2. Le petit tai l leur brode sur sa ceinture « sept d 'un coup ».

3. Le petit tai l leur s'éloigne du village.

4. Le petit tai l leur rencontre un géant.

5. Le petit tail leur demande au géant de l 'ac­compagner.

6. Le géant refuse cette proposition.

7. Le géant propose une épreuve au petit ta i l ­leur.

8. Le petit tail leur accepte l 'épreuve.

9. Le petit tai l leur gagne par ruse.

10. Le petit tail leur passe la nui t chez les géants.

11. Le petit tai l leur échappe par chance au projet de vengeance des géants.

12. Le petit tail leur repart .

13. Le petit tail leur arr ive à la ville.

14. Un garde voit « sept d'un coup sur la cein­ture ».

15. Le garde amène le petit tail leur chez le roi.

16. Le roi met le peti t tail leur à l 'épreuve tout en promet tant la main de la princesse.

17. Le petit tail leur accepte l 'épreuve.

18. Le petit tai l leur gagne par ruse.

19. Le petit tai l leur se marie avec la tille du roi.

20. La princesse t rouve son mar i ridicule.

21. La princesse et le roi tentent un complot contre lui.

22. L'écuyer prévient le petit tai l leur du complot.

23. Le petit tai l leur déjoue le complot par ruse.

24. Le petit tai l leur devient roi.

4) CONTE UTILISE

Regardez le gentil pet i t tailleur. Il n 'a pas l'air bien terrible, et pourtant. . .

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Aujourd'hui, il fait très chaud et il a beaucoup de travail. Pour se donner du courage, il coupe une belle tranche de pain, étale dessus une grosse couche de confiture, et, tout en se dépêchant de finir un pantalon, il se lèche les lèvres d'avance.

Mais une, deux, trois mouches, un nuage de mou­ches s'abattent sur la tartine.

« Eh ! qui vous a invitées ? »

Le petit tailleur, vlan ! claque le pantalon sur le tas de mouches. D'un seul coup en voilà sept, pattes en l'air, aplaties sur le sol.

« Je suis un as », se dit notre petit homme. Vite, il attrape un morceau d'étoffe et coupe une large ceinture où il brode ces mots : SEPT D'UN COUP.

Il fourre dans sa poche un vieux bout de fro­mage, et, en route ! il part en sifflotant.

A la sortie du village, un malheureux oiseau, pris dans une broussaille, appelle au secours. Le petit tailleur le délivre doucement, puis il le met à l'abri dans son autre poche. Il marche, le jour baisse, la nuit descend.

« Je n'ai encore rencontré personne, où vais-je bien dormir ce soir ? se demande-t-il. Tiens, qui donc est assis sur ce rocher ?... Hep, là-haut ! Ne voulez-vous pas descendre et m'accompagner un bout de chemin ? Ce n'est pas drôle de voyager seul ! »

Du rocher, c'est un géant qui répond d'une voix à faire trembler la montagne.

« Est-ce à moi que tu parles, petite puce ? Tu chuchotes trop bas, je n'ai rien compris. Répète un peu, je te prie. »

Il met la main eh cornet à son oreille et le tailleur crie de toutes ses forces : « Ne veux-tu pas voyager avec moi ?

— Ah ! se moque le géant. Elle est bien bonne ! Ne vois-tu pas à qui tu t'adresses ? Et tu veux que je t'accompagne. Tout le monde rira de toi.

— Oh ! je n'ai pas peur, regarde donc ! » Et le tailleur entrouve sa veste.

Le géant lit. Comment ? ce petit rien-du-tout a pu tuer sept hommes d'un coup !

« Si tu es fort, prouve-le. Fais-en autant ! »

Ramassant un caillou, le géant le presse si bien qu'il en coule trois gouttes d'eau.

« C'est tout ? dit le tailleur. Tu vas voir. »

Il prend dans sa poche le bout de fromage, serre ses deux mains et il en sort... du lait.

« Pas mal, approuve le géant. Et peux-tu lancer aussi loin que moi ? » Il ramasse une pierre et la jette. Elle disparaît presque à la vue des deux compagnons avant de redescendre.

« Eh bien, ma pierre à moi, tu ne la verras même pas retomber. »

Et, de toutes ses forces, le tailleur lance l'oiseau qui s'enfuit à tire-d'aile.

« Il n'y a pas à dire, tu lances bien, reconnaît le géant. Eh bien, puisque tu es si fort, tu vas m'aider à transporter cet arbre que je viens d'abattre.

— Avec plaisir, dit le tailleur. Prends donc le tronc, c'est le plus facile, moi, je me charge de la ramure.

— Entendu», dit l'autre.

Et il charge le tronc sur son épaule.

Dès que le géant a le dos tourné, le tailleur s'ins­talle à cheval sur une branche et se laisse trans­porter en chantonnant l'air des « Trois tailleurs qui avaient bien déjeuné».

L'autre avance à grand-peine, suant, soufflant.

Pas question de fredonner des chansons !

Tout à coup, il hurle : « Attention, je lâche tout ! »

Vite, le tailleur saute à terre et entoure l'arbre de ses bras, comme s'il l'avait porté jusque-là.

« Comment ? Déjà fatigué ?»

Le géant ne répond rien.

Il est vexé, mais il ne veut pas en avoir l'air. Il invite le tailleur à passer la nuit à la caverne qu'il habite avec ses frères.

Ils arrivent.

Les géants sont en train de dîner. Chacun dévore pour sa part un mouton entier. Après quelques grognements d'accueil, on montre un lit au minus­cule invité et on lui souhaite une bonne nuit.

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Il se sent tellement perdu sur cet immense matelas qu'il n'arrive pas à dormir. Aussi, il se lève et va se blottir près des cendres du foyer.

Comme vous allez le voir, c'était une bonne idée. Il s'était enfin endormi mais, à minuit sonnant, un léger bruit le réveille. Que voit-il ? Son compa­gnon de route, qui approche du grand lit à pas de loup, une énorme barre de fer à la main. Vlan ! le géant donne un bon coup sur la couverture, de toutes ses forces ! Puis il retourne se coucher. Au petit matin, les géants, en se débarbouillant, interrogent leur frère : « Alors, il est mort ?

— Et comment ! J'ai fendu le lit en deux. On n'en­tendra plus parler de ce petit malin. »

Mais qui leur crie un joyeux bonjour ? Le tailleur en personne, frais et guilleret, qui arrive de son pas léger.

« Au secours, un fantôme ! » Les géants épouvan­tés jettent leur serviette et leur savon, et s'enfuient de tous côtés.

Le petit tailleur reprend son chemin. Il marche, il marche... Le jours passent, la route s'allonge et rien d'intéressant ne se présente. Pas de ville ni de village où son courage pourrait être apprécié. Le petit tailleur est bien fatigué. Mais bientôt, il croise un vagabond. « Est-ce loin, la capitale où habite le roi ?

— Oh ! vous n'y êtes pas, petit. Compte encore trois ou quatre nuits à la belle étoile. »

Heureusement, il fait beau et chaud. Près de la route, coule un ruisseau où le jeune héros se rafraîchit. Enfin, il aperçoit les tours, foule le pavé des faubourgs, atteint la grand-place.

Il arrive jusqu'à la cour même du palais, mais il n'en peut plus et s'effondre devant le porche de l'entrée. Tout d'abord personne ne remarque l'inconnu endormi au pied d'un gros platane. Mais il bouge un peu et sa veste s'ouvre, des passants lisant sur sa ceinture « sept d'un coup », s'arrêtent l'un après l'autre. Une petite foule l'entoure peu à peu. Enfin, lorsqu'il s'éveille, un garde en uni­forme est à ses pieds. « Noble capitaine, Sa Majesté le roi vous prie de vous présenter devant son trône. Elle serait heureuse que vous mettiez vos talents à son service.

— Eh bien, c'est justement pour cela que je suis venu », déclare le tailleur.

Fièrement, il monte le grand escalier, pénètre dans la salle d'audience. Le voici devant le roi.

« Ecoute, ami, dit celui-ci, dans la forêt voisine, il y a deux géants ; ce sont des brigands qui passent leur temps à dévaliser et tuer les gens, et à brûler leurs maisons. Règle-leur leur compte et je te don­nerai ma fille et la moitié de mon royaume. Je mets cent cavaliers à ta disposition pour t'aider.

— Gardez-les, Majesté. Qu'est-ce que deux géants pour qui en a tué sept d'un coup ? »

Les cavaliers ne se le font pas dire deux fois. Ils rentrent chez eux.

Le tailleur part seul et s'enfonce dans le bois. Il découvre bientôt deux grands corps endormis au pied d'un chêne. Riant sous cape, il remplit ses poches de petits cailloux et, leste comme un chat, grimpe sans bruit dans les branches. Le voilà qui jette ses cailloux sur l'un puis sur l'autre des dormeurs et continue jusqu'à ce que le premier réveille l'autre : « Pourquoi me frappes-tu ?

— Moi ? Je ne t'ai pas touché. »

Ensuite c'est le tour du second :

« Pourquoi me jettes-tu des pierres ?

— Tu rêves, je ne te jette rien du tout. Laisse-moi dormir. »

Le tailleur reprend son manège de plus belle.

« Ah ! non, c'est trop fort ! » hurle le premier géant.

Quand au second, bien réveillé cette fois, il saute sur son compagnon, poing en l'air. L'autre riposte, une belle bagarre s'ensuit et, de plus en plus furieux, ils se battent si bien qu'ils finissent par s'assommer tous les deux et tombent, chacun de son côté.

Aussitôt le tailleur saute à bas de l'arbre, et se précipite chez le roi : « Allez jeter un coup d'œil à vos géants. Ils ne feront plus peur à personne.

— Bravo ! dit le roi. Cependant il y a encore un sanglier qui ravage nos champs. Tu es, je crois, seul à pouvoir le chasser. Mes valets t'aideront.

— Oh ! Majesté, ne les dérangez pas, j 'y arriverai bien tout seul. »

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En route pour la forêt ! Lorsque le fauve fonce sur lui, le tailleur s'engouffre dans une chapelle abandonnée, le sanglier à ses trousses. Hop ! Il ressort par la fenêtre et revient à toute vitesse claquer la porte. Le sanglier s'agite et grogne comme un fou, mais il est bel et bien emprisonné. Les gardes-chasse font un triomphe au petit héros et le portent au palais sur leurs épaules.

Mais qui fait une drôle de tête ? La fille du roi, à qui ne sourit guère d'avoir ce maigrichon pour mari. Pourtant on célèbre les noces, malgré la mauvaise humeur de la mariée. Et encore, elle ne sait pas qu'elle devient la femme d'un vulgaire tailleur !

Mais une nuit, elle entend rêver son mari : « Gar­çon, faufile-moi cet habit ! ». Furieuse, elle court se plaindre au roi. Pour la calmer, il invente une ruse que tous deux croient très maligne. Mais

l'écuyer du petit tailleur, de garde sous la fenêtre, surprend le complot. Indigné, il va prévenir son maître.

La nuit suivante, les serviteurs du roi guettent der­rière la porte de la chambre. Quand le tailleur dormira, ils l'emporteront au loin. Mais voilà que leur victime s'écrie : « Garçon, finis ce gilet ; sinon, gare à toi : j 'en ai tué sept d'un coup, j 'ai fait mourir deux géants, pris un sanglier et j 'au­rais peur des gens qui sont derrière la porte ? ». Epouvantés, les serviteurs n'en attendent pas plus et se sauvent à toutes jambes.

Le petit tailleur, devenu roi pour toute sa vie, décora le brave écuyer. A sa femme, il ne reprocha rien et, devant la sagesse, le courage et la bonté de son mari, elle lui demanda pardon de tout son cœur et devint, elle aussi, une bonne reine.

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b - RAPPORT D'EXPERIMENTATION

OBJECTIF : étude des relations entre séquences et fonctions dans un texte court : Devant la loi. F. Kafka (in La Métamorphose). Cf. Document.

DESCRIPTION

1) Travail de groupe (2 h)

Consigne : arrêtez le récit chaque fois que vous vous demandez ce qui va se passer, comme si vous alliez le présenter en roman-feuilleton.

Dites ce qui se passe dans chaque passage par un groupe nominal ou par une phrase simple (S. - V. - Cpt ) .

Dites par un groupe nominal ou par une phrase simple ce qui pourrait se passer au moment précis où vous avez arrêté le récit.

Chaque groupe remet un seul résultat.

Lors de la première étape du travail, les dis­cussions dans les groupes sont assez vite tranchées par l'élève le plus dynamique. La troisième étape de la consigne entre déjà comme élément de dis­cussion et d'arbitrage. Orientés par la consigne, les élèves sont intéressés davantage par les moti­vations « psychologiques » des personnages ou par les éléments de suspens que par ce qui est fonc­tionnel. Plusieurs groupes, par exemple, ont arrêté le récit à «... rit » (retenu comme manifestation intrigante) ou à «...retiens ceci». Un groupe mê­me, qui atomise le récit en 14 passages le découpe ainsi :

« ... dit le gardien, mais/ ... (pas maintenant) ;

le gardien s'en aperçoit et/ ... (rit).

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uxième rapport)

Etablissement : Lycée de Gonesse Classe : Seconde C Enseignant : Martine BEAULU

L'allusion au roman-feuilleton n'était pas perti­nente.

Les critères de découpage sont dans l'ensemble : — Les ponctuations fortes ; — Les articulations logiques (mais) ; — Les articulations temporelles (plus tard, avant sa mort) ; — Les changements de sujet ; — Les changements de registre (apparition, par exemple, d'un verbe dit d'action après un passage plutôt descriptif).

Certains groupes demandent mon intervention, sou­cieux d'approcher d'un modèle pré-établi. Je me refuse à tout examen critique du découpage en précisant qu'il fallait attendre le deuxième moment du travail et que, de toutes façons, ce serait l'un des objets de la confrontation collective.

Le plus difficile, pour chaque groupe, a été de trouver la formulation minimale pour rendre compte du contenu de chaque passage. Aucun groupe ne s'est soumis d'un bout à l'autre du travail à la contrainte de la consigne qui demande un certain pouvoir de synthèse et d'abstraction et qui contraint à éliminer ce que retiennent d'abord les élèves : les qualifications (ex. : « Qu'y a-t-il derrière la porte ? ») ; les indices temporels (ex. : «Après de longues années, il attend toujours») ; les investissements sémantiques d'une fonction (ex. : « Le campagnard observe le gardien » ).

L'expression « ce qui se passe » laisse évidem­ment place à de telles confusions. Elle est précisée dans les groupes par « ce que fait le personnage » ou « ce que fait le personnage qui marque un changement important dans le récit»... sans que soit toujours obtenu l'effet escompté. « Ce qui

se passe » fait parfois aussi ressurgir l'habitude du résumé qui donne lieu à une longue phrase circonstanciée, narrativement hétérogène.

Ex. : « Malgré ses prières, le gardien interdit tou­jours au paysan l'entrée dans la loi ».

Pour cet exemple, le travail d'élucidation a révélé des difficultés d'ordre linguistique (difficulté à ma­nipuler le groupe nominal en passant par exemple de « interdit toujours » à « renouvellement de l'in­terdiction » ) et d'ordre logique (difficulté à dé­composer, à hiérarchiser et donc à choisir les mo­ments jugés importants).

Autre exemple d'élucidation sur deux passages d'un groupe :

(1) (Premier épisode)

« Mais le gardien dit que pour l'instant... retiens ceci. » Interdiction d'entrer, le campagnard regarde par la porte, le gardien le prévient.

(2) (Troisième épisode)

« Je suis puissant... après moi. » Le gardien est puissant. Il y a des gardiens de plus en plus puissants.

J'interviens pour rappeler au groupe les exigences de la consigne, lui montrer l'ambiguïté particulière à chacune des deux formulations et relancer le travail.

(1) Pour s'en tenir à la consigne, il y a deux solutions qui dépendent des relations hiérarchiques établies entre « interdire », « regarder » (interprété par le groupe comme tentative de transgression), « prévenir » (que je formule comme « menaces ») : chacune de ces actions est fondamentale dans le fonctionnement du récit. Nous avons dans ce cas le début d'une séquence interdiction-transgression (châtiment, par exemple). Il faut alors reprendre le découpage car ce deuxième épisode est en fait triple ; ou alors, « regarder » et « prévenir », sans incidence notoire dans la progression du récit, sont en fait la mise en scène, — la mise en texte — de l'interdiction.

Le groupe retient cette deuxième solution en éli­minant d'abord « prévient » dont le contenu est donné dans le troisième épisode. Il restait à savoir si le regard était tentative de transgression : la

relecture des détails donnés par le texte ( « le gar­dien s'efface devant la porte, ouverte comme tou­jours » ) fait revenir les élèves sur leur interpré­tation. Les oppositions ouvert/interdit, voir/savoir relèvent d'un contenu sémantique de l'interdiction et nécessitent un autre mode de lecture.

La formulation devient : « interdiction d'entrer ».

(2) L'ambiguïté de ces deux phrases repose sur le mélange d'éléments qualificatifs (puissant) et d'éléments à caractère fonctionnel (passage de gar­dien du singulier au pluriel) sans que soit désigné explicitement un fait narratif. Après discussion, la notation de puissance est reliée à la fonction pré­cédemment citée. La réflexion porte ensuite sur le passage du singulier au pluriel et la formulation deviendra « multiplication des obstacles ».

Le nombre des élèves ne permet ce travail d'élu­cidation avec les groupes que sur quelques points.

2) Reprise collective de ces deux premières phases (1 h)

En examinant les résultats des travaux de groupe, il a paru difficile et fastidieux de permettre aux élèves d'examiner en même temps les découpages du texte et les différentes formulations adoptées. Je fais donc un relevé des expressions données, sans tenir compte des glissements. Cette liste est écrite au tableau pendant que chaque élève la transcrit pour lui.

Liste :

1. Arrivée. Le campagnard demande d'entrer dans la loi.

2. Interdiction.

3. Attente de la permission. Qu'y a-t-il derrière la porte ? *

Multiplication des obstacles. Tentative de passer outre.

4. Le héros observe le gardien *. Le gardien fait subir des interrogatoires. Demande d'aide aux puces.

Renouvellement de l'interdiction malgré les

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prières du campagnard. Avertissement du gardien. Proposition ironique d'entrer mais menaces *.

5. Devant chaque salle il y a... *. L'homme reste / / tente de corrompre le gar­dien. Les prières du héros. Le gardien est mesquin*, le temps s'écoule*.

Au seuil de la mort * (l'homme pose une ques­tion) . (Le paysan attend) des années malgré * / / la tentative de corrompre le gardien.

Décision * : (il attend la permission * ).

6. L'homme ne comprend pas et préfère... *. Les petits interrogatoires. Lueur derrière la porte * (il pose une dernière question). La vieillesse attaque le paysan *. L'homme persévère et en arrive à * (demander l'aide des puces).

7. Le temps passe *, le héros vieillit *.

Il s'installe jusqu'à ce que... *. Pourquoi personne d'autre n'a-t-il cherché à entrer ? *.

N.B. : Les astérisques correspondent à ce qui a été éliminé par les élèves.

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Avant de mourir * (le paysan pose une ultime question).

Après de longues années * / il attend / tou­jours *. Absence d'aide extérieure et affaiblissement général *.

8. Encore une question.

(Il reste) là des années *. (Le campagnard a raté l'épreuve) le gardien ferme la porte *.

J'ai arrêté ici la liste bien que des groupes aient donné de 9 à 14 passages. Le travail collectif consiste maintenant à éliminer tout ce qui n'est pas fonctionnel, après explication (cf. les éléments avec astérisque sur la liste). On élimine ensuite les répétitions en gardant, ou en cherchant la formulation la plus générale.

Schéma :

La dernière étape du travail est un essai de hiérarchisation de ces grandes actions (fonctions) réparties en trois colonnes :

• Le « thème » directeur de la nouvelle ; e Ce que fait le campagnard ; • Ce que fait le gardien.

Quête de la loi

1 Arrivée

Interdiction

Acceptation de l'interdiction

1 Multiplication des obstacles

Demande d'aide (prière)

Echec

Interrogatoires I

Sans résultats

Renouvellement de l'interdiction

Tentative de transgression I

ou Demande d'aide I

(corruption 4- puces)

Echec I

Interrogation

Quête non réalisée J Il nous a même semblé possible de réduire ce schéma à 4 grandes articulations :

Quête de la loi (arrivée)

— Multiplication des obstacles

— Interrogatoires

— Renouvellement de l'interdiction

Acceptation 1 de l'interdiction »

1 (

— Demande d'aide

— Interrogation

/ — Prières

< — Corruption

^ — Puces

Quête non réalisée

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Retour rapide aux découpages

Cette dernière étape n'a pas été poussée très loin. Il m'a semblé suffisant pour ce premier travail de dégager que les « plans » traditionnels ne ren­daient pas compte de l'organisation d'un récit, que le suspens d'un récit n'était pas toujours d'ordre fonctionnel. Si l'auteur doit respecter un enchaî­nement logique de fonctions (interdiction — ac­ceptation ou transgression) il a toute liberté dans le choix des sous-séquences, qualifications, etc. qui font aussi le fonctionnement et le sens d'un récit.

Après quelques minutes de concertation dans les groupes, cette heure consiste en un travail oral d'organisation de séquences à partir de l'alterna­tive :

Interdiction/Acceptation (demande d'aide ; aide re­çue, etc.).

[ combat/victoire-

Chaque série donne lieu à une discussion sur ce qu'elle peut modifier dans le sens du récit.

4) Réemploi de cette méthode avec Le Horla

Un temps de flottement au début du travail a montré qu'un seul exercice ne suffisait pas pour faire acquérir une méthode d'analyse exigeante. Les élèves se perdent dans les détails temporels et les anecdotes de ce récit à la première per­sonne. Le travail est relancé collectivement sur les premières pages et terminé de façon intéressante dans les groupes.

5) Document

Devant la loi

Devant la loi se tient le gardien de la porte. Un homme de la campagne se présente et demande à entrer dans la loi. Mais le gardien dit que pour

Cette heure a été très active. Mais, si les élèves ont, dans l'ensemble, trouvé plaisir à mieux do­miner le texte, la question qui était centrale pour eux concernait la signification de cette loi, ce qui bien sûr donne lieu à d'autres types d'ana­lyse.

3) Les possibles narratifs (1 h)

L'expression de ces possibles présente moins d'hé­térogénéité que celle du contenu de chaque pas­sage sauf pour un groupe qui écrit par exemple :

l'instant il ne peut pas lui accorder l'entrée. L'hom­me réfléchit, puis demande s'il lui sera possible d'entrer plus tard. «C'est possible», dit le gar­dien, « mais pas maintenant ». Le gardien s'efface devant la porte, ouverte comme toujours, et l'hom­me se baisse pour regarder à l'intérieur. Le gardien s'en aperçoit, et rit. « Si cela t'attire tellement, dit-il, essaie donc d'entrer malgré ma défense. Mais retiens ceci : je suis puissant. Et je ne suis que le dernier des gardiens. Devant chaque salle il y a des gardiens de plus en plus puissants, et je ne puis même pas supporter l'aspect du troi­sième après moi. » L'homme de la campagne ne s'attendait pas à de telles difficultés ; la loi ne doit-elle pas être accessible à tous et toujours ; mais comme il regarde maintenant de plus près le gardien dans son manteau de fourrure, avec son nez pointu, sa barbe de Tartare, longue et maigre et noire, il en arrive à préférer d'attendre, jusqu'à ce qu'on lui accorde la permission d'entrer. Le gardien lui donne un tabouret et le fait asseoir auprès de la porte, un peu à l'écart. Là il reste assis des jours, des années. Il fait de nombreuses tentatives pour être admis à l'intérieur, et fatigue le gardien de ses prières. Parfois le gardien fait subir à l'homme de petits interrogatoires, il le questionne sur sa patrie et sur beaucoup d'autres choses, mais ce sont là questions posées avec indif­férence à la manière des grands seigneurs. Et il finit par lui répéter qu'il ne peut pas le faire entrer. L'homme, qui s'était bien équipé pour le

Arrivée du campagnard Il demande d'entrer

Il veut devenir jure Il veut se plaindre Il veut se renseigner sur la justice Il est un témoin, etc.

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voyage, emploie tous les moyens, si coûteux soient-ils, afin de corrompre le gardien. Celui-ci accepte tout, c'est vrai, mais il ajoute : « J'accepte seule­ment afin que tu sois bien persuadé que tu n'as rien omis ». Des années et des années durant, l'hom­me observe le gardien presque sans interruption. Il oublie les autres gardiens. Le premier lui semble être le seul obstacle. Les premières années, il maudit sa malchance sans égard et à haute voix. Plus tard, se faisant vieux, il se borne à gromme­ler entre ses dents. Il tombe en enfance et comme, à force d'examiner le gardien pendant des années, il a fini par connaître jusqu'aux puces de sa four­rure, il prie les puces de lui venir en aide et de changer l'humeur du gardien ; enfin sa vue faiblit et il ne sait vraiment pas s'il fait plus sombre autour de lui ou si ses yeux le trompent. Mais il reconnaît bien dans l'obscurité une glorieuse lueur qui jaillit éternellement de la porte de la loi.

A présent, il n'a plus longtemps à vivre. Avant sa mort toutes les expériences en tant d'années, accu­mulées dans sa tête, vont aboutir à une question que jusqu'alors il n'a pas encore posée au gardien. Il lui fait signe car il ne peut plus redresser son corps raidi. Le gardien de la porte doit se pencher bien bas, car la différence de taille s'est modifiée à l'entier désavantage de l'homme de la campagne. « Que veux-tu donc savoir encore ? » demande le gardien. « Tu es insatiable. » « Si chacun aspire à la loi, dit l'homme, comment se fait-il que durant toutes ces années, personne d'autre que moi n'ait demandé à entrer ? » Le gardien de la porte sen­tant venir la fin de l'homme lui rugit à l'oreille pour mieux atteindre son tympan presque inerte : « Ici nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n'était faite que pour toi. Maintenant je m'en vais et je ferme la porte ».

Frantz Kafka

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c - RAPPORT D'EXPERIMENTATION (troisième rapport)

OBJECTIF : Faire voir la manière dont les actions s'organisent en séquences, après avoir fait saisir la différence entre les actions fonctionnelles et actions qualificatives.

CLASSE : Une sixième de lycée travaillant en deux groupes distincts. Travail fait en début d'an­née quand les élèves sont à la fois dociles et ou­vertes. Travail préparé par aucune information, aucune sensibilisation.

TEXTE : La morte saison, p. 281-304 dans les Chroniques martiennes de Bradbury (édition Livre de poche).

PROCEDURE : Le travail proprement dit sur les structures s'est fait en trois fois une heure. Il a été précédé d'un travail permettant l'approche du texte (20 pages). J'ai lu le texte à haute voix. Puis les élèves l'ont raconté par écrit chez elles. La consigne était : raconter l'histoire en restant le plus près possible du modèle. Les récits des élèves font de deux à cinq pages ; ils sont fidèles et à peu près complets. Ce dernier préliminaire permet ensuite de travailler collectivement sur le souvenir du récit, non sur la surface du texte. Les détails sont éliminés.

1) Premier temps

Une heure en demi-classe (16 élèves de dix à douze ans).

Consigne : résumer l'histoire en quelques phrases simples en ne gardant que l'essentiel. Une discus­sion s'élève : pour préciser le mot je compare le texte à une maison ; si on enlève certaines parties, la maison s'écroule.

Les élèves travaillent par deux et rédigent un brouillon (15 mn, 20 mn). A celles qui ne savent

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Etablissement : Lycée E. Quinet Classe : Sixième Enseignant : Andrée TOURNES

pas commencer, je conseille de commencer par la fin. Tous les groupes notent : la terre explose.

On procède à une confrontation au tableau. Cha­que équipe propose l'événement sans lequel l'évé­nement suivant ne peut se produire ; on obtient la liste suivante :

1. Sam et Emma attendent les terriens ; 2. Un martien arrive ; 3. Sam le tue ; 4. Des martiens arrivent ;

5. Sam s'enfuit avec Emma et Sablonef ; 6. Une martienne apparaît ; 7. Sam la tue ;

8. Les martiens rattrapent Sam ; 9. Les martiens ramènent Sam ;

10. Les martiens donnent Mars aux terriens ; 11. Sam attend encore plus les terriens ; 12. La terre explose ; 13. Sam et Emma sont désespérés.

Remarques faites par les élèves : Sam s'enfuit peut se mettre en 5 ou après 7. Sam et Emma attendent les terriens en 1 ou en 2. On voit bien que tout le bloc de 2 à 10 sert simplement à augmenter l'at­tente, puis la déception. C'est la première intui­tion de ce qu'est une séquence.

Une élève a expliqué qu'elle avait supprimé 6 et 7 parce qu'on peut enchaîner 5 à 8 et que c'est la reprise de 2-3. C'est une première intuition qu'une fonction peut être répétée.

Les discussions ont porté sur les sentiments comme la honte, sur des formulations comme « Il arrive pour lui dire, pour lui donner ». On décide de les supprimer parce que le lecteur ne comprend pas, pas plus que Sam ; le lecteur a le point de

vue de Sam. On s'est aussi demandé s'il fallait garder en ce qui concerne le début : « Sam a un magasin, il veut vendre ses saucisses », etc. Ce qui pose le problème de la situation initiale.

2) Deuxième temps

Huit jours après. Une heure en demi-classe. Je relis les treize actions et fais remarquer qu'on comprend mal l'histoire si on ne la connaît pas avant. Remarque d'une élève : on comprend mal le 10, parce que le lecteur attend un châtiment.

Une autre fait remarquer que en 2 le martien venait déjà donner Mars. Ici pourrait se placer un travail sur le paraître (le martien attaque) et l'être (le martien donne Mars).

La discussion s'engage sur 3 : pourquoi Sam tue. Réponses : Sam a peur. Le martien l'embête. Sam le tue. Sam pense que le martien vient reprendre la terre. La terre n'est pas à lui. Ici se pose le pro­blème de l'insertion de la nouvelle dans l'ensemble des Chroniques Martiennes. Les nouvelles précé­dentes racontent l'agression des terriens. La si­tuation initiale est quelque fois donnée par une histoire précédente. On décide donc de rajouter un 2 bis : Sam croit que le martien l'attaque.

Après toute cette discussion commence le deuxième temps proprement dit.

Consigne : supprimer un élément et voir ce que cette suppression entraîne.

Procédure / travail collectif : — Si on enlève 2, on supprime 3 et on enchaîne avec 4 (ou 6 ou 10). — Une élève propose de supprimer 2, 3, 4 et d'enchaîner 1 à 5. Cela donne « Sam attend les terriens, Sam s'en va ». Donc, dit l'élève, il s'en va les chercher. On s'aperçoit que si on supprime des intermédiaires les événements restant se réen­chaînent suivant un rapport logique . Je fais chan­ger la première formule Sam s'enfuit par Sam s'en va. (Ici pourrait se placer, mais nous ne l'avons pas fait, une discussion sur le nom des fonctions : ici, Départ et leur investissement : Fuite, Quête, etc.).

3) Troisième temps

Recréation : on va faire varier 3 : « Sam ne tue pas le martien ». Chaque équipe (par deux dans

un groupe, par quatre dans l'autre) raconte par écrit une histoire qu'elle lit à la fin du cours.

A) Sam, Emma et le martien. Ils se promènent. Rencontrent des martiens. Ne les écoutent pas. La terre explose.

B) Sam apprend qu'on lui donne Mars. Sam et Emma partent chercher les terriens. Ils préparent un grand repas. La terre explose.

C) Sam part en bateau, revient chez lui, trouve sa femme avec un martien. Il le chasse. Sam di­vorce et s'en va. Sa femme va avec le martien. Une grande fête pour le mariage d'Emma. Les martiens sont invités. Plus de nouvelles de Sam.

(Dans tous les récits, sauf un, la terre explose ; tous ces textes très brefs sont un résumé, non un récit.)

Remarques : pas une fois n'a été soulevée la question de savoir si la nouvelle était fantastique ou réaliste. Ce n'est qu'après avoir joué la pièce de théâtre (voir plus bas) que les élèves ont jugé que c'était bête parce que ça ne pouvait pas se produire.

4) Réemploi

Un groupe a monté une pièce à partir de notre travail. Le découpage en scènes s'est fait naturel­lement d'après nos structures. On a gardé les événements qui se répétaient. Les dialogues ont été improvisés au départ, puis mémorisés. On a rajouté un personnage pour donner un rôle à une élève qui voulait jouer le personnage de l'en­fant.

L'enfant à l'unanimité a été conçu comme étant du partie d'Emma, personnage senti comme positif (ici pourrait se placer un travail sur la valori­sation d'un personnage : Emma est conforme à la morale reçue : on ne tue pas comme ça, bien que beaucoup pensent qu'un martien n'étant pas un homme, on pouvait le tuer sans conséquence), ou personnage valorisé par l'auteur (il a le dernier mot).

5) Conclusion

L'objectif principal, distinguer dans une histoire l'essentiel, a été atteint. Les élèves ont abordé sans

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les définir nettement les notions de séquences, de possibles narratifs, de personnages valorisés. Nous ne sommes par arrivés à des formules générales du genre : rétribution, manque, quête, etc.

Ce travail s'est inscrit dans le travail d'un trimestre entre une lecture, une rédaction, puis une pièce de théâtre. Il est apparu comme un moment entre l'approche d'un texte et une re-création d'un nou­veau texte.

Une expérience inverse a été faite avec l'échec complet d'une tentative faite à partir de la nouvelle Rikkitikkitavi du Livre de la jungle. Après lec­ture individuelle, les élèves avaient à dresser en groupe la liste des actions faites par chaque per­sonnage. Tous les détails du récit ont été retenus, ex. : Rikki gonfle sa queue. L'échec vient peut-être de la lecture individuelle, de la suppression du récit mémorisé, dé la complexité du récit qui comporte en fait deux histoires.

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DOCUMENT : EXEMPLE DE MISE EN SÉQUENCE D'UN CONTE

a - LE CONTE

Le roi et le benêt

Il y a très, très longtemps, vivait dans un petit village de montagne un paysan nommé Innocent.

Il était plein d'esprit et de fantaisie, mais d'une laideur sans pareille.

Quelle grosse tête ! Son nez rouge brillait comme une tomate bien mûre et il n'avait plus que deux dents.

Un jour, Innocent décida de quitter son village pour aller à la cour du roi, un souverain gai et aimable qui aimait beaucoup se distraire et s'amu­ser.

Innocent rassembla les quelques petites affaires qu'il possédait, en fit un paquet, et se dirigea vers la ville en chantant.

Dès son arrivée à la cour, Innocent fut introduit auprès de la reine, une méchante femme, qui pensa aussitôt se divertir aux dépens du pauvre paysan.

Pendant qu'Innocent se présentait, elle fit placer derrière lui, par une servante, un baquet d'eau froide.

« Ah ! ah ! Nous allons rire, se dit-elle. Ce niais va prendre un bain tout habillé. »

Mais Innocent se rendit tout de suite compte des mauvaises intentions de la reine. Il se retourna et découvrit le baquet d'eau qui lui était destiné.

La reine, furieuse de voir sa supercherie décou­verte, jura de se venger à la première occasion.

Le lendemain, Innocent se rendit auprès du roi. Il entra dans la salle du trône, la tête haute.

« Comment... s'exclama le roi, tu ne t'inclines pas devant moi ?

— Non, répondit calmement Innocent. Un homme en vaut un autre et il n'y a aucune raison pour que je me prosterne devant vous.

— Alors, retire-toi, ordonna le roi. Et si tu veux me parler, reviens demain. »

Le soir même, le roi fit murer à moitié la porte de la salle. Ainsi, tous ceux qui y entraient étaient obligés de se baisser.

En voyant cela, le lendemain matin, Innocent de­vina la ruse du roi. Que faire ? Une idée lui traversa l'esprit : il entra dans la pièce à reculons.

Le roi retint à grand-peine un éclat de rire.

« Hé, vilain ! s'exclama-t-il, qui t'a enseigné à en­trer dans une salle de cette manière.

— L'écrevisse, Majesté. Elle marche en reculant », répliqua Innocent.

Le roi, ravi de cette réponse, décida de garder Innocent auprès de lui.

Le temps passa. Innocent amusait le roi par ses farces et ses plaisanteries. Mais la méchante reine continuait à le haïr.

Un jour, le roi dut s'absenter. La reine en profita pour faire jeter Innocent en prison.

Par bonheur, le paysan avait plus d'un tour dans son sac. Il réussit à s'échapper. A son retour, le roi s'inquiéta de la disparition d'Innocent et le fit rechercher. On découvrit bientôt le fugitif dans un four de la ville.

Le roi fut si heureux de retrouver Innocent qu'il le nomma conseiller à la cour.

Malheureusement, quelques mois plus tard, Inno­cent tomba gravement malade et mourut pleuré

73

par toute la cour et même par la reine qui avait enfin reconnu ses mérites.

Innocent avait une femme, Berthe, et un fils, Sim­plet. Tous deux étaient restés là-haut dans la mon­tagne. Le roi les envoya chercher et les installa dans une belle ferme. Simplet, qui méritait bien son nom, ne tarda pas à faire des bêtises. Pour s'amu­ser, il jeta dans la rivière les pièces d'or que le roi lui avait données.

Une autre fois, il décida de couver les œufs à la place de l'oie. Il s'installa sur le nid. Et crac ! il brisa tous les œufs.

« Ciel ! cria sa mère en l'apercevant. Te voilà dans un bel état ! Cours changer de vêtements, nous devons nous rendre à la cour. »

Le carosse arriva, peu de temps après, pour prendre la mère et le fils. Mais Simplet avait disparu.

On le retrouva, dormant béatement, sous un arbre.

Dès qu'elle vit le roi, Berthe lui demanda la per­mission de retourner dans la montagne.

« Cela fera le plus grand bien à Simplet », dit-elle. Le roi donna aussitôt son consentement.

Des années passèrent. Un jour, Mercure, le page du roi, se promenait dans un village de montagne.

Tout à coup, devant une maisonnette blanche, il aperçut Berthe, Simplet, qui s'était marié entre­temps, et un petit garçon gros et rond : le fils de Simplet. Ce dernier était encore plus naïf que ne l'avait été son père et, pour cette raison, on l'avait appelé Candide. Mercure, ravi, invita Berthe et son petit-fils à la Cour.

Les souverains les accueillirent avec joie et se di­vertirent fort des boutades du petit garçon.

Mais bientôt, Berthe s'ennuya de son fils Simplet.

« Puis-je aller le retrouver ? » demanda-t-elle au roi.

Le roi accepta volontiers et, comblés de cadeaux, Berthe et Candide s'en revinrent dans leur village où ils furent fêtés par tous les habitants.

Giulo Cesare Croce

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LA MISE EN SEQUENCE

MANQUE (pour Innocent)

i Manque réparé

i Mort

d'Innocent

— r Faveur

à obtenir

Faveur obtenue r

Protection du roi

I

Faveur renforcée

Faveur généralisée

(roi et reine)

— • Présentation

au roi I - • Péril "I,

Agression de la reine

I Présentation _ Péril _

à recommencer — écarté —

I Echec

de l'agression i

Présentation renouvelée

i •

Epreuve des références

Présentation _ Epreuve à recommencer - refusée

Présentation réussie

T Eloignement

du roi

Retour du roi

i

• Epreuve

de la porte

= Epreuve réussie

Péril Dégradation

possible

i Emprisonnement

Fuite - cachette

• Délivrance

f Agression préméditée

Agression empêchée

Agression possible

I Agression réalisée

Reine vaincue

Repentir

Bienfaits à réaliser

(ou divertissement pour la cour) Invitation

de B. et S.

Installation non réalisée

Dans une ferme •

Bêtises de Simplet •

A la Cour •

Retour 75

C. - ÉTUDE DE DEUX RÉCITS

• PRESENTATION

• RAPPORTS D'EXPERIMENTATION EN CLASSE

Etude de « La Vénus d'Ille » (Prosper Mérimée)

Etude de « Le Miroir d'encre » (Jean-Louis Borges)

PRESENTATION

Fidèles à notre démarche pédagogique qui consiste à faire découvrir les composantes qui président à la mécanique d'un phénomène discursif (phase ponctuelle), puis à faire réutiliser ces composantes à propos d'unités textuelles plus importantes (phase globale), nous présentons, dans ce chapitre, des tentatives de réinvestissement des concepts précédemment étudiés, à propos de l'étude du conte fantastique.

Il s'agit donc, à la fois, d'un réemploi de la part des

élèves pour ce qui est de l'étude narrative de ces textes, et d'une possibilité de discriminer ce qui appartient à la trame narrative du conte de ce qui appartient à son enun­ciation pour, du même coup, mieux repérer les différents lieux textuels du fantastique.

Le travail a été mené à bien sur La Vénus d'Ille de Prosper Mérimée (deux rapports) et sur Le Miroir d'encre de Jean-Louis Borges (un rapport).

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a. - RAPPORT D'EXPÉRIMENTATION (premier rapport)

ETUDE DE «LA VENUS D'ILLE» (Prosper Mérimée)

Etablissement : Lycée de Meudon Classe : Seconde C (36 élèves) Enseignant : Annie HUCHON

On s'est servi pour cette étude du livre de M. To-dorov, Introduction à la littérature fantastique. Pa­ris, 1970, Seuil, et de l'exposé de M. Beninasca fait au séminaire de M. Greimas en 1973-74.

n'est plus distribuée, que le rapport à la vérité est suspendu (cf. Todorov : Introduction à la litté­rature fantastique).

OBJECTIFS

Etude de la narrativité

Cette lecture de la Vénus d'Ille (1) s'inscrit dans le prolongement des exercices faits sur les contes (Le petit tailleur, Innocent).

Il s'agit donc pour les élèves de réutiliser, à propos d'un récit plus long, les connaissances acquises sur les structures narratives, de vérifier le caractère opératoire des concepts dégagés :

Fonction/Qualification ; Actant/Acteur.

Etude du rapport narrateur-lecteur à partir des phénomènes dénonciation

Le fait fantastique se présente comme une sortie de la narrativité et remet en cause le contrat nar­rateur-lecteur, puisque la garantie du narrateur

(1) Edition utilisée : les nouveaux classiques ¡Larousse.

DEROULEMENT

A) Etude de la narrativité

1) Faire constituer une liste des épisodes (ce tra­vail peut se faire individuellement, lors de la classe, ou en groupe).

Dresser la liste définitive collectivement au tableau.

2) A partir de la liste, demander si une autre présentation des faits est possible.

Objectif : faire remarquer la différence discours/ré­cit, indiquer qu'une comparaison entre l'ordre chronologique des récits et l'ordre dans le texte est sans doute possible.

a) LISTE DES EPISODES

— Arrivée du narrateur à Ille, un mercredi :

• Dialogue avec le guide catalan : Le narrateur apprend que le mariage d'Alphonse et de Cole de Puygarig aura lieu le lendemain ou le surlendemain.

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Le guide raconte l'histoire de Cole et la découverte de la statue.

— Dîner somptueux chez les Peyrehorade : • On reparle du mariage ; • Leur discours sur la statue.

— Le narrateur voit la statue par la fenêtre de sa chambre : • Episode de la pierre lancée par les gamins.

— Le lendemain, jeudi, visite à la statue : • Nouvelle description ;

• L'inscription ambiguë sur le socle ; • Le narrateur observe la marque blanche sur les doigts de la statue.

— Conversation avec Alphonse après le déjeuner : description de la bague.

—• Dîner chez les Puygarig : • Le mariage est fixé au lendemain, vendredi, jour de Vénus.

— Le vendredi matin, jour du mariage :

• La partie de jeu de paume.

— La cérémonie du mariage : • La substitution des bagues.

—• Le souper : e Les gaillardises des convives, la chanson de M. de Peyrehorade.

— Alphonse raconte au narrateur qu'il n'a pu retirer l'anneau.

— La nuit, le narrateur entend des bruits de pas dans l'escalier.

— Au matin, découverte d'Alphonse mort. Le nar­rateur marche sur la bague au pied du lit.

— L'enquête du narrateur : remarque les traces de pas dans le jardin.

— Déposition du narrateur : apprend le témoi­gnage de Mlle de Puygarig.

—• Le suspect, l'Aragonais est disculpé.

Déposition du domestique.

Départ du narrateur.

b) EPISODES DANS L'ORDRE CHRONOLOGIQUE REEL (déduis par les indications mêmes du texte)

1. Deux ans avant le mariage, la modiste et Al­phonse se donnent du bon temps à Paris ;

2. Quinze jours avant l'arrivée du narrateur, on trouve une statue ;

3. La statue casse la jambe de Cole ;

4. Peyrehorade déchiffre l'inscription et écrit un manuscrit qui sera perdu ;

5. Sa femme voudrait qu'on fasse une cloche avec la statue ;

6. M. de P. annonce la venue du narrateur à Peyrehorade ;

7. Le mercredi, le narrateur arrive ; '

8. Le narrateur donne la lettre à Peyrehorade, il ne l'ouvre pas ;

9. Peyrehorade offre un dîner au narrateur ;

10. Le narrateur va se coucher ;

11. Il voit des gamins lancer une pierre à la statue ;

12. Le jeudi, visite à la statue. Peyrehorade es­saie de déchiffrer l'inscription ;

13. Déjeuner ; 14. Dîner chez la fiancée ; 15. Le vendredi, à 8 h, le narrateur essaie de des­

siner la Vénus ; 16. De 9 h 30 à 10 h, la partie de jeu de paume ;

17. Alphonse met sa bague au doigt de la statue et l'y oublie ;

18. Les cérémonies ;

19. Le souper de mariage ; 20. Alphonse cherche la statue ;

21. Alphonse cherche le narrateur et appelle un domestique ;

22. Le narrateur se couche ;

23. La statue écrase Alphonse ;

80

24. On retrouve le cadavre ; 25. L'Aragonais est disculpé ; 26. On fait une cloche avec la statue ; 27. M. de P. écrit au narrateur pour lui raconter

les méfaits de la cloche.

3) Demander à quel moment le récit commence vraiment, faire supprimer tous les épisodes qui ne sont pas indispensables au conte.

Objectif : distinguer la première partie du texte (la plus longue), dont la seule fonction est de dé­crire la situation initiale, de présenter les prota­gonistes, du récit lui-même qui commence à la scène du jeu de paume (structure analogue à celle du conte : Le petit tailleur).

4) Demander quels sont les événements dont le narrateur a été le témoin, quels sont ceux qui lui sont racontés.

Objectif : étude des enchâssements.

a) Un récit enchâsse tous les autres : celui du narrateur au lecteur.

Problème du post-scriptum final : la communication narrateur-lecteur est explicitement mise en avant, tout le récit apparaissant comme une lettre.

b) Le narrateur reçoit des récits.

— Faire constituer la liste des récits avec le nom des narrateurs. — Commenter la différence : récits de première main ; récits de seconde main (la mariée au pro­cureur) .

c) LISTE DES RECITS

Série :

1. Récit du guide catalan sur la découverte de la statue : récit en duplication : repris par M. de Peyrehorade au dîner ;

2. Récit d'Alphonse sur ses amours à Paris ; 3. Récit d'Alphonse après le mariage : la statue

a refermé le doigt ; 4. Récit de la mariée au procureur sur les évé­

nements de la nuit ;

5. Récit du domestique sur son entrevue avec Alphonse la veille au soir ;

6. Récit de M. de P. : on a fait fondre la statue ; les vignes ont gelé deux fois.

Un second récit en duplication : le narrateur ra­conte à M. de Peyrehorade comment les gamins ont lancé une pierre à la statue.

Commentaire de la répartition des récits : très nombreux au début et à la fin, ce qui permet l'organisation suivante de la nouvelle : le rapport (récit) —» le vécu —» le rapport, etc.

5) Demander si le lecteur reconnaît l'authenticité des événements rapportés.

Objectif : étude de la nature de la garantie.

a) Voir l'opposition écrit/oral.

Demander dans quels discours ces récits sont faits : la plupart des récits apparaissent dans les dialogues (récits du Catalan, de Peyrehorade, d'Alphonse, de la mariée).

Les lettres et les discours écrits s'évanouissent : le narrateur se présente à M. de Peyrehorade avec une lettre d'introduction, mais ce dernier ne l'ouvre pas ; le manuscrit sur l'inscription indéchiffrable est perdu ; il reste la lettre de clôture de M. de P. et le récit du narrateur (présenté comme une let­tre).

b) Préciser à chaque fois quels sont les person­nages qui peuvent se porter garants des faits, quelle confiance on peut accorder à leur parole ;

Voir les qualifications qui les discréditent : le Ca­talan : superstitieux, inculte ; M. de Peyrehorade : plaisantin qui, aveuglé par sa passion de l'antiquité, prend au pied de la lettre la mythologie ; Alphon­se : ivre ; la mariée : devenue folle.

B) Etude du fait fantastique

Objectif : faire trouver comment le choix entre deux séries d'explications : explications rationnel­les, positives et explications merveilleuses, est main­tenu.

Donner une définition du conte fantastique en le distinguant du conte merveilleux et du conte étran­ge (voir Todorov).

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1) Demander quel est le fait resté inexpliqué, comment l'on peut expliquer ce fait.

La mort d'Alphonse reste une énigme. Le meur­trier est, soit la statue (explication merveilleuse : l'inanimé est devenu animé), soit un homme ou une femme (la mariée peut-être).

2) Rechercher dans le texte, à partir du moment où le narrateur monte dans sa chambre, tous les indices susceptibles de découvrir le meurtrier.

Noter dans un tableau, quelle explication on peut donner de ces faits. Demander de regrouper ces explications :

Explications rationnelles/explications merveilleu­ses.

Explications données par l'auteur, formulées dans la narration/explications que le lecteur peut trou­ver lui-même.

4) Tableau des résultats

Indices susceptibles

de découvrir le meurtrier

Les pas lourds dans l'escalier (p. 50, 1903) Répétition du bruit à 5 h du matin après que le coq chante

Le bois du lit est brisé

Corps déjà raide et froid, dents ser­rées, figure noir­cie

Empreinte livide sur la poitrine

Explication rationnelle

donnée dans le texte

Alphonse ivre ren­tre se coucher

« Je n'imaginais rien de vraisem­blable »

0 0

0

Les braves à Va­lence assomment les gens avec de longs sacs de cuir pleins de sable (P. 52)

déduite par le lecteur

Bagarre avec le meurtrier

On ' s oupçonne l'Aragonais

Explication merveilleuse

donnée dans le texte

0

La mariée : « Un coq chante, alors la statue sortit du lit»

« Le lit cria » (p. 53)

Voir récit de la mariée

« On eût dit qu'il avait été étreint dans un cercle de fer» (p. 51, 1.956)

déduite par le lecteur

La statue fait cra­quer l'escalier

La statue redes­cend

Le poids de la sta­tue a brisé le lit La statue a tué Al­phonse la veille

La statue l'a tué peut-être dans un geste amoureux

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Trouver les caractéristiques de chacune de ces solutions.

3) Faire écrire une conclusion qui oblige à choisir entre le merveilleux et l'étrange.

Faire chercher dans la littérature des récits et les classer par catégories.

Commenter le fait fantastique : la mort d'Alphonse relève de deux séries d'explications : l'une, merveil­leuse, suppose l'animation de la statue, l'autre, étrange, suppose l'intervention d'un meurtrier hu­main, particulièrement habile puisqu'il n'a laissé aucun indice susceptible de révéler son crime.

Les indices qui nous conduisent à soupçonner l'Aragonais ou la mariée sont refusés dans le texte.

Il faut noter la simplicité de l'explication merveil­leuse (si on l'accepte, tout concorde d'ailleurs) et la multiplicité des explications rationnelles : plusieurs pistes sont possibles de ce côté.

Indices susceptibles de découvrir le meurtrier

Présence de la ba­gue dans la cham­bre

Les pas dans la terre « profondé­ment imprimés »

Explication rationnelle

donnée dans le texte

Incertitude du do­mestique interrogé

On croit que ce sont ceux de l'Ara-gonais mais il est disculpé

déduite par le lecteur

Alphonse l'a peut-être reprise à la statue Vol du meurtrier

Pas d'Alphonse Pas des meurtriers

Explication merveilleuse

donnée dans le texte

0

déduite par le lecteur

La statue a appor­té la bague

Pas de la statue

C) Etude des qualifications et des rôles actantiels

Objectif :

Montrer l'ambiguïté des qualifications ;

Etudier leur répartition sur différents personna­ges ;

Classer les personnages par rôle actantiel.

1) Recherche dans le récit tout ce qui qualifie les personnages (travail en groupes) ;

Montrer qu'un acteur peut être décrit non seule­ment par ce qu'il est mais aussi par ce qu'il fait ; Le cas du narrateur-héros : le JE (héros) se dé­finit par les commentaires, les appréciations qu'il porte sur les autres et sur les événements (sur le mariage en particulier).

2) Rapprocher les personnages selon leurs qualifi­cations.

Voir les identifications : La fiancée = la Vénus (p. 25, 40, 42, 47).

La fiancée = la modiste (échange des bagues). La Vénus = l'Aragonais (p. 43), «haut de six pieds, sa peau olivâtre avait une teinte presque aussi foncée que le bronze de la Vénus». Cole = Vulcain, le mari boiteux de Vénus l e s m a r i s

L'apprenti serrurier = Vulcain, le de Vénus forgeron

Cole = Alphonse (les meilleurs joueurs de jeu de paume). Alphonse = le narrateur célibataire : p. 24, M. de Peyrehorade promet au narrateur de le marier au cours du mariage de son propre fils.

A l'échec de la quête d'Alphonse, correspond l'échec de la quête du narrateur : le JE (héros), inspec­teur général des monuments historiques, vient ren­dre visite à un antiquaire et espère visiter les mo­numents antiques des environs.

Le mariage d'Alphonse est présenté tout de suite comme un empêchement (p. 20, 1.23-24 - p. 24, 1.165).

Voir les commentaires du narrateur sur le ma­riage, p. 47, 1.820 : pour le narrateur, le vrai ban­quet serait plutôt le repas du début.

3) Rechercher le trait commun à toutes ces des­criptions de personnage : l'hybridité.

Alphonse = paysan et dandy.

La Vénus = belle et terrifiante (l'inscription :

Turbulnera, p. 37).

La mariée = description étrange du narrateur qui voit Mlle de Puygarig presque aussi mé­chante que la Vénus (p. 40).

4) Rechercher si cette hybridité des qualifications ne se retrouve pas aux niveaux des objets, des évé­nements.

Objectif : réfléchir sur l'utilité du fantastique qui

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permettrait peut-être de résoudre des antithèses non surmontables et ici l'opposition entre le ma­riage d'amour et le mariage d'argent.

a) Voir la description de la bague (p. 39), symbole de l'amour-fidélité, symbole de la valeur mar­chande (on y a rajouté des diamants).

b) Le mariage d'Alphonse est un mariage d'ar­gent. La mort d'Alphonse peut se lire comme la réalisation de la Vénus trahie ou comme un acte d'amour : la Vénus alors ne vient pas tuer Al­phonse mais consommer son mariage.

5) Documents

Récits des élèves

Récit 1

Depuis mon départ, j 'ai appris quelques faits nou­veaux sur cette mystérieuse catastrophe. On m'a appris que les manuscrits relatifs à la Vénus d'Ille avaient disparu. Les origines de cette disparition comme tout le reste d'ailleurs semblent tout aussi étranges, M. de Peyrehorade, après la mort de son fils, avait voulu mettre un peu d'ordre dans ses affaires et compléter son testament. Il resta en­fermé, m'a-t-on raconté, tout un après-midi avec le notaire, et durant cet entretien il fut aussi ques­tion des manuscrits de la Vénus d'Ille. Ces ma­nuscrits intriguèrent fort le notaire qui s'empressa de poser de nombreuses questions à ce sujet malgré le trouble manifeste de M. de Peyrehorade. A la fin de l'entretien, les deux hommes se rendirent dans le salon où quelques rafraîchissements leur furent servis. Le notaire demanda à voir la statue. M. de Peyrehorade le pria d'y aller seul en s'excu-sant de ne pouvoir l'accompagner. Le notaire resta assez longtemps absent, mais il s'en revint au salon remercier M. de Peyrehorade et le quitta.

Le lendemain, M. de Peyrehorade se rendit à son bureau pour ranger les papiers relatifs au testament et aux manuscrits. Mais alors qu'il y mit de l'ordre, il s'aperçut que tout ce qui concernait la Vénus d'Ille avait disparu.

M. de Peyrehorade n'en dit rien à personne et mourut le lendemain de cette triste affaire. Par son testament...

Récit 2

Quelques jours après l'enterrement, je décidai de retourner voir la statue. Elle me parut bizarre, un sourire se dessinait sur ses lèvres, et sans l'arrivée de M. de Peyrehorade, je me serais mis à imaginer bien des choses.

Le calme revenait peu à peu dans la maison, mais Mn,° Alphonse était toujours considérée comme folle, elle s'enfermait dans sa chambre, ne sortant que pour les repas. Le coin de la statue était déserté, aucun villageois n'osait jeter un coup d'ceil sur la statue, puis un jour elle disparut. Tout le monde la chercha, mais elle resta introuvable. Un soupçon me vint, je demandai à M. de Peyrehorade d'ou­vrir la tombe de son fils, il refusa mais je m'obsti­nai, puis la chose fut faite et... horreur, nous trou­vâmes la Vénus, enlacée dans les bras d'Alphonse, elle avait toujours son sourire, un sourire de vic­toire. Peyrehorade décida de détruire la statue, ce qu'il fit aussitôt, mais un malheureux accident ar­riva, en regardant cette destruction, il tomba et se heurta la tête au socle de la Vénus.

Récit 3

A l'enterrement d'Alphonse, la mariée, trop faible pour assister aux obsèques, resta dans sa chambre. Tout le monde s'était réuni à l'église lorsqu'arriva le corps. La cérémonie se déroula sans que rien ne se passe. On transporta le corps au cimetière conti-gu à l'église. Le prêtre fit un dernier discours, lorsque des pas très lourds firent crisser le gravier du cimetière. Personne n'osait se retourner mais chacun sentait peser sur lui un regard étrange qui le mettait mal à l'aise. On fit descendre le corps peu à peu dans la fosse. Le prêtre lança de la terre sur le cercueil et fut imité peu après par l'assis­tance. Je fus la dernière personne à devoir le faire. Je me retournai, avec curiosité et découvris... la statue, recouverte d'un voile noir. Je l'observai comme si j'avais attendu la réaction d'une personne que l'on vient de narguer. Elle souleva le voile avec une douceur que l'on ne lui aurait pas sup­posée, et c'est alors que je constatai que ses yeux auparavant si blancs étaient devenus noirs comme le voile qui recouvrait sa tête. Elle jeta un dernier regard au mort et disparut dans une rafale de vent que l'on aurait cru envoyée par Zeus lui-même.

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Récit 4

Avant que la statue ne soit coulée en cloche, il arriva un événement qui convainquit tous les scep­tiques de la petite ville. Trois mois s'étaient déjà écoulés après la mort d'Alphonse, quand la veuve décida de porter la bague, trop jolie pour être laissée à l'abandon dans un coffret. M. de Peyreho­rade l'y avait enfermée lui-même, défendant qu'on y touche. Jusqu'ici personne ne s'était plus soucié de la bague. La jeune dame de Peyrehorade prit le coffret et l'ouvrit : la bague n'était plus là. Elle courut chez M. de Peyrehorade demander des ex­plications. Personne ne put la renseigner. Seuls M. et Mme de Peyrehorade et leur belle-fille connais­saient la place de la bague. Tous trois tombèrent dans de grandes considérations. M. de Peyrehorade jeta un regard par la fenêtre : rien ne semblait avoir bougé ; la plate-bande n'était pas piétinée, la statue

se tenait toujours aussi droite sur son socle. Il fut frappé par l'expression de la statue : celle-ci était toute autre que d'habitude, un air ironique flottait au coin des lèvres, comme si elle se moquait d'eux. M. de Peyrehorade sortit pour mieux l'observer : la bague était là, à son doigt ! C'était à ne plus rien y comprendre. Il essayait de reprendre la bague quand il reçut comme un coup de massue sur la tête. Chancelant, il leva les yeux vers la statue : son air était devenu menaçant, le poing encore levé semblait prêt à frapper de nouveau. M. de Peyrehorade eut tout juste la force d'appeler à l'aide et il tomba dans un coma duquel il ne se ré­veillait que par intermittence. Chacun accourut assez tôt pour voir la statue pousser un grand cri, embrasser la bague et se jeter délibérément sur le sol où elle se brisa. Personne ne put jamais récu­pérer la bague : la main s'était refermée sur elle à tout jamais.

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b. - RAPPORT D'EXPÉRIMENTATION (deuxième rapport)

ETUDE DE «LA VENUS D'ILLE» (Prosper Mérimée)

Etablissement : Lycée de Pontoise Classes : Seconde AB 2 - AB 3 et Pre­mière B Enseignant : Nicole LE LOCH

Seconde AB 2 - AB 3 : 33 élèves, déjà sensibilisées par d'autres exercices (notamment emploi des fi­ches sur objectif et interprétatif dans une image et dans des textes — et exercice sur une image extraite d'une séquence de bande dessinée).

Première B : 28 élèves, non sensibilisés.

Dans les deux classes, les élèves ont déjà tenté de dégager les structures narratives, soit d'une pièce de Musset (Seconde AB), soit de Candide (Pre­mière B) ; exercices menés empiriquement.

1) OBJECTIF

Io Etudes des structures narratives ;

2° Faire prendre conscience aux élèves de la dis­tinction : fantastique, merveilleux, étrange (To-dorov).

2) CONDITIONS D'EXPERIMENTATION

Io Réunion du groupe de travail (6 professeurs) de l'établissement.

Exercice proposé : dans un premier temps, les pro­fesseurs lisent ou relèvent Todorov, travaillent le

texte de Mérimée et cherchent deux textes à pro­poser comme exemples de récits étranges et mer­veilleux.

2° Séance d'auto-expérimentation sur la Vénus d'Ille.

— Il semble plus facile de pousser les élèves à re­chercher d'abord les actants, ensuite les fonctions.

— Deux nouvelles de Poë sont retenues comme

récits fantastique - merveilleux : Morella fantastique - étrange : Ligéia

3) DEROULEMENT DE L'EXPERIENCE

Lecture préalable du texte à la maison.

Première étape (elucidation collective) : recherche de ce qui est apparu « fantastique ».

Réponses :

En premier : la fin du récit, à partir de la scène du jeu de paume ;

En second : une majorité propose d'abord l'épisode de la bague. Le professeur invite à poursuivre l'in­vestigation jusqu'au démembrement.

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Etude du post-scriptum. Deux faits sont remar­qués :

— Ambiguïté non levée par ces dernières lignes ;

— Existence d'un narrateur (étude plus précise de son rôle, dans ces dernières lignes d'abord, dans l'ensemble du récit ensuite).

Deuxième étape (en groupes) : recherche, dans tout le récit, de ce qui prépare un dénouement de type fantastique, de ce qui oriente vers une interpré­tation rationnelle des événements (et notamment du dénouement).

Quatrième étape (collective) : recherche des fonc­tions :

a) On reprend le déroulement chronologique de la nouvelle, en utilisant la numérotation trouvée dans l'étape précédente : formalisation.

b) Apparaît alors le rôle-pivot d'un actant (la victime).

c) A partir de là, tentative pour réaliser un schéma de type Brémond. C'est le professeur qui pousse les élèves à choisir l'actant « victime » comme point de départ (l'auto-expérimentation ayant mon­tré que cela semblait la condition nécessaire pour inscrire le récit dans une triade à la Brémond).

Troisième étape (en groupes, puis elucidation col­lective avec schéma au tableau) :

N.B. — Dès l'étude du post-scriptum, des élèves ont remarqué que la Vénus et la cloche ne pou­vaient être dissociées ;

Dans la deuxième étape du travail, certains ont constaté que, face à la Vénus, toute une série de personnages étaient des victimes.

On les invite à classer les différents personnages, en fonction de leur rôle dans le déroulement de l'histoire.

Cinq groupes de personnages sont mis en place. Un seul pose problème quand il s'agit de définir son rôle ou sa situation (celui constitué par Mlle de Puygarig).

Deux groupes sont facilement éliminés comme non fonctionnels (le terme n'est pas prononcé) : les personnages secondaires, intermédiaires ou intro­ducteurs, le narrateur-enquêteur.

On revient sur le rôle du narrateur, et le lien est précisé entre sa présence et les récits. Il semble bien ne fonctionner qu'au niveau du « discours ».

Le professeur prononce alors le terme d'« actants » et le définit.

On revient aux deux actants qui ont été trouvés. On cherche comment les nommer. On les numé­rote.

Cinquième étape : étude des structures trouvées :

— Recherche des particularités qui semblent en liaison avec le caractère fantastique du récit.

Le personnage-clé semble bien être le narrateur : il est important au niveau indiciel ; il permet de déterminer l'importance des discours par rapport à l'histoire.

— Les élèves sont frappés par l'importance et l'abondance des détails sur le pays, les coutumes, les repas : déterminer leur rôle (apparence « réa­liste » du récit ; ils ralentissent le récit-qualifi­cation).

— Beaucoup remarquent l'opposition entre la Vé­nus et la jeune femme dans une histoire d'amour.

Or le schéma aboutit à un échec et à la mort :

Opposition : mariage amour vie

=f= mort

Sixième étape : lecture dirigée rapide des deux nouvelles de Poë : Morella, Ligéia.

a) On y détermine (collectivement) le rôle du narrateur.

b) On résume les deux textes sous forme de deux listes de phrases simples. Puis on met entre paren­thèses ce qui ne sert pas à faire progresser l'action. Effort pour déterminer ce qui est de l'ordre du récit, du discours.

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c) Recherche des différences ces deux nouvelles, entre ces La Vénus d'Ille.

Approche d'une définition des trois termes (1)

: entre chacune de deux nouvelles et

— fantastique — étrange — merveilleux.

Septième étape (en groupes) :

On propose de réécrire à la Vénus d'Ille : un dé­nouement merveilleux, un dénouement étrange.

L'exercice plaît beaucoup aux élèves. Il les aide à mieux saisir la différence entre les trois notions. Cependant (à quelques rares exceptions près) les résultats sont décevants.

4) BILAN

— Exercice mené rapidement (quatre à cinq heu­res sur la nouvelle de Mérimée + trois heures sur Poë -|- une heure pour l'exercice de création).

— Intérêt général des élèves.

— Pourtant toutes les virtualités du texte n'ont pas été épuisées.

— Pédagogiquement, la difficulté consiste à faire identifier précisément les actants, mais peut-être est-ce une caractéristique du récit fantastique ?

— Il n'y a pas eu de différences notables de compor­tement entre une classe qui était déjà un peu sensibilisée à ce type d'exercices et une autre qui ne l'était guère.

(1) Cf. Introduction à la littérature fantastique, T. Todo-rov (Le Seuil).

c. - RAPPORT D'EXPÉRIMENTATION (troisième rapport)

ETUDE DU « MIROIR D'ENCRE » (Jean-Louis Borges)

Etablissement : Lycée de Meudon Classe : Seconde C (36 élèves) Enseignant : Annie HUCHON

Objectifs

— Utiliser les connaissances acquises sur les struc­tures narratives et le conte fantastique (voir tra­vail fait sur la Vénus d'Ille).

— Laisser aux élèves la possibilité d'avoir recours à la même méthode d'analyse.

Mais le récit du magicien est un récit de seconde main, puisque Borges le tient, non du magicien lui-même mais du capitaine Richard Francis Bur­ton.

Comme dans la Vénus d'Ille, le narrateur reçoit des récits.

L'exercice peut donc être pratiqué en classe par des groupes auxquels on laisse toute initiative puisqu'il s'agit d'un réemploi, ou bien hors de la classe, individuellement.

J'ai personnellement donné ce travail en devoir écrit. J'ai repris en classe les différents angles d'analyse choisis et laissé les élèves élaborer collec­tivement leur réflexion en précisant à chaque fois le niveau où l'on se trouvait.

La consigne était donc très vague : j 'ai demandé à chaque élève individuellement d'analyser le conte comme on avait analysé la Vénus d'Ille, de voir si les questions que l'on s'était alors posé, étaient encore pertinentes. La mise en commun, faite ora­lement a duré trois heures.

A) ETUDE DE LA NARRATIVITE

1) Les enchâssements

Le récit du magicien est enchâssé dans le récit que Borges fait au lecteur.

2) Les problèmes d'énonciation

Le JE et le TU ne sont pas les mêmes pour chaque récit.

Premier récit

JE BORGES

TU LE LECTEUR

Deuxième récit

JE Francis Burton

TU L'historien

Le

Troisième

JE magicien

récit

TU Francis Burton

Mystifica­tion/Fiction

Historien /Aventure

Témoigna­ge/Acteur

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Premier récit :

Le narrateur s'efface pour laisser parler l'historien.

On relève les marques du récit historique : Absence d'une première personne ; Indétermination des émetteurs : « L'histoire sait que... », « Certains insinuent que... » ; Abondance des noms de lieux, des dates ;

Une certaine utilisation de la « couleur locale », qui ici semble se confondre avec le souci de pré­cision scientifique (les élèves parlent d'humour, de faux exotisme). (Cf. les noms propres : « Abde-rahmen el Masmoudi » que l'auteur éprouve le besoin de traduire ; la date : « le 14 de la lune de Barjomat »).

Deuxième récit :

Le JE appartient à la catégorie des personnages voyageurs, rapporteurs de récit fabuleux (qualifié : anglais et capitaine). Il n'est pas davantage repré­senté par une première personne dans le récit.

Le TU ne peut être le narrateur Borges à cause du glissement dans le temps.

On s'aperçoit donc que l'effacement du narrateur dans le premier récit laisse supposer un autre ré­cit : celui de l'historien, ou de l'histoire, à Borges.

Troisième récit :

Le JE : qualifié surtout de magicien, éventuelle­ment de meurtrier, instrument de la divinité ( « ser­viteur du Miséricordieux » ).

Le TU : l'anglais voyageur.

Le cadre enonciatif situe la narration : on est dans le conte merveilleux, le conte oriental.

3) Les séquences et les fonctions

L'on part d'un résumé du récit du magicien pour abstraire les fonctions. Dans le résumé, les élèves ne retiennent que les actions indispensables à la poursuite du récit. On obtient ainsi une liste et je demande aux élèves de regrouper ces actions en partant du début du texte, et en essayant de

trouver quelle fonction doit apparaître logiquement dans la suite du récit. Ainsi, à partir de la liste suivante, où ma désignation des fonctions reste parfois très proche du texte : — Assassinat du frère ; — Péril encouru ; — Proposition d'un marché ; — Mise à l'épreuve ;

— Constitution du miroir d'encre ; — Réussite de l'épreuve ; — Acceptation du marché ; — Péril écarté ; — Apparition du double ;

— Demande de Yakoub ; — Demande acceptée ; — Vision de sa mort ; — Mort de Yakoub.

On essaie de travailler sur des désignations plus abstraites et de retrouver des séquences.

a) On remplace :

— Assassinat du frère par dommage subi, dégra­dation ou méfait (je fais remarquer le changement de point de vue).

— Constitution du miroir d'encre :

Si les élèves ont bien vu que toutes les actions rituelles exécutées par le magicien peuvent se re­grouper, ils hésitent quant à la signification de ces actes, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'ambi­guïté du fantastique repose entre autre sur le rôle du magicien : est-il meurtrier, a-t-il volon­tairement fabriqué le miroir d'encre pour tuer Yakoub ?

Dans ce cas il faut considérer son acte comme la mise en place d'un piège.

Ou ne cherche-t-il qu'à éviter la mort en passant une épreuve ? Dans ce cas il a simplement recours à la magie et l'on peut parler d'intervention d'un adjuvant.

— Même problème pour l'apparition du double remplacé par l'apparition du meurtrier.

On discute pour savoir s'il s'agit d'une fonction, la mise en place du piège pouvant se faire en deux temps.

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— Demande de Yakoub est remplacée par faute de Yakoub quand je fais remarquer qu'une fonction se définit par ses conséquences. Un élève propose d'abord : action suicidaire.

— Vision de sa mort est remplacée par réussite du piège.

b) On regroupe les fonctions suivantes :

A partir de la liste : Péril encouru — péril écarté ; les élèves tirent une troisième fonction : péril définitivement écarté, fonction qui correspond à la mort de Yakoub ;

Mise à l'épreuve — réussite de l'épreuve ; Proposition d'un marché — acceptation du marché ; Mise en place du piège — réussite du piège ; Demande de Yakoub — demande acceptée ; si l'on désigne cette demande par : faute de Yakoub, les élèves proposent de regrouper : mise en place du piège, faute de Yakoub, réussite du piège.

Par déduction, on retrouve comment une même action peut représenter différentes fonctions.

A partir de la fonction initiale : dommage subi, dégradation, je demande ce qui peut logiquement s'ensuivre :

— Soit le dommage est réparé, soit il subsiste ou s'aggrave ; — Soit la dégradation est réparée et il s'ensuit une amélioration, soit elle se poursuit.

On remarque que lorsqu'un méfait est commis, il peut être réparé et aussi attirer un châtiment sur la tête du coupable. On parle ici de vengeance, de justice accomplie. Je demande alors aux élèves de tracer un schéma en plaçant les actions relevées dans la liste les unes sous les autres et en les décalant vers la droite : ce mouvement représen­tant le récit dans sa continuité. Je demande paral­lèlement de marquer les unes sous les autres sans les décaler, les fonctions que l'on a regroupées au niveau où elles apparaissent. On fait ensuite le sché­ma au tableau. (Voir schéma en annexe.)

B) ETUDE DU FANTASTIQUE

1) Le fait fantastique est isolé sans difficulté : en appliquant la définition dégagée au cours de l'exer­cice précédent.

Le fait fantastique est ici la mort de Yakoub puis­que cette mort reste inexpliquée ou plutôt relève de deux séries d'explications : soit Yakoub est mort naturellement, soit il est mort d'une manière surnaturelle.

2) A l'écrit, les élèves s'étaient heurtés à deux difficultés :

a) Déterminer exactement l'explication merveil­leuse du fait fantastique : il ne suffit pas de dire que Yakoub est mort à cause d'un objet magique. Il faut préciser que c'est la vision de sa mort qui le tue, autrement dit que la fiction est devenue réalité. Il n'y a plus de barrière entre l'imaginaire et le réel, thème fantastique traditionnel (voir To-dorov).

b) Trouver à l'intérieur même du récit du ma­gicien une explication rationnelle de la mort de Yakoub étant donné que ce récit dans son ensemble est merveilleux. On accepte comme une donnée la magie d'Abderrahmen et on ne remet pas en cause la possibilité du miroir d'encre.

Les élèves se sont contentés de travailler sur les différents JE du texte en s'interrogeant sur la confiance que l'on peut leur accorder et sur la nature de leur témoignage. Ils remarquent donc que la parole du narrateur se confond avec la parole historique mais que Borges, s'il pose l'énigme, laisse le choix entre deux explications : la mort par assas­sinat, la mort par maladie.

Or, ce choix engage le lecteur sur une fausse piste puisque dans les deux cas, le merveilleux n'inter­vient pas et la mort de Yakoub est toujours expli­cable rationnellement. Le récit du magicien est reçu comme invraisemblable. Pourtant à l'intérieur même de ce récit délibérément merveilleux, le lec­teur peut trouver une explication rationnelle à la mort de Yakoub : si l'on excepte le caractère ma­gique de l'instrument qui procure des visions, la mort de Yakoub peut être naturelle : devant la représentation horrible de sa propre mort, le tyran est mort de peur, son cœur a lâché... Dans ce cas, ni les pouvoirs extraordinaires du magicien, ni la justice divine ne sont intervenus.

L'ambiguïté du fait fantastique est donc présente au sein même du récit du magicien et pas seule­ment dans le choix qui nous est laissé entre l'inter­prétation de Borges l'historien et l'expérience du magicien.

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Borges confronte

Les témoignages historiques (explica-* tions naturelles : maladie ou assassinat) \ Mort naturelle (la peur)

Le témoignage du magicien * Mort surnaturelle : une image a tué

3) Une étude précise du récit du magicien permet de retrouver cette ambiguïté. A partir de la ques­tion : d'après le magicien, de quoi Yakoub est-il mort ?

On recherche dans le texte tous les faits rapportés par le magicien qui peuvent amener le lecteur à une conclusion et on les classe.

Mort naturelle : la peur

« Les yeux épouvantés de Yakoub. »

« Il fut la proie de la peur. »

« Sa main droite tremble. »

« Quand, dans la vision, l'épée s'abattit sur la tête coupable, il gémit... et roula sur le sol, mort. »

Mort surnaturelle : une vision est devenue une réalité

(1) La formule magique :

« Nous avons retiré ton voile et le regard de tes yeux est pénétrant. »

Procédé traditionnel du fantastique où une expression dont on ne considère d'abord que le sens figuré, méta­phorique, est prise au pied de la lettre.

Les élèves découvrent le double sens du mot pénétrant : clairvoyant mais aussi coupant, tranchant. Yakoub s'est tué par son regard.

(2) La longue enumeration des visions :

On remarque que certaines sont purement fantaisistes, alors que d'autres se réfèrent à une réalité quotidienne (les prix distribués dans les écoles, les rues éclairées au gaz : phénomène présenté par le magicien comme irréel).

Dans cette confusion de l'imaginaire et du réel au sein même des visions, les élèves expliquent qu'il y a déjà l'annonce que ce qui apparaîtra dans le miroir se confon­dra avec la réalité.

(3) La fascination de Yakoub qui n'essaie « même pas de lever les yeux ou de renverser l'encre ». Yakoub de­vient fou : «Il fut la proie... de la démence».

Cette résignation finale éveille des doutes. Yakoub, vic­time d'un charme ou d'un pouvoir, semble ne pas pou­voir s'échapper.

94

4) Tous les élèves ont remarqué que la mort de Yakoub était soigneusement préparée. Le lecteur s'y attend, il sait qu'elle va se produire puisque Borges l'annonce dès l'introduction.

Beaucoup ont relevé tout au long du récit ce qui annonce cette mort :

— Les reprises ex. : « Mon frère périt par l'épée, sur la peau de sang de la justice. »

« Je lui montrai... la peau de veau étirée, l'assis­tance heureuse de regarder, le bourreau avec l'épée de justice. »

— Les déductions faites par le lecteur : Yakoub demande à voir un châtiment irrévocable et juste,

or il nous est présenté comme un épouvantable tyran.

L'homme au linge sur le visage nous rappelle la formule magique.

Ils notent que l'intérêt du récit ne réside donc pas dans l'attente de la mort de Yakoub. Quand le lecteur lit : « Nous parvînmes ainsi à l'aube du 14 de la lune de Barjaunat », il sait que Yakoub va mourir.

Il importe de distinguer nettement avec les élèves cette préparation de l'événement tout au long du récit des différents indices qui, disposés ainsi au long de la narration, laisseront au lecteur le choix de l'explication de la mort de Yakoub.

C) SCHEMA

Dégradation

Dommage subi

Actl

répai ¡rice

Assassinat du frère

Méfait I

I I I I I I I I I

Action I I I I I

justiciero

I I I I I I I I

Péril encouru

,1 w I Proposition d'un marché

I

I

Péril évité ••••Marché provisoirement

I

accepté*

D o m m a 9 B Châtiment.. Péril évité. réparé

L

Mise à l'épreuve

Constitution d'un objet magique = Mise en place du piège

• Réussite de l'épreuve •

I Apparition Ides visions

' l I Mise en place

du p iège . . . . I

I Faute de Yakoub

I I

1

I

V Apparition du double

1 r Demande

de Yakoub

Demande acceptée

• Vision

de sa mort

j Réussite du piège Mort de yakoub

D) DOCUMENT

Le Miroir d'encre

L'histoire sait que le plus cruel des gouverneurs du Soudan fut Yakoub le Dolent, qui livra son pays

à l'injustice des collecteurs d'impôts égyptiens et qui mourut dans une chambre du palais le 14 de la lune de Barjamat en l'an 1848. Certains insinuent que le magicien Abder-rahmen el-Masmoudi (dont le nom peut se traduire le Serviteur du Miséri­cordieux) le tua par le fer ou le poison, mais une

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mort naturelle demeure plus vraisemblable, puis­qu'on l'appelait le Dolent. Néanmoins, le capitaine Richard Francis Burton conversa avec le magicien en 1853, qui lui relata ce qui suit : « Il est vrai que j 'ai souffert la captivité dans 1'alcazar de Yakoub le Dolent, à la suite de la conspiration ourdie par mon frère Ibrahim avec le perfide et vain secours des frères noirs de Cor-dofan, qui le dénoncèrent. Mon frère périt par l'épée, sur la peau de sang de la justice, mais moi je me jetai aux pieds détestés du Dolent, je lui dis que j'étais magicien et que, s'il me faisait grâce, je lui ferais voir des formes et des apparences encore plus merveilleuses que celles du Fanusi iiyal (la lan­terne magique). Le tyran exigea de moi une dé­monstration immédiate. Je demandai une plume en roseau, des ciseaux, une grande feuille de papier, une corne pleine d'encre, un brasero, des graines de coriandre et une once de benjoin. Je coupai la feuille en six rubans, j'écrivis des talismans et des invocations sur les cinq premiers et sur le dernier les mots suivants qui se trouvent dans le glorieux Coran : « Nous avons retiré ton voile et le regard de tes yeux est pénétrant». Ensuite, je dessinai un carré magique dans la main droite de Yakoub, je le priai de la fermer à demi et versai en son milieu un cercle d'encre. Je lui demandai s'il percevait nettement son reflet dans le cercle et il me répondit que oui. Je lui dis de ne pas lever les yeux. Je brûlai le benjoin et la coriandre, je consumai les invocations dans le brasero. Je priai Yakoub de nommer la figure qu'il désirait voir ap­paraître. Il réfléchit et se décida pour un cheval sauvage, le plus beau de ceux qui paissaient dans les prairies qui bordent le désert. Il regarda et vit la campagne verte et tranquille. Puis un cheval s'approcha, agile comme un léopard, une étoile blanche sur le front. Il me demanda une troupe de chevaux aussi parfaits que le premier et il vit à l'horizon un grand nuage de poussière et bientôt, la troupe de chevaux. Je compris que ma vie était sauvée.

Dès l'aube, deux soldats entraient dans ma prison et me conduisaient dans la chambre du Dolent, où déjà m'attendaient l'encens, le brasero et l'encre. De cette manière il exigea et je lui montrai toutes les apparences du monde. Cet homme mort que je déteste eut dans la main tout ce que les hommes morts ont vu et tout ce que voient ceux qui vivent : les cités, les climats et les royaumes qui divisent la terre, les trésors cachés dans son centre, les navires qui traversent les mers, les engins qui

servent pour la guerre, la musique et la chirurgie, les femmes pleines de grâce, les étoiles fixes et les planètes, les couleurs employées par les Infidèles pour peindre leurs abominables tableaux, les mi­néraux et les plantes avec les vertus et secrets qu'ils renferment, les anges d'argent qui se nour­rissent de louer et de justifier le Seigneur, la distribution des prix dans les écoles, les statues d'oiseaux et de monarques qui sont au cœur des pyramides, l'ombre projetée par le taureau qui soutient la terre et par le poisson qui est sous le taureau, les déserts de Dieu le Miséricordieux. Il vit des choses impossibles à décrire, comme les rues éclairées au gaz et comme la baleine qui meurt quand elle entend le cri de l'homme. Une fois, il m'ordonna de lui montrer la ville qu'on appelle Europe. Je lui montrai la principale de ses rues et je crois que c'est en cet immense fleuve d'hom­mes, tous habillés de noir et beaucoup avec des lunettes, qu'il vit pour la première fois l'homme masqué.

Ce personnage, vêtu parfois du costume soudanais, parfois en uniforme, mais toujours avec un linge sur le visage, s'introduisit désormais dans les vi­sions. II était inévitable et nous ne pouvions conjec­turer son identité. D'ailleurs, les reflets du miroir d'encre, éphémères ou immobiles au début, étaient maintenant plus complexes. Ils exécutaient mes ordres sur le champ et le tyran distinguait tout avec clarté. Certes, nous étions chaque fois épuisés. Dans le caractère atroce de certaines scènes résidait une autre source de fatigue. Ce n'étaient que châ­timents, potences, mutilations, réjouissances du bourreau et du cruel.

Nous parvîmes ainsi à l'aube du 14 de la lune de Barjamat. Le cercle d'encre était dans la main de Yakoub, le benjoin dans le brasero et les invo­cations consumées. Nous étions seuls tous les deux. Le Dolent m'intima de lui montrer un châtiment irrévocable et juste, parce que son cœur, ce jour-là, désirait voir une mort. Je lui montrai les soldats munis de tambours, la peau de veau étirée, l'assis­tance heureuse de regarder, le bourreau avec l'épée de justice. Il s'émerveilla de le reconnaître et me dit : « C'est Aboukir, celui qui exécuta ton frère Ibrahim, celui qui fermera ton destin le jour où j'aurai acquis la science d'invoquer ces figures sans ton concours ». Il me demanda de faire apparaître le condamné. Quand on l'amena, il se tut, car c'était le personnage inexplicable au linge blanc. Il m'ordonna de faire qu'avant de le tuer on lui

96

enlève son masque. Je me jetai à ses pieds et lui dis : « O roi du temps et substance et somme du siècle, cette figure n'est pas comme les autres, parce que nous ne savons pas son nom ni celui de ses ancêtres, ni celui de la ville qui est sa patrie, de sorte que je n'ose y toucher pour ne pas commet­tre une faute dont je devrais rendre compte un jour». Le Dolent se mit à rire et jura qu'il pren­drait sur lui la faute, si faute il y avait. Il le jura par son épée et par le Coran. Alors, j'ordonnai qu'on dénude le condamné, qu'on l'attache sur la peau de veau étirée et qu'on lui arrache son mas­que. Ainsi fut fait. Les yeux épouvantés de Yakoub purent voir enfin ce visage, qui était le sien propre.

Il fut la proie de la peur et de la démence. Je lui saisis la main droite qui tremblait avec la mienne qui ne tremblait pas et je lui ordonnai de continuer à contempler la cérémonie de sa mort. Il était fasciné par le miroir. Il n'essaya même pas de lever les yeux ou de renverser l'encre. Quand, dans la vision, l'épée s'abattit sur la tête coupable, il gémit d'une voix qui ne me fit pas pitié et il roula sur le sol, mort.

La gloire soit avec celui qui ne meurt pas et qui tient dans ses mains les deux clefs du Pardon illi­mité et du Châtiment infini.

Jorge-Luis Borges

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D. ESSAIS D'ENCHAINEMENT D'EXERCICE

• PRESENTATION

• RAPPORTS D'EXPERIMENTATION

Maison d'éducation de la Légion d'Honneur (Saint-Denis)

Lycée Diderot (Paris)

• VERS DE NOUVEAUX EXERCICES

Lycée E. Quinet (Paris)

PRESENTATION peuvent cependant en être dissociés, pour les raisons qui ont été données dans notre introduction.

La classe ne peut être seulement un laboratoire, et tout enseignant est soumis à des contraintes qui ne sont pas seulement institutionnelles, mais qui ressortissent de ce que la classe est une réalité vivante qui impose un certain nombre de données d'ordre relationnel.

C'est pourquoi nous présentons, dans ce dernier chapitre, des essais d'enchaînements qui ne sont pas à proprement parler l'objet actuel du travail de notre groupe, mais ne

Ces tentatives sont donc le fait d'enseignants préoccupés par la continuité et la cohérence de leur activité d'ensei­gnants. Un plan d'ensemble, un programme de travail scolaire n'est pas forcément compatible avec l'expérimen­tation pédagogique. Souvent, même, il entre en contra­diction avec celle-ci.

Ne refusant aucune des contradictions qui sont le fait de notre activité cherchante, nous livrons ces trois rapports tels qu'ils ont été écrits à l'initiative de leurs auteurs.

100

RAPPORT D'EXPERIMENTATION (premier rapport)

PREMIER TRIMESTRE 74-75 SUR LES

Niveau : faible, c'est-à-dire esprit très enfantin, peu de maturité mais un grand désir de créer ; donc l'étude des contes fut très bien acceptée, ce qui n'aurait pas été le cas dans la classe voisine beaucoup plus « mûre ».

Par ailleurs, il s'agissait d'un public seulement fé­minin, appartenant à un milieu socio-culturel rela­tivement homogène.

I) OBJECTIF

Utiliser le conte des « Oies-Cygnes » pour faire faire des travaux de création et ensuite découvrir la fonction dans la structure narrative.

II) DEROULEMENT

Première étape

Après la prise de contact du premier cours, le texte des Oies-Cygnes extrait du recueil de Propp fut distribué aux élèves (cf. annexes).

Or ce texte comporte, des « séquences » ou plutôt des « fonctions » vides : ce que Propp appelle tri­plement de « la mise à l'épreuve » codée avec « réaction positive du héros » et « ensuite le dona­teur se met à la disposition du héros le sauvant ainsi de ses poursuivants ».

FONCTIONS ET L'ETUDE DU RECIT

Etablissement : Maison d'éducation de la Légion d'Honneur (Saint-Denis) Classe : Seconde A 4 (22 élèves) Enseignant : Claude BALEYDIER

Evidemment, ces indications théoriques ne furent pas données aux élèves mais le texte des Oies-Cygnes, ne comportant pas de « remplissage sé­mantique » de cette séquence de trois fonctions ; il fut demandé aux élèves de « remplir » ces « fonc­tions-vides » en imaginant une histoire correspon­dant aux indications : triple mise à l'épreuve par la rivière, l'arbre, le pommier, réponse positive du héros, donc secours accordé.

Les histoires imaginées, pouvaient l'être en groupe ou individuellement, mais elles furent plutôt indi­viduelles.

Au cours suivant les histoires furent lues et confrontées en classe et le texte du conte ayant été distribué à tout le monde, ce fut bien une sé­quence de fonctions et non un conte entier qui fut raconté.

A titre d'exemple, je recopie quelques-unes de ces histoires.

Epreuve de la rivière : cherchant une cachette, la petite fille arriva à une rivière tumultueuse et la suplia de la cacher ainsi que son petit frère.

Celle-ci lui dit : « ôte d'abord ces pierres qui for­ment un gué. Les gens ne se rendent pas compte qu'ils me font mal en passant dessus ». Les pierres étaient lourdes mais la fillette obtempéra et la rivière leur ouvrit une espèce de grande grotte pour qu'ils puissent se cacher.

8 101

Epreuve du pommier : la petite fille en danger s'adressa à un pommier énorme : « Pommier, pom­mier, veux-tu me sauver des oies-cygnes ? ». Le pommier voulut mais il imposait plusieurs condi­tions. Elle devait d'abord cueillir les fruits qui faisaient plier les branches de l'arbre puis classer les pommes, les bonnes ensemble, les mûres, les pas pourries. La petite fille accepta. A la fin de son travail, les enfants virent devant grossir une pomme, elle était plus grande qu'eux. Une porte s'ouvrit et ils purent entrer dans le fruit à l'abri des oiseaux démoniaques.

A la suite de la confrontation des différentes histoi­res créées, un schéma d'ensemble fut dégagé et mis au tableau car il fut facile de faire voir que, quel que soit le remplissage sémantique, les actions et leurs conséquences revenaient au même et le mot de fonction avec le nom de la fonction fut alors prononcé.

Deuxième étape : schéma d'une fonction à partir des créations d'élèves.

Tableau dégagé :

Histoire de la rivière

Tâche pénible :

Nature : ou déplacer des pierres ; ou enlever de vieilles bouteilles ; ou arracher des roseaux.

Processus : demandée ; exécutée ; récompensée.

Même schéma pour le pommier ou pour l'arbre vert. Ou aboutit donc à un ensemble de fonctions assez abstrait du genre :

1) Demande de secours à un allié possible.

2) Réponse de cet allié possible. Tâche difficile demandée :

exécutée : récompense ; refusée : punition.

3) Conséquences.

A ce moment-là, la notion d' « actants-adjuvants » commença à être introduite puisque l'on avait constaté que le pommier, l'arbre, la rivière « jouaient le même rôle » par rapport à la petite

fille « actant-sujet ». Les mots ne furent pas pro­noncés mais la notion sembla se dégager assez clairement.

Troisième étape : le schéma de la mise à l'épreuve ayant été dégagé pour les Oies-Cygnes il fut de­mandé aux élèves de fouiller dans leurs souvenirs pour trouver dans d'autres contes des épisodes ré­pondant au même schéma.

Ces épisodes racontés furent confrontés en classe, et on s'aperçut qu'on trouvait des mises à l'épreuve avec réponses positives ou non du héros dans divers contes : La petite Sirène, La Belle au bois dormant, Les Fées, La Boule d'or, etc.

Il fut ensuite demandé de créer des histoires cor­respondant à la même séquence de fonctions dans des genres très différents du conte : histoires réa­listes, policières, etc. J'en donne une en annexe correspondant à une sorte d'initiation pour entrer dans une bande d'adolescents, mais le résultat gé­néral fut assez « plat » ; tout de même il permit de repréciser la notion d' « actants » « mandateurs, destinataires, sujets/objets, opposants/adjuvants ».

Des noms plus simples furent trouvés par la classe mais il y avait un certain plaisir à employer « les grands mots ».

Quatrième étape : mise en schéma d'un conte en entier.

On partit de contes courts : Les Oies-Cygnes mais aussi celui du Petit Savetier (cf. textes). On dégagea les différentes parties de Propp avec : situation initiale : départ interdiction, méfait, etc. Ceci à partir des deux textes distribués mais aussi à partir des créations et des souvenirs de lecture des élèves. En particulier, en groupe, les élèves dégagèrent le schéma d'ensemble du Petit Poucet et au début de Cendrillon.

Ce qui fut un échec, c'est que je voulus aller jus­qu'au « codage » de Propp mais les élèves se per­dirent dans les A, a, etc., alors que dans la classe voisine de C le codage fut beaucoup mieux admis.

102

Cinquième étape : l'exercice du K fut utilisé pour clarifier la notion d'« actants » car tous les person­nages des histoires inventées par les élèves furent mis en colonnes en classe (cf. textes) et l'on s'aper­çut qu'ils «jouaient le même rôle». On s'aperçut aussi de la diversité apparente mais de l'égalité fonctionnelle du « don » de l'objet magique, etc.

III) REUTILISATION DE L'EXERCICE DU K (1)

C'est en effet à partir des « productions » des élèves consécutives à cet exercice que fut introduite la différenciation : Qualification/Fonction.

1) UTILISATION DU Conte à votre façon DE QUENEAU

Le texte (cf. textes) fut distribué aux élèves, et il leur fut demandé de « confectionner » le conte en suivant le « mode d'emploi » proposé par Que­neau.

On discuta alors sur les différents contes obtenus, en essayant de voir que la distinction Fonc­tion/Qualification établie par le texte de Queneau subsistait, mais que suivant les divers contes ob­tenus, les mêmes personnages pouvaient changer de «sphère actancielle », que l'un des frères du conte pouvait devenir allié ou adversaire ; on se posa le problème du « héros », le problème de la « valorisation » : les « trois moyens médiocres ar­bustes » sont-ils des « héros » au même titre que les « trois minces grands échalas » ou que les « trois alertes petits pois », le « héros » se définit-il par sa « Qualification » ou par sa « Fonction », par la réussite ou l'échec de sa « quête », etc. ?

Le texte de Queneau permit aussi d'aborder cer­tains problèmes de renonciation, les marques du narrateur, celles du lecteur, les marques de la situation de communication, etc.

Ce texte permit aussi une collaboration avec le professeur de mathématiques, pour la mise en gra-

(1) Cf. présentation de cet exercice dans R.P. n° 69.

phe (ou en arbre mathématique) du conte de Que­neau, et ici la schématisation fut relativement mieux acceptée parce que sans doute déjà pré­parée par celle de Propp. Tentative avortée (c'est le cas de le dire, cf. le plus bel amour de Don Juan) sur l'étude du récit dans les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly.

J'aurais aimé faire retrouver des structures narra­tives avec des fonctions dans le plus bel amour de Don Juan ; je voulais aussi leur faire dégager vi­suellement la « pyramide » des divers narrateurs et des « JE » successifs, les « lieux » des récits, etc., la « mise en abysme » et autres problèmes qui m'intéressaient fortement, mais je dois reconnaître que les élèves ne s'intéressèrent pas à ma « lec­ture », alors qu'elles se passionnaient pour l'éter­nelle « psychologie » des acteurs de la nouvelle.

Je pense recommencer l'exercice mais le transfor­mer en « exercice de création » par le biais de la « réécriture » c'est-à-dire leur faire « reraconter » l'histoire en choisissant l'un des narrateurs pos­sibles.

2) BILAN PROVISOIRE : les élèves semblent avoir gardé un excellent souvenir de cette expé­rience sur les structures narratives, en particulier, parce que le travail d'analyse s'est souvent fait à partir de leurs propres créations ou à partir de souvenirs de lecture personnelle autres que « les fameux grands textes», donc elles étaient sans complexe pour réfléchir et donner leur avis. Mais le problème me semble résider dans la « continui­té » de l'expérience, car au cours des autres tri­mestres, nous avons retrouvé les notions acquises, et spontanément des « fonctions » ou des actants ont été dégagés dans l'étude d'autres textes, mais sans lien bien net avec l'ensemble des autres exer­cices faits dans la classe.

IV) ANNEXES

Les oies-cygnes

Un vieux et une vieille vivaient ensemble ; ils avaient une fille et un fils tout petit.

103

« Ma fille, ma fille, lui dit sa mère, nous allons travailler, nous t'apporterons un petit pain, nous te coudrons une jolie robe, nous t'achèterons un petit mouchoir, sois sage, surveille ton frère, ne va pas dehors. »

Les vieux partirent, et la fille ne pensa plus à ce qu'ils lui avaient dit ; elle mit son frère dans l'herbe sous la fenêtre, courut dehors, et s'oublia à jouer et à se promener.

Des oies-cygnes s'abattirent sur le petit garçon, le saisirent, l'emportèrent sur leurs ailes.

La petite fille revint, vit que son frère n'était plus là.

Elle poussa un cri, courut de-ci de-là, il n'était nulle part. Elle l'appelait, pleurait à chaudes lar­mes, se lamentait en pensant aux reproches de son père et de sa mère mais son frère ne répondait pas.

Elle courut en plein champ ; elle aperçut au loin les oies-cygnes qui disparaissaient derrière une sombre forêt. Les oies-cygnes s'étaient fait depuis longtemps une mauvaise réputation, elles faisaient beaucoup de dégâts et volaient les petits enfants. La jeune fille devina qu'elles avaient emporté son petit frère et se mit à courir pour les rattraper.

Elle courait, courait ; tout à coup, elle se trouva devant un poêle.

« Poêle, poêle, dis-moi où est-ce qu'elles allaient, les oies ?

— Si tu manges mon petit pâté de seigle, je te le dirai.

— Oh, chez mon père, même les petits pâtés de blé, on ne les mange pas»...

Elle en aurait passé du temps à courir dans les champs et à errer dans la forêt si elle n'avait pas eu la chance de tomber sur un hérisson ; elle eut envie de lui donner un coup de pied mais elle eut peur de se piquer et elle demanda : « hérisson, hérisson, n'as-tu pas vu où elles allaient les oies ? ».

« Par là » dit-il.

Elle y courut et vit une maisonnette à patte de poule, qui était là et qui tournait.

Dans la maisonnette, il y avait Baba Yega, le mu­seau violacé, le pied en argile.

Son frère aussi était là assis sur un banc, en train de jouer avec des pommes d'or.

Quand sa sœur le vit, elle entra à pas de loup, le saisit et l'emporta, mais les oies s'envolèrent à sa poursuite, elles allaient la rattraper, où allait-elle se cacher ?

(Mise à l'épreuve avec réponse positive de l'héroïne, contrairement au début du conte, donc la rivière, le pommier, l'arbre la cachent et elle retourne chez elle avec son frère).

Le petit savetier

Il y avait une fois, dans un pays lointain, très pauvre et où on travaillait beaucoup, un petit savetier, qui, vivant seul et sans argent, était amou­reux en secret de la fille du roi.

Un jour, il oublia de saluer le roi qui passait devant sa boutique, et il fut chassé à jamais de son pays.

Longtemps, il marcha dans la neige et le froid, il fut attaqué par des brigands.

Pour survivre, il dut devenir le valet d'un riche seigneur oriental.

Un jour, son maître qui le battait souvent, mourut subitement. Grâce à l'aide d'une vieille servante, le jeune homme s'empara de l'immense fortune du défunt dont une magnifique épée en or.

Il profita de cette aubaine pour revenir incognito mais fort riche dans son pays.

En chemin il rencontra un chevalier noir qui em­portait avec lui une jeune fille en larmes. Le sa­vetier courageux l'arrêta ; ils se battirent et il le tua de sa belle épée. En ramenant la jeune fille à son père il reconnut la fille du roi.

Ce dernier, pour le remercier, et regrettant sa mau­vaise humeur d'antan lui donna la main de sa fille.

Le roi, très vieux, mourut l'âme en paix peu de temps après. Le savetier devint ainsi un bon et juste roi qui fit la prospérité de tout le royaume.

104

Un conte à votre façon : texte extrait d' « OULI-PO», Idées (Gallimard).

1. Désirez-vous connaître l'histoire des trois aler­tes petits pois ? Si oui, passez à 4. Si non, passez à 2.

2. Préférez-vous celle des trois minces grands échalas ?

Si oui, passez à 16. Si non, passez à 3.

3. Préférez-vous celle des trois moyens médio­cres arbustes ? Si oui, passez à 17. Si non, passez à 21.

4. Il y avait une fois trois petits pois vêtus de vert qui dormaient gentiment dans leur cosse. Leur visage bien rond respirait par les trous de leurs narines et l'on entendait leur ron­flement doux et harmonieux.

Si vous préférez une autre description, passez à 9.

Si celle-ci vous convient, passez à 5.

5. Ils ne rêvaient pas, ces petits êtres en effet ne rêvent jamais.

Si vous préférez qu'ils rêvent passez à 6, sinon, passez à 7.

6. Ils rêvaient. Ces petits êtres, en effet rêvent toujours et leurs nuits sécrètent des songes charmants.

Si vous désirez connaître ces songes, passez à 11, sinon, vous passez à 7.

7. Leurs pieds mignons trempaient dans de chau­des chaussettes et ils portaient au lit des gants de velours noir.

Si vous préférez des gants d'une autre cou­leur passez à 8, si cette couleur vous convient passez à 10.

8. Ils portaient au lit des gants de velours bleu. Si vous préférez des gants d'une autre couleur passez à 7, si cette couleur vous convient pas­sez à 10.

9. Il y avait une fois trois petits pois qui rou­laient leur bosse sur les grands chemins. Le soir venu, fatigués et las, ils s'endormirent très rapidement.

Si vous désirez connaître la suite, passez à 5, sinon passez à 21.

10. Tous les trois faisaient le même rêve, ils s'ai­maient en effet tendrement et, en bons fiers trumeaux songeaient toujours semblablement.

Si vous désirez connaître leur rêve passez à 11, sinon à 12.

11. Ils rêvaient qu'ils allaient chercher leur soupe à la cantine populaire et qu'en ouvrant leur gamelle, ils découvraient que c'était de la soupe d'ers. D'horreur, ils s'éveillent.

Si vous voulez savoir pourquoi ils s'éveilllent d'horreur, consultez le Larousse au mot « ers » et n'en parlons plus, si vous jugez inutile d'approfondir la question, passez à 12.

12. Opopoî, s'écrient-ils en ouvrant les yeux. Opo-poî ! Quel songe avons-nous enfanté là ! Mau­vais présage, dit le premier. Oui-da, dit le second, c'est bien vrai, me voilà triste. Ne vous troublez pas ainsi, dit le troisième qui était le plus futé, il ne s'agit pas de s'émouvoir mais de comprendre, bref, je vais vous ana­lyser ça.

Si vous désirez connaître tout de suite l'inter­prétation de ce songe passez à 15, si vous souhaitez au contraire connaître les réactions des deux autres, passez à 13.

13. Tu nous la bailles belle, dit le premier. Depuis quand sais-tu analyser les songes ? Oui depuis quand ? ajouta le second.

Si vous désirez aussi savoir depuis quand, passez à 14, sinon passez à 14 tout de même car vous ne le saurez pas plus.

14. Depuis quand ? s'écria le troisième. Est-ce que je sais moi ! Le fait est que je pratique la chose. Vous allez voir !

Si vous voulez aussi voir, passez à 15, sinon, passez également à 15 car vous ne verrez rien.

15. Eh bien ! voyons, dirent ses frères. Votre iro­nie ne me plaît pas, répliqua l'autre et vous ne saurez rien. D'ailleurs, au cours de cette conversation d'un ton assez vif, votre senti­ment d'horreur ne s'est-il pas estompé ? Effacé

105

même ? Alors à quoi bon remuer le bourbier de votre inconscient de papilionacées ? Allons plutôt nous laver à la fontaine et saluer ce gai matin dans l'hygiène et la sainte euphorie. Aussitôt dit, aussitôt fait : les voilà qui se glissent hors de leur cosse, se laissent douce­ment glisser sur le sol et puis au petit trot gagnent joyeusement le théâtre de leurs ablu­tions.

Si vous désirez savoir ce qui se passe sur le théâtre de leurs ablutions passez à 16. Si vous ne désirez pas, vous passez à 21.

16. Trois grand échalas les regardaient faire. Si les trois échalats vous déplaisent, passez à 21. S'ils vous conviennent, passez à 18.

18. Se voyant ainsi zyeutés, les trois alertes petits pois qui étaient fort pudiques s'en sauvèrent. Si vous désirez savoir ce qu'ils firent ensuite, passez à 19. Si vous ne le désirez pas, passez à 21.

19. Ils courent bien fort, pour regagner leur cos­se et, refermant celle-ci derrière eux, s'y en­dormirent de nouveau.

Si vous désirez connaître la suite, passez à 20, si vous ne le désirez pas, vous passez à 21.

20. Il n'y a pas de suite, le conte est terminé.

21. Dans ce cas, le conte est également terminé.

Raymond Queneau

Récit d'élève : une mise à l'épreuve

Dans le village X..., il y avait une bande de jeunes gens qui n'étaient pas très honnêtes, ils étaient tous âgés de 14-16 ans. Un jeune garçon, âgé de 15 ans, venait d'arriver dans ce village et crut bien faire aux yeux de tous en demandant de faire partie de leur bande. Le chef de la bande lui dit :

« Tu pourras entrer dans la bande mais auparavant tu dois subir une épreuve pour voir si tu es digne de rester parmi nous. »

« Je suis prêt, tu peux me dire ce que je dois faire. »

« Il y a 6 magasins dans le village et tu dois aller voler quelque chose dans ces 6 magasins. Voler et non pas acheter. »

« Voler ! mais... »

« Il n'y a pas de mais. Tu le fais et on t'accepte. Tu ne le fais pas et on ne veut plus te revoir. »

« Mais peut-être as-tu la trouille ? »

« Je n'ai pas la trouille, je le ferai. »

« Tu le feras demain et je serai là pour te sur­veiller. »

Le lendemain, le jeune garçon alla dans les diffé­rents magasins et accomplit sa mission. Après cela il fit partie de la bande et en fut tout fier.

V) I TRAVAIL DES ELEVES

a. - Dégagement d'une même fonction à partir de contes différents

La petite Sirène

1. Demande d'aide : Avoir des jambes pour aller voir le prince.

2. Epreuve : Lui donner sa voix.

A un allié possible

Sorcière.

3. Conséquence : Elle va sur terre.

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Une version de La Belle au bois dormant

1. Demande d'aide : Le prince veut délivrer la princesse.

2. Epreuve :

Traverser une forêt d'épines et combattre un dragon.

Cendrillon

1. Demande d'aide : Pleurs.

2. Epreuve : Rentrer avant minuit.

La Boule d'or

1. Demande d'aide :

Retrouver la balle perdue.

2. Accepter que le crapaud mange, boive et dorme dans son lit.

Les Fées

1. Aide demandé par :

2. Donner de l'eau à la vieille.

1. Aide demandé par :

2. Donner de l'eau.

A un allié possible : Sorcière.

3. Conséquence : Réveille la princesse et l'épouse.

A un allié possible : Sa marraine fée.

3. Conséquence : a) Rentre à minuit ; b) Ne rentre pas avant minuit, perd sa pan­toufle, et se retrouve en pauvresse.

A un allié possible :

Crapaud.

3. Conséquence : a) Refus ; b) Crapaud devient un prince.

Une vieille.

3. Conséquence : Dès qu'elle parle, des bijoux en sortent, ma­riage plus tard.

Une belle dame.

3. Conséquence : Refus, dès qu'elle parle, des crapauds et des serpents sortent. Plus tard la mort.

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b. - Mise en tableau d'actants à partir des productions d'élèves sur le K

Y Opposant

Loup

Vilain crapaud

Thibault

Un méchant ca­valier

Une sorcière

Le méchant Ce­les

Vagabond

La méchante sorcière

Z' Mandateur

Mère

Le prince

Un vieillard

Le père

Une fée

Vieux magicien

Jean petit gar­çon

Roi

X Sujet

Petit chaperon rouge

Etoile des nei­ges

Merlin

Aelys (fille)

Son fils

Vieille servante

Bibba

Deux jeunes princesses

Z Destinataire

Grand-mère

Enchanteur Merlin

Le mort

Comte

Le roi et sa fille

La nièce fée

Un vieillard

La reine

Genre de la mission

Galette et pot de beurre

Fiole avec liquide miracle

Message

Remettre le coffret

Porter un message

Remettre la potion à faire de l'or

Porter un panier sur une souche

Friandises

X

X

X

Z

X

108

RAPPORT D'EXPERIMENTATION (deuxième rapport)

C'est la troisième année d'expérimentation sur les structures narratives à partir d'études faites au groupe de conception (I.N.R.D.P.).

Les deux premières années, des exercices limités ont été essayés au lycée Diderot (aspects fonction­nels et qualificatifs du récit — R.P. n° 69 —, fonc­tion et séquence). Mais il était très vite apparu nécessaire d'étendre l'expérimentation sur la durée d'une année scolaire pour y intéresser les élèves : c'est ce qui a été entrepris en 1974-75.

1. OBJECTIFS GENERAUX

1.1. Le premier des objectifs a été défini au début de la recherche (R.P. n° 69, p. 14) : monter des situations de communication pour émettre et re­cevoir des discours, donner à chaque élève la pos­sibilité de former, à sa manière propre, sa compé­tence linguistique « à travers une somme de rap­ports de communication ». On verra que de tous ce n'est pas l'objectif le plus facile à atteindre.

1.2. Les problèmes du discours ont été divisés (R.P. n° 69, p. 16) : on a sérié (plutôt que « ty-pifié») le narratif, le polémique, le rhétorique, et un second objectif, moins général, a été de s'interroger sur la « narrativité » du discours. Ce travail par séries n'a de sens que dans le mou­vement d'une recherche et que si l'on peut ajouter rapidement des connaissances sur le rhétorique (voir Jakobson et la fonction poétique du lan­gage), et sur d'autres séries aux acquisitions sur le narratif. Des exercices de rapprochement entre des textes appartenant à des ordres différents ont

Etablissement : Lycée Diderot - Paris Classes : Premières F1 (techniciens industriels) Année scolaire 1974-75 (bilan provisoire) Enseignant : Rémy MARTEL

donc été plusieurs fois proposés. L'étude du nar­ratif en Première correspond à ce qu'on croit être une préférence des élèves, au moins dans le tech­nique — à supposer que ce qu'on appelle tradi­tionnellement récits et romans ait un nombre suf­fisant de points communs avec ce que nous désignons par « narrativité ».

1.3. Les expériences fragmentaires préparées en groupe les années passées ont été reprises dans une expérimentation étendue cette fois à toute l'année. L'urgence qu'il y avait de proposer aux élèves une série d'exercices pour obtenir leur participation en­traîne, sur le plan théorique, une certaine précipi­tation par rapport aux recherches du groupe : un réexamen d'ensemble sera nécessaire le moment venu. Cette continuité devait permettre, au mieux, une plus claire représentation, et une mise en pra­tique, des contraintes et des « possibles » narra­tifs (1), et en tout cas elle assurait une cohérence relative à la démarche pédagogique en incitant progressivement les élèves à se demander non plus seulement ce que signifie un discours, mais égale­ment comment il le signifie. La série d'exercices proposés ne ressemble toutefois, ni au regard de la recherche théorique ni au regard des procédures pédagogiques, à une « progression » : on a mis bout à bout des activités considérées comme ap­proche, puis approfondissement, puis élargisse­ment des problèmes, par intégrations successives ; mais bien d'autres parcours étaient évidemment

(1) Insistons sur le fait qu'il s'agissait d'objectifs de départ, pour le professeur, et que nous ne consignons pas ici des observations de cours, et encore moins des ré­sultats.

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possibles et on n'a pas cherché à en concevoir plu­sieurs pour les opposer et les discuter.

L'objectif d'ensemble visant la narrativité, celle-ci a été conçue à partir de six hypothèses :

1.3.1. L'organisation d'un récit, c'est-à-dire sa co­hérence et son autonomie ou « clôture », réside dans un assemblage d'actions accomplies par des personnages. Comprendre un récit, c'est pour une part décrire ces actions et désigner les personnages qui les accomplissent (références théoriques, ci-dessous, 3.1.1.).

1.3.2. L'ordre de narration des actions n'est pas un simple reflet du temps réel ni d'autres carac­téristiques des faits physiques ou sociaux : le récit applique des règles d'ordre, parce qu'il est unili-néaire mais aussi pour d'autres raisons, qui sont cependant très générales et à partir desquelles s'exercent les choix du narrateur (3.2.1.).

1.3.3. Le récit est produit par un narrateur dont on peut déceler le rôle en s'interrogeant sur l'ordre suivi, les « points de vue narratifs » et sur d'autres sujets ; le rôle du narrateur lorsqu'il peut être ainsi mis en évidence permet d'aborder des ques­tions sur la signification « discursive » du récit [le faux et le vrai, le bien et le mal] (3.3.1.).

1.3.4. Les actions des personnages peuvent être «spécifiées» (Brémond), c'est-à-dire décrites avec plus de précision comme des séquences ; récipro­quement des actions combinées entre elles forment aussi des séquences ; tout dépend de la longueur du segment narratif considéré ou bien du niveau d'ana­lyse auquel on décide de réserver le concept d'ac­tion (fiche 7 de la recherche Sémantique et péda­gogie : «Variations sur une séquence unique»).

1.3.5. Les actions des personnages considérés dans leurs relations à l'intérieur des séquences sont des «Fonctions», c'est-à-dire des actions «dont la fonction est d'introduire une autre action qui as­sumera à son tour la même fonction par rapport à une autre action » (Brémond) ; les Fonctions se distinguent des «Qualifications» (Greimas), ou indices chez Barthes, qui ne renvoient pas de façon aussi directe à la suite d'une séquence (fiche 5).

1.3.6. Les actions des personnages peuvent se ré­partir en un petit nombre de « sphères d'actions » auxquelles correspond un type de personnage ou actant (dans la terminologie de Greimas), plusieurs personnages du récit pouvant appartenir au même

type, un seul personnage passer d'un type à l'au­tre dans le cours du récit.

Les trois dernières propositions sont données pour fixer une perspective : elles ont justifié des exer­cices dont le compte rendu sera présenté plus tard.

2. CONDITIONS D'EXPERIMENTATION

Rappelons que cette expérimentation s'est déroulée dans des classes du technique long (Premières, sec­tion : constructions mécaniques).

Il faut dire quelques mots des conditions d'ensei­gnement dont on ne peut sortir par la recherche pédagogique et qui expliquent certaines des formes prises par l'expérience, notamment l'insuffisance du travail de groupe malgré l'importance que prend celui-ci dans le modèle pédagogique que nous pro­posons (R.P. 69, p. 44 et 46) :

Le grignotage des horaires de français : quatre heu­res en Seconde, trois heures en Première (sur trente-huit heures effectives de classe par semaine), deux heures, voire une seule en Terminale avec, dans les autres matières, de nombreux devoirs, leçons et des interrogations orales et écrites fréquentes, les ré­sultats, souvent faibles, conditionnant le passage dans la classe supérieure. Les résultats obtenus à cette série du baccalauréat sont parmi les plus bas (entre 50 et 60 % ) . Ce contexte explique que le découragement soit répandu et que les élèves se consacrent néanmoins aux matières les plus payantes, jusque et y compris pendant le cours de français. Il est évidemment très difficile de réunir ou même de rencontrer les élèves hors de leurs heures de cours, ou d'organiser des sorties au théâtre (rappelons que les 10 % ne s'appliquent pas aux enseignements techniques). Il ne faut donc guère compter, dans nos expériences, sur cette stimulation pour ainsi dire externe.

L'absence de toute coordination pédagogique : il a été impossible, jusqu'à présent, d'établir la liai­son avec l'enseignement du français en Seconde et en Terminale. Ainsi l'expérimentation, étendue sur un an, mais n'ayant guère de chance de se pour­suivre, doit actuellement tenir compte de cette limite et produire dans ce laps de temps sa propre justification vis-à-vis des élèves. Elle doit le faire dans un environnement qui la contrarie, car il n'y a pas non plus de coordination horizontale : les pro-

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blêmes abordés, la manière de les aborder, notam­ment par une réflexion spécifique sur la symbo-lisation et sur les langages, le mode de travail des élèves non seulement ne donnent pas lieu à une harmonisation, mais paraissent même entrer en contradiction d'une matière à l'autre. C'est ainsi que le travail de groupe est à peu près inconnu des élèves qui font leurs devoirs individuellement, ou en recopiant le meilleur, et qui ne font qu'exé­cuter les consignes imposées par leurs professeurs. Ce comportement les maintient dans un état de dépendance absolue par rapport aux connaissances magistrales considérées à la fois comme inacces­sibles et indiscutables. Il est bien difficile dans ces conditions d'orienter les classes vers le premier de nos objectifs généraux : l'auto-construction du sa­voir.

Il faudrait donc modifier du tout au tout le compor­tement des élèves en trois heures de classe sur trente-huit heures hebdomadaires : les rassembler par petites équipes (trois ou quatre), proposer une tâche à chacune d'elle, puis la laisser prendre en charge elle-même son travail de façon à rompre le faux dialogue du maître avec ses élèves en favorisant une communication à plusieurs pôles. Mais trois heures ne suffisent évidemment pas. Il y a là une formation des élèves qui ne relève pas plus du cours de français que de n'importe quel autre et qui ne devrait pas amputer les ho­raires de français et les élèves sont manifestement perturbés par la part d'initiative qui leur est laissée. A ceci s'ajoute une difficulté propre à l'objet théo­rique de cette expérimentation : elle tient à l'im­portance de la formulation des tâches pour la réus­site de l'entreprise. Voici ce qu'écrivent B. Kaye et I. Rogers à ce propos : « La spécification du travail est probablement le facteur le plus impor­tant de la réussite du travail de groupe avec des classes inexpérimentées (...). On ne saurait entre­prendre un travail de groupe, tout particulièrement avec des élèves qui n'en ont pas l'habitude, si l'on n'a pas réussi à donner au groupe une idée claire et distincte de ce qu'il doit essayer de réaliser » (1). Ces auteurs ont des objectifs très différents des nôtres, mais ils expriment ainsi un problème qui se pose aussi pour nous, de façon plus critique encore. Il s'agit pour eux de proposer aux élèves « l'élaboration de cartes et de plans, la conception et l'essai de matériel et d'appareils, l'organisation

(1) Pédagogie de groupe, Dunod, 1973, p . 40.

de pantomimes, de concerts, d'opéras, de festi­vals (etc.)» (2). Ici la «spécification» ne pose pas de grands problèmes. Ils sont au contraire considérables quand on veut obtenir que les élèves, par groupes, produisent à partir d'une image des relevés de qualifications d'une part, des séquences d'éléments fonctionnels d'autre part : quelle sera alors la bonne consigne contenant « une idée claire et distincte » ? Peut-on s'en remettre à une consi­gne approximative, du point de vue théorique en espérant que les élèves sauront en faire la dis­cussion. Tout dépend de la part d'initiative que peuvent prendre les élèves : nous venons de dire que les conditions ne sont pas favorables. Encore ne s'agit-il là que de la spécification du but immé­diat : dira-t-on qu'elle suffit ? Que les élèves n'auront pas besoin « d'une idée claire et distincte » sur les objectifs plus lointains ? C'est pour les aider à admettre l'indétermination des objectifs lointains, pour éviter une réponse magistrale a priori, qu'un enchaînement assez rapide d'exercices différents leur a été proposé : une perspective d'en­semble pouvant se dégager progressivement d'une série d'objectifs ponctuels. Pour obtenir l'adhé­sion des élèves, il paraît également utile de jouer sur l'intrication des multiples processus discursifs (d'argumentation, de monologue et de dialogue, de récit et de commentaire, de structuration rhéto­rique et narrative : le reclassement de ces caté­gories est à étudier) car il n'y a jamais de narra-tivité « pure » dans le discours : s'il faut l'isoler pour la reconnaître, il faut la combiner avec tout le reste pour s'y intéresser : l'intérêt des élèves est toujours global.

Le contexte pédagogique en français : les exercices qui suivent sont de toute façon contraignants, même s'ils s'appuient sur les goûts supposés des élèves. Il a paru nécessaire de faire contrepoids avec des activités « club de lecture », des enregis­trements de livres et la fabrication de montages sonores, activités sans lesquelles je ne me serais pas cru en droit d'imposer aux classes une expé­rience aussi exigeante et aussi suivie. Il n'en est pas question dans ce rapport. L'expérimentation a pris entre une et deux heures (sur trois) chaque semaine. Une partie des textes utilisés seront pré­sentés à l'oral du baccalauréat ; des devoirs d'en­traînement à l'écrit (résumés, essais) ont été don­nés aux élèves et corrigés. En fait ces corrections

(2) P. 43, opus cité.

111

permettent de transmettre aux élèves les « re­cettes » indispensables (ex. : le respect des pro­portions dans le résumé ; le contenu d'une intro­duction et d'une conclusion dans un essai), mais il semble bien que le travail en profondeur de l'expé­rimentation soit plus « utile » pour des techni­ciens, dont le principal handicap est de rejeter le consensus linguistique et les codes littéraires, per­çus du dehors dans l'enseignement magistral, parce que ce travail assure au moins un « déblocage » par rapport à la parole des adultes et des auteurs dont les élèves acceptent enfin de discuter, non scolairement, mais en prenant appui sur le plancher de leurs propres connaissances et croyances, et parce que ce déblocage est très généralement sou­haité (avec beaucoup d'inconséquence on le voit) aux épreuves traditionnelles des examens techni­ques. Rappelons enfin qu'il n'y a pas de pro­gramme d'auteurs dans les sections F actuelle­ment, ce qui sert l'innovation.

3. DESCRIPTION DE L'EXPERIENCE

Ayant exposé les objectifs généraux en 2, nous rappellerons ici les références théoriques et les objectifs particuliers à chaque exercice, puis nous décrirons leur déroulement et nous verrons la ques­tion des résultats, exercice par exercice, avant d'en­visager des résultats d'ensemble. Sur cette ques­tion des résultats, qu'il ne faut pas considérer comme secondaire sous le prétexte que seule compterait la manière dont les élèves ont subjec­tivement réagi à l'expérience — ce serait retirer toute chance à l'auto-contrôle dans l'expérimen­tation — nous sommes bien obligé d'être bref et incomplet : il est décidément impossible d'animer les expériences et d'observer leur déroulement et on perd aussi du même coup la possibilité d'inflé­chir une action à partir de ses résultats progres­sifs. On a utilisé :

Quelques enregistrements au magnétophone, Des notes prises par des visiteurs en classe, Des travaux d'élèves (on verra avec quelle diffi­culté) , Les notes que j 'ai prises de mémoire à la fin des cours.

3.1. Travail sur la première hypothèse (1.3.1.) : actions et personnages sont les « pilotis » de la construction narrative.

3.1.1. Références théoriques : c'est le point de départ bien connu des analyses structurales du récit, quand Propp recherchait les « éléments constants » (1) dans un recueil de contes mer­veilleux et essayait de représenter leur modèle commun (ses trente et une fonctions). A cette fin, dit-il, « la question de savoir ce que font les per­sonnages est seule importante ; qui fait quelque chose et comment il le fait, sont des questions qui ne se posent qu'accessoirement» (p. 29). Si nous nous occupons des personnages dans ce premier exercice, c'est en suivant Propp, en les réduisant simplement à leur rôle d'agents et en écartant toute caractérisation, tout effet de mise en valeur. Le personnage n'est alors rien d'autre, selon la for­mule de Barthes, que « le héros de sa propre sé­quence » (2). Mais il n'est pas possible de négliger, dans le relevé des actions, qu'un même personnage fait plusieurs actions ou qu'une action implique, de façons différentes, presque toujours plusieurs personnages. La pluralité des personnages constitue un plan d'articulation du récit qu'on ne doit pas perdre de vue en faisant une liste des actions. Il n'est pas question ici d'actants, car pour souligner ce qui nous oppose à une expérience ayant pour­tant avec la nôtre bien des objectifs communs (3), il nous semble que la différence acteur/actant, comme d'autres points théoriques, ne doit être abordée avec les élèves qu'après plusieurs séances où le besoin se sera fait sentir, en tout cas on ne peut la poser dans un exposé préliminaire ; cependant, si nous nous arrêtons aux personnages dès cette étape, c'est par une nécessité du même ordre que celle qui conduit Greimas à introduire les actants dans la description sémantique : « En effet, une succession de messages ne peut être considérée comme un algorithme que si les fonctions qui s'y manifestent sont toutes attribuées à un seul ac-tant», il faut donc tenir compte «de la compli­cation qu'introduit dans les messages, et dans les inventaires de messages, la pluralité des ac­tants » (4). Pratiquement, les récits choisis pour ce premier travail limitent tout de même le nombre des personnages secondaires autour du « héros » (Arsène Lupin).

(1) V. Propp, Morphologie du conte (Le Seuil, Points, 1970, p . 31). (2) Communications, 8, 1966, p. 16. (3) Pratiques, revue d'un collectif d'enseignants nos 1-2, mars 1974, p. 9 et 27. (4) A.-J. Greimas, Sémantique structurale (Larousse, 1972, p. 129).

112

L'objectif étant de relever les actions dans un récit donné, on pose du même coup le problème de leur dénomination, de leur symbolisation dans une dé­marche qui prédispose ainsi les élèves, à partir d'un exercice simple, à une approche formelle des objets littéraires ou textuels. Les récits choisis, très codés (des nouvelles policières), se prêtent à la découverte du modèle commun en même temps qu'ils permettent d'obtenir le meilleur contact avec les classes pour une première séance (le texte est lu par le maître). La dénomination des actions peut d'ailleurs être menée, à ce stade, en même temps que, et comme, une simple « évocation de l'œuvre » ainsi qu'il est parfois recommandé pour l'animation culturelle (2), les rapports entre évo­cation ( « énumérer, décrire, comparer », La lecture, p. 126) et analyse fonctionnelle pouvant être rendus très étroits. Mais pour notre expérience le pro­blème important est de trouver aux actions un nom (et un symbole) se situant à un degré de généralité convenable pour s'appliquer à une autre nouvelle du même type. On trouvera ce degré de généralité en éveillant chez les élèves le souvenir d'histoires policières connues d'eux. Ce problème d'une dénomination suffisamment générale a été posé par Propp : entre la dénomination ( « la défi­nition») de l'action et sa valeur particulière dans le texte, « il existe le même rapport qu'entre les espèces et le genre. Le travail fondamental consiste à isoler les genres (...). Les espèces peuvent se subdiviser en variétés...» (p. 35). Ce détour par les sciences de la nature peut être critiqué, il a cependant l'avantage de distinguer le général et le particulier. Nous voulons justement que les élè­ves prennent conscience de la structuration du narratif, c'est-à-dire du fait que tout récit est pris dans des structures qui dépassent son propre cas particulier.

3.1.2. Déroulement

Lecture aux élèves d'une nouvelle policière : la partie de baccara (M. Leblanc, L'Agence Barnett et Cie).

Exercice collectif (conduit par le maître) : « Compter les actions ».

Ce travail de simple comptabilité pousse à une formulation brève pour chaque action. On a obtenu

(2) La lecture, G. Cacérès (Le Seuil, 1961, p. 125).

trois phrases nominales (le meurtre de P. Erstein, l'enquête de J. Barnett (...), le vol des billets ; cf. livre de poche). Durée : moins d'une heure.

Séance suivante Nouvel exercice : « Terminer une autre histoire de l'agence Barnett. »

Etapes du travail :

— Reformulation des actions avec une généralité suffisante pour qu'on les trouve dans plusieurs récits (collectif). On obtient le tableau suivant (le nom entre parenthèse est une première formula­tion) : Meurtre de P. E. Méfait M (meurtre, crime) Enquête de J. B. Enquête E Mise en accusation Révélations Rv (démonstra-publique tion) Vol des billets (par Réparation Rp (condamna-J. B.) tion, punition)

— Lecture aux élèves de la première moitié de la nouvelle intitulée Les gouttes qui tombent.

•— « Terminer l'histoire en y projetant la suite d'actions symbolisée précédemment » (travail de groupe : présenter un récit par groupe). Lecture des récits d'élèves. Discussion collective : compa­raison avec les actions générales.

— Lecture de la fin de la nouvelle : projection des actions générales. On obtient le tableau suivant :

Effraction M (début) Découverte du vol du collier E (début)

Rv (sur M, suite)

Menaces du baron à sa femme M (suite) Révélation d'un testament défavo­rable (fin de la première lecture) M (suite)

Perquisition de J. B. E Rv (sur M, fin)

Enlèvement du collier et du testa­ment

Proposition de marché à la ba­ronne Rp (?) Acceptation du marché (partie à imaginer)

113

(Du point de vue théorique, ce schéma ne tient pas compte du fait que les actions sont toujours ra­contées par l'un des personnages du récit ni des hypothèses faites par J. B. pendant son enquête.)

Durée de cette deuxième séance : deux heures.

3.1.3. Résultats et critiques du déroulement

Dans les deux classes de l'expérience, l'intérêt et l'activité des élèves ont été encourageants (mais revoir la « séquence » pédagogique dont la durée doit correspondre au temps limite de tout travail de formalisation. Beaucoup d'élèves étaient déjà familiarisés avec les histoires de M. Leblanc, et l'exercice partant des lectures ou de la « culture » (cinéma, T.V.) réelle des élèves, il a été très vo­lontiers accepté.

L'erreur la plus fréquente des récits de groupes a consisté à résoudre l'énigme au lieu de construire une fin où auraient figuré des enquêtes, révélations, réparations. Les élèves ont confondu la « fable » et le «sujet», selon la distinction très contestée de Tomachevski {Théorie de la Littérature, le Seuil, 1965, p. 268), ou si l'on préfère, ont examiné les actions en elles-mêmes et non dans leur distri­bution textuelle (en elles-mêmes = 1' « ordre chro­nologique idéal » dénoncé par Todorov, (Communi­cations, 8, p. 127). Les tableaux ci-dessus donnent aussi une idée des résultats atteints : ils ont montré aux élèves, au fur et à mesure que nous les tra­cions, que les deux nouvelles contiennent des élé­ments communs et que la seconde ne se distingue de l'autre que par la discontinuité de la distribution des actions (un peu le méfait, puis des révélations, puis un peu d'enquête, encore le méfait, etc.) d'où naît évidemment le suspens.

La discussion dépasse quelquefois les limites théo­riques de cet exercice : ainsi quand les élèves se demandent si les moqueries de J. B. à l'égard de l'inspecteur Béchoux forment une action. Il faut alors attendre de passer à l'exercice sur les diffé­rences entre qualifications et fonctions (voir cer­tains articles ci-dessous). De même la « répara­tion » dans la seconde nouvelle étudiée pose un problème : J. B. permet à la baronne d'hériter de son mari et ainsi répare le méfait que celui-ci avait commis en volant le collier ; mais pour cela J. B. a dû voler le testament, et il le détruit à condition qu'on lui abandonne le collier qu'il a retrouvé. Réparation ou second méfait ? De même des élèves hésitaient à considérer le vol du collier

par le mari comme un méfait puisque c'était une juste (!) vengeance contre une épouse peu fidèle. Au lieu d'un débat sur la justice et la vengeance, il aurait fallu d'abord s'en tenir à une analyse narrative en se référant à la notion d'implication qui se trouve chez Brémond : J. B. « prestateur » pour la baronne, se récompense lui-même de sa prestation (1).

Ce personnage conduirait normalement à l'idéologie du récit de M. Leblanc : pourquoi se dit-il « justi­cier qui châtie et remet les choses à leur véritable place » (p. 30) ? Quelle part d'ironie y a-t-il dans ces mots ? Par prudence méthodique on n'a voulu voir que les aspects narratifs, en réservant les aspects discursifs pour le moment où l'on dispo­serait d'outils conceptuels suffisamment nombreux (les points de vue, le narrateur, toute renonciation, les qualifications) : la bonne démarche paraît tout compte fait être différente. Tout lecteur ayant une saisie globale du texte, il serait préférable de lais­ser la classe en fin d'exercice ouvrir des perspec­tives idéologiques, même peu rigoureuses ou faus­ses plutôt que d'en rester à une vue partielle du texte : la suite du travail remettrait à leur place des techniques d'analyse plus sûres, dans une dé­marche continuelle d'interprétation (au sens de Todorov) et de structuration (2). L'essentiel est que la lecture toute entière ne soit pas interpré­tative mais qu'il y ait un aspect (ici la structure d'actions) sur lequel on forge des techniques d'ana­lyse réutilisables (c'est la condition minimum d'une expérimentation suivie).

Cet exercice dont nous n'avons pas gardé de trace écrite pouvait suivre un déroulement différent : par exemple, faire rechercher les actions générales à partir de deux ou plusieurs nouvelles du même recueil ; des développements pouvaient y être ap­portés : théoriquement la recherche de premiers jalons pour distinguer des genres (policier, aven­tures), pratiquement, par exemple, un exercice de reprise consistant à « contaminer » plusieurs his­toires du recueil sous la forme la mieux liée pos­sible (depuis la simple insertion d'un épisode jus-

(1) C. Brémond, dans Sémantique narrative et textuelle, Larousse, 1973, p. 99. Ce phénomène de réciprocité inscrit toute séquence dans un continuum narratif : le vol du collier (la seconde fois) par Jim Barnett pourrait être suivi d'une enquête, J.B. être tenu de réparer, et ainsi de suite. Le méfait initial est aussi la fin d'une séquence possible. (2) Voir note 1, p. 115.

114

qu'à la projection d'un schéma de récit sur l'autre — duplication du méfait par exemple - - en passant par la substitution d'une sorte de méfait à une autre : donner la mort au lieu de deshériter, etc.). L'objectif à atteindre est la formulation d'actions-type, à partir de récits réels, avec un degré d'ab­straction suffisant pour qu'elles aient une certaine généralité.

3.2. Deuxième hypothèse (1.3.2.) : l'ordre de nar­ration n'est pas le reflet du temps réel, il résulte des exigences internes de composition.

3.2.1. Chacun sait qu'un récit peut ménager des retours en arrière, reporter plus loin la révélation d'un événement immédiat, passer complètement sous silence des faits impliqués par ceux qu'on ra­conte, raconter plus ou moins vite, plus ou moins généralement ce qui se passe dans le temps fictif : ces jeux possibles sont, cf. par exemple Todorov (1), très nombreux, et ils affectent tous le rapport entre la temporalité des événements fictifs (qu'on pourrait imaginairement rapprocher de l'expérience du temps réel possédée par le lecteur) et la durée narrative, « spatialisée » dans les pages du livre. La dissociation de ces deux temporalités a paru nécessaire à ce point de l'expérimentation parce qu'elle constitue le phénomène le plus visible et le plus capable de limiter « l'illusion réaliste » (Rhétorique générale, Larousse, groupe \i, 1970, p. 175), c'est-à-dire de donner aux élèves un moyen de contrôler leur propre imaginaire, en leur faisant découvrir les techniques, ou bien mieux l'activité signifiante d'un narrateur, qui trahit ainsi sa présence par des choix chronologiques (étude achevée à l'étape suivante, 3.3.). D'autre part, si nous voulons proposer aux élèves des activités de production, à côté d'activités d'analyse (ici, 3.3.2.), R.P. 69, tableau p. 46, il faut voir dès que possible cette liberté et cette difficulté inévitable de toute mise en récit : le choix d'une chronologie.

Théoriquement, il semble y avoir deux approches aujourd'hui de cette question, largement traitée dans un ouvrage collectif tel que le n° 8 de Commu­nications. D'une part, on peut distinguer :

(1) Introduction à la littérature fantastique (Le Seuil, 1970), p. 149-150. Précisons que nous tendons à rendre l'interprétation de plus en plus rigoureuse, alors que To­dorov l'oppose absolument à la « science ».

Un temps vraisemblable pendant lequel se dérou­lent les actions ;

Une chronologie narrative (avec ses retours en arrière ou ses anticipations).

Cette conception paraît être celle de Genette lors­qu'il souligne « la variété des rapports que peu­vent entretenir le temps de l'histoire et celui du récit » (p. 158), les notions d'histoire et de récit reprenant celles de fable et de sujet (ci-dessus 3.1.3.) ; Rhétorique générale établit le même dua­lisme en comparant « chronologie du récit et chro­nologie du discours » (p. 181), sauf que ce qui s'ap­pelle « histoire » chez Genette est ici le « récit », et le « récit » de Genette est maintenant « dis­cours ».

Plus intéressante paraît être la seconde approche : certes on peut rêver « un ordre chronologique idéal », estime Todorov mais il n'est ni représen­table ni peut-être connaissable : « La raison en est que, pour sauvegarder cet ordre, nous devrions sauter à chaque phrase d'un personnage à un autre pour dire ce que ce second personnage faisait « pen­dant ce temps là» (Communications, p. 127). To­dorov se sépare ensuite clairement de Genette et déplace l'opposition histoire/récit : « l'ordre chro­nologique idéal est plutôt un procédé de présen­tation, tenté dans des œuvres récentes, et ce n'est pas à lui que nous nous référons en parlant de l'histoire. Cette notion correspond plutôt à un ex­posé pragmatique de ce qui s'est passé. L'histoire est donc une convention, elle n'existe pas au niveau des événements eux-mêmes. Le rapport d'un agent de police sur un fait divers suit précisément les normes de cette convention, il expose les événe­ments le plus clairement possible (alors que l'écri­vain qui en tire l'intrigue de son récit passera sous silence tel détail important pour ne nous le révéler qu'à la fin). Cette convention est si large­ment répandue que la déformation particulière faite par l'écrivain dans sa présentation des évé­nements est confrontée précisément avec elle et non avec l'ordre chronologique. L'histoire est une abstraction car elle est toujours perçue et racontée par quelqu'un, elle « n'existe pas en soi » (p. 127). Ces conceptions, plus fortes que les précédentes, invitent à s'intéresser non seulement à telle ou telle rupture chronologique du récit mais même à la totalité de la trame considérée de bout en bout comme conventionnelle. On retrouve un point de vue concordant, quoique moins net, dans l'étude

115

du récit de presse par J. Grittis : « Dès lors que l'événement est rapporté, le vécu se transmue en représenté, le donné événementiel est appréhendé selon les " catégories " du récit» (p. 95).

C'est justement une certaine sorte de récit de presse qui nous fournit le matériau de ce second exercice : le fait divers où nous recherchons avec les élèves les conventions chronologiques que To-dorov signale. Il s'agit de mettre en évidence le jeu du narrateur (le journaliste), dans l'organisation de 1' « histoire » (au sens de Todorov) en rappelant qu'un tel article de journal a déjà pour source d'autres narrations (récits multiples de témoins, rapport de police, récit d'un reporter plus rapide). A chaque moment de transmission, des déforma­tions se produisent : elles ne tiennent pas tant aux défaillances des narrateurs qu'aux lois de la nar­ration elle-même, telles que Todorov les exprime : «Dans l'histoire, plusieurs événements peuvent se dérouler en même temps ; mais le discours doit obligatoirement les mettre à la suite l'un de l'autre ; une figure complexe se trouve projetée sur une ligne droite. C'est de là que vient la nécessité de rompre la succession " naturelle " des événements même si l'auteur voulait la suivre au plus près » (p. 139). Chaque narrateur opérant cette projection linéaire différemment, une seule histoire prend des apparences multiples, qui peuvent aboutir jusqu'aux contradictions flagrantes : telle est l'une des ori­gines des « mensonges » des journaux dans le do­maine du fait divers. Nous faisons donc en classe la comparaison entre plusieurs journaux sur un même fait.

3.2.2. Déroulement

Quatre extraits de presse sont distribués à quatre élèves, choisis dans des journaux différents, ils ra­content le même fait divers (1). Chaque élève ne reçoit qu'un article. Les élèves sortent de classe, ils ne doivent pas se concerter, ils reviennent un par un faire le récit à tous les autres. Audition par audition on commence à relever des différences (travail collectif oral).

Bilan des différences : travail collectif oral avec inscription au tableau. La classe n'a pas les ar-

(1) Voir documents joints, I, l'article du Monde. Les autres journaux, datés du 4 septembre 1974 sont l'Huma­nité, Le Parisien et l'Aurore.

ticles, les quatre élèves rapporteurs sont constam­ment consultés et vérifient les textes pour ré­pondre.

Consigne de travail par groupes : « Distinguer dans le bilan des différences celles qui constituent de véritables contradictions entre les journaux». Des représentants de chaque groupe peuvent conti­nuer à consulter les élèves rapporteurs avec leurs articles.

Lecture des conclusions d'un groupe : discussion par le reste de la classe, essai de réflexion collec­tive et de comparaisons entre les simples diffé­rences et les contradictions (ci-dessous, voir « ré­sultats » ). La discussion fait apparaître le pro­blème de la chronologie et de la simultanéité de certaines actions. D'où l'exercice suivant : recherche d'une représentation graphique de la simultanéité et de la succession des actions à partir de l'un des quatre articles (travail collectif et utilisation du tableau) ; relecture collective des trois autres ar­ticles par comparaison avec ce schéma (cf. docu­ments joints, II).

Débat et conclusion :

— Origine des différences non contradictoires (multiplicité des modes d'exposition des mêmes évé­nements, choix divers des journalistes) ;

— Origine des contradictions : insuffisance de l'in­formation des journalistes et affabulation et/ou détournement par les journalistes des rapports de leurs informateurs (rapport de police, etc.) en transformant les simples différences en contra­dictions, et non seulement par mauvaise foi, mais pour répondre à des besoins narratifs — incitations structurales — tels que remplissage des lacunes, résolution des ambiguïtés, colmatage des « solu­tions de continuité ».

3.2.3. Résultats

a) Les récits des élèves rapporteurs sont en gé­néral très proches des articles, ils pèchent surtout par omission. Les différences ont été notées avec beaucoup d'intérêt par les élèves, qui s'attendaient bien à en trouver, mais se bornaient à des consi­dérations générales sur les « grossissements » dans les journaux. Ces différences ont été consignées au tableau dans quatre colonnes correspondant aux quatre articles.

116

b) Différences et contradictions (on peut se reporter au document I). C'est dans la discussion collective plus que dans le travail de groupes que le classement a pu se faire.

Exemples de ce qui a alors été obtenu :

Contradictions

Le Monde

L'un des trois gangsters s'enfuit avec une voiture volée emmenant deux otages.

L'Aurore

Le brigadier a été blessé aux côtés du gardien de la paix averti par le directeur de la banque.

L'Humanité Deux gansters s'enfuient emmenant les otages.

Le Parisien

Le brigadier a été blessé dans un car de police arrivé ensuite sur les lieux.

L'argent volé :

L'Aurore

Les gangsters n'ont pas le temps de voler l'argent. Le Parisien Après la mort du troisième gangster, « la somme volée était récupérée ».

Ces divergences ne peuvent que remonter aux récits des informateurs du rédacteur, à moins que dans le doute celui-ci ait sciemment inventé son récit. Simples différences : la liste serait plus longue.

Le Monde Rien sur le vol de l'argent.

Autres journaux L'argent a été (ou presque) sorti des caisses, même emporté.

Il s'agit d'un silence du Monde sur les fins de l'action.

Le Monde Un brigadier a été blessé, ce fait étant relaté indé­pendamment de l'arrivée du gardien sur les lieux (1).

L'Aurore Le gardien et le brigadier ont été avertis ensemble, ils sont venus et ont été victimes ensemble des gangsters.

Il s'agit de ce qu'on pourrait appeler une solution de continuité sur un fil narratif du récit du Monde.

Le Monde Le premier gangster est abattu par les occupants du car de police-secours (semble-t-il).

L'Aurore Il est abattu par un inspecteur de la brigade anti­gang posté dans un café.

C'est un silence du Monde, pouvant produire une méprise si on lit en continuité, à propos des origines de l'action (théoriquement, il manque le rôle du mandateur, cf. Propp, p. 97).

Le Monde Un autre malfaiteur « a été immédiatement appré­hendé ».

Le Parisien Ce malfaiteur « a été arrêté indemne après le hold-up ».

(1) Les autres journaux font savoir que ce gardien est celui que le directeur en fuite a rencontré et averti.

Avec Le Monde, il pourrait s'agir d'un gardien arrivé avec le car de police.

1 117

Il s'agit des procédés de repérage temporel des actions les unes par rapport aux autres. Aucun article n'utilise exactement les mêmes. Trois sortes de marques sont utilisées complémentairement :

La position dans l'espace textuel ; Les temps verbaux ; Des groupes de mots essayant de préciser l'ins­tant.

L'indétermination de « immédiatement », dans Le Monde a été mise en cause. Théoriquement, l'em­ploi de ce mot paraît appartenir au système du discours défini par Benveniste (Problèmes de lin­guistique générale, XIX, «je, ici, maintenant») alors que le journaliste l'utilise dans le système du récit qui appellerait plutôt semble-t-il « im­médiatement après » (type d'erreur très fréquent chez les élèves eux-mêmes).

Notons qu'une telle analyse, qu'on peut trouver spécieuse, informe la procédure judiciaire puisque le malfaiteur arrêté a pu ou n'a pas pu participer au meurtre des policiers. Les élèves ont découvert un récit (une assertion) préparant des actes (sen­tence, application des peines), ce qui fait peut-être toute la différence entre le fait divers et la fiction.

c) Représentation graphique (document II)

L'activité collective consistait, non à comprendre un schéma déjà prêt, mais à en imaginer un qui fasse apparaître la simultanéité de certains faits, la place des nœuds dans la succession des actions ; on défait la tresse des différents fils du récit et à partir d'un axe unique (la « diégèse » ) on essaie d'obtenir plusieurs trajets synchronisés non inter­rompus. Il serait alors possible dans l'idéal de savoir à tout moment ce qui vient de se passer, ce qui se passe, ce qui va se passer (1).

La division de ces trajets ne peut être opérée qu'à partir des actions des différents participants : la classe a ainsi représenté sur un même trajet une action singulière quand elle était accomplie par un ou plusieurs participants et elle a dissocié les trajets pour des actions distinctes simultanées ac­complies par des participants distincts. Ce résultat

(1) A utre de comparaison, voir dans Pratiques n° 5 (fév. 75) le schéma de la p. 134 qui met en parallèle deux axes seulement (celui de la narration et celui de la fiction), à partir de Genette, et qui masque ainsi l'épais­seur de la «tresse».

évidemment très critiquable a tout de même permis de fixer les idées sur les rapports entre surface et épaisseur du récit, entre dit et non dit narratif : tel journal souligne les préparatifs d'action des gangsters ou de la police, tel autre les gomme jusqu'à l'obscurité : ce point conduit à s'interroger sur le pouvoir du narrateur et la fonction qu'il se donne vis-à-vis du lecteur (d'information ? de re­présentation (2) ? de jugement ? tout à la fois ? ces « catégories » sont empiriques). Voir exercice suivant (3.3.).

d) L'origine des contradictions entre les journaux pouvant se trouver dans la transmission de l'infor­mation, des premières sources jusqu'au rédacteur, il a été intéressant pour les élèves de noter que leurs rapporteurs avaient eux aussi plusieurs fois transformé de simples différences en contradic­tions.

3.2.4. DOCUMENT I

FAITS DIVERS

A Paris

Trois personnes sont tuées et quatre autres blessées au cours d'une attaque à main armée Une attaque à main armée tentée et manquee par trois malfaiteurs dans une agence de la Banque industrielle et commerciale, 88, boulevard Barbes, dans le dix-huitième arrondissement à Paris, a fait, le mardi 3 septembre, trois morts — deux bandits et un gardien de la paix — et quatre blessés — un brigadier, deux employés de la B.I.C. et un pas­sant. Le brigadier se trouve à l'hôpital Bichat dans un état très grave.

L'agression a eu lieu vers 14 h 30. Trois individus armés d'un pistolet mitrailleur et de trois pistolets automatiques firent irruption dans la banque en exigeant le contenu de la caisse des coffres. Mais

(2) Au sens de Genette (Communications n° 8, p. 155, « équivalent verbal d'événements non verbaux ». Concep­tion différente de celle de Todorov, id. p. 144-145. En ce sens la représentation s'opposerait à l'information synthé­tique telle qu'on la trouve dans le communiqué d'agence de presse).

118

le directeur de l'établissement réussit à s'enfuir et à prévenir un gardien de la paix qui réglait la circulation au carrefour voisin. Quelques minutes plus tard, police-secours, alertée, est sur les lieux.

Une fusillade — déclenchée, semble-t-il, par les bandits — éclate alors. Le gardien Charles Palmi-sano, trente-trois ans, est tué sur le coup, et Marcel Thévenot, vingt-huit ans, qui cherchait à s'enfuir en descendant le boulevard Barbes avec un otage, tombe mort. Durant l'échange de coup de feu, le brigadier Lucien Rochefort, trente-neuf ans, est gravement blessé ; un passant l'est légèrement par des éclats de verre ; un des autres malfaiteurs, André Philippon, a été immédiatement appréhendé. Le troisième, Alexandre Vateran, trente et un ans, s'empare d'une Estafette et démarre vers le boule­vard de la Chapelle en emmenant deux otages,

le caissier, M. Gérard Perrier, et un jeune stagiaire, M. Denis BuciUat. Pris aussitôt en chasse par un car de police-secours, il est rattrapé à l'angle du boulevard Ney, tire sur ses poursuivants, qui ripos­tent et le tuent.

M. Denis BuciUat, blessé à l'abdomen, a été hospi­talisé dans un état sérieux, tandis que M. Perrier n'était que légèrement atteint.

Dans le courant de la soirée, le ministre de l'inté­rieur, M. Michel Poniatowski, s'est rendu à l'hô­pital Bichat, puis au commissariat central du dix-huitième arrondissement. « Plus que jamais, a-t-il assuré, les opérations de sécurité seront dévelop­pées», ajoutant que «devant le deuil qui frappe ce soir la police, toutes les critiques doivent se taire ».

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3.2.

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[cf.

3.2.

3. C

)]

Commentaire : ce tableau est le résultat d'un tra­vail collectif en classe.

Il a d'abord fallu distinguer « simultanéité de deux actions » (fuites séparées des malfaiteurs) et im­plication de deux types de participants dans une même action (poursuite impliquant poursuivants et poursuivis) : d'où une partie inférieure et une partie supérieure dans le tableau.

Le récit du Monde (le plus simple) fait appa­raître peu de simultanéités, sauf en P 1, P 2 et D. Ces points d'attache sont eux-mêmes douteux. Ils pourraient être plus à gauche ou plus à droite.

Un tel tableau est évidemment très contestable : il permet de montrer quand les participants se séparent, mais il serait difficile le cas échéant, de montrer quand ils se rejoignent ; plusieurs actions distinctes si elles sont en rapport de cause à consé­quence, figurent sur le même trajet et pourtant ce n'est plus la même action ni les mêmes participants (le directeur, puis le gardien, puis le brigadier). Enfin on place ensemble plusieurs participants sur le même trajet du fait qu'on ignore la spécificité de leur participation, les actions particulières qu'ils accomplissent dans le cadre de l'action d'ensemble. Tel que, dans ses incertitudes mêmes, le tableau révèle bien des contraintes chronologiques de la narration.

3.3. Troisième hypothèse (1.3.3.) : un récit révèle toujours des « signes du narrateur » grâce aux­quels il est permis de le considérer comme un mes­sage, avec destinateur et destinataire, et de chasser l'illusion du récit-reflet.

3.3.1. Quand Eikhenbaum étudie «Le Manteau» de Gogol {Théorie de la littérature, Le Seuil, 1965) en 1918 il s'appuie sur un texte particulièrement bien choisi pour relever le « ton personnel et tous les procédés de la narration gogolienne » (p. 227), c'est-à-dire les interventions de l'auteur. Mais cet exposé très clair met sur le même plan des inter­ventions de types différents qu'il faut distinguer. On retrouve le même amalgame dans ces mots de Genette : « ... le récit n'existe pour ainsi dire nulle part dans sa forme rigoureuse. La moindre obser­vation générale, le moindre adjectif un peu plus que descriptif, la plus discrète comparaison, le plus modeste « peut-être », la plus inoffensive des arti­

culations logiques introduisent dans sa trame un type de parole qui lui est étranger, et comme réfractaire » (Communications, 8, p. 163). Ce « type de parole » tranche sur le reste en ce qu'il comporte des marques immédiatement reconnaissables de renonciation.

Mais l'organisation même du récit suppose l'acti­vité productrice du narrateur (donc renonciation). C'est ce que nous avons vu avec l'exercice précé­dent ; c'est aussi ce qui ressort de l'analyse des « points de vue » dans le récit [les « visions » pour Todorov (Qu'est-ce que le structuralisme ? Le Seuil, 1968, p. 116), les «focalisations» pour Ge­nette (figure III, Le Seuil, 1972, p. 206)] : ainsi le narrateur peut raconter plus que ce que les per­sonnages sont supposés savoir ( « vision par der­rière», Todorov), seulement ce qu'ils savent («v i ­sion avec » ) ou moins que ce qu'ils savent ( « vision du dehors » ) ; on notera avec Genette que le point de vue à partir d'un personnage s'accompagne d'une vision du dehors sur les autres (p. 206) ; ou encore que certains récits « impersonnels » or­ganisent une circulation des points de vue (Genette : la « multifocalisation » ). Cette dernière remarque s'applique au texte qui a été utilisé pour les exer­cices en classe (document III).

Organisation de la succession du récit, choix des points de vue, distribution aussi des « modes du récit » (Todorov) entre la parole des personnages, la parole du narrateur (mode « subjonctif », « ap­préciatif » du récit, simple « représentation » d'une parole sans transposition) et la narration (mode constatif, relation d'événements), tous ces choix supposent donc une énonciation et nous pouvons considérer qu'ils relèvent de la « formulation in­terne » de renonciation (R.P. 69, P. Charaudeau, p. 100) parce qu'ils opèrent au niveau des élé­ments transphrastiques (répliques, paragraphes, chapitres), en tout cas non codés dans la lin­guistique de la phrase. Mais, d'autre part, on note dans le récit des éléments morphosyntaxi­ques (sémantiques) marquant renonciation et qu'on peut considérer comme une formulation externe » de celle-ci (R.P. 69) : déictiques, pronom de la catégorie de la personne par opposition à la non-personne (Benveniste), temps, statut assertif ou non des phrases, verbes et adverbes de moda­lités. La formulation interne et la formulation ex­terne ne se contredisent évidemment pas : elles se complètent, se soutiennent, s'indiquent l'une l'au­tre. L'ensemble de ces catégories peut fonder une

121

distinction entre le personnel et l'a-personnel dans le récit (Barthes, Communications, 8, p. 20), à condition de se rappeler que l'a-personnel est tou­jours un leurre car le texte a toujours un émet­teur, et qu'il s'agit d'éventer les ruses du récit et de se demander (avec les élèves) comment on les reçoit.

3.3.2. Déroulement

On donne aux élèves le plan suivant :

Io Les acteurs :

Les parents ; Leur fils : 10 ans ; Leur fille : 4 ans ; Les amis ; Leur fils (le voleur) : 22 ans.

2° Le cadre :

Milieu aisé ; Neuilly (banlieue parisienne) ; L'appartement des parents.

3° Les faits :

— Les parents dînent chez leurs amis ;

— Les enfants restent à la maison ;

— Le jeune homme masqué cambriole chez les parents ; — Il envoie le garçon chercher de l'argent dans le bureau du père et fouille le salon ; — L'enfant revient avec le revolver de son père et tue le voleur ;

— Il avertit son père au téléphone, il est dix heures du soir ;

— La famille de la victime étouffe l'affaire.

4° L'époque : Quelques mois avant l'été.

La consigne donnée aux élèves est la suivante : « Composez le récit de ce fait divers. On ne peut ajouter de faits mais on peut développer ceux qui sont donnés, en montrant par exemple leur prépa­ration ou en précisant davantage comment ils se sont passés ».

Les récits sont composés individuellement (à cause du relâchement dans le travail en groupes à ce

moment du trimestre) en classe. Ensuite des élèves sont invités à lire leur texte à haute voix (étape collective) ; des discussions générales sont pro­voquées à partir de différentes questions : les ré­cits lus respectent-ils les indications fournies avec la consigne ? Ces indications sont-elles suffisantes ? Quel intérêt y a-t-il à les développer (y a-t-il un intérêt ? Aspect important : les élèves sont conduits à débattre de la consigne, à imaginer des objectifs). Enfin le récit-source est remis aux élèves (docu­ment III) et une autre discussion est lancée : s'op-pose-t-il à tous ces récits à la fois et par quels caractères ?

Le schéma actanciel de Greimas réduit à une seule catégorie (Sémantique structurale, « la descrip­tion de la signification», p. 30) :

sujet vs objet

est donnée aux élèves, non directement, mais à partir de questions traitées dans le précédent exer­cice (cf. 3.2. l'histoire était-elle celle des gangsters qui échouent dans un hold-up ou celle des policiers qui rétablissent l'ordre ?). Cette catégorie est uti­lisée ensuite, en discussion collective, pour compa­rer les récits des élèves et du journaliste : le sujet, l'objet sont-ils les mêmes pour tout le monde ? Le rapport entre manifestation de ce sujet et de cet objet narratifs, d'une part, et la distribution des points de vue, d'autre part, est abordé dans la dis­cussion.

On notera dans le document IV (récits d'élèves) les adverbes de modalité ( « probablement » ) posant l'élève-narrateur autrement que le journaliste-nar­rateur. Enfin la parole des personnages est rare­ment utilisée pour informer le lecteur : elle commente, apprécie les faits.

3.3.3. Résultats

La conception théorique de l'exercice est fausse en partie dès qu'on admet qu'il ne peut y avoir une présentation absolue et originelle des faits (voir d'ailleurs nos hypothèses en 3.2.1.) au-dessus des problèmes de mise en ordre et de formulation. En ce sens le plan fourni aux élèves est déjà une narration, il porte déjà la marque d'une énonciation (il comporte des points de vue, il sélectionne des éléments : l'appartement des parents et non un autre lieu). Simplement renonciation est gom­mée autant que possible. On est passé outre à ces obstacles théoriques parce que le plan initial pou-

122

vait tout de même engager les élèves vers des solutions différentes sur tous les points rappelés plus haut (3.3.1.) et que des différences précises entre leurs choix pouvaient révéler l'activité du narrateur.

Le résultat fait apparaître d'importantes ressem­blances entre les récits des élèves, sans doute pour la raison qui vient d'être soulignée.

Ainsi le « point de vue » narratif le plus couram­ment choisi est celui de l'enfant comme dans le texte de Viansson-Ponté, les élèves n'ayant pas pensé à ajouter au schéma fourni des précisions sur les préparatifs du vol, les intentions du jeune hom­me, ses pensées et ses sentiments sur son chemin. Cependant beaucoup ont ignoré ce que faisait l'en­fant pendant la fouille du salon pour conserver la surprise que provoque le drame ; par compa­raison, il a été facile de constater que Viansson-Ponté au contraire donnait des précisions sur la peur, la détermination de l'enfant et même sur ses raisons d'agir (« comme à la télévision », indication qui a frappé les élèves, et qui leur a paru sortir du cadre du récit). La chronologie adoptée par le récit-source ( « A dix heures le téléphone sonne » ) n'a été imaginée que dans un cas (document IV, ré­cit 1) mais on peut noter que l'idée du coup de téléphone de l'enfant est de pure forme, et qu'aus­sitôt après, un récit au premier degré reprend ( « La famille X qui vit dans un appartement à Neuil-ly... »). Il est vrai que les points de vue peuvent passer d'un personnage sur l'autre, comme dans le récit de Viansson-Ponté d'ailleurs (la « multifoca-lisation » de Genette), mais il apparaît tout de même que les élèves en général soulignent davan­tage l'effraction commise par le jeune homme en l'introduisant soudainement, que la violence de la riposte de l'enfant. Dans un débat qui a suivi, sur la « légitimité du recours à la violence en cas de défense » l'opinion générale tendait de même à jus­tifier l'enfant. On a vu ici s'esquisser un rappro­chement possible entre distribution des points de vue narratifs et valorisation d'un personnage et de ses actes. L'utilisation de la catégorie :

sujet vs objet

a montré surtout aux élèves que cette relation pour­rait recouvrir différents rapports dans l'histoire et que les points de vue guident vers une direction de lecture (sujet : l'enfant) sans l'imposer abso­lument.

3.2.4. Document III

P. Viansson-Ponté (Le Monde, 23 juillet 1972) : Un dîner mondain à Neuilly, banlieue élégante de la capitale. Un des couples invités a laissé pour la soirée ses deux enfants seuls à la maison : le garçon de dix ans, dûment chapitré, veillera sur sa petite sœur, qui en a quatre. Qu'il n'ouvre à personne, aille se coucher à neuf heures — c'est promis ! — et, pour le cas où il arriverait quelque chose, le numéro des amis chez lesquels dînent papa et maman est placé, bien en évidence, près du téléphone.

A dix heures, le téléphone sonne : c'est le petit garçon. A moitié en larmes, à moitié rieur, très excité : « Papa, il y a un voleur qui est venu, je l'ai tué». Le père croit d'abord à un conte, lève les yeux au ciel, s'efforce d'apaiser, mais les pré­cisions affluent, alarmantes : « Si, c'est vrai. Avec ton revolver, qui est dans le tiroir de ton bureau. Un grand monsieur avec un masque sur la figure. Il est là, par terre, dans le salon... ». Le père s'in­quiète enfin : «J 'arrive».

Le voleur est là en effet sur le tapis du salon, dans un flot de sang, bel et bien mort. Quand il avait sonné, avec insistance, le petit garçon était venu derrière la porte, avait hésité, attendu un moment. La curiosité avait été plus forte. L'intrus, aussitôt entré, l'avait secoué, bousculé : « Où maman met-elle son argent ? Et papa ? ». Tremblant, mais résolu, le petit garçon avait désigné le secrétaire du salon. « Maman, c'est là. Papa, dans son bureau. Je vais vous le chercher ». Pendant que le voleur retournait les tiroirs du secrétaire, il avait sorti du bureau le 6,35 que son père avait eu l'impru­dence de lui montrer et, comme dans un jeu, comme à la télévision, il l'avait armé, était revenu sur la pointe des pieds et avait tiré sur la silhouette pen­chée vers le meuble. L'homme s'était écroulé. Alors le petit garçon avait téléphoné.

Ce n'est pas tout. La police arrive, on retourne le cadavre, on découvre son visage. Un cri : c'était le fils, vingt-deux ans, des amis chez lesquels dînaient les parents. Cela s'est passé il y a quel­ques semaines. Il n'y a pas eu de plainte, l'action de la justice était éteinte, l'affaire a été classée. La famille a vaguement parlé d'accident et, aux intimes, de suicide. Le petit garçon passe avec sa petite sœur, d'excellentes vacances.

123

3.3.5. Document IV

RECITS D'ELEVES (exercice 33)

Récit 1

Le dimanche 23-4-74, M. et Mme X sont en train de dîner chez leurs amis les Y. Vers 10 heures du soir le téléphone sonne. C'est pour M. X de la part de son fils. Celui-ci lui raconte une histoire assez bizarre. Il est dix heures du soir. La famille X qui vit dans un appartement à Neuilly est d'un milieu assez aisé. Pendant que les parents dînent chez leurs amis, leurs enfants sont restés dans l'appartement. Il y a G, 10 ans et S, sa sœur, 4 ans. Un jeune homme masqué vient cambrioler l'appar­tement. Il oblige G, sans doute par la force, à chercher l'argent dans le bureau de son père. Pendant ce temps le jeune homme fouille le salon. G. revient du bureau mais au lieu d'apporter l'ar­gent il a le revolver de son père, et sans doute poussé par la peur tue le cambrioleur. Après il découvre que le jeune homme n'est autre que le fils des amis. Il a 22 ans. Les parents de la vic­time étouffent l'affaire mais elle est quand même découverte.

Récit 2

Nous sommes au milieu du printemps. M. et Mme X, avec leur garçon et leur fille âgés respectivement de 10 et 4 ans, habitent un appartement assez cossu de Neuilly, la profession de M. X permettant à la famille de vivre aisément.

Un jour, en début de soirée, M. et Mme X se ren­dent chez leurs amis, ceux-ci les ayant invités à dîner. Les deux enfants, eux, sont restés à la mai­son.

Et c'est de par cette présence que naît la tra­gédie.

En milieu de la soirée (environ 10 heures), alors que les amis réunis dînent, un intrus profitant de l'absence de M. et Mme X, pénètre dans leur appartement, et oblige le jeune garçon, d'aller chercher l'argent dans le bureau de son père.

Le fils de M. et Mme X obéit, et en ouvrant le tiroir du bureau il découvre le revolver de son père, il s'en empare, et retrouvant le cambrioleur en train

de fouiller le salon, il le tue, puis prévient par téléphone son père.

Les parents et leurs amis arrivent sur les lieux.

Récit 3

L'histoire se passe quelques mois avant l'été dans la banlieue parisienne, à Neuilly, chez des familles aisées.

Les parents des deux enfants, 4 et 10 ans, vont dî­ner chez des amis qui ont, eux, un fils de 22 ans. Les deux jeunes enfants restent à la maison. Un individu, masqué, s'introduit chez les enfants et oblige, probablement en le menaçant, le garçon d'aller chercher l'argent dans le bureau de son père. Pendant ce temps, le voleur fouille le salon. L'enfant revient, non avec l'argent, mais avec le revolver de son père et tue l'intrus.

Il est 10 heures du soir. Il avertit son père. Décou­vrant que le voleur était le fils des amis, les familles s'arrangent pour étouffer l'affaire.

Récit 4

Le 30 mars 1972, 21 h, M. et Mrae PIERRE laissant leurs enfants (Philippe 10 ans et sa sœur 4 ans) chez eux, vont dîner chez leurs amis (M. et Mme DU­PONT). Durant ce temps M. DUPONT junior (22 ans) se rend à la demeure de la famille PIERRE, ayant mit un foulard sur son visage, il frappe à la porte, Philippe ouvre, le jeune homme entre et dit d'un ton menaçant : « Va chercher l'argent dans le bureau de ton père ou il t'en cuira ». Le garçon essaie de discuter, mais il prend une giffle, ne dit rien et va dans le bureau de son père : le voleur fouille le salon espérant trouver quelques valeurs à empocher. Tout à sa fouille, il n'entend pas revenir le garçon qui pointe un revolver dans son dos. Sans le prévenir, Philippe lui envoie du plomb dans la tête. Le voleur tombe mort, le garçon, ne perdant pas son sang-froid, prévient ses parents au téléphone qui arrivent avec leurs amis.

Se mettant d'accord, ils décident d'étouffer l'af­faire.

Récit 5

Extrait du journal Le Monde (23-7-72, P. Vians-son-Ponté) : Quelques mois avant l'été les parents de Philippe 10 ans et de Odile 4 ans, dînent chez

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des amis à Neuilly. Les deux enfants restés seuls à l'appartement sont victimes d'un cambrioleur.

Celui-ci masqué et sachant les parents sortis en profite pour s'introduire chez eux. Il envoie Phi­lippe chercher de l'argent dans le bureau de son père pendant que lui fouille le salon. Philippe re­vient quelques instants après avec le revolver de son père et dans sa frayeur tire et tue le voleur. Après un moment, reprenant ses esprits, il télé­phone à son père en lui demandant de rentrer tout de suite, il était 10 heures du soir : on identifia le voleur comme étant le fils des amis des parents. Les familles étant d'un milieu aisé l'affaire fut étouffée.

Récit 6

Ce soir-là, peu avant l'été, la famille DURAND va dîner chez les DUPONT. Les enfants des DU­RAND sont restés à la maison. Profitant de cette occasion le fils DUPONT pénètre dans l'apparte­ment des DURAND le visage masqué.

L'homme menace de tuer la petite fille si l'aîné 10 ans ne va pas chercher de l'argent dans le bureau de son père. Il est sûr de son affaire et le laisse partir chercher l'argent seul, en préci­sant que la fuite marquerait la mort de sa sœur.

L'enfant dans un sursaut de courage se saisit du revolver de son père et profitant de la surprise il tue le voleur qui fouillait le salon.

Le démasquant, il s'aperçoit qu'il le connaît et que ses parents dînent chez la famille du bandit. Il téléphone à son père à 10 h qui prévient les DUPONT. Ceux-ci effarés supplient M. DURAND de ne révéler à personne cet accident regrettable. Ce sont des familles aisées et ils ne veulent pas tacher leur honneur. Par amitié et par peur du qu'en dira-t-on, la famille de la victime étouffe l'affaire.

4. Les hypothèses suivantes (cf. 1.3.4. à 1.3.6.) ont été expérimentées dans d'autres établissements et sont l'objet de certains des articles ci-dessus (fonctions/qualifications ; fonctions/séquence). Les difficultés particulières rencontrées avec des clas­ses techniques ayant été indiquées plus haut, il faut noter un problème général de l'expérimen­tation : l'observation des séances de travail, des réactions diverses des élèves sont pour le moment trop empiriques et une recherche doit être entre­prise dans ce sens. A cette condition seulement il sera possible de dire si la démarche du travail pré­senté ici, c'est-à-dire l'enchaînement des exercices, a permis d'atteindre les objectifs visés (ci-dessus 1).

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r

VERS DE NOUVEAUX

Le travail présenté a été fait en Sixième. Il peut constituer une sensibilisation à l'idée de narrati-vité.

Fait en classe entière : en équipe de deux ou seul.

Durée : une demi-heure de rédaction ; une demi-heure de lecture collective ; dans un deuxième temps : on examinera les textes polycopiés.

I) PROCEDURE

Io Consigne : écrire le poème en le disposant à votre gré. Je l'ai écrit au tableau sans ponctuation et sans aller à la ligne, d'affilée.

2° Consigne : choisir six mots dans le texte et construire soit une histoire, soit une description.

3° Etude des textes.

— Eliminer les textes non narratifs.

(Difficultés : les élèves confondent action et verbes actifs) (14-19).

— Chercher les mots les plus souvent retenus : crapauds : 12, serpents : 11, saltimbanques : 11, sanglots : 10, barques : 7, eau : 7, roseaux : 8.

— Dans les histoires : combien d'histoires tristes, et non tristes. Douze histoires tristes entre deux indifférentes.

— Dans les histoires tristes le malheur est celui d'une fille (jeune fille, petite fille), de trois en-

Etablissement : Lycée E. Quinet Classe : Sixième (filles) Enseignant : Andrée TOURNES

fants, de « JE », du serpent, des crapauds, des sal­timbanques, d'un inconnu.

— Il est causé par une chute ou la fille est pri­sonnière des saltimbanques.

L'élément agresseur dans le cas de la fille est : le saltimbanque ou le crapaud (présent).

— Le décor reste dans la plupart des histoires la rivière, le lac, le bois sauf deux histoires qui se passent dans une fête (quatorze juillet — stands). Dans ce cas les mots foule et saltimbanques ont entraîné la disparition du cadre de nature.

II) CONCLUSION

Montrer que chacun sélectionne ce qu'il veut et ignore une partie du texte, que certains mots comme « saltimbanques » ou « crapauds » ont une conno­tation stéréotypée. Dans le texte l'on parle du rire des saltimbanques : le rire disparaît dans 16 cas sur 19.

III) ANNEXE

Sifflet humide des crapauds bruit des barques la nuit des rames des serpents dans les roseaux d'un rire étouffé par les mains bruit d'un corps lourd qui tombe à l'eau bruit des pas discrets de la foule sous les arbres la nuit un bruit de sanglots le bruit au loin des saltimbanques.

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Exemple de disposition :

Sifflet humide des crapauds bruit des barques la nuit des rames d'un serpent dans les roseaux d'un rire étouffé par les mains

d'un corps lourd qui tombe à l'eau de pas discrets de la foule sous les arbres un bruit de sanglots le bruit au loin des saltimbanques

Sifflet humide des crapauds bruit des barques la nuit des rames d'un serpent dans les roseaux d'un rire étouffé par les mains bruit

de pas discrets de la foule sur les arbres un bruit de sanglots le bruit au loin des saltimbanques

Textes :

1. Dans la nuit du 14 juillet, dans la foule sous les arbres les saltimbanques tenaient une jeune fille appelée Sophie. Sophie d'un cri étouffé essaye de se délivrer et tout à coup elle tombe à l'eau.

2. Les crapauds croassent dans l'eau. Les ser­pents se faufilent dans la nuit. On entend le rire des saltimbanques au loin.

3. Les crapauds qui sont dans la barque rament avec leur main. Les saltimbanques sous les arbres tombant à l'eau discrètement pour les rattraper.

4. L'histoire d'un crapaud qui monte dans une barque où il trouva un serpent. Tous deux al­lèrent se promener à travers les roseaux et les arbres pendant la nuit.

5. La foule était en sanglot devant le serpent qui tombe sur l'arbre humide.

6. Très tard le soir des crapauds jouaient grim­paient sur les arbres comme un énorme ser­pent se faufilant dans les gros roseaux. Cer­tains aimaient la fraîcheur de l'eau, d'autres préfèrent l'ombre des arbres.

7. Caché dans les roseaux j 'ai vu passer un lourd serpent il marchait dans l'eau mais j 'ai entendu des sanglots c'était une famille de saltimbanques qui pleurait son enfant

8. Les crapauds de la nuit et le serpent des ma­rais étouffent la foule par un bruit discret.

9. Une nuit dans les roseaux, lorsque je me pro­menais, dans une barque chantaient les cra­pauds. Je m'avançais sans bruit. Un sanglot me fit sursauter, j'aperçus une petite fille.

10. Sifflet au loin des saltimbanques Au milieu des roseaux au milieu des petits bruits

le vent souffle dans la pénombre la lune sort discrètement éclaire le petit bois tout endormi.

11. Les crapauds des roseaux chantaient très fort lorsque je vis au loin une barque en bois. Je me rapprochai et vis des serpents qui avançaient lentement. Un bruit lourd et dis­cret venait vers moi et je vis trois enfants en sanglots.

12. Le crapaud se repose sur un nénuphar. Le serpent se faufile de buisson en buisson. La nuit est calme soudain un sanglot sort de sa bouche ; une petite fille est tombée sans bruit dans l'eau.

13. J'étais en barque ; soudain je vis des crapauds et je me mis à ramer de toutes mes forces vers la rive car j'avais peur de bêtes. J'amarrais ma barque et je fis un terrible bruit car je courais vite, si vite que j'étais tombée. Les pas me conduisirent vers le bruit que faisaient les saltimbanques.

14. Des crapauds battaient l'eau en sanglotant sous les roseaux. Le bruit des saltimbanques qui font applaudir les bruits discrets des mains sanglotantes.

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15. Sur le lac il y a des barques. Pendant la nuit dans l'eau, elles font marcher leurs rames. Il y a quelque chose qui manque. Elles se dirigent vers les arbres et voient des saltim­banques.

16. J'étais à la fête et j'entendis soudain un bruit de sifflet. Je quittai le stand où je m'étais assise et je me dirigeais vers le bruit du sifflement. Quelques mètres plus loin je percevais un bruit de sanglot. En contournant une cara­vane je vis des saltimbanques qui tenaient prisonnière une fillette de quatre ou cinq ans.

17. Les crapauds et les serpents ont des mains à l'eau et font des pas comme les saltimbanques.

18. J'entends là-bas un sifflet, ce sont des cra­pauds et des serpents qui courent dans les roseaux ; et ces sanglots au loin d'où peu­vent-ils provenir ?

19. Sous les arbres, un serpent pas discret tombe dans les roseaux ; au loin des crapauds lourds sifflent dans la nuit. Le bruit des sanglots étouffé par le rire des saltimbanques qui ra­ment les barques.

Mais la foule s'en ira et il n'y aura plus de saltimbanques.

IV) REMARQUES

1) La comparaison des textes narratifs n'a pas été faite.

2) Elle pourrait être précédée d'une mise en rap­port de la disposition et des textes.

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Dépôt légal n° 6177 - 2e trim 1976 - Imp. BIALEC, NANCY

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Maintenant le principe posé dans le numéro 69 de cette même revue que la pédagogie n'est pas un lieu d'application des sciences humaines mais un lieu de réflexion et d'activité autonome qui tire parti de ces sciences, le groupe « Sens et communication » a essayé de mettre en place une problématique pédagogique de la communication écrite, en utilisant des concepts de sémiotique narrative.

Ce numéro présente le résultat des expériences faites en classe. On y trouvera donc :

— Une expérimentation autour des concepts Fonction et Qualification ;

— Une expérimentation autour des concepts Séquence et Fonction ;

— Une étude, plus globale, de deux récits ;

— Un essai d'enchaînement d'exercices.

Les élèves, quel que soit leur niveau culturel, ont eux-mêmes une « compétence narrative ». Il faudrait qu'ils prennent conscience que c'est cette « compétence » qu'ils mobilisent lorsqu'ils lisent ou écrivent, et que la découverte de son fonction­nement aboutit à accroître le plaisir de la lecture et de l'écriture.

Brochure n° 2382