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Rapport de stage de 1ère année de Master Ecologie-Ethologie 2010/2011 Marjorie BISON Sous la direction de Sébastien Ibanez et Sandra Lavorel Stage du 4 avril au 21 août 2011 Laboratoire d'ECologie Alpine (LECA) UMR5553 Traits fonctionnels végétaux et Dynamique des Ecosystèmes alpins (TDE) BP 53, 2233 Rue de la Piscine, 38041 Grenoble Cedex 9 Les mésocosmes dans la parcelle expérimentale de la Station Alpine Joseph Fourier Impact de l'herbivorie sur le fonctionnement des écosystèmes herbacés

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Rapport de stage de 1ère année de Master Ecologie-Ethologie

2010/2011

Marjorie BISON

Sous la direction de Sébastien Ibanez et Sandra LavorelStage du 4 avril au 21 août 2011

Laboratoire d'ECologie Alpine (LECA)UMR5553 Traits fonctionnels végétaux et Dynamique des Ecosystèmes alpins (TDE)

BP 53, 2233 Rue de la Piscine, 38041 Grenoble Cedex 9

Les mésocosmes dans la parcelle expérimentale de la Station Alpine Joseph Fourier

Impact de l'herbivorie sur le fonctionnement des écosystèmes herbacés

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Avant-propos

Je remercie particulièrement Sébastien Ibanez pour m'avoir permis de réaliser ce stage, pour sa disponibilité, sa patience, son aide et ses conseils avisés tant sur les statistiques que sur le rapport.

Je remercie les criquets et sauterelles du col du Lautaret d'avoir bien voulu donner de leur temps à la science.

Un grand merci à toutes les personnes du LECA qui m'ont accueillie pendant deux mois à Grenoble et pendant trois mois à la Station Alpine Joseph Fourier du col du Lautaret.

Au final, merci à tous ceux qui m'ont aidée et soutenue durant ce stage !

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Table des matières

INTRODUCTION..................................................................................................................4

MATERIEL ET METHODES..............................................................................................71) Dispositif expérimental.................................................................................................72) Caractéristiques des deux espèces de criquets et des deux espèces de poacées...........93) Détermination du régime alimentaire des criquets adultes.........................................104) Digestibilité de la fétuque et du dactyle en fonction des deux espèces de criquets....145) Concentration en azote dans le sol des mésocosmes...................................................156) Développement des inflorescences.............................................................................16

RESULTATS.........................................................................................................................171) Régime alimentaire.....................................................................................................172) Digestibilité de la fétuque et du dactyle en fonction des deux espèces de criquets....223) Composition en azote dans le sol : les criquets et la composition végétale du

mésocosme ont-ils une influence sur la composition en ions ammonium et nitrates dans le sol ?.................................................................................................................23

4) Inflorescences..............................................................................................................24

DISCUSSION.......................................................................................................................261) Régime alimentaire.....................................................................................................262) Effet de l'herbivorie sur le fonctionnement de l'écosystème : régulation du cycle de

l'azote du sol et du développement des inflorescences par les criquets......................29

REFERENCES.....................................................................................................................31

RESUMES............................................................................................................................34

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Introduction

Les formes d'herbivorie par les insectes varient considérablement (Joern 1985) entre les taxons mais aussi entre les sites (Joern 1985). Par exemple, les espèces de lépidoptères de climat tempéré tendent à être des consommateurs spécialisés alors que la plupart des criquets (orthoptères) sont polyphages (Joern 1985). Ces derniers sont abondamment présents dans les prairies (Brown 1983; Marshall et Haes 1990) et rencontrent habituellement des plantes en abondance. Ils représentent une part importante du budget énergétique des écosystèmes prairiaux, consommant environ entre 3 et 5% de la production primaire annuelle (Kölher 1987). Cependant, les plantes consommées par les criquets généralistes ont des qualités nutritionnelles très variables qui diffèrent considérablement entre les espèces, au cours du temps, entre les sites et au sein des tissus d'une plante (Mc Neill et Southwood 1978; Mattson et Haack 1987; White 1993). Ces consommations de plantes de qualités différentes ont fait l'objet de nombreuses études qui ont donc qualifié le régime alimentaire du criquet de régime mixte (consommation de plantes de haute qualité et de basse qualité). Dans la majorité des cas, ce régime alimentaire mixte affecte positivement les performances des herbivores (survie, croissance, succès reproductif) bien que les mécanismes sous-jacents ne soient pas encore totalement clairs et compris (Miura et Ohsaki 2006). De nombreuses études se sont donc intéressées aux préférences alimentaires des criquets et aux traits caractéristiques des plantes associées (Bernays 2010), aux impacts de la qualité des plantes sur le développement des criquets (Miura et Ohsaki 2006), aux évolutions de régime alimentaire du stade larvaire au stade mature (Unsicker et al. 2008), aux variations de régime entre différents sites (2 communautés des prairies arides du Texas par (Joern 1979)), mais aucune étude n'a encore proposé de déterminer si les criquets adultes suivent les proportions de plantes dans l'environnement ou leurs préférences alimentaires pour leur régime alimentaire. Une partie de mon travail a donc pour objectif d'établir des relations entre la composition du milieu sur le plan des proportions de graminées avec le régime alimentaire des criquets. Les criquets montrent des variations interspécifiques dans l'utilisation de la nourriture, allant des spécialistes aux généralistes (Joern 1979). Or, les choix des plantes sont intrinsèquement liés à différents aspects de la biologie de l'espèce, et de ce fait, affectent fortement des composants de la fitness comme la fécondité, le développement et la survie (Mulkern 1969; Uvarov 1977). C'est donc une interaction qu'il est intéressant d'étudier. Les criquets suivent-ils leur choix alimentaire ou la composition des plantes de l'environnement ? Quelle est la part de l'environnement et du choix dans le régime alimentaire ? Par ailleurs, le sexe et l'espèce ont-ils une influence sur le régime alimentaire ? Pour étudier le régime alimentaire, plusieurs méthodes peuvent être utilisées. Tout d'abord, il est possible d'observer les criquets se nourrir et de supposer que le temps passé sur une feuille est proportionnel à la quantité ingérée (Gardiner et Hill 2004). Joern, quant à lui, a étudié le régime alimentaire des criquets en disséquant leur estomac : les criquets étaient tués directement après leur capture, puis les fragments contenus dans l'estomac étaient identifiés et leurs quantités estimées. Pour l'étude, nous allons utiliser un moyen détourné plus accessible : l'identification et comptage des débris d'épidermes d'espèces végétales dans les fécès des acridiens, par comparaison avec des épidermes de référence

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récoltés sur des plantes identifiées (Grandcolas 1986). Nous présumons que le criquet adulte va effectuer des choix entre les graminées pour sélectionner celle qui a la plus haute teneur en azote et donc une plus grande qualité nutritive tout en étant limité par les conditions environnementales. De plus, nous pensons aussi que les espèces de criquets ont des préférences différentes et donc des régimes alimentaires différents.

Il est, par ailleurs, aujourd'hui bien connu que les insectes herbivores peuvent avoir des influences majeures sur la communauté des plantes et le fonctionnement des écosystèmes (Olff et Ritchie 1998). D'une part, la consommation des feuilles par les herbivores réduit l'abondance des plantes ainsi que la production primaire (Pastor et Naiman 1992). D'autre part, en raison de leur abondance et de leur rapide turn-over, ils influencent fortement les cycles de matière terrestre (Seastedt et Crossley 1984; Lovett et Ruesink 1996). L'herbivorie peut ralentir ou au contraire augmenter la vitesse du cycle ce qui a pour conséquence de diminuer ou augmenter l'abondance des plantes (Belovsky et Slade 2000) (voir fig.1). Les herbivores peuvent modifier ce cycle de matière par leurs excréments ; en changeant la quantité et la qualité des plantes (composition en nutriments et taux de décomposition) de la litière ; et en séquestrant des nutriments dans leur corps (Belovsky et Slade 2000). Les nutriments issus des excréments et des herbivores morts représentent un cycle rapide car les détritus sont plus rapidement décomposés et les produits de décomposition sont plus rapidement utilisés par les plantes. Au contraire, la libération de nutriments par la litière est plus lente. Les criquets qui se nourrissent principalement sur les plantes à décomposition lente ont pour effet d'augmenter la vitesse des cycles alors que ceux qui se nourrissent préférentiellement sur les plantes à décomposition rapide ont tendance à diminuer la vitesse des cycles.

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Fig.1 : Traduit de (Belovsky et Slade 2000) : Conditions de modification du cycle de matière et de production primaire au sol par les herbivores. A) Le cycle ralentit et la production primaire décroit. B) La vitesse du cycle augmente ainsi que la production primaire. L'épaisseur des flèches reflète l'ampleur de la consommation et du cycle de matière.

Cycle rapideCycle lentConsommation

HERBIVORES

Plantes à décomposition

rapide

Plante à décomposition

lente

Disponibilité en nutriments

Détritus

HERBIVORES

Plantes à décomposition

rapide

Plante à décomposition

lente

Disponibilité en nutriments

Détritus

A)B)

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Durant la deuxième partie du stage, nous nous intéresserons donc à l'influence des criquets, par l'intermédiaire de leurs excréments, sur le cycle de l'azote dans le sol et sur le développement des inflorescences, et ceci en fonction de la composition végétale de l'écosystème.

Nous supposons que la digestion des plantes par les criquets accélère ou diminue le cycle de l'azote selon la qualité nutritionnelle (quantité d'azote) des plantes ingérées. Nous présumons aussi que la présence des criquets freine le développement des inflorescences, suite à un stress.

Le travail réalisé pendant ce stage s'inscrit dans un projet de recherche plus global visant à étudier la structure et le fonctionnement des écosystèmes prairiaux subalpins du col du Lautaret. En effet, aujourd'hui, l'étude des écosystèmes ne se réduit plus à l'étude de la biocénose d'une part et à l'étude du biotope d'autre part, mais s'intéresse aux interactions entre les différents éléments du système, qu'elles soient entre des êtres vivants occupant un espace commun ou entre des êtres vivants et le milieu abiotique. Il est donc important de caractériser les interactions entre des criquets et des plantes, ainsi que leur impact sur les élément abiotiques du milieu (ici le sol).

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Matériel et méthodes

Pour réaliser les expériences de mon stage, des écosystèmes herbacés (mésocosmes) disposés au col du Lautaret et composés d'espèces appartenant aux prairies subalpines ont été mis en place en 2010. Ce dispositif original, lancé par le Swiss Federal Research Institute WSL en collaboration avec le laboratoire d'ECologie Alpine (LECA), permet de réaliser une étude semi-contrôlée et simplifiée dans un environnement où les espèces de criquets et de plantes se trouvent habituellement.

1) Dispositif expérimental

1.1.Région d'étude

Les expériences se sont déroulées à la Station Alpine Joseph Fourier, située au col du Lautaret (2058 m, 100 km au sud de Grenoble) dans le département des Hautes Alpes (région PACA). Sa situation au coeur de l'étage subalpin (1700 m – 2500 m) permet de recréer les écosystèmes simplifiés utilisés pour l'analyse, tout en restant dans les mêmes conditions climatiques et altitudinales. Pour déterminer le réseau d'interaction plante/criquet/sol, des mésocosmes ont donc été mis en place en juin 2010 (description dans le paragraphe suivant). Les crottes de criquets, utilisées comme matériel biologique pendant mon stage, ont été récoltées en juillet 2010. Pour les échantillonner les criquets ont été placés dans des tubes à essai pendant 20 minutes. Parallèlement à cette récolte, des mesures de traits des plantes et d'herbivorie avaient été effectuées.

1.2.Design expérimental

Les mésocosmes sont des pots composés de deux espèces de graminées (Dactylis glomerata et Festuca paniculata) en proportions variables soumises à l’herbivorie par deux espèces de criquets (Euthystira brachyptera et Chorthippus scalaris) maintenues dans les pots grâce à des filets afin d'éviter leur évasion. Les autres organismes (pucerons, champignons...) présents dans les pots ainsi que les maladies chez les criquets n'étaient pas contrôlés. Le design expérimental est donc de type semi-contrôlé. Le schéma sur la page suivante résume les différents traitements.

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Fig.2 : Position géographique du col du Lautaret

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21 Dactylis glomerata + 3 Festuca paniculata 3 Dactylis glomerata +

21 Festuca paniculata12 Festuca paniculata + 12 Dactylis glomerata

OU OU

Chorthippus scalaris2 Mâles + 2 Femelles

Euthystira brachyptera2 Mâles + 2 Femelles

Chortippus scalaris1 Mâle + 1 Femelle

Euthystira brachyptera1 Mâle + 1 Femelle

Pas de criquets

OU OU

OU

4 réplicats pour chaque modalité

48 Mésocosmes

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2) Caractéristiques des deux espèces de criquets et des deux espèces de poacées

2.1.Description des espèces de criquets

Les criquets que nous étudions appartiennent à l'ordre des Orthoptera, au sous-ordre des Caelifera, à la famille des Acrididae et à la sous-famille des Ghompocerinae. Ce sont les arthropodes phytophages dominants dans les écosystèmes prairiaux et ils jouent un rôle important dans le fonctionnement de ceux-ci (Belovsky, Latchininsky, et Sergeev 2000; Uvarov 1977; Chapman et Joern 1990).

Les deux espèces de criquets polyphages utilisées pour les expériences sont toutes deux présentes en montagne et sont facilement différenciables. Le mâle Chorthippus scalaris ou « criquet jacasseur » possède, sur les tegmina ou élytres (ailes antérieures cachant les ailes postérieures lorsque le criquet est au repos) du champ médian, de nombreuses stries parallèles semblables à des barreaux d'échelle lui permettant de striduler. La femelle quant à elle, ne possède pas cette organisation en échelle mais des nervures réticulées. Les oeufs sont en général déposés dans le sol. Euthystira brachyptera ou « criquet des genévriers » est caractérisé par les ailes atrophiées roses de la femelle, les ailes très réduites des mâles et une couleur verte du corps. Les oeufs sont déposés en général sur le repli d'une feuille de graminée et enrobés dans une sécrétion mousseuse qui durcit et forme une oothèque de couleur brune.

2.2.Description des graminées

Festuca paniculata et Dactylis glomerata sont deux espèces communes des Alpes françaises, (même si le dactyle est avant tout une plante de plaine) coexistant dans les prairies subalpines,

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Champ médian

Champ costal

Photo 2 : Euthystira brachyptera femelle (Espèce A)

Photo 1 : Chorthippus (Stauroderus) scalaris mâle (Espèce B)

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comme celles du col du Lautaret, mais pouvant se situer à différents étages altitudinaux (Grassein, Till-Bottraud, et Lavorel 2010). En effet, F. paniculata se situe au niveau des étages montagnard à alpin (1800 à 2200 mètres d'altitude) alors que D. glomerata se trouve dans les étages collinéen à alpin.

Ces deux espèces sont des plantes de grandes tailles à reproduction sexuée et multiplication végétative par rejet (Grassein, Till-Bottraud, et Lavorel 2010). Festuca paniculata ou « fétuque paniculée » est une plante profondément enfouie dans le sol, renflée à sa base en une sorte de bulbe formé par les gaines des feuilles emboîtées les unes dans les autres. L'inflorescence est en forme de panicule étalée à gros épillets. Dactylis glomerata ou « dactyle aggloméré », quant à elle, est une plante qui forme des grosses touffes. Les feuilles sont planes ou enroulées au bord, souvent un peu rugueuses. L'inflorescence est à épillets compacts souvent violacés (glomérules) groupés en touffes épaisses (Dorée 1995), (Fitter, Farrer, et Fitter 2009). Elles diffèrent cependant dans leur stratégie d'utilisation des ressources et leurs traits associés : D.glomerata est décrite comme une espèce exploitante possédant des grandes aires de feuilles (SLA : specific leaf area), de grandes teneurs en azote dans les feuilles (LNC : leaf nitrogen content) et préférant les terrains profonds souvent riches en azote, ce qui lui permet un turn-over rapide des tissus (Grassein, Till-Bottraud, et Lavorel 2010). Au contraire, F. paniculata est une espèce dont la stratégie de conservation des ressources implique d'autres traits améliorant la conservation des nutriments, comme par exemple un grand investissement de teneur en matière sèche dans les feuilles (LDMC : leaf dry matter content) (Grassein, Till-Bottraud, et Lavorel 2010). Elle préfère par ailleurs les sols bien drainés des pelouses acidiphiles denses établies sur les versants ensoleillés. Ces deux espèces sont donc opposées sur le plan de la croissance, l'une ayant une forte croissance (faible LDMC) caractérisée par une haute réponse à l'ajout de nutriments et l'autre ayant une faible croissance (haute LDMC) n'exprimant pas ou peu de réponse à la fertilisation (Grassein, Till-Bottraud, et Lavorel 2010)

Le choix de ces espèces pour l'expérience est donc expliqué par leur présence commune dans les prairies du col du Lautaret mais aussi par leurs qualités nutritionnelles opposées qui nous permettront peut-être d'expliquer des différences entre les régimes alimentaires des deux espèces de criquets.

3) Détermination du régime alimentaire des criquets adultes

3.1.Echantillonnage

Les déjections de chacun de ces criquets adultes, restés 2,5 mois dans les pots ont été collectées pendant le mois de juillet 2010 par Ibanez S. puis conservées au congélateur. Au laboratoire, je les ai broyées une par une dans quelques gouttes d'éthanol 60% afin d'éviter tout développement bactérien par la suite. J'ai monté cette suspension entre lame et lamelle que j'ai fixée avec du vernis. J'ai obtenu au final 75 lames. Dans certains mésocosmes, des criquets s'étaient enfuis, étaient morts ou ne faisaient pas de déjections au moment de la récolte. Il manque donc des résultats dans mon jeu de données.

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3.2.Création de la base de référence de tailles et observation des lames

Les restes de fragments végétaux présents dans les déjections de criquets ont été observés à l'aide d'un microscope (TV Lens C-0,6x, Nikon Japan, Eclipse E-600). La principale caractéristique permettant de différencier les deux espèces de graminées au niveau cellulaire est la paroi : celle de Festuca paniculata est crénelée alors que celle de Dactylis glomerata est droite (voir photos ci-dessous). Pour établir une base de référence de tailles, j'ai pris en photo les fragments de huit lames. J'ai déterminé l'espèce de chacun des fragments (par comparaison avec des fragments broyés des deux espèces correspondantes) et j'ai mesuré leur surface grâce au logiciel JMicroVision (Site Internet). Après avoir déterminé des intervalles de tailles allant de 0 à 1,8 mm² avec un pas de 0,1 mm², j'ai observé chacune des 75 lames au microscope en classant les fragments en fonction de l'intervalle de taille et de l'espèce de graminée correspondante. Les fragments dont la taille était supérieure à 0,5 mm² se trouvaient en faible quantité et étaient mesurés avec le logiciel JMicroVision. Par somme des surfaces des fragments j'obtiens donc des surfaces d'espèce de graminées digérées (et donc des pourcentages) par déjection. Pour résumer, chaque lame est donc définie par : les surfaces de fétuque et dactyle présents dans les déjections, l'espèce de criquet présente dans le mésocosme, les proportions de graminées dans chaque pot, le sexe du criquet.

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Photos 3 et 4 : Dactylis glomerata observée au microscope, objectif 20x et 40x

Photos 5 et 6 : Festuca paniculata observée au microscope, objectif 20x et 40x

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3.3.Analyses statistiques

Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R 2.12.1. Le seuil de significativité a été fixé à 5%. En préliminaire des analyses, nous avons testé la normalité et l'homoscedasticité. Certaines de nos données ne suivent pas la loi normale. De plus, comme nous souhaitons intégrer des effets aléatoires dans nos analyses, nous utilisons des modèles mixtes (GLMM : Generalized Linear Mixed Models). Ces modèles sont très utiles en écologie car ils permettent de quantifier la variabilité entre les « unités d'expérimentation ». Ceci permet alors aux biologistes d'extrapoler les résultats obtenus sur quelques unités expérimentales (ici : les mésocosmes) à un ensemble d'unités expérimentales (Bolker 2008). Après avoir testé tous les modèles mixtes possibles, nous retenons donc le modèle qui a la plus faible valeur d'AIC (Akaike's Information Criterion). C'est un critère de sélection de modèles qui pénalise ceux pour lesquels l'ajout de nouvelles variables explicatives n'apporte pas suffisamment d'information au modèle.

3.3.1.Existe-t-il des différences de régime alimentaire entre les criquets présents dans les pots avec des individus de leur espèce et avec des individus de l'autre espèce ?

Malgré le faible nombre d'observations dans la condition de mésocosme « AB » (C.scalaris et E.brachyptera dans le même pot), nous voulons vérifier si un criquet présent dans un pot avec des individus de son espèce a le même régime alimentaire qu'un criquet en contact avec des individus de l'autre espèce. Pour cela, nous subdivisons notre jeu de données en 2 : le premier composé des individus C.scalaris et le second des individus E.brachyptera. Pour chacune des subdivisions, nous réalisons un modèle mixte ne prenant pas en compte les conditions de mésocosmes (F, 50 et D) à cause du trop faible nombre d'observations pour chacun des cas. Nous allons donc comparer les régimes alimentaires pour la totalité des données d'une espèce, sans savoir si ceux-ci varient au sein d'un mésocosme.Nous avons testé différents modèles avec différents effets fixes combinés. Les effets fixes pris en compte sont :

– « 1 » : pas d'effet fixe– « Sexe » : Mâle ou Femelle – « Criquets » : A (E.brachyptera), AB (E.brachyptera et C.scalaris), B (C.scalaris)– « Fragment » : Fétuque ou Dactyle

Nous utilisons la surface des fragments de fétuque et dactyle présents dans les déjections comme variable à tester. Ceci nous permet de conserver les résultats bruts et d'intégrer l'effet aléatoire « mésocosme ». Il est nécessaire d'intégrer ces effets aléatoires car ils nous permettent de prendre en compte dans le modèle une partie de la variabilité qui n'est pas mesurée expérimentalement. Il existe en effet des variabilités au sein des mésocosmes : nombre variable de crottes échantillonnées par pot (à cause de la mort de certains criquets, de leur évasion ou bien du fait qu'ils n'avaient pas fait de déjections au moment de l'échantillonnage) ; position géographique du pot ; autres organismes présents différents dans chaque pot...

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3.3.2.Les conditions de mésocosmes influencent-elles le régime alimentaire des criquets ?

Nous nous intéressons ensuite aux différences de régime alimentaire entre les criquets. Grâce aux modèles mixtes, nous pouvons déterminer quel effet fixe explique le mieux ces variations. Nous réalisons cette analyse de deux manières différentes. Au cours de la première, les effets fixes sont :

– « Espèce » : Chorthippus scalaris ou Euthystyra brachyptera– « Plantes » : Fétuque dominante (F), Dactyle dominante (D), Dactyle et Fétuque en

proportions égale (50) ; c'est à dire les conditions initiales– « Sexe » : Mâle ou Femelle

L'effet aléatoire est le mésocosme.Au cours de la seconde analyse, nous utilisons les mêmes conditions. Seul change un effet fixe : la variable discrète de la composition végétale du mésocosme (F : Fétuque dominante, D : Dactyle dominant et 50 : Egalité des propotions de fétuque et dactyle) est remplacée par la variable continue représentant la proportion de fétuque et dactyle dans les pots au moment de l'échantillonnage des fèces. Ces données montrent une répartition continue (fig.3 et 4). Il est donc intéressant de les utiliser car elles représentent plus précisément la réalité du design au moment de la récolte (les proportions initiales de dactyle et fétuque évoluent au cours de l'expérience).

Pour finir et appuyer les résultats précédents, nous utilisons une nouvelle fois les modèles mixtes afin de tester si dans chaque condition de mésocosme, le criquet mange plus de fétuque ou plus de dactyle.

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Fig. 3 et 4 : Histogramme des fréquences des quantités de fétuque et dactyle présents dans les mésocosmes au moment de l'échantillonnage des déjections

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4) Digestibilité de la fétuque et du dactyle en fonction des deux espèces de criquets

Dans cette partie, nous voulons déterminer s'il existe des différences de digestibilité entre la fétuque et le dactyle en fonction du sexe et des espèces de criquets. Grâce à ces résultats, nous pourrons estimer un facteur de digestibilité afin de corriger les données issues des fèces. Nous aurons alors une vision plus juste du régime des criquets dans les mésocosmes. Pour réaliser cette expérience, nous affamons 8 criquets (4 mâles et 4 femelles) de chaque espèce pendant 24 heures.

4.1.Témoins

Nous mettons dans deux boîtes, 6 feuilles de dactyle et 6 feuilles de fétuque hydratées, auparavant pesées. Après 24 heures d'attente, nous les pesons à nouveau. Nous obtenons donc un facteur de perte en eau (décroissance de masse) des feuilles.

Pf/Pi = λ (perte d’eau, décroissance de masse) [Pf = Poids final Pi = Poids initial]

4.2.Détermination du LDMC (Leaf Dry Matter Content)

Nous utilisons à nouveau 6 feuilles de dactyle et de fétuque dont nous pesons la masse fraîche. Nous les mettons 48 heures à l'étuve à 70°C puis nous pesons la masse sèche (LDMC = Poids frais initial / Poids sec final).

4.3.Détermination de la masse ingérée par les criquets

Nous proposons à chaque criquet placé dans une boîte une feuille d'une espèce de plante maintenue hydratée et précédemment pesée. Après 24 heures d'attente, nous pesons à nouveau les feuilles afin de déterminer la masse ingérée.

ΔMf = Mi – Mf[Mi = masse initialeMf = masse finale]

4 .4.Fèces

Nous gardons ensuite les criquets dans des boîtes sans nourriture afin qu'ils réalisent leur digestion complète et nous collectons les fèces dont nous pesons ensuite le poids sec. Pour finir, nous pouvons calculer la quantité assimilée de matière et le degré de digestibilité des plantes (Miura et Ohsaki 2006).

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ΔMf * λ * LDMC = QingQing – Qcrotte = QassimiléeQassimilée/Qing = Digestibilité

[Qing = quantité de feuille ingérée par le criquet en gramme sec Qcrotte = quantité de feuille digérée, dans les crottes Qassimilé = quantité de feuille assimilée]

5) Concentrations en azote dans les sols des mésocosmes

Le recyclage de l'azote est un aspect cycle de matière non négligeable car ce composé est limitant dans les prairies subalpines. Il est donc intéressant d'étudier si la présence des criquets et la composition végétale des mésocosmes ont un impact sur ce cycle de l'azote. Les apports en azote dans le sol peuvent être multiples. Ici, nous ne nous intéressons qu'aux composés issus de la décomposition des végétaux issus directement des feuilles sénescentes tombées au sol (litière) et des fragments présents dans les fèces des criquets. Les décomposeurs du sol transforment cette matière organique azotée en plusieurs composés dont l'ammonium (NH4

+). Celui-ci est ensuite transformé en nitrites (NO2

-) puis en nitrates (NO3-).

5.1.Mise en place

En mai 2011, nous sommes montés au col du Lautaret pour déposer des sacs de résine dans le sol des mésocosmes. Chacun des 48 sacs en nylon contient 5g de résine fixatrice d'ions en billes. Lors d'un phénomène météorologique de précipitation, les ions non captés par la biomasse du mésocosme sont lessivés et en partie fixés par les billes de résine. Dans notre cas, nous analyserons uniquement la fixation des ions nitrates et ammonium. Six semaines plus tard, nous avons relevé et stocké les sacs dans des sachets individuels au réfrigérateur.

5.2.Technique d'extraction de l'ammonium (NH4+ ) et des nitrates (NO 3

- ) des résines fixatrices d'azote

L'analyse de l'azote des résines se réalise au laboratoire. Il est tout d'abord nécessaire d'extraire les ions fixés, puis de filtrer et enfin de réaliser un dosage par colorimétrie. Pour cela, nous avons tout d'abord placé chacun des sacs de résine dans des pots en plastique contenant 50mL de KCl (chlorure de potassium) à 1M. Les pots ont été agités pendant 1h à 250 tr/min puis les substrats ont été filtrés pour retirer la terre qui pouvait être présente. Les filtrats ont ensuite été congelés en attendant le dosage colorimétrique.

5.2.1.Dosage de l'ammonium

Les ions ammonium présents dans les échantillons réagissent avec le chlore libéré du dichloroisocyanurate en milieu alcalin pour former des chloramines. Ces dernières réagissent avec

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le salicylate à 37°C (45°C) en présence de nitroprussiate qui catalyse la réaction pour former un complexe indophénolique bleu vert. L’intensité de la coloration, proportionnelle à la concentration en ammoniaque, est mesurée spectrophotométriquement à 640nm ou 660nm.

5.2.2.Dosage des nitrates

Les nitrites sont dosés par formation d’un complexe coloré diazoïque par réaction sur la sulfanilamide couplée au Dihydrochlorure de N-1 naphthyléthylènediamine en milieu acide (pH 2).Le dosage des nitrates s’effectue après leur réduction en nitrites par passage sur une colonne de grains de cadmium traités par le sulfate de cuivre. C’est donc la somme des nitrates réduits et des nitrites initialement présents dans l’échantillon qui est alors dosée. Le composé diazoïque formé est de couleur rose violet. Sa concentration, proportionnelle à celle des nitrites, est mesurée spectrophotométriquement à 540 nm.

5.3.Analyses statistiques

En préliminaire des analyses, les deux principales conditions statistiques pour réaliser des tests paramétriques ont été vérifiées : les variables réponses doivent suivre la loi normale (vérifiée avec le test de Shapiro) et être homoscedastiques (vérifiée avec le test de Bartlett). Notre jeu de données est composé des concentrations en ions ammonium et nitrates pour chaque mésocosme. Comme nous possédons deux données par pot, nous réalisons des modèles linaires simples.

6) Développement des inflorescences

6.1.Echantillonnage

Afin de vérifier si les criquets ont une influence sur le développement des inflorescences de dactyle et de fétuque, nous récoltons mi-juillet tous les épis présents dans les mésocosmes. Nous les mettons ensuite à sécher à l'étuve à 70°C pendant 24 heures pour obtenir les poids secs.

6.2.Analyses statistiques

Nous possédons une donnée par pot pour chaque espèce de plantes. Étant donné le faible nombre d'échantillons d'épis de fétuque et de ce fait ayant des distributions de données non comparables, nous subdivisons notre jeu de données en deux parties : le premier composé des inflorescences de dactyle et le second des inflorescences de fétuque. Si on suppose que la variabilité individuelle de masse des inflorescences est faible alors les données de poids sont proches des données de comptage d'épis par mésocosme. De cette façon, nous pouvons analyser nos données grâce à un modèle linéaire généralisé (GLM) permettant l'utilisation de données suivant la loi de Poisson. Nous n'utilisons pas les modèles mixtes ici car nous n'avons qu'une mesure par mésocosme donc une donnée indépendante par pot.

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Résultats

1) Régime alimentaire

Les pourcentages de fétuque et dactyle digérés par les criquets suivent la loi normale. Étant donné que ces pourcentages sont complémentaires, nous n'analyserons que les données « fétuque ».

1.1.Existe-t-il des différences de régime alimentaire entre les criquets présents dans les pots avec des individus de leur espèce et avec des individus de l'autre espèce ?

Avec les pourcentages de fétuque et dactyle présents dans les crottes, nous obtenons les graphiques ci-dessous pour les deux espèces de criquets en présence ou non des individus de l'autre espèce.

Les tests statistiques réalisés sur des modèles mixtes nous apportent les résultats suivants :

17

Fig. 5 : Pourcentage de fétuque digéré par C.scalaris et E.brachyptera. Condition A : 4 individus d'E.brachyptera dans les mésocosmesCondition AB : 2 individus d'E.brachyptera et 2 individus de C.scalaris dans les mésocosmesCondition B : 4 individus de C.scalaris dans les mésocosmes

Euthystira brachyptera

Chorthippus scalaris

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Modèles testés BIC AIC

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ 1+(1|Mesocosme) 358,8 353,9

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+(1|Mesocosme) 361,4 354,9

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquets+(1|Mesocosme)

362 355,5

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquets+Sexe+(1|Mesocosme)

364,7 356,6

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquets*Sexe+(1|Mesocosme)

368,4 358,5

Modèles testés BIC AIC

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+(1|Mesocosme) 324,4 318,3

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquet+Sexe+(1|Mesocosme)

327,7 320,1

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquets*Sexe+(1|Mesocosme)

331,2 322

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ 1+(1|Mesocosme) 331,1 326,5

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition de criquets+(1|Mesocosme)

334,6 328,3

D'après les comparaisons d'AIC des différents modèles, nous observons que celui prenant en compte la composition de criquets dans les mésocosmes, c'est à dire si une espèce est seule dans un mésocosme ou avec l'autre espèce (A : 4 individus d'E.brachyptera, AB : 2 individus d'E.brachyptera et 2 individus de C.scalaris ou B : 4 individus de C.scalaris), a un fort AIC. Ce modèle n'est donc pas à retenir. Quand nous étudions ce modèle en particulier, nous observons que les estimateurs du modèle ont une faible valeur (estimateur = -4,4 pour E.brachyptera et estimateur = 6,96 pour C.scalaris) ce qui indique une très faible différence de régime alimentaire entre les deux conditions testées. Graphiquement et statistiquement nous pouvons en conclure que les différences de pourcentages de fétuque et dactyle ingérées ne sont pas dues au fait que le criquet soit avec des individus de son espèce ou non.

1.2.Les conditions de mésocosmes influencent-elles le régime alimentaire des criquets ?

Nous avons vu dans le paragraphe précédent que la présence d'individus d'autre espèce dans le pot 18

Tab. 1 : Résultats des modèles mixtes testés sur les données de pourcentage de fétuque retrouvés dans les fécès de C.scalaris

Tab. 2 : Résultats des modèles mixtes testés sur les données de pourcentage de fétuque retrouvés dans les fécès de E.brachyptera

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ne change pas le régime alimentaire des criquets. De plus, les effets fixes intégrant l'espèce de criquet et le fait qu'ils soient avec des individus de leur espèce ou non dans le mésocosme sont fortement corrélés. Ainsi, dans les modèles mixtes qui vont suivre, nous n'utiliserons que le facteur utilisant l'espèce de criquet.

1.2.1.Avec les conditions de mésocosmes initiales discrètesDans un premier temps, nous voulons observer si le régime alimentaire des criquets varie en fonction des conditions initiales de mésocosmes (F : Fétuque dominante, D : Dactyle dominant et 50 : Égalité des les proportions de fétuque et dactyle).

Nous testons différents modèles mixtes possibles :

Modèles testés BIC AIC

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+Espèce de criquet+Composition végétale+(1|Mesocosme)

653 637,1

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Composition végétale+Espèce de criquet+(1|Mesocosme)

657 643,2

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+Composition végétale+(1|Mesocosme)

672,3 658,5

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~Composition végétale+(1|Mesocosme)

676,5 664,9

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+Espèce de criquet+(1|Mesocosme)

679,1 667,8

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~Espèce de criquet+(1|Mesocosme)

683,2 674

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ Sexe+(1|Mesocosme) 695,3 686,1

Pourcentage de fétuque dans les fèces ~ 1+(1|Mesocosme) 699,5 692,5

Le modèle le plus adapté pour expliquer les différences de proportions de fétuque ingérées intègre les effets fixes additionnés : Sexe + Composition végétale du mésocosme + Espèce de criquet.

19

Tab. 3 : Résultats des modèles mixtes testés pour déterminer l'effet fixe expliquant le mieux les variabilités de pourcentages de plantes dans les fécès

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Estimateur Erreur standard t-value

Intercept : Femelle, C.scalaris, Composition végétale du mésocosme 50/50

52,97 4,6 11,52

Sexe : Mâle 1,77 4,37 0,41

Espèce : E.brachyptera -0,07 4,38 -0,02

Composition végétale du mésocosme : Dactyle majoritaire

-27,5 5,1 -5,39

Composition végétale du mésocosme : Fétuque majoritaire

13,14 5,6 2,35

Par la suite, quand on regarde ce modèle en particulier, on s'aperçoit que les valeurs d'estimateur sont faibles (Sexe : 1,77 ; Espece : -0,07). Ces deux facteurs n'expliquent pas à eux seuls la variabilité mais accentuent l'effet de composition végétale du mésocosme (F, 50, D) lorsqu'ils y sont ajoutés. Nous retenons donc cet effet comme principale explication des variations de proportions de fétuque et dactyle retrouvées dans les crottes. Lorsque le dactyle est majoritaire dans les mésocosmes, la proportion de fétuque dans les déjections est faible.

20

Fig.6 : Pourcentage de fétuque et dactyle ingérés par les deux espèces de criquets pour chaque condition de mésocosme (D : Dactyle dominant, 50 : 50% Dactyle+50% Fétuque, F : Fétuque dominante. Bleu : Dactyle, Rouge : Fétuque)

Tab. 4 : Résultats du modèle expliquant le mieux les variabilités de pourcentages de plantes dans les fécès

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1.2.2.Avec les proportions de thalles de fétuque et dactyle dans le pot au moment de la récolte des crottes

Avec un modèle mixte, nous estimons la corrélation de ces deux variables :

FétuqueEffet fixe AIC Estimateur (coefficient

de régression)Intervalle de confiance du coefficient de régression

Proportion de fétuque dans les pots au moment de l'échantillonnage des fèces

680,5 1,18 [1,06 ; 1,29]

Au vu de l'estimateur (coefficient de régression), le pourcentage de fétuque dans les crottes est fortement corrélé au pourcentage de fétuque dans les pots. Selon l'intervalle de confiance, la proportion de fétuque dans les pots est donc pratiquement proportionnelle à la proportion de fétuque dans les crottes.

Par ailleurs, dans le graphique 4, au vu de la répartition des données, nous pouvons observer qu'il y a en général plus de dactyle que de fétuque dans les mésocosmes.

1.4.Pour chaque crotte dans chaque condition de mésocosme, les crottes de criquets contiennent-elles plus de dactyle ou plus de fétuque ?

Nous avons vu que les variations des proportions de fétuque et dactyle dans les crottes étaient dues aux conditions initiales des mésocosmes mais nous ne savons pas s'il existe des différences dans les proportions de fétuque et dactyle ingérées dans chaque condition de pot. Parmi les différents modèles mixtes testés, le plus adapté est l'interaction entre les fragments de fétuque et dactyle et la

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Fig.7 : Pourcentage de fétuque par crotte en fonction du pourcentage de fétuque dans les pots

Tab. 5 : Corrélation entre la proportion de fétuque dans les pots au moment de l'échantillonnage et la proportion de fétuque dans les fécès

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composition végétale du mésocosme. Les résultats montrent que les criquets mangent significativement un peu plus de dactyle que de fétuque (Fragment Fétuque : estimateur = -0,03 ; p-value = 0,02).

2) Digestibilité de la fétuque et du dactyle en fonction des deux espèces de criquets

Nous observons qu'une plante ne se déshydrate pas forcément après quelques heures (F4, D1, D3, D4, D5, D6). Cette grande variabilité des plantes témoins nous empêche d'utiliser le facteur de déshydratation pour corriger le poids des feuilles mangées par les criquets. Les résultats des plantes témoins (F1..6 : Fétuque, D1...6 : Dactyle) ci-dessous ne sont donc pas exploitables.

Plante Pi Pf Pf/Pi Pi-PfF1 0,26 0,24 0,92 0,02F2 0,56 0,55 0,99 0,01F3 0,33 0,33 0,99 0,00F4 0,31 0,33 1,05 -0,02F5 0,12 0,12 0,99 0,00F6 0,26 0,26 1,00 0,00D1 0,25 0,25 1,02 -0,01D2 0,64 0,56 0,87 0,08D3 0,22 0,23 1,06 -0,01D4 0,33 0,35 1,06 -0,02D5 0,40 0,42 1,06 -0,02D6 0,17 0,18 1,07 -0,01

De plus, nous observons que la différence entre le poids final et initial des feuilles témoins est parfois supérieur à la quantité ingérée de feuille par les criquets. Nous ne pouvons donc pas quantifier parfaitement le poids de matière fraîche mangée par les criquets. L'hydratation de la feuille peut compenser la masse ingérée (Pi-Pf < 0 : E5 et E7).

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Pi = Poids initial de la feuillePf = Poids final de la feuille

Tab.6 : Tableau des données de déshydratation des plantes témoins (F1...6 : Fétuque ; D1...6 : Dactyle)

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Euthystira brachypteraNom Sexe Plante Pi Pf Pi-PfE1 M Fétuque 0,26 CRIQUET MORT NAE2 F Fétuque 0,37 0,27 0,11E3 M Fétuque 0,12 CRIQUET MORT NAE4 F Fétuque 0,36 0,23 0,13E5 M Dactyle 0,78 0,79 -0,02E6 F Dactyle 0,24 0,18 0,06E7 M Dactyle 0,31 0,34 -0,03E8 F Dactyle 0,57 0,53 0,04

Nous obtenons les mêmes conclusions pour Chorthippus scalaris.

Nos résultats préliminaires n'étant pas fiables, il nous est impossible de mettre en évidence une quelconque différence de digestibilité entre la fétuque et le dactyle pour les deux espèces de criquets. Nous ne corrigerons donc pas les pourcentages de plantes que nous obtenons par l'observation des fèces avec un facteur de digestibilité.

3) Composition en azote : Les criquets et la composition végétale du mésocosme ont-ils une influence sur la composition en ions ammonium et nitrates dans le sol ?

Nous n'obtenons pas de différences significatives dans les mésocosmes quelque soit la composition végétale et qu'il y ait présence de criquets ou non (pour NH4 et NO3: ANOVA, p-value > 0,05).

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Tab.7: Détermination de la quantité de matière fraîche ingérée par 8 criquets E.brachyptera.

E1...8 : E.brachyptera

Fig.7 et 8 : Graphique représentant les concentrations en ammonium et nitrates en mg d'azote/g de résine/jr dans les mésocosmes (croix bleues : moyennes, carrés rouges : données de concentration ; Conditions de mésocosme = Espèce de Criquets*Composition végétale, ex: A.50 : Criquet A et Composition végétale 50)

A.50 AB.50 B.50 O.50 A.D AB.D B.D O.D A.F AB.F B.F O.F

0.000

000.0

0005

0.000

100.0

0015

Conditions de mésocosme

Conc

entra

tion e

n NH4

en m

gN/g

de ré

sine/j

r

x xx x x x

x x x

x

x x

Composition végétale : 50

Composition végétale : D

Composition végétale : F

A.50 AB.50 B.50 O.50 A.D AB.D B.D O.D A.F AB.F B.F O.F

0.000

0.002

0.004

0.006

0.008

Conditions de mésocosme

Conc

entra

tion e

n NO3

en m

gN/g

de ré

sine/j

r

x

x

xx

xx x x x

x

xx

Composition végétale : 50

Composition végétale : D

Composition végétale : F

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4) Inflorescences

Les données des inflorescences suivent la loi de Poisson. Nous utiliserons donc des modèles linéaires généralisés (GLM) pour analyser les résultats.

Les résultats de la GLM pour les épis de dactyle montrent des variations de masse d'inflorescence :

Condition de mésocosme Z-value P-value

Pas de criquets 27,9 < 2e-16 ***

A -4,5 5.22e-06 ***

AB -2,8 0.0044 **

B -3,4 0.00079 ***

Dans le cas d'absence de criquets, le poids total des inflorescences d'un mésocosme est plus élevé que lorsque les criquets sont présents.

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Fig.8 et 9 : Histogramme de répartition des données de pesée (en grammes) des inflorescences de fétuque et de dactyle

Histogram of infloD$Poids_sec

Poids des inflorescences de dactyle

Fréq

uenc

e

0 5 10 15 20 25 30 35

05

1015

20

Histogramme de répartition des pesées des inflorescences de fétuque

Poids des inflorescences de fétuque

Fréq

uenc

e

0 1 2 3 4 5 6 7

010

2030

40

Tab. 8 : Résultats de la GLM intégrant le poids sec des inflorescences de dactyle comme variable à tester et l'espèce de criquet présente dans les mésocosmes comme effet fixe

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Dans le cas de la fétuque, nous n'observons aucune tendance dans les variations de masse d'inflorescence en fonction des compositions des mésocosmes (GLM ; p-value > 0,05).

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Fig.10 : Masse des inflorescences de dactyle en fonction des espèces de criquets présents dans les mésocosmes

Fig.11 : Masse des inflorescences de fétuque en fonction des espèces de criquets présents dans les mésocosmes

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Discussion

1) Régime alimentaire

Discussion sur la méthode employée :

La « méthode des déjections » est efficace et reconnue (Hansen et Ueckert 1971; Uvarov 1977) mais nous discuterons tout de même de ses avantages et de ses inconvénients.

Au début du stage, nous étions un peu méfiant quant à cette méthode car nous ne savions pas si les crottes allaient uniquement contenir les fragments du végétal pris au dernier repas ou des restes de repas antérieurs. Elle s'est avérée au final assez efficace car les déjections contenaient les deux espèces de fragments végétaux donc des restes de repas précédents. Restait le problème de la variabilité due à l'observateur. Les erreurs de détermination d'espèces (surtout au niveau des fibres) et d'attribution de tailles sont les principales origines des variations de pourcentages, suite à l'observation répétée d'une lame.

Certes, le biais de détermination des espèces de plantes est plus faible qu'avec la dissection de l'estomac, mais elle évite que les criquets soient tués, permet de récolter plus de données et de gagner du temps. Avec la « méthode des déjections », il y a un compromis entre la précision et le nombre de données collectées. Cette méthode de suivi indirect et non invasive a donné des résultats intéressants. Elle permet, de plus, un suivi relativement fiable du régime alimentaire des criquets et ne demande pas d'énormes moyens financiers. Une autre façon d'accéder à la détermination des espèces de plantes est d'avoir recours à la génétique. Cette méthode développée par Taberlet P. et Manneville O. permet d'identifier les plantes présentes dans les déjections. Le seul problème est qu'elle n'est pas quantitative, contrairement à notre méthode.

Digestibilité de la fétuque et du dactyle :

Le problème d'hydratation des feuilles ainsi que le faible nombre de tests réalisés nous empêche d'évaluer un facteur de digestibilité de la fétuque et du dactyle pour les deux espèces de criquets. De plus, dans la suite de l'expérience, nous ne pouvons assurer totalement que les déjections rejetées par les criquets contiennent uniquement les restes du repas de l'expérience, auquel cas, les rapports digestion/ingestion sont surestimés.

Environnement ou choix ?

Nous avons observé que les deux espèces de criquets avaient un régime alimentaire semblable. Etant donné que nous leur avons proposé uniquement deux espèces de graminées et que les criquets subissaient les mêmes conditions environnementales, il est fortement probable que l'absence de variations soit due aux traitements. Il est aussi possible, tout simplement, que les deux espèces aient le même régime alimentaire mais ceci est peu probable. En effet, dans une expérience

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réalisée sur les préférences des orthoptères, Ibanez S. (2010) a montré que C.scalaris se nourrissait de dicotylédones en général et de graminées alors que E.brachyptera ingérait uniquement des graminées, en partie différentes de celles utilisées par C.scalaris.De plus, la comparaison des régimes alimentaires entre des criquets en contact avec des individus de leur espèce ou avec des individus de l'autre espèce ne montre pas de différences significatives. Il ne semble donc pas y avoir d'interactions observables entre les deux espèces qui pourraient modifier leur régime alimentaire. Nous pouvons supposer que les ressources sont en assez grandes quantités pour subvenir aux besoins des deux espèces. Si les plantes avaient été en quantités limitantes (contrôle par la base), il aurait pu apparaître une compétition et donc des changements de régime alimentaire favorisant une espèce par rapport à l'autre.

Les principaux résultats de notre étude démontrent que le régime alimentaire des criquets est significativement corrélé avec les abondances relatives de plantes présentes dans l'environnement. Ces résultats sont cohérents avec ceux de Joern (1983) qui a aussi montré que la quantité de plantes retrouvées dans l'estomac des criquets dépend des proportions relatives de plantes dans l'environnement. De même, (Cottam 1985) a exposé que le criquet Omocestus viridulus consommait de manière proportionnelle la plante la plus abondante. Il y aurait alors conditionnement du choix sur la plante la plus abondante au départ.

D'après les résultats du modèle mixte, nous observons que la quantité de dactyle digérée est supérieure à celle de la fétuque. Nous ne prendrons pas en compte ce résultat car en général, la quantité de dactyle dans les pots est supérieure à la quantité de fétuque. Cette soit-disant « préférence » n'en est en réalité pas une. Elle est uniquement due au développement plus rapide du dactyle.Les résultats de notre expérience mettent donc en évidence que les criquets n'ont pas de préférence d'une plante par rapport à l'autre malgré l'existence d'analyses de composition en azote confirmant le fait que le dactyle est une plante de haute qualité nutritive et « savoureuse » alors que la fétuque est moins riche en azote et plus « dure ». Une théorie suggérant que l'azote est un composant limitant dans le régime alimentaire des herbivores (Hawlena et Schmitz 2010; Behmer et Joern 1997) nous poussait, par conséquent, à croire que les criquets auraient ingéré le dactyle en plus grande quantité quand ce dernier était en faible proportion ou à égale quantité avec la fétuque. Comme ce n'est pas le cas, notre conclusion est en contradiction avec les études antérieures. En effet, tout d'abord, Gardiner et Hill (2004) ont proposé à Chorthippus parallelus quatre espèces de plantes en quantités égales. Pour conclure, ils ont observé que les criquets passaient plus de temps à se nourrir sur Dactylis glomerata et Lolium perenne plutôt que sur Festuca rubra et C.cristatus pour les stades de maturité (Gardiner et Hill 2004)

Nous pouvons supposer que les criquets ingèrent uniquement le contenu cellulaire, en supposant qu'ils soient capables d'attaquer les parois des cellules. Cela supposerait donc que ce contenu ne varie pas entre la fétuque et le dactyle. Cette hypothèse nous permet donc d'expliquer pourquoi les criquets n'ingèrent pas une plante en particulier mais se nourrissent de celle sur laquelle « ils tombent ». La probabilité de se nourrir sur une plante est donc égale à la proportion de cette plante

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dans l'environnement.

De plus, de nombreuses expériences (Bernays et Chapman 1993; Bernays et Chapman 1994) , montrent que le régime alimentaire du criquet tend à être « équilibré » : ils ne se nourrissent pas exclusivement des plantes les plus riches et de celles qu'ils préfèrent mais font un mélange de plantes de qualités différentes. Au contraire, dans notre étude, dans le cas où le dactyle est en faible proportions, les criquets n'augmentent pas leur consommation pour améliorer la qualité nutritive de leur régime. Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer ce régime alimentaire mixte. L'hypothèse de nutrition complémentaire suppose qu'une seule espèce de plantes contient rarement tous les éléments nutritifs nécessaires au développement, et postule que cette extension de régime permet aux herbivores d'obtenir un complément de nutriments essentiels (Pulliam 1975). Une autre hypothèse de dilution des toxines explique que le fait d'avoir un régime mixte diminue la concentration de chaque catégorie de toxines présentes dans les plantes et donc diminue leurs effets sur les herbivores (Behmer, Simpson, et Raubenheimer 2002; Marsh et al. 2006; Singer, Bernays, et Carrière 2002). Enfin, la dernière suppose que le fait d'avoir une large gamme de plantes consommables apporte un avantage sélectif : moins de temps est requis pour chercher les plantes et ce temps gagné peut être utilisé pour la prévention contre les prédateurs ou pour la recherche d'un partenaire (Miura et Ohsaki 2006).

Les deux premières supposent un choix, une préférence émise par le criquet que nous n'avons pas observée. Dans notre cas, nous retiendrons donc la dernière hypothèse. N'ayant pas de prédateurs, et, ayant de la ressource en grande quantité, il n'est pas nécessaire pour eux de dépenser de l'énergie à en trouver. Unsicker (2008) a d'ailleurs montré que se nourrir dans des cultures mixtes versus monocultures augmentait le taux de survie des criquets.

Les résultats de cette étude doivent être pris avec précaution car les criquets étaient captifs et ne pouvaient ainsi se nourrir que sur 2 espèces de plantes. Dans la nature, les criquets ont un plus large choix de plantes et leur comportement peut alors différer. Il est impossible de tenter une quelconque généralisation concernant les relations entre spécialisation alimentaire et abondance végétale. En effet, selon le lieu et les espèces de criquets étudiés, les relations peuvent être totalement opposées. Par exemple, les rubiaceae du genre Borreria, parmi les plus abondantes en biomasse des espèces végétales non-graminéennes de savane, sont très rarement consommées, que ce soit par des acridiens sténophages ou par des polyphages (Le Gall 1989).

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2) Effet de l'herbivorie sur le fonctionnement de l'écosystème : Régulation du cycle de l'azote du sol et du développement des inflorescences par les criquets

Nous avons observé dans la partie précédente que les deux espèces de criquets avaient le même régime alimentaire mais cela n'implique pas que les conséquences sur le cycle de la matière soient similaires. En effet, il est possible que les systèmes digestifs des deux espèces diffèrent dans leur composition bactérienne provoquant ainsi des variabilités dans la digestion, donc des différences dans la décomposition des plantes ingérées, et enfin des impacts différents sur la litière donc sur le cycle de l'azote du sol.

Dans notre cas, nous n'observons aucune variation dans les compositions en azote selon que les pots contiennent ou non des individus, et selon la composition végétale du mésocosme. Lors de la mise en place des sacs de résine, les criquets n'étaient pas présents et ne l'avaient pas été depuis 8 mois. Nous supposons donc que l'absence de variation peut-être en partie être dûe à cette période d'absence d'individus. Après ces 8 mois, les différences qui auraient pu exister se seraient sûrement estompées suite à un pompage des nutriments par les plantes. Afin d'avoir de nouvelles informations, nous avons placé de nouveaux sacs de résine au moment où les criquets étaient encore dans les pots. A ce jour, nous n'avons pas encore les résultats mais nous pouvons supposer que l'effet des criquets sera peut-être plus visible.

Par ailleurs, dans une expérience complémentaire sur la décomposition de la litière dans les mésocosmes, Coq S. et Ibanez S. ont par ailleurs observé que la litière était moins dégradée en présence de criquets. Nous pouvons donc supposer que, par leur crottes, les criquets accélèrent le cycle de l'azote mais qu'en contrepartie, la moins efficace dégradation de la litière dûe à leur présence compense l'accélération. Ceci expliquerait donc l'absence de variations entre les pots.

L'impact des herbivores sur les plantes est un sujet très controversé et oppose trois camps. D'une part, il a été suggéré que l'herbivorie favorise la production des fruits et des graines (Hendrix 1979), de talles (Simberloff, Brown, et Lowrie 1978), de biomasse (McNaughton 1976), la disponibilité en nutriments (Paige et Whitham 1987). A l'autre extrême, des études d'agrosystèmes et de systèmes naturels montrent que les herbivores limitent la distribution de plantes (Harper 1977), réduisent leur potentiel reproductif (Rockwood 1973) et modifient leurs capacités de compétition (Harper 1977). Au centre se trouve la troisième hypothèse supposant que l'herbivorie n'a aucun impact sur le développement des plantes (Lee 1980), celle-ci remplaçant les tissus morts, et formant de nouvelles feuilles (Maschinski et Whitham 1989).

Selon Zhang, Han, et Elser (2011), avec la présence de criquets, la biomasse des plantes décroit et l'abondance de la litière augmente de 30%. Nous supposons que la diminution de biomasse freine alors la croissance des plantes qui n'ont pas assez de réserves pour entamer le processus de reproduction sexuée par la formation d'épis. Par ailleurs, dans une série de mesures réalisées en 2010 sur les mêmes mésocosmes, Ibanez S. a observé que l'herbivorie stimulait la production de nouvelles pousses (talles). De même, Artaux A. (2011), a remarqué que dans des prairies fauchées

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en conditions normales, c'est à dire ayant des apports en eau comparables à ceux des trente dernières années, la fétuque paniculée faisait plus de talles qu'en conditions de non fauche. Il est difficile d'associer ces deux résultats (Ibanez et Artaux) pour en tirer une conclusion plus générale : Maschinski (1989), en étudiant les impacts de l'herbivorie sur les plantes, a démontré que la compensation des plantes (production de talles, de biomasse...) face à la pression d'herbivorie varie en fonction des conditions locales. Les différentes réponses compensatoires résulteraient de l'absence ou présence de voisins, de la disponibilité en nutriments, du moment de la saison à laquelle l'herbivorie intervient.

Nos résultats amènent donc une nouvelle hypothèse supposant que les plantes semblent investir plus d'énergie dans la multiplication végétative que dans la reproduction sexuée lorsqu'elles subissent une pression forte de diminution de biomasse. Ce mode de reproduction plus efficace permettrait à un individu de faire face plus rapidement à une menace.

Pour conclure, nous avons donc démontré que les deux espèces de criquets étudiées se nourrissent en suivant les proportions de plantes de l'environnement. Elles n'émettent pas de préférences, de choix d'une plante par rapport à l'autre. Par ailleurs, aucune variation dans les compositions en azote du sol n'est observable selon les conditions de mésocosmes, mais ceci ne veut pas dire que les criquets n'ont aucun impact sur le cycle. Enfin, l'herbivorie semble défavoriser la reproduction sexuée au profit de la multiplication végétative.

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RésumésImpact de l'herbivorie sur le fonctionnement des écosystèmes herbacés

Mot-clé : Criquets, Régime alimentaire, Azote, InflorescencesAfin de comprendre la structure et le fonctionnement des écosystèmes prairiaux subalpins du

col du Lautaret, nous nous sommes intéressés à quelques aspects des interactions criquets-plantes-sol.

Tout d'abord, dans le but d'étudier le régime alimentaire des criquets, nous avons utilisé deux espèces de criquets (Euthystira brachyptera et Chorthippus scalaris) que nous avons placées dans des mésocosmes comprenant deux espèces de graminées (Dactylis glomerata et Festuca paniculata) en abondances variables. Ensuite, grâce à l'utilisation de sacs de résine, nous nous sommes intéressés à l'influence des criquets, par l'intermédiaire de leur déjections, sur une partie du cycle de l'azote du sol. Celui-ci a été quantifié grâce au dosage des ions ammonium et nitrates fixés aux billes de résine. Enfin, nous avons mesuré l'impact des criquets sur le développement des inflorescences des graminées.

D'une part, grâce à l'examen des fèces des criquets, nous avons observé que les abondances relatives des plantes retrouvées dans les déjections sont équivalentes aux proportions de plantes dans les mésocosmes. Dans un second temps, la présence des criquets ne modifie pas le cycle de l'azote du sol. Pour finir, nous avons mis en évidence que les inflorescences de dactyle se développent mieux en absence de criquets.

Impacts of herbivory on the functioning of herbaceous ecosystems

Key-word : Grasshoppers, Dietary, Nitrogen, Capitulum

In order to understand the structure and functioning of Lautaret pass subalpine grassland ecosystem, we were interested in a few aspects of grasshoppers-plants-soil interactions.

First of all, to study the grasshopper's dietary, we used two grasshopper species (Euthystira brachyptera et Chorthippus scalaris) putted in to mescosms containing two grass species (Dactylis glomerata et Festuca paniculata) with fluctuant abundances. Then, thanks to resin bags utilization, we interested in bias of grasshoppers, with faeces observations, on a part of the soil nitrogen cycle. Nitrogen was quantified thanks to the ammonium and nitrate measurement, that were stuck on resin balls. Finally, we measured the impact of grasshoppers on the grass capitulum growth.

On the one hand, thanks to the faeces observation, we observed that relative abundances of plants found in excrements were equivalent to plant proportions in mesocosms. Secondly, the presence of grasshoppers doesn't alter the soil nitrogen cycle. To finish, we highlighted that the non-attendance of grasshoppers support the development of Dactylis glomerata's inflorescences.

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