Rapport de stage Clémence / TC / 2008

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Clémence DURUPT Argentine 02/10/2008 AU 21/02/2009 Association Terre Construite Un stage / Plusieurs lieux d’interventions Gualeguaychù (Province de Entre Rios) Amaicha del Valle (Province de Tucuman) Santa Catalina (Province de Jujuy) Association Terre Construite http://terreconstruite.unblog.fr Maitre de stage : Cyrille Arvois Tuteur de stage : A.Peré Le 15 mai 2009

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Clémence DURUPT

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Association Terre Construite

Un stage / Plusieurs lieux d’interventions

� Gualeguaychù (Province de Entre Rios) � Amaicha del Valle (Province de Tucuman) � Santa Catalina (Province de Jujuy)

Association Terre Construite

http://terreconstruite.unblog.fr Maitre de stage : Cyrille Arvois

Tuteur de stage : A.Peré Le 15 mai 2009

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REMERCIEMENTS

Une expérience à l’étranger, c’est un enrichissement perpétuel car il se révèle tant au niveau professionnel que personnel. Au cours de ces quelques mois en Argentine j’ai été accueillie, aidée et soutenue par une infinité de personnes toutes aussi généreuses et curieuses les unes que les autres. Il apparaît donc opportun de commencer ce rapport de stage par des remerciements, tout d’abord au peuple argentin qui sait ce qu’accueillir signifie puis à tous ceux qui ont fait de cette expérience un moment enrichissant et formateur.

Je remercie en particulier Cyrille Arvois, mon maitre de stage et président de l’association Terre Construite, qui a su m’accompagner, me sensibiliser au contexte argentin et me donner des responsabilités tout au long de cette expérience. Merci à François Loze, membre fondateur de l’association, pour son savoir faire et ses conseils, à Maria José, pour tous les bons plats qui nous ont donnés la force de continuer le chantier, à Nicolas, notre voisin à Amaicha del Valle, pour sa bonne humeur et ses conseils, à Mirta Sosa, enseignante au Centre Criatic de Tucuman, pour ses apports théoriques ainsi qu’à Monica Calizaya et toute l’équipe de la Casona à Yavi.

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SOMMAIRE

Introduction ......................................................................................................................... p.4

Diversité et intérêt du matériau Terre .............................................................. p.5

Les missions ....................................................................................................................... p.7

a) Gualeguaychù

b) Amaicha del Valle

c) Santa Catalina

La structure associative Démarche collective et pratique du métier ................................................. p.12

Découverte d’une culture, d’un pays ................................................................ p.13

Conclusion……………………………………………………………………………………..…………p.14

Annexes…………………………………………………………………………………………………….p.15

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INTRODUCTION

Découvrir un nouveau pays, partager une nouvelle culture, échanger nos savoirs, sont pour moi les principaux ingrédients d’une ouverture d’esprit, d’un enrichissement personnel et professionnel. Une expérience à l’étranger est d’autant plus formatrice lorsqu’elle s’accompagne d’un projet et d’une immersion au sein des populations locales. L’association « Terre Construite » m’a offert cette chance de pouvoir me joindre à leur équipe sur divers chantiers et de prendre part à leur projet.

Leur projet vise à mettre en œuvre une structure d’échange universitaire qui se donne pour objet d’étude la terre comme matériau de construction. Cette plate forme d’échange permet aux étudiants de ce confronter aux techniques traditionnelles, de partager les savoir faire ancestraux avec les artisans locaux et de connaitre par la pratique, le matériau terre.

Il a pour soutien deux instituts de recherche, lesquels se consacrent à l'étude de la terre et de ses techniques constructives. Le premier est le CRIATIC1 de la Faculté d'Architecture de Tucumán en Argentine, le second est CRATERRE2 de l'Ecole d'Architecture de Grenoble en France.

Cette toute jeune association (crée en aout 2007) mène des actions dans différents lieux en Argentine mais se concentre plus particulièrement sur le site d’Amaicha del Valle où un réel travail de coopération s’est engagé.

Ce stage représentait pour moi une bonne opportunité de découvrir une autre façon d’exercer l’architecture, de manière plus pratique, à l’écoute d’un milieu, d’une population qui m’était inconnue. En vue de résumer de manière fidèle et analytique ces cinq mois passés au sein de l’association, j’introduirai dans un premier temps les différentes caractéristiques de la terre et ses avantages. Je présenterai, par la suite, à travers les différentes missions qui m’ont été confiées, le contexte dans lequel je travaillais et les connaissances que j’ai pu acquérir. J’analyserai la pratique du métier d’architecte au sein d’une structure associative. Enfin, je ferai part de la découverte d’une culture, d’un pays et de mon intégration dans celui-ci.

1 Centre Régional d'Investigation sur l'Architecture de Terre Crue 2 Laboratoire de recherche et une équipe d'enseignement de l'École d'Architecture de Grenoble

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DIVERSITE ET INTERET DU MATERIAU TERRE

La terre crue est considérée comme le matériau de construction le plus vieux de la Terre, elle est à la base d’une multitude de constructions témoignage vivant de l’histoire et de la culture des peuples. Cependant le matériau terre n’est pas considéré, comme peuvent l’être le bois ou l’acier, comme un matériau noble. Bien au contraire les constructions en terre, ont le plus souvent une connotation dépréciée et sont recouvertes, dissimulées sous une couche de paraitre moderne.

Cette pratique tombe aujourd’hui en désuétude dans les pays en développement mais connait une renaissance dans les pays industrialisés, à travers l’approche HQE. C’est pour cela qu’il parait indispensable d’encourager, de valoriser ces techniques dans les pays où elles existent encore afin de ne pas reproduire le même schéma.

L’Argentine de part son immensité, sa diversité et sa culture a su maintenir dans certaines régions, l’habitat de terre crue. Les artisans du nord-ouest argentins détiennent un savoir faire précieux autour du matériau terre. On rencontre dans cette zone principalement des chantiers d’habitation en adobe, brique de terre crue séchée au soleil. Mais on dénombre une multitude de mode de construction avec une infinité de variantes, d’après « Le traité de construction en terre »3 on recense sept techniques couramment employées à travers le monde :

Adobe : la brique séchée au soleil est plus communément sous le nom d’adobe. Les briques d’adobe sont moulées à partir d’une terre malléable souvent ajoutée de paille. Elles sont fabriquées manuellement à l’aide de moules en bois à forme prismatiques variées.

Pisé : la terre est comprimée en masse avec un pilon dans des banches, couche par couche, et banchée par banchée. Traditionnellement, ces outils sont en bois.

Terre-paille : pour cette technique, la terre utilisée doit avoir une bonne cohésion. Elle est dispersée dans de l’eau jusqu'à l’obtention d’une barbotine homogène, que l’on verse sur de la paille, jusqu'à enrober chaque brin. Au séchage, on obtient un matériau dont la texture est essentiellement celle de la paille.

Torchis : une structure en colombages et claies de bois hourdée avec une ou plusieurs couches de terre. Cette terre argileuse, amendée de paille ou d’autres fibres, constitue les parois de la bâtisse.

Blocs comprimés : pendant longtemps, on a fabriqué des blocs de terre à l’aide de moules dans lesquels on comprimait la terre à l’aide d’un petit pilon ou en rabattant avec force un couvercle très lourd. Ce procédé a été mécanisé et on utilise aujourd’hui des presses de toutes sortes. Les produits obtenus sont extrêmement variés.

Bauge : ce procédé consiste à empiler des boules de terre les unes sur les autres et à les tasser légèrement à l’aide des mains ou des pieds jusqu'à confectionner des murs monolithiques. Habituellement, la terre est amendée de fibres de natures diverses

Quelques soient la mise en œuvre, la terre crue offre de nombreux avantages, Tout d’abord construire en terre c’est construire avec un matériau que l’on foule aux pieds tous les jours, c’est une ressource locale, abondante et renouvelable à l’infini. Elle engendre donc un faible coût.

La terre crue est un excellent régulateur thermique, l’inertie du matériau permet d’accumuler de la chaleur puis de la restituer avec un décalage, ainsi pendant l'été il fait plus frais le jour car le mur se rafraîchit la nuit, rendant cette fraîcheur la journée. 3 « Traité de construction en terre », Craterre, Edition Parenthèses

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Ce matériau est d’autant plus intéressant dans les régions de haute altitude, comme certaines zones du nord ouest argentin, où l’altitude avoisine les 4000 mètres avec des décalages de température pouvant aller jusqu’a 30° C de différence entre le jour et la nuit.

De plus la terre crue présente une bonne performance hygrométrique : elle est en effet capable d’absorber le même volume qu’elle-même en vapeur d’eau. En agissant ainsi comme une éponge, la terre crue évite les problèmes de condensation sur les vitres et les miroirs. Elle absorbe aussi les odeurs et donne une bonne acoustique en amortissant les bruits.

La construction de terre crue offre un confort intérieur considérable et elle s’inscrit totalement dans une démarche économique et durable grâce à un faible impact sur l’environnement en terme de ressources utilisées pour sa fabrication et de pollution générée.

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LES MISSIONS

Les missions qui m’ont été confiées au cours de ces 5 mois m’ont permis de découvrir les différentes facettes de la construction en terre crue. De part son immensité l’Argentine offre une multitude de paysages, de faune, de flore et donc de terres. Chaque territoire possède une infinité de sortes de terre, et pour pouvoir s’en servir comme matériau de construction, il est important de connaitre ces propriétés fondamentales : la granularité, la plasticité, la compressibilité et la cohésion.

Les chantiers se déroulant parfois à plus de 2000 km les uns des autres, les techniques, la matière et le support furent très différents.

a) Gualeguaychù, Province d’Entre Rios

Parce que construire en terre c’est construire avec ce qui nous entoure, il me parait important, avant de retracer mon expérience, de décrire le contexte dans lequel nous nous trouvions, le climat, les activités, la faune et la flore de la province d’Entre Rios.

Gualeguaychù se situe au sud-est de la province d’Entre Rios, à 300km environ au nord de Buenos Aires. Cette province forme, avec celles de Misiones et Corrientes, la région de Mésopotamie argentine, la végétation y est donc luxuriante ponctuée par des

espèces d’arbres comme l’algarrobo, le nandubay… Le paysage plat avec de douces ondulations, annonce déjà les pampas, vastes plaines fertiles du centre argentin. La province connait un climat tempéré pampéen, fortement humide avec des précipitations abondantes d’en moyenne 900 mm par an. L’agriculture y est donc propice et une bonne partie de ces superficies de haute fertilité sont également utilisées pour l'élevage du bétail en prairie, essentiellement bovin.

Le premier chantier auquel j’ai participé s’est inscrit sur le site de Santa Ana à une trentaine de kilomètre de Gualeguaychù. Cette estancia, grande exploitation bovine sur 800 hectares cultive également du soja. Vivent sur place, deux familles, qui se chargent de la surveillance du bétail et de l’entretien de la ferme. A l’étroit dans leur maison il paraissait indispensable de créer de nouveaux espaces d’habitation. Le propriétaire à tout d’abord envisager l’installation d’une maison préfabriquée, mais suite à la rencontre avec l’association Terre construite, un chantier en terre crue s’est révélé bien plus avantageux et cohérent, d’un point de vue économique, écologique et social.

Cette région étant relativement prospère grâce à l’agriculture intensive, la construction de terre crue a considérablement diminuée voir disparue au profit des maisons préfabriquées et des parpaings. L’un des enjeux de l’association consiste à maintenir l’habitat de terre crue, un projet concret dans cette région était donc propice à une démarche de réinsertion du matériau, de transfert de savoir et de sensibilisation à l’écologie. L’association travaillait pour la première fois dans cette région, un travail d’analyse des ressources locales fut nécessaire avant la mise en place du chantier. La terre trouvée sur le site était très argileuse, la technique du coulé banché fut tout de suite envisagée dès les prémices du projet. Cette technique s’apparente à la bauge, c’est un

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système constructif monolithique de terre compactée amendée de fibres et contenue dans un coffrage. Il s’accompagne d’une structure en bois porteuse.

Pour la composition de la terre un rééquilibrage fut nécessaire car l’argile est un élément très instable, sujet à des variations de volume en présence d’eau et à un important retrait au séchage. Une trop grande proportion d’argile dans la terre à bâtir peut causer des désordres très importants dans le matériau notamment des fissures, il faut donc rééquilibrer le mélange avec un apport de sable, de fibre végétale, de chaux etc.… Une fois de plus sur le terrain la réalité est tout autre, la rivière n’ayant pas fait de crue il n’y avait pas de sable aux environs à additionner à la terre. Le mélange fut donc celui-ci : terre, paille en abondance, chaux et purin de cheval.

A mon arrivée, les fondations et la structure bois porteuse étaient mise en place et quelques murs déjà appareillés. J’ai assisté à la pose de la toiture et nous avons entrepris tout un travail de jonction, de finition entre murs et toiture afin d’isoler les différentes parties. Pour cela la technique du « chorizo » fut employée. Elle consiste à confectionner un petit fagot de paille que l’on torsionne et immerge dans une boue assez liquide. L’important pourcentage de paille assure une grande résistance. Par la suite chaque mur fut décoffré offrant de bonne ou de mauvaise surprise. En effet chaque terre réagit différemment, il est difficile d’évaluer sa réaction lorsqu’on la travaille pour la première fois, de plus derrière les coffrages on ne peut estimer réellement le niveau de séchage qui varie en fonction de la température et de l’humidité ambiantes. Chaque mur fut donc retravaillé, remis dans le plan et recouvert d’une première couche d’enduit de terre/paille.

Dans une volonté d’économie et en vue d’une amélioration de l’habitat, une démarche de récupération était au cœur du chantier :

- la terre, extraite pour les fondations, fut réutilisée pour les murs. - la toiture, alors que la plupart des habitations argentine sont dotées de tôle ondulée (véritable

désastre thermique et acoustique), celle-ci fut recouverte de plaque ondulée fabriquée à partir de tétrapak recyclé. Les particules d’aluminium contenues dans le tétrapak reflètent le soleil et ne provoquent donc pas de surchauffe en toiture.

- les cloisons et planchers, furent construits à partir d’anciennes palettes de bois, offrant une épaisseur de 15 à 18 cm et permettant un remplissage de paille.

Pendant un mois j’ai donc participé activement à ce chantier, prenant de plus en plus d’assurance dans la pratique de la terre crue. Grâce au travail d’équipe, et à l’application que Cyrille Arvois a pu mettre à m’expliquer et à me solliciter sur le chantier ; j’ai pu réellement m’approprier le projet, m’associant à la prise de décision, évaluant les besoins à venir, collaborant au bon déroulement du chantier.

Ce fut pour moi un réel chantier - école d’un point de vue technique et humain dans la gestion d’une équipe et autres interlocuteurs (commanditaire, fournisseurs…) J’ai pu profiter du savoir faire de chacun pour apprendre de nouvelles techniques et pratiquer les bases de la construction. La terre est un matériau très intuitif et malléable qui permet de se débarrasser de toute appréhension et de travailler de manière empirique en observant ces réactions.

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b) Amaicha del Valle, Province de Tucuman

La province de Tucuman est un tout autre univers. Le nord ouest argentin est un désert montagneux sculpté par le vent où s’insèrent quelques vallées verdoyantes parcourues de rivières. Cette région, bien qu’elle soit une des plus pauvres d’Argentine, possède une grande richesse minérale et forme le cœur historique des cultures précolombienne et coloniale de l’Argentine. Son altitude, son climat sec et ensoleillé en font une région principalement agricole, elle héberge aussi de nombreux artisans qui s’évertuent à préserver et perpétuer les richesses de leur culture. La cuisine, la

musique traditionnelle, les arts et l’artisanat semblent puiser ici en des sources millénaires : c’est la région où la population indigène a le mieux résisté à la colonisation.

Amaicha del Valle en est la preuve puisque c’est l’une des communautés indigènes les plus développée en Argentine. Elle s’organise autour d’institutions ancestrales telles que le cacique (personne qui détient l’autorité exécutive et qui est le représentant légal de la communauté) et le conseil des anciens. C’est pour cette particularité et cette richesse culturelle que l’association Terre Construite a élu domicile à Los Zazos, quartier haut d’Amaicha del Valle. Tout un travail fut mené avec la communauté indigène d’Amaicha afin de trouver un consensus sur les attentes de chacun. La communauté détient tous les terrains d’Amaicha, pour obtenir un titre de propriété il faut absolument faire partie de la communauté. Dans une volonté réelle d’échange, d’entraide et d’investissement dans le village, Terre construite s’est donc engagée sur différents domaines, en échange de l’acquisition d’un terrain :

• d’un point de vue humain - engager des amaicheños sur le chantier - les former durant le processus de construction - leur permettre de venir approfondir leurs connaissances en France dans l’institut

Craterre

• d’un point de vue technique - l'assistance technique pour la construction du Musée de la Communauté - l'esquisse d'un règlement urbain de la ville d'Amaicha del Valle.

Une vraie plate forme d’échange s’est créée autour de ce site associant trois peuples : les Diaguita (peuple indigène d’Amaicha), les argentins et les français. Une fois ce consensus établi, le projet c’est mis petit à petit en place et cela fait plus d’un an que les premières adobes furent posés non loin du dique (réserve d’eau) de los Zazos. Une confiance s’est instaurée entre les différents acteurs du village et l’association. Les quelques semaines passées la bas me portent à croire que le village ne ressent pas l’arrivée de Terre Construite comme une intrusion mais la considère plutôt comme un nouvel outil de travail et de conseil. L’investissement de l’association dans le village est d’autant plus réel qu’actuellement, toute une équipe d’étudiants, d’architectes français et argentins se met en place pour réaliser le relevé du territoire de la communauté (54000 hectares), dans le but de créer une base de travail pour un futur règlement urbain.

L’action menée par Terre construite avec la communauté d’Amaicha est pour moi un véritable exemple de cohérence et d’échange dans un projet dit « de solidarité internationale ».

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L’équilibre est souvent difficile à atteindre entre donner et recevoir, l’association a su se positionner de façon humble sans prétexter un projet humanitaire. Elle est devenue aujourd’hui un réel partenaire du village d’Amaicha del Valle.

Le siège de l’association est en réalité un terrain d’expérimentation, le chantier a débuté en janvier 2008. La première phase fut réalisée en collaboration avec des artisans amaicheños, des étudiants argentins de l’atelier du Criatic et des étudiants français de l’Institut Craterre4. Elle avait pour mission de réaliser le premier carrée (cf. Plan en annexe) offrant ainsi plusieurs pièces viables. Au terme du chantier la structure pourra accueillir les volontaires de tous horizons désireux d’expérimenter, de découvrir et travailler la terre crue.

Un chantier devait être mis en place lors de mon passage afin de couvrir et protéger les parties construire, mais avec le retard pris sur le chantier de Gualeguaychù, il fut impossible de mettre en place une réelle équipe de chantier.

Ce fut pour moi l’occasion d’exploiter au maximum ce lieu comme terrain d’expérimentation, de travailler la terre mais aussi le bois avec différents acteurs de passage sur le site. J’ai eu la chance, pendant mon séjour, de rencontrer Mirta Sosa, enseignante au centre Criatic5, qui m’a livré une réelle trame de travail, définissant les différentes étapes à mener pour chercher des dosages appropriés. Cette rencontre m’a aussi permis de réaliser à quel point la connaissance de la terre se faisait de manière empirique, en réalisant des tests, en analysant les réactions et en essayant de nouveau.

Je participais à l’avancement de la maison, en expérimentant différentes techniques afin d’améliorer le rendu final des enduits intérieurs avec une terre totalement différente de celle de Gualeguaychù. Ce fut aussi l’occasion pour moi de travailler en totale liberté et en évaluant par moi-même les priorités des travaux à faire avec les moyens mis à disposition. Ces quelques semaines passées à los Zazos furent aussi un excellent moyen de créer des liens avec la population locale, en m’intéressant à leurs coutumes et en participant à la vie quotidienne du village.

4 Laboratoire de recherche et une équipe d'enseignement de l'École d'Architecture de Grenoble 5 El Centro Regional de Investigaciones de Arquitectura de Tierra Cruda

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c) Santa Catalina, Province de Jujuy

Le dernier terrain d’intervention se situe à l’extrême nord de l’Argentine, à la frontière de la Bolivie. C’est au cœur de la puna, à plus de 3800mètre d’altitude que se niche le petit village de Santa Catalina. L’air se raréfie, le climat y est froid et les précipitations rares. L’habitat en terre crue est encore plus pertinent dans ces régions où les différences de température diurne et nocturne sont très importantes. Le climat façonne le paysage et surtout la vie des gens, ici on ne peut ignorer la nature qui nous entoure. Dans cette impression de bout du monde peuplé par des lamas et

des ânes, tout un village vit à l’abri des flux touristiques. L’unique bus de la journée, seul lien avec l’extérieur, achemine les hommes et les marchandises qui feront vivre le village.

Les prémices de l’association commencèrent ici. Première rencontre, premier échange de savoir avec ces incroyables artisans qui manient aussi bien la terre que la pierre.

Le chantier a débuté il y a 5 ans, il est né d’une amitié entre Monica Calizaya, professeur d’anglais à la Quiaca, François et Cyrille, ces deux derniers se chargèrent de la reconstruction de la maison familiale de Monica abandonnée depuis plusieurs années.

La maison fut reconstruite de manière totalement traditionnelle :

- les murs en adobe de 60cm de large - la charpente en bois et canisse - la toiture en « torta » (une couche de terre/ paille et recouverte de paille fine et

longue).

Cependant elle fut ponctuée par des nouveaux éléments visant à privilégier les points de vue et les usages. Une nouvelle construction vint surplomber le terrain, et l’église… Celle-ci démontre que l’on peut construire de façon traditionnelle avec une écriture totalement contemporaine, offrant beaucoup plus d’ouverture, de demi-niveaux, de vues.

En trois mois et trois mille dollars, une maison, un refuge, une filature fut construite mais depuis, peu de chose ont avancé et la maison a surtout besoin de vivre et d’être entretenu… Les maisons en terre ont besoin d’un entretien plus régulier, la terre étant friable lorsqu’elle n’est pas protégée par un enduit. Lors d’un de nos passages nous nous sommes aperçus que le toit fuyait, il était urgent de consolider la toiture afin de préserver les pièces de vie.

Confortée par les différentes expériences acquises, je pris l’initiative, sans trop d’appréhension, d’engager un chantier sur le site de Santa Catalina. Le travail constituait dans un premier temps à former une équipe, à trouver les matériaux nécessaires et à organiser le chantier. Le travail se négocie différemment, de façon beaucoup plus spontanée, ce qui est parfois difficile à concevoir dans notre mentalité française. Grâce aux contacts que l’on m’avait fournis, une équipe fut rapidement constituée pour aller chercher les différents matériaux : la terre et la paille. Par la suite plusieurs journées de travail furent nécessaires pour préparer la terre mélangée à la paille, l’acheminer jusqu’au toit et la déposer en couche épaisse. L’altitude rend le travail plus fatiguant et nécessite un rythme plus lent. Cette dernière expérience m’a permis de mettre en pratique les différents savoirs acquis au fil des mois et de mener à bien sous mon entière responsabilité un chantier dans des conditions climatiques et matérielles difficiles.

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LA STRUCTURE ASSOCIATIVE Démarche collective et pratique du métier

Une association née d’une volonté d’agir pour pratiquer, organiser ou changer les choses. Elle s’accompagne d’une idée ou d’un projet partagé par plusieurs personnes. On s'associe alors pour élaborer et réaliser un projet collectif sans motif de profit économique. Créer une association c'est faire le choix d'une démarche collective soucieuse de l'intérêt général. Bien qu’elle soit peu utilisée, la structure associative peut très bien s’appliquer dans le domaine de l’architecture. L’association « Terre Construite » vise à sensibiliser, revaloriser et diffuser les pratiques de construction en terre crue. Sa force réside dans l’association des savoir-faire, des compétences et des personnalités de chacun qui sont le gage de la richesse d’un projet. Cette démarche permet à chaque membre de prendre des responsabilités, de s’investir et de trouver sa place dans le projet. L’association suppose la confiance et la reconnaissance mutuelle mais aussi l’inscription volontaire dans un groupe pour créer et mener un projet commun. Cela implique un engagement, une démarche dans l’action, un investissement personnel qui rend chaque membre acteur et non plus spectateur. De plus l’association fonctionne sous la forme de chantier, ce qui permet réellement de transmettre des savoirs, de partager des moments collectifs et de créer une dynamique autour d’un même sujet.

Au cours de ces cinq mois j’ai pu constater l’impact que l’association avait sur les lieux d’investigation. Elle est devenue un réel outil et une plate forme d’échanges pour la population d’Amaicha del Valle et les étudiants de tous horizons. Elle a su créer un regain d’intérêt pour la construction en terre crue dans la région de Gualeguaychù, et a formé des artisans aux techniques de construction traditionnelle dans les régions où elles étaient en péril. Néanmoins j’ai pu remarquer qu’une association a besoin de temps pour se définir et devenir cohérente dans toutes ses actions. Cet équilibre nécessite du temps et de l’expérience et se dessine au fur et à mesure. Il me semble qu’à l’heure actuelle, Terre construite est encore en voie de définition.

Par ma propre expérience, j’ai pu constater que la cadre associatif permet des prises de responsabilité, un investissement personnel et un dépassement de soi même. Il me semble donc que cette façon d’exercer l’architecture engage beaucoup plus d’enjeux et de perspectives que dans l’exercice en agence. En effet l’architecture n’est pas qu’une simple affaire de construction, la liberté du cadre associatif semble approprier pour aborder l’architecture dans son ensemble : la conception, la construction, le vécu, la dimension environnementale et sociale… « Sur un bateau piloter c’est manier dynamiquement les contraires, c’est grâce au projet partagé qu’on affronte le mauvais temps. Sois guetteur, sache t’étonner pour saisir un monde mouvant. C’est le désir de manœuvrer qui rend les marins manœuvrant, libère leur gout de penser et d’agir avec leurs talents. Anime et forme sans compter, communique, évalue souvent lorsqu’ils deviennent « tous premiers » tu fortifies ton bâtiment à la pyramide fermée, préfère le réseau vivant, préfère la diversité à l’ordre des cerveaux en rang, lorsque la mer est agitée, nul détail n’est indifférent, n’essaye pas de tout diriger, pilote à la vague et au vent. » Métaphore de la navigation

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DECOUVERTE D’UNE CULTURE, D’UN PAYS

Certains traits de l’Argentine sont bien connus, tandis que d’autres demeurent largement ignorés. Ainsi, je suis partie avec pleins d’images en tête, de tango, de bœuf grillé et de paysages illimités. Mais l’Argentine est bien plus complexe et plus riche que tous ces clichés. Elle possède une multitude de peuple, de coutumes, de paysages différents. Ces cinq mois m’ont à peine suffit pour comprendre ce pays qui fut malmené par les multiples dictatures, anéanti par un effondrement économique et financier mais aussi animé par des valeurs ancestrales.

Mon séjour à Gualeguaychù m’a donné à voir l’Argentine agricole, les élevages bovins et les vastes cultures intensivement de soja. J’ai pu vivre au quotidien les préoccupations locales, les différentes hiérarchies au sein d’une estancia6 et comprendre que pour un argentin un repas sans viande n’est pas un repas. Le travail avec toute l’équipe de chantier m’a permis d’appréhender la place et l’importance du travail dans le quotidien de chacun. Cependant comme en France, l’intégration d’une personne de sexe féminin sur un chantier prend du temps et s’apprivoise. De plus l’apprentissage de la langue en parallèle d’un travail physique important est parfois dur à concilier.

Sur les terres Calchaquies, une autre culture, une autre Argentine s’est ouverte à moi, beaucoup plus emprunte de tradition et de folklore. La construction de terre crue, l’agriculture en terrasses, les systèmes d’irrigations sont autant d’inventions millénaires qui semblent ne faire qu’un avec le milieu. La population indigène fonctionne en communauté ce qui laisse découvrir tout un autre mécanisme, un autre fonctionnement au niveau social, pratique ou financier. Cela permet d’imaginer d’autre façon de vivre et d’appréhender le territoire, la propriété.

Cinq mois dans un pays permettent réellement de découvrir une façon de vivre et de se l’approprier. J’ai pu perfectionner une langue, partager des moments privilégiés avec les personnes qui ont croisé mon chemin, pour au final me sentir comme chez moi. Tout ce que j’ai pu découvrir pendant cette expérience est aujourd’hui autant d’outils que j’utiliserai pour créer un avenir.

6 Ferme

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CONCLUSION

Cette première expérience professionnelle à l’étranger m’a permis de me détacher réellement du cursus universitaire et de prendre du recul sur mes aspirations futures. Le travail en équipe sur le chantier à mis en évidence mon manque de connaissances techniques et d’expériences pratiques mais à aussi révéler le plaisir de participer activement à la réalisation d’un bâtiment.

Mon stage a été très bénéfique à cet égard car j’ai eu la chance de travailler en direct sur les chantiers, de mettre la main à la pâte confrontant ainsi mes connaissances personnelles au monde de la construction.

Au fil des mois j’ai su prendre des responsabilités dissipant petit à petit mes appréhensions et mes doutes grâce au travail d’équipe, à l’entraide et à l’échange de savoir.

Cette expérience fut donc une succession d’étapes qui s’enchainèrent comme des ressorts me propulsant toujours plus loin dans mon apprentissage et ma découverte d’un pays, d’une pratique.

La confrontation à des façons de vivre et de travailler différemment, le fait de ne plus avoir de repères, plus d’habitudes auxquelles se rattacher, ont mis tous mes sens en éveil et ma curiosité en ébullition.

Ainsi chaque rencontre, chaque discussion comblaient un manque pour en ouvrir un nouveau. Chaque fois que je saisis quelque chose, c’était pour comprendre que quelque chose m’échappait. On m’apportait des réponses qui étaient des questions. Chaque manque de compréhension ouvrait le désir, désir d’aller plus loin, d’interroger, de nourrir.

Cet état de curiosité insatiable est très motivant et agréable, il me donna dès mon retour l’envie de repartir. Cependant avant de renouveler l’aventure, il faut mettre cette richesse, tout cet apprentissage au profit de mon parcours universitaire et de mon entrée dans la vie active.

En effet ce stage m’a permis de découvrir une pratique du métier très proche de mes aspirations. On évoque très peu, dans notre formation, les différentes alternatives à la profession. Pourtant le métier d’architecte ne se limite plus aujourd’hui à une simple activité en agence. La diversité du métier s’enrichit de jour en jour et l’on voit apparaitre de nouvelles façons d’exercer, de critiquer, de promouvoir l’architecture. Cette expérience m’a permis d’éclaircir mes envies et de mieux cibler mes attentes dans la façon d’exercer l’architecture.

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ANNEXES

Documents graphiques :

1) Gualeguaychù : Plan/ façades/ perspective

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Croquis des principes constructifs :

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2) Amaicha del Valle : Plan/ Photos

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3) Santa Catalina : Plan/ Coupe/Façade :

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NOTE DE SYNTHESE

Découvrir un nouveau pays, partager une nouvelle culture, échanger nos savoirs, sont pour moi les principales ingrédients d’une ouverture d’esprit et d’un enrichissement personnel et professionnel. Ainsi les 5 mois de stage que j’ai passé au sein de l’association Terre Construite en Argentine fut une expérience étonnante, enrichissante et formatrice.

L’association « Terre Construite » fonctionne sous la forme de chantier et vise à sensibiliser, revaloriser et diffuser les pratiques de construction en terre crue

Les différentes missions qui m’ont été confiées m’ont permis de découvrir et pratiquer les multiples techniques de construction en terre crue.

De Gualeguaychù à Santa Catalina en passant par Amaicha del Valle, j’ai pu aller d’une région à l’autre, découvrant l’Argentine grâce aux divers chantiers. Cette expérience pratique fut pour moi un réel chantier - école d’un point de vue technique et humain dans la gestion d’une équipe et autres interlocuteurs (commanditaire, fournisseurs…) J’ai pu profiter du savoir faire de chacun pour apprendre de nouvelles techniques et pratiquer les bases de la construction. La terre est un matériau très intuitif et malléable, ainsi au fil des mois j’ai su prendre des responsabilités dissipant petit à petit mes appréhensions et mes doutes grâce au travail d’équipe, à l’entraide et à l’échange de savoir.

Concernant ma structure d’accueil, j’ai pu constater que la cadre associatif favorisait un investissement personnel et un dépassement de soi même. En effet la force de « Terre Construite » réside dans l’association des savoir-faire, des compétences et des personnalités de chacun qui sont le gage de la richesse d’un projet. Cette démarche permet à chaque membre de prendre des responsabilités, de s’investir et de trouver sa place dans le projet. Il me semble donc que cette façon d’exercer l’architecture engage beaucoup plus d’enjeux et de perspectives que dans l’exercice en agence. En effet l’architecture n’est pas qu’une simple affaire de construction, la liberté du cadre associatif semble approprier pour aborder l’architecture dans son ensemble : la conception, la construction, le vécu, la dimension environnementale et sociale… Cinq mois dans un pays permettent réellement de découvrir une façon de vivre et de se l’approprier. J’ai pu perfectionner une langue, partager des moments privilégiés avec les personnes qui ont croisé mon chemin, pour au final me sentir comme chez moi. Tout ce que j’ai pu découvrir pendant cette expérience est aujourd’hui autant d’outils que j’utiliserai pour créer un avenir.

Cette expérience fut donc une succession d’étapes qui s’enchainèrent comme des ressorts me propulsant toujours plus loin dans mon apprentissage et ma découverte d’un pays, d’une pratique.

En effet ce stage m’a permis de découvrir une pratique du métier très proche de mes aspirations. On évoque très peu, dans notre formation, les différentes alternatives à la profession. Pourtant le métier d’architecte ne se limite plus aujourd’hui à une simple activité en agence. La diversité du métier s’enrichit de jour en jour et l’on voit apparaitre de nouvelles façons d’exercer, de critiquer, de promouvoir l’architecture. Cette expérience m’a permis d’éclaircir mes envies et de mieux cibler mes attentes dans la façon d’exercer l’architecture.

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