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1 Rapport de la Réunion d’experts sur L’élaboration du Volume IX De l’Histoire générale de l’Afrique Addis Ababa, Ethiopie 20-22 Mai 2013 L’HISTOIRE GÉNÉRALE de L’AFRIQUE

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Rapport de la Réunion d’experts sur

L’élaboration du Volume IX

De l’Histoire générale de l’Afrique

Addis Ababa, Ethiopie

20-22 Mai 2013

L’HISTOIRE GÉNÉRALE de L’AFRIQUE

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Rapport Général

Par Augustin Holl

Introduction

Les neuf modérateurs et rapporteurs de la réunion se sont retrouvés le 22 Mai 2013, de 9h à

14h en vue de préparer ensemble le présent rapport général qui se veut une synthèse de leur

compte rendu des différentes sessions.

La réunion d’experts sur l’élaboration d’un 9ème volume de l’Histoire générale de

l’Afrique (HGA) s’est tenue à Addis-Ababa, en Ethiopie, du 20 au 22 Mai 2013. Une

quarantaine de participants d’Afrique, Asie, Amérique, et Europe ont participé aux travaux

qui ont été structurés en huit sessions, dont celle d’ouverture et de clôture.

La cérémonie d’ouverture

Le 20 Mai 2013, la réunion a démarré avec la projection du film sur l’HGA. Elle a été suivie

par la cérémonie d’ouverture avec les allocutions ( par ordre d’intervention) du Professeur

Elikia M’Bokolo, Président du Comité Scientifique de l’Histoire générale de l’Afrique, Mr

Mulugeta Said, Vice-Ministre de la Culture et du tourisme, Mme Isabel Cristina de Azevedo

Heyvaert, Ambassadeur de la République Fédérale du Brésil, Mr Getachew Engida, Directeur

général adjoint de l’UNESCO et Mr Erastus Mwencha, Vice-Président de la Commission de

l’Union africaine (UA). Tous ont réitéré l’importance de ce projet pour la construction de

l’unité et de l’intégration africaines et leur volonté de le soutenir par tous les moyens. Ils ont

également tenu à féliciter l’UNESCO pour le travail accompli et l’ont encouragée à réunir les

meilleures conditions pour mener ce projet à terme.

La séance a été honorée par la présence de leurs Excellences les Ambassadeur du

Venezuela et du Mexique, le Commissaire de l’UA en charge des ressources humaines, des

sciences et technologies (HRST), M. Paul Ikounga et le Directeur de HRST, Abdul-Hakim El

Waer.

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Session 1 : Présentation de l’Histoire générale de l’Afrique (HGA)

La session 1 a été consacrée à la présentation de l’Histoire générale de l’Afrique.

M. Ali Moussa Iye, Chef de la Section Histoire et Mémoire pour le Dialogue de

l’UNESCO a présenté l’aventure de l’HGA depuis la première phase en 1964 et son

achèvement en 1999, les enjeux de la seconde phase à partir de 2009 sur son utilisation

pédagogique et enfin les objectifs du 9eme Volume lancé avec cette réunion d’experts.

Le Professeur Doulaye Konaté, Président de l’Association des Historiens Africains

(AHA) a, quant à lui, présenté l’ambitieux travail de revue des contenus des 8 volumes de la

collection effectués en 2010 par une équipe de 16 historiens qu’il a coordonnée. Il a analysé

la pertinence de cette collection, tout en soulignant les insuffisances et les lacunes qui

nécessiteraient d’être comblées. Il a précisé que le travail de relecture des contenus a permis

d’élaborer un rapport sur chacun des 8 volumes et une synthèse générale qui sont

intégralement disponibles en ligne sur le site de l’Histoire générale de l’UNESCO.

Ces deux interventions ont été suivies de discussions sur les orientations théoriques et

épistémologiques qui ont présidé à la rédaction de l’HGA. Ils ont également porté sur les

questions de renouvellement et d’ouverture de nouvelles lectures de l’histoire.

Les intervenants ont estimé que certaines problématiques de départ devraient être

réactualisées à la lumière des nouvelles connaissances et attentes des Africains et des

diasporas.

En conclusion, la session a permis d’historiciser le processus de réalisation de l’HGA

et d’entrevoir les réaménagements et l’actualisation nécessaires dans le cadre du 9ème

volume.

Session 2 : Orientation générale du 9ème volume

La session 2 a examiné l’orientation générale du 9eme volume de l’Histoire générale de

l’Afrique. Elle a permis de faire un tour d’horizon des suggestions sur le format le plus

approprié dans ce cas de figure, les stratégies de sa dissémination, l’utilisation des

technologies de l’information et de la communication mais aussi la vulgarisation des

connaissances. Il a été admis que le 9eme volume ne serait pas le dernier et comporterait

plusieurs tomes pour pouvoir aborder toutes les problématiques soulevées.

Et il a été aussi recommandé de s’appuyer dès le début sur divers supports pour

toucher différents publics (milieux universitaires, enseignants, jeunes et grand public). Les

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participants ont insisté sur le fait que les connaissances développées dans le cadre de ce

volume doivent être publiques, libres et faciles d’accès pour tous.

Session 3 : Mettre à jour l’HGA : Récents développements dans la recherche scientifique

La session 3 a permis de brosser un panorama des développements récents dans la recherche

scientifique aussi bien en Afrique que dans les diasporas. Cette exploration a porté sur une

large gamme de disciplines, telles que l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie, la

philosophie, l’économie, le droit, la sociologie, les sciences de l’environnement, pour n’en

citer que quelques-unes. Il s’agissait d’identifier les développements récents dans les

domaines mentionnés et leur apport a une meilleure perception et compréhension de l’histoire

des Africains et des personnes d’ascendance africaine. Les participants se sont penchés sur les

meilleurs moyens de prendre en compte ces développements et la méthodologie à adopter

pour la mise à jour de l’HGA.

Au niveau du renouvellement des concepts, paradigmes et approches, les intervenants

ont insisté sur la présentation sereine et sophistiquée des connaissances sur l’HGA et ont

recommandé un abandon pur et simple des postures défensives. Le concept d’ « africanité

globale » a été évoqué et débattu. Les approches transdisciplinaires et pluridisciplinaires ont

fait l’objet d’un fort consensus. L’importance de la dimension linguistique dans l’élaboration

et l’utilisation pédagogique de l’HGA a été fortement soulignée. Et enfin divers points de vue

ont été exprimés sur les processus d’expansion, la présence et les influences africaines dans le

monde (Amérique centrale, Amérique du Sud, Océan indien, Inde, etc.)

Session 4 : Mise à jour de l’HGA : Repères et défis dans l’histoire africaine récente

L’essentiel des discussions durant cette session s’est concentré sur la chronologie du

panafricanisme. Le congrès de Manchester de 1945 a été suggéré par certains comme point de

départ du 9eme Volume. L’idée d’une chronologie modulaire, avec des séries de dates faisant

sens, a été adoptée. Cela devra être abordé avec des séquences longues à diverses échelles.

Différents thèmes ont été également abordés parmi lesquels le problème de la non-intégration

des valeurs et conceptions africaines dans les systèmes politiques contemporains du

continent ; l’imposition des théories du développement et les plans d’action économiques non

endogènes; la conception de l’Etat-nation, la récurrence des conflits, l’intégration régionale, la

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place de l’Afrique dans le monde d’aujourd’hui, les nouveaux rapports avec la Chine et le

monde émergent ; les constructions identitaires ; l’environnement ; l’accaparement des

terres africaines et l’exploitation des ressources naturelles ; la question du genre ; la santé et la

sécurité alimentaire. Citant la réponse d’Aimé Césaire à Maurice Thorez, un des intervenants

a résume l’état d’esprit qui a guidé ces échanges : « L’heure de nous-mêmes a sonné »

Session 5 : Revisiter la Diaspora africaine : Définition et défis

La session a permis de revisiter les définitions existantes du concept de diaspora et discuté des

défis auxquels elle se trouve confrontée dans le contexte mondial actuel. Il a été reconnu que

la référence biblique de ce terme posait problème et qu’il fallait réfléchir à des redéfinitions

qui tiennent mieux compte des expériences particulières des migrations et déportations des

africains. Il a été reconnu que la diversité des processus historiques et des situations

appelaient à parler plutôt des diasporas au pluriel afin mieux prendre compte ces expériences

et ces historicités singulières sans cependant perdre de vue les héritages et les conditions

communs. Les diasporas africaines sont multiples et présentent des itinéraires de

développement fort variables. Les approches doivent être plurielles et les formes

d'identifications diverses. Quelles orientations assigner à l'étude des diasporas africaines ?

Devrait-on mettre l’accent sur les luttes pour la dignité et la reconnaissance, la liberté et le

développement, les contributions des diasporas africaines à la construction du monde

moderne ou encore sur la contribution à l’émancipation du continent et à l’unité africaine?

Les interrogations se sont également concentrées sur les rôles complémentaires éventuels des

diasporas africaines dans le nouveau contexte international et régional. Y-a-il des défis

spécifiques auxquels les diasporas africaines sont confrontées aujourd’hui? Les échanges sur

ces thèmes ont été particulièrement animés. Le 9eme volume devrait s’articuler autour des

rendus d'expériences historiques dans ses volets « départ et retour », ses « va-et-vient », ses

résistances et luttes, ses itinéraires et ses multiples dynamiques sociales, culturelles, politiques

et religieuses.

Au vu des enjeux de ce travail, les participants ont décidé, lors de cette session, de

rédiger un Appel aux Chefs d’Etat et de Gouvernement Africains pour leur demander de

prendre leur responsabilité et de soutenir le projet de l’HGA qui constitue un des fondement

de l’unité et de l’intégration entre les pays africains d’une part et entre le continent et ses

diasporas d’autre part.

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Session 6 : Formuler des recommandations pour la rédaction du 9ème volume

La séance 6 a tout d’abord permis de discuter et adopter le projet de rapport général qui

devrait synthétiser les débats et l’Appel aux Chefs d’Etat qui avait été préparé par un comité

restreint. Les recommandations adoptées sur le 9ème volume touchent aux points suivants :

- Le 9ème volume doit offrir une présentation sereine et sophistiquées de l’état des recherches

sur l’Afrique, les africains, les diasporas, et les personnes d’ascendance africaine.

- Le volume doit introduire et étayer le concept d’ « Africanité globale » qui offre une vision

cohérente et holistique de l’Afrique et de ses liens avec ses diasporas vivant dans les autres

régions du monde. Il doit offrir une cartographie de ces « africanités » à l’échelle globale

- Le volume devrait démontrer et tenir compte de la dimension linguistique de la renaissance

africaine, à travers non seulement l’utilisation des langues africaines dans le processus de

transmission mais également dans le processus même de production des connaissances en

utilisant les concepts, termes et paradigmes développés dans ses langues pour expliquer les

visions du monde.

- Le volume doit accorder une attention particulière à la nécessité d’une transition écologique

(agriculture biologique) pour répondre à l’impasse des modèles de développement et des

modes de vie modernes en mettant en valeur les systèmes de connaissance endogènes

africains offrant des alternatives à la crise actuelle.

- Le volume devrait revenir sur les théories controversées sur le processus de peuplement des

Amériques en confrontant les différentes théories.

Séance de clôture

La réunion des experts s’est achevée le 22 Mai à 18h par une cérémonie de clôture, avec les

allocutions du représentant de l’UNESCO, du représentant de la Commission de l’Union

Africaine, et du représentant du gouvernement brésilien. Les recommandations et l’Appel aux

Chefs d’Etat furent présentés par le Professeur Elikia Mbokolo, Président du Comité

Scientifique de l’HGA et adoptés à l’unanimité.

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Rapports des sessions 1 et 2 Présentation de l’Histoire générale de l’Afrique (HGA)

Modérateur : Prof. Elikia Mbokolo Rapporteur : Mme Florence Alexis et Martial Ze Belinga Ali MOUSSA-IYE, chef de la section Histoire et Mémoire pour le Dialogue de UNESCO fait

une présentation générale du projet de l’Histoire générale de l’Afrique (HGA) depuis ses

origines en 1964 jusqu’à ses derniers développements en 2013. Il rappelle que ce projet fut

demandé par les Etats africains nouvellement indépendants et lancé par l’UNESCO afin de

répondre aux préjugés raciaux et discours séculaire développés sur l'Afrique pour justifier la

traite, la colonisation et le néocolonialisme. Il a examiné les défis politiques,

méthodologiques, épistémologiques, pédagogiques et culturels soulevés par ce projet depuis

sa première phase (élaboration des 8 volumes) jusqu’à sa seconde phase (utilisation

pédagogique des volumes). Il a enfin expliqué les raisons et le cheminement qui ont conduit

au lancement d’un 9ème volume ainsi que les objectifs de cette nouvelle entreprise

intellectuelle et scientifique, à savoir actualiser la collection en prenant en compte les derniers

développements de la recherche scientifique et les évènements majeurs qui se sont produits en

Afrique depuis les années 1990, revisiter le concept de diaspora africaine et enfin analyser les

nouveaux défis de l’Afrique et de ses diasporas.

Doulaye KONATÉ, ancien recteur de l'Université de Bamako et Président de

l'Association des Historiens Africains présente la revue des contenus des 8 volumes de l’HGA

qu’il a coordonné avec la participation de 16 relecteurs. Rappelant la perspective régionale et

sous-régionale adoptée par l’HGA, il analyse les caractéristiques de chacun des volumes, et

notamment les forces et les faiblesses, mettant en exergue les points et les conclusions qui

nécessiteraient une actualisation. Il souligne l’utilité de cette revue des contenus aussi bien

pour l’utilisation pédagogique des volumes de l’HGA que pour l’élaboration du 9ème volume.

Cette revue des contenus est disponible sur le site internet de l’UNESCO.

Les débats qui ont suivi ces présentations ont tourné autour de la nécessité de «dire

l’histoire africaine», dans une perspective non défensive, non réactive. Les participants ont

relevé avec insistance la nécessité de se démarquer de l’esprit qui avait présidé à l’écriture

des 8 volumes de l’HGA : répondre à un déni d’histoire et mettre en échec la vision

« hégélienne » de l’histoire en générale et de l’histoire africaine en particulier.

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L’approche d’une «Afrique globale» (global Africa) a été avancée se référant à une

perspective diopienne (Cheikh Anta Diop) exemplifiée par une présence africaine en

Amérique précolombienne. Cette approche a également été associée à une lecture plus large

de l’histoire africaine, intégrant les cosmologies, les mouvements migratoires, les apports

multidimensionnels de l’Afrique au monde, etc.

L’appel à un renouvellement paradigmatique ouvert à l’interdisciplinarité (histoire,

archéologie, linguistique, littérature, histoire de l’art) et aux avancées de la génétique a été

exprimé.

La question des langues, déjà soulevée dans le processus d’élaboration des premiers

volumes de l’HGA a été reposée. La réponse actuelle reposant essentiellement sur la

nécessité des traductions des volumes dans différentes langues semble ne pas être considérée

comme suffisante.

La nécessité de poursuivre la décolonisation des concepts, paradigmes et termes

utilisés sur l’Afrique dans les sciences sociales et humaines a été rappelée même si la rupture

épistémologique ne se limitait pas seulement à cette décolonisation et invitait à introduire des

nouvelles compréhensions du monde basées sur une perspective africaine.

Il a été souligné que les «trous» et incomplétudes de l’HGA relevés dans la revue des

contenus concernent aussi certaines régions d’Afrique et les diasporas, notamment les

diasporas de l’Océan indien.

Le renouvellement de l’approche des diasporas a été abordé précocement dans cette

session bien qu’une session ultérieure soit consacrée au traitement de la diaspora. Il touche

plusieurs dimensions :

- L’identification et la conceptualisation de la diaspora comme objet historique

- La prise en compte de la diversité des diasporas

- La complexité des diasporas dans leurs sources historiques, leurs trajectoires, leurs

circulations.

- L’ «africanisation» des mondes travaillés par des populations d’ascendance africaine.

Les transferts et transports liés aux déplacements, aux mouvements des Africains.

Concernant les nouvelles grilles de lecture de l’histoire (africaine et diasporale), les

débats ont porté sur la nécessité d’intégrer des thématiques actuelles telles que le genre, la

sécurité, le développement, l’environnement, etc… Cependant ces questions seront reprises de

façon plus exhaustives dans la session dédiée à ces thématiques.

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Les participants ont discuté des réévaluations et réappréciations de thèmes ou problématiques

présents dans l’HGA auxquels il faudrait donner de nouvelles dimensions répondant aux

contextes actuels. Par exemple :

- Les résistances et les luttes des Africains et des personnes d’ascendance africaines

dans les processus de leurs servitudes, émancipations, colonisations, décolonisations.

- Les figures emblématiques qui pourraient être vues comme individuelles (héros),

collectives, institutionnelles aussi. On peut y associer des objets et lieux emblématiques

(Tombouctou)

- La place de l’Ethiopie dans l’histoire du panafricanisme, celle des grands congrès

panafricains, etc. La perception du caractère emblématique des objets de l’histoire prend toute

son importance comme marqueur historique et peut de ce fait influencer la production des

chronologies.

Ces premières sessions de brainstorming n’appelait pas nécessairement à un débat

contradictoire, mais plutôt à l’émulation d’idées devant nourrir les débats relatifs au(x)

9ème(s) volume(s). Cependant le besoin de renouvellement dans la perspective du travail

historique entraînant en amont des options épistémologiques a été ressenti. Ce besoin nait des

frustrations relatives à une problématique partielle de l’écriture de l’histoire africaine

observée aujourd’hui, celle de faire pièce aux préjugés essentialistes et élaborer une

démonstration implacable de l’historicité des sociétés africaines.

L’élargissement de ce questionnement est perçu comme porteur d’ouverture, de

fécondité méthodologique, thématique, dans l’écriture de l’histoire africaine au-delà des

préoccupations premières des fondateurs du projet.

La session a permis d’historiciser le processus de l’HGA lui-même et précisément

d’en entrevoir les voies d’enrichissement dans le contexte institutionnel, économique,

culturel, identitaire, géopolitique dans lequel intervient l’écriture de ce 9ème volume.

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Rapport de la Session 3 et 4 : Mettre à jour l’HGA : Récents développements dans la recherche scientifique et Repères et défis dans l’histoire africaine récente

Modérées : Augustin Holl et Doulaye Konaté Rapporteurs : Issiaka Mandé et Tayeb chenntouf

La session démarre avec une mise au point stimulante du modérateur qui appelle au

dépassement à la fois sur les concepts, les paradigmes et des approches. Pour illustrer ses

propos, il met en perspective le concept de diaspora en s’appuyant sur l’évolution de

l’humanité : des hominidés à l’homo sapiens sapiens. En partant des acquis de la science, il

arrive à la conclusion que le peuplement de la terre s’est fait à travers différentes vagues de

migrations venues d’Afrique, qui ont constitué les premières diasporas africaines dans le reste

du monde.

Abordant la problématique de l’Afrique dans l’économie-monde, les participants

s’accordent sur le fait que l’Afrique est un acteur majeur de la mondialisation depuis

l’antiquité avec notamment le commerce de l’or dans le bassin méditerranéen. Cette place

dans l’économie du monde s’est maintenue avec le mercantilisme, les révolutions

industrielles, les traites des esclaves et la colonisation du fait de l’exploitation de ses

ressources naturelles, les mises en dépendance et l’échange inégal qui en a découlé.

Les autres points des débats ont porté sur la chronologie propre à l’histoire africaine et

les bornes qui devraient baliser le 9ème volume en tenant compte des dynamiques propres au

continent et à la diaspora. Les thèmes majeurs tels que la généalogie de l’Etat (avec ses

corollaires à savoir les relations interétatiques, les unions étatiques, l’intégration régionale…),

les projets de société défendus au lendemain des indépendances et les racismes et les

discriminations sous toutes leurs formes ont donné lieu à d’intéressantes discussions dans la

session 4.

En effet, les trajectoires des États africains postcoloniaux dans leurs relations aux

autres ainsi que les défis de l’intégration régionale et de la mondialisation ont fait l’objet de

débats riches et fructueux. Les réflexions ont porté sur la généalogie de l’État en Afrique et

les problèmes que posent les frontières à savoir le contrôle des flux des populations et la

construction des identités nationales qui se fait sur le mode contre. Les États, dans leur

ensemble, s’arrogent les prérogatives de la régulation des mouvements de population au

mépris de leurs engagements pris au niveau régional et international et des aspirations

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d’intégration des populations africaines. De cette situation découlent une confusion et

contradiction entre les notions de nationalité, de citoyenneté et d’identité.

Cette impéritie des États africains et leur ambiguïté vis-à-vis de la citoyenneté

africaine et de la diaspora africaine facilite le retour des anciens colonisateurs dans la gestion

des crises provoquées par ces défaillances (comme la Grande Bretagne en Sierra Leone, la

France en Côte d’Ivoire et au Mali). Cette situation conduit à s’interroger sur le processus des

unions et d’intégration sous régionales et régionales et les mécanismes de gestion des conflits

(que 25% des conflits dans le monde ont lieu en Afrique).

Les participants ont relevé la difficulté à intégrer les traditions et valeurs africaines

dans les institutions et dans les gestions du politique, constatant que les deux pays qui l’ont

fait (Botswana et Maurice) sont parmi les pays les plus stables, les mieux gouvernés et les

plus prospères du continent.

Au niveau économique, les participants ont noté à la fois les impasses des théories du

développement et des plans d’action économiques à l’échelle du continent. Par ailleurs, l’idéal

panafricain semble se heurter au réalisme économique qui conduit à privilégier les approches

nationales pour le décollage économique, contre toutes les analyses montrant les avantages

comparatifs des approches régionales et sous régionales. Dans ce contexte, les chances de

réussite du plan d’action de Lagos, de la Stratégie de Monrovia pour le développement

économique de l'Afrique et dernièrement du NEPAD ont été questionnées. L’accaparement

des terres africaines (par les investisseurs étrangers comme les fonds souverains),

l’exploitation des ressources naturelles sans paiement de redevances ou les investissements

dans les zones d’exploitation minières soulèvent des nouvelles préoccupations chez les

peuples africains. Le développement durable faisant une place importante à « l’économie

verte » et mettant l’accent sur la promotion du bien-être, de l’équité sociale tout en préservant

l’environnement incite à explorer les alternatives offertes par les savoirs et savoir-faire

traditionnels souvent négligés.

Ces connaissances sont cruciales pour l’agriculture biologique ou l’agriculture

raisonnée encouragée depuis 2005 afin de répondre à la sécurité et à souveraineté alimentaires

de l’Afrique.

L’histoire biomédicale avec les avancées de la génétique sont un thème émergent qui

devrait trouver leur place dans l’ouvrage. Elles intéressent les populations d’ascendance

africaines car elles dépassent les problématiques de la quête des origines de la santé publique

internationale pour embrasser l’étude des maladies (sida, paludisme…) mais aussi la

pharmacopée et la médecine dites traditionnelles.

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Concernant l’histoire de la dispersion des diasporas africaines, la nécessité d’établir

une cartographie des africanités dans le monde est affirmée. Il est convenu qu’il ne s’agit pas

d’identifier de traits culturels voire physiques d’Africains de par le monde mais surtout

d’analyser les modalités d’identification ou de rattachement à l’Afrique ainsi que la

complexité des relations dans/entre les communautés (noires, afro-descendante) ; cette

approche remet en question l’idéologie de la couleur.

La question de la mutation des familles africaines est posée. En effet, l’urbanisation et

la marchandisation de l’économie font de la famille un nouvel objet de recherche dans la

mesure où les dynamiques familiales africaines n’épousent pas le modèle nucléaire et

obligent à définir une approche plus adaptée. Ces changements touchent la socialisation des

enfants et remettent en cohésion les valeurs sur lesquelles les cultures africaines basaient la

cohésion de membres.

Le 9eme volume doit montrer le lien tenu entre l’Afrique et ses diasporas et étudier

les dynamiques en cours sur le continent et dans la diaspora. L’importance de la prise en

compte de l’oralité est soulignée. A ce propos, l’apport des langues africaines non seulement

pour la diffusion des connaissances mais aussi la réflexion et la recherche scientifique est

rappelé notamment pour mieux comprendre les civilisations anciennes qui ont éclos en

Egypte et le long du Nil.

Parmi les questions qui ont suscité des discussions contradictoires et qui méritent

d’être davantage élucidées, on peut citer la présence africaine dans les Amériques

précolombiennes, les réparations des crimes de la traite négrière, de l’esclavage et de la

colonisation, les bornes chronologiques à utiliser pour l’histoire africaine, l’utilisation de

certains concepts philosophiques et politiques africains tels que l’Ubuntu.

Il est conseillé de rompre avec l’approche défensive de la première phase car l’Afrique

n’a plus rien à prouver. Il s’agit maintenant de développer de manière sereine et sans

animosité le rôle et la place de l’Afrique dans le passé du monde et dans le futur de

l’humanité.

Les participants se sont accordés sur les points suivants :

- Le 9ème volume doit donner la place qu’il mérite au monde africain dans les îles

notamment avec l’océan indien et s’appuyer sur les avancées récentes de l’archéologie

(cimetière des esclaves par exemple)

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- Le volume doit étudier l’impact des Technologies de l’information et de la

communication, du cinéma tels que Nolliwood sur les transformations des valeurs

africaines, ce qui en creux révèle aussi le dynamisme des industries culturelles africaines

- Le volume doit aborder la question de l’art contemporain africain, les risques qu’il

encourt et les politiques d’une réappropriation de la créativité moderne africaine

- Au niveau de la méthodologie, le volume doit tirer profit des acquis sulbatern studies,

des postcolniales studies et faire la part entre histoire et mémoire, discours scientifiques

et récits populaires

- La borne chronologique de départ retenu est 1945 parce que c’est l’année qui a vu le

regroupement de tous les mouvements panafricains à Londres. L’organisation du

Congrès a émané des populations elles-mêmes ; c’est aussi l’année qui a marqué le

dynamisme de la diaspora africaine et de l’unité afro-asiatique. Toutefois, il est convenu

d’aller, en règle générale vers des dates qui font sens pour l’ensemble des mondes

africains. Ces série de dates pourrait s’articuler dans les développements des moments

marquants comme : 1973-1975 : pour les questions économiques, 1990 pour

l’effondrement généralisé des Etat-Nations postcoloniaux, 1994 pour le génocide

rwandais qui met à mal les stéréotypes et les discours convenus. Tout cela devrait se

faire avec des séquences thématiques longues qui mettraient l’accent sur les événements

à différentes échelles (nationales, régionales et continentales)

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Rapport de la 5ème session: Revisiter la diaspora africaine: définition et défis

Modérateur: Sir Hilary Beckles (University of the West Indies, Cavehill, Barbados) Rapporteur: Giulia Bonacci (IRD / CFEE)

Les intervenants ont souligné l’importance de l’étude de l’historiographie des diasporas africaines. Grâce à une approche critique permettant d’évaluer les méthodes utilisées, les avancées et les limites de cette historiographie, il nous faut baliser un champ d’études qui a connu une grande expansion ces trente dernières années. Les questions liées à la méthodologie ont été soulevées à plusieurs reprises : quelle méthodologie mettre en œuvre pour rendre compte de ces diasporas ? Ce travail historiographique et conceptuel doit être intergénérationnel.

Il ne semble plus possible de parler « d’une diaspora », mais « des diasporas », et la diaspora pourrait d’ailleurs être une « indéfinition ». La discussion a montré la transversalité des questions de définition. Les définitions proposées depuis 1965 et jusqu’à celle de l’Union africaine représentent des modèles usés qui doivent être transformés, et dont nous devons nous libérer afin de dépasser les frontières conceptuelles propres à ces questions. D’une part, cela veut dire se distancier des définitions préalables de la diaspora (diaspora juive, de travail, d’esclavage etc.), et de quitter le paradigme de la rupture (l’Afrique s’arrête à ses plages / l’Afrique en conserve). D’autre part, cela nous pousse à opter pour une narration du continuum historique et de la transformation, par exemple grâce à l’étude des systèmes de connaissances amenés par les Africains réduits en esclavage grâce auxquels ils ont domestiqué et civilisé des environnements hostiles aux Amériques. Il reste à comprendre comment parler de façon globale de ces diasporas, sans les homogénéiser ni les fragmenter, mais en trouvant un équilibre entre points communs et diversités.

Les participants ont reconnu que le moment était venu de proposer une critique et une reconceptualisation des manières dont sont traitées les sociétés africaines à une échelle globale. Un renversement des perspectives est nécessaire: l’enjeu c’est de comprendre l’histoire depuis une perspective africaine tout en reconnectant fermement l’histoire de l’Afrique et celle des diasporas africaines. À plusieurs reprises, le manque de connaissances, globalement, de l’Afrique sur l’histoire des diasporas, et des diasporas sur l’histoire de l’Afrique, a été souligné. Pourtant ces histoires sont indissociables, se fertilisent mutuellement et font partie d’un tout qu’il faut penser grâce au décloisonnement des aires culturelles, des traditions savantes, des bibliothèques mobilisées. Cette reconnexion entre espaces divers et historiographies diverses est un défi à plusieurs niveaux : à l’échelle du chercheur qui doit pouvoir naviguer entre des espaces très différents; à l’échelle des équipes de recherche et de leur capacité à mobiliser des financements importants. Cette reconnexion a un fort pouvoir symbolique: les brèches créées par les siècles, les traites et la méconnaissance peuvent être “réparées”, pour autant que l’on puisse rééquilibrer la production et la transmission des savoirs entre ces espaces.

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Cette reconnexion représente également des enjeux politiques, liés à l’institutionnalisation des diasporas. Un exemple éclairant : l’Amérique latine où presque une dizaine de pays ont adopté des lois ou des mesures ayant trait à la présence historique, la reconnaissance sociale et la promotion politique des personnes d’ascendance africaine.

Par contraire, il a été souligné que dans les universités africaines aucun enseignement sur les diasporas africaines n’était mis en place. À plusieurs reprises, les intervenants ont souligné leur désir d’aller au-delà des diasporas, et notamment d’imaginer une histoire de l’Afrique sans ses frontières continentales. Ainsi, l’intimité entre l’histoire de l’Afrique et l’histoire des diasporas africaines a été soulignée avec une difficulté conceptuelle majeure : il ne faut pas risquer d’aplatir et homogénéiser les spécificités des contextes particuliers, il faut pouvoir distinguer les spécificités de certaines trajectoires individuelles et collectives sans fragmenter à l’infini nos connaissances. Les discussions sur les diasporas ont fait ressortir le fort potentiel identitaire de ces questions. L’intimité et l’interrelation entre l’histoire de l’Afrique et l’histoire des diasporas ont été discutées à plusieurs reprises sous des termes divers et l’idée d’un continuum historique a surgi de manière forte. Des thématiques comme celle du « retour » en Afrique pourraient être utilisées pour nouer dans le cadre d’une narration, les circulations entre l’Afrique et les diasporas qui contribueraient à structurer ce continuum historique.

Paradigme ancien des débats scientifiques sur les diasporas, la question des points communs et des différences au sein des diasporas africaines a été soulevée à plusieurs reprises. C’est une tension récurrente : comment parler d’un phénomène dans sa globalité (Afrique globale) tout en prenant en compte la particularité des contextes locaux (sur le continent et dans les diasporas)? Aucune réponse n’a émergé, mais une méthodologie appliquée de façon impartiale à l’étude des faits historiques devrait pouvoir faciliter l’articulation des échelles en jeu. La question du politique a suscité de vives discussions : la diaspora est un thème politique, ce qui est particulièrement vivace en Amérique latine où la reconnaissance des populations d’ascendance africaine, portée par le mouvement noir, s’est accompagnée de lois sur l’enseignement de l’histoire et la représentation politique. En cela la conférence mondiale contre le racisme de Durban de 2001 représente un tournant dans la politisation et l’institutionnalisation des diasporas : « nous y sommes entrés comme latino-américains et nous en sommes ressortis comme afro-descendants ». Cependant, la force de l’intérêt et de l’engagement latino-américains sur cette question ne semble pas trouver de pendant en Afrique où l’histoire des diasporas n’y est pas encore enseignée et reste mal connue. Il faudrait encourager les enseignants et étudiants à faire des travaux sur les diasporas, et « l’initiative diaspora » de l’Union africaine n’est pas soutenue par une politique forte laissant la place à la réciprocité des échanges entre Afrique et diasporas.

Des différences de priorités ont semblé voir jour entre les spécialistes de la longue durée, pour qui le terme de diaspora doit pouvoir recouvrir les premières migrations humaines, et les spécialistes de l’anthropologie culturelle qui insistent sur les transformations contemporaines de la relation entre Afrique et diaspora. L’exemple des Cubains a été mentionné, qui sont venus par milliers contribuer aux luttes de libération en Afrique.

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La 5ème session a soulevé de nombreuses questions, exposé des interprétations diverses sur les natures et les formes des diasporas africaines et sur les relations entre l’Afrique et ses diasporas. Reconnaissant qu’il faudrait de longues discussions pour arriver à un consensus en termes de définition (qu’est-ce qu’une diaspora? pourquoi une diaspora? Où commence et où finit l’Afrique etc.), le modérateur a insisté sur la nécessité de « déstabiliser » le concept de diaspora et de trouver des thèmes permettant de traiter une « Afrique Globale ». Il est apparu clairement que le 9eme volume devait impulser un renouvellement ferme de nos perspectives afin de pouvoir contribuer non seulement à l’introduction formelle des diasporas dans l’HGA mais aussi à repousser les frontières conceptuelles qui à la fois portent et contraignent nos travaux de recherche, nos pratiques d’enseignants et de formateurs, ainsi que notre inscription politique et sociale dans le monde contemporain.

Les participants se sont accordés sur les recommandations suivantes :

1. Une attention particulière est à donner aux questions de conceptualisation et de méthodologie.

2. L’approche sur la longue durée est nécessaire, incluant la genèse de l’humanité et les grandes migrations et dispersion des premiers hommes ainsi que les grandes migrations précoloniales.

3. La prise en compte d’espaces plus vastes est un des grands défis liés aux diasporas : Moyen Orient, Océan indien, Asie et Europe doivent être inclus afin de rééquilibrer l’attention souvent donnée à l’espace atlantique.

4. La circulation entre différentes échelles est nécessaire : communautaire, nationale, régionale, continentale, diasporique, globale.

5. Des thématiques peuvent être choisies et approfondies pour créer une narration relevant les défis de cette histoire que les participants voudraient « nouvelle ». Ainsi les allers et retours entre l’Afrique et le monde, les résistances et les adaptations, les racismes et les identités, les enracinements et les mobilités, les diversités et l’unité représentent un potentiel pour nouer l’histoire de l’Afrique et des diasporas. Le panafricanisme et ses déclinaisons, politiques, intellectuelles, sociales, culturelles, etc. se présente comme une histoire de choix pour rendre compte de l’interrelation entre Afrique et diasporas.

6. Un équilibre est à trouver entre périodes anciennes et le foisonnement des dix dernières années ainsi qu’entre la discipline (histoire, sociologie, linguistique et anthropologie culturelle) qui doivent pouvoir s’associer.

7. Il faut pouvoir user de la cartographie comme outil conceptuel et éducatif à propos de la présence africaine dans le monde et cartographier les itinéraires et les retours en Afrique, mais aussi les révoltes d’esclaves dans le monde, et l’empreinte culturelle afro-descendante, notamment musicale, afin de visualiser l’étendue de cette « Afrique globale ».

8. Le fort pouvoir des outils audio-visuels a été souligné, ainsi que sa puissance éducative et

sa facilité de diffusion : l’image et le son doivent participer pleinement de nos travaux.

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Recommandations Session de clôture de la réunion d’experts sur le développement d’un 9ème volume de l’Histoire Générale de l’Afrique. Par Elikia Mbokolo

J’ai l’honneur, en ma qualité de président du Conseil Scientifique du Projet d’Utilisation Pédagogique de l’ HGA, de présenter devant vous une brève restitution des recommandations auxquelles nous sommes parvenus. Je parle au nom de la quarantaine de chercheuses et chercheurs d’Afrique et des « diasporas », terme que nous avons beaucoup discuté, réunis ici pendant trois jours.

Ce n’est pas par hasard que nous avons tenu cette réunion à Addis Abeba et en ce mois de mai 2013. C’est évidemment pour nous associer au 50ème anniversaire de la création de l’OUA. Car, on le sait, le lancement en 1964, un an seulement après la création de l’OUA, de la première phase de l’Histoire Générale de l’Afrique, a été rendu possible à la suite de la demande adressée à l’UNESCO par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Afrique nouvellement indépendante. Cet anniversaire est donc aussi celui des historiens dont l’œuvre est intimement mêlée au mouvement de libération et de l’unification de notre continent.

Je me dois d’abord de féliciter tous les collègues venus ici. Tous ont accepté de quitter provisoirement leurs chères études et leurs lourdes obligations. Plusieurs ont parcouru des milliers de kilomètres pour se trouver ici avec nous.

Ce genre de rencontres ne permet généralement pas à chacun de parler autant qu’il le voudrait ou le souhaiterait et chacun a dû se résoudre de s’en tenir à l’essentiel.

Malgré tout, nous avons eu des discussions d’une richesse exceptionnelle : des discussions denses, approfondies, vives, sans complaisance, très ouvertes et, en même temps, fécondes et productives.

Nous tenons d’entrée de jeu à remercier les institutions et les gouvernements qui ont rendu notre rencontre possible.

En tête vient l’UNESCO. Pendant près de 50 ans, l’UNESCO n’a cessé d’accompagner et de soutenir les centaines d’historiens, d’anthropologues, de linguistes, de sociologues, de philosophes, d’économistes, bref les spécialistes des différentes disciplines des humanités, des sciences humaines et des sciences sociales dont la convergence et la fertilisation sont reconnues aujourd’hui comme nécessaires à l’élaboration de toute histoire qui se veut digne de ce nom.

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Nous tenons à remercier aussi le gouvernement du Brésil, représenté ici par Madame Isabel Cristina d’Azevedo Heyvaert et par une demi-douzaine d’experts : le Brésil, qui a généreusement décidé de soutenir le travail de mise à jour du volume 9 et de rehaussement du rôle décisif des diasporas africaines.

Nos remerciements vont enfin à l’Union Africaine, qui nous accueille ici à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie. Disons-le : l’Union Africaine a décidé de créer l’Université Panafricaine. Celle-ci a inscrit dans le programme de cinq sites l’enseignement de l’histoire africaine du panafricanisme en tant que ciment intellectuel et culturel des techniciens, savants, inventeurs qui sortiront de son sein. Car elle considère, à juste titre, que pour l’Afrique de demain, il ne suffit pas d’être expert : il faut être expert et panafricain. Comment être panafricain sans connaissance de l’histoire de l’Afrique et de ses diasporas, sans connaissance de l’itinéraire du panafricanisme et de ses problématiques ?

Notre réunion avait plusieurs objectifs. Dans le cadre de la rédaction du neuvième volume de l’Histoire Générale de l’Afrique, il fallait, sur le plan strictement épistémologique, faire le point des avancées et innovations de la recherche scientifique concernant les sociétés de l’Afrique et des diasporas africaines. Publié en 1999, le huitième volume couvre les événements et les problématiques allant, au mieux jusqu’aux années 1980, mais le plus souvent jusqu’aux années 1970. Il nous revenait donc d’identifier, à l’échelle de l’Afrique et de ses relations avec le reste du monde, les événements, les menaces, les opportunités et les défis les plus importants et les plus significatifs pour les peuples africains. Cet examen vaut aussi pour « les diasporas africaines » et les personnes d’ascendance africaine dans les différentes régions du monde où ils inscrivent leur vie, leurs productions matérielles et immatérielles, leurs luttes, leurs espoirs.

Conformément à la démarche qui a fait ses preuves dans la rédaction des précédents volumes de l’Histoire Générale de l’Afrique, ce travail préalable permettra d’énoncer les principes directeurs qui guideront la préparation et l’élaboration du neuvième volume.

Ce neuvième volume répondra donc en deux ou plusieurs tomes aux questionnements méthodologiques et théoriques, aux nouveaux défis à relever pour répondre aux demandes des peuples et aux attentes de notre jeunesse en Afrique et dans les diasporas.

Le premier tome s’attachera à relever une série d’objectifs désormais clairement circonscrits. La mise à jour factuelle intégrera les tendances significatives et les événements majeurs observés aux différentes échelles de l’Afrique, nationales, régionales, continentales et internationales. Il s’agira aussi de reprendre très largement l’histoire du panafricanisme à la lumière de faits mieux connus aujourd’hui ou dont l’importance relative apparaît beaucoup plus clairement. A cet égard, un assez large accord s’est dégagé pour prendre comme point de départ l’année 1945, en raison de ses multiples significations et implications tant dans l’histoire du monde et du panafricanisme que dans celle des luttes des peuples colonisés pour leur indépendance en Afrique et hors d’Afrique. Nous prendrons aussi plus largement en compte les interactions incessantes entre l’Afrique et les diasporas africaines, travail déjà commencé dans le cadre du projet d’utilisation pédagogique de l’Histoire générale de l’Afrique en vue de former les générations nouvelles africaines dans l’esprit et les valeurs du

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panafricanisme. Enfin, la meilleure connaissance des transformations survenues et en cours au sein des sociétés africaines nous impose de reprendre à notre compte les renouvellements et les acquis de l’histoire sociale de l’Afrique en mettant en lumière les luttes sociales, politiques et culturelles des peuples africains contre les dominations étrangères passées et actuelles et, aussi, au sein même des Etats indépendants d’Afrique pour préserver les valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité. Cette option mettra en lumière les renouvellements très importants de l’historiographie sur les conditions de vie des gens, sur les questions relative à la santé et sur les problèmes de l’environnement.

Il n’est pas besoin de dire que l’ensemble de ce travail impose des approches pluridisciplinaires et transdisciplinaires. Les différentes disciplines réunies ici prouvent que tel est notre choix.

Le deuxième tome ou les tomes suivants, selon l’option définitive qui sera retenue, sera ou seront consacré(s) aux diasporas africaines. Le concept même de « diaspora » africaine a donné lieu à des débats nourris et féconds. Nous avons convenu d’en mettre en lumière la pluralité. Cette pluralité vaut d’abord en termes géographiques : le concept de « global Africa » proposé par certains n’exclut pas d’étudier aussi les divers groupes, communautés et peuples « afrodescendants » répartis dans tous les continents. Cette pluralité vaut aussi en termes chronologiques. Il s’agit d’une chronologie de très longue durée : les « diasporas » africaines s’observent avant les traites esclavagistes, très en amont de celles-ci ; si la mise en esclavage a été un moment crucial dans l’histoire mondiale des diasporas africaines, ce processus s’est poursuivi après l’asservissement des Africains, aussi bien pendant la colonisation qu’après les indépendances et continue aujourd’hui.

L’écriture de l’histoire ne saurait se réduire à une simple succession d’événements. La perspective dans laquelle nous écrirons cette histoire repose sur un très large consensus.

S’agissant des diasporas africaines, nous reconnaissons tous son importance cruciale dans notre histoire. Nous affirmons donc que :

-Il n’y a pas de panafricanisme et de renaissance africaine sans les diasporas africaines.

-Ensemble, Afrique et diaspora(s), nous partageons une histoire et une destinée, faites de luttes et d’idéaux, de conflits et d’avancées en faveur de la liberté, de la dignité et de la solidarité, qui se doivent d’être étudiées et enseignées en Afrique et dans les diasporas, à l’image de ce qui est fait aujourd’hui au Brésil.

-En encourageant, parallèlement aux livres, les œuvres visuelles, multimédias et cartographiques, nous contribuerons au partage, à la transmission et à la diffusion de ces savoirs au plus grand nombre.

-Il est crucial d’organiser dans une perspective panafricaine la recherche et la production des travaux. Les échanges d’enseignants et de jeunes chercheurs, les enseignements croisés et partagés entre Afrique et diaspora(s) doivent se développer entre nos institutions, notamment dans le cadre de l’Université Pan-Africaine.

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S’agissant de l’histoire de l’Afrique, nous nous inscrivons dans la filiation de la vision qui anime depuis ses débuts la rédaction de l’Histoire Générale de l’Afrique.

-Nous ne pouvons faillir aux attentes de nos jeunesses qui font face aux défis économiques, politiques, environnementaux et identitaires posés par la mondialisation.

-Face à ces nouveaux défis posés par la mondialisation, nos jeunesses éprouvent une soif d’histoire dont nous devons nous réjouir. Nous savons que l’histoire de l’Afrique, « levier fondamental » selon l’heureuse formule de Joseph Ki-Zerbo, doit être enseignée plus largement dans nos Etats africains. Nous nous réjouissons de cette décision unanime prise en 2006 à Khartoum par les Etats et inscrite dans la Charte de la Renaissance Africaine. Les manuels qui vont bientôt être publiés dans le cadre du « Projet d’utilisation pédagogique de l’Histoire générale de l’Afrique » répondent à cette décision.

Nous pensons aussi que l’histoire de l’Afrique doit être enseignée de plus en plus largement dans les diasporas, à l’exemple de ce qui est fait au Brésil.

Nous nous devons dire la vérité à tous ceux que ce projet importe. Au stade où se trouve l’HGA, nous sommes confrontés à un défi majeur qui est d’ordre financier. Chaque fois que dans le processus de sa libération et de son unification les pays africains en ont eu besoin, le capital humain et intellectuel de l’Afrique et de la diaspora ne lui a jamais manqué. Notre réunion à Addis Abeba montre que ce capital humain et intellectuel continue de donner la preuve de son engagement et de sa mobilisation pour produire cette histoire dont l’Afrique et la diaspora ont besoin pour construire

Le travail que mènent les spécialistes réunis autour de l’HGA est un chantier qui a largement contribué à la fondation de nos Etats nationaux et à l’édification de l’unité africaine dont nous célébrons en ce moment le cinquantenaire.

Nous le disons avec force. La phase actuelle est cruciale au regard des nombreux défis auxquels le continent est confronté. Toutes les bonnes résolutions de nos assises n’ont aucune chance d’aboutir en l’absence d’un soutien financier déterminé de nos Etats qui ont chargé l’UNESCO de promouvoir l’utilisation pédagogique des huit volumes existants.

Le travail qui a avancé est fragilisé depuis plusieurs années par l’incertitude qui pèse sur les ressources financières nécessaires pour être mené à bien. Il est confronté désormais à de grandes difficultés en raison des changements politiques survenus en Libye qui en a été le principal contributeur et que nous tenons à remercier ici.

Le lancement de la phase actuelle –la réactualisation de l’HGA dans le volume 9 et la rédaction d’une histoire de la diaspora ou des diasporas africaine(s)- est devenu possible grâce à une contribution encore généreuse du Brésil auquel nous exprimons aussi nos remerciements.

Mais, nous disons aussi que ne pouvons pas nous contenter de ces marques de générosité. Nous tenons à souligner que la production de l’HGA relève d’abord de la dignité et de la souveraineté de nos Etats.

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Les experts réunis à Addis Abeba lancent un vibrant appel aux Etats africains pour qu’ils assument la responsabilité qui est la leur de garantir les conditions d’une prise en charge financière de l’utilisation pédagogique l’HGA ainsi que du développement d’un neuvième volume.

Par ailleurs, c’est à partir de la terre africaine Addis Abeba, siège de l’UA, capitale de cette Ethiopie, que depuis les tout débuts du panafricanisme, nous regardons comme le symbole de nos luttes et de nos réalisations, que les experts ont pris la décision d’adresser un appel citoyen à toute la communauté internationale afin de préserver l’universalité de l’UNESCO (pour tout ce qui touche à la science, à la culture, à l’éducation et à la communication, dans le strict respect des principes qui la fondent.