Rapport d’enquête Observatoire de la e-Santé dans les pays du … Tracker... · 2020. 6....
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Rapport d’enquête Observatoire de la e-Santé dans les pays du
Sud 2020
TT Tracker – Sightsavers
Figure 1 : Zakari Abdou Loufaye, fonctionnaire, utilisant TT Tracker au centre de santé Biro, région de Nikki, au Bénin
Réalisée à distance par Adélaïde Soulard, chargée d’appui de la
Fondation Pierre Fabre
Avril 2020
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Avant-propos Dans le cadre de l’appel à candidature de l’Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud 2020,
l'initiative "TT Tracker", mise en œuvre par l'organisation britannique Sightsavers, a été identifiée
comme l'un des projets les plus prometteurs soumis cette année.
Alors que dans des circonstances normales, la Fondation Pierre Fabre aurait mis en place une visite sur
le terrain pour approfondir la connaissance de l'initiative mentionnée ci-dessus, en raison des
restrictions de voyage actuelles dues à la pandémie de Covid-19, une visite sur le terrain n'est pas
possible. Cependant, des rendez-vous téléphoniques et des visioconférences ont été organisés afin de
rencontrer les porteurs et les bénéficiaires de cette initiatives.
Ce document est complémentaire aux deux questionnaires et à la documentation déjà mis à disposition
par Sightsavers. D’autres informations ont été extraites des sites web de Sightsavers
(www.sighsavers.org) et de TT Tracker (www.tttracker.org) ainsi que des interviews.
Le Trachome et le Trichiasis Trachomateux (TT) Le trachome est une maladie oculaire et la principale cause infectieuse de cécité dans le monde. Cette
pathologie est causée par une bactérie appelée Chlamydia trachomatis. L'infection se transmet entre
les personnes d’une part par le transfert direct des sécrétions oculaires et/ou nasales des personnes
infectées ; d’autre part par transfert indirect via le transport par certaines espèces de mouches. Les
enfants d'âge préscolaire abritent le principal réservoir d'infection. Lors d'épisodes répétés d'infection
sur de nombreuses années, les cils peuvent se recourber vers l'intérieur de manière à frotter la surface
de l'œil, ce qui rend le clignement d’œil très douloureux, provoquant une gêne et endommageant la
cornée de manière permanente ce qui rend aveugle. Cet état est nommé le Trichiasis Trachomateux.
Le trachome, maladie tropicale négligée, est endémique dans certaines des régions les plus pauvres et
les plus rurales du monde : l'Afrique étant le continent le plus touché, mais la maladie est également
présente en Amérique centrale et du Sud, en Asie, en Australie et au Moyen-Orient. En 1997,
l’Organisation Mondiale de la Santé a établi the Alliance for Global Elimination of Trachoma by the year
2020 (GET20) rassemblant toutes parties souhaitant s’impliquer dans la lutte contre le trachome et
elle a adopté la résolution WHA51.11 en 1998, visant l'élimination mondiale du trachome en tant que
problème de santé publique. La stratégie d'élimination est résumée par l'acronyme « CHANCE » :
CHirurgie pour traiter le stade avancé de la maladie ; Antibiotiques pour traiter l’infection à C.
trachomatis ; Nettoyage du visage ; et Changement de l’Environnement pour réduire la transmission.
Au 2 janvier 2020, 13 pays avaient déclaré avoir atteint les objectifs d'élimination. Rien qu'en 2018,
146 112 personnes ont été opérées pour un TT avancé et 89,1 millions ont été traitées aux
antibiotiques. Néanmoins, l’objectif d’élimination d’ici 2020 n’ayant pas été atteint, The Accelerate
Programme a été créé en 2018 pour booster les efforts de lutte. Ainsi, Sightsavers participe,
conjointement avec les ministères et d’autres partenaires, à la mise en œuvre des plans d’élimination
du trachome à l’aide d’appuis techniques, logistiques et financiers.
La genèse de Sighsavers Sightsavers est une Organisation Non Gouvernementale britannique. Elle a été fondée par Sir John
Wilson en 1950 sous le nom original de la British Empire Society for the Blind. John Wilson a perdu la
vue à l’âge de 12 ans lors d’une expérimentation à l’école. Il est ensuite devenu un défenseur de la
santé publique. Il était surtout connu pour son action contre la cécité dans les pays en développement
d'Afrique et d'Asie du Sud et du Sud-Est.
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Au cours de la première année de la British Empire Society for the Blind, la société a créé des
organisations nationales pour les aveugles dans six pays, en se concentrant sur l'éducation, la
réhabilitation et le bien-être. En 1957, l'organisation change de nom pour devenir la Commonwealth
Society for the Blind et reçoit le statut royal de la Reine un an plus tard, devenant la Royal
Commonwealth Society for the Blind (RCSB). C’est en 1987, suite à l’appel "Sight Savers" lancé lors de
l'émission de télévision pour enfants Blue Peter, qui a permis de récolter plus de 2 millions de livres
sterling pour les soins des yeux en Afrique, que la RCSB adopte le titre Sightsavers (Sauveurs de la vue).
La vision des Sightsavers est celle « d'un monde où la cécité évitable est éliminée et où les personnes
handicapées ont les mêmes droits que les autres ». Ils travaillent dans plus de 30 pays du monde entier
(en particulier en Afrique et en Asie) avec des partenaires et des gouvernements locaux, régionaux,
nationaux et internationaux. Leurs activités concernent : la protection de la vue ; la lutte contre les
maladies tropicales négligées (MTN/NTD) ; et la lutte pour les droits des personnes handicapées. Pour
cela, ils distribuent des traitements pour prévenir les maladies, réalisent des opérations des yeux,
défendent les droits des personnes handicapées et améliorent les services de santé.
Sightsavers est dirigée par le Dr Caroline Harper, sa directrice générale depuis 2005, ainsi que par des
conseils d'administration dans neuf pays et d'une équipe de direction mondiale composée de 15
personnes issues de toute l'organisation, dont des directeurs régionaux et des cadres supérieurs.
Actuellement, environs 500 employés travaillent pour Sightsavers à travers le monde. En 2018, le
revenu total s'est élevé à 312,8 millions de livres sterling provenant de dons (d'argent et/ou en nature
par exemple des antibiotiques), subventions, financement sur projets, etc.
La genèse du projet TT Tracker
Origines et objectifs La communauté internationale, les chirurgiens, les superviseurs, les ministères de la santé, les
partenaires, les donateurs et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se partagent la responsabilité
de veiller à la qualité des services aux patients tout en œuvrant à l'élimination du trachome. En réponse
à ce besoin, l'OMS a préconisé le développement d'une application commune qui pourrait être utilisée
dans tous les programmes nationaux. C'est ce que fait le TT Tracker, tout en relevant les défis liés à la
prestation de services de chirurgie du trachome, il garantit que, d’une part, les patients nécessitant
un suivi soient connus du programme, et d’autre part, que les performances des chirurgiens soient
suivies afin que tout besoin de formation supplémentaire soit reconnu. Toutes ces données
permettent aux programmes d'évaluer le succès des actions de sensibilisation passées et de planifier
les actions futures.
Le TT Tracker est le résultat d'une recommandation des partenaires du programme, notamment
l'Organisation mondiale de la santé, Sightsavers, le Carter Center, USAID, RTI, la Fred Hollows
Foundation, Helen Keller International, l'université Emory et l'université Johns Hopkins. Sightsavers a
dirigé son développement avec la contribution d'experts de plusieurs organisations, et Sightsavers
continue de gérer l'application. Le Queen Elizabeth Diamond Jubilee Trust et le ministère du
développement international ont fourni le financement initial.
Les programmes peuvent faire une légère modification à l'enquête du pays, mais cela doit être
convenu avec le programme du pays au début de la mise en œuvre et en collaboration avec les
partenaires de coordination et l'équipe de développement de TT Tracker. Le TT Tracker doit
généralement être un outil utilisé universellement dans les programmes nationaux afin que les coûts
puissent rester faibles, ainsi les changements apportés aux projets spécifiques des pays seront limités.
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L’équipe Le TT Tracker a été développé par l’équipe digitale du pôle des MTNs de Sightsavers. Ils mènent
plusieurs projets et celui-ci leur prend environs 30% de leur temps à chacun. Cette équipe regroupe
un petit nombre de personnes et elle est financée sur projet à la suite de recherches de fonds. Nous
avons ainsi pu rencontrer Sarah Bartlett, la Directrice du pôle Digital Health, basée en France et
Babacar Ngom, le Data and Systems Manager and lead TT Tracker trainer, basé au Sénégal. Cette
équipe travaille avec l’appui de nombreux partenaires internationaux et elle s’entoure localement de
personnes désignées dans chacun des pays d’implémentation au niveau central (ministères) et
régional.
Fonctionnement du projet TT Tracker
Les personnes impliquées et partenariats De nombreuses personnes sont impliquées et de nombreux partenariats sont mis en place en lien avec
les programmes nationaux d’élimination du TT. En effet, Sightsavers implémente son outil TT Tracker
directement en lien avec les plans nationaux, ils sont donc directement en lien avec les gouvernements
et ministères. De même, comme cité précédemment, cet outil est le résultat de concertation
internationale où de nombreux partenaires ont été impliqués notamment l’OMS. Sightsavers travaille
également avec des organisations implémentées localement afin de faciliter son intégration dans les
districts et les communautés. Ces partenariats sont très importants pour la réussite de
l’implémentation du TT Tracker.
L'équipe de développement de TT Tracker met à disposition le TT Tracker pour un pays en partenariat
en lien avec le programme national. Ainsi, les utilisateurs sont créés, leurs rôles attribués et leur accès
déterminé. L’équipe de développement est ainsi épaulée par un administrateur désigné au sein du
ministère ou d'un partenaire de coordination, c’est le cas par exemple de Gracia Elvire, NTD Data
Manager au ministère de la santé du Bénin qui nous a fait part de son rôle dans l’implémentation du
TT Tracker dans son pays. Cet administrateur est en charge de la gestion simple des données et des
mises à jour du système, comme la tenue à jour des listes de chirurgiens, des domaines de projets et
des superviseurs de programmes.
« Je regarde les données quand il y a des camps chirurgicaux mis en place. Je suis la saisie des
données. Je m’occupe des réunions de planification et de l’analyse des données. »
Sur le terrain, la bonne utilisation de l’outil TT Tracker est suivi par des superviseurs comme Naomi
Jatau, superviseur terrain au Nigéria. Toute erreur de données non traitée sur le terrain doit être
signalée par le superviseur terrain et ajustée par l'administrateur désigné. L'administrateur examinera
les données soumises et contactera les partenaires de mise en œuvre si certaines données sont
identifiées en raison d'incohérences.
Les utilisateurs directs sur le terrain de l’outil TT Tracker version mobile sont les chirurgiens eux-mêmes
ou, le plus souvent, leurs assistants. Ce sont eux qui renseignent les données des patients :
enregistrement, évaluation, suivi. Ces données sont ensuite accessibles via la version Web Metabase
où les superviseurs, administrateurs et l’équipe de développement ont accès à toutes les données les
concernant. Les partenaires peuvent également avoir des accès plus ou moins restreint.
« Il y a l’administrateur qui a accès aux données. Puis le superviseur qui travaille avec les chirurgiens.
C’est une visualisation interactive. Il y a des formations avec les chirurgiens, avec les collecteurs de
données. Il y a aussi des appels avec l’équipe développement pour le suivi. »
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Les personnes bénéficiaires Toutes les personnes de chaine de la lutte pour l’élimination du TT sont bénéficiaires de cet outil TT
Trackers :
- Les patients car l’utilisation de cet outil permet de conserver l’intégralité de leurs données,
permettant ainsi une meilleure prise en charge. De plus, TT Tracker permet de suivre les
patients au plus près. En effet, ces derniers nécessitent plusieurs rendez-vous de suivi après
leur opération : à 24 heure, entre le 7ème et le 14ème jour, entre 3 et 6 mois. Ainsi, l’utilisation
de TT Tracker permet au chirurgien de vérifier quel patient doit consulter quand et ainsi de le
contacter s’il ne vient pas de lui-même pour lui rappeler le besoin de son contrôle.
- Les chirurgiens car TT Tracker leur permet de stocker toutes les données des patients au même
endroit, celles-ci sont donc retrouvables facilement. L’outil facilite la prise en charge des
patients par exemple en délivrant des fiches toutes les fins de semaines listant les patients
nécessitant un rendez-vous de suivi la semaine prochaine.
- Les administrateurs et superviseurs car l’outil leur permet d’avoir accès aux données
nationales et de district en temps réel. En effet, les données sont synchronisées régulièrement
à l’aide d’une connexion internet. Ainsi, l’administrateur et plus largement le ministère ou
autres partenaires peuvent surveiller l’évolution de la situation sur l’élimination du TT au
niveau national, ils peuvent également vérifier le suivi des patients et faire des analyses de
performances des chirurgiens.
- L’équipe développement qui peut surveiller la bonne utilisation de l’outil à distance, corriger
des erreurs et apporter son appui également en temps réel.
En pratique
Background Le TT Tracker a été développé à l'aide de la plateforme CommCare, un logiciel mobile de collecte de
données qui a déjà été utilisé avec succès par des agents de santé communautaires dans plus de 50
pays du monde entier et qui est conçu pour les environnements à faibles ressources. Grâce à
CommCare, les programmes sont capables de suivre les patients de manière longitudinale par le biais
d'une intervention chirurgicale et d'un suivi, en saisissant les données sur des téléphones ou des
tablettes Android équipés d'un GPS.
Détail de la version mobile Les chirurgiens ou leurs assistants utilisent la version mobile afin d’enregistrer leurs dossiers patients.
Celle-ci a été construite en suivant les formulaires papiers existants et répondant aux
recommandations internationales. Ainsi, d’une part, les données collectées correspondent au
standard, et d’autre part, les enregistreurs ont déjà la connaissance des données à renseigner. La
collecte des données peut se faire offline, puis la synchronisation se fera quand il y aura connexion.
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L’accès à la base de données est protégé par un identifiant et un
passeport unique et confidentiel pour chaque enregistreur. La
page d’accueil renvoit à 3 options :
- Commencer : lien permettant d’accéder à tous les formulaires
et ainsi de collecter les données ;
- Synchroniser : afin d’envoyer et de recevoir toutes les
nouvelles informations depuis la dernière synchronisation ;
- Se déconnecter : afin de fermer la session de l’enregistreur et
donc de sécuriser les dossiers des patients.
Les données de l’application sont actuellement disponibles en
Français et en Anglais. D’autres extensions linguistiques sont en
cours de développement.
Différents formulaires sont accessibles une fois la session
commencée. A partir de là, nous pouvons :
- Enregistrer le patient : chaque patient qui vient
consulter à un centre ou à un camp pour se faire
examiner sera enregistré là ;
- Gérer les données du patient : une fois le patient
enregistré, ses données (notamment l’évaluation, la
chirurgie, les 3 étapes de suivi) seront documentées et
mise à jour via ce lien ;
- Listes des suivis à venir : afin d’avoir rapidement la
liste des patients à suivre pour chacune des tranches
temporelles ;
- Gestion des sessions, une session étant une
localisation sanitaire, celle-ci pouvant être fixe ou
mobile, en détaillant les dates et la géolocalisation. La
création de la session est la première étape à remplir,
les patients étant ensuite enregistrée par session.
Les données des patients sont collectées à 5 moments clés résumés via le schéma ci-dessous :
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Lors de l’enregistrement d’un patient, sont renseignées la session et des données personnelles telles
que : le nom, l’âge, le sexe, le lieu de résidence, la personne possédant un téléphone mobile (important
pour le suivi) et le numéro valide, le nom de l’enregistreur et des commentaires si nécessaire. Une fois
qu’un patient est enregistré, un identifiant unique lui est attribué, c’est ce numéro qui sera ensuite
utilisé pour son identification.
Une fois l’enregistrement terminé, l’enregistreur peut commencer l’évaluation du patient en allant sur
Gestion du patient. Le patient enregistré peut être retrouvé en utilisant le bouton recherche en
inscrivant son nom ou son identifiant. Lorsque le dossier du patient est sélectionné, l’enregistreur peut
avoir accès aux informations récapitulatives concernant : les données générales, l’évaluation, l’acte
chirurgical, et les différents suivis.
A partir de là, l’évaluation du patient peut commencer. De nombreuses questions reprenant les
formulaires sont renseignées afin de faire état de la situation du patient. Quelques exemples ci-
dessous :
Chaque question est posée individuellement pour chaque œil, si une infection est suspectée, les
questions suivantes seront posées et inversement. Suite à l’évaluation, une action recommandée sera
sélectionnée pour chaque œil :
Les questions relatives à la chirurgie et aux suivis peuvent être posées,
en fonction de l’action sélectionnée ici :
- Acte chirurgical (accepté) : consentement et date de l’opération ;
- Acte chirurgical (refusé) : les raisons du refus, dans cette situation, le
suivi des patients continuent avec de la sensibilisation ;
NB : l’outil a été construit de façon à guider l’enregistreur du mieux
possible et pour éviter au maximum les erreurs de saisis, par exemple ici
un blocage empêche le double saisi d’acte chirurgical accepté et acte
chirurgical refusé.
- Épilation : patient formé à l’épilation ; pince à épiler fournie ou non ;
- Réorientation (référé) : les raisons et le lieu de la réorientation ;
- Pas de gestion : les raisons expliquant pourquoi il n’y a aucune gestion
sont nécessaires à renseigner.
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Si le patient a accepté la chirurgie, la prochaine étape est de renseigner le formulaire chirurgical. Celui-
ci renseigne : le nom du chirurgien (donnée très importante pour le suivi des performances), des
questions de validation sont ensuite posées afin de confirmer la saisie, le type de chirurgie, s’il y a eu
des complications, le matériel utilisé, les traitements post-chirurgicaux délivrés.
Une fois la chirurgie terminée, les données critiques concernent le suivi des patients opérés. Il est
nécessaire que le patient soit suivi à 3 temps après sa chirurgie : à 24h, entre le 7ème et le 14ème jour, et
entre 3 et 6 mois. Ce dernier suivi est le plus difficile à atteindre, les patients étant souvent perdus de
vue.
Les questions de suivi dépendent de ce qui avait été recommandé et de la chirurgie qui a été faite,
ainsi la première étape est de faire le rappel de ce qui a été réalisé. Quelques exemples du suivi à 24h
ci-dessous :
Ces mêmes questions ainsi que d’autres spécifiques telles que :
Si à l’issu de la visite de suivi,
un acte chirurgical doit être
refait et sera exécuté sur
place, un nouvel
enregistrement de dossier
du patient et un nouveau
formulaire d’acte chirurgical
sont nécessaires. Cela
assurera au patient d’être
correctement suivi et
documenté, une fois le
nouvel acte chirurgical
pratiqué.
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L’équipe développement se rend disponible pour permettre une bonne utilisation du TT Tracker. Ils
organisent des formations des formateurs pour les fonctionnaires officiels des ministères et les
partenaires, des formations pour les administrateurs et enfin des formations de mise en œuvre pour
les chirurgiens et leurs assistants. Cette formation initiale dure une dizaine de jours. Par exemple, la
formation des enregistreurs comprend un volet théorique avec présentation de toutes les
fonctionnalités de l’outil, mais également un volet pratique avec des mises en situation et de
l’application en direct. Au Nigéria par exemple, l’outil digital a été très bien accueilli d’une part parce
que les utilisateurs sont éduqués au moins au niveau universitaire, ils ont donc l’habitude d’autant que
l’application est simple et intuitive ; et d’autre part parce que les utilisateurs ont l’habitude d’utiliser
des smartphones pour la collecte de données dans d’autres domaines.
Figure 2: Formation des chirurgiens à l'utilisation du TT Tracker à Kano au Nigéria
Figure 3: Formation à l'utilisation du TT Tracker au Bénin
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Par exemple ci-dessous le témoignage de Zakari Abdou Loufaye, fonctionnaire :
C'était la troisième fois que Zakari utilisait le TT Tracker pour entrer les données - un nouveau système.
Il a déclaré que l'application est très facile à utiliser.
« Elle aide les chirurgiens et, au-delà du chirurgien, tout le système. Lorsque vous travaillez avec de
nombreux patients et que vous n'avez pas leurs données dans une application, il ne sera pas facile de
se rappeler où se trouvent exactement les différents éléments d'information lorsqu'un chirurgien doit
prendre une décision sur ce qui s'est passé et doit poursuivre les investigations. »
« Une fois que nous avons envoyé les données, elles seront partout, les données sont entrées dans le
système de santé. Avant l'application, le chirurgien enregistrait les informations sur un formulaire
papier. »
« Même la santé est très importante. Il s'agit de la vue, elle est importante pour la vie d'une personne
humaine. »
Figure 4 : Zakari Abdou Loufaye, fonctionnaire, utilisant TT Tracker au centre de santé Biro, région de Nikki, au Bénin
Détail de la version Web pour la visualisation des données L’équipe développement, les administrateurs, les superviseurs, les ministères et les partenaires ont
accès aux données collectées via l’interface web : Metabase. C’est un outil de visualisation des
données qui peut être utilisé par les programmes pour faciliter l'analyse des données et le
développement de graphiques. L'outil accède uniquement aux données récapitulatives anonymisées
exportées du système TT Tracker pour fournir aux porteurs des programmes des instantanés et des
rapports mis à jour quotidiennement sur les activités menées. Les rapports sont personnalisables ; un
ensemble de rapports sera créé par l'équipe de développement de TT Tracker et enregistré dans le
projet du pays pour une utilisation facile.
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Par exemple au Bénin, le tableau de bord présente 3 composantes :
- Les résultats chirurgicaux avec des illustrations représentant le nombre de chirurgies en
fonction des caractéristiques du patient ou encore la possibilité de calculer différentes
statistiques en fonction de la région/du district ;
- Les évaluations post-opératoires : de même que précédemment, plusieurs statistiques
peuvent être mises en valeur par exemple le taux de suivi ;
- La qualité des données qui identifie les incohérences, ce qui permet au superviseur de
contacter l’enregistreur afin de corriger les erreurs de saisi.
Ci-dessous un exemple de tableaux de bord récapitulatifs :
Metabase est protégé par un nom d'utilisateur et un mot de passe, de sorte qu'aucun utilisateur non
autorisé n'a accès aux informations agrégées. Les ministères auront accès aux données complètes au
niveau national avec la possibilité d'examiner les données au niveau des régions ou des districts plus
petits. Tous les autres partenaires auront accès au niveau de données approprié - aucun partenaire de
soutien n'aura accès aux données des autres partenaires.
Autres outils Metabase et CommCare génèrent divers types de rapports. Il y a par exemple un rapport d’activité
récapitulatif, dont la périodicité peut varier, mais qui est en général envoyé tous les mois par email.
Ce rapport permet d’avoir un aperçu des activités et des résultats qui ont eu lieu. Les données sont
également disponibles en direct via le tableau de bord où l’on voir par exemple :
- Les personnes qui sont diagnostiquées comme atteintes du TT (avec possibilité de séparation
Hommes/Femmes)
- Les actions mises en place pour les patients atteints du TT (actes chirurgicaux, refus, épilations,
références)
- Les patients/yeux opérés (avec possibilité de séparation Hommes/Femmes)
- Les résultats chirurgicaux (à chacun des trois moments clé : 24 premières heures, entre le
7ème et le 14ème jour, entre le 3ème et le 6ème mois)
- Les taux de suivis menés à terme
- La productivité des activités (# jours de chirurgie, # de chirurgiens, # d’yeux opérés)
- Les résumés de sessions
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Les résultats chirurgicaux et les évaluations de performances sont également disponibles par emails
ou via CommCare. Cela concerne les résultats des opérations chirurgicales au total et par chirurgien
ainsi que les données de suivi. Ce rapport est à destination de l’administrateur et lui permet de
déterminer le nombre de chirurgies effectuées, le nombre de suivis, le nombre de complications, etc.
Cette dernière donnée permet d’identifier les chirurgiens qui ont besoin de formation
complémentaire, en effet, si le nombre de complications est élevé, cela peut sous-entendre que le
chirurgien doit recevoir une remise à niveau pour l’acte chirurgical.
Figure 5: Exemple d’une chirurgie TT effectuée par le chirurgien Dr Lukanga en Tanzanie
Un autre rapport à destination
des chirurgiens décrit les
données nationales et les
données individuelles. Ces
rapports sur les chirurgiens,
en partageant leurs
contributions, ont pour but de
les encourager à soutenir les
efforts fournis par les
programmes pour l’élimination
mondiale du TT. Ce rapport est
envoyé mensuellement par
mail à chaque chirurgien ayant
effectué au moins une
chirurgie.
Enfin un dernier rapport très important et envoyé automatiquement chaque fin de semaine par email
est la liste des patients en attente d’un suivi à plus une à deux semaines ou à plus 3 à 6 mois. Cela
permet au chirurgien d’anticiper les patients qu’il doit consulter la semaine suivante et de suivre les
patients non venus.
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Impacts et bénéfices en matière de santé Le premier problème national était le manque de données. En effet, ces dernières étaient au mieux
collectées sur fichier papier qui restaient au niveau local, avec peu d’informations renseignées et
souvent des mois après que les activités aient eu lieu. Ainsi, les ministères n’avaient pas entière
connaissance de la situation concernant les activités de lutte contre le TT dans leur pays. TT Tracker
permet aux administrateurs et aux instances nationales d’avoir des données en temps réel sur la santé
de sa population vis-à-vis du TT.
« Toutes les données sont sur une même plateforme, par commune, par camp. Tout est archivé au
même endroit, cela permet de retrouver les informations rapidement, c’est une aide à l’analyse des
données et à la gestion immédiate des données chirurgicales. »
Ainsi, TT Tracker peut être utilisé pour orienter les stratégies d’action par exemple en décidant de la
mise en place de camps chirurgicaux dans des locations où la prévalence de TT a été identifiée comme
élevée mais où aucun camp n’a été organisé. Par exemple au Bénin où le TT n’est pas endémique, les
camps ne sont mis en place que dans les villages où beaucoup de cas ont été rapportés.
Le principal défi identifié ayant mené à l’implémentation de TT Tracker est le suivi des patients opérés
de TT notamment le dernier suivi à 3 à 6 mois qui est essentiel pour constater la guérison ou non du
patient. En effet, les patients peuvent aller à différentes places pour recevoir la chirurgie, par exemple
dans des camps temporaires, il peut donc être très compliqué de les retrouver pour le suivi. Par
exemple au Nigéria, les données ont montré une amélioration dans le suivi des patients à 3 à 6 mois
avec un meilleur taux de couverture.
« Souvent les patients ne viennent pas pour le suivi pour des questions financières et des fois le
patient n’a pas de téléphone. Quand on n’a pas de numéro de téléphone, on passe par le leader
communautaire pour rechercher les cas. C’est efficace mais ça consomme beaucoup de ressources. Il
faut motiver les agents communautaires ce qui créé des coûts supplémentaires et des problèmes au
niveau des budgets. »
Enfin, un dernier objectif direct est d’essayer de comprendre les performances des chirurgiens. Les
rapports générés par les outils permettent d’évaluer les performances des chirurgiens en fonction du
nombre de complications rencontrées par chacun.
« Il y a un réel impact sur les chirurgiens et sur le suivi, TT Tracker permet d’avoir une couverture. De
plus, pour le suivi post-opératoire, on n’a pas besoin d’aller fouiller dans la paperasse. »
Financement et modèle économique De nombreuses personnes sont impliquées et de nombreux partenariats sont mis en place en lien avec
les programmes nationaux d’élimination du Trachome. Par exemple, TT Tracker peut s’implémenter
dans le cadre d’un programme national d’élimination du trachome pour lequel des ressources
financières, humaines et matérielles sont déjà disponible ; dans ce cas, Sightsavers est en partenariat
direct avec les gouvernements, c’est le cas par exemple au Bénin, en Guinée ou au Nigéria. Par ailleurs,
en dehors des projets financés par Sightsavers, celle-ci offre des forfaits payants à d'autres
organisations qui comprennent le système, le support, la formation et la gestion des données. Les
autres coûts liés à l'utilisation du TT Tracker (achat de téléphone et de temps d'antenne, formation et
besoins en personnel) doivent être couverts par les programmes de mise en œuvre. Pour cela
Sightsavers peut également travailler avec des organisations locales.
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Sightsavers s’occupe du développement du logiciel et d’hébergement de la plateforme qui sont
nécessaires à la maintenance de l’application. Ces fonds sont issus des collectes de fonds menées par
l’équipe des MTNs ainsi que du Accelerate programme.
Perspectives Sightsavers pense déjà à plusieurs développements.
Concernant TT Tracker, des essais sont en cours avec l’envois automatiques de SMS de rappel de
rendez-vous aux patients pour leur suivi. Ce nouveau système engendre des frais supplémentaires qui
n’étaient pas pris en compte et à la charge du pays bénéficiaire. Ce développement est à l’étude.
La plateforme Metabase et CommeCare sont en constant développement avec amélioration du
tableau de bord et création de nouveau rapport. L’objectif est de créer une plateforme universelle
adaptée aux besoins des pays et des partenaires. Un autre développement est la traduction de ces
outils dans des langages additionnels (par exemple espagnol).
Sightsavers tend à s’étendre au niveau national dans les pays dans lesquels ils sont en cours
d’implémentation ; ils souhaitent également continuer d’implémenter TT Tracker où il y a des fonds
issus des programmes nationaux d’élimination du TT mais également là où il n’y en a pas.
Enfin, l’objectif final étant l’élimination du TT d’ici quelques années, Sightsavers développe des
nouvelles utilisations à cet outil notamment le suivi de la cataracte pédiatrique qui est une pathologie
qui ne peut être éliminée et qui peut apparaître à tout moment.
« TT Tracker a un potentiel massif. Il peut être utilisé pour la cataracte pédiatrique, même pour la
cataracte adulte ou tout autre maladie tropicale négligée qui nécessite une chirurgie et un suivi post-
opératoire. »
Recommandations et conclusion Sightsavers s’engage dans l’élimination du TT de manière globale. Ils commencent par élaborer la
stratégie avec le pays partenaire en identifiant les problèmes à résoudre, les défis, le système de santé
national, en élaborant la liste des chirurgiens et en cartographiant la répartition des cas de TT dans le
pays. Ils s’entourent d’une équipe locale impliquant tous les partenaires nécessaires. L’outil TT Tracker
est adapté aux recommandations de prise en charge internationales et permet un suivi à la foi post-
opératoire des patients et également des performances chirurgicales. Même si l’outil n’a pas vocation
à être une base de données nationales, celui-ci permet de traquer le TT dans l’objectif final de
l’éliminer. Grâce à l’implication de nombreux acteurs internationaux, cet outil a été créé et a prouvé
son efficacité. Il tend à se développer d’une part géographiquement afin d’atteindre une élimination
globale du TT et d’autre part en s’adaptant à d’autres pathologies nécessitant le même suivi.