Rapport au Garde des Sceaux, Ministre de · I. Ouvrir de nouverna champs arr accordr des* et mire...

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  • Rapport au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

    RENOVER LE DROlT DE LA FAMlLLE :

    Propositions pour un droit adapt6 aux r6alit6s et aux aspirations de notre temps

    Rapport du groupe de trnvailprt?sidt?pnr Francoise~ekeuwer-Defossez, PPofesseur 2 Z'u~ziversiti de LiZZe I1

  • LETI'RE DE MISSION

    AVANT-PROPOS

    INTRODUCTION

    I Pourquoi reformer le droit de la famille I1 A quels nouveaux besoins ripondre ? 111 Le travail de. la Commission IV Les grands axes des reforrnes proposees

    PREMIERE PARTIE : .ASSURER LE STATUT DE L'ENFANT DANS SA FAMILLE

    Chanitre I : RECONSTRUIRE LE DROIT DE LA FILIATION 17

    Section 1 Pnrfnire 19e;>aliie desjiliaiions

    $ 1 Achever I'EgaIite des statuts $2 Unifier le droit de la nliation

    A - Abandonner les qualifications de filiation legitime et de filiation natureIle B - Harmoniser les actions judiciaires

    \ Section 2 Assurer l'iquiiibre entre lien drr sang, Iien vicu ef volontt! individuelle 30

    # $1 Fonder la filiation sur une ethique de la responsabilit6 A - Valoriser I'itablissernent volontaire de la filiation B - Conserver I'engagement comrne fondement des filiations reposant sur Une procr6ation assistee avec tiers donneur

    .C - Ne pas priver arbitrairement un enfant de I'itablissement juridique sa filiation I . Elargir l'etrrblirs~~ent forci de la paterniti

    2. Supprimer l'interdiction d'itablir la maternitd tfrie de I'accouchemenr anonyme

    3. Maintenir une solution de substitution lorsque Z'itablissement de la filiation est

    impossible ou tratmatisant .

    D - Mieux prendre en compte la periode prinatale 1. Favoriser les reconnaissances prinatales

    2. Abaisser le serril de-deClaration 6 I'itat cniil des enfmnts mort-n&

  • $2 Renforcer la stabiliti du lien de filiation A.- Riduire les dilais des actions en contestation

    B.- Limiter les titulaires des actions en contestation

    Section 3 Transcrire Ies spic1j7citLr de la nraterrzitt! et de Ia paferizitt!

    § 1 Respecter la spicificiti de la gestation

    A - Simplifier l'itablissernent de la matemit6 B - Maintenir un droit 1 la discr6tion pour la fernrne accouchie

    I . Conserver I'accouchement anonyme I

    2. Favorirer le r e d de la culture du secret

    3. Ne pas imposer de rivilation uniIat&aIe

    92 Conserver le nom comrne marqueur de la paterniti

    Chanitre 2 : CONFORTER L'AUTORITE PARENTALE

    Section 1 Valorker la fortction parentale

    8 1 REaffirmer I'irnportance de la fonction parentaIe A. - Conserver le teme d'autoriti parentale B - Souligner le caractere intangible de l'autorite parentale

    $2 Rendre plus lisibles les r6gles de l'autorite parentale

    A - Reconstruire Ies regles de lvautoritC parentaie ii partir des principes dvCgalite entre \,,,*&; enfants et de coparentalitk.

    B - Constmire un droit commun de la separation

    Section 2 ' Renforcer leprincipe de coparentaIite' 82

    3 1 Constniire I'autoritE parentale sur le couple parental A - GtnEraliser l'exercice en commun de l'autoriti parentale

    I. Apr6.s divorce

    2. Danr lafamille cr&e hors mariage

    B - Donner plus de liberti aux pkre et mere pour constniire leur couple parental I . Ouvrir de nouverna champs arr accordr des* et mire

    2. Donner plus de souplesse aux aminagements de l'exercice en commun de I'autoriie

    parentale en supprimant l'exigence d'une rkidence habituelle

  • $2 Assurer le respect de la fonction parentale

    A. - Assurer le respect de la fonction parentale par les tiers B. - Assurer le respect de la fonction parentale par les parents eux-mernes

    I. Respecter les droits et devoirs de i'autreparent

    2. Respecter sespropres droits et devoirs 2 i'igard de i'enfant

    Section 3 Reco~zna3re IapIace des fiers

    Ij 1. Quelle place pour le beau-parent ?

    92. Consimire un statut du tiers

    A - Permettre Une collaboration entre parents et tiers B - Faciliter la prise en charge de l'enfant par !es tiers

    I. Favoriser la coop&ation entre le tiers et le ou les parenu qui exercent I'autoriti

    parentale - 2. Assouplir Ies rsgles de Ia diligation

    Ij 3. Affirmer de droit de l'enfant i des relafions personnelles avec certains proches'

    A - Le droit de l'enfant i entretenir des relations avec Ses grands parents et Ses freres et soeurs

    B.- L'intiret de I'enfant i conserver des liens avec certains proclies

    Section 4 Pronzouvoir les droits de I'erzfarzt

    $ 1. hsocier l'enfant a l'euvre d'education ment5e par Ses parents

    $2. Micux faire entendre la parole de I'enfant

    A - Rendre effectif le droit de l'enfant i etre entendu dans Ies procidures qui Ie concement

    I. Supprimer le crithe de discernement et mrmer lapossibilite d'une audition de

    I'enht qud que soit son Oge

    2. Reconnaitre d l'enfant tie plus de Reize ans le droit dBZtre entendu dans toute

    procidure qui le concerne

    3. Mieux encader I'audition de I'enfant

    B - EIargir Ia capacitd de I'enfant 1 agir par lui-meme en justice ? I. fmt-il permettre d I'enfant de demander son irnancipation ?

    2. Faut-il donner d I'enfant IapossibiM d'initier une procidure ?

  • DEUXIEME PARTIE : RESPECTER LA LIBERTE DES EPOUX

    Chapitre I : MODERNISER LES CONDITiONS DE FORMATION DU MARIAGE

    Section 1 Qzrel Sens pozrr le mariage aujo urd'lrui ?

    Section 2 Uiz e ncf lmlisation ~zicessaire

    $ 1 Unifier l'äge du mariage

    $2 Simplifier le droit des oppositions et des nullitis

    6 Chapitre 2 : FAVOHSER UNE ORGANISATION RESPONSABLE DU DNORCE

    Section I Vnloriser les nccords e~tfre iporrx divorgnnts

    $1 Donner leur pIein effet aux accords globaux

    A - Alliger Ia procidure de divorce sur requete conjointe B - L'iventualiti de la creation d'un divorce sans contröle judiciaire

    I . les arguments e'changk

    2. les propositions concrgfes envisage'es

    $2 Ameliorer le divorce demandi et accepti

    A - Supprimer toute rkfirence i Ia faute dans cette forme de divorce * B - Permettre I'accord sur le principe du divorce pendant toute Ia duree de Ia procidure

    $3 Favonser 1' imergence d'accords sur les const5quences du divorce

    A - La recherche d'un accord concernant la vie des enfants. .B - La recherche d'un accord sur les consiquences patrimoniales du divorce

    Section 2 DidramatrSer le divorce ef nssoriplir lesprocidures 147

    $1 Divorce pour faute etlou divorce-constat d'ichec ?

    A - Faut-il supprimer le divorce pour faute ?

  • B - Proposition d'une nouvelle articulation entre divorce pour faute et divorce pour cause objective

    I. Le divorce pour mpture de la vie commune

    2. Le divorce pour faule

    $2 Une procidure unifiee et moins contentieuse

    A - L'unification de la phase prealable de conciliation 1. la requite initiale

    2. la suppression des mesures nonsontradictoires

    3. I'audience de conciliation

    B - L' instance en divorce I . les dlyirentes demandes en divorce

    2. L'isme de Iaprocßdure

    Section 3 L'nntiliorafion de la fralzsparence ef de Z'iquift! des r2,olenzenfs picuniaires

    entre ex-ipoux 158

    $ 1 le nouveau rdgirne de la prestation compensatoire

    A - Les rnesures proposees pour que la prestation cornpensatoire soit versee en capital B - Le regime derogatoire des prestations compensatoires versees SOUS forme de rente

    $2 L'acceleration des procedures de Iiquidation

    Chariitre 3 : AMELIORER LE STATUT PATRIMONIAL DU CONJOINT 167 -;.3

    Section 1 Rerlforcer la profecfiorz du co~rjoini surviva~zf

    5 1 Insircr Ie conjoint dans la dkvolution legale A - En I'absence de descendants: elever Ia place du conjoint dans I'ordre des successibIes

    B - En presence de descendants : Zi la recherche d'un iquilibre I. Les droits du conjoint : usufniit ou propriete ?

    2. Une protection specifique pour les enfants non communs ?

    3. La proposition du groupe de trclvail

    $2 Instituer un mbimum garanti

  • Section 2 Respecter la volorztt! des ipoux 182

    $ 1 Consolider Ies donations entre epoux

    A - Etendre aux donations entre ipoux la regle de I'irivocabiIiti des donations B - Valider les donations diguisies entre ipoux

    $2 Liberer Ie changement de regime matrimonial

    TROISIEME PARTIE : GARANTIR L'EFFECTIVITE DES DROITS

    Chapitre 1 : REAFFIRMER LES SOLIDARITES FAMILIALES 189

    6 " Section 1 Refonder les obligaiiorzs alir~zerztaires sur laparentt! et sur I'alliance 189 $ 1 Crker un titre consacre aux obligations nees de la parent6 et de l'alliance

    $ 2 Redefinir la champ de I'oblipation alimentaire ?

    A - Faut-il supprimer I'obligation alimentaire entre le gendre OLI' la bru et les pere ou mere de son conjoint ?

    B - Faut-il crier une obligation alimentaire entre enfant et beau-parent ?

    Section 2 Engager Une ref7exon sur le calcul ei la nzise en ceuvre

    des obligations alinzeniaires 193

    $ 1 Encourager Ia fixation amiable de la contribution parentale d'entretien

    $ 2 Riflechir 6 I'unification des pratiques par i'ilaboration de baremes

    Chaoitre 2 : SIMPLIFIER L'ACCES AU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES 197

    Section 1 Unzj7er [es proct!dures 198

    Section 2 Refondre les procidures d'urgence 200

    Section 3 Assurer In conzpnrutiorz persorzrzeile des pnrties 200

    Chapitre 3 : ASSURER LE RESPECT DES OBLIGATiONS FAMILIALES 201

  • Section I Maiizteizir Inpi~zalisatioi~ dzz droit de la fanzille ? 202

    Section 2 RechercIzer les voies civiles drr respect des obligntioizs fnnzilinles 203

    $ 1 des regles substantielles fortes

    $2 des pratiques A divelopper

    A - La rnidiation farniliaIe B - Des obligations nouvelIes pour les parents C - Une rneilleure coordination des actions entre Ie juge'aux affaires familiales et le juge des enfants

    D - Trouver des rnodes de contrainte ou de riparation civile

    Section 3 Articrzler le droitpinal ei le droii civil

    $ 1 adapter les sanctions pindes au contexte familid

    $2 Modifier les incriminations pendes

    A - Le dilit d'abandon pkcuniaire de la farniile B - Les delits sanctionnant le non respect de I'exercice de I'autorite parentale C - Les dklits relatifs ?i la filiation

    CONCLUSION 211

    RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

    COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL

    LISTE DES AUDITIONS 223

  • L2 fmil le e s un aes piIiers de notre sociErE. Elle esi p l u qu'une s,irnpIe jc~t2posi1i.o~ de peisoiines pxce qu'eIle esr: I: Iieu synbolique oi! se cor!s~iisent les iap?oxs en.c;t [es stszs, taü: les gener~tions et enti: l'autorire er: I2 libertf. . . .

    . .

    Si ces iapports sont des invaiants au fonaeneni. des rzppom socieux, il f ~ u t nEr'~qoins retonnaitre que les forines de. 12 farnilIe se soni hisroiiquemenr: diversifiees. I1 y E . . ce j = u ~ e s nrTi9s: des couples ägfs, der concubins 2vec OE srqs e h u . .4v=c I'=Ilon,oem:rir G= 12 viz, C= SOZI scuvenr: 1es mSr;ies ersonnes cui voci se aouver successivencnr d m c:s .. --. C:II=T=3iCS ~itll2ii011~.

    I! %J: r:=a.i~ - c01z3te juridiqu=n=;..r de I'f voluiion 025 fzis si l'or! Z= souheit= p a que s: crsass fasst 2 n r ~ ies a2irxions äe nos ~0nciioyf::s t; le aroir qci E m z fanc~icz SZTLCFL~.Z:= cic r fgda ion sociale. NEaio i rz , 'il ce s ' z i : p u de bouIeverstr I'aichir=c,nirt juiaiqu: qui est 1e nöce. I1 s'-i: de procfdei 2 nise i sie: aes probItrri=s conc;=s qui s: postn: ~ o c s 1:s j o ~ s 92its I2 \i: ces ge11s.

    Lors ae 12 Con5irence de 12 famille qci s'esr: r:erie= 2c mois de juin, j'ri zmoncf 12 crCzion a'un goupe de uavYl pour 2border 1s droir de 12 i&Ue sous un ulgle qui me puu't fondtmexd, celui des relations parents-enfants. I1 s e z composi d'universi~aires, 9e mrg imrs , G'zvocats, d'un noraire er d'un psychrnrlyso.

    Lcs uzvaux du groupe demient s'miculer auiorrr Ce cisux axci iondzrnentau~ : la I uli2r:ion qui fonde la paren15 et le couple qG repost acjouid'hui mr un respect accru de 12 volomi individuelle.

    L'identiti de l'enfant se construit aurog de son lien de filiarion et de 1'2utoiitE pu=ntde. L ' i sd i t i des KIiztions et leur a b i l i t i me paraissat au Coeur des prioccupations de nos concitoyens. Pour chaque enfant, iI fam rechercher une relation iquilibrie 2vtc ses d e u pucnts et le droit doit sya&pter aux ivolutions de la f d e . Je vous demande de me fWe des propositions 'de & -2 renforcer d'une part, le lien de f;li25on d ' m e part, Iyauroiir6 parentale dans 170rganis2rion de Ia vie de I'enfant.

    Les rapports enee les couples ont profondirnent ;volui ven une igd i t i de plus en plus m d e entre les hommes et les femmes. - .. 1...

  • Cepcnami. que cc soir penduii l t ~ i yi t commune ou Ion 9: i=ui s:?t-aiion, ils rencon[ren[ ur, cer~ain nombre de diEculres qui miriieat d'eire zplanits.

    P2: exerriple, Its opposiuons a rnrrkge sont-dies encoie j u i i 5 i t s 9eis leur f a m e zcmellt? S e faui-il p2.s enviseger une simpli5caiion des prociciures cc divorce, voire tuie nouvell: forme ae ciivorce? Le syneme aes aonadons er liberrilir2s er.::: +oux er-il bicn d ~ p i t 2 C= que l'on 2zend de lui ? D w quelles condiiions aoit-on r;liiiorer ies drois do conjoini s ~ r ~ i ~ u i i ?

    C ' e s sur I'ensemble de CES refiexions que p o i ~ ~ i 2 Ir rriission que je vous coniye d'animer le oroupe de .uavail. Sur 12 base des tr.zv2u que v o u conciuirer vous prescnierer - en 1:s ugilr;ieniuir, des proposicions a= riformes.

    'I@ D a s l'exercic: de votre dss ion qui prencin en ConJit 12 h e n s i o n ir&que er n o r 2 , ~ d= c=rcrir.s u'pecrs du droit de la funille, v o u proctderez k 12 cor,sulr21ion des professiomeis conc:inis er: 2 l'audition de romes lcs penonndirEs donr vous enimerez le concours necess~ire.

    L= niilintre de le jusiice e: noizmrzent 12 Direc~ioli, CS eZ&-ts civiles et d~ Sc-=E, voris 2 ? ? 0 ~ ~ i o n i r o u ~ t I ' u s i nace a6c:ssYre poci a~+7=2t: 2 bitz vos t i 2 ~ 2 ~ ~ que j= sc?Lkir= voi: s j o ~ i ~ i i 2vmi 12 fm du dta.ciGn= zimesüe 1999.

    j e v o u prit dc croir:, M2du;ie: 2 I'usrrruic: d t mes s t a r i m e a ~ 12s rritiileus.

    M ~ d a m e Fmcoise DEEUWER-DEFOSSEZ Professeur i 1"liniversite de Liile I1

  • A VAIVT PROPOS

    Il estpeu de tiiches aussi exaltantes. et aussi dz$cile; que de refichir er de proposer @ . des nzodifications 2 un itat de droit existant. D'un c6ti l'enthousiasme de penser que peut-

    e'tre, le travail eflectui p o w a ame'liorer la situation concrite des personnes et des familles ; de lautre la crainte que les remides suggiris soient pires que les maux existants. Pour chaque nzembre de la Conzmission, participer 6 cette rifTexion itait une lourde respo~tsabiliti, en me'nze temps quun challenge passionnant.

    Le champ confie ir la Commission pur la lettre de nzission du Garde des Sceaux- itait immense : la filiation, 1 autoriti parentale, le divorce avaient chacune fait l'objet dune grande loi apris de longs dibats ; quant 6 la situation successorale du conjoint survivant, elle avait fait la nzatiire de plusieurs pri-projets qui n'avaient pu aboutir. Riunir ces quatre thimes, en y adjoignant quelques autres questions qui ne sont pas de rnoindre dzficultk telles les solidaritis familiales, n'etait-ce pas courir le risque d'un travail trop e'tendu pour ttre vraiment approfondi ?

    Mais travailler sur un tel ememble ktait aussi l'occasion de tenter une riflexion globale sur la famille, de rechercher des lignes de cohirence, de proposer des articulatiom trawersales. Une entreprise d'une telle ampleur est rarement tentde, ce qui la rend d'autant plus passionnante.

    C'est donc avec ardeur et ambition que la Commission a commence son travail. Cette ardeur ne s'est demende 2 aucun moment pendant toute I'annie oir elle s'est riunie. Au jour de 12ach2vement de la riflexion, 1 enthousiasme des conzmencements est toujours intact.

    Ou'il me soit icipermis de rendre homnzage au dkvouement, 6 la largeur d'esprit, au desir de dialogue et au t m a i l acharni de tous les rnembres de cette Commission Chacun dans sa spicialite a donni le meilleur de lui-nze'me, tout en accueillant les opinions des autres. C'est ce respect mutuel des diversitk qui a enrichi les discussions et fait nzurir la rifzexion. C'est lui qui a permis d'elaborer des propositions comtructives qui se veulent ir la fois ambitieuses et realistes.

  • La mission confiie par le Garde des Sceaux avait ite' pricidie par le rapport « Couple, filiation aujourd'hui )) d'lrine Thiry. C C't donc sur un terrain bien balisi que la commission s 'engageait. L 'apport pricieux de cette rifTexion ne doit pas Etre oublii.

    La Commission a binificii des enseignements tiris des nombreuses auditionr; azcxquelles eIIe aprocidi. C'est I'ensemble de ces opinions et de Ces demandes qui aformi la matiire de ses rifTexions, puis de Ses propositions. Elle tient 6 remercier tris vivement tous ceux qui sont venus lui exposer leur vision de lafamille, et notamment les experts qui Iui ont remis des travatrx particuliirement pricietrx.

    La Direction des Afaires civiles du Ministire de la Justice a apporti un concours eficace et particuliirement attentionni, tant au regard des besoins matiriels que par sa participation suivie aux travaux du groupe. Qu.'elle en soit igalement remerciie.

    Enfin, ce rapport n 'auraitpu Etre rialisi sans Ia participation compitente, inventive et active de Nicole Bilger et Marianne Schulz, et de Brigitte Pichon, qui en a assuri la mise en Page-

    '] @) Cette itape est aujourd'hui achevie. Sur de nombreux points, la Commission aurait

    encore pu affiner sa doctrine, priciser ses positions, amiliorer le consennrs en son sein. CeIa n 'aurait sans doute pas i t i tris utile, car d'autres instances doivent maintenant relayer Ses dibats. Les dossiers sont ouverts, des solutions suggiries. Sur Ces questions de sociiti, C 'est . 6 la sociiti dans son ensemble de prendre parti.

    Francoise DEKE WER-DEFOSSEZ

  • INTRODUCTION

    I - Pourquoi rcformer Ie droit de Ia famille ?

    Pourquoi modifier le droit de la famille? Pour certains, une rifome globale serait

    inopportune ; en effet, le droit de la famille a dij i fait lyobjet d'une refonte, par une sirie de

    lois qui se sont ichelonnies de m&kre continue depuis 1964. De plus, les textes votis entre

    1964 et 1975 foment une Oeuvre d'ensemble effectuie i partir de travaux doctrinaux dont la \ qualiti a i t i unanimement saluie. Rernettre en chantier des textes aussi recents peut paraitre

    inutile et distabilisant.

    Pourtant, un veritable besoin social existe, exprirni dans la lettre de rnission, qui dernande au

    groupe de travail de "tenir compte juridiquement de I'ivolution des faits" pour iviter "que ne

    se creuse un fossi entre les aspirations de nos concitoyens et le droit". La lettre de mission

    donne, pour le droit civil de la famille, une suite au Rapport « Couple, Filiation et parenti

    aujourd'hui », ridigi par Irkne Thiry i la demande conjointe de la Ministre de 1'Emploi et de

    la Solidariti et du Garde des Sceaux. Prialable i ses travaux, le Rapport Thiry a i t i la base

    sociologique et le point de dipart des rkflexions de la Commission ; elle a ainsi pu se

    consacrer au strict domaine du droit civil, puisque le contexte de la situation socio-

    economique justifiant les riformes avait prialablement i t i dicrit.

    Le droit civil de la farnille est confionti i au moins trois w e s d'ivolutions :

    - L'ivolution sociaIe est la plus visible ; eUe concerne d'abord les aspects proprement familiaux de la vie, dont les phinomenes que I'on peut regrouper sous l'appellation generale

    de "demariage" (divorces, unions libres, recompositiok farnilides ...). I1 faut aussi noter plus

    largement un nouveau rapport au droit et 5 la sociiti, incIuant une plus grande autonomie et

    une plus grande responsabiliti des individus et des couples. La notion de "modele farnilial"

    elle-meme est en question face au. disir de chacun de constniire ses propres relations

    familiales. Enfii' les relations de couple apparaissent de plus en plus relever des choix privis,

    dors cependant que les rapports entre parents et enfants sont toujours, voire de plus en plus,

  • sous le regard de la sociBE, dont on attend qu'elle assure le respect des droits et devoirs de

    C hacun.

    - L'evolution biologique et medicale n'est pas moindre. I1 faut signaler ici i la fois le phinornkne de l'allongement de la duree de vie, SOUS Ses divers aspects (plus grande durie des

    unions, coexistence de plusieurs generations ...) et les progrks de la biologie, dans le domaine

    de la procreation, aboutissant aux avancees contradictoires que sont l'accis i la certitude de la

    filiation biologique et les procrkations rnedicalement assistkes.

    - L'kvolution juridique est peut-etre la plus rneconnue. Sous la pression des conventions internationales, specialernent de la Convention europeenne des Droits de I' Homme et de la

    Convention Internationale des Droits de IYHomme, des boulevenements profonds dans l e : 2 @ I

    principes juridiques sont intervenus. Ainsi, il n'est plus possible de faire passer le souci de

    cohksion familiale systernatiquernent avant les droit s individuels, et specialement le droit de

    chacun i l'egalite et i la non-discrimination.

    Inadaptk, par hypoth6se i Ces evolutions dont personne ne pouvait prkvoir I'arnpleur et la

    rapiditk, le droit de la famille est aussi devenu illisible parce que trop cornplexe, au fil des

    reformes legislatives ponctuelles et des innovations jurisprudentielles inattendues. Le droit de

    la filiation est devenu un maquis oii seds d'eminents specialistes peuvent tenter de s'orienter.

    Le droit du divorce n'a pas rkpondu i toutes les attentes de Ses prornoteurs et continue de

    susciter des dkbats violents et douloureux, ainsi que des Iitiges dYapr6s divorce interrninables.

    LYautorit6 parentale nyest pas toujours suffisamment claire pour fonder des relation) ( equilibrees et solides. Enfin, les droits du conjoint survivant, non rnodifies depuis cinquante

    ans, ne correspondent plus i la configuration actuelle des familles.

    I1 ne s'agissait pas, pour le groupe d'adopter la position consistant Zi "adapter le droit aux

    moeurs", dans une ipuisante fuite en avant des nomes tachant de coller aux pratiques. I1

    fallait proposer un ensemble norrnatif, qui permette aux comportements de s'daborer et

    surtout aux familles et auxpersonnalitis de se construire par rapport i des repEres stables,

    siirs et cornprihensibles.

    La place d u droit par rapport aux comportements prives est bien difficile i cerner avec

    prkcision. De nombreux rnalentendus sont possibles. I1 faut, tout d'abord, relever que le rnode

  • de vie des familles n'est pas forcement en confomite avec leur situation juridique. Ainsi, bien

    des couples, mariis ou non, partagent des valeurs communes et ne perqoivent pas forciment

    de diffirence dans leur engagement riciproque comrne dans celui qu'ils assument envers leurs

    enfants. Pourtant, mariage et union libre conservent des rigimes juridiques marques par la

    prisence ou de l'absence d'engagement au Sens proprement juridique du terme.

    I1 existe cependant Une attente forte de reperes qui fassent Sens pour les individus, et il est

    nicessaire que les structures juridiques aient la force symbolique qui correspond ?i cette

    demande. Dans cette perspective, les dem icueils principaw seraient soit une insuffisance de

    lois, donnant l'impression de vide juridique devant certaines situations, soit Une

    riglem&tation tatillome, forchent inapte ?i sakir la variiti des comportements. L'un des

    dangers les plus friquemment encounis est celui d'une ligislation focalisie sur des cas

    6 litigieux, et l'oubli cordlatif de la giniraiitk des situations, pour lesquels l'existence de nonnes expressives n'est pourtant pas moins nicessaire.

    E n f i le droit civil de la famille ne peut remplir sa fonction structurante et symbolique qu'a

    condition d'etre connu. Une mobilisation de tous les acteurs sociaux concemis, tels que les

    travailleurs sociaux, le systkme iducatif dans son ensemble, ou encore pour certaines

    questions les structures midicales et hospitalikres doit. favoriser une bonne diffusion et une

    bonne comaissance de rkgles qui pourront Stre assimilies et integrees par les individus. Des

    efforts ont d i j i i te engag6. Ils doivent etre amplifi6, coordonnes et valoris6s.

    Si le rölc du droit civil dans les comportements farniliaux et sociaux ne doit pas Stre exagiri,

    6 il ne doit pas non plus etre sous-estimi. L'appui qui pourrait risulter d'un ensemble de textes clairs ct fons dans la consolidation des liens familiaux et sociaux ne doit donc pas 2tre

    neglige, ct la force expressive et symbolique du Code civil constitue une valeur A renforcer.

    II- A quels nouveaux besoins repondre ?

    Prendre en compte les changements de la famille et de la sociiti a donc 6ti la prernikre

    prioccupation du groupe. Ces evolutions sont multiples et multiformes. C'est pourquoi il

    convient non seulement de les repirer, mais aussi de les ordonner. Le poids des naissances

    hori mariage doit Stre considiri en prernier : environ 40 % des enfants naissent de parents

    non maries. Et le nombre depasse 50 % quand il s'agit du premier enfant. Plus d'un couple

  • sur deux n'est pas marii quand nait leur ah i . Ce simple constat justifie 4 lui seuI la prioriti

    donnie a I'igditi et 5 la stabiliti des filiations dans et hors mariage qui a constitui le fil directeur du travail du groupe, dans la perspective de la lettre de mission qu'il avait recue du

    Garde des Sceaux.

    Un deuxieme iliment Iourd de consiquences pour 1'6volution du contexte familial riside dans

    l'accroissement de I'espirance de vie. L'allongement de la durie de vie adulte augmente

    I'iventualiti de changements et de ruptures dans la vie conjugde et familiale que le droit doit

    prendre en compte. Cette evolution a, bien s k , guidi la rifiexion du groupe sur le divorce.

    Comment tirer la consiquence de son caractkre fr,equent (180 000 divorces sont demandis et

    120 000 prononcis chaque annie), sans banaliser pour autant cet evinement qui reste, dans 1~3 0) plupart des cas, un Passage difficile et douloureux. Cornment rendre simple et accessible au

    justiciable cette procidure sans en occulter I'enjeu et sans alt6rer les garanties dont doivent

    binificier les enfants et les conjoints l'un envers l'autre, en particulier les plus fragiles ? C'est

    cet iquilibre difficile que le groupe s'est attachi a tenir, ce qui l'a conduit 4 proposer des

    ivolutions profondes, mais sans retenir, en definitive, une procidure de divorce qui exclurait

    le juge.

    Les ruptures n7intiressent pas sedement les couples rnariis : plus de 60 000 proces par an

    opposent des parents non rnariis 4 propos de la risidence des- enfants ou des pensions

    alimentaires dues aux enfants. Leur situation rnerite Une attention egale 4 celle qui est portie

    aux enfants du divorcg et dans toute la mesure du possible un traitement juridique identiquiJ 6) ., les problkmes juridiques qui risultent de la siparation etant largernent similaires quels

    qu'aient it6 les liens juridiques ayant uni les parents.

    La consiquence des ruptures, ce sont aussi les familles recomposies dont i l faut rappeler

    qu'elles forment 4 ce jour moins de 5 % des familles. Le groupe s'est attachk, dans ce

    dornaine, 5 reconnaitre le r6le que pouvaient trks utilement jouer les beaux-parents dans la vie

    quotidienne des enfants, tout en se gardant de toute confusion avec les parents du point de vue

    de la filiation cornme de l'autoriti parentale. Tout autre choix aurait i t i i I'encontre de

    I'objectif central du groupe, de stabilite de la filiation et de clarti de 17autorit6 parentale.

  • L'alIongement de la durie de vie entraine disormais la juxtaposition d'un nombre croissant

    de ginirations. Le groupe en a tire les consiquences en veillant i~ reconnaitre le röle des .

    grands-parents. En revanche, tout en itant particdikrement conscient de l'importance du

    sujet, peut-etre du fait meme de cette imporiance, il n'a pas CN possible de mener un travail

    approfondi sur les solidaritis interginirationnelles. I1 s'est limiti B un (( toiIettage de la

    ligislation. Ce domaine central du droit et de la vie de la famille touche aussi d'autres droits,

    fiscal, social ... -11 devra, naturellement, etre retravailli.

    La construction du droit de la famille implique que soient bien identifiis les Elements de

    permanente, de stabiliti, qui contribuent trks fortement i l'identiti de la familIe. A cet igard,

    on ne peut oublier que 83 % des enfants de moins de 18 ans vivent avec leurs deux parents, ce

    nornbre atteignant encore 74 % pour les grands adolescents de 15 i 17 ans.

    b ) I1 convient, au-delh de la diversiti des histoires et des cheminements, de se rappeler que

    chacun a une expirience de la famille, celle de sa propre famille. Dans le temps et dans

    l'espace, la famille, c'est d'abord des liens, des liens de parenti. Aucune des mutations

    contemporaines n'a porti atteinte i cette perception permanente et universelle de la famille

    comme lieu de la parenti, c'est-a-dire de la diffirenciation des Sexes et des ginirations.

    Aucune des mutations n'a remis en cause cette place de la famille cornrne eliment durable et

    fondamental de la sociiti, un de Ses piliers, pour reprendre l'expression qui introduit la lerne

    de mission. La valeur de la famille reste inentamie aujourd'hui, plus que jarnais.

    Des lors, le travail du groupe s'est organisi autour de la double exigence de tirer les

    @ ' consequences des kvolutions des moeurs et des mentalitis et, en meme temps, d'assurer la pemanence des repkres, it travers l'inonci d'& droit qui institue et qui ordonne la

    symbolique des liens et des places ; exigence difficile car les fonctions opiratoires et

    symboliques du droit ne s'articulent pas si facilement. C'est cet iquilibre incertain et

    contingent que traduisent les travaux du groupe.

    I1 s'est agi 2I la fois de donner des riponses i des problkmes concrets et en meme ternps de

    digager les principes qui assurent au projet une coherence et un iquilibre : cohirence quant 21

    la signification du droit dans les liens et places qui difinissent la famille ; iquilibre quant i la

    place des droits et des devoirs des aduites et des enfants au sein de la famille.

  • Le groupe de travail a eu en permanence B I'espnt que ceux auxquels s'adresse le droit de la

    famille, les parents, mais plus encore les enfants, s'appuient, en partie, sur lui pour construire

    leur identite ; des lors, Ses revirements et Ses incertitudes, rnais aussi ses intrusions et Ses

    exces, pouvaient avoir des effets sur les representations et les comportements.

    Par consequent, il convenait, comme l'y invitait la lettre de rnission, de ne priparer que les

    reformes s'imposant absolument et d'assurer au mieux la clarti et la lisibiliti qui laissent

    apparaitre l'intelligence des pnncipes et favonsent l'adhesion, ce qui valonse le droit. C'est

    cette exigence, par exemple, qui a conduit i la prudence de l'approche retenue sur le nom

    patronymique.

    III - Le travail de la Commission @I

    Le groupe a tente une synthke, d'une part entre les aspirations des differentes parties du

    Corps social, et d'autre part, entre les nicessitis pratiques et les enjeux philosophiques. I1 s'est

    appuyi sur les conclusions du rapport ThCry ; il a ite nourri par les auditions d'experts,

    d'associations, groupements et organismes professiomeIs concernes, et par les contacts

    entretenus avec les autres minist6res concemCs.

    Les auditions ont eti nombreuses (90 environ). Elles ont fait apparaitre la diversiti des

    attentes et des conceptions philosophiques qui les SOUS-tendent, en m&ne temps qu'une

    convergence sur des prioccupations essentielles. Sur des questions aussi fondamentales que

    celles de savoir s'il y a lieu ou non de favoriser le mariage, ob si le divorce est un maIheur o:_) . . une itape dans une existence, il n'existe pas de Consensus socid. Mais il existe une forte

    mobilisation d m la recherche de moyens permettant aux diEcult6 familides d'etre mieux

    risolues, ct lt soutien du droit civile et de la procidure civile parait indispensable.

    Des contacts ont ete pns avec le Ministkre des Finances, avec celui de la Solidarite, de

    lyEducation Nationale, et le Secritariat d'Etat aux droits des fernrnes. Maigre leur caractere

    limiti en raison des contraintes de delais, ils ont fait apparaitre une veritable volonti de

    coopCration, afin de coordonner les actions, mais aussi les difficultes de cette cooperation,

    resdtant des differentes de culture juridique et d'approche des problemes. Seul un travail

    permanent de coordination est de nature 2 eviter, dans l'action des pouvoirs publics, des

  • divergentes . nuisibles . tant A I'efficaciti du travail des divers ministeres, qu'i I'image du

    systkme juridique et de I'autorite publique, perques dans leur ensemble par Ia population.

    Enfin, Ia variiti de la cornposition du groupe de travail, incluant magistrats, des avocats, un

    notaire, universitaires, un psychanalyste, ainsi que le diligue interministeriel A la famille et le

    directeur des affaires civiles et du sceau a pemis un dkbat ouvert et nouni. Le groupe de I travail a recherchE I'Elaboration d'une synthkse, afin que la loi future puisse rassembler la

    nation autour de queIques principes forts, tout en laissant i la libertt de chacun un large

    champ d'autonomie, de telle sorte que chacun puisse construire sa propre famille, et en meme I temps que les valeurs fondant cette farnille soient exprimees et puissent recevoir une large 1 adhision.

    Les debats d'idies se sont souvent prolongis i partir de-l'exarnen de riformes que I'on aurait

    pu croire purement techniques. A I'inverse, certaines oppositions philosophiques ont pu

    parfois se risoudre devant des solutions pratiques adapties. Mai& des divergences sensibles

    d'approche, il a ete possible de proposer des solutions concrktes recueillant I'accord de tous :-

    dans la plupart des cas. Sur certains points, cependant, subsistent des avis different~. 11s seront

    tvoques au fix et i mesure des developpernents. Mais, au total, I'un des intirits de cette

    I reflexion a ttd I'approche globale de I'organisation de la famiIle, reposant sur une vision 1 coherente, et preconisant des solutions coordonnies.

    I IV - Les grands axes des riformes proposies

    I - La lettre de mission du Garde des Sceaux orientait les travaux du groupe dans deux directions 1 principales : « la filiation, qui fonde la parenti et le coupIe qui repose aujourd'hui sur un

    respect accru des volontes individuelIes ». C'est donc dans cette perspective que se sont

    ordonnkes les reflexions de la commission.

    Premier axe : les relations coupIelparentsl enfants

    I1 parait necessaire d'expliciter les axes de raisonnernent qui pennettent de cornprendre la

    dimarche du groupe et donc l'dconomie des mesures sbggkrkes.

  • a) les parents et 1 'enfant

    Le groupe a eu le souci premier des droits de l'enfant. Cependant, les droits de I'enfant

    s'inscrivent dans ce qui leur donne Sens : l'enfant n'est pas un adulte ; i1 est un Stre en devenir

    qui Sera lui-meme adulte un jour. 11 est une personne i part entikre, mais son &tut d'enfant

    tient au Sens que la societi donne i la diffirence entre l'adulte et l'enfant, entre les parents et

    leurs enfants.

    Reconnaitre les droits de l'enfant, c'est aussi reconnaitre les droits pour l'enfant. L'enfant a

    droit 2i l'enfance, dans le respect des temps et des attentes de son ivolution, comme il a droit i

    rencontrer des adultes, Ses pkre et mkre en prernier qui, comme lui-meme envers eux, auront 2i

    son igard des droits et des devoirs. Ces droits doivent prendre en compte la dissymitrie d - @ places dans la chahe des generations et la responsabiliti des adultes dans la transmission ; ils

    ne peuvent etre dits reciproques qu'i condition de ne pas meconnaitre cette non-riversibilite

    des places et la nature des liens dont certains, comme la dipendance et I'autoriti lies au statut

    des mineurs, ont pour vocation de se dissoudre.

    Dans ce contexte, le groupe s'est interrogi sur la portie de l'expression « I'enfant fait

    famille D. Si cette assertion peut expliquer le contenu des politiques de prestations familiales

    qui dipendent effectivement de la presence de l'enfant, une telle approche ne peut ktre

    transposee en 'droit civil qu'avec une extreme prudence.

    L'enfant, en effet, ne peut etre consideri comme la source et l'origine d'une famille qui, ;) . - 0 plus souvent, lui priexiste en fait (et radicdement s'il n'est pas l'aine). Le couple priexiste i

    l'enfant. Il lui priexiste dans le temps, iI lui priexiste de droit dans tous les cas oii le rnariage prickde la naissance, comme en cas de reconnaissance simultanie antenatale ; il lui priexiste

    avant tout dans le projet d'enfant qui nait dans un couple, et encore plus i une ipoque oii les

    femmes ont acquis la r n a i ~ s e de la ficonditi.

    Enfin, si l'enfant nait d'une rencontre sans lendemain et meme s'il nait sans Etre attendu, il ne

    fait pas plus qu'il ne difait sa famille, l'un comme l'autre Stant empiriquement vrai.

    L'enfant ne peut se pritendre le createur d'une famille au sein de laquelle il est en droit

    d'attendre, auprks de Ses pkre et mkre, son statut d'enfant. Les droits de I'enfant ne doivent -

  • pas etre posis de faqon exclusivement antagoniste i ceux de Ses parents et des adultes.

    L'enfant est issu de deux lignies dont le couple parental n'est lui-meme qu'un iliment. 11 ne

    peut etre I'origine de la famille, au Sens large comme au Sens restreint, dans laquelle il nait.

    L'enfant est, en un autre Sens, source de droits. La naissance lui confere des droits (droits

    sociaux, droits lies i la difinition de sa personne et i 1'6tablissement de sa filiation) ; mais

    ceux-ci ne sauraient etre justement reconnus en diniant la place symbolique d'enfant que le

    droit lui confere. Sans doute faut-il, sur ce point plus que sur d'autres, mettre en valeur les

    differentes fonctions du droit ainsi que la hiirarchie et la distinction des droits.

    b) La filiation et I 'autoriti parentale

    $ I Le premier souci du groupe a dt6 &animement d'assurer I'igditi et la sicurite des enfants au regard du droit de la filiation. En effet, le droit en vigueur, en distinguant deux types de

    filiations biologiques, la filiation legitime (lorsque les parents sont mariis) et la filiation

    naturelle (lorsque les parents ne sont pas marids), entraine des distinctions quant aux

    modditis d'6tablissement et de contestation de celle-ci. La filiation doit donc etre garantie i

    chacun quel que soit le lien de Ses giniteurs et quelles que soient les circonstances qui

    entourent sa conception comme sa naissance. Elle doit l'etre sans discrimination, d'une faqon

    qui prete le moins possible i contestation. Elle doit donner i I'enfant la stabiliti, la continuiti

    et la sicuriti qui sont Lides i ce que la filiation reprisente.

    Le souci d'igditi des enfants a conduit, logiquement, i organiser une articulation centrale

    6 entre la filiation et I'autoriti parentale. C'est I& sans doute, la poutre maitresse de la refome. Mais poser une telle relation n'est pas exprimer une iquivdence. L'autonti parentale n'est

    pas sicritie par la biologie. Elle proc+.de du lien qui se construit ii partir de Ia naissance. C'est

    pourquoi le groupe s'est attach6 i maintenir le dilai d'un an, apr+.s la naissance, au-deli

    duquel la reconnaissance n'entrake pas automatiquement exercice de I'autorite parentale.

    C'est dans le meme esprit que le groupe a considiri que lorsqu'un parent traite un enfant

    comme le sien pendant une durie significative, la filiation doit devenir irrivocable. Le lien

    l'ernporte sur la biologie.

  • Cette conviction, partagee par le groupe, pennet aussi d'eclairer sa position sur

    l'accouchement sous X. Renoncer Q elever son enfant ne doit pas nicessairement aboutir A

    faire disparaitre Ses origines. Un equilibre doit 2tre possible, qui pennette Q la fois une

    parentalite compl&tement assurie par Ia famille qui el&ve l'enfant et la possibiliti pour ce

    demier, &ans certaines conditions, d'avoir accks i Ses origines, tout en respectant la femme

    qui lui a donni naissance.

    C) Lautoritd parentale et le couple

    L'egalite des enfants devant Ia filiation a conduit a renforcer le lien entre fdiation et autonti

    parentale. Celle-ci appartient en propre i chaque parent des lors que la filiation est itablie vis-

    i-vis de lui. :Ja

    Mais la responsabiiiti individuelle de chacun des deux parents ne s'exerce pas

    independamment de ceIle de l'autre. L'enfant ne prockde pas seulement d'individus mais d'un

    couple, c'est-i-dire de deux personnes de sexe different unies par une histoire. C'est pourquoi

    Ie groupe a voulurenforcement de la filiation et reconnaissance du couple parental.

    Bien que les familIes recomposees et monoparentales prennent de plus en plus d'irnportance

    dans la constellation des familles, Ces changements ne paraissent pas devoir remettre en cause

    la r i f h n c e fondatrice que reprisente pour un enfant le couple de Ses parents. Le destin et les

    choix de l'un et l'autre de Ses parents ne peuvent en aucune fagon laisser croire qu'ils ne _ .J@

    seraient plus Ses parents qui I'ont engendre ensemble et qui continuent i ce titre, d'exercer..

    l'autoriti parentale en commun, cornme le droit en Pose le principe.

    Cette comrnunautC dans I'exercice de I'autoriti parentale suppose Ia recherche d'un accord et '

    d'une entente dans les actes usuels de la vie et les decisions qui president i l'education de

    I'enfant. Elle est toujours prCsupposie et tout doit etre mis en Oeuvre pour la favoriser.

    Stabiiite de la filiation, consolidation et unification des rkgles de l'autorite parentale partagie,

    reconnaissance du couple des parents : c'est autour de Ces repkres que le groupe a construit

    Ses analyses et organis6 Ses dibats. I1 n'a pas cherchi i difinir un point d'iquilibre absolu qui,

    i Ses yeux, n'existe pas, mais a explorer le champ, parfois restreint, parfois un peu plus vaste,

  • des possibles. C'est au dibat public et au ligislateur de fxer le juste equilibre, c'est-i-dke

    celui qui est adapte i la situation et aux attentes de la sociiti aujourd'hui.

    Deuxieme axe : les relations juridiques au se in d e s couples

    L'analyse est dominie par les enjeux grandissants du respect de l'autonomie des volont6

    individuelles et de l'igalite entre les hommes et les fernrnes d'une part, et entre les couples

    d'autre part. I1 n'est, dks lors, pas facile de situer les couples m d i s par rapport i ceux qui ne

    le sont pas, d'abord parce que ce choix, qui ressortit i la vie privie, n'est pourtmt pas sans

    consequences sociales et, ensuite, parce qu'il faut concilier le souci de non-discrirnination

    avec celui du respect des caracteres spicifiques de chaque union : engagernent juridique et

    public Qns le mariage, et engagement moral et prive dans l'union libre. Ce dibat n'a pas i t i

    abordi, le domaine de bva i l de la cornmission. ayant ife limite par la lettre de mission du

    Garde des Sceaux aux familles cornprises comme les couples maries ou non ayant charge

    d'enfants ainsi que tous les ipoux.

    Une partie du travail de la cornmission a donc eti consacre aux couples mariis, le mariage

    demeurant I'institution fondatrice par excellence du droit de la famille. 11 apparaissait

    necessaire, d'une part, de moderniser certaines de Ses conditions de formation, trop marquies

    par une Epoque revolue, et d'autre part, de faire en sorte que le mariage apporte effectivement

    la sicuriti juridique qui en est attendue.

    6, La recherche de cette sicurite juridique imposait de se pencher sur la dissolution de l'union matrimoniaIe, puisque c'est 5 ce moment 1i que le systeme juridique est mis i l'ipreuve de

    l'attente de justice. C'est la procidure de divorce qui est censee assurer le respect de cette

    exigence d'equiti au moment de la siparation, et c'est SOUS cet angle qu'ont eti examines les

    moyens de simplifier et d'ameliorer l'efficaciti des procidures existantes, afin qu'elles

    conduisent i l'apaisement des conflits et i l'ilaboration de solutions pexmettant aux ipoux et

    aux enfants d'envisager I'avenir avec le plus de seriniti possible. Dans cette perspective, le

    groupe a souhaite que soit favorisi le diveloppement de la midiation familiale, avant meme

    l'intemention judiciaire et i tous les stades des procidures. La question des rkglernents

    pecuniaires et notamment du rigime de la prestation cornpensatoire est aussi un aspect

    irnportant de ce besoin de securite.

  • C'est dans ce contexte que le groupe a recherchi si 17autonomie grandissante des couples dans

    la ditemiination des modalitis de leur siparation ne devrait pas se traduire par une nouvelle

    forme de divorce dans laquelle l'accord des conjoints ne serait plus contr6li par un juge, itmt

    entendu que cette nouveIle forme de divorce ne devait pas assurer moins de garanties que les

    procid&es judiciaires. Aprks discussion approfondie, la majoriti du groupe a estime que cette

    forme de divorce risquait de ne pas assurer des garanties suffisantes.

    L'exigence de sicunti juridique imposait encore de procider, enfin, ii l'augmentation des

    droits successoraux du conjoint survivant, mesure riclamie depuis plus de trente ans et

    toujours remise, face ii la difficulti de concilier les inter& de toutes les parties en prisence

    dans- des configuration familiales et patrimoniales d7une extreme. diversiti.

    Les propositions qui suivent ne prendront toute leur portie que si eUes sont accompagnies

    d'autres actions dans les domaines social, fiscal et Cducatif.

    Organisies en trois parties, elles s7articulent autour de 'trois objectifs : assurer le statut de

    l'enfant dans sa famille, respecter la liberti des ipoux, et garantir 17effectivitt5 des droits.

  • PREMIERE PARTIE : A S S U B R LE STATUT DE L 'ENIOANT DANS SA FAMILLE

    Le Statut de I'enfant dans sa famille est d'abord detexmind par son lien de filiation. C'est lui

    qui designe Ies pere et mere juridiques, qui transmettront a l'enfant leur nom, qui devront assurer son entretien et qui en auront la responsabilite. Autrefois fondd sur le mariage, le

    droit de la filiation a 6te remis en cause par la montke des naissances hors mariage, et le lien

    de filiation semble parfois men&k par les ruptures et les recompositions familiales.

    Bouleverse, de surcroit, par les progres de la rnedecine, le droit de la filiation doit etre

    Au quotidien, c'est I'autoritd parentale qui pennet aux parents d'exercer leur responsabilite

    d'tlever I 'enht . La stabiiite et la force de ce lien est necessaire & la fois pour donner aux

    parents les rnoyens de leur mission, et pour assurer a l'enfant l'kquilibre et les reperes dont il

    a besoin. Cette autorite merite d'etre revalorisee, et plus clairement confiCe aux deux parents

    6 ensernble, quelles que soient les vicissitudes de leur vie de couple. Droits de l'enfant et responsabilitk des parents ne sont pas antinomiques mais s'appuient l'un sur l'autre dans une

    dynamique de croissance. Conforter I'autoriti parentale est necessaire pour que l'enfant .

    puisse mieux grandir.

  • CHAPITRE I

    RECONSTRUlRE LE DROIT DE LA FILIATION

    La füiation juridique est par nature une donnie complexe et subtile dont l'equilibre est

    difficile & trouver en raison, d'une part de la mdtiplicite des paramktres i prendre en

    6 ' considiration et d'autre part de I'opposition des inter& qui peuvent iventuellement se cristalliser autour d'elle. Pour le droit, la filiation dicoule essentiellement de trois

    composantes qui ne semblent pas fondamentalement devoir Etre remises en cause : le titre

    legal, la possession d'etat et la veriti biologique.

    - Le titre legal est par nature la verite officielle : celle qu'indiquent les mentions de l'itat civil. Une foi provisoire doit au moins lui etre reconnue, sans doute msme definitive au delA d'un

    certain temps, pour ne pas engendrer une instabiliti excessive, source d'insicurite juridique et

    de prejudices pour I'enfant comme pour les tiers. Dans un souci de stabiliti de l'etat, la

    filiation juridique doit disposer d'une autonomie propre par rapport i la filiation biologique

    comme par rapport i la filiation vicue : le titre legal nu, non corrobori par la veriti biologique

    B ' ou par la possession d'itat doit avoir une certaine force. ~ctuellement-cette force peut etre jugie insuffisante, les mentions de I'itat civil pouvant parfois Etre contestees jusquYA 48 ans

    apres leur itablissement.

    - La possession d'etat est la filiation vicue quotidiennement et ouvertement : virite du corur, verite sociologique a-t-on encore dit. Elle est fondee sur les cornportements respectifs des

    parents et de I'enfant face i I'entourage et aux tiers. Son r6le dans le droit de la filiation est

    multiple.

    Depuis 1804 pour la filiation legitime et depuis 1982 pour la filiation naturelle, efle peut . ,

    servir de maniere autonome & itablir fa filiation : la possession d'itat donne une filiation

    -

    17

  • jundique i part entikre. C'est la transformation spontanke du fait en droit, qui est l'appoint

    nkcessaire pour obtenir une certaine souplesse. La reconnaissance de ce r6Ie semble

    indispensable, mais il ne va pas sans poser quelques problixnes, comrne chaque fois que le

    droit s'ancre dans l'apparence : la possession d'itat doit donc rester un rnode subsidiaire

    d'itablissernent des filiations.

    La possession d'itat peut encore servir de contrepoids i la vkriti biologique : Une possession

    d'etat suffisamment longue traduit une filiation sociale qu'il est legitime de mettre i l'abri

    d'une contestation faite .au nom de l'absence de vkracitk biologique. C'est par ce biais que la

    dimension sociale de la filiation s'inscnt le plus nettement dans Ia filiation juridique.

    - Enfin, contrairement aux dem autres cornposantes, la viritk biologique, quant i eIle, n'itablit pas i elle seule en regle geniale la filiation ; elle est cependant i Ia fois i'objectif 5

    atteindre d'emblee et raune ti Iaquelle se rnesurent Ies filiations qui peuvent encore Etre

    difaites.

    Dans un droit destini i ktablir des filiations d'origine et non des filiations iIectives (comrne

    c'est le cas pour I'adoption), la viriti biologique reste I'objectif i atteindre d'emblie, par souci

    pour I'intQet de l'enfant (la filiation itant alors inattaquable si le titre Iigal et la biologie

    concordent ), par kconornie de procedures judiciaires (une contestation de la filiation itant

    toujours un mal ) et par respect pour l'adoption (qui est la seule institution adkquate pour crier

    de toute piece un lien de filiation Clectif). Cette philosophie est sous-jacente dans le droit : les

    dommages-intirets accordis i l'enfant lors des contestations de reconnaissance de

    complaisance en font foi : avoir volontairement cri i une filiation contestable est source de- . . responsabiliti lorsque le nsque se realise. La pr6omption de paternite au profit du mari de la

    .J@ mere ou la reconnaissance nicessaire i I'ktablissement de la filiation hors mariage sont donc

    senses dksigner a pnon les auteurs biologiques de l'enfant.

    La viriti biologique est aussi la mesure qui pennet de dkfaire, parce que les filiations fictives

    maintenues i tout pnx ne sont pas toujours conformes i l'intiret de l'enfant et qu'elles

    ernpechent kventuellement le veritable pere d'itablir le lieri de filiation. Une filiation itablie

    ne peut cependant etre dktruite que par une action judiciaire. L'ivolution que la jurisprudence

    a fait subir aux actions privues dans la loi de 1972 enseigne que, depuis que la preuve de la

    paterniti biologique peut etre faite avec certitude, l'acces i la virite biologique ne doit pas etre

    trop f emie SOUS peine de faire exploser Ie systeme. Les contestations ont cependant

  • l'inconvinient de.ditruire un lien fondarnental et de crier parfois des vides qui, dans certaines

    circoGtances, sont plus prijudiciables it l'enfant qu'utiles. Pour cette raison, la biologie ne

    peut Stre qu'un cntkre parmi d'autres qui doit se combiner avec les autres composantes de la

    filiation et non les ivacuer systematiquement.

    Dans la majoriti des cas fort heureusement, les trois composantes de la filiation se confortent

    mutuellement et le lien est alors intangible. Les difficultis sur le Sens it donner it la filiation

    existent d b lors que les trois iliments se dilient. La question est aiors de savoir quelle force

    il faut reconnaitre it un iliment isoli ou combini avec un seul des deux autres et it partir de

    quand cette force est suEsante pour devenir une viriti ligaIe definitive au sujet de la

    filiation. . .

    Titre Iigal et possession d'itat ont une dimension sociaIe ividernment plus marquie que le

    facteur biologique, encore que I'incorporation de la biologie dans la disignation des filiations

    soit aussi une donnie d'ordre culturei et historique, donc sociaI. Dans une sociiti fortement

    captivie par la technique et la science, il serait utopique de vouloir nier I'infiuence des ;:

    expertises biologiques sur le droit de la filiation : celles-ci constituent un repkre siir pour le

    juge, 1it oii jadis ce dernier se livrait it des approximations souvent dicevantes et irritantes

    pour les parties : on voit maI comrnent on pourrait aujourd'hui; au moins chaque fois que la

    filiation donne lieu it un procks, se contenter de probabilites, quand la certitude peut Stre

    rivelee. La technique ne doit pas imposer son diktat, mais elle est une donnie historique et

    sociaie cornme une autre, it laquelle notre temps ne peut ni ne veut etre totalement insensible.

    Ce tour d'horizon des iliments structurant le droit de la filiation pennet de conclure que pour

    etre une donnie iquilibrie, la filiation juridique ne peut pas Stre une viriti pure : meme si

    dans tel cas particulier peut iventuellement n'exister qu'une des composantes, de manikre

    ginirale, le lien de filiation tire sa signification de fondements composites. La filiation

    dicoule tout it la fois du tike, de la possession d'itat et de la virite biologique, qu'il faut tantot

    apprehender de manikre isolie, tantot cumuler, tant6t au contraire opposer. Le droit de la

    filiation est I'art de troilver les effets les plus appropries it la multiplicite des combinaisons

    possibles. Sa complexiti est naturelle. La riduire en decit d'un certain seuil risque de crier de

    violentes injustices ; mais une complexiti excessive masque aussi incontestablement le Sens

    du lien juridique.

  • La loi de 1972 sur la filiation etait certainement 8 la fois harmonieuse et futuriste. Les dem

    principes directeurs qui ont guide en 1972 le legislateur - i savoir lfigaiit6 des filiations et la virite biologique - restent plus que jamais i l'ordre du jour. Si la loi doit aujourd'hui etre revue, c'est sans doute parce que Ces deux principes ont dfailleurs i t i tellement admis Par la

    sociiti qu'ils rnkritent de trouver Une place quelque peu renouvelee dans lfordonnancement

    legal : l'un pour Etre achevi, l'autre pour ttre fieini.

    En effet, depuis 1972 le Code civil Pose cornrne principe que I'enfant nature1 (ne hors

    mariage) a en geniral les mernes droits et les memes devoirs que I'enfant legitime (ne en

    mariage) dans Ses rapports avec Ses pkre et m&rel. Mais, d'une part, le principe d'egaiite des

    filiations connait encore une veritable derogation en ce qui concerne les droits successoraux

    de l'enfant adulterin ; d'autre part, les rkgles dY~tablissement et de contestation sont ~' '3 ( differentes selon que l'enfant est ne en ou hors mariage. Le maintien lui-merne de deux w e s

    de filiation est actuellement remis en cause. L'Sgaliti des filiations est en effet aujourd'hui

    tellement acceptie par la societe que Ies structures du droit de Ia filiation qui continue de

    distinguer entre filiation legitime et filiation naturelle paraissent archaiques et inadapties.

    Elles vehiculent en tout cas une distinction qui brouille le droit de la filiation plus qu'il ne le

    clafie, tant au plan technique qu'au plan symbolique, puisque la loi elle-rnerne pose, i peu de

    chose pres, Une equivalence de statut depuis 1972. Les consequences de la filiation dans tous

    les domaines du droit paraissent aujourd'hui globalement les memes, que Ifenfant soit n6 en ou

    hors marisge : devant le nombre des naissances hors mariage, il importe de le souligner plus

    vigoureusement en unifiant le droit de la filiation.

    Quant au principe de verite biologique, conforte par Ies progrks scientifiques qui permettent

    desormais d'acceder i des certitudes sur la paterniti, il ite le fer de lance d'evolutions qui ont

    portt5 trts loin le poids du facteur biologique dans la filiation juridique. Sam doute trop loh.

    La loi de 1972 a ete "tordue" par la jurisprudence pour f&e davantage encore co'incider le

    titre legal et le fait biologique : la faculte de contester une filiation a eti Uargie. Les avantages

    d'une telle evolution ne doivent pas Ztre oublies : des filiations juridiques, difinies sur la base

    d'un titre legal compl6tement creux, ont pu ainsi tomber, aiors que precisement Ie droit

    anterieur 8 1972 avait excessivement accumult5 les fictions au sujet de la filiation. Les

    personnes ont pu se Iiberer de rattachernents juridiques qui ne correspondaient pour eux 8 rien

    et eventuellement etre reliis i leur veritable auteur biologique.

  • Mais, en forcant la philosophie du ligislateur de 1972, la jurisprudence a aussi fait ndtre des

    dkordres qui se sont rivilis excessivement prijudiciables et ont entami la signification

    generale des dispositions du Code civil relatives i la filiation. Non seulement le droit de la

    filiation a atteint une complexite qui entame inutilement sa cridibilite dans un domaine ou la

    force symbolique de la loi ne doit pas nigligee, mais surtout, la filiation juridique est devenue

    iminemment fiagile d b que la viriti biologique ne la soutient plus. De fait, le maintien des

    filiations non corroborees par la biologie se trouve largement lii ii la stabiliti du couple

    parental : ni I'enfant - traiti parfois depuis plusieurs annies comme tel par le couple - ni le parent en titre - qui a peut-Etre forgi des liens etroits avec l'enfant qu'il sait ne pas etre

    biologiquernent sien - n'ont assez rapidement la garantie que la situation ne Sera pas remise

    B I en cause i l'occasion d'un differend.

    Ni l'intirEt de l'enfant, ni la signification sociale du lien de filiation, ni la sicurite jundique ne

    trouvent leur compte dans un tel &tat du droit. La viriti biologique, pilier d'un droit de la

    filiation non fondi sur l'adoption, ne doit pas occulter la dimension sociale du lien juridique :

    le droit de la filiation ne saurait se riduire a enregistrer, au nom de l'absence de vdraciti

    biologique, I'aneantissement de toutes les filiations qui ont i t i un temps ligdement

    reconnues. Un reiquilibrage de notre droit positif est indispensable sur ce point.

    Par ailleurs, d'autres mouvernents sociaux, telles que la faveur pour la connaissance des

    origines et plus largement le respect de l'histoire des individus et de leur identite, ou encore le

    6 diveloppement de la procreation medicalement assistie avec tiers donneur ont igaIement contribui a faire evoluer'le rapport entre le fait biologique et le droit de la filiation, si bien que

    de fortes intenogations se sont fait jour sur la capaciti du droit actuel i ordonner avec Sens

    Ces ilements apparemment disparates.

    Dans une sociite 06 les progres techniques ont donne i la biologie une force jadis inconnue,

    le Iien legal doit se defendre contre une assimiIation au lien biologique. Mais en Sens inverse,

    du fait de I'iclatement des foyers et de la fidquence des recompositions familiales, la filiation

    doit aujourdtui aussi se difendre de I'assimilation i une do&e purement domestique et

    iducative : les transformations des rnodes de vie familiaux obligent i s'interroger sur la notion

    mEme de parentalitk et se demander, comme I'ivoquent certains, si les 6volutions recentes ne

    ' Art. 334 C. civ.

  • doivent pas pousser 2i reconnaitre une « rnultiparentaiiti D. Deux risques font hisiter 5 se

    lancer dans cette voie : l'effacement du vQitab1e parent biologique et la perte de signification

    de la notion de filiation.

    L'originaiite du rapport de filiation est de faire naitre un ensernble de droits et de devoirs

    (autorite parentale, obligation d'iducation et d'entretien, droits successoraux.. .) qui dicoulent

    fondamentalernent d'une responsabiliti dans la procriation, pour les filiations d'origine, ou

    d'une dicision judiciaire d'adoption pour les filiations ilectives. Ces dispositions sont

    lourdes de Sens pour la diffirenciation des ginirations et I'inscription sociale de l'individu :

    juridiquement, la filiation n'est donc pas riductible i de simples rapports affectifs ou

    iducatifs. Perdre de vue cette caractiristique par un ilargissernent de la notion de filiation

    risquerait de provoquer deux dangers : d'une part, ii la fois d'obscurcir le Sens de la filiation es '-3 B renforcer un rnouvernent de « privatisation », le lien devenant plus largement tributaire des volontis individuelles ; d'autre part, dimobiliser le parent par le sang concurrenci dans sa

    fonction par la prisence d'un parent issu d'une « seconde famille (qudification parfois

    donnie aux familles recornposies) quotidiennernent plus proche de I'enfant.

    I1 sernble plus prudent de continuer 5 nettement distinguer la filiation des situations qui

    appartiennent a un autre ordre, telle celle du beau-parent ou pIus giniraiernent de tous les

    tiers qui peuvent de fait ilever I'enfant sans pritendre pour autant occuper la place de parent.

    Ces situations peuvent iventuellement conduire i la criation d'un lien de filiation i part

    entiere par adoption, rnais il ne s'agit pas d'une filiation originelle : un statut succede i l'autre.

    i3 4 C'est pourquoi, il n'a pas paru bon au groupe de travail que soient instauris des statu&'.

    intermidiaires qui pouvaient engendrer pour l'avenir des confusions et une dilution de la

    notion de filiation. En revanche, il est souhaitable d'aminager l'autorite parentale pour mieux

    tenir cornpte de certaines situations. Dans le merne ordre d'idie, des efforts pourraient aussi

    etre faits pour iviter un divoiement du droit de Ia miation pour des raisons purement

    matirielles : le recours i la criation d'un lien de filiation - giniralement par adoption simple

    - dicti surtout par des considirations d'economie fiscale dans la transmission du patrirnoine (V. les avantages tiris de l'article 786 du Code ginirai des impots) pourrait etre iviti par des

    dispositions fiscales plus appropriees aux rialitis contemporaines des recornpositions

    farniliales.

  • Plutot que de bouleverser radicalement la notion de filiation, la comrnission a donc pris Ie

    parti de reordonner les composantes habituelles du droit pour digager un Sens general a w

    dispositions juridiques, tout en essayant que celles-ci soient aussi peu que possible source de

    situations douloureuses dans les cas particuliers.

    Dans cet optique, trois principes d'action fondamentaux peuvent etre digag6s pou

    reconstruire le droit de la filiation : parfaire l'igalite des filiations ; assurer I'iquilibre entre

    lien du sang, lien vecu et volonte individuelle ; transcrire les spicificitis de la matemite et de

    la paternite.

    Section 1. Parfaire lt6galit6 des filiations

    L'igaliti des filiations a it.4 I'un des deux principes directeurs de la loi du 3 janvier 1972. A

    l'epoque, un compromis etait cependant nicessaire et I'igaiiti parfaite n'a pas ite atteinte.

    Aujourd'hui, il sernble indispensable d'achever 1'2volution et d'atteindre l'igaiit6 des filiations.

    Pour rialiser cet objectif, il convient d'une part d'achever I'egaliti des statuts et d'autre part

    d'unifier le droit de Ia filiation pour que I'itablissement ou la contestation d'une filiation ne

    ddpende plus du statut juridique des parents.

    $1. Achever IT6g;alit6 des statuts

    Unanimement et sans hisitation, le groupe de travail a jugi le mornent venu d'abroger les

    restrictions legales aux droits successoraux des enfants adulterins. En effet, ceux-ci se

    trouvent dirninues de rnoitie lorsque 17enfant adulterin vient en concours avec des derni fikres

    et s m s ou avec le conjoint victime de I'adultere 2.

    Plusieurs argurnents militent fortement dans le Sens d'une abrogation. Le premier est tout

    simplernent chronologique. Les solutions adoptkes par la loi du 3 janvier 1972 constituaient,

    selon les auteurs les plus autorisees "une transaction sans gloire", f i t d'une "loi de

    compromis". Cette transaction, et ce compromis, etaient imposes par Ia nicessite de respecter

    une transition, permettant I'insertion progressive dans notre droit du principe d76galiti que la

    loi entendait prornouvoir. Vingt-sept ans apres, le ternps des transitions est temink. Un

    second argument tient 5 la jurisprudence de la cour europeenne des droits de I'homme. I1 est

  • privisible que la regle fiancaise Sera prochainernent condamnee, et 170n peut preferer une

    modification de notre droit qui ne paraiAtrait pas imposee de I'exterieur. Enfin, et surtout, le

    parti choisi par Ie groupe d7unifier le droit de Ia filiation en abrogeant Ies classifications qui le

    divisent rend de plus en plus difficile le rnaintien d'inegalitis fondees sur les conditions de Ia

    naissance, sans encourir inevitablement Ie double grief d7injustice et de contradiction.

    Faut-il craindre d'ibranler ainsi le Sens du rnariage, en portant atteinte it la foi que les epoux

    se sont promis ? Le groupe ne le pense pas. L'adultkre est ividemment une blessure grave

    infligee au conjoint qui en est victime, et par-deli les epoux, aux enfants nes de leur union. En

    temes plus juridiques, I'adultere est toujours une faute et il peut etre une faute grave, car le

    devoir de fidklite est inhtrent it l'engagement conjugal. Mais cette faute, si elle doit etre

    samtionnie, ne peut 17etre que dans la personne de ceux qui 170nt commise, et certaineme"] 6 pas i notre Sens dans la personne de I'enfant qui en est issu. I1 est contradictoire d'affmer

    176gale responsabiliti des parents envers lern enfants quelle que soit la rnanikre dont ils

    choisissent de vivre leur vie de couple, et de faire supporter par un enfant, parce qu'il est

    adulte^, les consiquences de l'infidelitk de son auteur.

    Plus concretement, situer sur le tenain successoral la sanction des devoirs acceptes dans le

    rnariage ne parait ni juste ni opportun. D'une part, Ies relations entre kpoux auront souvent eti

    rompues bien avant la naissance de cet enfant, et il y a alors quelque hypocnsie 5 lui opposer

    les liens d'un engagement dont ceux qui I'avaient contracte se sont afianchis depuis

    longtemps. D'autre part, si rnerne Ie lien conjugal a conserve jusqu'au bout sa rialite, n'est-il

    pas vain d'esptrer qu'un avantage successoral powa dparer une dechirure qui se situe p. 3 ( nature dans un tout autre plan ? Au derneurant, dans Ia6tat actuel du droit, il est presque

    toujours possible i I'auteur de I 'enht de "gomrneryy cette reduction de droits au moyen d'une

    Iegitimation - aprks divorce et rernariage, voire sans divorce par autoriti de justice - ou m h e d'une adoption. Loin de rendre la ggle plus aisernent supportable, cette faculti a pour effet de

    laisser 6 la discretion du parent adultkre le sort final de l'enfant. Ainsi les dispositions

    actuelles aboutissent-elles 6 multiplier les inegalites, sans parvenir 5 h e r de maniere forte

    le Sens de I'engagement conjugal.

    Ajoutons que nous parait devoir etre 6cartie une solution intermkdiaire par laquelle on

    abrogerait la protection que la Ioi actueiie assure aux enfants issus du rnariage (notarnment les

    Voir Art. 759 et 761) C. civ.

    24

    --

  • articles 760 et 915) tout en maintenant celle dont beneficie l'epou trompe, victime directe de

    lYadult2re, 5 travers les articles 759 et 767 d. 2. On se confonnerait ainsi " a minima'' aux

    conventions internationales dont la seuIe prioccupation est celle de l'tgaliti entre e n f u ~ ,

    tandis que les protections propres au conjoint ne trouvent, par hypothese, B s'appliquer qu'en

    l'absence d'autres descendants du defimt. Cette solution hybride ne serait qu'une maniire de

    ne pas trancher le dibat. Ce qui est en cause, en effet, n'est pas sedement l'igalite concrete

    entre enfants issus de lits diffirents dans le partage de la succession de leur auteur commun,

    mais, de manikre B la fois plus abstraite et plus forte, l'identiti des droits attachb au lien de

    filiation.

    Proposition :

    - Abroger les linzites aux droifs successoraux de i'elfant adultirin.

    32. Unifier Ie droit de la filiation

    Le droit de la fgiation est actuellement construit sur la distinction entre la filiation legitime,

    liee au mariage, et la filiation naturelle, fondie sur la naissance hors mariage. Au deIA des

    deux types de filiation, l'histoire nous a surtout leg& des regimes d'itablissement et de

    contestation des filiations assez disparates qui s'expliquaient par la faveur dont le legislateur

    souhaitait entourer le mariage : les differentes sont importantes et aujourd'hui quasiment

    injustifiables surtout en ce qui concerne les actions judiciaires relatives B la filiation.

    L'abandon des qualifications de filiation naturelle et legitime favorise l'harmonisation des

    e actions judiciaires qu'il est indispensable d'atteindre. A Abandonner Ies qualifications de filiation legitime et

    de füiation naturelle

    Plusieurs pays, dont certains sont de iradition juridique proche de la France - Belgique Goi du 31 mars 1987), Quebec (Code civil du Quibec entre en vigueur le ler janvier 1994)

    Allemagne (loi du 16 dic. 1997) -, ont recernment abandonne les notions de filiation

    legitime et naturelle. Ces exemples soulignent un mouvement de convergence da- les

    diverses legislations des pays occidentaux. Unanimement, la Commission, confortie par les

    auditions auxquelles elle a procide, estime Wltile de conserver les qualifications de filiation

    legitime et de filiation naturelle.

  • La disparition de deux types de filiation se justifie ii Ia fois sur le plan sociologique,

    symbolique et technique.

    Sociologiquement, la famille naturelle est une famiile i part entikre. Les enfants nes hors

    mariage, dans leur immense majorite sont aujourd'hui desires par Ieurs deux parents et

    naissent au sein d'un couple uni, et seuls 3% d'enfants naissent dans un foyer monopa parental“

    d'origine3. En effet, en 1997, prEs de 300 000 enfants sont nes hors mariage, soit 40 % des

    naissances, alors qu'en 1965 on comptait seulement 51 000 naissances de ce type, representant

    6 % du total.

    Ainsi que le soulignent des sociologues, Ces donn6es rivklent une parfaite intigration de 1.3 4 famille naturelle dans Ia societe contemporaine : « la montee des naissances hors mariage ne

    traduit aucune fracture sociale ou ideologique entre familles naturelles et familIes 1igitimes4.

    Dans Ces circonstances, Ie maintien d'une double qualite de Ia filiation apparait eminemment

    artificiel et source d'incomprehension. I1 a semble i la commission qu'il etait aujourd'hui bien

    plus important que Ie droit souligne davantage la communaute de fondement du rapport de

    filiation, quelle que soit Ie lien civil unissant les parents.

    - Symboliquement, i'abandon de la dualite pennet d'af!firrner et de clarijier le Sens du lien de filiation. L'uniti peut se reconstruire plus visiblement autour de Ia notion de responsabilite

    dans la procreation (V. infra). Le but prernier d'un droit de la fifiation est de relier, et de

    differencier les genirations en rattachant l'enfant i Ses parents et au delii i des lignee;-> 4 familiales. Pour la realisation de cet objectif et dans la mesure oii la societe admet

    ouvertement la coexistence de plusieurs fomes de conjugalit6, il devient peu significatif

    d'articuler l'ensemble du droit de la filiation i partir de I'existence ou non d'un mariage.

    On pourrait emettre la crainte que l'abandon des notions de filiation legitime et de filiation

    naturelle n'entame le Sens du mariage. La comrnission a estime que Ia specificiti du mariage

    dans le droit de la filiation residait surtout dans la presomption de paterniti dont beneficie le

    mari de la mere. Taut que ce mecanisme demeure et que 1'~tablissement non contentieux de la

    3 Source, Henri Leridon, lon de son audition par le groupe 4 Irine Th&y, Rapport B la ministre de I'emploi et de la solidariti et au garde des sceaux, ministre de la justice : coupie, filiation et parenti aujourd'hui, Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privke, ed Odile Jacob, La Document-itio'n Franpise, 1998, p.63

  • patemiti en mariage n'est pas mis sur le mtme pied que l'ktablissement de la paternitk hors

    mariage, le Sens de l'engagement matrimonial se trouve priservk. La prksomption de paterniti

    reste en effet un iliment essentiel du mariage sans kquivalent dans la famille naturelle : en

    principe, I'accouchement d'une femme mariie disigne le mari comme pere de l'enfant. Gr&e

    a l'automatisme de la prisomption de paterniti, le mariage reste le lieu d'une dbignation indivisible de Ia filiation, alors que pour Ies couples non mari6, la filiation doit continuer i

    s'ktablir ligne par ligne et grice i une dimarche volontaire,

    Le maintien d'une telle distinction semble utile 5 la Commission pour affirmer que le droit

    ofEe des voies oii l'itablissement des liens familiaux est pensi par avance dans sa globaliti :

    c'est un point fort du Sens civil de l'engagement matrimonial. La Commission a itk d'avis que

    B Ie mariage devait continuer i pouvoir se dkmarquer d'autres fonnes de conjugaliti et que tous Ses effets ne devaient donc pas Etre systkmatiquement chassis du droit de la filiation, SOUS

    peine sinon d'affaiblir la signification du lien matrimonial. L'amilioration du statut des

    enfants naturels, @ce i Ia Ioi du 3 janvier 1972, a sans doute eu un impact beaucoup plus fort

    que I'abandon de distinctions difficiles i comprendre aujourd'hui ne saurait avoir. I1 s'agit

    donc surtout actuellement de tirer les ultimes consiquences d'une evolution juridique

    largement rhalishe des 1972.

    Techniquement, l'uniformitk autorise une sirnplification considirable du droit de la filiation

    sans que cette simplification ne constitue pour autant un appauvrissement dangereux.

    e Une fois disparus les effets de la filiation naturelle sur le statut de l'enfant - ce qui a i t i l'euvre du ligislateur de 1972 - on peut ligitimernent penser qu'aucune raison technique ne justSe de conserver une dualiti systirnatique de riigles, aussi bien en ce qui concerne

    I'etablissement non contentieux de la filiation -qulen ce qui conceme les actions relatives 2t la .

    filiation. L'ilaboration de regles majoritairement communes est parfaitement possible et

    constitue une sirnplification considirable.

    L'abandon des notions de fdiation lkgitime et naturelle e n e e automatiquement comme effet ~

    secondaire la disparition de toutes Ies formes de Ikgitimation qui constituent actuellement le

    pont entre les deux quditis de la filiation. Les effets juridiques attachis i la 1Egitimitk ayant

    en principe dispani depuis Ia Ioi de 1972, et la Commission proposant de supprimer les

  • dernieres siquelles liees au statut successoral de I'enfant adulterin (V. supra), cette disparition

    de la Iegitimation ne devrait crier aucun traumatisme.

    D'une part, les demandes de ligitimation par decision judiciaire sont nurniriquement faibles5

    et elles reprisentent une faible proportion de l'ensemble des Iegitimations (2,l % dans la

    gkneration nee en 1965, 1 % dans ia gineration nke en 1970 et 1975 et sans doute moins de

    0,5 % dans les penerations suivantes).

    D'autre part, le mariage lui-mSme ne semble plus gukre recherche par les parents dans le seul

    but de donner une Iigitimiti a l'enfant. Alors que dans les ginirations d'enfants naturels nes

    en 1965 et 1970, plus de la moitie des enfants (54 %) ont i t i legitimes, soit plus de 70 % des

    enfants reconnus, dans les genirations suivantes la proportion d'enfants legitimes ) [ f rapidement diminue et on peut estimer que quatre enfants sur dix nes 5 partir de 1985 seront

    legitimes, soit moins de la moitii des enfant reconnus. La Iigitirnation est donc une institution

    en perte de vitesse.

    De plus, sa disparition iviterait des changements de nom internpestifs, parfois prqudiciables i

    I'enfant.

    Par consiquent, il a semble i la commission, confortee par le point de vue convergent de

    nombreux experts ou associations auditionnes qu'aucun argument sirieux ne s'opposait i

    I'abandon de deux quaiites de filiation. De plus, cet abandon facilite l'harmonisation des

    actions judiciaires. ::.) 4

    B. Harmoniser les actions judiciaires

    P? essence, les m6canismes d'itablissement non contentieux de la filiation legitime et de la

    filiation naturelle sont source de disparite : mais la prisomption de paternite ne trouble que

    trks peu l'egaiiti des filiations et elle donne tous son Sens au mariage ; la supprimer ou crier

    une prbomption semblable au profit des couples non mariQ nierait les significations

    respectives du mariage et de l'union libre. En revanche, les diffirences qui decoulent

    de 250 a 300 environ par an durant la derniere decennie pour la legitimation post niptias ; de 150 ii 90 environ pour Ia Iegitimation par autontt? de justice, sur la meme pkiode. Pour toutes ces donndes, V. F. Munoz-Perez et F. Prioux, Les enfants n6s hors mariage en France depuis 1965. Statut A la naissance et changement de filiation, MED 1999, p.4.

  • aujourd'hui des rigimes spicifiques i certaines actions relatives i la filiation causent des

    disparites que les juristes eux-memes ont le plus grand mal i justifier.

    L'hypothkse la plus flagrante est celle des actions en contestation de patemite. Les dilais au

    deli desquels la filiation est definitivement stabilisee ne sont pas les memes selon qu'il s'agit

    de filiation naturelIe ou de filiation legitime : l'enfant naturel ne se trouve hors de portee d'une

    contestation qu'au bout de trente ans, meme lorsqu'il a binificii d'une possession d'itat

    conforme i la reconnaissance (V. art. 339 C. civ.), alors que l'enfant legitime, dans la meme

    situation, ne peut voir sa filiation paternelle contestee qu'au maximum jusqu'i l'ige de sept

    ans, et dans des conditions trks itroites (V. art. 3 18 C. civ.).

    De plus, les titulaires des actions sont soumis i des conditions qui ne sont aucunement

    comparables. Le mari qui veut desavouer l'enfant qu'il a traite comme sien doit le faire dans

    les six mois de la naissance (art. 316 C. civ.), dors que le pkre naturel, dans une situation

    comparable, peut revenir sur sa reconnaissance pendant dix ans (art. 339 C. civ.).

    La femme mariie ne peut faire tomber la patemite de son mari, lorsque l'enfant benificie

    d'une possession d'itat i l'igard de ce demier, qu'en se remariant avec le veritable pire et en

    intentant son action dans les six mois du remariage et avant les sept ans de l'enfant (art 3 18 C.

    civ.), alors que la mkre naturelle peut pendant trente ans faire tomber la paterniti de l'homme

    qu'elle a parfois dans un premier temps poussi i reconnaitre, saus considiration pour la

    filiation vicue qui a pu se constituer i l'igard de cet homme (art. 339 C. civ.).

    En I'etat actuel des mentalites et des realites familiales contemporaines, aucune raison ne

    justifie de telles disparitks. Ni l'obligation de fidilite propre au mariage, ni la spicificite des

    modes d'atiribution de la patemiti ne justifient une telle differente de traitement. Pour

    l'expliquer il .faut faire appel i l'histoire et i la force que le ligislateur a originellement

    souhaiti d o ~ e r i la prbomption de paterniti par faveur pour la famiIle legitime.

    La diversite de rigime repose donc sur une distinction fondie sur les circonstances de la

    naissance de l'enfant qui ne trouve i I'heure actuelle aucune justification solide et qu'il est

    donc indispensable de faire d i ~ p a r ~ t r e pour souligner au contraire I'uniti du lien de filiation.

    L'harmonisation s'impose.

  • La commission priconise donc que les actions relatives i la filiation ne tieqent plus compte,

    sauf exception mineure et nicessaire de I'itat matrimonial des parents. L'abandon du critkre

    matrimonial rendrait plus visible une opposition surtout fondie sur le but de I'action : etablir

    ou au contraire ditruire une filiation. Le tableau des actions relatives i la filiation, aujourd'hui

    bien trop complexe, se trouverait grandement simplifii et le Sens du droit de la filiation en

    serait renforci.

    Si le groupe de travail a estime que l'achivement de l'igaliti des filiations est un des

    irnperatifs d'une rifome, cet objectif ne peut qu'2.e associi A un riequilibrage entre liens du

    sang, lien vicu et volonti individuelle.

    Pronosifiorzs :

    - Abarzdonrzer les no fiorzs de filia fiorz ligifilize ef na furelle pour aclzever I 'igalifi '\3

    des filiafions.

    - Supprirner les irze'galifkk successorales fouclrarzt I 'erzfarzf adulfirin. - Colzserver la prisonrpfion de pafernift! du nzari qui donrze rrrz Sens nrr nzaringe. - Harrirorriser les dilais ef la linzifafioiz des fifzrlaires des acfiorrs relatives ci l'ifabllrsenzenf ou L? la co~zfesfatiorz d'rnze filiafiorz aufour de Ierrrs objecfifs

    respecfrs.

    - Riduire dans un buf de sinzplif7cafiorz le nombre des acfiorzs judiciaires relatives L? lafiliafion.

    Section 2. Assurer l'iquilibre entre lien du sang, lien vicu et vo1ontC individuelle

    Des defomations apporties par la jurisprudence i la loi, des retouches legislatives partielles,

    des ivolutions scientifiques autorisant des certitudes auparavant inaccessibles sur la paterniti,

    des modes de procriations jadis maintenus dans l'ombre et mis en lumikre, de 'fortes

    revendications pour un accb aux origines contrecarris par des textes de circonstance ont

    malmen6 les iquilibres savamrnent dosis de la rifome de 1972. La loi dPji complexe est . .

    devenue toufke et illisible, e n t r h t des flotternents sur le Sens du lien juridique : dem

    facteurs clis de la filiation - la biologie et la volonti individuelle - se sont opposis jusqu'i donner un tour caricatural au droit de la fili'ation, au mipris de la troisieme composante de la

    filiation, la possession - d'itat. M I de retrouver un meilleur iquilibre entre Ces facteurs et de

  • clarifier ainsi le droit, la commission propose de fonder plus fermement la filiation sur Une

    ethique de la responsabilite et de renforcer la stabilite de la filiation.

    $1. Fonder la filiation sur Une ethique de la resnonsabiliti

    Les progrks scientifiques ont pennis de virifier avec une grande s h t e la realiti biologique du

    lien de filiation et l'expertise biologique est devenue le mode de preuve priviligii des proces

    relatifs i la filiation, infiuenqant mzme parfois le cadre procidural et plus profondiment Ie

    Sens du droit. La biologie ne peut cependant tenir lieu de philosophie. Elle ne pennet que de

    reperer avec certitude celui, ou beaucoup plus rarernent celle, qui a engendre et qui a ainsi une

    dette envers I'enfant mis au monde. Elle n'est qu'un instrument ; l'esprit qui sous-tend deji'une

    L'idee de responsabilite dans la procreation o f i e certainement aujourd'hui un meilleur

    fondement au droit de la filiation que la biologie ne saurait le faire i elle seule : elle permet de ::

    redonner au droit une base solide et unitaire qui permette d'ordonner Ies dispositions

    juridiques avec Sens.

    i Une kthique de la responsabilite peut Stre promue dans le droit de la filiation sur plusieurs

    plans : par la valorisation de I'etablissernent volontaire de la filiation ; par la conservation de

    l'engagement comme fondement des filiations reposant sur une procriation assistie avec tiers

    donneur ; p x l'absence de privation arbitraire dans l'etablissement d'une filiation et enfin par

    @ ' une meiIleure prise en compte de I'enfant in utero.

    ~ A. Valoriser IfitabIissement volontaire de IafiZiation Dans la fi-irnille legitime, l'itablissernent de la filiation repose sur l'indication du nom de la

    mere qui declenche le jeu de la prisomption de paterniti au profit du rnari de celle-ci : Ia

    filiation s'enracine dans le rnariage et dans les volontes solennellement exprirrkes par cet acte.

    1 Dans la famille naturelle, I'itablissement de la frliation repose sur des declarations solemelles de volonte independantes : reconnaissance par la m k e et reconnaissance par Ie pk