Rapport 2011 sur les D - USEmbassy.gov · détenus à dormir à même le sol, projeté de vives...

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1 Rapport 2011 sur les Droits de l’homme au Sénégal Le Sénégal est une république modérément décentralisée dominée par un pouvoir exécutif fort. En 2007, Abdoulaye Wade a été réélu président pour un mandat de cinq ans lors d'une élection généralement qualifiée de libre et équitable malgré des incidents sporadiques de violence et d'intimidation. En 2007, le parti au pouvoir, le Parti démocratique sénégalais (PDS), a également emporté la majorité des sièges de l'Assemblée nationale suite aux élections législatives qui ont été boycottées par les grands partis d'opposition. Les forces de sécurité relevaient des autorités civiles. Parmi les problèmes majeurs en matière de droits de l'homme, on peut citer les cas signalés de sévices physiques et de torture, les limites aux libertés d'expression, de presse et d'assemblée et la corruption. Parmi les grands autres problèmes en matière de droits de l'homme, on peut citer les traitements inhumains et dégradants des détenus et prisonniers, notamment la surpopulation des prisons, la garde à vue discutable et la détention préventive de longue durée ; l’absence de pouvoir judiciaire indépendant ; le viol, la violence conjugale, le harcèlement sexuel et la discrimination à l'encontre des femmes ; les mutilations génitales féminines (MGF) ; la maltraitance des enfants ; le mariage précoce ; l’infanticide ; la traite des personnes ; et le travail des enfants. Des rebelles associés au Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) ont tué des civils et des militaires, commis des braquages, combattu les forces armées et harcelé les populations locales au cours de luttes intestines. Les forces de sécurité et d’autres acteurs ont agi en toute impunité. Aucune poursuite judiciaire ou enquête n’a été close sur des membres du gouvernement, y compris ceux travaillant dans le domaine de l’application de la loi ou de la sécurité, soupçonnés d’avoir commis des violations. Section 1. Respect de l'intégrité de la personne, y compris la liberté de ne pas être l'objet de: a. Privation arbitraire ou illégale de la vie

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Rapport 2011 sur les Droits de l’homme au Sénégal

Le Sénégal est une république modérément décentralisée dominée par un pouvoir

exécutif fort. En 2007, Abdoulaye Wade a été réélu président pour un mandat de

cinq ans lors d'une élection généralement qualifiée de libre et équitable malgré des

incidents sporadiques de violence et d'intimidation. En 2007, le parti au pouvoir, le

Parti démocratique sénégalais (PDS), a également emporté la majorité des sièges

de l'Assemblée nationale suite aux élections législatives qui ont été boycottées par

les grands partis d'opposition. Les forces de sécurité relevaient des autorités civiles.

Parmi les problèmes majeurs en matière de droits de l'homme, on peut citer les cas

signalés de sévices physiques et de torture, les limites aux libertés d'expression, de

presse et d'assemblée et la corruption.

Parmi les grands autres problèmes en matière de droits de l'homme, on peut citer

les traitements inhumains et dégradants des détenus et prisonniers, notamment la

surpopulation des prisons, la garde à vue discutable et la détention préventive de

longue durée ; l’absence de pouvoir judiciaire indépendant ; le viol, la violence

conjugale, le harcèlement sexuel et la discrimination à l'encontre des femmes ; les

mutilations génitales féminines (MGF) ; la maltraitance des enfants ; le mariage

précoce ; l’infanticide ; la traite des personnes ; et le travail des enfants.

Des rebelles associés au Mouvement des forces démocratiques de la Casamance

(MFDC) ont tué des civils et des militaires, commis des braquages, combattu les

forces armées et harcelé les populations locales au cours de luttes intestines.

Les forces de sécurité et d’autres acteurs ont agi en toute impunité. Aucune

poursuite judiciaire ou enquête n’a été close sur des membres du gouvernement, y

compris ceux travaillant dans le domaine de l’application de la loi ou de la sécurité,

soupçonnés d’avoir commis des violations.

Section 1. Respect de l'intégrité de la personne, y compris la liberté de ne pas

être l'objet de:

a. Privation arbitraire ou illégale de la vie

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Le gouvernement ou ses agents n'ont commis aucun meurtre à motivation

politique. Un cas d’exécution arbitraire commise par un membre des forces de

sécurité a été cependant signalé.

Le 30 mai, le commandant d’un poste de gendarmerie de Sangalkam a tué par balle

un manifestant, Malick Ba, au cours d’une manifestation contre une décision du

gouvernement de remplacer des élus locaux par des personnes désignées par le

gouvernement. Samba Sarr, le commandant du poste de gendarmerie qui a tué Ba,

a été muté dans un autre poste ; cette affaire n’a fait l’objet d’aucune accusation.

Le gardien d’un parc national, Yaya Sonko, qui a tué par balles le pêcheur

Moustapha Sarr en juillet 2010, a été mis en liberté provisoire en février en

attendant son jugement par un tribunal militaire, lequel a démarré en octobre.

Le 11 avril, le procureur a ordonné une enquête sur la mort d’Abdoulaye Wade

Yinghou, décédé en juillet 2010 en détention policière. Une autopsie a indiqué que

Yinghou avait eu une vertèbre cervicale brisée, des blessures par objets

contondants et des lésions aux poumons.

b. Disparitions

Aucun cas de disparition politiquement motivée n'a été signalé.

c. Torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants

La constitution et la loi interdisent de telles pratiques ; cependant, il a été

occasionnellement signalé que des agents de l'État en ont fait usage.

Les groupes de défense des droits de l'homme ont relevé des exemples de sévices

physiques commis par les forces de sécurité, y compris des traitements cruels et

dégradants dans les prisons et centres de détention. Ils ont, en particulier, critiqué

la fouille à nu et autres méthodes d'interrogation. Des policiers auraient forcé des

détenus à dormir à même le sol, projeté de vives lumières sur leurs pupilles, les

auraient matraqués et enfermés dans des cellules ayant une aération extrêmement

réduite. Les autorités n'ont, pendant l'année, pris aucune mesure à l'endroit des

agents de police impliqués dans ces abus.

Les organisations de défense des droits de l'homme ont souligné le manque de

supervision et l'impunité avec lesquels les forces de sécurité traitaient les personnes

en garde à vue. Des abus ont eu lieu, certes, mais le gouvernement a fait valoir que

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de telles pratiques ne sont pas généralisées et qu’en règle générale, il diligentait des

enquêtes officielles en cas d’abus. Cependant, celles-ci étaient souvent longues et

menaient rarement à des inculpations ou des mises en examen des suspects.

Le 16 avril, trois groupes de défense des droits de l’homme ont demandé

l’ouverture d’une enquête sur la mort d’Aladji Konaté, dans la ville de Bakel. A la

suite de l’arrestation de Konaté par les Gendarmes, son corps nu présentant des

traces de torture a été trouvé sur la rive du fleuve Sénégal. A la fin de l’année,

aucune enquête officielle n’avait été ouverte.

Le 6 mai, le Rassemblement africain pour la défense des droits de l’homme

(RADDHO), une organisation locale de défense des droits de l’homme, a accusé

des policiers du Commissariat de Police Nord de Saint-Louis d’avoir torturé Yatma

Fall, arrêté avec un complice pour vol de carburant. D’après la RADDHO, les

enquêteurs ont obtenu des aveux de Fall sous la torture ; la RADDHO s’est

également appuyée sur un rapport fait par un médecin de l’Hôpital de Saint-Louis

qui a conclu que Fall avait été victime de violences physiques. En avril, le

procureur a abandonné les charges qui pesaient contre Fall, lequel a ensuite porté

plainte conte la police ; la justice n’a pas encore statué sur cette plainte.

Conditions dans les prisons et les centres de détention

Les conditions dans les prisons et les centres de détention ont été dures, en partie

parce qu'aucune nouvelle prison n'a été construite depuis 1960. L'organisation non-

gouvernementale (ONG) dénommée Organisation nationale des droits de l'homme

a qualifié la surpopulation et l'absence d'hygiène de problèmes majeurs. Il y avait

37 prisons, dont la capacité maximale prévue était de 3.000 prisonniers.

Cependant, Ci-Biti, une organisation non gouvernementale spécialisée dans les

droits des prisonniers, a noté qu'en 2010, il y avait 7.300 détenus dans les prisons,

dont 3.000 en détention préventive. Un groupe d'études onusien sur la détention

préventive a visité le pays en 2009 et a trouvé que la prison centrale de Dakar,

connue sous le nom de « Rebeuss », abritait 1.592 détenus alors qu'elle a été

conçue pour en accueillir 800. Le groupe a critiqué les longues périodes de

détention préventive, les gardes à vue prolongées au-delà des limites légales et le

manque d'accès des prévenus aux avocats pendant les 48 heures suivant leur

arrestation.

Hommes et femmes étaient détenus dans des installations séparées. Les conditions

de détention des femmes étaient généralement considérées comme supérieures à

celles des hommes. Les autorités n’ont pas permis aux prisonniers et détenus de

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soumettre sans censure leurs plaintes à la justice ou de demander une enquête sur

des allégations crédibles de conditions inhumaines de détention. Les prisonniers

avaient, en général, l'autorisation d'avoir des visites et de pratiquer leur religion.

Les ONG locales ont signalé que les règles relatives à la séparation des prisonniers

n'étaient pas toujours appliquées. Les personnes en détention provisoire étaient

occasionnellement détenues parmi les condamnés et les mineurs mis avec les

adultes.

Les prisons manquaient de médecins et de médicaments. Il y avait un matelas pour

cinq détenus. Les prisons avaient des problèmes d'évacuation des eaux et il y

faisait une chaleur étouffante ; elles étaient infestées d'insectes et la nourriture était

de mauvaise qualité. Les prisons étaient généralement reliées au réseau

hydraulique local et les prisonniers avaient accès à l'eau potable.

Au cours de l'année, l'État a permis à des groupes locaux de défense des droits de

l'homme de visiter les prisons. Des membres du Comité international de la Croix-

Rouge (CICR) ont également visité des prisons à Dakar et en Casamance, où 20

membres du MFDC étaient détenus sous divers chefs d'accusation.

En septembre 2010, Abdoulaye Babou, Président de la Commission des lois de

l'Assemblée nationale, et dix autres députés ont visité les prisons de Louga et de

Fatick. Ils ont, dans leurs déclarations, exprimé leur regret par rapport aux longues

détentions préventives et affirmé que certains membres du groupe qui sont

également des avocats représenteraient les détenus dont les dossiers ont le plus de

retard. Ils ont, en outre, fait état des mauvaises conditions de la prison de Fatick, de

son manque d'hygiène, de la vétusté des bâtiments et de la surpopulation. Ils ont

appelé le gouvernement à augmenter les budgets des prisons. A présent, les prisons

reçoivent une allocation de 500 francs CFA (1,01dollars des États-Unis) par

prisonnier par jour ; 450 francs CFA (91 cents) pour les repas quotidiens et 50

francs CFA pour l'hygiène.

La délégation parlementaire a également appelé le gouvernement à construire une

nouvelle prison à Louga pour remplacer l'ancien entrepôt qui sert de prison et qu'ils

ont qualifié d’inadapté et de surpeuplé.

Aucun effort significatif n’a été fait pour moderniser la tenue des registres pendant

l’année. En général, les efforts pour informatiser les registres ont été freinés par

l’approvisionnement irrégulier en électricité au niveau d’un grand nombre

d’infrastructures gouvernementales et par le manque de formation du personnel en

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matière de systèmes informatiques. Le manque de fonds a freiné la modernisation

ou l’amélioration réelle des installations carcérales.

d. Arrestation ou détention arbitraire

La Constitution et la loi interdisent l'arrestation et la détention arbitraires. Le

gouvernement a généralement respecté ces interdictions, bien que les ONG et les

médias aient signalé que la police dispersait souvent par la force des marches non

autorisées, et arrêtait arbitrairement des individus pour ensuite les relâcher

quelques heures plus tard.

Le 19 mars, juste avant le jour où une manifestation était prévue, le ministre de la

Justice a annoncé qu’un coup d’Etat avait été déjoué et que quatre jeunes avaient

été arrêtés pour avoir planifié des actions dans la capitale « pour créer la panique et

entraîner des pertes en vies humaines ». Toutefois, le 22 mars, le gouvernement a

annoncé qu’il n’y avait pas de preuve concrète que les quatre détenus avaient

l’intention de renverser le gouvernement et ils ont été relâchés.

Rôle de la police et de l'appareil de sécurité

Les policiers et les gendarmes sont responsables du maintien de l'ordre et de la loi.

Les forces armées partagent cette responsabilité dans des situations d’exception,

telles que l'état d'urgence. La police se compose de dix divisions regroupées au

sein de la Direction générale de la sûreté nationale. Dans chacune des 14 régions

du pays, il y avait au moins un commissariat de police et une brigade mobile de

sûreté. Dakar compte 16 commissariats de police. Les forces de police ont

effectivement assuré le maintien de l'ordre et de la loi.

La gendarmerie est sous la direction du ministère de la Défense et intervient

essentiellement dans les zones rurales où la police n'est pas présente.

L'impunité et la corruption étaient généralisées. Une loi d'amnistie couvre les

policiers et autres agents de la sécurité impliqués dans des «crimes politiques»

commis entre 1983 et 2004, excepté ceux qui ont commis des assassinats de «sang-

froid».

La Division des investigations criminelles (DIC) est chargée de mener les

investigations sur les bavures de la police. Aucune enquête n’a été bouclée par la

DIC en 2011 et elle n’a pas été efficace pour s’atteler à l’impunité ou la corruption

dans la police.

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Procédures d'arrestation et traitement des personnes en détention

Même si la loi spécifie que des mandats émis par des juges sont nécessaires pour

procéder à une arrestation, dans la pratique, la police a souvent détenu des

individus sans mandat. La loi accorde à la police de larges pouvoirs pour détenir

des prisonniers pendant de longues périodes avant de formuler leur inculpation

officielle. La DIC peut détenir des personnes pendant 24 heures avant de les

libérer. De nombreux détenus n'ont pas été informés rapidement des charges qui

pesaient sur eux. Les agents de police, y compris ceux de la DIC, peuvent doubler

la garde à vue de 24 à 48 heures sans inculpation mais ils doivent obtenir

l'autorisation du parquet. La police judiciaire peut demander au parquet de porter

cette période à 96 heures. Quand il s’agit de dossiers liés à l'atteinte présumée à la

sécurité de l'État, la garde à vue peut être encore doublée. Une personne accusée de

complot pour renverser le gouvernement ou d'atteinte à la défense nationale peut

donc être mise en garde à vue pour une période allant jusqu'à 192 heures (huit

jours) sans être inculpée officiellement.

La période de détention ne commence effectivement que lorsque les autorités

déclarent officiellement qu'une personne est en détention, une pratique que les

organisations de défense des droits de l'homme critiquent parce qu'elle occasionne

des périodes de détention injustement longues. La caution est rarement une option.

Pendant les premières 48 heures de garde à vue, le prévenu n'a pas accès à un

avocat mais a droit à un examen médical et, éventuellement, à un contact avec sa

famille ; cependant, l'accès à la famille n'était pas, en règle générale, autorisé.

L'accusé a droit à un avocat et les avocats devraient, suite à la période initiale de

détention, être commis d'office pour tous les accusés de droit commun qui ne

peuvent pas se payer un avocat. Pour les délits, les accusés ne bénéficient pas

toujours d’un avocat. Un certain nombre d'ONG fournissaient également une aide

ou un conseil juridique aux personnes accusées d'une infraction criminelle.

Arrestation arbitraire : Le gouvernement s’est servi des forces de sécurité,

notamment de la DIC, pour harceler les journalistes et arrêter les opposants

politiques ainsi que les dirigeants de la société civile (voir section 2.a. et 2.b.).

Détention provisoire : L'engorgement judiciaire et l'absentéisme des juges ont

contribué aux longues périodes de détention provisoire. La loi stipule qu'une

personne accusée ne doit pas être en détention préventive pendant plus de six mois

pour des délits mineurs ; cependant, des personnes étaient fréquemment détenues

jusqu'à ce qu'un tribunal demande leur libération. Malgré la limite de six mois de

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détention pour la quasi-totalité des infractions, la durée moyenne entre

l’inculpation et le procès était de deux ans. Dans beaucoup de cas, les personnes

sont relaxées sans être inculpées. En l'occurrence, l'État n’a versé aucun

dédommagement. En 2009, un groupe d'études de l'ONU sur la détention

préventive a critiqué le pays pour son usage de la détention préventive prolongée.

En juillet, plusieurs activistes des droits de l’homme ont fait part de préoccupations

concernant la décision du gouvernement de retarder, soit disant pour des raisons

financières, les sessions concernant la détention provisoire de 41 détenus sous des

inculpations d’infractions majeures. Les activistes des droits de l’homme ont

indiqué que ce report constituait une violation du code de procédure criminelle de

2008 qui prescrit la tenue de ces sessions tous les quatre mois et que cette violation

prolongerait injustement la période de détention provisoire pour ces 41 détenus à

Dakar, Kaolack, Ziguinchor et Tambacounda.

Dans les affaires de meurtre, menaces à la sûreté de l'État et détournement de

deniers publics, il n'existe aucune limite à la durée de la détention préventive.

Les juges sont autorisés à prendre le temps qu'il faut pour instruire ces dossiers

importants mais, avec le consentement du parquet, ils peuvent ordonner la

libération du prévenu en attendant le procès. Si le parquet refuse la libération,

l'ordre est suspendu jusqu'à ce qu'une cour d'appel donne son avis sur la libération.

La loi accorde au procureur un pouvoir discrétionnaire total pour refuser la liberté

provisoire avant le procès quand il s'agit d'affaires de menaces à la sûreté de l'État,

de meurtre, et de détournement de deniers publics. Cependant, les juges n’ayant

pas suffisamment de temps pour examiner tous les dossiers, ils ont souvent signé

les ordres de prolongement de la détention sans tenir compte des faits et cela pour

éviter la libération de détenus potentiellement coupables.

e. Déni de procès public équitable

Bien que la Constitution et la loi prévoient l’indépendance du pouvoir judiciaire,

celui-ci a été soumis à la corruption et à l'influence du gouvernement.

Les magistrats ont continué à critiquer publiquement leurs conditions de travail, y

compris un volume excessif de dossiers, le manque d'espace et d'équipement de

bureau adéquats et des moyens de transports insuffisants. En outre, les magistrats

ont remis ouvertement en cause l'engagement du gouvernement envers

l'indépendance du pouvoir judiciaire.

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En dehors des juridictions civiles formelles, certains citoyens s'en remettaient aux

chefs traditionnels pour régler les litiges familiaux et communautaires.

Le Tribunal régional de Dakar comprend une chambre militaire qui est compétente

en matière d'infraction de nature militaire. Ladite chambre est composée d'un juge

civil, d'un procureur civil et de deux assistants militaires, dont l'un doit être du

même grade que l'accusé, pour conseiller le juge. Cette chambre ne peut juger des

civils que dans les cas où ces derniers ont été liés à des militaires qui ont enfreint la

loi militaire. Le tribunal militaire accorde les mêmes droits qu'un tribunal pénal

civil.

Procédures judiciaires

Un accusé est présumé innocent. Tout accusé a le droit d'avoir un procès public,

d'être présent en salle d'audience, d’être confronté aux témoins, de présenter

preuves et témoins, et d'avoir un avocat, aux frais de l'État si nécessaire, quand il

s'agit de délits graves.

Les audiences liées à la présentation des preuves peuvent être interdites au public

et à la presse. Même si l'accusé et son avocat peuvent introduire des preuves auprès

du juge d'instruction qui décide si oui ou non le dossier fera l'objet d'un procès, ils

n'ont pas toujours accès à toutes les preuves à charge présentées avant le procès.

L'accès aux preuves peut être limité par la police ou le parquet. Depuis l'adoption,

au mois de juillet, d'une loi qui a mis fin aux procès par des jurés, un collège de

juges préside aux audiences dans les juridictions civiles et criminelles ordinaires.

Le droit d'appel existe dans toutes les juridictions sauf à la Haute cour de justice.

Ces droits appartiennent à tous les citoyens.

Prisonniers et détenus politiques

Le 25 juillet, Oumar Cyrile Touré (alias Thiat), rappeur et leader du mouvement

« Y En a Marre », a été emprisonné pour avoir fait un discours lors d’un

rassemblement le 23 juillet, dans lequel il a dit qu’ « un vieillard menteur de 90 ans

ne peut diriger le pays ». Après une détention de 25 heures par la DIC, Touré a été

relâché sans être inculpé le 26 juillet (voir la section 2.b., Liberté de réunion).

Le 20 octobre, la figure de l’opposition Malick Noel Seck a été condamnée à deux

ans de prison pour outrage au tribunal et menace de mort faite dans une lettre

ouverte au Conseil constitutionnel, pour protester contre le troisième mandat

brigué par le président Wade. De nombreux groupes des droits de l’homme ont

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considéré que la condamnation de Seck obéissait à des motivations politiques et

ont contesté la légitimité des accusations.

Procédures et recours judiciaires civils

Les citoyens peuvent demander la cessation des violations des droits de l'homme et

une réparation à cet effet auprès des tribunaux administratifs ou judiciaires

ordinaires. En outre, un recours administratif peut être engagé en portant plainte

devant le Haut-commissariat aux droits de l'homme et à la promotion de la paix, au

niveau de la Présidence. Cependant, la corruption et le manque d'indépendance ont

entravé la gestion judiciaire et administrative de ces dossiers. Parfois, les

procureurs ont refusé de poursuivre des membres des forces de sécurité et les

auteurs de violations sont souvent restés impunis. En outre, des problèmes se sont

posés dans l'application des arrêts judiciaires, dans la mesure où le gouvernement

peut faire fi des ordres des tribunaux sans aucune conséquence juridique.

f. Ingérence arbitraire dans la vie privée, la famille, la résidence ou la

correspondance des citoyens

La Constitution et la loi interdisent de telles actions et, dans la pratique, le

gouvernement a généralement respecté ces interdictions ; cependant, les

organisations de défense des droits de l'homme ont déclaré que les écoutes

téléphoniques clandestines par les services de sécurité étaient monnaie courante.

g. Usage de force excessive et autres abus dans des conflits internes

Le niveau de violence s'est accru au cours de l'année dans la région de la

Casamance. Il y a eu plusieurs affrontements aussi bien entre le MFDC et des

éléments militaires qu'entre factions au sein du MFDC. L'armée a effectué

plusieurs descentes dans la région de Sindian, dans le nord de la Casamance, près

de la frontière gambienne, autour de la capitale régionale, Ziguinchor, et dans la

région d'Oulampane, dans le nord de la Casamance. On estime à 83 le nombre de

personnes tuées dans l’année suite au conflit casamançais : 36 soldats sénégalais,

14 civils et environ 33 rebelles du MFDC.

Aucun décès de civils par mine terrestre n'a été signalé, ce qui veut dire que les

campagnes de sensibilisation anti-mines ont eu des résultats. Toutefois, certains

observateurs ont noté une augmentation de l’utilisation des mines terrestres par le

MFDC. Deux femmes civiles ont été blessées sur des mines terrestres le 27 mars à

Diankadiou, au nord de Sindian. Handicap international a continué d'œuvrer sous

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la direction et la coordination du Centre d'action contre les mines, une organisation

gouvernementale.

Plusieurs soldats ont trouvé la mort dans des accidents liés aux mines terrestres.

Les rebelles du MFDC ont commis plusieurs actes de banditisme en Casamance.

Deux civils ont trouvé la mort dans ce que l’on pense être des actes de banditisme

ou des attaques du MFDC pendant l’année.

Le 19 janvier, une Sénégalaise d’une trentaine d’années a été kidnappée, battue et

violée par des personnes soupçonnées d’être des membres du MFDC près du

village de Teidouboune. Le jour suivant, des soldats sénégalais ont trouvé son

corps sans vie portant des traces de blessures par balle.

Le 28 janvier, un motocycliste a été victime d’une embuscade et tué par des

personnes soupçonnées d’être des membres du MFDC près de Bignona.

Section 2 Respect des libertés civiles, notamment:

a. Liberté d'expression et liberté de la presse

La constitution et la loi prévoient la liberté d'expression, y compris pour la presse ;

cependant, dans la pratique, le gouvernement a limité ces droits et les forces de

sécurité et les politiciens ont intimidé ou harcelé les journalistes au cours de

l'année.

Liberté d'expression : les individus ont généralement pu critiquer le gouvernement,

en public ou en privé, sans risque de représailles.

Liberté de la presse : Il y avait un grand nombre de journaux indépendants et trois

journaux affiliés au gouvernement. Compte tenu du taux élevé d'analphabétisme, la

radio occupait le premier rang parmi les médias et sources d'informations.

Il y avait environ 80 stations de radio communautaire, radio publique et radio

privée commerciale. Bien qu'une loi administrative soit en place pour réguler la

répartition des fréquences radio, les opérateurs de radio communautaire laissaient

entendre que l'affectation des fréquences manquait de transparence. Les stations de

radio étaient occasionnellement gérées par un seul groupe religieux, politique ou

ethnique.

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Même si le gouvernement a continué à maintenir, par l'intermédiaire de la

Radiodiffusion-Télévision sénégalaise (RTS), une solide mainmise sur les

informations et opinions télévisées, cinq chaînes de télévision privée ont

fonctionné au cours de l'année. Le gouvernement doit, de par la loi, détenir la

majorité des parts de la RTS et le président contrôlait, de manière directe ou

indirecte, la sélection des 12 membres de la direction de la RTS. Plusieurs groupes

de défense des droits de l'homme et de journalistes ont critiqué la possibilité offerte

à certains chefs religieux de diffuser gratuitement sur les antennes de la

radiotélévision étatique, alors que d'autres groupes étaient obligés de payer.

L'échec du gouvernement dans l'application des règles régissant l'établissement des

organes de presse et l'aide qu'il apporte aux médias ont contribué à la montée de

médias non-professionnels et politisés. Des journalistes et des groupes de défense

des droits de l'homme ont noté que certains organes, tels que le quotidien Le

Messager, ainsi que les stations de radio Anur FM et la Radio Municipale de

Dakar, avaient été créés exclusivement pour réfuter les critiques

antigouvernementales.

La presse internationale a été active et a exprimé sans restriction une grande variété

de points de vue.

Violence et harcèlement : Le gouvernement a continué de considérer certains

organes de presse comme une menace et, au cours de l'année, des journalistes ont

été détenus pendant plusieurs heures par la DIC. La police a souvent fait pression

sur des journalistes qui publiaient des reportages sur les scandales, le gaspillage ou

la fraude au sein de l'administration pour les pousser à révéler leurs sources. La loi

permet à la police d'arrêter et d'emprisonner les journalistes et les citoyens privés

pour diffamation.

A titre d’exemple, le 13 juillet, quatre journalistes affiliés au réseau indépendant de

Wal Fadjiri (Abdourahmane Camara, Charles Gaiky Diene, Yakhya Massaly et

Mohamed Mboyo) ont été détenus par la DIC suite à la publication dans le journal

Wal Fadjiri d’un article intitulé « Menteurs, agresseurs, détourneurs : les voyous

de la République ». Ils ont été relâchés sans être inculpés au bout de plusieurs

heures.

Le 25 septembre, trois journalistes du nouveau quotidien privé La Tribune ont été

relâchés après avoir passé la nuit en détention policière. Félix Nzale, directeur de la

publication, Ahmet Bachir Ndiaye, reporteur, et Mamadou Diop, photojournaliste,

ont été accusés de discréditer la police avec la publication en première page, le 23

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septembre, d’une histoire accompagnée de photos, qui accusait la police d’usage

disproportionné de la force dans la répression d’une manifestation. La police a dit

que les photos étaient truquées et les journalistes ont affirmé qu’elles étaient

authentiques.

Censure ou restrictions sur le contenu : les journalistes ont pratiqué l’autocensure

et il est apparu que l’aide aux médias fournie par le gouvernement de façon

sélective a avantagé les médias favorables à l’administration en place.

Les efforts du gouvernement pour contrôler le contenu des médias, en accordant ou

pas des subventions de l’Etat, qui sont données de façon routinière aux médias

affiliés au gouvernement et aux médias indépendants privés, ont préoccupé les

journalistes. Le gouvernement a fréquemment utilisé les subventions, et dans

quelques cas la menace et l’intimidation, pour faire pression sur les médias afin

qu’ils ne publient pas certaines choses.

Lois sur la diffamation/la sécurité nationale : la loi criminalise la diffamation et

elle est utilisée à des fins de harcèlement et pour décourager les reportages

d’enquête.

L’ONG Reporteurs sans frontières a indiqué que le 14 avril, Abdou Latif Coulibaly

s’est vu infliger une peine de prison de trois mois avec sursis et une amende de dix

millions de francs CFA (20.000 dollars) pour son journalisme d’investigation

accusant un homme d’affaires proche du président de transactions frauduleuses

avec le gouvernement. Il s’agissait de la deuxième condamnation avec sursis et

amende pour Coulibaly depuis 2010, lorsqu’une accusation de diffamation a été

portée contre lui par un conseiller présidentiel.

Liberté d’accès à Internet

Le gouvernement n'a imposé aucune restriction sur l'accès à Internet et il n'y a pas

eu de rapports faisant état de surveillance des courriels ou des forums de discussion

sur le Net. Les individus et les groupes ont pu pacifiquement exprimer leurs points

de vue sur Internet, notamment par courriel.

Liberté académique et manifestations culturelles

L'État n'a imposé aucune restriction sur la liberté académique ou les manifestations

culturelles.

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b. Liberté de réunion pacifique et d'association

Liberté de réunion

Bien que la Constitution et la loi prévoient la liberté de réunion, le gouvernement

a, dans la pratique, entravé ce droit. Au cours de l'année, à plusieurs reprises, le

gouvernement a refusé d'octroyer des autorisations publiques à la société civile et

aux manifestations de l'opposition politique. L'opposition s'est plainte des périodes

d'attente excessive que le gouvernement lui fait subir avant de donner réponse à ses

demandes d'autorisation.

Le 26 mai, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser une réunion du

syndicat des travailleurs de la Poste (SNTPT), au siège de la Médina.

Le 5 juin, la police a arrêté quatre leaders du mouvement « Y En a Marre » et leur

coordinateur local à Mbacké. Le groupe de rappeurs et des journalistes étaient en

tournée dans le pays pour promouvoir l’inscription sur les listes électorales, tout

particulièrement auprès des jeunes. La demande initiale d’autorisation du groupe

pour organiser un concert et une campagne de sensibilisation a été refusée. Suite à

une interview radio du groupe, quatre leaders du mouvement ont été arrêtés par la

police, mais ils ont été relâchés plusieurs heures plus tard sans avoir été inculpés

(voir section 1.e., Prisonniers et détenus politiques).

Les 23 et 27 juin, des manifestations et des émeutes de grande ampleur ont eu lieu

pour protester contre les changements constitutionnels et les coupures d’électricité.

Le 23 juin, la police a fait usage de gaz lacrymogène et de grenades à concussion

pour contrôler une foule importante qui s’était rassemblée en centre ville, devant

l’Assemblée nationale. Le 27 juin, les émeutes se sont répandues dans Dakar et ses

environs. Des milliers d’émeutiers ont bloqué les grands axes routiers, mis à sac les

domiciles de certains membres du gouvernement et mis le feu à des dizaines de

véhicules. La police a tenté de disperser la foule à Dakar et Mbour avec des gaz

lacrymogènes, mais les émeutes n’ont pas été maîtrisées dans l’ensemble. Pour la

première fois depuis plus de 20 ans, les militaires ont été déployés pour une

éventuelle maîtrise de la foule, mais il n’y a pas eu d’engagement direct avec les

manifestants le 27 juin.

Liberté d'association

La Constitution et la loi prévoient la liberté d'association et, dans la pratique, le

gouvernement a généralement respecté ce droit.

14

c. Liberté de religion

Pour une description de la liberté de religion, veuillez consulter le Rapport du

Département d'État sur la liberté de religion internationale à l'adresse suivante :

www.state.gov/g/drl/irf/rpt.

d. Liberté de mouvement, personnes déplacées à l'intérieur de leur pays,

protection des réfugiés et apatrides

La Constitution et la loi prévoient la liberté de mouvement à l'intérieur du pays, les

voyages à l'étranger, l'émigration et le rapatriement et, dans la pratique, l'État a

généralement respecté ces droits.

L'État a généralement coopéré avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour

les réfugiés (UNHCR) et d'autres organisations humanitaires en fournissant

protection et assistance aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP),

aux réfugiés, aux demandeurs d'asile et aux apatrides.

Déplacements hors du pays : La loi exige de certains fonctionnaires, notamment

des enseignants, l’obtention d’une autorisation du gouvernement avant de sortir du

pays ; cependant, cette loi n'a pas été appliquée dans l’ensemble.

Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP)

Pendant les 29 ans du conflit casamançais, des dizaines de milliers de personnes

ont quitté les villages de la région en raison des combats, des évacuations forcées

et des mines terrestres. De nombreuses personnes sont devenues des PDIP au cours

de l'année. Le gouvernement estimait qu'il y avait encore environ 10.000 PDIP en

Casamance, même si ce chiffre avait tendance à fluctuer en fonction de l’évolution

du conflit. Selon certains organismes internationaux d'aide humanitaire, le nombre

de PDIP pourrait atteindre 40.000. Certaines PDIP qui tentaient de rentrer dans

leurs villages dans les communautés rurales au sud de Ziguinchor se sont heurtées

à l’hostilité des combattants du MFDC qui survivaient sur les mêmes ressources

naturelles que les PDIP de retour.

Au cours de l’année, le gouvernement a donné de la nourriture aux enfants des

PDIP et les a inscrits dans les écoles locales de Ziguinchor.

Protection des réfugiés

15

Droit d’asile : La loi du pays prévoit l'octroi du droit d'asile ou du statut de réfugié

et le gouvernement a établi un système pour assurer la protection des réfugiés.

Comme le président doit donner son approbation sur chaque dossier, des retards

d'un à deux ans avant que le statut de réfugié ne soit accordé posaient encore

problème. Le gouvernement a généralement accordé le statut de réfugié ou le droit

d'asile et fourni aux réfugiés une aide alimentaire et non alimentaire.

Le gouvernement a violé les droits de certains demandeurs d'asile en ne leur

proposant pas de droits à la défense, ou à la sécurité, du fait que les appels

interjetés par les demandeurs d'asile refusés étaient examinés par le même comité

qui avait examiné le premier dossier ; et que le demandeur refusé peut être arrêté

pour séjour irrégulier dans le pays. Ceux qui étaient arrêtés pouvaient passer

jusqu'à trois mois en « détention administrative » avant d'être expulsés. Selon le

HCR, il y avait, en janvier, 2.177 demandeurs d'asile dans le pays.

Non refoulement : Dans la pratique, le gouvernement a accordé une certaine

protection contre l’expulsion ou le rapatriement des réfugiés dans les pays où leur

vie ou leur liberté serait menacée en raison de leur race, nationalité, appartenance à

un groupe social précis, ou de leur opinion politique.

Solutions durables : Depuis 1989, le pays offre une protection temporaire aux

réfugiés mauritaniens qui vivaient généralement dans diverses localités de la vallée

du fleuve, le long de la frontière mauritanienne, et jouissaient d'une liberté de

mouvement à l'intérieur du pays. Cependant, la majorité des réfugiés n'ont pas été

en mesure d'obtenir leurs documents de réfugiés auprès des autorités, et se sont

souvent heurtés à des difficultés administratives quand ils présentaient les

récépissés périmés de leur demande de statut de réfugié. Suite à des entretiens avec

le HCR, le gouvernement a convenu de délivrer des cartes d'identité. Le

gouvernement et le HCR ont terminé le processus d’enregistrement et les cartes

d’identification ont été délivrées.

En 2008, l’UNHCR a commencé un programme de rapatriement des Afro-

Mauritaniens vers la Mauritanie. Selon le HCR, environ 34.000 Afro-Mauritaniens

étaient inscrits pour un rapatriement volontaire et, au mois de décembre 2009,

20.500 avaient été rapatriés. Les rapatriements ont été provisoirement suspendus

en janvier 2010 à cause de la situation sociopolitique interne en Mauritanie, mais

ils ont repris en octobre 2010. Environ 380 réfugiés ont été rapatriés dans le

courant de l’année.

16

L'État a continué à autoriser le rapatriement, généralement non contrôlé et

essentiellement informel, de réfugiés casamançais.

Section 3. Respect des droits politiques : le droit des citoyens à changer leur

gouvernement

La Constitution et la loi accordent aux citoyens le droit de changer leur

gouvernement et les citoyens ont généralement usé de ce droit, dans la pratique,

par l'intermédiaire d'élections périodiques, libres et équitables fondées sur le

suffrage universel.

Élections et participation politique

Les récentes élections : En 2007, le président Wade a été réélu à un second mandat

avec environ 55 % des voix. Les observateurs internationaux ont qualifié les

élections de généralement libres et équitables ; cependant, il y a eu des violences et

des irrégularités pré-électorales, notamment par rapport à la délivrance des cartes

d'électeurs, et de nombreux partis d'opposition n'avaient pas accepté les résultats et

présenté en vain une pétition au Conseil Constitutionnel pour l'invalidation du

scrutin.

Lors des élections législatives de 2007, la coalition PDS du président Wade a

remporté 131 des 150 sièges de l'Assemblée nationale. Les observateurs

internationaux ont qualifié les élections de généralement libres et équitables.

Comme l'opposition, organisée sous la bannière d'une coalition unitaire, le «Front

Siggil Sénégal », a boycotté les élections, le taux de participation de 34,7 % était

historiquement faible. Lors des élections indirectes du Sénat en 2007, les

responsables locaux et les députés ont sélectionné des candidats PDS pour 34 des

35 sièges en lice. Les 65 sièges de sénateurs restants ont été pourvus par le

président. Les grands partis d'opposition ont boycotté les élections sénatoriales, du

fait que le président nomme la majorité des sénateurs.

Partis politiques : Les 150 partis politiques enregistrés ont évolué sans restriction

ni ingérence extérieure.

Participation des femmes et des minorités : en mai 2010, l’Assemblée nationale a

adopté une loi sur l’égalité des genres, prévoyant l’égalité d’accès pour les femmes

à toutes les assemblées élues et les conseils d’administration des entreprises

appartenant en totalité ou en partie au gouvernement. A la fin de l'année, il y avait

37 femmes parmi les 150 députés à l'Assemblée nationale et 9 femmes parmi les

17

40 membres du gouvernement. Sur les 100 membres du Sénat, 40 étaient des

femmes.

Section 4. Corruption et transparence au sein des pouvoirs publics

Bien que la loi prévoie des sanctions pénales contre la corruption officielle, le

gouvernement n'a pas procédé à une application effective de ces dispositions, et

des responsables ont commis, en toute impunité, des actes de corruption. Les lois

de déclaration des biens ne s’appliquaient aux hauts responsables de l’État que

dans le cadre des enquêtes. Le président est le seul haut responsable qui soit tenu,

juridiquement, de déclarer ses biens au début de son mandat.

Les indices de la gouvernance mondiale de 2009 de la Banque mondiale reflétaient

la gravité du problème de la corruption et une perception généralisée de corruption

publique. Le fait que, dans les années précédentes, les autorités s'octroyaient, pour

elles-mêmes, et pour les députés et fonctionnaires, augmentations de salaire,

véhicules et terrains, a exacerbé cette perception.

L'impunité et la corruption au niveau de la police étaient des problèmes

généralisés. Selon les groupes des droits de l'homme, les avocats et les victimes,

les forces de sécurité extorquaient régulièrement de l'argent aux détenus en

échange de leur libération, et aux prostituées dans le but de fermer les yeux sur la

non-observation des règles régissant la prostitution.

La Commission nationale de lutte contre la non-transparence, la corruption et la

concussion n'avait aucun pouvoir d'investigation ou de poursuites. Elle est restée

inefficace dans sa lutte contre la corruption et n'a poursuivi aucun agent du

gouvernement pour acte de corruption. Malgré de multiples accusations de

corruption dans la presse, ni la commission ni la justice n'ont mené d’investigation.

Plusieurs réunions ont eu lieu à huis clos et sans la participation ni l’accès aux

procédures des parties prenantes ou de la société civile, pour prendre des décisions

de grande importance pour le peuple sénégalais. L’ONG Article 19 a indiqué le 15

novembre que les groupes publics et les groupes de la société civile ont été exclus

de la participation au processus décisionnaire concernant la privatisation des

ressources hydrauliques.

Au cours de l'année, l'Agence de régulation des marchés publics (ARMP) a publié

sur Internet ses enquêtes sur les violations du code des marchés publics qui se sont

18

produites en 2009. Les rapports d’enquête étaient longs et détaillés, mais ils n’ont

abouti à aucune poursuite judiciaire. L’ARMP dispose d’un mandat pour publier

ses conclusions sur les rapports d’enquête indépendamment de l’accord du

gouvernement.

La Constitution et la loi accordent aux citoyens le droit d'accéder librement aux

informations de l'État; cependant, dans la pratique, l'État a rarement accordé cet

accès.

Section 5. Attitude de l'État envers les investigations internationales et non

gouvernementales sur les violations présumées des droits de l'homme

Une grande variété d'associations nationales et internationales de défense des droits

de l'homme ont évolué généralement sans restriction du gouvernement, menant

leurs enquêtes et publiant leurs conclusions sur des dossiers de droits de l'homme.

Les autorités ont été plutôt coopératives mais rarement réactives par rapport à ces

conclusions. Certaines organisations des droits de l'homme ont laissé entendre que

leurs téléphones étaient régulièrement sous écoute au cours de l'année et des

violences ont été perpétrées contre des figures de la défense des droits de l'homme

(voir section 1.c.).

Des menaces de mort à l'encontre de dirigeants de partis d'opposition, de syndicats

et d'ONG ainsi que de journalistes et d'autres hauts responsables étaient courantes

et généralement estimées provenir du parti au pouvoir.

A titre d’exemple, Alioune Tine, qui est à la tête du RADDHO, a été attaqué et

passé à tabac par des individus que l’on pense avoir été payés par le gouvernement.

Tine affirme que son agression a été organisée par Farba Senghor, un proche du

président Wade, et que Senghor a participé à son agression. Tine a été hospitalisé à

la suite de son agression et est resté dans le coma pendant plusieurs jours.

Organes des Nations Unies et autres organes internationaux : En 2008, la

Constitution a été amendée pour autoriser des poursuites rétroactives en matière de

génocide et de crimes contre l'humanité contre Hissène Habré, qui vit en exil dans

le pays depuis 1990. Les bailleurs de fonds ont collaboré avec le gouvernement

pour arrêter un budget approprié et, en novembre 2010, promis environ 11.350.000

de dollars pour financer le procès. Dans le même temps, la Cour de justice de la

Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a rendu un

jugement en accord avec les accusations portées par les avocats de Habré contre le

Sénégal. Ces derniers ont fait valoir que le Sénégal a introduit la rétroactivité dans

19

ses lois pénales uniquement pour traduire Habré en justice et, partant, a violé les

droits de celui-ci. L'UA et l'UE ont préconisé la tenue du procès malgré la décision

de la CEDEAO.

Dans une interview accordée à un journal français en date du 7 février, le président

Wade a exprimé son opposition au jugement de Habré au Sénégal en se disant

« dessaisi » du dossier, suite à la décision de la cour de Justice de la CEDEAO. Le

8 juillet, le bureau du président Wade a annoncé l’expulsion de Habré vers le

Tchad le 11 juillet. Toutefois, le 10 juillet, le ministère des Affaires étrangères a

déclaré que l’expulsion de Habré avait été « suspendue » sur demande du Haut

commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies.

Organes gouvernementaux des droits de l’homme : Le Comité sénégalais des droits

de l'homme du gouvernement (CSDH) comprend des représentants du

gouvernement, d'associations de la société civile et d'organisations indépendantes

des droits de l'homme. Le CSDH a autorité pour enquêter sur les abus; cependant,

il manquait de crédibilité puisqu'il avait un niveau de financement extrêmement

bas, ne se réunissait pas régulièrement, ne menait pas d'investigations et a publié

son dernier rapport annuel en 2001.

Selon le CSDH, les autorités ont régulièrement rencontré les ONG de la société

civile et des droits de l'homme pour discuter de questions comme la discrimination

(raciale, sexuelle et religieuse), la migration et les violences conjugales. Le

gouvernement a montré une certaine réactivité aux enquêtes des ONG et a tenu des

réunions avec celles-ci pour discuter des questions de droits de l'homme comme la

torture, les violences conjugales et l'affaire Hissène Habré.

Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes

La Constitution prévoit l'égalité des hommes et des femmes devant la loi et interdit

toute forme de discrimination basée sur la race, le genre, le handicap, la langue ou

le statut social. Cependant, la discrimination sexuelle était généralisée dans la

pratique et les lois anti-discrimination, notamment en ce qui concerne la violence

faite aux femmes et aux enfants, très rarement appliquées.

Les femmes

Le viol et la violence domestique. Le viol était courant. Le viol conjugal était

toujours difficile à quantifier dans la mesure où il s'agit d'un sujet tabou dont il est

rarement fait état. La loi interdit le viol, mais pas le viol entre époux ; cependant, le

20

gouvernement a rarement fait appliquer la loi. Les sanctions contre le viol peuvent

aller de cinq à dix ans de prison. Une ONG de défense des droits de la femme a

critiqué l'absence de lois de protection des victimes de viol ; la loi autorise, à

présent, la pratique courante qui consiste à invoquer les antécédents sexuels d'une

femme pour défendre un homme accusé de viol. Les poursuites en matière de viol

étaient minimales puisque les juges disposaient rarement de preuves suffisantes

attestant qu'il y avait eu viol, surtout quand cela s'est produit au sein de la famille.

Il était d'usage que les affaires de viol soient réglées à l'amiable pour éviter la

publicité et les frais judiciaires. Le ministère de la Justice a estimé qu’en 2009, 47

% des violeurs accusés sont restés impunis et ont été libérés sans être jugés, mais il

n’a pas été en mesure de fournir des estimations plus récentes.

Le 8 août, une quinzaine d’organisations locales des droits de l’homme ont

demandé publiquement l’arrêt des viols en réunion et la fin de l’impunité pour ces

crimes. Elles ont dénoncé le fait que, lors des protestations violentes du 27 juin, un

groupe d’hommes avaient profité des coupures d’électricité et des émeutes pour

violer plusieurs femmes dans un bar/restaurant de Dieuppeul, dans la banlieue de

Dakar. Elles ont également condamné un autre incident, qui a eu lieu le 31 juillet

dans la banlieue dakaroise de Guédiawaye. A l’issue d’un combat de lutte et

profitant d’une coupure d’électricité, un groupe d’hommes auraient violé un certain

nombre de fans de sexe féminin qui s’étaient rassemblées devant le domicile du

lutteur Balla Gaye pour fêter sa victoire. A la fin de l’année, aucune arrestation

n’avait eu lieu dans le cadre de ces deux incidents.

La violence domestique, notamment conjugale, était un problème généralisé. Le

ministère de la Justice est responsable de la lutte contre la violence conjugale.

Plusieurs associations féminines ainsi que l'ONG CLVF (Comité de lutte contre les

violences faites aux femmes et aux filles) ont fait état d'un accroissement des actes

de violence sur les femmes au cours de l'année. Le CLVF a signalé que les actes de

violence conjugale représentaient 65 % de tous les cas signalés de violence faite

aux femmes en 2009.

La loi interdit les actes de violence sur les femmes, mais la législation n'a pas été

appliquée. La loi criminalise les agressions et prévoit une peine de prison d’un à

cinq ans assortie d'une amende. Si la victime est une femme, la peine de prison et

l'amende augmentent. Les actes de violence conjugale causant des blessures

durables sont passibles d'une peine de prison de 10 à 20 ans ; si un acte de violence

conjugale entraîne la mort, la loi prescrit la prison à vie. Le CLVF a critiqué la

non-application de la loi par certains juges et a cité des dossiers pour lesquels les

juges ont argué d'un manque de preuves suffisantes pour justifier la légèreté des

21

peines qu’ils prononçaient. Le CLVF a également noté que le gouvernement a

permis aux organisations de la société civile de représenter, au civil, des victimes

de traite, mais a continué de leur nier ce droit dans les affaires de viol. La presse a

fait état de nombreux cas d'inceste. La violence conjugale sur les femmes est

passible d'une peine d'un à dix ans de prison et d'amendes allant de 30.000 francs

CFA (60 dollars) à 500.000 francs CFA (1.000 dollars) en fonction du niveau de

maltraitance. Quand la violence entraîne la mort, les auteurs sont condamnés aux

travaux forcés à perpétuité. En général, la police n'est pas intervenue dans les

disputes conjugales et la quasi-totalité des victimes hésitaient à sortir du cadre

familial pour obtenir réparation. Il n'y avait pas de statistiques disponibles sur le

nombre d'auteurs de sévices poursuivis en justice. Les actes de viol et de

pédophilie ont souvent été commis par des parents proches et plus âgés, et les

victimes ont par conséquent eu du mal à intenter un procès.

Les organisations de lutte contre la violence ont critiqué le refus de l'État

d'autoriser les associations à engager des procédures au nom des victimes. Le

ministère de la Femme, de la Famille, du Développement social et de

l'Entreprenariat féminin état chargé de veiller aux droits des femmes.

Selon la presse, le centre Ginddi, administré par les pouvoirs publics, a hébergé des

femmes et des filles victimes de viol ou de mariage précoce, outre des enfants des

rues.

Les Mutilations génitales féminines (MGF) : Selon la loi, les MGF sont un délit

passible d’une peine de prison de six mois à cinq ans pour ceux qui la pratiquent

directement ou qui ordonnent qu’elles soient pratiquées sur une tierce personne.

Cependant, de nombreuses personnes ont continué à pratiquer les MGF

ouvertement et en toute impunité. La prévalence de cette pratique sur les filles de

plus de 10 ans est estimée à moins de 6 pour cent (voir la rubrique « Enfants » dans

cette section).

Harcèlement sexuel : La loi prévoit une peine de prison de cinq mois à trois ans et

des amendes de 50.000 à 500.000 francs CFA (100 à 1.000 dollars) pour le

harcèlement sexuel ; cependant, la pratique était courante. Les pouvoirs publics

n'ont pas fait effectivement appliquer la loi et les organisations de défense des

droits des femmes faisaient valoir que les victimes de harcèlement sexuel

trouvaient qu'il était difficile, voire impossible, de présenter suffisamment de

preuves pour engager des poursuites.

22

Tourisme sexuel : des cas de tourisme sexuel ont été rapportés. A titre d’exemple,

il y a eu des cas de touristes européens qui ont eu recours à des services sexuels,

dans la région de Saly, près de Mbour.

Droits en matière de reproduction : La loi accorde à tout individu le droit d'être

informé et de choisir des méthodes d'espacement des naissances. Elle prévoit

également, pour toute femme enceinte, le droit aux soins médicaux et à un

accouchement sans danger. La loi considère le droit à la santé reproductive comme

«un droit fondamental et universel garanti à tout individu sans discrimination. » La

loi stipule également que «tout couple et tout individu ont le droit de décider

librement d’avoir des enfants, d'en déterminer le nombre désiré et l'espacement».

Dans la pratique, la mauvaise qualité des services médicaux a limité ces droits,

notamment en milieu rural et dans certaines zones urbaines où le manque de fonds

a entraîné la fermeture de maternités et de salles d’opérations. Selon des enquêtes

démographiques et sanitaires, environ 65 pour cent des naissances bénéficiaient de

la présence de personnel qualifié et des soins prénataux ont été dispensés dans 93

pour cent des cas. Selon l’UNICEF, le ratio de mortalité maternelle (le nombre de

décès maternels pour 100.000 naissances vivantes) était de 410 en 2008. Le

ministère de la Santé estimait qu’une grande partie des décès des mères au moment

de l’accouchement pourrait être évitée avec l’aide de personnel qualifié et la

disponibilité de services obstétriques d’urgence. Les pressions socioculturelles

pour avoir de grandes familles auraient poussé certains maris à demander aux

agents de santé d’interrompre l’usage de contraceptifs par leurs épouses. De telles

demandes auraient obligé les femmes à faire preuve de discrétion en matière de

contraception. Selon le FNUAP, 12 % des filles et femmes âgées de 15 à 45 ans,

employaient une méthode de contraception. Hommes et femmes ont été, de façon

égale, diagnostiqués et traités pour les maladies sexuellement transmissibles.

Le 3 février, le ministère de la Santé a annoncé que, dans le cadre d’efforts pour

diminuer les taux de mortalité maternelle et infantile, les coûts des interventions

des césariennes dans Dakar et ses environs seraient pris en charge par le

gouvernement.

Discrimination : Les femmes ont fait face à une discrimination constante, surtout

en milieu rural où les coutumes, notamment la polygamie et les règles

discriminatoires en matière d’héritage, étaient les plus enracinées. La loi exige

l’accord de la femme pour un régime polygame mais, une fois dans une telle union,

l’homme n’avait plus besoin de notifier sa femme ni d’obtenir son consentement

avant de prendre une autre épouse. Environ 50 % des mariages étaient sous le

23

régime polygame. Bien que protégés par la loi, les droits matrimoniaux n’ont pas

été respectés à cause des pesanteurs socioculturelles et de la réticence des juges à

appliquer la loi.

La définition des droits paternels dans le code de la famille continuait de

représenter un obstacle à l’égalité homme-femme, dans la mesure où l’homme est

considéré comme chef de famille et la femme ne peut pas assumer la responsabilité

juridique de ses enfants. La femme ne peut juridiquement devenir chef de famille

que lorsque le père renonce officiellement à son autorité devant l’administration.

En revanche, il était possible aux femmes de prendre en charge leurs enfants et leur

mari si celui-ci souffrait d’une incapacité médicale qui l’en empêchait. En outre,

des problèmes liés aux pratiques traditionnelles ont rendu difficile l’achat par les

femmes de biens fonciers en milieu rural.

L’homme et la femme ont les mêmes droits de postuler pour un emploi. Les

femmes représentaient 52 % de la population mais accomplissaient 90 % des

travaux domestiques et 85 % du travail agricole.

Les enfants

Déclaration des naissances : La nationalité s’acquiert par naissance ou

naturalisation ; seul le père peut transmettre automatiquement la nationalité ; une

femme ne peut le faire que si son mari est apatride. Les enfants légitimes nés de

mère sénégalaise et de père étranger ont le choix de prendre la nationalité

sénégalaise entre 18 et 25 ans. Les enfants illégitimes prennent la nationalité du

premier parent qui déclare sa naissance. Les enfants ne sont pas déclarés à la

naissance sauf si un parent en fait la demande, mais la non-déclaration ne veut pas

dire que l’enfant n’aura pas accès aux services publics. Dans beaucoup de zones

rurales, les parents ont rarement déclaré les naissances. Le processus de déclaration

des naissances consistait seulement pour le juge local à rendre une décision en

fonction des témoignages verbaux.

Education : La loi prévoit la scolarité gratuite et obligatoire des enfants, de 6 à 16

ans ; cependant, beaucoup d’enfants ne sont pas allés à l’école par manque de

moyens ou d’installations. Les élèves doivent prendre en charge l’achat des

manuels, des uniformes et d’autres fournitures scolaires. Le fossé historique qui

existait entre les taux de scolarisation des garçons et des filles a été comblé et, au

cours de l’année, il y avait plus de filles que de garçons à l’école primaire.

24

En revanche, les filles ont rencontré plus de difficultés à poursuivre leurs études.

Quand les familles ne pouvaient plus se permettre d’envoyer tous leurs enfants à

l’école, les parents avaient tendance à déscolariser les filles plutôt que les garçons.

Le harcèlement sexuel de la part du personnel de l’école et les grossesses précoces

ont en outre été une cause d’abandon scolaire par les jeunes filles. Selon les

données les plus récentes de l’UNICEF, seulement 45 % des filles et des femmes

de 15 à 24 ans savaient lire et écrire, contre 58 % des garçons et des hommes. Si le

nombre de garçons et de filles inscrits dans l’enseignement primaire était

sensiblement le même, l’UNICEF a indiqué que 28 % des garçons fréquentaient

l’école secondaire, contre à 22 % des filles.

La maltraitance des enfants : La maltraitance des enfants a été monnaie courante.

Des garçons mal vêtus, pieds-nus, connus sous le nom de « talibés », ont mendié

au coin des rues de la nourriture ou de l’argent pour eux-mêmes et leurs maîtres

coraniques appelés marabouts. Beaucoup de ces enfants étaient exploités par leurs

enseignants et étaient exposés à des dangers. De nombreux cas de sévices

physiques sur ces talibés ont été signalés. Une étude conjointement menée en 2008

par l’UNICEF, l’Organisation internationale du travail, la Banque mondiale et

l’ONG « Partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants des rues », a

dénombré environ 7.800 enfants mendiants dans la région de Dakar. Selon un

rapport de Human Rights Watch, publié en avril 2010, le pays comptait 50.000

enfants mendiants. La quasi-totalité d’entre eux avaient une dizaine d’années, mais

des cas de talibés âgés de seulement deux ans ont été rapportés. Ils étaient en

général sous-alimentés et exposés aux maladies. Comme ils mendiaient à plein

temps, ils n’avaient guère de temps à consacrer aux études coraniques. Ils étaient

forcés de verser leurs aumônes aux maîtres. Chaque enfant était censé rapporter en

moyenne 400 francs CFA (0,80 cents) par jour.

Les mariages précoces : des fonctionnaires du ministère de la Femme, de la

Famille, du Développement social et de l’Entreprenariat féminin, et des groupes de

défense des droits des femmes ont indiqué que le mariage précoce était un

problème significatif dans certaines parties du pays, plus particulièrement dans les

zones rurales, bien que ce soit illégal. Des filles, âgées parfois de seulement neuf

ans, ont été mariées à des hommes plus âgés.

La loi nationale permet aux femmes de choisir quand et avec qui se marier, mais

les pratiques traditionnelles ont limité ces choix. La loi interdit le mariage des

jeunes filles de moins de 16 ans, mais cette loi n’a généralement pas été appliquée

dans la plupart des localités où les mariages sont arrangés. Dans certaines

conditions, un juge peut accorder une dérogation spéciale pour le mariage d’une

25

personne n’ayant pas atteint l’âge de consentement. Selon les données de

l’UNICEF, 39 pour cent des femmes entre 20 et 24 ans se sont mariées avant l’âge

de 18 ans.

Pratiques traditionnelles préjudiciables : Presque toutes les femmes dans la région

du Fouta, au nord du pays, ont été victimes de MGF avant l’âge adulte, tout

comme 60 à 70 % des femmes au Sud et au Sud-Est du pays. L’infibulation, une

des formes de MGF les plus extrêmes et les plus dangereuses, était parfois

pratiquée par les Toucouleurs, les Mandingues, les Soninkés, les Peuls et les

Bambaras, plus particulièrement en milieu rural et dans certaines zones urbaines.

Selon une récente enquête sur la santé et la démographie de l’Institut national des

Statistiques, cette pratique des MGF a légèrement diminué, passant de 28 pour cent

en 2005 à environ 26 pour cent en 2011.

Le gouvernement a collaboré avec l’ONG Tostan et d’autres groupes pour

informer les gens des dangers inhérents aux MGF. Tostan n’a rapporté aucune

amélioration réelle par rapport à 2010, avec 817 communautés qui pratiquaient

encore les MGF. Tostan a travaillé auprès de 522 villages.

Exploitation sexuelle des enfants : La loi prévoit une peine de cinq à dix ans de

prison pour les auteurs de sévices sexuels sur des enfants. Si l’auteur des faits est

un membre de la famille, la peine maximale est appliquée. Tout attentat à la pudeur

envers un enfant est passible d’une peine de deux à cinq ans de prison et, dans

certaines circonstances aggravantes, jusqu’à dix ans. Le proxénétisme des mineurs

est passible d’une peine de prison de deux à cinq ans et d’une amende de 300.000 à

4 millions de francs CFA (600 à 8.000 dollars). Si l’infraction porte sur une

victime de moins de 13 ans, la peine maximale s’applique. Cependant, la loi n’a

généralement pas été effectivement appliquée.

Le viol des enfants était toujours un problème. Le directeur chargé de la protection

des droits des enfants a fait état d’environ 400 cas de viol entre 2008 et 2009 ;

cependant, ce chiffre sous-estime considérablement la réalité. Aucune donnée plus

récente n’était disponible.

Le 9 mai, un Français de 72 ans, Jean Delhoune, a été arrêté à Mbour et inculpé de

pédophilie, après avoir été pris en flagrant délit d’agression sur trois mineures dans

une villa. Les médias ont indiqué que Delhoune avait été attrapé dans le cadre

d’une enquête plus vaste sur un réseau de prostitution de mineurs.

26

Le 17 mai, des médias ont rapporté qu’Oumar Gallo Ba, responsable de l’une des

organisations de jeunes du parti au pouvoir, a été arrêté dans la ville de

Tambacounda, dans l’est du pays, pour le viol d’une élève mineure, qui s’est

retrouvée enceinte suite à ce viol. Après son arrestation, Ba a accepté d’épouser la

jeune fille après son accouchement et de lui verser une pension mensuelle. Le

procureur a recommandé que l’affaire soit traduite en justice et elle n’avait pas été

tranchée à la fin de l’année.

En raison des pressions sociales et de la crainte de la honte, l’inceste est resté tabou

et souvent ni signalé ni puni.

Bien que la prostitution soit légale, le proxénétisme des mineurs est passible d’une

peine de prison de deux à cinq ans et d’une amende de 300.000 à 4 millions de

francs CFA (600 à 8.000 dollars).

La pornographie est interdite et la pornographie impliquant des mineurs de moins

de 16 ans est qualifiée de pédophilie.

L’infanticide : Les associations de défense des droits des femmes ont souligné que

l’infanticide, souvent causé par la pauvreté ou la honte, continuait d’être un

problème. Les domestiques ou les villageoises travaillant en ville qui tombaient

enceintes tuaient quelquefois leurs bébés parce qu’elles ne pouvaient pas s’en

occuper. D’autres, mariées à des hommes qui travaillaient en dehors du pays,

tuaient leurs nouveau-nés par honte. Dans certains cas, la famille même de la

femme la couvrait de honte jusqu’à ce qu’elle tue son propre enfant. Dans les cas

où l’identité de la mère était connue, la police l’arrêtait et la déférait au parquet.

Enfants déplacés : De nombreux enfants déplacés par le conflit en Casamance

vivaient souvent avec des parents éloignés, des voisins, dans des foyers pour

enfants ou dans la rue. Le gouvernement n’est pas subvenu aux besoins de ces

enfants efficacement. Selon les ONG en Casamance, les enfants déplacés

souffraient des effets psychologiques du conflit, de malnutrition et étaient en

mauvaise santé.

Enlèvement international d’enfants : Le pays n’est pas partie à la Convention de la

Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Antisémitisme

27

Il y avait une centaine de Juifs résidant dans le pays ; aucun acte antisémite n’a été

signalé.

Traite des personnes

Pour de plus amples renseignements sur la traite des personnes, veuillez consulter

le rapport annuel du Département d’État Trafficking in Persons Report (Rapport

sur la traite de personnes) à l’adresse suivante : www.state.gov/g/tip.

Personnes handicapées

La loi interdit la discrimination à l’endroit des personnes handicapées en matière

d’emploi, d’éducation, d’accès aux soins de santé et autres services publics et le

gouvernement a fait appliquer la loi de manière relativement efficace. La loi

prévoit également l’accessibilité pour les personnes handicapées ; cependant, le

manque d’infrastructures n’a pas permis de les aider, notamment pour avoir accès

aux sites de vote de façon appropriée. Le ministère de la Solidarité nationale est en

charge de la protection des droits des personnes handicapées.

La loi réserve 15 % des nouveaux postes de la fonction publique aux personnes

handicapées. Cependant, selon l’Association nationale des personnes handicapées

du Sénégal, le gouvernement n’avait pas encore, en fin d’année, émis le décret

requis pour promulguer la loi. Le gouvernement administrait des écoles pour

enfants handicapés, accordait des subventions aux personnes handicapées pour

qu’elles puissent suivre une formation professionnelle et gérait des centres

régionaux pour les personnes handicapées dans le but de les former et de les

financer pour créer des entreprises.

Plusieurs programmes gouvernementaux qui semblaient être exclusivement

réservés aux personnes handicapées offraient des services à d’autres groupes

vulnérables, ce qui réduisait les ressources destinées aux handicapés. En raison du

manque de formation en éducation spécialisée des enseignants et d’installations

accessibles aux enfants handicapés, 40 % seulement de ces derniers fréquentaient

l’école primaire.

La prise en charge des maladies mentales n’a généralement pas été disponible et

les incidents avec mauvais traitements des personnes handicapées mentales ont été

monnaie courante.

Minorités nationales/raciales/ethniques

28

Même si les multiples ethnies du pays ont cohabité relativement en paix, les

tensions interethniques entre Wolofs et ethnies du Sud ont joué un rôle important

dans la longue rébellion casamançaise marquée par de graves violations des droits

de l’homme.

Abus sociétaux, discrimination et actes de violence basés sur l’orientation et

l’identité sexuelles

L’activité homosexuelle consensuelle, à laquelle la loi fait indirectement référence

en la qualifiant « de rapport sexuel contre nature » est une infraction pénale.

Récemment, lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) ont souvent fait

l’objet de poursuites en justice et de discrimination généralisée, d’intolérance

sociale et de violences.

Les médias n’ont pas fait état d’actes de haine ou de violence envers les LGBT. En

novembre 2010, Human Rights Watch a publié un rapport intitulé Fear of Life:

Violence against Gay Men and Men Perceived as Gay in Senegal (Craindre pour

sa vie: Violences contre les hommes gays et les hommes perçus comme tels au

Sénégal). Le rapport évoquait des cas de violence envers les hommes homosexuels

et le milieu juridique et culturel qui suscite une telle violence. Même si les affaires

citées dans le rapport remontaient à 2009 ou avant, les observateurs des ONG ont

spéculé que la baisse, pendant l’année, du nombre de ces incidents relevait de

plusieurs facteurs. Premièrement, la violence passée envers les hommes et les

femmes homosexuels peut avoir poussé les hommes homosexuels à évoluer dans la

clandestinité. Deuxièmement, l’attention internationale accrue a pu pousser le

gouvernement à réduire les poursuites et autres formes de discrimination officielle.

Un rapport de l’Institut Panos pour l’Afrique de l’Ouest, publié le 20 juillet, a

conclu que les médias locaux ont contribué aux attitudes sociétales négatives

envers les LGBT. Enfin, des recours judiciaires réussis contre la loi qui servait à

réprimer l’homosexualité ont pu contribuer à réduire son invocation par les

procureurs.

Autres formes de violence ou discrimination sociétale

Grâce aux campagnes de sensibilisation menées par le gouvernement aussi bien

que par les ONG au sujet du VIH/SIDA, les personnes vivant avec le VIH ou le

SIDA étaient de plus en plus acceptées par la société.

29

La loi protège les personnes atteintes de VIH/SIDA contre toute forme de

discrimination. La loi autorise également les médecins à informer les conjoints des

personnes atteintes de VIH/SIDA du statut de leurs partenaires si ces derniers

manquent de les en informer dans des délais raisonnables.

Section 7. Droits des travailleurs

a. Droit d’association et droit de négociation collective

La loi autorise tous les travailleurs, à l’exception des forces de sécurité, notamment

les policiers et les gendarmes, les douaniers et les juges, à former des syndicats et à

en être membres. Le Code du travail exige que le ministère de l’Intérieur donne

une autorisation préalable avant qu’un syndicat ne puisse légalement s’établir. Le

gouvernement peut également dissoudre et démanteler un syndicat par arrêté

administratif. La discrimination antisyndicale est interdite par la loi.

La loi prévoit le droit de grève ; dans la pratique, cependant, certaines règles

limitent ce droit et la loi n’a pas été effectivement appliquée. La Constitution

fragilise sérieusement le droit de grève en stipulant qu’une grève ne doit pas

empiéter sur la liberté de travailler ou mettre en péril une entreprise. La loi stipule

que les lieux de travail ne doivent pas être occupés pendant une grève. Les

syndicats de fonctionnaires doivent donner un préavis de grève d’au moins un mois

aux pouvoirs publics ; les syndicats du privé doivent notifier les autorités trois

jours à l’avance. Ce droit est encore davantage limité par le pouvoir des autorités à

réquisitionner des travailleurs pour remplacer les grévistes. Le code du travail ne

s’applique pas aux secteurs informels, ce qui exclut la majorité de la population

active, notamment les personnes travaillant dans l’agriculture de subsistance et les

personnes employées dans les nombreuses entreprises familiales.

La loi permet aux syndicats de mener leurs activités sans ingérence et les

travailleurs ont exercé le droit de former des syndicats et d’y adhérer dans la

pratique. Toutefois, le sentiment anti-syndicaliste est très fort au sein du

gouvernement.

La loi prévoit également le droit aux négociations collectives. Cependant, les

conventions collectives ne s’appliquaient qu’à 44 % environ des travailleurs

syndiqués. Les syndicats sont organisés par secteurs industriels, de façon très

similaire au système syndical français. Les syndicalistes auraient fréquemment fait

l’objet de harcèlement. De plus, l’OIT a soulevé des interrogations par rapport à

30

l’adhésion pleine et entière que le pays observe en matière de droits des

travailleurs, notamment en ce qui concerne le droit d’association. Toutefois, aucun

rapport établi confirmant des activités de discrimination antisyndicale n’a été fait

au cours de l’année. Certains journaux ont fait état de procédures judiciaires à

l’encontre de leaders syndicalistes, par exemple dans l’industrie des

télécommunications, mais il n’y a pas de rapport faisant état de personnes victimes

de harcèlement pour leur appartenance à un syndicat. Les travailleurs des secteurs

des transports, de la santé, les avocats, les employés des télécommunications, les

éboueurs et les pêcheurs ont organisé plusieurs mouvements de grève au cours de

l’année.

b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire

Bien que la loi interdise le travail forcé ou obligatoire, y compris celui des enfants,

de telles pratiques ont eu lieu. La principale forme de travail forcé a été la

mendicité forcée des talibés, ces jeunes garçons forcés de mendier de la

nourriture/de l’argent par les enseignants des écoles islamiques. Les parents vivant

dans les villages ont envoyé leurs enfants dans ces écoles pour qu’ils y reçoivent

un enseignement islamique, au lieu de quoi, dans un cruel jeu de leurre, les enfants

se retrouvent réduits à la mendicité. De nombreux maîtres coraniques ont fait venir

des jeunes garçons des villages aux centres urbains et les ont détenus dans des

conditions de servitude, les forçant à mendier au quotidien dans des conditions

malsaines et dangereuses ou à travailler dans l’agriculture sous la menace de

châtiment corporel. Les talibés ont occasionnellement travaillé dans la petite

agriculture et ont été employés pour la récolte du cajou, des mangues et des

oranges. En Casamance, les talibés qui travaillaient dans les champs ont été

exposés aux mines terrestres apportées là par la guerre.

Pour réduire l’incidence de l’exploitation par la mendicité, le ministère de la

Femme, de la Famille, du Développement social et de l’Entreprenariat féminin a

mis en œuvre un programme pour soutenir 48 écoles coraniques dont les maîtres ne

forcent pas leurs élèves à mendier. Le ministère de l’Éducation nationale a octroyé

des fonds à des écoles gérées par des institutions religieuses qui répondent aux

normes nationales en matière d’éducation. Au cours de l’année, 40 nouvelles

écoles primaires ont été ouvertes sur l’ensemble du pays ; 10 collèges ont été

également établis. Il s’agissait d’écoles bilingues qui dispensaient des cours en

français et en arabe. Ce programme a permis à des milliers d’enfants d’échapper à

la mendicité des rues et à l’exploitation. Le ministère de l’Éducation a également

œuvré à l’élaboration d’un programme laïc à l’usage des écoles coraniques. Les

écoles existantes ont continué à recevoir un financement, mais celui-ci était

31

insuffisant pour permettre l’ouverture d’écoles supplémentaires, même si le budget

du ministère de l’Enseignement préscolaire, de l’Enseignement primaire, de

l’Enseignement moyen Secondaire et des Langues nationales a augmenté ces trois

dernières années.

Voir également le rapport annuel du Département d’État sur la traite des personnes

à l’adresse suivante : www.state.gov/g/tip.

c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi

La loi interdit de nombreuses formes d’exploitation du travail des enfants.

Toutefois, la loi prévoit des exceptions. Par exemple, elle peut autoriser un enfant

de 12 ans à travailler dans un environnement familial tant que cela reste

moralement acceptable, et elle autorise également tous les garçons de moins de 16

ans à travailler dans des mines et des carrières, pour y faire des « travaux légers ».

Etant donné la nature des dangers liés au travail dans les mines, des activités

considérées comme « des travaux légers » n’empêchent pas l’exposition aux

risques. Les règlements liés au travail des enfants fixent l’âge minimum d’emploi,

les heures et les conditions de travail et interdisent que les enfants exécutent des

travaux particulièrement dangereux.

L’âge minimal pour travailler est de 15 ans. Dans l’ensemble, le nombre d’heures

effectuées est de 40 heures par semaine ou 2080 par an. Les heures effectuées entre

22 heures et 5 heures du matin sont considérées comme travail de nuit et doivent

être rémunérées à un tarif plus élevé. Il existe un grand nombre de textes sur la

santé au travail et les réglementations en matière de sécurité au travail dans les

textes législatifs relatifs au travail. Les inspecteurs du ministère du Travail sont

chargés d’enquêter et de lancer des procédures judiciaires sur les affaires

impliquant le travail des enfants. Les inspecteurs peuvent se rendre dans n’importe

quelle institution pendant les heures de travail pour vérifier le respect des lois

applicables au travail et enquêter, et ils peuvent agir sur signalement des syndicats

ou de citoyens ordinaires.

La législation du travail interdisant le travail des enfants n’a pas du tout été

appliquée dans l’ensemble. Ainsi, le ministère du Travail a envoyé des inspecteurs

enquêter sur les lieux de travail dans le secteur formel. Toutefois, ces inspecteurs

n’ont pas reçu de formation pour traiter les problèmes liés au travail des enfants et

de nombreuses violations en matière de travail des enfants se produisent dans le

secteur informel, où aucune inspection n’a lieu. La Division du travail des enfants,

au sein du ministère du Travail, a été supprimée en mai. Les inspecteurs n’ont

32

entrepris aucune visite pour enquêter sur le travail des enfants en raison du manque

de financement adéquat et de compétences pour traiter les affaires liées au travail

des enfants. Il n’y avait pas de système spécifique mis en place pour rendre compte

des violations sur le travail des enfants, essentiellement pour cause de manque de

fonds au niveau de la Division du travail des enfants et du ministère du Travail. Le

ministère s’est plutôt appuyé sur les syndicats pour signaler les contrevenants.

Par l’intermédiaire de séminaires avec les responsables locaux, les ONG et la

société civile, le gouvernement a sensibilisé le public sur les dangers du travail des

enfants et de l’exploitation par la mendicité. Le gouvernement a également pris

part à un projet de l’OIT pour combattre le travail des enfants. Le gouvernement

était en train de mettre en œuvre le Plan sur le travail des enfants qui est axé sur

une meilleure gestion de cette problématique. Si cette sensibilisation a permis de

sensibiliser à la question du travail des enfants au sein des communautés locales,

cela n’a pas débouché sur d’autres résultats.

En août 2010, le ministère de la Justice a annoncé la création d’un bureau chargé

de lutter contre la maltraitance des femmes et des enfants. Cependant, le bureau n’a

reçu aucun financement pour l’année 2011 et a été supprimé en mai.

Le travail des enfants constituait un problème, notamment dans le secteur de

l’exploitation de l’or, et la plupart des incidents se sont produits dans le secteur

informel de l’économie où la législation sur le travail n’est pas appliquée. Les

pressions économiques et l’insuffisance de programmes de formation ont souvent

poussé les familles en milieu rural à privilégier le travail au détriment de

l’éducation de leurs enfants. Le travail des enfants était particulièrement courant

dans les régions de Tambacounda, Louga et Fatick. Le travail des enfants était

prévalent dans beaucoup de secteurs informels et familiaux tels que l’agriculture

(c’est à dire la culture du mil, du maïs et de l’arachide), la pêche, l’orpaillage, les

garages, les décharges publiques, les abattoirs, la production de sel, ainsi que les

tôleries et menuiseries. Il y a également eu des rapports faisant état d’enfants

travaillant dans des exploitations agricoles familiales ou comme bergers. Les

enfants travaillaient également comme domestiques, dans des ateliers de tailleurs,

dans des garages en tant que mécaniciens, dans des ateliers de tôlerie et de

menuiserie, ainsi que dans d’autres secteurs de l’économie informelle comme la

vente à l’étalage de fruits et légumes.

En août 2008 (dernière année pour laquelle de telles données étaient disponibles),

une enquête nationale sur le travail des enfants, publiée par l’Agence nationale de

la démographie et de la statistique, a mesuré les activités économiques des enfants

33

dans les 12 mois précédents. Selon l’étude, 1.378.724 des 3.759. 074 (37 pour

cent) des enfants du pays entre 5 et 17 ans travaillaient.

L’une des pires situations de travail des enfants existait dans le secteur des mines

et des carrières. Les enfants orpailleurs, la plupart âgés de 10 à 14 ans, travaillaient

environ huit heures par jour sans formation ni équipement de protection. Les

enfants passaient de longues heures dans des carrières à écraser des roches et à

porter de lourdes charges sans protection. Dans les deux cas, le travail des enfants

a entraîné de sérieux accidents et de longues maladies. L’ONG La Lumière a fait

état d’une augmentation du travail des enfants au cours de l’année dans les mines

d’or de la zone de Kédougou à cause de la hausse du prix de l’or.

Selon une enquête menée par les pouvoirs publics en 2007, 90 % des enfants de

Kaolack, Fatick et Ziguinchor exécutent des tâches dont les effets sont néfastes à

leur santé et leur éducation. L’étude a également trouvé que 75 % des filles étaient

chargées des corvées domestiques, ce qui poussait une bonne partie d’entre elles à

abandonner les études.

Voir également le rapport du département du Travail intitulé Findings on the Worst

Forms of Child Labor (Rapport sur les Pires formes de travail des enfants) à

l’adresse suivante : www.dol.gov/ilab/programs/ocft/PDF/2010TDA.pdf.

e. Conditions de travail acceptables

Le salaire minimum national était de 209 francs CFA (42 cents) de l’heure et 183

francs CFA (37 cents) pour les travailleurs agricoles. Dans ses discours de

campagne, le président Wade a placé le niveau de revenu considéré comme le seuil

de pauvreté à 100.000 francs CFA (200 dollars) par an. L’application du salaire

minimum est du ressort du ministère du Travail. Les syndicats ont également eu un

rôle de garde-fou et ont contribué à l’application effective du salaire minimum

dans le secteur formel. Les dispositions relatives au salaire minimum s’appliquent

également aux travailleurs étrangers et aux migrants.

Au niveau du secteur formel, la loi exige, pour la quasi-totalité des catégories, une

semaine de travail de 40 à 48 heures avec, au minimum, une période de repos de

24 heures, un mois de congé annuel, la participation à la sécurité sociale et aux

plans de retraite offerts par l’État, des normes de sûreté et d’autres mesures. Le

paiement des heures supplémentaires était exigé dans le secteur formel. La loi ne

couvre pas le secteur informel. Il existe des textes juridiques sur la santé et la

sécurité au travail et le gouvernement fixe ces normes. Il n’y a aucune protection

34

juridique explicite des travailleurs qui portent plainte pour conditions de travail

dangereuses. Les travailleurs, y compris les étrangers ou les migrants, avaient en

principe le droit de se soustraire, sans porter préjudice à leur emploi, de situations

mettant en péril leur santé ou leur sécurité. Le ministère du Travail, par

l’intermédiaire de l’Inspection du travail, faisait appliquer les normes en matière de

travail. Le salaire minimum n’a pas été respecté dans le secteur informel, tout

particulièrement pour les travailleurs domestiques. L’application de la semaine

normale de travail a été irrégulière. Les inspecteurs du travail travaillaient dans de

très mauvaises conditions et ne disposaient pas de moyens de transport pour mener

à bien leur mission.

Les travailleurs ont rarement exercé leur droit théorique à se soustraire aux

situations qui mettaient en danger leur santé et leur sécurité, en raison des taux de

chômage très élevés et de la lenteur du système judiciaire.