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RAMON MUNTANER, Crònica Les comtes de Barcelone et les rois d’Aragon se soucièrent de laisser la trace écrite de leur règne pour l’édification de leurs successeurs et leur plus grande gloire : les Quatre grans Cròniques / Quatre grandes Chroniques. Si Jaume I et Pere el Cerimoniós tiennent à apparaître comme auteurs de leurs œuvres dans l’action comme dans l’écrit, les deux autres historiographes appartiennent à la chancellerie royale. Rompus à la phraséologie officielle, à l’art du rapport et de la formule, Bernat Desclot (2 ° moitié du XIII e siècle) et Ramon MUNTANER (1265-1336) servent fidèlement ce projet médiatique. Au sérieux documentaire de celui-là on préfère souvent la lecture de l’alerte Crònica / Chronique de celui-ci. Muntaner, fier de sa réussite politique, administrative et guerrière, prend la plume en son nom. Son “jo” s’impose et son ego jubile quand il se trouve au centre de l’événement. C’est le cas dans la mission que lui a confiée le frère du roi de Majorque : convoyer, de Sicile à Perpignan, l’héritier du trône, un bébé dont la mère vient de mourir, et le confier à sa grand-mère et à sa tante, reine-mère et reine de Majorque. L’arrivée observe de détail du protocole mais déborde d’émotion. Sous le chroniqueur, le romancier avant la lettre n’a aucun mal à percer. Crònica E com fom a’s Veló, a passar l’aigua del Tec, tots los hòmens de’s Veló hi eixiren, e els mellors presaren l’anda al coll, e passaren lo riu al senyor infant. E aquella nuit los cònsols e gran res dels prohòmens de Perpinyà, e cavallers, e tots quants n’hi havia, foren ab nós; e hagren-hi molt més eixits, mas lo senyor rei de Mallorca era en França. E així entram per la vila de Perpinyà, ab gran honor qui ens fo feta; e anam-nos-en al castell, on era madona la reina, mare del senyor rei de Mallorca e del senyor infant En Ferrando, e madona la reina, muller del senyor rei de Mallorca; e abdues, con veeren que nós muntàvem al castell, avallaren-se’n a la capella del castell. E con fom a la porta del castell, jo pris en mos braços lo senyor infant, e aquí ab gran alegre jo el porté estrò davant les reines, qui seïen ensems. E Déu dón-nos a tuit tal goig con madona la reina sa àvia hac con lo veé així graciós e bon, e ab la cara rient e bella, e vestit de drap d’aur, mantell catalanesc, e pellot, e un bell batut d’aquell drap mateix al cap. E con jo fui prop les reines, agenollé’m, e a cascuna jo besé les mans; e fiu besar al senyor infant la mà a madonala reina àvia sua. Chronique Quand nous fûmes au Boulou, au moment de franchir le Tec, tous les hommes de la ville se présentèrent, les meilleurs se chargèrent de la civière et firent passer la rivière à messire l’infant. Cette nuit-là, les consuls et une foule de notables de Perpignan, de chevaliers et autres gens de qualité furent à nos côtés ; et ils seraient venus en bien plus grand nombre si messire le roi de Majorque n’était allé en France. Nous entrons bientôt dans la ville de Perpignan et y sommes reçus avec les plus grands honneurs. Nous nous dirigeons vers le château où sa majesté la reine, mère de messires le roi de Majorque et l’infant Ferran, et sa majesté la reine, femme de messire le roi de Majorque; quand elles virent toutes deux que nous montions au château, elles descendirent précipitamment à la chapelle du château. Et moi, quand je fus à la porte du château, je pris dans mes bras messire l’infant, et, très heureux, je le portai devant les deux reines qui étaient assises côte à côte. Dieu nous donna à tous autant de bonheur qu’en eut sa majesté la reine sa grand-mère quand elle le vit si beau et si gracieux, le visage si rieur et si mignon, vêtu de drap d’or, avec une cape à la catalane, de la fourrure et une superbe capuche du même drap sur la tête. Quan j’arrivai auprès des reines, je m’agenouillai et je fis le baise-main à chacune, puis je fis baiser à messire l’infant la main de sa majesté la reine sa grand-mère.

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RAMON MUNTANER, Crònica

Les comtes de Barcelone et les rois d’Aragon se soucièrent de laisser la trace écrite de leur règne pour l’édification de leurs successeurs et leur plus grande gloire : les Quatre grans Cròniques / Quatre grandes Chroniques. Si Jaume I et Pere el Cerimoniós tiennent à apparaître comme auteurs de leurs œuvres dans l’action comme dans l’écrit, les deux autres historiographes appartiennent à la chancellerie royale. Rompus à la phraséologie officielle, à l’art du rapport et de la formule, Bernat Desclot (2° moitié du XIIIe siècle) et Ramon MUNTANER (1265-1336) servent fidèlement ce projet médiatique. Au sérieux documentaire de celui-là on préfère souvent la lecture de l’alerte Crònica / Chronique de celui-ci. Muntaner, fier de sa réussite politique, administrative et guerrière, prend la plume en son nom. Son “jo” s’impose et son ego jubile quand il se trouve au centre de l’événement. C’est le cas dans la mission que lui a confiée le frère du roi de Majorque : convoyer, de Sicile à Perpignan, l’héritier du trône, un bébé dont la mère vient de mourir, et le confier à sa grand-mère et à sa tante, reine-mère et reine de Majorque. L’arrivée observe de détail du protocole mais déborde d’émotion. Sous le chroniqueur, le romancier avant la lettre n’a aucun mal à percer.

Crònica

E com fom a’s Veló, a passar l’aigua del Tec, tots los hòmens de’s Veló hi eixiren, e els mellors presaren l’anda al coll, e passaren lo riu al senyor infant. E aquella nuit los cònsols e gran res dels prohòmens de Perpinyà, e cavallers, e tots quants n’hi havia, foren ab nós; e hagren-hi molt més eixits, mas lo senyor rei de Mallorca era en França. E així entram per la vila de Perpinyà, ab gran honor qui ens fo feta; e anam-nos-en al castell, on era madona la reina, mare del senyor rei de Mallorca e del senyor infant En Ferrando, e madona la reina, muller del senyor rei de Mallorca; e abdues, con veeren que nós muntàvem al castell, avallaren-se’n a la capella del castell.

E con fom a la porta del castell, jo pris en mos braços lo senyor infant, e aquí ab gran alegre jo el porté estrò davant les reines, qui seïen ensems.

E Déu dón-nos a tuit tal goig con madona la reina sa àvia hac con lo veé així graciós e bon, e ab la cara rient e bella, e vestit de drap d’aur, mantell catalanesc, e pellot, e un bell batut d’aquell drap mateix al cap. E con jo fui prop les reines, agenollé’m, e a cascuna jo besé les mans; e fiu besar al senyor infant la mà a madonala reina àvia sua.

Chronique

Quand nous fûmes au Boulou, au moment de franchir le Tec, tous les hommes de la ville se présentèrent, les meilleurs se chargèrent de la civière et firent passer la rivière à messire l’infant. Cette nuit-là, les consuls et une foule de notables de Perpignan, de chevaliers et autres gens de qualité furent à nos côtés ; et ils seraient venus en bien plus grand nombre si messire le roi de Majorque n’était allé en France.Nous entrons bientôt dans la ville de Perpignan et y sommes reçus avec les plus grands honneurs. Nous nous dirigeons vers le château où sa majesté la reine, mère de messires le roi de Majorque et l’infant Ferran, et sa majesté la reine, femme de messire le roi de Majorque; quand elles virent toutes deux que nous montions au château, elles descendirent précipitamment à la chapelle du château.

Et moi, quand je fus à la porte du château, je pris dans mes bras messire l’infant, et, très heureux, je le portai devant les deux reines qui étaient assises côte à côte.

Dieu nous donna à tous autant de bonheur qu’en eut sa majesté la reine sa grand-mère quand elle le vit si beau et si gracieux, le visage si rieur et si mignon, vêtu de drap d’or, avec une cape à la catalane, de la fourrure et une superbe capuche du même drap sur la tête. Quan j’arrivai auprès des reines, je m’agenouillai et je fis le baise-main à chacune, puis je fis baiser à messire l’infant la main de sa majesté la reine sa grand-mère.

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E con li hac besada la mà, ella lo volc prendre, ab les seues mans, e jo dix-li:

–Madona, sia de gràcia e de mercè vostra que no us sàpia greu; que estró haja mi mateix alleujat del càrrec que tenc, vós no el tendrets.E madona la reina ris-se’n, e dix que li plaïa. E jo dix-li:

–Madona, és ací lo lloctenent del senyor rei?–Sènyer, dix ella, hoc. Ve’l-vos ací.

E ell féu-se avant; e era lloctenent, aquella saó, N’Huguet de Totzó. E puis demané si hi era lo batlle, e el veguer et els cònsols de la vila de Perpinyà; e així mateix foren aquí cavallers, e tots quants hòmens honrats havia en Perpinyà. E con tots foren presents, jo fiu venir dones, e dides, e cavallers, e fills de cavallers, e la dida de monsènyer En Ferrando. E davant les dones reines e els altres, jo els demané tres vegades si:

–Aquest infant que jo tenc e’ls braços, coneixets que sia l’infant En Ferrando de Mallorca, e fill de madona Isabel, muller sua?

E tots resposeren que hoc. E açò diguí jo per tres vegades, e cascuna vegada ells me reposeren que hoc e açò: que certament era aquell que jo deïa. E con açò haguí dit, jo dix a l’escrivà que me’n feés carta. E après jo dix a madona la reina, mare del senyor infant En Ferrando:

–Madona, vós creets que aquest sia l’infant En Jacme, primer nat de l’infant En Ferrando, fill vostre, que engendrà en madona Isabel, muller sua?

E ella respòs:–Sènyer, hoc.E així mateix ho diguí tres vegades, e en cascuna me respòs

que me’n dava per bon, er per lleial, e per quiti, e que me n’absolvia de tot quant jo en fos engut a ell e a son fill. E d’açò així mateix se féu carta.

E con tot açò fo fet, jo lliuré a la bona hora lo dit senyor infant En Jacme. E ella pres-lo, e besà’l més de deu vegades; e puis madona la reina jove pres-lo e així mateix besa’l moltes vegades; e puis cobrà-

Quand il lui eut baisé la main, elle voulut le prendre dans ses bras, mais je lui dis :

– Que votre majesté dans son infinie bonté me fasse la grâce de ne pas en prendre ombrage si avant d’avoir accompli la mission dont on m’a chargé je ne vous le donne pas.

La reine, amusée, dit qu’elle en était fort aise. Et moi, je lui dis :– Majesté, le lieutenant de messire le roi est-il présent ?– Oui monsieur, dit-elle, le voici.

Le lieutenant s’avança. C’était alors Huguet de Totzó. Puis je demandai s’il y avait le bailli, le viguier et les consuls de la ville de Perpignan ; vinrent aussi les chevaliers et tous les bourgeois honorés de Perpignan. Quand tout le monde fut là, je fis venir femmes, nourrices, chevaliers, fils de chevaliers et la nourrice de messire Ferran. Devant les femmes, les reines et tous les autres, je leur demandai, par trois fois :

– Cet enfant que je tiens dans mes bras, le reconnaissez-vous comme le fils de l’infant Ferran de Majorque, engendré par sa majesté Isabel, son épouse?

Tous répondirent que oui. Par trois fois je répétai ces paroles, et chaque fois ils me répondirent que oui, cet enfant était bien celui que je disais. Je demandai alors au secrétaire d’en prendre acte. Ensuite, je dis à sa majesté la reine-mère :

– Majesté, croyez-vous que cet enfant soit Jaume, fils aîné de l’infant Ferran votre fils né de sa majesté Isabel, son épouse?

Et elle répondit :– Oui, monsieur.Et je le répétai aussi trois fois, et, à chaque fois, elle me répondit qu’elle

me tenait pour bon, loyal et quitte et qu’elle m’absolvait de tout du moment que j’étais venu à elle et à son fils. Et de cela, ici même, on fait note.

Quand tout cela fut fait, je lui remis enfin messire l’infant Jacme. Elle le prit dans ses bras, l’embrassa plus de dix fois, puis sa majesté la jeune reine le prit à son tour et l’embrassa aussi moultes fois. La reine sa grand-mère le

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lo madona la reina sa àvia, e ella lliura-lo a la dona Na Perellona, que li era de prop. E així partim-nos del castell e anam a la posada on jo devia posar, ço és a saber, a casa d’En Pere Batlle; e açò fo per lo matí. E après de menjar, jo ané al castell, e doné les cartes que portava del senyor infant En Ferrando a madona la reina sa mare, e aquelles que aportava al senyor rei de Mallorca, e dixí-li tota la missatgeria qui em fo comandada.

Què us diré? Quinze jorns esteguí en Perpinyà, que tots dies anava veure dues vegades lo senyor infant; que tan gran enyorament n’haguí con me fui partit d’ell, que no sabia què me’n feés. E hagra-hi més estat, si no fos la festa de Nadal qui ens venia dessús; e així pris comiat de madona la reina, e de madona la reina jove, e de tots aquells de la cort; e pagué tots aquells qui m’havien seguit; e torné madona N’Agnès d’Andrí en son alberg, prop de Banyoles. E madona la reina captenc-se molt bé de mi, e de tots los altres. E venguí-me’n a València, on era mon alberg; e fui-hi tres jorns abans de Nadal, sa e alegre, la mercè de Déu. E no anà a molt de temps que el senyor rei de Mallorca venc de França, e hac gran plaer de son nebot; e tantost, així com a bon senyor, li ordonà, ab volentat de madona la reina, la sua vida, així con a fill de rei, molt honradament.

Ramon Muntaner, Crònica (cap. CCLXIX), (1325-1328)

reprit ensuite et le donna à dame Perellona, qui était auprès d’elle. Sur ce, nous quittâmes le château pour nous rendre chez Pere Batlle où je devais loger. Cela s’était passé le matin. Après le repas, j’allai au château remettre les lettres que je portais de la part de messire l’infant Ferran, à leurs majestés la reine-mère et le roi de Majorque, et je déposai toute la messagerie qui m’avait été confiée.

Que vous dirai-je de plus? Quinze jours durant je restai à Perpignan et deux fois par jour j’allais voir messire l’infant : je me languissais tant d’être séparé de lui que je ne savais quoi devenir. Je serais bien resté davantage sans la fête de Noël qui approchait à grands pas. Je pris donc congé de sa majesté la reine et de sa majesté la jeune reine et de tous les gens de la cour ; je payai tous ceux de ma suite, et je raccompagnai dame Agnès d’Andri, la nourrice, chez elle près de Banyoles. Sa majesté la reine se comporta fort bien avec moi et avec tous les autres. Je pris la direction de Valence où j’arrivai trois jours avant Noël, heureux et en bonne santé, grâce à Dieu. Sa majesté le roi de Majorque ne tarda pas à revenir de France, et il fut charmé de son neveu ; aussitôt, en bon souverain et en accord avec sa majesté la reine, il prit, au sujet de l’enfant, toutes les dispositions requises pour un fils de roi, en tout bien et tout honneur.

Traduction de Miquela Valls

Références bibliographiques :

Les quatre grans cròniques, pròlegs i notes a càrrec de Ferran Soldevila, editorial Selecta, bilblioteca Perenne, Barcelona, 1971.Bernat Desclot, Crònica, a cura de ferran Soldevila, Barcelona, MOLC, Edicions 62 i “La Caixa”, Barcelona, 1982.Jaume I, Crònica o Llibre dels feits, a cura de Miquel Coll i Alentorn, Barcelona, MOLC, Edicions 62 i “La Caixa”, 1980.Ramon Muntaner, Les Almogavres. L’expédition des Catalans en Orient, traduction Jean-Marie Barberà, Anacharsis, Toulouse, 2002.Pere el Ceremoniós, crònica de Pere el Ceremoniós, in Les quatre grans cròniques, pròlegs i notes a càrrec de Ferran Soldevila, editorial Selecta, bilblioteca Perenne, Barcelona, 1971.

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ANONYME Fragment d’Illa (fragment d’un Mystère de la Passion, XIV° S.)

Que li volgues mal, ara li perdo,car si anch me feu deshonor,ara m’a feita gran honor;ni ssi ffuy per ell adontatz,ara m’a sertes be honrats;e dich vos be sertamentc’aixi m’o tench ad honramentcar eyl m’a aquell hom liuratque eu e totz temps desixat.Be vuyl que li anetz dirque aixi se·n pot be plevir,de mi e de so del meu,com eu faria de ço del seu,car aixi·m so be alegratzd’aquest hom que m’avetz menats,que si·m donas hom aquest monper Deu no·m sabra tam bon,cor promet vos en bona ffe… […]

Extrait de l’Ed. Pep VILA, «El fragment de la passió d’Illa (Rosselló) del segle XIV. Nota i edició», Els Marges, 54, 1995.

Si je lui ai voulu du mal, maintenant je lui pardonne,car si un jour il me deshonoramaintenant il m’a fait grand honneur,et si je fus par lui couvert de honte,aujourd’hui je suis certes fort honoré.Je vous le dis en vérité,ainsi je me tiens pour honorécar lui m’a livré cet hommeque j’ai de tout temps désiré.Je veux que vous alliez le lui dire;ainsi il pourra bien jouirde moi et de mon biencomme je pourrais le faire de son bien,et ainsi je me réjouisde cet homme que vous m’avez amené, car si on me donnait le monde d’ici-bas,par Dieu il ne me semblerait pas si bon.Je vous promets, de bonne foi....

Traduction de Mary Sanchiz

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AUSIÀS MARCH Veles e vents…

Veles e vents

Veles e vents han mos desigs complir,faent camins dubtosos per la mar.Mestre i ponent contra d’ells veig armar;xaloc, llevant los deuen subvenirab llurs amics lo grec e lo migjorn,fent humils precs al vent tramuntanalque en son bufar los sia parciale que tots cinc complesquen mon retorn.

Bullirà el mar com la cassola en fornmudant color e l’estat natural,e monstrarà voler tota res malque sobre si atur un punt al jorn;grans e pocs peixs a recors correrane cercaran amagatalls secrets:fugint al mar, on són nodrits e fets,per gran remei en terra eixiran.

Los pelegrins tots ensems votarane prometran molts dons de cera fets;la gran paor traurà al llum los secretsque al confès descoberts no seran.En la perill no em caureu de l’esment,ans votaré al Déu qui ens ha lligatsde no minvar mes fermes voluntatse que tots temps me sereu de present.

Voiles et vents …

Voiles et vents doivent accomplir mes désirs,par des chemins hasardeux dans la mer.Mistral et vent d’ouest je vois se lever contre euxsirocco, vent d’est doivent leur venir en aideavec leurs amis Vent grec et Vent du sud,en priant humblement la tramontane

de souffler en leur faveuret que tous les cinq accomplissent mon retour.

La mer se mettra à bouillir comme terrine au fourchangeant de couleur et d’état naturel,elle montrera tout le mal qu’elle veut à ceux qui vont sur l’eau en un point du jour ; les poissons petits et grands courront se cacheret chercheront des refuges secrets:fuyant la mer, qui les nourrit et les fait vivreils n’auront d’autre issue que la terre.

Les pèlerins tous ensemble feront un vœuet promettront moults ex-voto de cire ;la grande peur mettra en lumière des secretsnon révélés en confession.Face au danger je ne vous oublierai pas,et je demanderai au Dieu qui nous a liésde ne pas relâcher ma ferme volontéet que toujours pour moi vous soyez présente.

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Io tem la mort per no ser-vos absent,

perquè Amor per mort és anul.lats;mas io no creu que mon voler sobratspusca esser per tal departiment.Io só gelós de vostre escàs voler,que, io morint, no meta mi en oblit;sol est pensar me tol del món delit-car nós vivint, no seu se pusca fer:

après ma mort, d’amar perdau poder,e sia tots en ira convertite, io forçat d’aquest món ser eixit,tot lo meu mal serà vós no veer.Oh Déu, per què terme no hi ha en amor,car prop d’aquell io em trobara tot sol?Vostre voler sabera quant me vol,tenent, fiant de tot l’avenidor.

Io són aquell pus extrem amador,après d’aquell a qui Déu vida tol:puix io són viu, mon cor no mostra doltant com la mort per sa extrema dolor.A bé o mal d’amor io só dispost,mas per mon fat Fortuna cas no em porta;tot esvetllat, ab desbarrada porta,me trobarà faent humil respost.

Io desig ço que em porà ser gran cost,i aquest esper de molts mal m’aconhorta;a mi no plau ma vida ser estortad’un cas molt fer, qual prec Déu sia tost.Lladoncs les gents no els calrà donar feal que Amor fora mi obrarà;lo seu poder en acte es mostraràe los meus dits ab los fets provaré.

Je crains la mort pour ne pas être absent de vous, car Amour par la mort est annulé ;mais je ne crois pas que mon vouloir puisse être vaincu par une telle séparation.Je suis jaloux de votre peu de vouloir à vouset qu’à ma mort, il ne me précipite dans l’oubli;cette pensée seule m’ôte tout élan de vie,car moi vivant, je ne crois pas cela possible;

Après ma mort, perdez le pouvoir d’aimer,et que tout soit en colère changé,et moi, contraint de quitter ce bas monde,tout mon mal sera de ne plus jamais vous voir.Oh, Dieu, pourquoi l’amour n’a pas de terme,Est-ce que près de la fin, je me trouverai seul ?Votre volonté saura quand elle voudra de moi,craintif mais confiant dans l’avenir.

Je suis cet amoureux le plus extrême,après celui dont Dieu a pris la vie:car je suis vivant moi, et le deuil de mon cœurn’égale pas la mort, dans sa douleur extrême.Au bien et au mal d’amour, je suis tout disposé,mais de mon destin Fortune ne fait pas cas ;tout éveillé, porte non verrouillée,elle me trouvera et je lui répondrai humblement.

Je désire ce qui me coûtera le plus,et cette attente me console de bien des maux ;il ne me plaît pas que ma vie échappeà un rude coup, mais sans attendre si Dieu veut.Alors, les gens n’auront pas à donner foià ce qu’Amour hors de moi opérera ;son pouvoir en actes se montreraet je prouverai mes dires par les faits.

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Amor, de vós io en sent més que no en sé,de què la part pijor me’n romandrà;e de vós sap lo qui sens vós està.A joc de daus vos acompararé.

Ausiàs MARCH, Poesies (1425-1459)Texte établi par Oriol Bohigas, revu par Amadeu J. Soberanas et Noemí

Espinàs

Amour, de vous je sens bien plus que je ne saiset le pire va m’échoir ;car, qui vous connaît, vous ignore.Au jeu de dés je vous comparerai.

Traduction Mary Sanchiz et Miquela Valls

Références bibliographiques :

Ausiàs March, Poesies. Edició a cura de Pere Bohigas, segona edició revisada, Editorial Barcino, Barcelona, 2000. Ausiàs March, Poesies, CD-Rom, Barcino Digital, Barcelona, 2000. Auzias March, Poesies, establiment del text i presentació Amadeu Pagès, Generalitat Valenciana, València, 1997. Ausiàs March, Obra completa, edició de Robert Archer, Editiorial Barcanova, Barcelona, 1998.Ausiàs March, Antologia, versió moderna, selecció i notes de Lluís-Anton Baulenas, Bromera, col. Els nostres autors, Alzira, 1993.

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JOSEP SEBASTIÀ PONS L’aire de la llegenda

L’aire de la llegenda

Quan la « eremita » del Combret us ve a encoratjar amb un senyal precís entre l’esquenam del Set Homes i de Tres Vents, ja entreu de ple a ple en la llegenda. Només falta travessar un camp pendent de segle, on les altes espigues us freguen la cara i us raspen les mans, i ja teniu al davant la casa de sant Guillem. No cal dir que aquesta casa o capella -que tot és u- construïda al segle dotzè, si no més enrera, conserva el caient primitiu, la teulada feixuga de llosa, la ferradura clavada a la porta i les obertures estretes per mantenir l’aire de santedat. […]

La vall alta de Comalada s’allarga i s’eixampla com un amfiteatre fet a posta per a l’epopeia de sant Guillem.

Qui era exactament sant-Guillem? Quina relació hi pot haver entre aquest sant i d’altres que porten el mateix nom ? El cèlebre Papebroch, que s’entretenia a fixar per escrit els Actes dels sants, us donaria les més doctes referències. Tot confegint i espepissant la vida de l’un o de l’altre Guillem, hom arribaria a treure l’aigua clara d’un cas tan dubtós i a conèixer el sant que es venera en la capella. Desgraciadament la història no diria absolutament res de sa vinguda en aquesta vall i de sa vida d’anacoreta, i fins el faria morir en una altra terra, de manera que l’aire de la llegenda es dissiparia al mateix instant. Més val atenir-se a la tradició senzilla. La tradició refereix tres fets singulars que manifesten les virtuts de l’anacoreta.

El primer és que va matar el drac de l’estany enfonsant-li ardidament l’espasa en la cavitat de la boca. Aquell drac ho infestava tot. Amagat al recer d’una balma, saltava espantosament al cor dels ramats que pasturaven. Amb sa mirada, els atreia fins als paratges més encinglats i

L’air de la légende

Quand l’ermitage de Combret vient vous encourager avec un signe précis entre les versants des Sept Hommes et des Trois Vents, vous entrez de plein pied dans la légende. Il ne manque plus qu’à traverser un champ pentu de seigle, où les hauts épis vous frôlent la figure et vous râpent les mains, et vous avez devant vous la maison de Saint-Guillem. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que cette maison ou chapelle –c’est tout un- construite au douzième siècle, ou même avant, conserve son aplomb primitif, son toit pesant d’ardoise, ses ferrures clouées à la porte et ses ouvertures étroites pour conserver l’air de la sainteté. […]

La haute vallée de Comalada s’allonge et s’élargit comme un amphithéâtre fait exprès pour l’épopée de Saint-Guillaume.

Qui était exactement Saint-Guillaume ? Quelle relation peut-il y avoir entre ce saint et d’autres qui partent le même nom ? Le célèbre Papebroch, qui passait son temps à mettre par écrit les Actes des saints, vous donnerait les plus savantes références. En déchiffrant et en regardant de près la vie de l’un ou de l’autre Guillaume, on arriverait à voir clair dans ce cas si délicat et à connaître le saint qu’on vénère dans la chapelle. Malheureusement, l’histoire ne dirait abolument rien de sa venue dans cette vallée ni de sa vie d’anachorète, et finirait par le faire mourir dans une autre terre, de sorte que l’air de la légende se dissiperait instantanément. Il vaut mieux s’en tenir simplement à la tradition. La tradition rapporte trois faits singuliers qui mettent en évidence les pouvoirs de l’anachorète.

Le premier, c’est qu’il a tué le dragon de l’étang en lui enfonçant hardiement son épée au fond de la bouche. Ce dragon infestait toute la contrée. Caché à l’abri d’une cavité, il sautait de façon effrayante au milieu des troupeaux qui paissaient. Avec son regard, il les attirait jusqu’aux lieux

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els devorava. Suscitava llamps i pedregades i ningú no s’atrevia a vorejar les lliseres on s’assecava al sol. Guillem, que anava encara vestit de malla, el va ferir de mala mort, deslliurant així els glevers de la muntanya.

El segon fet de Guillem és la construcció de la capella que volia dedicar a santa Magdalena. A la primeria l’hauria edificada en la devesa de Corsaví, al damunt de la Fou, sense l’oposició dels habitants d’aquell lloc, que a la nit desfeien i arruïnaven en seves obres, fent rodolar els rocs muntanya avall. Vegent tal pertinàcia, Guillem va abandonar el projecte i es va separar d’aquella mala gent amb aquestes formals paraules: «Pledejaires sereu, mes cap plet guanyareu ».

Va doncs triar el Combret per plantar la capella amb l’ajuda dels masovers que havien estat testimonis de sa proesa. Quan aquesta fou coberta amb la teulada i les puntes del campanaret, va baixar a Vallmany, o a Montferrer perquè li fessin una campana. Els fargaires endiablats li demanaren tants diners per l’obra quo no s’hi podia avenir. I, com les espardenyes de corda denotaven sa pobresa, li varen dir per burla que ell mateix se prengués el ferro de la fornal. Dit i fet. Amb la ingenuïtat dels sants, i sense temença de cremor, Guillem posa la mà a la fosa, agafa la massa de ferro bullent i sense més ni més pasta una campana en forma de mitra o de borromba pastoral. Si les ditades s’hi coneixen, el so n’era prou distint. No és, doncs, d’estranyar que els dies de festa assenyalada la baciva s’aplegués entorn de la capella.

Més singular és la tercera aventura que va cloure el tríptic de l’anacoreta. Després d’haver seguit durant molts anys l’aspror de la muntanya, d’haver obert sendes i senderols i aixecat monuments de rocs per assenyalar el bon pas, sant Guillem va caure malalt i ja no es va moure del jaç. Diu que les cabres salvatges baixaven de la soledat i li oferien la llet de les mamelles. Un dia de nevada es va morir amb aquesta companyia.

El Llibre de les set Sivelles, Biblioteca selecta, Barcelona, 1968

les plus abrupts et les dévorait. Il déchaînait les éclairs et les orages de grêle et personne ne se risquait au bord des lises où il se séchait au soleil. Guillaume, qui portait encore sa cotte de mailles le blessa à mort, délivrant ainsi les prairies de montagne.

Le second exploit de Guillaume est la construction de la chapelle qu’il voulait dédier à Sainte-Madeleine. Primitivement, il l’aurait construite dans les bois de Corsavy, au-dessus de la Fou, sans l’opposition des habitants du lieu qui, la nuit, défaisaient et ruinaient ses constructions en faisant dévaler des rochers de la montagne. Devant tant d’obstination, Guillaume abandonna le projet et s’éloigna de ces méchantes gens avec ces paroles sentencieuses : « Vous serez des plaideurs, mais vous ne gagnerez jamais aucun procès. »

Il choisit donc Combert pour implanter la chapelle, avec l’aide des fermiers qui avaient été les témoins de sa prouesse. Quand l’édifice fut couvert avec sa toiture et les montants du clocheton, il descendit à Valmanya ou à Monrferrer pour qu’on lui fasse une cloche. Les forgerons possédés du diable lui demandèrent tant d’argent pour cette œuvre qu’il n’en revenait pas ! Et, comme les espadrilles de corde montraient sa pauvreté, ils lui dirent pour se moquer de prendre lui-même le fer du fourneau. Aussitôt dit, aussitôt fait. Avec l’innocence des saints, et sans craindre la brûlure, Guillaume met la main dans la coulée, prend la masse de fer fondu et, ni plus ni moins, pétrit une cloche en forme de mitre ou de sonaille pastorale. Même si on y voit des traces de doigts, le son était assez clair. Il ne faut donc pas s’étonner que les jours de fête le troupeau se rassemblât autour de la chapelle.

Plus singulière est la troisième aventure qui acheva le triptique de l’anachorète. Après avoir supporté pendant des années et des années l’âpreté de la montagne, avoir ouvert chemins et sentiers et élevé des tas de cailloux pour baliser le bon chemin, Saint-Guillaume tomba malade et ne se releva plus du lit. On raconte que les chêvres sauvages descendaient de leur solitude et lui offraient le lait de leurs mamelles. Un jour de neige, il mourut en leur compagnie.

Traduction de Mary Sanchiz

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La légende du Comte Arnau

La légende catalane du Comte Arnau de Mataplana amoureux de l’abesse du couvent de Ripoll n’a, semble-t-il, que fort peu à voir avec la légende du Comte Arnaud de retour de la bataille. Malgré la concordance des prénoms, les deux personnages sont complètement différents. Autant le premier fut déloyal et parjure, autant le second fut courageux à la bataille avant de rentrer, blessé, auprès des siens pour mourir. Néanmoins le retour du guerrier a aussi une version catalane, tant il est vrai que les deux cultures s’entremêlent.

1) Le Comte Arnau de Mataplana qui succombe à toutes les tentations et dont l’âme damnée et errante essaie d’entraîner au fond de l’Enfer son épouse légitime et fidèle est le héros d’une chanson dialoguée proche du théâtre : le comte tente d’avancer, mais chaque fois que son épouse se recommande à Dieu, il est obligé de reculer.

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2) Voici les chansons du Comte Arnau qui nous semblent dériver d’un autre personnage et d’un autre motif littéraire, à rattacher au cycle de chansons de geste de Renaud de Montauban et au motif bien connu du guerrier blessé qui revient chez lui pour mourir (dit thème de l’ « éventré à mort » (P. Coirault). Ces deux chansons, l’occitane et la catalane présentent de nombreuses versions qui paraissent néanmoins fort anciennes et parfaitement construites sous la forme d’une petite tragédie dont le « suspense » du retour du mari agonisant caché à sa femme parturiente trouve un dénouement poignant. Les deux versions que nous donnons ici ont été publiées toutes deux dans revue Oc, n° 224, avril-juin 1962, pages 10 à 15. En voici la transcription :

TEXTE OCCITAN

Lo comte Arnaud (Lengadòc)

Lo comte Arnaud, lo chivalièrDins lo Piémont va, batalhièr.- Comte Arnaud, ara te'n vas, Diga-nos quora tornaràs.- Enta Sant Joan, io tornarèi E mòrt o viu, aicí seraiMa femma deu, enta Sant Joan Me rendre pair d'un bel enfant. Mès la Sant Joan ven d'arribar Lo comte Arnaud ven a mancar Sa mair, del mai naut de l’ostal Lo vei venir sus son caval.- Mair, fasètz far viste lo lèit Que longtemps non i dormirèi Fasètz-lo naut, fasètz-lo bas Que ma miga n'entende pas !- Comte Arnaud, de que pensatz ? Qu'un bel enfant, vos, quitariatz !- Ni per un enfant, ni per dus, Mair, ne ressuscitarèi plus !- Mair qu'es aquel bruch dins l'ostal ?

Le comte Arnaud

Le comte Arnaud, le chevalier Dans le Piémont va batailler Comte Arnaud, maintenant tu pars, Dis-nous quand tu reviendras. - Vers la Saint-Jean je reviendrai Et mort ou vif, je serai là.Ma femme doit, vers la St-Jean Me rendre père d'un bel enfant Mais la St-Jean vient d'arriver Le comte Arnaud vient à manquer Sa mère, du plus haut de la maison, Le voit venir sur son cheval. Mère, faites- moi vite le lit Je n’y resterai pas longtemps. Faites-le en haut faites-le en bas Mais que ma mie n'entende pas ! Comte Arnaud, à quoi pensez-vous ? Quel bel enfant vous quitteriez !- Ni pour un enfant, ni pour deux, Mère, Je ne ressusciterai plus !- Mère quel est ce bruit en la maison?

Sembla las orasons d'Arnaud !- La femna que ven d'enfantar Orasons non deu escotar...- Mair per la fèsta de doman,- Quina rauba me botaràn ?- La femna que ven d'enfantar La rauba negra deu portar.- Mair, perqué tant de pregadors ? Que dison dins las orasons ?- Dison la que ven d'enfantar A la messeta deu anar,A la messeta ela se'n va Vei lo comte Arnaud enterrar : - Aicí las claus de mon cinton,Tornarèi plus a la maison ! Terra santa, te cal obrir : Vòli parlar a mon marit ! Tèrra santa, te cal barrar Amb Arnaud vòli damorar !

On dirait les oraisons d'Arnaud.- La femme qui vient d'accoucher Ne doit pas écouter d'oraisons.- Mère pour la fête de demain, Quelle robe me mettra-t-on ?- La femme qui vient d'accoucher Doit porter la robe noire.- Mère, pourquoi tant de monde en prièreQue disent-ils dans leurs oraisons. - Ils disent : «Celle qui vient d'accoucherDoit aller à la messe».Elle s’en va à la messe,Voit enterrer le Comte Arnaud :- Voici ma clef personnelleMère, je ne rentre plus à la maison. Terre sainte, il faut t'ouvrir Je veux parler à mon mari. Terre sainte, il faut te fermer : Avec Arnaud je veux rester.

Traduction de Claire Torreilles

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TEXTE CATALAN

El Comte Arnau

(orthographe d’origine conservée)

Sa mare lo veu venirPer un camp que verdejava,Cullint violes i florsPer guarir les seves nafres.- D’aont venes, el meu fill?Amb la cara tramudada?- Mare mia, ja ho sabeu,Que jo vinc de la batalla,De la batalla del rei:Molts n’hi van, no·n tornen gaires.Entre jo i el meu cavallPortem vint-i-nou llançades.Mon cavall ne porta nou;Trist de mi, totes les altres.- Ai, lo meu fill estimat,Vés a la cambra més alta:Hi trobaràs ta mullerEntre senyores i dames.N’ha parit un infantóTan bell com l’estel de l’alba.- Mare mia, feu-me·l llitAllà aont me·l feieu antes.Jo moriré a mitja nit,Mon cavall a punta d’alba.Al cavall l’enterrareuEn el pati de les armesI ane mi m’enterrareu

Sa mère le voit venirPar un champ qui verdoyait,Cueillant des violettes et des fleursPour guérir ses plaies.- D’où viens-tu, mon fils ?Avec cette figure toute retournée ?- Ma mère, vous savez bienQue je viens de la bataille,De la bataille du roi :Nombreux sont ceux qui y vont, peu en reviennent.Entre mon cheval et moi,Nous portons vingt-neuf coups de lance.Mon cheval en porte neuf :Pauvre de moi, j’ai reçu toutes les autres.- Aïe, mon fils bien aimé,Va à la chambre la plus haute :Tu y trouveras ton épouseAu milieu des femmes et des dames.Elle a mis au monde un petit enfantAussi beau que l’étoile de l’aube.- Ma mère, faites mon litLà où vous le faisiez avant.Je mourrai à minuit,Et mon cheval à la pointe de l’aube.Vous enterrerez le chevalDans la cour d’armes.Moi, vous m’enterrerez

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A l’iglesia de Sant Jaume.Ni campanars que no toquinNi capellans que no cantin.

Extrait de Cançons Populars Catalanes, Barcelona, « l’Avenç », 1909, p.47.

A l’église Saint-Jacques.Que ne sonnent pas les clochesEt que ne chantent les prêtres.

Traduction de Mary Sanchiz

Mary Sanchiz, document de travail, thème académique langues régionales 2008-2009.