Radiochimiothérapie comme traitement médical du cancer de lâÅsophage. La chirurgie est-elle...
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Radiochimiothérapie comme traitement médical du cancerde l’œsophage. La chirurgie est-elle toujours nécessaire ?
Chemoradiation as medical treatment for esophageal cancer. Is surgeryalways necessary?L. Bedenne1,2, S. Hamza1,2, J.-L. Jouve1,2
1Service d’hépatogastroentérologie, CHU, 1, boulevard de Lattre-de-Tassigny, F-21034 Dijon cedex, France2Fédération francophone de cancérologie digestive, faculté de médecine, université de Bourgogne, Dijon, France
Reçu le 5 décembre 2012 ; accepté le 5 mars 2013
Abstract: It is now proven that pre-
operative chemotherapy (CT) and
chemoradiation (CRT) increase R0
resection rate and overall survival.
Moreover, CRT results in about 30%
pathologic complete response.
Indeed two randomized trials sho-
wed that survival was similar after
definitive CRT or after CRT and sur-
gery in locally advanced esopha-
geal squamous cell cancer, despite
more frequent local recurrences.
In one of these trials (FFCD 9102),
only clinical responders were ran-
domized between surgery and no
surgery, therefore clinical non-
responders could be operated on
without delay. Indeed, survival of
randomized patients and non-
randomized operated patients was
not different. Evidence of benefit
of surgery is poorer in case of
delayed recurrence. Only small
non-randomized studies tackled
the issue: R0 resection rates ranged
from 50 to 87%, 5-year survival
rates from 0 to 33% and operative
mortality from 12.5 to 25%. A radi-
cal change in the strategy against
locally advanced esophageal can-
cer is upcoming: to start therapy
with curative CRT and perform sur-
gery only in non-responders and
in case of operable loco-regional
delayed relapse. Before recommen-
ding this strategy, the benefit of
delayed salvage resection should
be assessed in a prospective strate-
gic randomized trial, currently in
preparation by the FFCD and the
FRENCH.
Keywords: Esophageal cancer –
Chemotherapy – Chemoradiation –
Surgery
Résumé : Il est maintenant prouvé
que la chimiothérapie (CT) et la
radiochimiothérapie (RTCT) pré-
opératoire augmentent le taux de
résection R0 et la survie globale.
En plus, la RTCT entraîne environ
30 % de réponses complètes
pathologiques. Par ailleurs, deux
essais randomisés ont montré
que la survie était similaire après
RTCT à visée curative ou après
RTCT préopératoire suivie de chi-
rurgie ; ces résultats ont été obte-
nus dans les cancers épidermoï-
des localement avancés, malgré
des récidives locales plus fréquen-
tes. Dans l’un des essais (FFCD
9102), seuls les répondeurs clini-
ques à la RTCT étaient randomisés
entre chirurgie ou non ; ainsi, les
non-répondeurs pouvaient être
opérés sans délai. De fait, les
patients randomisés et les non-
répondeurs opérés avaient une
survie non différente. Le bénéfice
de la chirurgie est moins évident
pour les récidives plus tardives.
Quelques petites études non ran-
domisées ont abordé cette ques-
tion. Les taux de résection R0 y va-
riaient entre 50 et 87 %, avec une
survie à cinq ans de 0 à 33% et une
mortalité opératoire de 12,5 à
25 %. Un changement radical de
stratégie se profile dans le cancer
de l’œsophage, à savoir commen-
cer par une RTCT à visée curative
et n’opérer que les non-
répondeurs ou les rechuteurs ré-
sécables. Avant de recommander
cela, le bénéfice de la résection
« de sauvetage » pour récidive
retardée devra être évalué dans
un essai randomisé stratégique,
actuellement en préparation par
la FFCD et la FRENCH.
Mots clés : Cancer de l’œsophage –
Chimiothérapie – Radiochimiothé-
rapie – Chirurgie
Longtemps, la chirurgie a été
considérée indispensable dans le
traitement du cancer de l’œso-
phage, et l’utilité de la chimiothé-
rapie (CT) ou de la radiochimiothé-
rapie (RTCT) préopératoire a été
discutée [7,10]. En fait, d’après plu-
sieurs méta-analyses concordan-
tes, ces deux approches apparais-
sent utiles, en particulier la RTCT
préopératoire [19,22,26,27]. Dans
les méta-analyses de Thirion et al.
[26,27], les seules réalisées à partir
des données individuelles, CT et
RTCT préopératoires ont entraîné
un bénéfice significatif en survie à
cinq ans, respectivement de 4,3 et
6,5 % (HR : 0,87 et 0,82). Cette amé-
lioration était observée indépen-
damment de l’âge, de l’état général
et de l’histologie. Ces deux traite-
ments néoadjuvants ont été compa-
rés dans un essai randomisé
s’adressant aux adénocarcinomes
du cardia [22] : le bénéfice de la
RTCT était à la limite de la significa-
tivité, avec une survie à trois ans
de 47 versus 28 % (p = 0,07). LeCorrespondance : [email protected]
Miseau
point
Update
■Oncologie (2013) 15: 139–143© Springer-Verlag France 2013DOI 10.1007/s10269-013-2265-y
139
manque de puissance de cette
étude (risque β de 60%) s’expliquait
par un effectif de 119 patients
seulement, en raison d’un arrêt
précoce.
Par ailleurs, deux essais rando-
misés ontmontré que la RTCT seule
ou suivie de chirurgie entraînaient
une survie similaire dans les can-
cers épidermoïdes localement
avancés : dans les essais allemand
et français FFCD 9102 [3,21], les
taux de survie à deux ans étaient
respectivement (bras chirurgie/non
chirurgical) de 40 versus 35 %
(Fig. 1), et 34 versus 40 % (Fig. 2) ;
cela malgré un taux de récidive à
deux ans plus élevé dans le bras
non chirurgical, respectivement de
36 versus 59% (p = 0,003), et 34 ver-
sus 43 % (p = 0,001 ; Tableau 1).
Ces résultats ont été transposés
dans le Thésaurus national de can-
cérologie digestive (TNCD), la RTCT
seule devenant en 2008 un traite-
ment de référence pour le cancer
épidermoïde de l’œsophage locale-
ment avancé [25]. Elle est une
option dans les Recommandations
2009 de l’European Society for
Medical Oncology (ESMO) [20].
Chirurgie de recoursen l’absence de réponse
Dans l’essai allemand [21], la rando-
misation se faisait à l’inclusion,
alors que dans l’essai FFCD 9102
[3] un bilan était réalisé après
une RTCT de type préopératoire
(46 Gy–5-FU–CDDP deux cures) ;
seuls les répondeurs étaient rando-
misés entre la chirurgie et uneRTCT
de complément (20 Gy–5-FU–CDDP
une cure). Ainsi, les non-
répondeurs cliniques pouvaient
être opérés sans délai. De fait, la
survie s’est avérée similaire chez
les 259 patients randomisés et
chez les 77 non-répondeurs, non
randomisés, mais ayant été opé-
rés : survie médiane 17,0 versus
18,9 mois chez les randomisés
(NS, p = 0,40) [8]. Des résultats
encourageants avaient déjà été
observés : Bates et al. ont montré
que 17 patients opérés, sans
réponse complète pathologique
(RCp) après RTCT préopératoire
avaient une survie médiane de
12,9 mois et un taux de survie à
trois ans de 25 % [2]. Dans une
étude non comparative de Piessen
et al. [15], chez des patients avec
cancer infracarinaire non répon-
deurs à la RTCT, l’œsophagectomie
a permis une survie médiane de
18,4 mois en cas de résection R0
(62 %), contre 8,6 mois en cas de
résection R1-R2 (p < 0,001). Dans
cette étude, des facteurs associés
à l’absence de résection R0 ont été
recherchés, mais même dans le
plus mauvais sous-groupe, celui
0
0.00
0.25
0.50
0.75
1.00
Monate
STRATA :
Su
rviv
al D
istr
ibu
tio
n F
un
ctio
n
Overall Survival Arm 1 vs. Arm 2
Log-rank for equivalencep = 0.007
Arm = 1Arm = 2
Censored Arm = 1Censored Arm = 2
20 40 60 80 100 120
Fig. 1.Survie globale dans l’étude allemande (Stahl et al.) bras 1 : chirurgie ; bras 2 :radiochimiothérapie seule. Survie globale à deux ans (1 vs 2) : 40 vs 35 %
0
129
130 122 84 61 40 29 25 21 14
108 79 51 31 25 23 17 13
Patients at risk
Arm A (surgery)
Arm B (chemoradiation)
Arm A (surgery)Arm B (chemoradiation)
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
6 12 18 24 30 36 42 48
Time (months)
Su
rviv
al (%
)
Surgery
3 - month mortality
Length of hospital-stay
Palliative procedures againstdysphagia : Stent or Dilatation
Chemo-XRT P value
24% 46% < 0.0005
9% 1% < 0.005
68 days 52 days < 0.05
A
Fig. 2.Survie globale dans l’essai FFCD 9102 (Bedenne et al.) bras A : chirurgie ; bras B :radiochimiothérapie seule. Survie globale à deux ans (A vs B) : 34 vs 40 %
Dossier
Them
atic
file
140
des patients ayant une tumeur
supérieure à 5 cm avec contact aor-
tique supérieur à 90°, le taux de
résection R0 était encore de 39 %.
Prédire la réponse complète
À l’évidence, seuls les patients
n’ayant pas de RCp devraient avoir
une œsophagectomie de recours,
malheureusement la concordance
est mauvaise entre réponse
clinique et pathologique. Dans une
étude de 72 patients avec cancer de
l’œsophage traités par RTCT puis
chirurgie ni la disparition des symp-
tômes, ni la normalisation de l’ima-
gerie, ni l’endoscopie ou l’échoen-
doscopie n’ont identifié de façon
fiable une RCp [1]. L’endoscopie
est faiblement prédictive de
réponse complète : Bates et al. ont
montré que 7 sur 17 (41 %) patients
avec biopsies endoscopiques néga-
tives avaient encore de la tumeur
sur la pièce opératoire [2]. Schnei-
der et al. ont calculé un taux d’exac-
titude de 47 % pour des biopsies
endoscopiques négatives [18], et
d’après Sarkaria et al., 104 sur
137 patients (76 %) avaient des
biopsies endoscopiques négatives
après RTCT, mais la valeur prédic-
tive pour une RCp était de 35 %
seulement. Sans surprise, la valeur
prédictive de biopsies positives
pour une maladie résiduelle était
de 95 % [17]. Pour améliorer l’exac-
titude de l’endoscopie, les biopsies
ont été répétées, sans succès : pour
Brown et al., parmi 30 patients
avec deux séries de biopsies endo-
scopiques négatives, seuls 15
(50 %) avaient des pièces exemptes
de cancer [4]. Le TEP-scan est inca-
pable de prédire la RCp, pendant ou
après traitement : dans une méta-
analyse de 20 études (849 patients),
la prédiction de la réponse patholo-
gique, définie par moins de 10% de
cellules tumorales viables sur la
pièce était de 67 % (30 à 100 %).
Dans trois études où l’évaluation
par TEP prenait place après
14 jours de traitement néoadju-
vant, la sensibilité variait entre 75
et 93 %, et la spécificité entre 75 et
88 % [9]. En conclusion, aucune
technique n’est en mesure de pré-
dire de façon fiable le degré de
réponse, et seule la présence de cel-
lules malignes après la fin de la
RTCT— non réponse— oupendant
le suivi — récidive — est un argu-
ment pour une chirurgie de recours.
Chirurgie de « sauvetage »
Si la résection paraît bénéfique aux
non-répondeurs initiaux [2,8,15], le
bénéfice éventuel est moins bien
documenté en cas de récidive. Les
études ayant abordé cette question
n’ont inclu que 167 patients, dont
123 au Japon, et presque tous
avec des cancers épidermoïdes
(Tableau 2).
Meunier et al. ont pratiqué une
chirurgie de sauvetage de 3 à
17 mois après RTCT seule (60 Gy)
chez six patients. Chez cinq d’entre
eux, l’opération était « très difficile
en raison des séquelles postra-
diques ». Cependant, seul un sur
six est mort en postopératoire [11].
D’Journo et al. ont étudié 24
patients opérés après RTCT à visée
curative (> 50 Gy), avec un délai
moyende2,5mois, essentiellement
pour rechute (18/24). La survie à
trois ans était de 35 %, et la survie
médiane de 27,0 mois pour les
Tableau 2. Études sur la chirurgie « de sauvetage » après radiochimiothérapie dans le cancer de l’œsophage épidermoïde(adapté de D’Journo et al. [6])
?
Auteur, année [réf.] n Radiothérapie (my-Gy)
Résection R0 (%) Mortalité 90 j (%) Survie 5 ans (%)
Meunier et al., 1998 [11] 6 60 ND 17 0Swisher et al., 2002 [23] 13 57 77 15 (30 j) 25Nakamura et al., 2004 [13] 27 60 67 4 (30 j) 30Tomimaru et al., 2006 [28] 24 62 67 13 33Oki et al., 2007 [14] 14 65 50 14 32D’Journo et al., 2008 [6] 24 56 88 25 35Tachimori et al., 2009 [24] 59 > 60 85 8 (30 j) 38 (3 ans)
?
ND : non disponible.
Tableau 1. Résumé synoptique des deux essais randomisés comparant radiochi-miothérapie (RTCT) seule à RTCT suivie de chirurgie dans le cancer de l’œsophageépidermoïde
?
FFCD 9102 RCT-chir vsRCT n = 259
GECSG RCT-chir vsRCT n = 172
Résection R0 (bras chirurgie) 75 % 59 %RCp chez les opérés 23 % 29 %RTCT-chir vs RTCT seule :Mortalité liée au ttt (%) 9 vs 1
p = 0,0313 vs 4p = 0,03
Survie médiane (m) 18 vs 19 16 vs 15Survie à 2 ans (%) 34 vs 40 40 vs 35Récidive à 2 ans (%) 56 vs 59 49 vs 65Récidive locale à 2 ans (%) 34 vs 43
p = 0,00136 vs 59p = 0,003
?
GECSG : German Esophageal Cancer Study Group ; FFCD : Fédération francophonede cancérologie digestive ; RCp : réponse complète pathologique ; ttt : traitement
Miseau
point
Update
141
patients réséqués R0 versus
11,0mois en cas de résectionR1 [6].
Nakamura et al. ont comparé 27
patients aprèsRTCTà visée curative
(dose moyenne 60 Gy) et chirurgie
de « sauvetage » avec 28 patients
appariés opérés après RTCT néoad-
juvante (dose moyenne 39 Gy).
L’intervalle moyen entre l’irradia-
tion et la chirurgie était de 3,7 ver-
sus 0,9 mois. Le taux de survie à
trois ans était de 38 % dans les
deux groupes, et dans le groupe
« sauvetage » il n’y avait pas de dif-
férence entre ceux réséqués avant
ou après trois mois suivant la
RTCT [13].
L’étude rétrospective de Tomi-
maru et al. a inclu 24 patients dans
le groupe « sauvetage » (RTCT avec
60 Gy) et 26 dans le groupe néoad-
juvant (RTCT avec 40 Gy). Le délai
moyen avant chirurgie était de 6,1
versus 1,3mois. Le seul facteur pro-
nostique en analyse multivariée
était la résection R0 (67 % des
cas), avec un taux de survie à cinq
ans de 50% versus aucun survivant
après 12 mois chez les patients
R1-R2. Le stade T clinique ou la
réponse clinique initiale (RC ou
non) n’étaient pas des facteurs
significatifs. L’intervention était
plus longue et les pertes sanguines
plus importantes dans le groupe
« sauvetage » que dans le groupe
néoadjuvant [28].
Swisher et al. ont montré chez
13 patients que l’œsophagectomie
de « sauvetage » avec un délai
moyen de 18 mois (4–56 mois)
après RTCT à visée curative (dose
moyenne 57 Gy) était faisable : dix
patients ont été réséqués R0, deux
sont décédés en postopératoire et
quatre ont survécu plus de deux
ans, tous après résection R0 [23].
Tachimori et al. ont comparé 59
patients atteints de cancer épider-
moïde ayant subi une œsophagec-
tomie de « sauvetage » après RTCT
à visée curative (> 60 Gy), avec
553 témoins œsophagectomisés
d’emblée. Dans le groupe « sauve-
tage », 10 % n’avaient pas de
tumeur, 85 versus 91 % avaient
une résection R0 (NS), la mortalité
hospitalière était de 8,0 versus 2,2%
(p = 0,01) et le taux de survie à
trois ans était de 38 versus 61 %
(p < 0,05). Les complications signifi-
cativement plus fréquentes dans le
groupe « sauvetage » étaient :
médiastinite et nécrose trachéo-
bronchique (19 versus 5,2%), fistule
anastomotique (31 versus 25 %) et
infection de paroi (27 versus 15 %).
Aucune nécrose trachéobron-
chique n’est survenue après l’aban-
don du curage trois étages. Deux
facteurs étaient significativement
associés à une survie courte dans
le groupe « sauvetage » : une résec-
tion non R0 et une tumeur T4. Le
temps jusqu’à la résection (plus ou
moins de 12 mois) et la réponse
initiale à la RTCT n’influençaient
pas le pronostic [24].
Quelles leçons tirer de ces
études hétérogènes, où les taux de
résection R0 vont de 50 à 87 %, la
survie à cinq ans de 0 à 33 % et la
mortalité opératoire de 13 à 25 % :
– seule la résection R0 est asso-
ciée avec une longue survie, donc
la chirurgie de « sauvetage » ne
doit pas être tentée en cas de
tumeur T4 [6,11,13,14,23,24,28] ;
– le pronostic ne diffère pas en
cas de non-réponse à la RTCTou de
rechute tardive [13,23,24,28], bien
que Swisher et al. suggèrent qu’a-
près deux ans, la fibrose postra-
dique rend la résection risquée
[23] ;
– un curage de trois champs
doit être évité, car il accroît le
risque de fistule et de nécrose tra-
chéale [13,24] ;
– l’œsophagectomie de « sau-
vetage » pour rechute après RTCT
à visée curative augmente la mor-
bidité et la mortalité comparée à
l’œsophagectomie après RTCT
préopératoire.
Bien que la plupart des patients
avec chirurgie de recours aient reçu
60 Gy ou plus, dans une étude une
dose supérieure à 55 Gy était asso-
ciée avec une mortalité hospita-
lière doublée. Ce n’était pas signifi-
catif en raison du faible nombre
de patients [6]. Cependant, vu
l’absence de bénéfice en survie
d’une RTCT avec 64 versus 50 Gy
dans l’étude INT 0123 [12], il semble
prudent de ne pas délivrer de fortes
doses de radiation lors d’une RTCT
à visée curative, pour ne pas empê-
cher une intervention de recours.
Les données sur les résections
de « sauvetage » proviennent de
petites études rétrospectives, post
hoc ou au mieux cas-témoins. Le
bénéfice de la chirurgie de « sauve-
tage » devra être confirmé de façon
prospective et randomisée, après
une RTCT assez intensive pour éra-
diquer les tumeurs sensibles sans
accroître le risque d’une chirurgie
éventuelle, avec une technique
d’irradiation moderne épargnant
les tissus sains.
La FFCD (Fédération franco-
phone de cancérologie digestive)
et la Fédération de recherche en
chirurgie (FRENCH) préparent une
étude prospective randomisée,
dans les cancers de l’œsophage de
stade III opérables, en réponse
clinique après RTCT (ESOSTRATE).
Le bras de référence sera la RTCT
suivie de chirurgie systématique,
et le bras expérimental la RTCT sui-
vie de chirurgie seulement en cas
de récidive locale opérable. La
RTCT sera optimisée en accord
avec les résultats des études récen-
tes ouen cours : CTd’induction [21],
nouvellesmolécules comme l’oxali-
platine, les taxanes ou le cétuximab
[16], associées à la radiothérapie
étalée conformationnelle [5]. Il sera
important de disposer d’une RTCT
capable de dépasser les 30 % de
RCp. L’étape préliminaire est donc
un essai randomisé comparant la
RTCT préopératoire par docétaxel–
carboplatine, avec ou sans cétuxi-
mab, l’essai SAKK 75/08, en cours
en Suisse, en Allemagne et mainte-
nant en France avec la FFCD et la
FRENCH. Même si le critère princi-
pal est la survie sans récidive, le
taux de RCp et la tolérance du trai-
tement expérimental seront obte-
nus rapidement et serviront de
base pour l’essai stratégique. Dans
l’étude de phase II SAKK 75/06, ce
schéma a entraîné chez deux tiers
des patients une réponse patholo-
gique majeure, sans toxicité de
grade IVnimortalité opératoire [16].
Par ailleurs, les données de tolé-
rance chez les 149 premiers inclus
de l’essai SAKK 75/08 ne montrent
Dossier
Them
atic
file
142
pas de surmortalité ni de morbidité
supérieure dans le bras avec
cetuximab.
Cet essai ESOSTRATE pourra
valider le changement stratégique
majeur qui s’esquisse dans le can-
cer de l’œsophage épidermoïde
localement avancé opérable, à
savoir commencer le traitement
par une RTCT à visée curative et
réserver la chirurgie aux non-
répondeurs ou aux tumeurs récidi-
vant en locorégional, non métasta-
tiques et non T4.
Conflit d’intérêt : Les auteurs
déclarent ne pas avoir de conflit
d’intérêt.
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