R. G. N° 20091 Rép. N°2010/ 3332. COUR DU TRAVAILDE ... · Stenuick Sophie loco Maître Cordier...

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. " -4 ~~ ".i Rép. N°2010/ 3332. R. G. N° 20091 AB/S1784" le feuillet. 4 ème Chambre COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES ARRET AUDIENCE PUBLIQUE DU 1 er DECEMBRE 2010 DROIT DU TRAVAIL - contrats de travail"ernployé Loi du 4" août 1996 'relative ailebien-être Arrêt contradictoire Définitif En cause de: J Partie 'appelante, intimée sur incident, représentée par Monsieur Fauchet M., délégué syndical, porteur de procuration, Contre: CENTRE HOSPITALIER UNIVERSTAlRE BRUGMANN, dont le siège social est établi à 1020 Bruxelles, Place A. Van Gehuchten, 4, ' P~rtie 1ntimée, app~lante sur incident, représentée par Maître Stenuick Sophie loco Maître Cordier Jean-Philippe, avocat à Bruxelle~.

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R. G. N° 20091AB/S1784" le feuillet.

4ème Chambre

COUR DU TRAVAIL DEBRUXELLES

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 1er DECEMBRE 2010

DROIT DU TRAVAIL - contrats de travail"ernployéLoi du 4"août 1996 'relative ailebien-êtreArrêt contradictoireDéfinitif

En cause de:

J

Partie 'appelante, intimée sur incident, représentée par MonsieurFauchet M., délégué syndical, porteur de procuration,

Contre:

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSTAlRE BRUGMANN, dontle siège social est établi à 1020 Bruxelles, Place A. Van Gehuchten,4, '

P~rtie 1ntimée, app~lante sur incident, représentée par MaîtreStenuick Sophie loco Maître Cordier Jean-Philippe, avocat àBruxelle~.

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R.G. W2009/AB/51784 4ème feuill et

Monsieur A chef infirmier, se comporte à son égard d'une manière quis'apparente à du harcèlement depuis qu'elle a refusé de stopper provisoirementles appareils de monitoring, ainsi qu'il lui avait suggéré de le faire.

Le 3 juillet 2006, le CHU BRUGMANN, par lettre de son directeur généralMonsieur D , remise de la main à la main, rompt le contrat de travail deMadame J moyennant le paiement d'une indemnité compensatoire depréavis correspondant à 12 mois de rémunération et s'élevant à 45.965,23 € brut.

Par lettre du 10 juillet 2006, le conseiller juridique de Madame, contestela durée du préavis, qui aurait dû à son estime être de 17 mois, et relève ce quisuit:

«D'autre part, Mme .J ,st licenciée alors qu'elle avait adressé auDr 5 dans sa Jonction de personne de confiance, une lettrerecommandée du 19/6/2006 par laquelle elle se plaignait de harcèlementmoral. Le travailleur qui effectue une telle démarche ne peut être licencié,sauf évidemment pour un motif suffisant étranger aux faits de harcèlementallégués.

Je vous invite donc à me faire part du motif du licenciement de MmeJ- 'et vous prie de considérer la présente comme une demande deréintégration.

Notre affiliée s'étonne, par ailleurs, de la rapidité avec laquelle il a étéprocédé à son licenciement, alors que par une lettre du 22 juin vous luifaisiez parvenir copie de sa fiche de signalement, laquelle portait mentiond'une "proposition de licenciement".

Or, Mme .J . avait la possibilité d'introduire un recours dans les 7jours suivant la prise de connaissance de cette lettre, soit le 3 juillet,comme die le démontrera. Votre décision précipitée l'a ainsi privée dudroit de faire valoir sa défense, ce qui est d'autant plus regrettable qu'ellen'avait rien à se reprocher.

Il Y a tout lieu de croire que son licenciement est la conséquence du faitque Mme J, 'avait signalé avec, insistance la défectuosité desappareils de monitoring cardiaque dans son département, Cettedéfectuosité, à laquelle il n!a toujours pas été remédié, met en péril la viedes patients.

C'est d'ailleurs ce même problème qui a valu à Mme J d'êtreharcelée par l'infirmier en chef M A qui n'appréciait pas,notamment, que notre affiliée dénonce la pratique consistant à débrancherles appareils, pour que le personnel ne soit plus dérangé par des alertesintempestives. (.-J »,

Le directeur général du CHU BRUGMANN réagit à cette lettre par courrier endate du 8 août 2006, en signalant, tout d'abord, que Madame J'aurait dû,adresser sa plainte, non pas au Docteur S mais au Service externe de'prévention et de protection au travail comme mentionné dans le Règlement detravail (de sorte qu'il ne peut se prononcer quant à la demande de réintégration)et en précisant qu'en tout cas la décision de licenciement est maintenue, celui -ci

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R.G. W2009/AB/51784 5ème feuillet

étant imputable au comportement agressif et insultant de l'intéressée, rendanttoute collaboration.impossible.

1.2. Les demandes originaires.

1.2.1.Par citation signifiée le 2 novembre 2006, Madame Jdevant le Tribunal du travail de Bruxelles.

a introduit l'affaire

avait régulièrement dénoncé cette situation;se comportait vis-à-vis d'elle d'une manière

Elle demandait la condamnation du CHU BRUGMANN au paiement dessommes suivantes:

20.381,14 € à titre de complément d'indemnité de rupture,24.457,37 € à titre d'indemnité de protection, en application de la loidu II juin 2002,24.457,37 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

lesdits montants à majorer des intérêts légaux et judiciaires et desdépens.

La. demande avait également pour objet d'entendre délivrer les documentssociaux correspondants rectifiés, à savoir le formulaire C4, les fiches derémunération, la fiche fiscale.

Par ses conclusions prises devant le Tribunal du travail de Bruxelles, MadameJ sollicitait, à titre subsidiaire, de pouvoir prouver par toute voie de droit,témoignages compris:

que les appareils de monitoring cardiaque ne fonctionnaient pascorrectement; .qu'il y avait des problèmes de sécurité dans le service de MadameJque Madame Jque depuis, M. Aincorrecte.

Madame JI sollicitait, enfin, la condamnation du CHU BRUGMANN àcommuniquer les dossiers médicaux des patients ayant séjourné dans la« strokeunit» de janvier à juillet 2006.

1.3. Le jugement dont appel.

Par le jugement attaqué du 8 septembre 2008, le Tribunal du travail de Bruxelles,statuant après un débat contradictoire et après avoir entendu Madame M. l

Auditeur du travail, en son avis conforme en ce qui concerne la demanderelative à l'indemnité de protection prévue par la loi du II juin 2002, a

déclaré la demande recevable et partiellement fondée,

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R.G. Noio09/AB/51784 6ème feuillet

condamné le CHU BRUGMANN au paiement d'un montant de48.850,71 € sous déduction de l'indemnité déjà payée, ledit montantmajoré des intérêts légaux et judiciaires,

condamné le CHU BRUGMANN au paiement d'un montant de2.500,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, àmajorer des intérêts judiciaires,

condamné également le CHU BRUGMANN à délivrer les documentssociaux suivants : C4, fiche de rémunération relative au calcul del'indemnité compensatoire de préavis, fiche fiscale.

Le jugement a débouté Madame J pour le surplus de ses demandes, a ditqu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire du jugement et a condamné leCHU BRUGMANN aux dépens, liquidés dans son chef à 3.000,00 €, indemnitéde procédure, et dans le chef de Madame J à 126,21 € étant les frais decitation.

II. OBJET DES APPELS - DEMANDES DES PARTIES EN APPEL

Il. 1.MadameJ a interjeté appel.

Par sa requête d'appel, précisée en conclusions, elle demande à la Cour du travailde réformer le jugement du 8 septembre 2008 et de condamner la partie intimée àlui payer:

- 3.513,99 € x 5 x 13,92/12 = 20.381,14 € à titre de complémentd'indemnité de rupture,- 3.513,99 € x 6 x 13,9/12 = 24.457,37 € à titre de dommages-intérêtspour licenciement abusif ou abus de droit,- 3,513,99 € x 6 x 13,92/12 = 24.457,37 € à titre d'indemnité de protectionen application de la loi du II juin 2002,

montants à majorer des intérêts légaux et judiciaires.

Elle postule également la condamnation du CHU BRUGMANN à lui délivrer lesdocuments sociaux correspondants rectifiés: C4, fiches de paie, fiche fiscale et àlui payer frais et dépens de l'action, taxés à ce jour à 126,21 €.

II.2.Par ses conclusions d'appel du 2 juin 2009, le CHU BRUGMANNN a forméappel incident.

Au dispositif de ses dernières conclusions d'appel, il demande à la Cour dutravail :

«A titre principal:

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o émendant ce que les premiers juges eussent dû faire, de déclarerles, demandes originaires de Madame J relatives aupaiement d'une indemnité. complémentaire de préavis et aupaiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif nonfondées.

, R.G. N"2009/AB/5l784 7ème feuillet

o de déclarer la demande de Madame J . tendant au paiementd'une indemnité de protection en application de la loi du 11 juin2002 non.jondée. '1

o de réformer le jugement a quo en ce que celui-ci condamne leCHU Brugmann à payer à Madame J une indemnité deprocédure de 3.000 €

o de condamner Madame J aux entiers dépens des deuxinstances, en ce compris les indemnités de procédure.

A titre subsidiaire:

Si; par impossible, la Cour venait à considérer que les demandesd'indemnité pour licenciement abusif et d'indemnité de protection enapplication de la loi du Il juin 2002 sont toutes deux fondées, fairealors application de la position doctrinale citée dans les présentesconclusions en vertu de laquelle:

"Le travailleur intellectuel, ne bénéficiant pas d'indemnitéparticulière en cas de licenciement abusif, doit opter entrel'indemnité protectrice de la loi du Il juin 2002 et l'octroi dedommages et intérêts. Il ne peut, conformément à l'article 32tredecies 9 4, cumuler ces deux sources de dédommagement". ».

III. DISCUSSION ET DECISION DE LA COUR DU TRAVAIL.

III.l. Quant à l'indemnité complémentaire de préavis.

lIU.!.Le délai de préavis, au sens de l'article.82, S 3 de la loi du 3 juillet 1978 relativeaux contrats de travail, doit être évalué en tenant compte des possibilités pourl'employé de retrouver un emploi équivalent, compte tenu de son ancienneté, deson âge, de sa fonction et de sa rémunération et selon les « circonstances propresà la cause» (formule utilisée par la Cour de cassation), dans la mesure où celles-ci ont 'une incidence sur la faculté de reclassement.

Parmi ces critères, l'ancienneté et l'âge sont les plus importants. Toutefois, l'âgen'intervient qu'en rapport avec le critère d'ancienneté afin de ne pas pénaliserl'engagement d'employés plus âgés.

Le juge doit apprécier la possibilité de reclassement au moment où le congé estdonné.

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8 2. La charge de la preuve' des motifs visés au 8 r' incombe àl'employeur lorsque le travailleur est licencié ou lorsque ses conditionsde travail ont été modifiées unilatéralement dans les douze mois quisuivent le dépôt d'une plainte ou la déposition d'un témoignage. Cettecharge incombe égalemen(q l'employeur en cas de licenciement ou encas de modification unilatérale des conditions de travail intervenus aprèsl'intentemen( d'une action, en justice et ce, jusqu'à trois mois après quele jugement soit coulé en force de chose jugée.

R.G. w2009/ABl5I784 lOèlnefeuillet,

8 3. Lorsque l'employeur met jin à la relation de travail ou modifieunilatéralement les conditions de travail, en violation des dispositions du8 ]er, le travailleur ou l'organisation de travailleurs à laquelle il estaffilié, peut demander sa réintégration dans l'entreprise ou l'institutiondans les conditions qui p~é~alaient avant les faits qui ont motivé laplainte ( ..).

8 4. A défaut de réintégration ou de r:eprise dans la fonction dans lesconditions qui prévalaient. avan(. les faits qui ont motivé la plainte,suivant fa. demande visée au 8 3, alinéa rr, du travailleur dont lelicenciement ou la modification unilatérale des conditions de travail ontété jugés contraires aux dispositions du 8 r', l'employeur payera autravailleur, une indemnité égale, selon le choix du travailleur, soit à unmontant forfaitaire. correspondant à la rémunération brute de six mois,soit au préjudice .réellement .subi par. le travailleur, à charge pour celui-ci de prouver l'étendue de ce.pr~judice, dans ce dernier cas.

85 .... ».

Il ressort du texte de ces différentes dispositions et de leur place respective dansle chapitre Vbis de la loi du 4 août .1996; que l'article 32tredecies vise à protégercontre le licenciement (ou contre une modification unilatérale des conditions detravail), le travailleur qui a déposé une plainte sur la base de l'article 32nonies ouqui a "intenté (ou pour lequel est intentée) une action sur la base des articles32decies, 32undecieset 32duodecies.

La plainte peut être déposée par le travailleur «qui s'estime victime d'actes deviolence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail» (article 32nonies).

C'est le dépôt de la plainte qui entr,aÎne la' protection instaurée par l'article32tredecieset non la connaissance de l'existence de celle-ci par l'employeur. Eneffet, suivant les termes de l'article 32tr:edecies, S 1erprécité de la loi du 4 août1996, «L'employeur qui occupe un travailleur qui a déposé une plainte motivée( ..), ne peut pas mettrejin à la relation de travail,( ..) ».

En conséquence, la protection légale contre le licenciement joue, dans leshypothèses visées 'à l'article 32tredecies, SS 3 et 4, indépendamment del'appréciation ultérieure quant au bien-fondé ou non de la plainte et l'existenceou non du harcèlement (en ce sens: Trib. trav. Bruxelles, 30 octobre 2007, RGnO18041/06 ; Cour trav. Bruxelles; 21 novembre 2007, R.G. nO48.523).

Il n'y a pas lieu d'examiner si les faits invoqués par le travailleur sontconstitutifs de harcèlement moral au travail ou s'il établit «des faits qui

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ItG. W2009/AB/5l784

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Il ème feuillet

permettent de présumer l'existence de violence ou de harcèlement moral ousexuel au travail ».

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III.2.2.Pour bénéficier de la protection, le travailleur doit avoir déposé une plainte« motivée ». La notion de plainte motivée visée à l'article 32nonies de la loi du 4août 1996 n'est pas précisée.

Ainsi que le relève Monsieur le Substitut général en son avis écrit (pages 3 et 4)la plainte du 19 juin 2006 adressée par Madame J au Docteur ~constitue une plainte motivée en ce qu'elle décrit avec suffisamment de précisionles faits de harcèlement qu'elle allègue (ainsi que la personne à qui elle lesimpute) :

«Depuis mon refus catégorique d'agir ainsi (càd stopper provisoirementles appareils), Monsieur A, se comporte vis-à-vis de moi d'une manièrequis 'apparente de plus en plus à du harcèlement (en donnant mes horairesà une nouvelle veilleuse (qui a eu la possibilité de faire un travail de jouret de nuit dans les 3 salles différentes), en me tournant le dos lors durapport oral le matin chose qu'il n 'avait jamais fait avant, en me dénigrantauprès de mes collègues, en m'isolant du reste de l'équipe). ».

lll.2.3.Le CHU BRUGMANN soulève que la plainte n'aurait pas été déposée «selonles procédures en vigueur ».

A cet égard, la Cour du travail partage également l'avis du Ministère public, qui,après avoir rappelé les dispositions de l'article 10 de l'arrêté royal du Il juillet2002 relatif à la protection contre la violence et le harcèlement au travailapplicable aux faits de la cause:

« Lorsqu'une përsonne de confiance est désignée. le travailleur qui estimeêtre victime de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travails'adresse à cette personne sauf s'il préfère s'adresser directement auconseiller en prévention compétent.La personne de confiance entend la victime et elle recherche, à lademande de celle-ci, une conciliation avec l'auteur de la violence ou duharcèlement moral ou sexuel au travail.Si la conciliation n'aboutit pas à un résultat ou paraît impossible. la

personne de confiance reçoit sur demande formelle de la victime la plaintemotivée et la transmet immédiatement au conseiller en préventioncompétent»

et relevé que, suivant l'article 57 du règlement de travail du CHU BRUGMANN,

« les plaintes pour harcèlement moral sont à adresser aux personnes deconfiance en charge des plaintes relatives au harcèlement sexuel »,

a considéré que Madame J avait agi conformément à ces dispositionspuisque, après avoir rencontré plusieurs fois la personne de confiance (voir lalettre du Docteur ~ au service juridique de l'organisation syndicale de

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R.G. N"2009/AB/5l784 l2èm, feuillet

l'intéressée du 15 janvier 2008), elle a fini par lui adresser une plainte motivéepour harcèlement, le 19 juin 2006.

III.2.4.Pour échapper au paiement de l'indemnité de protection, le CHU BRUGMANNdoit établir que le licenciement est intervenu pour des motifs étrangers à laplainte. La charge de la preuve lui incombe en vertu de l'article 32tredecies, 9 2précité.

Le CHU BRUGMANN admet en termes de conclusions (page 6) que laprotection contre le licenciement est liée à l'introduction de la plainte (à sondépôt) et non aux faits qui ont justifié celle-ci. Il en déduit que l'employeur peut,dès lors, invoquer que le licenciement est étranger à la plainte déposée puisqu'ilest censé ignorer l'existence de celle-ci.

A ce sujet, le CHU BRUGMANN invoque un jugement inédit du Tribunal dutravail de Verviers du 26 janvier 2005 (RG n° 042212003), qui décide:

«(. ..) cependant l'article 32tredecies S r' de la loi du 4.8.1996 interdit lelicenciement du travailleur qui a déposé une plainte sans distinguer selonque l'employeur en a ou non connaissance.

Qu'à cet égard, le tribunal partage l'opinion de Monsieur l'Auditeur dutravail sur le peu d'impact concret de cette "protection occulte" dans lamesure où ignorant le dépôt de la plainte, l'employeur ne peut, à cemoment, avoir procédé au licenciement que pour des motifs étrangers àcelle-ci. ».

Cette jurisprudence ne peut être suivie.

Ainsi que le relève très justement Monsieur le Substitut général en son avis écrit(pages JO et l'l),

« l'absence de connaissance par l'employeur, au moment du licenciement,de l'existence de la plainte formelle, n'implique pas nécessairement quel'employeur a mis fin à la relation de travail pour des motifs étrangers à laplainte.En effet. il se peut que l'employeur ait connaissance des faits deharcèlement au moment du licenciement, sans qu'il ait été informé del'existence de la plainte du travailleur. Dans ce cas, au moment dulicenciement, la protection légale a pris cours de manière effective(puisque la plainte a été déposée de manière formelle avant lelicenciement), mais l'employeur ne sait pas encore que la plainte a étédéposée. ».

En l'espèce, il ne fait aucun doute qu'au moment du licenciement, le CHUBRUGMANN connaissait tant les sujets de plainte de Madame J(signalés à la directrice du nursing, Madame P . le 22 avril 2006), queles faits de harcèlement dont elle s'estimait la victime (sa lettre du 23 mai 2006 àMadame P ).

(J

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Il importe peu de savoir si, au moment du licenciement, l'employeur pouvait sedouter qu'une plainte pour harcèlement avait peut-être été déposée. En effet, laseule question à examiner pour la solution du litige est celle de savoir si lesmotifs du licenciement sont ou non étrangers à la plainte, c'est-à-dire aux faitsqui ont justifié le dépôt de la plainte (en ce sens, Cour trav. Bruxelles, 16décembre 2009, RG na 2008/AB/51.l73 disponible sur juridat; Trib. trav.Bruxelles (l8e ch.), 27 novembre 2007, RG na 66.388/03).

,R.G. W2009/AB/5l784 13ème feuillet

Cependant, il ressort des éléments de la cause (lettre du 23 mai 2006 et fax du 20juin 2006 de Madame J à Madame F - pièces 1 et 14 du dossierde l'appelante), que la directrice du nursing avait été avisée par MadameJ le ce qu'elle avait décidé « d'informer la personne de confiance commeil est établit dans le règlement intérieur de l'hôpital» (sic).

III.2.5.Le congé notifié à Madame J le 3 juillet 2006 ne contient aucunemotivation. Cependant, la fiche de signalement du 19 juin 2006 fait état deproblèmes de comportement: il y est reproché à Madame J d'avoirmanifesté, lors des entretiens de 16 juin et 19 juin, un comportement agressif,insultant à l'égard de ses supérieurs, fermé à toute solution, rendant impossible lapoursuite de la collaboration.

En termes de conclusions, le CHU BRUGMANN invoque comme motifs delicenciement un taux d'absentéisme excessif et l'attitude déplacée de MadameJ à l'égard de ses supérieurshiérarchiques.

A. Absentéisme excessif.

Madame j reconnaît avoir été souvent absente mais preCise, sanscontestation de la part du CHU BRUGMANN, que ses absences étaient dues àune maladie (lé cancer) et à son traitement.

De manière tout à fait pertinente, elle relève qu'aucun reproche ne lui a jamaisété formulé concernant cet absentéisme, qui durait depuis des années et étaitd'ailleurs en régression, le traitement portant ses fruits.

Le C4 n'y fait pas allusion, pas plus que la lettre du directeur général, MonsieurD du 8 août 2006 pour expliquer les raisons du licenciement.

B. Comportement déplacé lors des entretiens des 16 juin et 19 juin 2006.

Ce comportement allégué par le CHU BRUGMANN est attesté par lesdéclarations écrites de: Monsieur A . infirmier en chef de l'unité 82,Madame F , infirmière chef de service, Monsieur D , directeur généralet Madame P . directrice du nursing, soit les supérieurs hiérarchiques deMadame J , ceux-là mêmes qui s'estiment victimes du comportementagressif et insultant de celle-ci et qui ont décidé de la licencier.

Il se fait que ces personnes sont également celles, particulièrement MonsieurA (et, dans une moindre mesure Madame Pl , que Madame

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J désigne comme étant les auteurs du harcèlement dont elle dit avoir étéla victime.

R.G. W2009/AB/St784"" 14ème feuillet,

La situation conflictuelle avec Madame P . et le refus d'accepter unemutation que, selon elle, elle n'avait pas demandée, font partie des difficultés quiont amené Madame J . à déposer une plainte pour harcèlement moral autravail.

Il en va de même de la dégradation de ses relations avec le chef infirmier: mêmesi elle considérait à tort que les monitorings cardiaques n'étaient pas fiables,c'est bien la manière dont Monsieur A a entendu résoudre le problème (endisant à Madame J de débrancher provisoirement les appareils et en nel'écoutant plus lorsqu'elle dénonçait le mauvais fonctionnement de ceux-ci) qui aamené l'intéressée à perdre confiance en sa hiérarchie et à se sentir harcelée.

L'impossibilité de trouver une solution satisfaisante aux yeux de MadameJ aux plaintes qu'elle avait exprimées est à l'origine, à la fois, de soncomportement sans doute déplacé lors des entretiens des 16 et 19 juin 2006 et desfaits de harcèlement qu'elle a dénoncés dans la plainte adressée le 19 juin 2006 àla personne de confiance.

En conclusion, la Cour du travail est d'avis, contrairement aux premiers juges et,sur ce seul point, au Ministère public, que les motifs du licenciement ne sont pasétrangers à ceux invoqués par Madame J pour justifier sa plainte.

III.2.6.Par conséquent, il y a lieu de faire application de l'article 32tredecies S 4 de laloi du 4 août 1996 et de condamner le CHU BRUGMANN au paiement del'indemnité de protèction fixée à 45.965,23 x 6 = 22.981,11 €.

12

lIU. Quant à l'indemnité pour licenciement abusif ou abus de droit.

III.3.1.Les premiers juges ont considéré que Madame J pouvait prétendre à2.500 € de dommages et intérêts à titre de dommages et intérêts pourlicenciement abusif, dès lors que la procédure de licenciement en vigueur au seindu CHU BRUGMANN n'a pas été respectée lors du licenciement et que, partant,Madame J a perdu une chance d'éviter son licenciement.

III.3.2.Le préjudice résultant pour Madame J de la perte d'une chance de fairevaloir ses moyens de défense et d'éviter, le cas échéant, son licenciement, n'estpas distinct de celui que l'indemnité compensatoire de préavis et l'indemnité deprotection contre le licenciement sont censés réparer.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a fait partiellement droit à lademande.

Sur ce point, l'appel incident est fondé.

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,R.G":'N"t009/ AB/51784

lllA. Ouant à l'indemnité de procédure.

15ème feuillet

C'est à tort que le jugement. dont appel a condamné le CHU BRUGMANN aupaiement d'une indemnité de procédure de' 3.000 € (que la demanderesseoriginaire n'avait pas sollicitée).

En effet, l'article 1022 du Code judiciaire, ainsi que l'arrêté royal du 26 octobre2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Codejudiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21avril 2007 relative à la répétibilité. des honoraires et de frais d~avocat, consacrentle droit à une indemnité de procédure uniquement lorsque la partie recourt à unavocat pour la représenter en justice et non lorsque celle-ci est représentée par undélégué syndical.

La Cour constitutionnelle a, par ailleurs, confirmé cette position dans son arrêtdu 18 décembre 2008 (arrêt nO12812008), en décidant que:

« L'indemnité de procédure est conçue comme une indemnité forfaitairedans les charges effectivement supportées par une partie et en n'étendantpas son bénéfice aux parties qui, comme celles qui sont assistées etreprésentées' par un délégué syndical, ne supportent pas les mêmescharges, le législateur a retenu un critère de distlnction pertinent parrapport à l'objectif de la loi ».

MadameJ n'élève aucune contestation à ce sujet.

L'appel incident est à cet égard fondé,

PAR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL,

Statuant après un débat contradictoire,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matièrejudiciaire,

Reçoit l'appel principal et le déclare fondé dans la mesure ci-après précisée:

confirme le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit à la demanded'indemnité complémentaire de préavis correspondant à cinq mois derémunération mais le réforme quant au montant de la condamnation;

statuant à nouveau quant à ce, condamne le CHU BRUGMANN àpayer à Madame. J la somme brute de 19.152,17 €, àmajorer des intérêts légaux et judiciaires à dater du 3 juillet 2006,avec interruption du cours des intérêts entre le 17 mars 2010 (date àlaquelle la' cause était fixée pour plaidoiries et a dû être reportée enraison d'une erreur d'agenda de Monsieur F et le 6 octobre2010 ;

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R.G. N°2009/AB/51784 16èmefeuillet

réforme le jugement en ce qu'il a déclaré non fondée la demanded'indemnité de protection en application de la loi du Il juin 2002 ;

statuant à nouveau sur cette demande, la déclare fondée et condamnele CHU BRUGMANN à payer à Madame. J la sommebrute de 22.981,11 €, à majorer des intérêts légaux et judiciaires àdater du 3 juillet 2006, avec interruption du cours des intérêts entre le17 mars 2010 (date à laquelle la cause était fixée pour plaidoiries et adû être reportée en raison d'une erreur d'agenda de MonsieurF ) etle 6 octobre 2010.

Reçoit l'appel incident et le déclare fondé dans la mesure ci-après précisée:

réforme le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit à la demande dedommages et intérêts pour licenciement abusif et a accordé 2.500 € dece chef à Madame] .J

statuant à nouveau sur cette demande, la déclare non fondée et endéboute Madame. JI

réforme le jugement en ce qu'il a condamné le CHU BRUGMANN àune indemnité de procédure de 3.000 €.

Confirme le jugement dont appel pour le surplus.

Condamne le CHU BRUGMANN aux dépens d'appel, liquidés à 0 €.

Ainsi arrêté par :

MmeL. CAPPELLINIM. M. POWIS DE TENBOSSCHEM. Ph. VAN MUYLDERAssistés deMmeM GRAVET

.~

Ph. VAN MUYLDER

Président de chambreConseiller social au titre d'employeurConseiller social au titre d'employé

Greffière

M. POWIS DE TENBOSSCHE

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R.G. W2009/AB/51784 ï 7ème feuillet

et prononcé àl'audience publique de la 4e chambre de la Cour du travail deBruxelles, le 1er décembre 2010, par:

" ~.

M.GRAVET

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