Qu’est-ce qu’une Scop?

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Force ouvrière hebdomadaire N° 3121 - 25 juin 2014 - 2 ertaines font la une des journaux: la compagnie maritime MyFerryLink, la librairie des Volcans à Clermont-Ferrand, l’usi- ne de thé Fralib… D’au - tres ne font pas parler d’elles mais se portent plutôt bien, comme le réseau parisien Alpha Taxis, le fabricant de jouets Moulin Roty ou le journal Alternatives Économiques. Toutes sont des Sociétés coopératives ouvrières de production (Scop), un modèle économique qui a le vent en poupe. Les salariés y sont les sociétaires et gouvernent démocrati- quement. Une part des bénéfices sert à assurer la pérennité de l’entreprise, une autre est reversée aux salariés et aux sociétaires. Le modèle n’est pas récent. Les coopératives ouvrières sont appa- rues au milieu du XIX e siècle. Mais elles sont l’objet d’un regain d’inté- rêt depuis la crise. Avec le système capitaliste, les inégalités s’accen- tuent alors que la richesse produite et consommée n’a jamais été aussi importante. À l’opposé, l’économie sociale et solidaire, dont sont issues les Scop, est plus juste et plus démocratique car elles sont indépendantes du capi- tal et de l’État. «Ces entreprises résis- tent aussi mieux à la crise car elles ne sont pas dans une logique du risque et du profit à tout prix», explique Anne Baltazar, Secrétaire confédérale chargée de l’économie sociale à la confédération Force Ouvrière. S’il existe une vingtaine de grosses coopératives, comme le groupe Chèque Déjeuner (voir encadré page 15), la majorité d’entre elles sont des petites structures de moins de 50 personnes. Les Scop sont au cœur du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), en cours de discussion au Parlement (voir encadré page 14), car elles peuvent constituer une issue pour de nombreuses entreprises en liquidation ou en cessation d’activi- té. Chaque année, environ 10% des PME s’éteignent faute de repreneurs. Et ce phénomène risque de s’accen- tuer car dans les dix ans à venir on estime que 700 000 patrons de PME, nés durant le baby-boom, partiront en retraite. INDÉPENDANCE DU CAPITAL En présentant son projet de loi en avril 2013, Benoît Hamon, ancien ministre de l’ESS, avait rappelé que 13 ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE AGIR évènements SAVOIR pratique RESPIRER culture MONTRER enquête Suite page 15 Alors que 10% des PME s’éteignent chaque année faute de repreneurs, la poursuite de l’activité par les salariés associés peut être une solution, dans certaines condi- tions. Pour tout savoir sur les coopératives ouvrières (Scop), la confédération FO organise un colloque le 27 juin. C Qu’est-ce qu’une Scop? Une Scop (Société coopérative et participative) est une société com- merciale, SA ou SARL, dont les actionnaires majoritaires sont les salariés. Ils exercent collectivement et démocratiquement la fonction d’entrepreneur. Tous les salariés ne sont pas forcément associés, mais tous ont vocation à le devenir. Ils doivent détenir au moins 51% du capital et 65% des droits de vote au conseil d’administration. La gouver- nance est démocratique, ils élisent leur dirigeant. Chaque sociétaire dispose d’une voix en assemblée générale, quel que soit le montant de sa participation au capital. La Scop désigne deux types de socié- tés, celles à statut Scop (Société coopérative ouvrière de production) et celles à statut Scic (Société coopé- rative d’intérêt collectif). Les mécanis- mes coopératifs et participatifs y sont identiques. Mais les Scic, encore peu nombreuses, associent au capital tous ceux qui souhaitent s’impliquer dans le projet: clients, bénévoles, collecti- vités territoriales, partenaires privés... Le statut des Scop est régi par la loi de 1978, qui fixe le nombre minimum d’associés, le plancher de l’apport initial et la répartition des pouvoirs et des bénéfices. Pour acquérir et conserver son statut, une Scop doit être inscrite sur une liste validée chaque année par le ministère du Travail, sous la responsabilité de la Confédération générale des Scop (CGSCOP). Les Scop sont exonérées de l’impôt sur les sociétés correspondant au montant de la participation salariale. Elles sont également exonérées de la contribution économique territoriale (ex-taxe professionnelle). Comme les autres entreprises, le but des Scop est de réaliser du profit. Mais au lieu de rémunérer les action- naires, les bénéfices sont partagés de façon équitable. Priorité est donnée à la pérennité de l’emploi et de l’entre- prise, ainsi qu’aux personnes qui la font vivre. Une part (au moins 25%) est redistribuée entre tous les sala- riés, sous forme de participation et d’intéressement. Une part (environ 10% et au maximum 33%) est versée aux salariés associés sous forme de dividendes. Une dernière part (au minimum 16%, mais en moyenne entre 40% et 45%) est consacrée à la pérennité des emplois et de l’entre- prise. Ces réserves sont impartagea- bles et définitives. À leur départ, les co-entrepreneurs récupèrent leur apport en capital, mais sans plus- value. Les Scop en chiffres 2 252 Scop emploient 45 700 salariés. 3,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013. 22% des Scop ont plus de 20 ans. Les Scop ont en moyenne 22 salariés, 93% ont moins de 50 salariés. 69% des Scop sont créées ex nihilo, 13% sont des reprises d’entreprises en difficulté, 13% sont des transmissions d’entreprises saines et 9% sont des transformations d’associations ou de coopératives. Le taux de pérennité des Scop est de 77% à trois ans (65% pour les entreprises classiques) et de 63% à cinq ans (contre 50%). 3121 13-15 Scop_page 02 23/06/14 20:20 Page1

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ertaines font la une desjournaux: la compagniemaritime MyFerryLink,la librairie des Volcans àClermont-Ferrand, l’usi-ne de thé Fralib… D’au -tres ne font pas parlerd’elles mais se portent

plutôt bien, comme le réseau parisienAlpha Taxis, le fabricant de jouetsMoulin Roty ou le journal AlternativesÉconomiques. Toutes sont des Sociétéscoopératives ouvrières de production(Scop), un modèle économique qui ale vent en poupe. Les salariés y sont lessociétaires et gouvernent démocrati-quement. Une part des bénéfices sert àassurer la pérennité de l’entreprise,une autre est reversée aux salariés etaux sociétaires.

Le modèle n’est pas récent. Lescoopératives ouvrières sont appa-rues au milieu du XIXe siècle. Maiselles sont l’objet d’un regain d’inté-rêt depuis la crise. Avec le systèmecapitaliste, les inégalités s’accen-tuent alors que la richesse produiteet consommée n’a jamais été aussiimportante.À l’opposé, l’économie sociale etsolidaire, dont sont issues les Scop,est plus juste et plus démocratiquecar elles sont indépendantes du capi-tal et de l’État. «Ces entreprises résis-tent aussi mieux à la crise car elles nesont pas dans une logique du risqueet du profit à tout prix», expliqueAnne Baltazar, Secrétaire confédéralechargée de l’économie sociale à laconfédération Force Ouvrière.

S’il existe une vingtaine de grossescoopératives, comme le groupeChèque Déjeuner (voir encadrépage 15), la majorité d’entre ellessont des petites structures de moinsde 50 personnes.Les Scop sont au cœur du projet deloi sur l’économie sociale et solidaire(ESS), en cours de discussion auParlement (voir encadré page 14),car elles peuvent constituer une issuepour de nombreuses entreprises enliquidation ou en cessation d’activi-té. Chaque année, environ 10% desPME s’éteignent faute de repreneurs.Et ce phénomène risque de s’accen-tuer car dans les dix ans à venir onestime que 700 000 patrons de PME,nés durant le baby-boom, partironten retraite.

INDÉPENDANCEDU CAPITAL

En présentant son projet de loi enavril 2013, Benoît Hamon, ancienministre de l’ESS, avait rappelé que

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Alors que 10% des PME s’éteignent chaque année faute derepreneurs, la poursuite de l’activité par les salariésassociés peut être une solution, dans certaines condi-tions. Pour tout savoir sur les coopératives ouvrières(Scop), la confédération FO organise un colloque le 27juin.

CQu’est-cequ’une Scop?Une Scop (Société coopérative etparticipative) est une société com-merciale, SA ou SARL, dont lesactionnaires majoritaires sont lessalariés. Ils exercent collectivementet démocratiquement la fonctiond’entrepreneur. Tous les salariés nesont pas forcément associés, maistous ont vocation à le devenir. Ilsdoivent détenir au moins 51% ducapital et 65% des droits de vote auconseil d’administration. La gouver-nance est démocratique, ils élisentleur dirigeant. Chaque sociétairedispose d’une voix en assembléegénérale, quel que soit le montant desa participation au capital. La Scop désigne deux types de socié-tés, celles à statut Scop (Société

coopérative ouvrière de production)et celles à statut Scic (Société coopé-rative d’intérêt collectif). Les mécanis-mes coopératifs et participatifs y sontidentiques. Mais les Scic, encore peunombreuses, associent au capital tousceux qui souhaitent s’impliquer dansle projet: clients, bénévoles, collecti-vités territoriales, partenaires privés...Le statut des Scop est régi par la loi de1978, qui fixe le nombre minimumd’associés, le plancher de l’apportinitial et la répartition des pouvoirs etdes bénéfices. Pour acquérir etconserver son statut, une Scop doitêtre inscrite sur une liste validéechaque année par le ministère duTravail, sous la responsabilité de laConfédération générale des Scop(CGSCOP). Les Scop sont exonérées de l’impôtsur les sociétés correspondant aumontant de la participation salariale.Elles sont également exonérées de la

contribution économique territoriale(ex-taxe professionnelle).Comme les autres entreprises, le butdes Scop est de réaliser du profit.Mais au lieu de rémunérer les action-naires, les bénéfices sont partagés defaçon équitable. Priorité est donnée àla pérennité de l’emploi et de l’entre-prise, ainsi qu’aux personnes qui lafont vivre. Une part (au moins 25%)est redistribuée entre tous les sala-riés, sous forme de participation etd’intéressement. Une part (environ10% et au maximum 33%) est verséeaux salariés associés sous forme dedividendes. Une dernière part (auminimum 16%, mais en moyenneentre 40% et 45%) est consacrée à lapérennité des emplois et de l’entre-prise. Ces réserves sont impartagea-bles et définitives. À leur départ, lesco-entrepreneurs récupèrent leurapport en capital, mais sans plus-value.

Les Scopen chiffres

2252 Scop emploient 45700 salariés.

3,9 milliards d’euros de chiffre d’affairesen 2013.

22% des Scop ont plus de 20 ans.

Les Scop ont en moyenne 22 salariés,93% ont moins de 50 salariés.

69% des Scop sont créées ex nihilo, 13%sont des reprises d’entreprises en difficulté,13% sont des transmissions d’entreprisessaines et 9% sont des transformationsd’associations ou de coopératives.

Le taux de pérennité des Scop est de77% à trois ans (65% pour les entreprisesclassiques) et de 63% à cinq ans (contre50%).

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La reconnaissance et le sou-tien envers l’économie sociale et

solidaire (ESS) étaient l’une despromesses de campagne du candidatFrançois Hollande. Un projet de loiest en cours d’examen au Parlement.Entre les mains de l’Assembléenationale en seconde lecture aprèsavoir été modifié par le Sénat, ilpourrait être adopté avant la trêveestivale.Le texte avait été présenté en Conseildes ministres en juillet 2013 parBenoît Hamon, alors ministre délé-gué chargé de l’ESS. Son ambitionétait de créer 100000 emplois dansle secteur. Encore mal connue du grand public,l’ESS regroupe environ 200000entreprises qui concilient une activitééconomique et une utilité sociale. Cesecteur est composé des associations,des mutuelles, des coopératives, desinstitutions de prévoyance, des fon-dations... Il représente 10% du PIB etprès de 10% des emplois en France,soit 2,36 millions de salariés. Ce projet de loi reconnaît pour lapremière fois l’ESS et définit sonpérimètre. Pour intégrer son champ,les entreprises et les organismes doi-vent justifier de la poursuite d’unobjectif d’utilité sociale, d’une gou-

vernance démocratique ou partici-pative et d’une gestion à but lucratiflimité ou encadré. Une définitiontrop large selon FO. LaConfédération craint qu’en ouvrantl’ESS à l’entreprenariat social, dontl’utilité et la finalité sociale sont àdémontrer, cette définition ne dissol-ve l’ESS dans le privé et n’abandon-ne ses valeurs et principes.

DROITD’INFORMATION

DES SALARIÉSPlusieurs points du projet de loiconcernent directement les Scop. Ilintroduit, pour les PME de moins de250 salariés, un droit d’informationpréalable du personnel. En cas decession de l’entreprise, les action-naires devront prévenir les salariésau moins deux mois à l’avance afinde leur permettre, s’ils le souhaitent,de formuler une offre de reprise.Cette proposition a reçu une forteopposition du MEDEF qui craint desrisques de divulgation de l’informa-tion.«C’est un nouveau droit importantmais on aurait attendu une deuxiè-me étape, la loi ne parle pas claire-

ment des Scop», déplore AnneBaltazar, Secrétaire confédéralechargée des Scop à la confédérationForce Ouvrière. Pour FO, cettemesure devrait être renforcée pardes dispositifs d’accompagnementde nature à sécuriser les salariésdans leur démarche. Le projet de loi introduit égalementle concept de Scop d’amorçage, quidonne le temps aux salariés de trou-ver les fonds nécessaires à la repri-se. Ils pourront rester temporaire-ment minoritaires, avec 30% ducapital au lieu de 51%, tout en res-tant décisionnaires avec la majoritédes votes. À l’issue de cette périodetransitoire, limitée à sept ans, ilsdevront rembourser les investisseursextérieurs. Enfin, ce texte crée unfonds d’investissement dédié auxScop. Par ce projet de loi, le gouverne-ment affiche son soutien à l’ESS etaux coopératives. Mais en coulis-ses, le budget de soutien à l’ensem-ble du secteur a baissé: de 5,08millions d’euros en 2013 à 4,82millions en 2014. Et le ministèredélégué à l’ESS, créé en 2012, a étéremplacé par un simple attribut dusecrétariat d’État au Commerce, àl’Artisanat et à la Consommation.

Trois questions à... Patricia Lexcellent,Secrétaire générale de la Confédérationgénérale des Scop (CGSCOP).

Quelle est la mission de la CGSCOP?Nous sommes un organisme professionnelindépendant. Au niveau national, notremission est de promouvoir et défendre lesstatuts Scop auprès des pouvoirs publics etdes acteurs politiques, économiques etsociaux. Nous coordonnons et animonsaussi un réseau de treize unions régionaleset trois fédérations de métiers qui accom-pagnent et conseillent les porteurs de pro-jets et les adhérents. Elles leur apportentune aide financière, juridique et une for-mation.

Quelles sont les conditions pour repren-dre une entreprise en Scop?En cas de cessation d’activité, cette solu-tion doit être de plus en plus étudiée, maisil y a plusieurs questions à se poser.Premièrement, il faut vérifier la viabilitééconomique du projet avec des experts.Deuxièmement, il faut trouver un diri-geant. Les salariés sont associés au conseild’administration ou au conseil de sur-veillance, mais un leader doit émerger. Ilfaut aussi regarder le projet de finance-ment, des outils existent. En cas de reprised’une entreprise en difficulté à la suited’une procédure collective, la Scop se faitsouvent avec les indemnités de licencie-ment et les allocations chômage. C’est dan-gereux, les salariés risquent de tout perdre,même leur droit au chômage. Enfin, la for-mation des salariés repreneurs et desaccompagnateurs est très importante.

On parle beaucoup de Scop en cemoment, est-ce un simple effet de mode?Il y a un mouvement de fond sociétal. Lesgens ont envie de donner un sens différentau travail et le mode coopératif y cor-respond mieux. Les salariés sont associésaux décisions, c’est plus attractif. Et l’affec-tation d’une part des résultats à l’entreprisepour constituer une réserve impartageablela consolide. Soixante-cinq pour cent desScop ne sont pas des reprises mais sontcréées ex nihilo.

«Investir sesindemnités delicenciement,

c’est dangereux»

Le stand Scop au salon des entrepreneurs.

Le projet de loi ESS

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Grèvechez

Photos: FHebdo -

Illust

chaque année il y a «de 50 000 à200 000 emplois détruits faute derepreneurs d’entreprises en bonnesanté, souvent des PME dont lepatron a mal préparé sa succession.Il faut aider ces salariés à se consti-tuer en société coopérative et parti-cipative». Son objectif était de dou-bler le nombre d’emplois en cinqans dans les Scop (voir encadré ci-dessus). Dans ce programme, les syndicatsont un rôle à jouer. Pour aider lesfédérations et les unions départe-

mentales FO à y voir plus clair, laConfédération organise, le 27 juin àParis, un colloque intitulé «La Scop,une alternative pour les salariés?».«Le but de cette journée, c’est qu’el-les aient le réflexe d’étudier la solu-tion Scop lorsqu’une entreprisecesse son activité, explique Chris -tophe Couillard, assistant confédéralchargé de l’économie sociale. Nousvoulons leur donner une boîte àoutils, qu’elles sachent à qui s’a-dresser. Notre rôle n’est pas de créerdes Scop, mais il pourrait être d’im-pulser un projet et de le coordon-ner.»

Attention, la Scop n’est pas non plusla solution miracle après un dépôtde bilan pour sauver l’emploi. «Pourque le projet de reprise par les sala-riés soit viable, un certain nombrede conditions doivent être remplieset notamment la viabilité écono-mique de l’entreprise, ajoute Chris -tophe Couillard. En cas d’échec, lessalariés, qui ont investi leurs indem-nités de licenciement, perdent leurboulot et leurs économies.»Dans les Scop aussi les syndicats ontun rôle à jouer. Ils sont là pour défen-dre les intérêts collectifs des salariés:les conditions de travail, la sécurité,

les salaires, l’égalité... «Il ne faut pasmettre n’importe qui à la tête del’entreprise, il faut une personne quisait gérer l’humain et l’entreprise,ajoute Christophe Couillard. Un bonsyndicaliste ne fait pas forcément unbon patron. Et le secrétaire du syndi-cat ne doit pas être patron de laScop, à chacun son rôle et saresponsabilité.»

Clarisse [email protected]

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Avec 2 300 salariés dans 14 pays et unchiffre d’affaires de 4,6 milliardsd’euros sans faire appel au marchéfinancier, le groupe ChèqueDéjeuner est la vitrine française desScop. La coopérative, créée en 1964par le militant FO Georges Rino, estdevenue le leader français et le numérotrois mondial des titres de services pré-payés. Elle édite des millions de Chèques Dé -jeuner, chèques emploi service, Chè -ques Vacances... Jusqu’à présent, seule la maison mère,Chèque Déjeuner, avec 400 salariésdont 362 sociétaires, développe tout legroupe, les filiales françaises (ChèqueVacances, Chèque Lire, chèques Ca -dhoc...) et internationales. Mais la Scopva être élargie à l’ensemble des filialesfrançaises, soit 800 salariés. Les filialesinternationales, en revanche, ne sontpas concernées.«Tous les salariés français ont déjà lesmêmes avantages sociaux, mais cet élar-gissement donnera plus de sens à la Scop»,estime Jacques Landriot, P-DG dugroupe. Chez Chèque Déjeuner, les salariéssont obligés de devenir sociétaires aubout d’un an. Ils sont associés aux déci-sions selon le principe une personne,une voix. Dans le partage des bénéfices,45% vont aux salariés, 45% à l’entre-

prise et 3% à une caisse de solidaritépour tous les salariés, y compris dans les40 filiales. Le montant de l’intéresse-ment est le même pour tous, de la stan-dardiste au P-DG, autour de 20000euros par an. Chaque sociétaire reversela moitié de cette somme à la Scop pourfinancer sa part.

SE SYNDIQUER,UN DEVOIR MORAL

En pleine expansion, le groupe envisa-ge de doubler son activité en quatre anset d’atteindre les 3000 salariés en 2018.Jacques Landriot partira en retraite le22 septembre, après quarante ans deprésence dont vingt-trois à la présiden-ce. Il est persuadé qu’il existe d’autresmoyens de gérer une entreprise que lemodèle capitaliste et il l’a prouvé. À sonarrivée, le groupe ne comptait que 35salariés et 252 lorsqu’il en a pris la pré-sidence. «Nous avons face à nous de gros groupescomme Sodhexo, nous sommes obligés denous développer pour ne pas disparaître»,explique-t-il. Pour plus de diversifica-tion, la stratégie repose sur les acquisi-tions à l’international, qui représentera65% du chiffre d’affaires en 2018 cont-re 35% actuellement. «C’est plus diffici-le pour nous, nous ne faisons pas appel aumarché financier, notre développement aété plus lent que celui de nos concurrents»,ajoute-t-il.Dans le groupe, se syndiquer est undevoir moral inscrit dans la conventioncollective. Le taux de syndicalisationatteint 70% chez Chèque Déjeuner et50% dans les filiales. «Même dans uneScop le dialogue social est important,même s’il est plus facile, estime-t-il. Lerôle des syndicats est d’alerter la directionet de signaler les problèmes. On ne lâchepas sur tout mais si on dit non, onexplique pourquoi.»

Chèque Déjeuner joue dansla cour des multinationales

Deux ans après avoir repris en Scopla compagnie SeaFrance, anciennefiliale de la SNCF liquidée en janvier2012, les 600 sociétaires de MyFerryLink sont dans la tourmente. L’entreprise, numéro trois des liaisonsmaritimes transmanche, est dans le colli-mateur de l’Autorité de la concurrencebritannique depuis un an. Cette derniè-re reproche à Eurotunnel, pro priétairedes bateaux et par ailleurs exploitant dutunnel sous la Manche, un abus de posi-tion dominante. Le 20 mai, elle a inter-dit, dans une décision prélimi naire, àMyFerryLink d’exploiter ses ferrys deDouvres vers Calais. Elle rendra trèsprochainement son avis définitif.«On ne se fait pas d’illusions sur cet avis,mais nous allons faire appel en espérantqu’il sera suspensif et nous comptonsensuite sur une intervention du gouverne-ment», explique Thierry Haxaire, délé-gué FO et officier mécanicien sociétairede MyFerryLink. En attendant, les marins poursuiventl’aventure. Tous les salariés souscontrat CDI sont sociétaires. Après unesouscription initiale de 50 euros cha-cun, ils reversent chaque mois 2% deleur salaire à la Scop. Le capital atteintdésormais 500000 euros. Sans l’aided’Eurotunnel, qui a racheté les bateaux65 millions d’euros pour les louerensuite à MyFerryLink, la Scop n’au-rait jamais vu le jour. Et sa situationreste précaire.

SACRIFICESDepuis qu’ils sont aux commandes,l’attitude des salariés a radicalementchangé. «Ils ont compris qu’ils tra-vaillent pour eux, ils ne comptent plusleurs heures et font attention à ce qu’ilsdépensent, les budgets ont baissé,explique le délégué FO. Il y a eu de réelssacrifices. Sur l’année, on a 30% de tra-vail en plus et 2% de salaire en moins.Des primes et des accords ont disparu,mais c’était ça ou on perdait tout.»

Il arrive que des conflits émergent,mais sans déboucher sur des grèvescomme auparavant. «Le président et ledirectoire prennent les décisions en touteindépendance, mais à tout moment leconseil de surveillance peut les faire tom-ber, ajoute Thierry Haxaire. Il y adavantage de débats et de démocratie,c’est intéressant mais ce n’est pas non plusévident car nous n’avons pas reçu de for-mation. Chacun doit rester raisonnable.»

Il a monté fin mars le syndicat FO,face au syndicat historique. «Au début,je pensais qu’un syndicat était inutiledans une Scop, mais ça reste une grosseentreprise et les chefs ne sont pas toujoursirréprochables, ajoute-t-il. C’est bien depeser dans les débats et que les salariés nese retrouvent pas seuls face à la direction.Mais sans l’esprit de la Scop, je n’auraisjamais franchi le pas.»

MyFerryLink

Une Scop dans la tempête

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