Qu’est-ce que la philosophie · PDF fileQu’est-ce que la philosophie ? –...

3
Qu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch 1 Qu’est-ce que la philosophie ? « En philosophie, l’appétit vient en pensant. » – Lucien Jerphagnon I. Étymologie Le mot philosophie vient du grec : PHILO = Amour SOPHIA = Sagesse / Connaissance La philosophie peut donc être définie comme l’amour de la sagesse et de la connaissance. II. Naissance de la philosophie La philosophie est née en Grèce vers le VIe siècle avant-JC quand certains grecs, encouragés par les débats publics, se sont émancipés de l'autorité de la tradition et ont commencé à élaborer une pensée libre et rationnelle. C'est sur le plan politique que la Raison, en Grèce, s'est tout d'abord exprimée, constituée, formée. L'expérience sociale a pu devenir chez les Grecs l'objet d'une réflexion positive parce qu'elle se prêtait, dans la cité, à un débat public d'arguments. Le déclin du mythe date du jour où les premiers Sages ont mis en discussion l'ordre humain, ont cherché à le définir en lui-même, à le traduire en formules accessibles à l'intelligence, à lui appliquer la norme du nombre et de la mesure. Ainsi s'est dégagée, définie une pensée proprement politique, extérieure à la religion, avec son vocabulaire, ses principes, ses vues théoriques. Cette pensée a profondément marqué la mentalité de l'homme ancien ; elle caractérise une civilisation qui n'a pas cessé, tant qu'elle est demeurée vivante, de considérer la vie publique comme le couronnement de l'activité humaine. Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque (1962) III. L’étonnement Il faut commencer par sentir ce que les choses ont d’étrange, d’inattendu, d’extraordinaire pour réellement s’intéresser à elles. Ceux – et ils sont nombreux ! –, qui considèrent que tout va de soi ne se posent pas de question et acceptent passivement le monde comme il est, sans l’interroger, sans s’embêter à le comprendre dans ce qu’il peut avoir de bizarre et d’énigmatique. Au contraire, pour que la philosophie puisse apparaître, il faut avant toute chose que l’homme s’étonne sur le monde et sur lui-même : C'est par l'étonnement que les hommes, hier aussi bien qu'aujourd’hui, commencèrent à philosopher, en s'étonnant d'abord de ce qu'il y avait d'étrange dans les choses banales. Apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance. – Aristote IV. Savoir pour mieux vivre La philosophie n'est pas une discipline purement spéculative ; le savoir est recherché par les philosophes afin qu'ils puissent mieux diriger leur vie. Le but de la philosophie est donc essentiellement pratique ; c'est une démarche fondée sur le principe qu'en solidifiant notre savoir nous pouvons accroître notre bonheur.

Transcript of Qu’est-ce que la philosophie · PDF fileQu’est-ce que la philosophie ? –...

Page 1: Qu’est-ce que la philosophie · PDF fileQu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch 2 La vie de la connaissance est la vie heureuse en dépit de la misère

Qu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch

1

Qu’est-ce que la philosophie ?

« En philosophie, l’appétit vient en pensant. » – Lucien Jerphagnon

I. Étymologie

Le mot philosophie vient du grec :

PHILO = Amour

SOPHIA = Sagesse / Connaissance

La philosophie peut donc être définie comme l’amour de la sagesse et de la connaissance.

II. Naissance de la philosophie

La philosophie est née en Grèce vers le VIe siècle avant-JC quand certains grecs, encouragés par les débats publics, se sont émancipés de l'autorité de la tradition et ont commencé à élaborer une pensée libre et rationnelle.

C'est sur le plan politique que la Raison, en Grèce, s'est tout d'abord exprimée, constituée, formée. L'expérience sociale a pu devenir chez les Grecs l'objet d'une réflexion positive parce qu'elle se prêtait, dans la cité, à un débat public d'arguments. Le déclin du mythe date du jour où les premiers Sages ont mis en discussion l'ordre humain, ont cherché à le définir en lui-même, à le traduire en formules accessibles à l'intelligence, à lui appliquer la norme du nombre et de la mesure. Ainsi s'est dégagée, définie une pensée proprement politique, extérieure à la religion, avec son vocabulaire, ses principes, ses vues théoriques. Cette pensée a profondément marqué la mentalité de l'homme ancien ; elle caractérise une civilisation qui n'a pas cessé, tant qu'elle est demeurée vivante, de considérer la vie publique comme le couronnement de l'activité humaine.

Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque (1962)

III. L’étonnement

Il faut commencer par sentir ce que les choses ont d’étrange, d’inattendu, d’extraordinaire pour réellement s’intéresser à elles. Ceux – et ils sont nombreux ! –, qui considèrent que tout va de soi ne se posent pas de question et acceptent passivement le monde comme il est, sans l’interroger, sans s’embêter à le comprendre dans ce qu’il peut avoir de bizarre et d’énigmatique. Au contraire, pour que la philosophie puisse apparaître, il faut avant toute chose que l’homme s’étonne sur le monde et

sur lui-même :

C'est par l'étonnement que les hommes, hier aussi bien qu'aujourd’hui, commencèrent à philosopher, en s'étonnant d'abord de ce qu'il y avait d'étrange dans les choses banales. Apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance. – Aristote

IV. Savoir pour mieux vivre

La philosophie n'est pas une discipline purement spéculative ; le savoir est recherché par les philosophes afin qu'ils puissent mieux diriger leur vie. Le but de la philosophie est donc essentiellement pratique ; c'est une démarche fondée sur le principe qu'en solidifiant notre savoir nous pouvons accroître notre bonheur.

Page 2: Qu’est-ce que la philosophie · PDF fileQu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch 2 La vie de la connaissance est la vie heureuse en dépit de la misère

Qu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch

2

La vie de la connaissance est la vie heureuse en dépit de la misère du monde. – Wittgenstein

V. Réflexivité et critique

En philosophant, nous sommes souvent amenés à réaliser un retour de la pensée sur elle-même : de même que les miroirs réfléchissent notre image, la philosophie nous fait voir le mouvement de notre pensée.

Savoir, c’est savoir qu’on sait. La réflexion n’est pas un accident de la pensée, mais toute la pensée. [...] Tous les matins n’importe quel homme reconstruit le monde ; tel est le réveil, telle est la conscience ; et tous les matins le philosophe, par un réveil redoublé, admire ce réveil même. – Alain

Puisque la philosophie réfléchit la pensée de l’homme, elle a également une fonction critique, qui consiste essentiellement à prendre du recul sur soi et à fixer les limites de ce que l’homme peut faire et penser. Ainsi, avec la philosophie, l’homme se juge et mesure ses forces et ses faiblesses.

VI. La lutte contre les fausses croyances

Le philosophe combat pour la vérité, et c’est pourquoi il est de son devoir de lutter contre toutes les formes de croyances fausses qui prennent la forme de superstitions, d’idéologies, de fanatismes, qui non seulement nuisent à la transmission du véritable savoir, mais aussi et surtout qui blessent l’humanité en engendrant des tragédies. Contre tous les prophètes, idéologues et charlatans, qui abaissent l’homme en introduisant en lui l’erreur et le fanatisme, le philosophe élève l’homme en développant sa capacité à douter des idées avant de servilement les admettre. En servant le savoir, le philosophe sert l’humanité.

En un mot, moins de superstitions, moins de fanatisme ; et moins de fanatisme, moins de malheurs. – Voltaire

VII. La triade du Vrai, du Beau et du Bien

Les philosophes à travers l’histoire se sont donnés des objets d’étude d’une impressionnante variété si bien qu’il est impossible de délimiter avec précision un objectif unique à leurs efforts.

Cependant, malgré leurs importantes différences, on peut reconnaître une unité dans leur démarche en ce qu’ils cherchent tous, d’une manière ou d’une autre, à se rapprocher du Vrai, du Beau, et du Bien.

En recherchant des vérités et en s’efforçant de comprendre leurs conditions de possibilités, le philosophe s’approche du Vrai ; en étant attentif à la beauté unique de chaque chose et de chaque instant, il se rapproche du Beau ; en essayant de concevoir la justice la plus parfaite possible et en luttant pour rendre concrètement le monde plus juste, il se rapproche du Bien.

Certains philosophes privilégient un idéal par rapport à l’autre, mais la plupart du temps, ces trois valeurs essentielles sont unies dans le même élan ; car c’est en fortifiant notre savoir qu’on cultive le mieux notre sagesse, c’est en comprenant le monde qu’on en cerne

mieux les beautés. Le philosophe est celui qui porte le plus loin l’exigence de vérité, de beauté et de justice dans le but d’améliorer sa vie et celle de ses semblables.

Page 3: Qu’est-ce que la philosophie · PDF fileQu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch 2 La vie de la connaissance est la vie heureuse en dépit de la misère

Qu’est-ce que la philosophie ? – Cours de philosophie de M.Basch

3

VIII. Les grandes questions de la philosophie

D'après Emmanuel Kant, le questionnement philosophique peut se diviser schématiquement en quatre grandes questions :

Que puis-je savoir ?

Que dois-je faire ?

Que m’est-il permis d’espérer ? Qu’est-ce que l’homme ?

IX. Comment apprendre à philosopher ?

La philosophie n’est pas un savoir statique qu’il suffirait d’ingérer et de mémoriser. Comme le dit Kant, on ne peut pas apprendre la philosophie, on ne peut qu’apprendre à philosopher :

Bref, l’élève ne doit pas apprendre des pensées, mais apprendre à penser ; on ne doit pas porter l’élève, mais le guider, si l’on veut qu’à l’avenir il soit capable de marcher de lui-même. L’enfant, au terme de sa scolarité, était habitué à apprendre. Il pense maintenant qu’il va apprendre la philosophie, mais c'est impossible, car il doit désormais apprendre à philosopher. – Kant

Cependant, c’est uniquement en nourrissant notre intelligence des pensées des autres – et notamment de la pensée des grands auteurs – que l’on peut espérer progresser humblement dans la quête du Vrai, du Beau, et du Bien.

L'orgueilleux qui prétend bien penser uniquement par son propre effort, sans s'appuyer sur les pensées de ses semblables, finit toujours par débiter des lieux communs et émettre des idées fausses sans s'en apercevoir. C’est seulement après être parvenus à respecter et à comprendre la pensée des autres que nous pouvons réellement penser par nous-même.

X. Vivre à propos !