Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

26
« La langue française, je le redis avec force, n'appartient pas à la bourgeoisie. Elle est notre héritage à tous, ou devrait l'être. En entier. À notre manière, soit, mais pas à moitié. » (-- Georges Dor, Ta mé tu là, Lanctôt éditeur) Les textes qui suivent ont pour la plupart été publiés dans la bluette au cours des années 2004 à 2007. Tantôt amusants, tantôt moins, ces textes originaux de l'auteur de la bluette et du fricot, ou repris de sites Internet ou tirés de livres déjà parus, ont pour objectifs d'informer, d'encourager un meilleur usage de la langue française et, oui, parfois de dénoncer celles et ceux qui la torturent à grands coups de plume et de microphone. Les sorties de l'auteur participent du désir de provoquer une prise de conscience sur la nécessité de maîtriser sa langue, écrite et parlée, et peut-être même de renverser la tendance je-m'en-foutiste des dernières années, qui a trop souvent pour résultats la glorification d'un vocabulaire limité à des euh... ben... t'sé, moué, là... (une certaine Denise Bombardier parlait d'un « langage de demeuré ») et l'application lamentable, à l'écrit, de ce qui est à l'évidence enseigné maladroitement de nos jours. La langue est la vitrine de notre culture. Elle mérite un minimum d'attention et de respect, sans parler de l'obligation que nous avons de laisser en héritage à nos enfants une langue française intacte, qui leur permettra de s'exprimer avec confiance dans l'univers francophone sans devoir répéter trois fois pour être compris. Quessé qu'y dit ? n'appartient pas à l'avenir le le fricot fricot 16 août 2009 produit par [email protected] Dossier

description

Dossier sur la langue française maltraitée

Transcript of Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

Page 1: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

« La langue française, je le redis avec force, n'appartient pas à la bourgeoisie. Elle est notre

héritage à tous, ou devrait l'être. En entier.À notre manière, soit, mais pas à moitié. »

(-- Georges Dor, Ta mé tu là, Lanctôt éditeur)

Les textes qui suivent ont pour la plupart été publiés dans la bluetteau cours des années 2004 à 2007. Tantôt amusants, tantôt moins,

ces textes originaux de l'auteur de la bluette et du fricot, ou repris de sites Internet ou tirés de livres déjà parus, ont pour objectifs d'informer,

d'encourager un meilleur usage de la langue française et, oui, parfois dedénoncer celles et ceux qui la torturent à grands coups de plume

et de microphone.

Les sorties de l'auteur participent du désir de provoquer une prise de conscience sur la nécessité de maîtriser sa langue, écrite et parlée,

et peut-être même de renverser la tendance je-m'en-foutiste des dernières années, qui a trop souvent pour résultats la glorification d'un vocabulaire limité à des euh... ben... t'sé, moué, là... (une certaine Denise Bombardierparlait d'un « langage de demeuré ») et l'application lamentable, à l'écrit,

de ce qui est à l'évidence enseigné maladroitement de nos jours.

La langue est la vitrine de notre culture. Elle mérite un minimumd'attention et de respect, sans parler de l'obligation que nous avons

de laisser en héritage à nos enfants une langue française intacte,qui leur permettra de s'exprimer avec confiance dans l'universfrancophone sans devoir répéter trois fois pour être compris.

Quessé qu'y dit ? n'appartient pas à l'avenir

lele fricotfricot 16 août 2009produit par

[email protected]

Dossier

Page 2: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca - dossiers)

Une personne n'est pas une chose(la bluette, 5 février 2007)

Rappel amical à celles et ceux qui emmènent leur lunch au bureau, mais qui apportent leur enfant à l'école. J'emmène ou j'amène une personne (ou un animal), mais j'emporte ou j'apporte une chose. Emporter une chose ou emmener une personne, ça se fait au point de départ; apporter une chose ou amener une personne, ça se fait au point d'arrivée. En quittant la maison, j'emmène mon enfant et j'emporte mon lunch; arrivé à l'école, j'annonce à l'enseignant que j'amène (ou que je lui amène) le petit; puis je « monte en haut » et, sourire en coin, je ne dis pas à la blonde (ou au brun, c'est selon), qui veut m'emmener dîner, que j'ai apporté mon lunch.

Et encore le béquer bobo(la bluette, 22 janvier 2007)

« Aujourd'hui, ce s'ront des rafales qui prendront la relève. »Ce beau ron-ron-qui-qui-ron-ron n'est pas sorti de la bouche d'un élève du primaire en train de battre un ballon dans la cour d'école, mais bien d'une journaliste adulte qui s'adressait aux téléspectateurs (20 janvier) de Radio-Quénada. Voyons si on peut dire la même chose, mais comme un grand : « Aujourd'hui, des rafales prendront la relève. » Quand on est payé (et bien payé) pour faire un usage public de la langue française, à l'oral comme à l'écrit, on devrait laisser à la maison les élans

enfantins et pas toujours intelligibles de la langue du béquer bobo.

La virgule, amie de la pause(la bluette, 23 janvier 2006)

La virgule porte en elle un message de juste milieu. Pourquoi ? Parce que la personne qui vous dit que la virgule est en tout temps figée par des règles se trompe peut-être, et parce que l'autre, qui vous dit qu'on peut faire tout ce qu'on veut avec la virgule, se trompe peut-être elle aussi.

« La ponctuation relève, d'une part, du libre choix de celui qui écrit et, d'autre part, de certaines règles d'usage; celles-ci ne doivent pas être négligées, car la ponctuation est porteuse d'information.

La ponctuation correspond le plus souvent aux pauses à l'oral, ou plus exactement aux changements d'intonation. Non seulement la ville organise un festival, et un festival de qualité, mais il y a également...La ponctuation est porteuse de sens : Le chien, qui jappe, a faim. Le chien qui jappe a faim.

La première phrase signifie qu'il y a un seul chien, qu'il a faim et qu'il jappe. La seconde signifie que, parmi plusieurs chiens, il y en a un qui a faim : celui qui jappe. »

(-- Dictionnaire des difficultés du français d'aujourd'hui, Larousse, Paris, 1998)

Page 3: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Quand on n'est pas sûr, on est plus prêt à revenir au plus rapide que de se porter en attaque (un commentateur sportif)

(la bluette, 31 juillet 2006)

En 1996, le chansonnnier et romancier Georges Dor écrit Anna braillé ène shot (Lanctôt éditeur), « petit livre teinté d'humour et de tristesse sur [la pauvreté de] la langue parlée des Québécois », dans lequel il supplie les responsables de l'éducation de s'intéresser davantage à la qualité du français enseigné dans les écoles. Il s'attire alors les foudres d'une dizaine de linguistes qui lui reprochent de dénigrer le bon peuple et de vouloir imposer le perler parisien bourgeois au détriment d'une variété particulière de la langue française. (ndlb : quiconque a déjà tenté de promouvoir un bon français, écrit et parlé, connaît trop bien ce type d'accusations aussi faciles qu'injustifiées).

L'auteur répond l'année suivante dans un livre intitulé Ta mé tu là ? (Lanctôt éditeur). Épilogue :

« Il a fallu à nos ancêtres des trésors d'imagination, d'intelligence et de courage pour survivre à la Conquête; repliés sur eux-mêmes, héritiers d'une des grandes cultures du monde occidental, groupés autour de leurs clochers, ils se sont transmis de génération en génération leur savoir de paysans, leurs musiques, leurs danses, leurs chants... et leur langue, notre langue maternelle (...) Jamais je ne pense à eux sans émotion et admiration, car ils ont duré et enduré, silencieux et bienséants...

Quand l'Univers qui leur était inaccessible nous a rejoints, avec ses moyens de communication de masse, téléphone, radio, télévision, informatique, Internet, nous avons progressivement pris la parole. Mais on ne peut prendre la parole qu'avec les mots qu'on a. Même pour parler d'autre chose.

... Mais je ne ferais pas honneur à mes ancêtres et ne rendrais pas service à mes enfants et petits-enfants si je n'exigeais pas d'eux l'effort nécessaire à l'amélioration constante de leur langage. Me traiterez-vous de bourgeois pour autant ? La langue française, je le redis avec force, n'appartient pas à la bourgeoisie. Elle est notre héritage à tous, ou devrait l'être. En entier. À notre manière, soit, mais pas à moitié.

Nous parlons mal, nous bafouillons trop souvent, nous manquons surtout de vocabulaire. N'en faisons pas une tragédie, mais admettons-le, et plutôt que de faire des entourloupettes sociolinguistiques, apprenons à nos enfants à lire, à écrire et à parler la langue française. Encore une fois avec nos particularités, bien sûr, mais française.

Et que mes linguistes ne viennent surtout plus nous parler de la bourgeoisie de France ou de Navarre... ou de New York. C'est ici que tout se passe et c'est ici que le temps passe.

Et qu'il presse aussi... »

Georges Dor(photo : Antoine Désilets)

www.litterature.org/recherche/ecrivains/dor-georges-176/

Page 4: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Entre l'accent respectable et la langue mutilée(André R. Gignac, La Presse, Montréal, 6 mars 2002)

L'on ne peut qu'être d'accord avec monsieur Alain Stanké lorsque, prenant la défense de notre accent (« Les accents ont toujours tort », La Presse, 2 mars), il harponne l'animateur français Thierry Ardisson, une espèce de fat de haut bord qui s'en est pris à notre beau parler.

Monsieur Stanké a bien raison de dire qu'avoir un accent, ce n'est pas... grave, et le nôtre, c'est connu, ne manque pas de charme. Mais l'éditeur aurait pu en profiter pour distinguer le coloris de

notre accent du lamentable traitement dont la langue française est victime chez nous, par ceux-là mêmes qui sont bien payés pour en faire un usage public.

Allusion est faite ici à tous ces personnages qui occupent des fonctions pour lesquelles on devrait être en droit d'exiger d'eux qu'ils aient déjà consulté un dictionnaire : à des représentants d'organismes et d'entreprises incapables de construire une phrase qui s'entend; à des professeurs d'université impuissants devant un texte bien écrit; aux brillantes lumières du monde de la publicité qui trouvent tout naturel d'utiliser leur génie à nous balancer des réclames publicitaires dans une langue réduite à ses contours les plus arides; à des animateurs radiophoniques « cool et hot my baby », jovialement vautrés dans un langage de cour d'école primaire (quessé ?); aux journalistes des principaux bulletins d'information télévisés (oui, à Radio-Canada aussi) incapables de faire les conjugaisons les plus élémentaires (la lettre qu'elle a écrit; la chose qu'il a fait) et qui, à l'image d'animateurs d'émissions sportives qui n'en ont que pour la « game », le « coach » et le « goalie », ne savent toujours pas à leur âge que certains mots demandent le genre féminin (UN équipe, UN auto, UN enquête...).

C'est ainsi que, formés, divertis et informés par de glorieux illettrés qui vantent à tour de bras les vertus de la médiocrité, nous prêtons le flanc à des regards amusés et à des remarques désobligeantes de visiteurs qui, éberlués, en viennent à n'être plus capables de faire la différence entre l'accent respectable d'une majorité et la langue mutilée, mi-jouale et mi-américaine, d'une minorité qui, elle, tient le microphone et parfois la plume. C'est probablement ce qui a piégé monsieur Ardisson, tout suffisant fût-il.

Alors, vous avez bien raison, Monsieur Stanké, notre accent n'est pas grave, parce que nous avons un problème autrement plus aigu !

Page 5: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

On va essayer de trouver ça prendrait qui... ( - un journaliste)(la bluette, 31 juillet 2006)

En 1998, Georges Dor revient à la charge avec Les qui qui et les que que, ou le français torturé à la télé (Lanctôt éditeur), autre petit livre traitant cette fois du français avarié servi par les « professionnels » de la télévision. Voici quelques perles – son livre en contient des centaines – avec, entre parenthèses, les remarques, parfois juteuses, de l'auteur. (Note du fricot : Georges Dor nous a quittés le 24 juillet 2001).

À TVA

-- « Y'a des artistes qui se sont solidifié les coudes. » (Et soudé les pieds, peut-être ?)-- « Le véhicule a perdu le contrôle. » (Le conducteur en a perdu la tête.)-- « Vous allez aller dans la famille de » (Pourquoi n'iriez-vous pas, plutôt que d'aller y aller ?)-- « Des rumeurs alimentent la région de Boston. » (On sait bien que des rumeurs ne peuvent alimenter une région.)-- « La plupart seront tous interrogés. » (Devinez combien échapperont à l'interrogatoire.)-- « Vous avez très raison. » (Ce pourrait-il que le journaliste ait un peu tort ?)

À RADIO-CANADA

-- « Et de d'autres cas semblables. » (Les « de de » se suivent et ne se ressemblent pas.)-- « Parce que la garderie, ça va être la première fois qu'y va y en avoir une. » (J'espère qu'on y apprendra aux petits enfants à construire des phrases.)-- « Attendez-vous à une petite épisode de neige. » (ÉPISODE : nom masculin.)-- « C'est un petit peu un problème qui a été, on a trop parlé de d'ça les Sudafed. » (Faites-vous votre propre idée à ce sujet.)-- « Il se sent poursuivi par en arrière. » (Et pourchassé par en avant, peut-être ?)-- « Mais les dés étaient pipés d'avance. » (Il est très rare qu'on les pipe après.)

À RADIO-QUÉBEC

-- « Trouver les écoles qu'en grande majorité les difficultés sont là. » (Il n'y a pas que des écoles en difficulté, il y a aussi des journalistes.)-- « On a faite ce qu'on a dit qu'on était pour faire. » (Et on a dit ce qu'on avait à dire comme on a pu.)

À TQS

-- « Le résultat n'est pas encore terminé. » (Malheureusement, les études du reporter le sont.)-- « C'était plus que dans les 24 derniers mois mis ensemble. » (Et les deux dernières années séparées ?)-- « Elle s'est enroulé le cou dans la corde. » (L'animateur s'est enroulé dans sas phrase.)

Page 6: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Mais vous n'avez encore rien lu !(la bluette, 30 octobre 2006)

Une correspondante fournit parfois à la bluette des trouvailles qui méritent d'être partagées. Cette fois, il est question des insignifiances qui en 2006 sont sorties de la plume ou de la bouche de l'élite de demain, c'est-à-dire d'étudiants... au baccalauréat ! Il est préférable de penser qu'ils l'ont fait exprès, peut-être pour s'amuser aux dépens de leurs professeurs. Voyez tout de même :

-- Les amazones étaient comme les femmes, mais encore plus méchantes.

-- Jeanne d'Arc voyait des apparitions invisibles.

-- François 1er était le fils de François 0.

-- Louis XV était l'arrière petit-fils de son oncle Louis XIV.

-- La mer des Caraïbes baigne les lentilles françaises.

-- L'eau de mer sert, en particulier, à remplir les océans.

-- Les quatre points cardinaux sont le haut, le bas, l'est et l'ouest.

-- Au pluriel, on dit des « cristaux » car il y a plusieurs cristals.

-- À la fin de sa vie, l'écrivain Hemmingway s'est suicidé pour mettre fin à ses jours.

-- La loi des probabilités s'appelle ainsi car on n'est pas sûr qu'elle existe.

-- Plus le train ralentit, moins sa vitesse est plus grande.

Un petit signe peut compliquer les choses(la bluette, 11 septembre 2006)

Il ne faut pas négliger les petits signes, en français. Ce n'est pas parce qu'ils sont petits qu'ils ne sont que décoratifs. Un simple trait d'union peut changer le sens d'une phrase. Un exemple : vous cherchez une nouvelle voiture ?

-- Trouvez-la grâce au Salon de l'auto

puis enlevez le trait d'union et voici ce que ça donne :

-- Trouvez la grâce au Salon de l'auto. (-- www.pincetonfrancais.be)

Quessé qu't'aime mieux que l'monde te parle de ?(la bluette, 6 février 2006)

L'ANNÉE : 2006. L'ENDROIT : Canada (Québec). LE DIFFUSEUR : Radio-Canada.LA SCÈNE : question d'un animateur (Louis-José Houde) à son invité.

Les télévisions de la francophonie, qui voulaient diffuser l'entrevue, ont dû faire appel à des linguistes et à des anthropologues. Mais devant l'incompréhension générale persistante, elles ont fini par sous-titrer très approximativement cette question profonde.

Page 7: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Siéger SUR le comité, c'est comme s'asseoir AU trône(la bluette, 9 octobre 2006)

L'ancien patron de Radio-Canada, Guy Fournier, en sait quelque chose. Quand Nature fait signe qu'elle désire une petite conversation, on répond généralement comme on nous l'a appris, ou comme on le sentirait de toute façon, poussés par le petit animal qui nous habite, c'est-à-dire en s'asseyant SUR le trône. Mais pour les messages politiques et communautaires, il est toujours possible de siéger AU comité (scatologique ?) ou AU conseil (de recyclage ?). Qu'importe ce que nous entendons trop souvent du voisin et des journalistes de la télévision, il

faut savoir que siéger SUR le trône n'a rien à voir avec siéger AU comité d'administration.

Avez-vous déjà essayé, vous, d'asseoir votre derrière SUR un comité ? Sûr que non. On ne siège pas SUR un comité, mais bien AU comité; on n'est pas élu SUR un comité, mais bien AU comité.

Ce trou m'intéresse(la bluette, 11 septembre 2006)

L'employeur, qui était à la recherche de candidats, prit une pelle graaaannnnnde comme ça ! Il fallait qu'elle fût de bonne mesure, cette pelle, et capable de soulever beaucoup de terre, car le poste était large et profond. En vérité, le poste était... comment dire... un trou. Un poste, on peut le pourvoir, mais on ne peut le combler. Mais n'allons pas nous y tromper : on peut vraiment combler un trou... avec beaucoup de terre.

Bien sûr, il n'y a personne d'irremplaçable, et pour dire comme l'autre, les cimetières sont remplis de gens irremplaçables. On comprend tout de même que le départ d'une personne peut parfois laisser un trou... et souvent tout un ! Mais faut-il combler le trou pour la remplacer ? Un poste, celui d'une présidence, on peut le pourvoir, mais on ne peut le combler, surtout, ma foi, si ça doit se faire par élection ! Avez-vous déjà vu un électeur avec une pelle, vous ?

À moins qu'on soit vraiment à la recherche d'un bouche-trou. Alors là, comblons ! Sortons la pelle, et qu'elle soit assez grande pour boucher – pardon – pour combler le trou – pardon – le poste. On peut pourvoir un poste, mais on comble un trou. C'est pour dire : si vous êtes à la recherche d'un emploi et qu'un employeur vous offre de combler le poste... alors là, méfiez-vous, et assurez-vous tout de suite qu'il ne s'agit pas plutôt d'un trou !

On peut pourvoir un poste, mais on comble un trou, comme le poste jadis occupé par la personne qui occupe maintenant un gros trou et qu'on cherche à remplacer en pourvoyant le poste pour combler le trou.

Et dire que la simple consultation d'un dico nous éviterait de combler des trous quand on veut tout simplement pourvoir des postes.

Page 8: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Un tu-vas-aller vaut-il mieux qu'unfutur simple tu iras ?(la bluette, 11 septembre 2006)

Pendant que des spécialistes de la langue proposent de la défigurer à petit feu et à peu de frais, à coups d'accenticides et de courbettes historico-blabla-socio-blabla-linguistiques-blabla, nous semblons faire nous aussi un petit effort en ce sens. Vous l'aurez sans doute déjà remarqué en écoutant des locuteurs francophones encore prisonniers du langage de l'enfance :

Je m'en vais m'en aller faire...

On va aller leur dire

Vous allez aller vous amuser

Tu vas aller jouer

Elle va s'en aller

Serait-il à ce point difficile de dire plutôt :

Je ferai...

On leur dira

Vous irez vous amuser

Tu iras jouer

Elle s'en ira

Mais quel est donc ce bébé-parler, à la mode du là-là-là, avec le verbe aller suivi d'infinitifs toutes-directions et à toutes les sauces, qui donne des va-devoir-aller plutôt déconcertants ? À force d'aller-aller, de va devoir aller faire, d'aller s'en aller jouer, de va falloir aller là, d'aller partir et d'aller revenir, on n'ira pas bien loin. Décidément, il va falloir aller faire une visite dans nos écoles pour s'en aller voir ce qui se dit durant les cours de français...

bonjourchicago.com

Page 9: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

La nécessité de maîtriser son françaisserait – enfin ! - admise(la bluette, 3 octobre 2005)

L'importance, voire la nécessité, de maîtriser la langue française aurait fait son bout de chemin chez les employeurs, les chercheurs d'emploi et les étudiants. C'est du moins ce que rapporte le magazine Jobboom dans sa dernière livraison.

Marie-Éva de Villers, auteure du Multidictionnaire de la langue française, croit que la préoccupation nouvelle des employeurs pour un français de qualité agit comme un stimulus : « Dans les années 1980, les entreprises faisaient preuve d'une certaine nonchalance face à la qualité de la langue, prétextant qu'on arrivait à se comprendre en dépit de formulations approximatives. Comme si les mots pouvaient être utilisés de façon aléatoire sans que cela porte à conséquence ! Mais aujourd'hui, bon nombre de compagnies font de la maîtrise du français une priorité parmi leurs critères de recrutement. »

D'ajouter Gérald Paquette, chef des communications et porte-parole de l'Office québécois de la langue française, « les entreprises sont de plus en plus chatouilleuses à l'égard de la qualité de la langue, car le souci de l'excellence du français est souvent associé à l'excellence de leurs produits. » Un rapport, une publicité ou un manuel bourré de fautes sème le doute quant à la valeur du contenu ou du produit.

Pourtant, des problèmes persistent. « Nous relevons tellement de fautes que nous ne les voyons plus », a déclaré Hélène Hudon, conseillère en ressources humaines. Sa collègue Cynthia Guay renchérit : « Les candidats présentent des lacunes énormes en français, particulièrement ceux âgés de 20 à 35 ans. ... Certains résultats sont si mauvais qu'on refuse de recommander le postulant, même s'il répond à tous les critères de l'employeur. »

L'article souligne aussi certains faits historiques : ... en 1986, l'explosion de la navette Challenger fut causée en partie parce que la note d'un ingénieur, à propos d'une pièce défectueuse, avait été rédigée dans un jargon incompréhensible.

(-- Le français au boulot – À vos Grévisse !, Marie-Hélène Proulx, Jobboom, 15 sept.-15 oct 2005, p. 11)

Page 10: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Mot qui rime avec grenouille(la bluette, 21 mars 2005)

C'est aujourd'hui mardi, on apprend à rimer...

En premier c'est Karen qui ose s'essayer.Elle se rend au tableau, prend la craie et écrit,Sous le regard charmé de son ami Cricri :

J'ai pensé ce matin, mangeant mes céréales,Quand je serai grande j'irai à Montréal.Tout le monde applaudit, ça rime, c'est parfait !Alors Toto se lève et tente son effet :

Hier, je me suis baigné dans la mare aux grenouilles,Et puis j'ai eu de l'eau jusqu'à mes deux genoux.La maîtresse soupire et se dit qu'il est nouille...Elle indique à Toto qu'il rime comme un gnou.

Voilà l'autre qui nie, s'insurge et crie bien haut :Mais qu'est-ce que j'y peux, moi, s'il y manquait d'eau ?

À bas le simglish !(la bluette, 24 octobre 2005)

Le Dicomoche (www.dicomoche.net) en a contre les mauvaises langues, plus particulièrement contre le simglish, qui n'est pas du franglais, mais du n'importe quoi. « Ce qu'on appelle les faux-amis pour les traductions semblent être une mine d'or pour ceux qui tiennent à faire croire qu'ils sont très à l'aise dans la langue de la puissance dominante. On a vu ainsi l'acteur Gérard Depardieu connaître de sérieux ennuis aux USA pour avoir déclaré en son anglais approximatif avoir prêté assistance à un viol (il avait dit : « I assisted »). » Voici le pire du simglish : checker (vérifier), forwarder (transmettre, faire suivre), download (télécharger), mail (courriel), package (offre groupée de biens ou de services), un News (un magazine d'information); packaging (emballage), folder (dossier).

caplibre.over-blog.com

Page 11: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Permettez que je vous raconte, Madame la Commissaireaux langues officielles(la bluette, 20 juin 2005)

Oui, même une publication peut rêver. C'est ce qui est arrivé à la bluette, qui dans un songe recevait une note du ministère responsable du Guichet emplois, c'est-à-dire Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). La note, rêvait-elle, avait fait l'objet d'une traduction vers le français par un système de traduction automatique, comme c'est d'ailleurs le cas pour à peu près tout ce qui paraît, dans la vraie vie, sur la « version française » du site Internet Guichet emplois. Voici :

Nous êtes heureux fortement et fièrement participé la langue française dans le pays de le Canada. Les rechercheurs des emplois les francophones facilement comptent profiter sur site la information bonne et nécessairement. L'importance notre rôle non perdu sur nous, car cette bon ouvrage continuons d'aidement pour toutes les gens qui parlaient français de service, les aider aussi toute le public canadienne sa vie professionnel puis recherchement son carrière chercher emploi.

Une fois réveillée, mais encore assommée et tout étourdie après un tel cauchemar, la bluette a décidé d'aller voir sur le site du Guichet emplois, question de se convaincre qu'elle avait bel et bien rêvé. Que non ! Elles étaient là, ces tournures odieuses, ces insultes répétées au visage francophone, ces offres d'emploi indécentes ! Voyez par vous-même, Madame la Commissaire, ce petit échantillon : « ... et être physiquement convenables. Drogue (médicament) de pré embauche et alcool mettant à l'essai exigé. »

« La manoeuvre a exigé dans la construction concrète. »

« Le compagnon a préféré, mais considérera tous les candidats. »

« Gisement de pétrole de 2 années expérimente perferred, mais donnera de la formation. Nettoyez le dossier du conducteur et des références attachées pour reprendre. »

Dites, Madame la Commissaire, ça sert à quoi d'avoir un « site français », s'il faut à chaque fois se tourner vers le site anglais pour comprendre ce qu'on nous dit ? Le ministère des Ressources humaines rend-il vraiment service aux Canadiens en mettant sur son site de telles cochonneries ? Est-ce que c'est cela, d'après vous, le visage bilingue du Canada ? Les chercheurs d'emploi francophones méritent-ils moins de clarté que les chercheurs d'emploi anglophones ? Passe encore que des compagnies privées massacrent notre langue sur leurs étiquettes, ce contre quoi vous pouvez très peu, j'imagine, mais un ministère du gouvernement du Canada ?

Vous devez bien, Madame la Commissaire, avoir vos entrées à ce ministère. Ne pourriez-vous pas lui demander de cesser cette pratique odieuse ou de fermer carrément son site « français » ? L'obliger (ou plus amicalement, lui suggérer) de cesser de se cacher derrière un système automatique et d'embaucher quelqu'un pour faire le travail, dans le respect des francophones et de leur langue, et en conformité avec la partie VII de la Loi sur les langues officielles ? Vous priée quelque chose à faites, Madame... (14 août 2009 : le site français du Guichet emplois avertit le chercheur qu'il est dirigé vers un autre site (celui de l'annonceur) et que « les exigences relatives aux langues officielles cessent immédiatement de s'appliquer »).

Page 12: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Y'en a une gang qui ont jumpé !(la bluette, 21 août 2006)

Récemment, la grosse nouvelle au Québec était le fameux nom qu'on veut donner à une équipe de ballon-panier achetée par un homme d'affaires francophone, et qui devrait bientôt faire ses premiers sauts dans une ligue nord-américaine : Jumping Frogs. Vous avez bien lu. Ah, mais que ne s'est-on pas affolé dans les cercles sportifs et sociaux à propos de ce nom !

Frogs, c'est une insulte ! C'est un outrage à tout un peuple habituellement lancé par une tête carrée qui veut aplatir les Canadiens français !, a-t-on rouspété.

Toute une affaire. D'abord, le mot « Frogs » ne me dérange plus depuis bien longtemps, s'il m'a même jamais dérangé. J'en ai quelques-uns comme pièces décoratives et je lance à l'occasion, sourire en coin, à des anglophones d'accointance que... well, you know, I'm a frog... Car, fondamentalement, il est une victoire de l'esprit, une démonstration de notre assurance comme individus, comme communauté, et une belle revanche sur l'histoire, que de pouvoir nous approprier le mot et d'en rire, plutôt que de grimper dans les rideaux.

Quoi qu'il en soit, les conquis fâchés ont non seulement manqué le bateau, ils sont aussi tombés dans la piscine. Car au lieu de remâcher des histoires vieillies et rouillées qui peinent à tenir debout sur un seul mot, ils devraient plutôt, ce me semble, être choqués qu'un francophone donne une appellation 100 % anglophone (qu'importe le nom) à une équipe représentant la capitale du seul État francophone en Amérique du Nord ! Occasion ratée d'affirmation positive, qui est d'ailleurs assez révélatrice d'un monde où grenouillent des gens d'affaires et des publicistes francophones trop paresseux pour penser en français, et des sportifs francophones qui n'ont rien contre une appellation anglaise... à condition bien sûr que ce ne soit pas Frogs. (-- repris par La Presse quelques jours plus tard)

La fin du français(la bluette, 20 février 2007)

On a envie de sonner l'urgence ou de devenir anglophone. Quand Bernard Derome lui-même, un des grands de la présentation des titres à Radio-Canada, décide de prendre le virage du parler médiocre en y allant d'un français quelconque, ponctué de pauvretés du genre « y va falloir focusser »; quand des journalistes sortis de l'université racontent des bêtises du genre : « y'a pas compris quand que l'autre a dit... », ou encore « Cé que y'a des gens qui pensent que... »; quand Louise Beaudoin, ancienne ministre québécoise et « professeure en francophonie » dit en entrevue « qu'il n'y a jamais de bon timing », comment peut-on, alors, continuer d'insister auprès du grand public sur l'importance de s'exprimer correctement, par respect pour son interlocuteur, sinon pour son héritage ?

Continuons à montrer à nos enfants des « shows » de bourgade qui glorifient les « han », les « wan pis... » et les « mainque j'aurai des piasses ». Mais rappelons-leur aussi que plus tard, dans le monde, ils devront peut-être parler anglais pour éviter de se faire dire qu'on n'a rien compris.

ci.alameda.ca.us

Page 13: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Dans la police... (la bluette, 11 décembre 2006)

« L'homme était assez lucide pour constater qu'il n'avait plus toute sa lucidité. »

« La femme essayait de cacher son identité derrière ses larmes. »

« Pendant tout l'interrogatoire, l'homme n'a cessé de nous dévisager avec ses propres yeux. »

« Le cadavre ne semblait pas en possession de toutes ses facultés. »

« C'et la pluie qui empêcha le policier de s'apercevoir qu'il neigeait. »

« Les neuf coups de couteau sur le cou et le visage de la victime laissaient croire à une mort qui n'était pas naturelle. »

« L'homme n'accepta de signer sa déposition que du bout des lèvres. » (www.vertpomme.net)

... et sur l'étiquette (la bluette, 11 décembre 2006)

-- Sur une bouteille de sirop contre la toux pour enfants : « Ne pas conduire ou opérer de la machinerie lourde. »

-- Sur des dîners congelés Swanson : « Suggestion de préparation : Décongeler. »

-- Sur un pudding Marks & Spencer : « Ce produit sera chaud après avoir été chauffé. »

-- Posologie : « Prendre une pilule cinq minutes avant de vous endormir et une autre, cinq minutes avant de vous réveiller. » (www.vertpomme.net) Recycledproduct.net

Page 14: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

L'état du français : sortons les drapeaux(la bluette, 23 mai 2005)

-- 25 % des francophones sont à un niveau très faible de capacité de lecture;

-- ils ne reconnaissent dans un texte simple qu'un ou deux mots qui leur sont familiers;

-- 27 % des francophones ne peuvent déchiffrer que des textes écrits simplement et présentés clairement;

-- pour eux, toute nouvelle lecture est éprouvante et les longs paragraphes de texte ininterrompu les découragent;

-- 48 % des francophones ont une capacité de lecture et de calcul suffisante pour répondre à la plupart des exigences quotidiennes;

-- au Canada, 25 % des francophones âgés de 16 ans et plus éprouvent des difficultés sérieuses avec la lecture. (site de référence : www.fcaf.net)

Au Québec, où le massacre de la langue française est à ce point généralisé qu'il est maintenant monnaie courante à la télévision d'État, on est soudainement choqué d'apprendre que 54,3 % des immigrants s'orientent vers l'utilisation de l'anglais au foyer contre 45,7 % qui choisissent le français.

C'est bien beau de dire au monde que nous sommes des francophones, de faire étalage de notre riche histoire et d'expliquer nos revendications par la nécessaire protection de notre héritage, mais si nous ne faisons pas plus d'efforts pour inculquer à nos jeunes (et aux adultes) l'amour d'une langue maîtrisée, comprise, parlée et écrite avec davantage qu'un vocabulaire limité à quelques mots, il ne restera bientôt plus que des drapeaux, et des dictionnaires inutilisés, pour prouver que nous avons déjà existé.

Notre fierté, c'est par la vivacité de la langue française qu'elle s'exprime, bien plus qu'avec des drapeaux ou des slogans. Servir des banalités pour excuser la méconnaissance de sa propre langue ou le contentement du minimum, c'est se laisser collectivement vers le point final.

Page 15: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Oh, là là(la bluette, novembre 2004)

Z'avez écouté la télévision francophone récemment ? Il y avait, ce soir-là, lors de ce gala-là, cet invité-là qui a parlé de cette dame-là qui était membre de ce comité-là. Et ces mots-là ressemblaient à ces paroles-là de cette jeune fille de 16 ans là qui était, la pauvre, excédée par cette habitude-là chez tous ces gens-là... et qui voudrait bien qu'on y mette le holà ! Cette affaire-là n'est pas finie. Mais dites-donc, là, les anglophones ont bien leur « Eh » !

Quessé vous dit, là ?(la bluette, 16 mai 2005)

Histoires vraies. Traductions réelles de l'anglais vers le français... faites par des Martiens. Commencez, tu vouler ?

-- Helps to harden your nails (emballage d'un vernis à ongles)Pour vous aider à rendre vos clous plus durs

-- Music for Blues fans (affiche dans un hôtel)Musique pour ventilateurs de cafard

-- Luxury product for the bathroom (emballage de décoration)Produit de luxure pour la salle de bain

-- This product is safe for children (emballage de jouet)Ce produit est un coffre-fort pour enfants

-- Shangaï Stir Fry Vegetable Mix (produit de cuisine chinoise)Mélange de légumes pour faire sauter Shangaï

Tighten the nuts (mode d'emploi pour le montage d'un meuble)Serrer les noix (www.olf.gouv.qc.ca/bêtisier)

Vous direz, après ça, que le Canada n'est pas un pays bilingue !

bergeracendormie.unblog.fr

devis.companeo.com

Page 16: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Les Rendez-vous de la francophonie(la bluette, 1er mars 2005)

Lave ton char, ma toué su ton 36, pis emmène ton chum, pace que, j'te dis, moué, tu vas pouvouaye faye ton Mister Big aux Jutraw quand c'est qu'tu vas checker toute le beau monde pis toute le glamoure de mon show full cool.

Les francophones du Canada sont invités à célébrer leur patrimoine et leur langue lors d'activités organisées dans le cadre de la 7e édition des Rendez-vous de la Francophonie, du 4 au 20 mars. S'il y a de quoi célébrer – après tout, nous sommes toujours là –, il y a aussi de quoi pleurer à chaudes larmes quand on doit lire et entendre ceux qui assomment la langue française à coups de plume, de microphone et de Jutra.

Vous pensez que la bluette exagère ? Eh bien, allez faire un tour au Québec et installez-vous devant le téléviseur, ou mieux encore, prêtez l'oreille aux humoristes et animateurs radiophoniques des stations les plus populaires. Vous verrez alors que le massacre de la langue française y est bien payé. Il ne s'agit pas ici de se plaindre d'un accent, mais de déplorer la glorification d'un langage étroit et grossier, quelque peu attardé, qui n'a ni queue ni tête, un langage que personne ne comprend, sauf la petite poignée qui s'en gargarise et fait des gros dollars avec.

On connaît maintenant les répercussions qu'a eues dans le monde francophone la présentation de la cérémonie de remise des prix Jutra au Québec. Le « gala » était diffusé dans toute la francophonie, grâce à TV-5, ce qui n'a pas empêché l'animateur de la soirée, Patrick Huard, et certains invités de faire la démonstration que la priorité pour certains artistes au Québec, c'est d'élever le langage de fond de ruelle à l'état de langue nationale au Canada français. Les Européens n'ont rien compris, et les condamnations viennent de partout, tant de l'ancien continent que du Québec et du Canada.

Le domaine de l'écrit n'est pas non plus ménagé. Dans une lettre envoyée aux invités du « gala », et apparemment signée par monsieur Huard, il était dit : « Cette année, la thématique de la fierté, du glamour et de l'opulence est à l'avant-plan. Faites de vous des Mister Big... ».

Page 17: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Les Rendez-vous de la francophonie (suite)

La gang de Ti-Guy s'en prend à Denise(la bluette, 14 mars 2005)

« Chaque fois que quelqu'un sonne l'alarme à propos de la qualité du français chez nous, cela soulève un tollé et, à cet égard, je félicite Denise Bombardier pour ses récents propos en ce qui concerne nos humoristes. Je me plais à me remémorer les dirigeants et les vedettes d'une époque pas si lointaine qui nous ont aidés à grandir dans l'apprentissage de notre langue, qui ont tenté de nous inculquer l'amour de notre plus bel héritage culturel : le français...

Si des humoristes ont été ciblés, c'est qu'ils ont à mon avis dépassé les limites du bon sens et de l'équité. Mettre un tant soit peu de fierté à communiquer convenablement ne peut certes pas nuire, et tenir compte du respect des autres non plus. Ce respect qu'on accorde à quelqu'un, c'est s'adresser à lui sans l'obliger à nous faire répéter parce qu'on s'exprime mal, parce qu'on utilise un langage tellement écorché et entaché qu'il en devient presque inaudible et, souvent, blessant. Un français « acceptable » est une locution intelligible qui peut être comprise par tous; le langage dit populaire n'a donc nul besoin d'être vulgaire.

Plutôt que de s'évertuer à véhiculer une piètre grammaire – fuyons l'écriture au son ! – il y aurait lieu de s'efforcer d'enseigner de façon judicieuse une matière qui favorise un meilleur développement intellectuel. »

(- Claire F. S. Vaillancourt, Lettre au Devoir, 10 mars 2005)

ndlb : À la suite de sa sortie contre la langue de demeuré utilisée par les vedettes au Québec, la réputée journaliste et écrivaine Denise Bombardier s'est fait ramasser par la petite mafia « culturuelle » locale. Un humoriste a souhaité qu'on « lui tape dessus », et l'animateur Guy. A. Lepage a déclaré très publiquement : « qu'a mange d'la marde ! ».

Passons aux perles, voulez-vous ?(la bluette, 25 avril 2006) (lettres à des assureurs)

« Je suis tombée enceinte après votre passage chez moi et, de ce fait, je voudrais vous poser une question au sujet de mon assurance-vie. » « Selon vos instructions, j'ai donné le jour à deux jumeaux dans une enveloppe ci-jointe. » « J'ai des ennuis avec ma voisine du dessous. Elle habite au 2e étage et prétend que l'eau de mon balcon tombe sur le sien, or c'est l'eau des fleurs du balcon du 4e qui glisse le long de la corniche et mouille le balcon du 2e, et du reste la locataire du 5e

s'en est aperçu et l'a signalé à celle du 4e, mais celle-ci ne veut rien entendre et prétend que c'est une fêlure de mon balcon (situé au 3e) qui provoque l'inondation au 2e. Qu'en pensez-vous ? « Ayant été déclaré catastrophe naturelle, je pense que vous ne tarderez pas à me dédommager... »

Page 18: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Lord Durham est bien content(la bluette, 8 novembre 2004)

Offre parue en novembre dans le site Internet GUICHET EMPLOIS du gouvernement du Canada.

L'appel de candidatures est pour un Coordonnateur de ressources culturel. Vous avez bien lu, c'est le coordonnateur qui est culturel ! Et la description du poste est un bijou : « C'est un pilote de deux année le projet de travailler à faitement en collaboration avec et à la liaison... ». Le coordonnateur doit pouvoir « stipuler a augmenté des perspectives culturelles, la conscience et des conseils... » On s'attend aussi à ce que « le coordonnateur soutiendra et être soutenu... » Enfin, les tâches seront accomplies par « le travail avec les

partenaires les environnements se développant et supportant qui sont inclus ».

Remarquez que nous n'en sommes plus à une horreur près. Les textes massacrant la langue française pullulent; ils inondent l'Internet; ils couchent dans les journaux; ils poussent comme des champignons empoisonnés; ils pleuvent comme des clous de cercueil ! À chaque traître fois, c'est de l'acide qu'on lance au visage de la langue française et sur le corps des communautés francophones.

Si, en 165 ans, Lord Durham et ses admirateurs n'ont pas réussi à faire disparaître les Canadiens français, peut-être la solution a-t-elle été trouvée en ce petit matin du XXIe siècle : défigurer leur langue pour la faire disparaître, elle plutôt qu'eux. Le français, déjà difficile d'apprentissage, devient alors une langue moins attrayante pour les autres, et plusieurs des nôtres la maîtrisent de plus en plus mal, pour ne pas dire pantoute, se tournant donc vers l'anglais, avec laquelle ils sont manifestement plus confortables. Fallait y penser.

Un espèce de sapin ?

(la bluette, 18 décembre 2006)

Non. C'est UNE espèce. Le complément sapin a beau être masculin, espèce demeure un mot féminin, et l'article (une) ou l'adjectif démonstratif (cette) qui le précède est forcément féminin, en tout temps et dans n'importe quelle circonstance. L'Office québécois de la langue française, étant sans doute bien au courant de notre fâcheuse manie de parler d'UN espèce de ci et d'UN espèce de ça, a posé la question sur son site (www.olf.gouv.qc.ca). Et si (au 15 décembre) 364 personnes ont répondu correctement, 201 répondants (soit 35,58 %) croient encore à un espèce de Père Noël. L'Office confirme : « On dit une espèce de classeur, ou cette espèce de tableau ».

Page 19: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Réponses édifiantes des meneurs de demain(la bluette, 19 septembre 2005)

Les perles des examens pour le baccalauréat.

-- L'armistice est une guerre qui se finit tous les ans, le 11 novembre.

-- Le Vietnam est la capitale du Liban.

-- Pour faire des oeufs, la poule doit être fermentée par un coq.

-- L'enfant ne va pas réagir dans le sens où il ne va pas à son tour fesser l'adulte.

-- Le bébé est relié à sa mère par le cordon lombrical.

-- La vaccination est obligatoire pour tous les élèves qui ne sont pas encore morts.

-- Les peintres les plus célèbres sont Mickey l'Ange et le Homard de Vinci.

-- Le successeur de Staline fut Stallone. (www.linternaute.com)

Voici qui est des plus intéressant(la bluette, 16 mai 2005)

○ Un spectacle des plus émouvants (parmi les plus émouvants)○ Un portrait des moins flatteurs (parmi les moins flatteurs)○ Un couple des plus mal assortis (entre les plus mal assortis)

Cela dit, il arrive qu'on rencontre le singulier après des plus, des moins ou des mieux quand l'adjectif qui les suit se rapporte à un mot singulier et n'implique aucune idée de comparaison. Ces locutions ont alors le sens adverbial de très, très peu, très bien.

○ Un voyage des plus exténuant (très exténuant)○ Une démonstration des moins convaincante (très peu convaincante)○ Un exemple des mieux choisi (très bien choisi)

Enfin, notons que le singulier s'impose lorsque l'adjectif qui suit des plus, des moins, des mieux se rapporte à un sujet indéterminé ou à un pronom neutre :

○ Entendre sa voix est des plus agréable○ Voyager en avion est des plus inconfortable○ Cela est des plus risqué○ Il lui était des plus pénible de partir. (-- Paul Roux, La Presse)

Page 20: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

La chanson de Roland(la bluette, 14 mars 2005)

C'est l'un des plus vieux chefs-d'oeuvre de la culture française. La Chanson, poème épique, aurait été écrite par un dénommé Turold à la fin du XIe ou au début du XIIe siècle. Elle relate un fait historique, soit le massacre, en l'an 778, de l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne et la mort de son neveu Roland. L'auteur ne bénéficiait pas des avantages d'une langue fixée, ce qui a occupé les historiens qui ont dû labourer au décodage de certains mots, mais selon eux, ce Turold connaissait ses affaires et ses auteurs. « Je le vois, au contraire, un excellent peintre de caractères, habile et curieux analyste de nuances, ce fresquiste épique » *

Roland le sent, sa vie est épuiséeVers Espagne il est sur un mont aigu,

Et d'une main il bat sa poitrine...Son dextre gant il a vers Dieu tendu

Et même si à son époque les couteaux volaient aussi bas que les missiles volent haut à la nôtre, le sens de l'humour ne manquait pas à l'auteur. Voici l'archevêque Turpin qui vient d'embrocher Corsablix, le voit à terre mort, « et pourtant tient à lui parler... Ce dit-il : voici une nouvelle : il vous faut mourir ! »

Voici Engelier le Gascon qui s'en prend au nommé Escremiz de Valterne, « l'écu au col lui brise et met en pièces, de son haubert lui rompt le capuchon, le frappe à la poitrine entre les clavicules, à pleine hampe l'abat mort de sa selle, et puis lui dit : Vous allez à votre perte ! ».

* (- E. Henriot, Les maîtres de la littérature française, Le Cercle du livre de France, 1957)

Mon mari souffre d'un abcès sédentaire(la bluette, 25 septembre 2006)

Pour les professionnels de la sécurité sociale, une bonne communication avec les bénéficiaires est de la plus haute importance. On dira la même chose de ceux qui reçoivent cette aide :

Extraits de lettres des services administratifs

-- Le malade est décédé sous l'action efficace des médicaments.-- Pour le traitement informatique des formulaires, votre sexe ne doit pas dépasser la colonne.-- Mortellement mort, l'homme devait décéder peu après son arrivée.

Et de lettres de bénéficiaires

-- Je vis maternellement avec ma concubine.-- Au guichet, on m'a fait attendre toute seule en file indienne.-- Comme mon pauvre mari doit partir chez les fous, je l'envoie à votre bureau.-- Ma femme aété opérée pour les os verts.

www.livredumonde.net

Page 21: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Un mâle, sans autre anomalie...(la bluette, 22 novembre 2006)

Vous ne savez jamais ce que votre médecin écrira dans votre dossier :

-- Homme de 69 ans, décrépit apparaissant en bonne santé, mentalement alerte mais distrait...

-- Le deuxième jour, le genou allait mieux et le troisième jour, il avait complètement disparu.

-- Elle n'a eu aucun frisson ni aucun tremblement, mais son mari dit qu'elle était très chaude dans le lit la nuit passée.

-- La patiente est triste et pleure constamment. Elle semble aussi être déprimée.

-- Lorsqu'elle s'évanouit, ses yeux roulèrent dans la pièce.

-- Il s'agit d'un nouveau-né de sexe masculin, sans autre malformation associée.(- www.vertpomme.net)

C'est pour ça que tout le monde finitpar parler anglais(la bluette, 22 novembre 2006)

« Quand un passager de pied a en vue, flûtez le klaxon. Trompettez-le mélodieusement au début, mais s'il continue d'obstacler votre passage, alors flûtez-le avec vigueur. »

(-- brochure de location d'auto de Tokyo)

« On demande aux femmes de ne pas avoir d'enfants au bar. » (-- bar norvégien)

« S'il vous plaît ne pas nourrir les animaux. Donner les aliments au gardien de service. »(-- Zoo de Budapest)

« Le directeur a personnellement bu toute l'eau servie ici. » (hôtel d'Acapulco)

« Parce que est grosse affluence, nous exécuterons les clients en rotation stricte. »(-- Tailleur de Rhodes)

« L'aplatissement des sous-vêtements avec plaisir est le travail de la femme de chambre. »(-- Hôtel de Yougoslavie)

(www.vertpomme.net)

Page 22: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Les journalistes y passent(la bluette, 31 octobre 2005)

Auteur, compositeur, interprète, Georges Dor grimaçait chaque fois qu'il devait souffrir le mauvais français de journalistes. Il entreprit d'écrire Chu ben comme chu, ouvrage dans lequel il a rapporté les énormités entendues, accompagnées de ses commentaires (entre parenthèses) parfois mordants. Le livre a été publié par Lanctôt éditeur en 2001, année du décès de l'auteur. Quelques extraits :

□ Cette entente qui pourrait constituer qu'y a une justice (TQS) – (La phrase du journaliste prouve hors de tout doute que l'enseignement de la langue parlée au primaire ne ferait de tort à personne.)

□ Le premier ministre a fait son entrée par le derrière de l'Hôtel de ville (TQS) – (Faut-il pleurer, faut-il en rire ? Faut-il se méfier des hommes politiques qui entrent par le derrière ? Je crois qu'il faut plutôt se méfier des journalistes de la télévision.)

□ Il a abattu le record de Juan Marichal (TVA) – (Pauvre record, se faire abattre de la sorte, en plein stade ! Qu'un journaliste professionnel ignore la différence entre les verbes battre et abattre me jette dans un grand abattement.)

□ Un liquidateur américain commence à commencer à faire le tour (TQS) – (Ne croirait-on pas entendre un élève du secondaire à la veille de décrocher !)

□ On a soulevé le volume du son (Radio-Canada) – (Comment un diplômé d'université, journaliste de surcroît, peut-il ignorer que lever et soulever sont deux verbes qui ne signifient pas du tout la même chose ?)

□ Ils sont très positifs que tout va se dérouler de façon très bonne (Radio-Canada) – (Est-il possible, quand on se prétend un professionnel de la communication, de massacrer ainsi l'outil principal du métier que l'on pratique ?)

□ C'est depuis ce temps-là que je sais que je suis pour devenir journaliste (Radio-Canada) – (Ici, ça dépasse les bornes...)

Lettre à mon assureur préféré(la bluette, 29 janvier 2007)

« Il faut dire à ma décharge que le poteau que j'ai buté était caché par l'invisibilité du brouillard. »

« J'ai bien reçu la fiche de mon épouse, je ne manquerai pas de vous renvoyer cette dernière dûment remplie par mes soins. »

« J'ai heurté brutalement l'arrière de la voiture qui me précédait. Mais grâce à mon casque, ma blessure au poignet est sans gravité. »

« Le camion s'est sauvé précipitamment sans montrer ses papiers. »

Page 23: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Le Frère Untel n'est plus, et le joualest encore loin de l'écurie(la bluette, 7 août 2006)

Peu avant la sortie du dernier numéro (66) de la bluette, qui rapportait les écrits de Georges Dor sur la pauvreté du langage au Québec, Jean-Paul Desbiens est décédé. Monsieur Desbiens, ou le Frère Untel, fut l'auteur, dans les années '50 et '60, de longues plaintes sur la piètre qualité de la langue parlée au Canada français.

Le 26 juillet dernier, Paul Roux, conseiller linguistique à La Presse, a publié dans sa chronique une réflexion sur le sujet. Extraits :

« ... Marie-Éva de Villers a soutenu que notre français avait progressé de façon importante. Malgré tout le respect que je voue à l'auteure du Multidictionnaire, je n'arrive pas à partager son optimisme.

... Ce qui a progressé de façon notable chez nous, c'est le taux de scolarité. Là, les gains ont été spectaculaires. En quelques générations, nous sommes passés d'un peuple d'illettrés à un peuple de diplômés. Du coup, on aurait pu s'attendre à ce que le français soit propulsé vers les sommets. C'était mon espoir. Mais ça ne s'est pas avéré. Beaucoup de Québécois sont passés par les universités. Bravo ! Mais plusieurs d'entre eux font plus de fautes que ma mère qui avait dû quitter l'école en 8e année.

Pas tous, bien sûr. J'ai corrigé, il y a quelques mois, les examens des candidats stagiaires à La Presse. Les meilleurs écrivent bien. ... Mais passé les 20 premiers, les résultats étaient étonnamment mauvais. Fautes de grammaire et de syntaxe, anglicismes et imprécisions, mauvaises constructions, banalités et platitudes.

Je me suis demandé comment certains avaient pu obtenir un diplôme universitaire avec un français aussi pitoyable. De toute évidence, il y a quelque chose de pourri dans l'enseignement du français chez nous.

Autre illusion véhiculée ... : on peut s'exprimer en joual mais écrire en français standard. Ce n'est pas impossible, mais la chose est rare. On traîne généralement à l'écrit les mauvais plis que l'on a pris à l'oral. La grammaire reste approximative, la syntaxe déficiente. ....

Que faut-il en conclure ? Qu'il y a eu des progrès dont il faut se réjouir. Mais que le chemin à parcourir reste énorme. Le joual du Frère Untel est moins fringant, mais il n'est toujours pas retourné à l'écurie. »

www.villiard.com

Page 24: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

le fricot (www.scriban.blog.ca – dossiers)

Allez, en selle !(la bluette, 7 août 2006)

Paul Roux (La Presse) reproduit volontiers les commentaires reçus de ses lectrices et lecteurs. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs tenu à faire connaître leur opinion, ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait que la langue, au Québec, est un piment fort et brûlant. Voici quelques-uns de ces commentaires (toutes les belles fautes que vous verrez sont celles de leurs auteurs). Les titres sont de la bluette.

QUESSÉ QU'Y DIT ?

« Tu parles d'une question... Comme si ca ne sautait pas aux yeux (ou plutôt aux oreilles). Notre chère langue, pour si colorée qu'elle soit, n'est tout simplement pas compréhensible pour la vaste majorité des francophones hors-Québec – mondialement parlant... » (!) (-- Robert Desbiens)

FAUDRAIT TOUT DE MÊME PAS ZÉZAGÉRER !

« J'habite en Europe depuis deux ans et franchement vous racontez n'importe quoi quand vous dites que l'argot n'est pas présent en france. Leur français est bourré d,anglicismes à la mode genre « sponsor, leasing, shopping, week-end, footing, meuffe, teuffe » et autres expressions franco-françaises. Faut pas éxagèrer ! Vous voulez ressembler à une france qui n'existe pas. »

(-- Alex)

À L'ÉCOUTE DE SES ÉTUDIANTS

« Ce n'est pas l'enseignement qui est pourri, comme l'affirme M. Roux. Les étudiants me disent qu'ils ne voient pas pourquoi ils devraient parler mieux que les animateurs et humoristes de la radio et de la télévision... » (-- Lucie Dubois, professeure)

ASSOUPLISSONS, ET LA MAÎTRISE VIENDRA

« ... Toutes les langues évoluent avec le temps. Vous ne me ferez pas à croire que l'on parle le même français qu'il y a 400 ans. Moi j'appelle ça de l'acharnement thérapeutique. Pourquoi ne pas assouplir ses régles pour la rendre plus facile à maîtriser ? » (-- Sylvain Lachance)

M'A T'PLANTER, S'TIE !

« Au Québec, parler un français hexagonal, digne d'une page éditoriale du Monde diplomatique, c'est s'exposer dangereusement à de lourdes représailles qui peuvent aller jusqu'aux coups. »

(-- Nathaniel Thorne)

Page 25: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

En guise de conclusion

le fricot a trouvé à tout hasard le texte suivant, paru en février 2008dans L'Intérêt, journal des étudiants au HEC de Montréal

(Hautes études commerciales)

Auteur : Mark Lafrance-Fugere

En voici de larges extraits(http://interet.aehec.com/2008/02/15/la-langue-francaise-est-elle-en-danger/)

« Sous prétexte qu’en marchant dans la rue Ste-Catherine Ouest on entend plus d’anglais que de français, sous prétexte que dans deux magasins montréalais sur 10 on vous aborde dans la langue de Shakespeare, il faudrait craindre la mort du français à Montréal et – pourquoi pas – en Amérique. Plusieurs aiment voir l’anglais comme une espèce de liquide acide qui se déverse tranquillement sur notre métropole et qui finira par noyer et faire mourir ce qu’il reste de notre pauvre langue. Et avec tous ces immigrants qui nous envahissent, Ô grand Dieu!, c’est comme si le débit du déversement augmentait.

Freinons l’immigration, clament-ils, si ces intrus ne sont pas capables de placer quelques jurons dans leurs phrases, ils ne méritent pas le titre de Québécois. Certains sont blessés par le fait que les nouveaux arrivants n’aient pas l’accent du terroir; nous y voyons là peut-être un avantage. Car au fait, quelle langue veut-on préserver? Le français, dans sa beauté incontestable, ou le langage que trop de gens utilisent et qui ressemble à une sorte d’aboiement franco-créolisé? Ne recommanderiez-vous pas à un immigrant d’apprendre le français ailleurs qu’ici plutôt que d’être contaminé par ce système d’éducation qui l’enseigne mal? Bien sûr, le fait que le français ait évolué à sa façon, sur un autre continent que son pays-mère, est tout à fait compréhensible. Et comme nous l’avons déjà écrit dans ces pages, la qualité du français n’est pas une question d’accent. On s’expliquera mal, par contre, la médiocrité insultante de la façon dont s’exprime notre peuple. Elle est là, la vraie menace pour la langue française. C’est dommage que le débat en soit détourné.

Pendant que nos jeunes se font enseigner un français médiocre sur les bancs d’école, par des enseignants qui eux-mêmes le parlent et l’écrivent de façon douteuse, la société québécoise gaspille son temps et ses ressources avec de fausses menaces. Des exemples? L’Office québécois de la langue française (OQLF) exige que la Ville de Beaconsfield inscrive sur ses panneaux le mot « rue », pour qu’il soit autant sinon davantage en évidence que l’équivalent « street ». Le Mouvement Montréal français, lui, exige que le message « For English press 9 » soit reporté à la fin du message français sur les lignes téléphoniques du gouvernement. Vous vous souvenez aussi des réactions quand la STM avait proposé d’annoncer la prochaine station de métro en anglais également? Dans tous ces cas, la présence de l’anglais gêne; c’est un virus que l’on ne doit pas laisser se propager. Comme s’il était impossible que la langue française survive si elle est côtoyée par une autre!

Page 26: Quessé qu'y dit n'a pas d'avenir, s'tie !

Même L’Intérêt, le journal de notre chère école, qui publie des textes en espagnol et en anglais, reçoit à l’occasion des plaintes de quelques égarés qui y voient là une menace. Un certain lecteur prétendait même que d’incorporer dans nos pages des articles en anglais était une autre preuve de la soumission du peuple francophone face aux méchants Anglais! Il faut le faire…

(...)

Nous croyons plutôt que si menace il y a pour la langue française, c’est la façon dont nous la parlons. Pierre Foglia écrivait, dans La Presse du 22 janvier dernier : « Pour moi, la langue française est, par exemple, cent fois plus fragilisée par le charabia que parlent et écrivent les institutrices formées aujourd’hui dans nos universités. (…) Les langues meurent d’abord d’être mal enseignées, mal transmises, à l’école, à la maison, dans la littérature, dans toujours plus de chansons à la con, ton arrière-arrière-grand-père gnagnagna. Les langues meurent de ne plus servir à lire, à écrire, à penser, à contester, à philosopher, à créer, à respirer, à vivre. » Il résumait alors en quelques phrases ce que des millions de Québécois n’ont pas encore compris. Une langue forte ne se laisserait pas éteindre par une autre. C’est en donnant aux gens le goût de la lire, de l’écrire et de la transmettre que nous éviterons son extinction. Inutile d’aller mesurer des caractères sur des pancartes ou de manifester pour faire changer le nom d’un dépanneur : les solutions passent avant tout par le système d’éducation.

( f )