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38 N°10 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2006 P our fêter le premier anniversaire de Supply Chain Magazine, et en cette veille de nouvelle année 2007 pleine de promesses, nous avons demandé à plusieurs consultants de nous donner leur vision prospective de la Supply Chain. Comment va-t-elle évoluer ? Qu’est-ce qui va la caractériser ? A quoi ressemblera-t-elle ? Six cabinets de conseils ont pris la plume : Emeric Levy de Citwell plante le décor en dressant un tableau général des évolutions de la Supply Chain Rodolphe Bocquet, Manager d’Ade- lante, se préoccupe des outils infor- matiques qu'il faudra utiliser pour gérer des réglementations de com- merce international de plus en plus complexes. De son côté, Jean-Patrice Netter de Diagma estime que les Supply Chain Managers vont devoir mettre en place des mécanismes incitant les acteurs de la chaîne à mieux collaborer pour piloter plus efficacement des flux perturbés Pour Frédéric Noël et Mathieu de Nodrest d’Argon Consulting, les entreprises vont devoir gagner en per- formance par une approche plus Lean de leur Supply Chain Thierry Brutman d’Hostorg pense lui aussi que les entreprises vont devoir davantage faire face aux aléas, le pilo- tage des stocks en valeur étant un des moyens de financer leur croissance Selon Philippe-Pierre Dornier et Michel Fender de Newton.Vauréal Consulting, un challenge majeur pour la Supply Chain de demain sera d’intégrer les contraintes de dévelop- pement durable, ce qui suppose de concilier les intérêts contradictoires du public (ex : les villes) et du privé (les entreprises)… Et vous, comment voyez-vous la Supply Chain de demain ? Partagez-vous ces points de vue ? Vous pouvez écrire à la rédaction ([email protected] ) pour nous faire part de votre point de vue ou directement à chacun des consultants, dont les mails figurent en fin d’article. Bonne lecture ! Cathy Polge Quelle Supply Chain pour demain ? Quelle Supply Chain pour demain ? Spécial 1 er Anniversaire Spécial 1 er Anniversaire

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N°10 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2006

Pour fêter le premier anniversaire deSupply Chain Magazine, et en cetteveille de nouvelle année 2007 pleinede promesses, nous avons demandé àplusieurs consultants de nous donnerleur vision prospective de la SupplyChain. Comment va-t-elle évoluer ?Qu’est-ce qui va la caractériser ? Aquoi ressemblera-t-elle ?

Six cabinets de conseils ont pris la plume : ◆ Emeric Levy de Citwell plante ledécor en dressant un tableau généraldes évolutions de la Supply Chain ◆ Rodolphe Bocquet, Manager d’Ade-lante, se préoccupe des outils infor-matiques qu'il faudra utiliser pourgérer des réglementations de com-merce international de plus en pluscomplexes.

◆ De son côté, Jean-Patrice Netter deDiagma estime que les Supply ChainManagers vont devoir mettre en placedes mécanismes incitant les acteursde la chaîne à mieux collaborer pourpiloter plus efficacement des flux perturbés◆ Pour Frédéric Noël et Mathieu deNodrest d’Argon Consulting, lesentreprises vont devoir gagner en per-formance par une approche plus Leande leur Supply Chain ◆ Thierry Brutman d’Hostorg penselui aussi que les entreprises vont devoirdavantage faire face aux aléas, le pilo-tage des stocks en valeur étant un desmoyens de financer leur croissance◆ Selon Philippe-Pierre Dornier et

Michel Fender de Newton.VauréalConsulting, un challenge majeur pourla Supply Chain de demain sera d’intégrer les contraintes de dévelop-pement durable, ce qui suppose deconcilier les intérêts contradictoiresdu public (ex : les villes) et du privé(les entreprises)…

Et vous, comment voyez-vous la Supply Chain de demain ? Partagez-vous ces points de vue ?Vous pouvez écrire à la rédaction([email protected] ) pour nousfaire part de votre point de vue oudirectement à chacun des consultants,dont les mails figurent en fin d’article.Bonne lecture ! Cathy Polge

QuelleSupply Chainpour demain ?

QuelleSupply Chainpour demain ?

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Il n’est pas incongru d’avancer que d’ici à 2010, la « Demand & Supply Chain » connaîtra une triple

croissance :◆ une croissance des effectifs tout d’abord,◆ un élargissement de son périmètre decompétences réelles qui s’ouvrira à de nou-velles frontières,◆ et enfin une augmentation du nombred’entreprises qui auront mis en place unevéritable stratégie « Demand & SupplyChain ».

Cinq défis majeurs à releverLa DSC a pour vocation d’être à la fois lechef d’orchestre et le maillon fort de la pro-duction, des achats et du marketing/-merchandising capable de répondre auxcinq challenges auxquels l’entreprise seraconfrontée :1. maîtrise des risques sanitaires : chaînesdu froid, pandémies, traçabilité totale descomposants et produits finis…2. réponse aux contraintes environnemen-tales : recyclage, respect des normes envi-ronnementales…3. risques politiques et terroristes en Asie,en Extrême et Moyen Orient,4. adaptation aux mutations de la demande: une personnalisation accrue des produits,un très fort renouvellement des gammesavec des cycle de vie éphémères, unedemande aléatoire, des « tribus de con-sommateurs zappeurs » ayant néanmoinsde fortes attentes en terme de service, unconsommateur de plus en plus expert etsélectif (pénétration d’Internet), un effetcroissant du Buzz Marketing (positif ounégatif)…5. refonte du sourcing, qui pourraitconduire à un rapatriement des capacitésde production du fait de l’explosion descoûts induits par les quatre challenges pré-

Une montée en puissance du SCMLe Supply Chain Management va voir son rôle se renforcer d’ici 2010. Il aidera les entreprises à faire face à leurs principaux challenges. A l’interface entre de multiplescultures, il va devoir faire croître ses équipes et les monter en compétences.

cédents et par l’envolée des dépenses éner-gétiques, l’augmentation des risques d’in-stabilité sociale des pays producteurs et lebesoin de maîtriser la qualité.

Une interface incontournableLe Supply Chain Manager de demain siè-gera au comité de direction de son entrepriseet y tiendra une place prépondérante. Seséquipes seront polyglottes dans le sens oùelles seront l’interface incontournable d’unmode d’organisation projets, intervenantpêle-mêle au niveau de la :◆ conception des produits,◆ construction budgétaire,◆ flexibilisation et accroissement de laréactivité de la production et des flux,◆ planification marketing et merchan-dising,◆ définition des leviers de ventes et despolitiques de services,… Les équipes DSC devront d’une parts’adapter aux contraintes des cultures etdes rapports de pouvoirs intra et inter-entreprises, et d’autre part, accompagneret piloter des systèmes d’information de

plus en plus complets et sophistiqués.Cette montée en puissance va nécessiterégalement une évolution en terme de pro-fils recrutés, de compétences et naturelle-ment d’offres de formation afin derépondre et d’anticiper au mieux les futurschangements et les attentes croissantes desacteurs du marché. ◆

Emeric Levy, Associé Citwell, Directeur de Projets Supply [email protected]

Refontedu sourcing

Contraintes environnementales

Contraintes Sanitaires

Contraintes politiques

et terroristes

Mutation de la demande

Stratégie industrielle / services

Forte pression sur les coûts

Sourcing mondial

Démultiplicationdes canaux de

distribution

Gammes de produitslarges et profondes

Pluralité et attentes élevées de services

Cycles de vie de plus en plus courts

Stratégied’externalisation /

d’intégration

Réorganisation liées aux fusions,

LBO,acquisitions, …

Pression des marchés

financiers

Mondialisation de la concurrence

Nouveaux besoins & Sophistication

des SI

ECR

Demand &

Supply Chain

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La mondialisation grandissante de laSupply Chain des entreprisesintensifie les échanges internatio-

naux. Ces derniers se heurtent à la com-plexité, à la diversité et à l’évolution permanente des règles du commerceinternational par le biais de réglementa-tions nationales et supranationales quiintensifient la responsabilité légale desopérateurs. Il est donc primordial pour lesentreprises d’assurer la conformité deleurs transactions avec les lois et les règlesde contrôle du commerce extérieur.

Réorganiser les modes de gestion douaniersCes évolutions vont imposer de sedoter d’outils informatiques perfor-mants pour gérer efficacement les for-malités douanières sans perturber lesdélais d’acheminement des marchan-dises. Ces outils devront gérer aussibien la criticité des passages aux fron-tières que la complexité de gestion desdroits de douanes, en particulier dans lecadre d’accords préférentiels, de laTVA à l’importation et de l’utilisation

Quels outils pour les nouveaux enjeuxdu commerce international ?La complexité croissante des règles du commerce international va imposer aux entreprises d’utiliser des outils informatiques plus performants pour pouvoir les respecter

des régimes économiques (entrepôtsous douane, perfectionnement..). Orune grande majorité des entreprisescontinue de gérer leurs flux de dédoua-nement par des déclarations au formatpapier et vont donc être confrontées àun véritable challenge à court terme.Au niveau européen, la volonté estd’informatiser les échanges entre lessociétés et les administrations desdouanes pour les simplifier et garantirle respect des réglementations. Dansl’application de cette directive, lesdouanes françaises mettent en œuvre leprojet Delta D visant à envoyer infor-matiquement les déclarat ions endouane à l’importation et à l’exporta-tion, dans le cadre de la procédure dedomiciliation unique. Les entreprisesvont donc devoir réorganiser leur modede gestion des opérations douanièresafin de répondre aux nouvelles exi-gences de l’administration.

Une réponse des éditeursDes éditeurs de progiciel, comme SAPavec Global Trade Service par exem-

ple, ont anticipé ces évolutions et pro-posent désormais dans leurs suites logi-cielles des modules répondant auxprincipales attentes des entreprises etde l’administration sur les domainessuivants :Contrôle du commerce extérieur :• Gestion des licences à l’importation

et à l’exportation• Gestion des embargos• Contrôle des partenairesOpérations douanières :• Gestion des activités transit• Déclaration en douane en mode EDI• Gestion de la classification tarifaire• Gestion des autorisations aux procé-

dures simplifiées et régimes écono-miques

• Gestion de la garantie• Gestion du crédit d’enlèvementGestion des préférences et restitution

C’est par ces nouvelles fonctionnalités,dans un mode de gestion unique et centra-lisé des informations, que les entreprisespourront relever ce challenge. Ces solu-tions devraient connaître un bel essordans les années à venir.

RodolpheBocquetManager

Adelante

[email protected]

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Livrer sereinement le produit à l’utili-sateur dans les conditions optimalesfixées par le Commerce, le

Marketing et la Finance reste un challengepour beaucoup d’entreprises. Elles ont prisconscience du potentiel d’une SupplyChain bien huilée mais malheureusement,les performances n’ont pas suivi. Un grandmagasin s’étonnait récemment d’êtreobligé de recourir à des promotions pourécouler ses stocks, alors qu’un quart deses clients quittaient le magasin les mainsvides en disant ne pas avoir trouvé l’article qu’ils étaient venus acheter. Rien de bien nouveau : manque de coor-dination entre la demande et l’offre,inefficacité dans la satisfaction de lademande. C’est le sujet auquel on a voulus’attaquer en mettant en place dans lesentreprises des managers pour la SupplyChain, des pros de l’Approvisionnement.Et les résultats se sont améliorés. Ils se sontaméliorés en ce sens que malgré l’augmen-tation de la complexité de l’offre, l’insatis-faction des clients n’a pas augmenté, lasatisfaction non plus. Les rayons sont tou-jours pleins le samedi matin et pleins devide le restant de la semaine. L’horizonrecule au fur et à mesure que l’on avance.Quel management pour demain ?Comment va progresser la coordinationentre l’offre et la demande dans un envi-ronnement dont la complexité augmente ?L’opinion la plus communément admiseest que « la coordination et la collabora-tion dans le management de la SupplyChain vont bénéficier d’une palette detechniques alliant les concepts de base dela communication jusqu’aux technologiesles plus sophistiquées d’échange de

Les bons mécanismespour piloter par tous les tempsSi les entreprises ont progressé grâce à la mise en place de Supply Chains bien huilées,elles n’ont souvent réussi qu’à maintenir leur niveau de qualité face à une complexitécroissante. Et augmenter la quantité d’informations échangées ne suffit pas à gagner en performance. Il faut plutôt se mettre d’accord sur des règles de gestion entreacteurs de la chaîne globale. Une fois mis en place les mécanismes adéquats, le rôle du Supply Chain Manager sera de piloter finement les flux pour prendre les bonnes décisions compte tenu des aléas incontournables.

données informatisées pour gérer et suivretout, des bons de commande jusqu’auxmouvements des articles individuels et des flux financiers tout le long de lachaîne » (Wharton Business School,septembre 2006).

Avoir plus d’information ne suffit pasCertes ! Mais le problème essentiel de laSupply Chain réside-t-il dans le manque decommunication et d’information ? Onpeut en douter. Prenons l’exemple du jeu « Cascade » aussi connu dans sa versionjeu de société sous le nom de jeu de labière. Dans ce jeu, chaque joueur prend laplace d’un acteur de la chaîne qui va del’usine au point de vente (planificateurusine, entrepôt régional, grossiste, point devente, consommateur). Chaque acteur dela chaîne gère son stock pour faire face auxbesoins aléatoires de son client direct touten étant soumis aux délais et aux aléas dela gestion de son fournisseur. ChezDiagma, nous avons joué des centaines defois à ce jeu avec des acteurs novices et desManagers aguerris. Le consommateur enbout de chaîne doit toujours se serrer laceinture plusieurs fois pendant la partie. Eten général, alors que la demande duconsommateur est relativement stable,l’usine se retrouve alternativement en chô-mage technique ou en période de sur-chauffe. Quand on demande aux partici-pants à la fin du jeu, si on les faisait jouer ànouveau, comment ils pourraient améliorerla situation, la réponse est unanime : « ilnous faut plus d’information ». On recom-mence donc, chacun annonçant son niveaude stock, la demande de son client, sa com-

mande à son fournisseur… mais les résul-tats sont tout aussi désastreux. Le profil enaccordéon de la demande qui parvient àl’usine n’a rien à voir avec le profil de lademande du consommateur final. Plusd’information ne suffit pas pour améliorerla gestion.

S’accorder sur des règles de gestion Par contre ce que l’on observe dans ce jeuc’est que si avec ou sans information, on semet d’accord entre partenaires sur desrègles de gestion même un peu simplistesde répercussion de la demande de sonclient à son fournisseur, on évite l’effet « accordéon » sur la demande. On n’évitepas les ruptures pour lesquelles il faut gérerde façon un peu plus sophistiquée les incer-titudes de l’amont et de l’aval, mais onévite les à coups. Cette phase de travail sur les règles de ges-tion des partenaires et leur évolution estsans doute la plus difficile. Car ne faisonspas d’angélisme, les partenaires « au senslarge » ont certes les mêmes objectifs « infine », c'est-à-dire satisfaire le consomma-teur final, mais individuellement, lesacteurs extérieurs et intérieurs à l’entre-prise ont un objectif court terme qui n’arien à voir avec cette satisfaction duconsommateur. Par exemple, le respon-sable de l’unité de production voudra faireprogresser sa productivité au détriment duniveau de stock (et il aura bien raison si ilest jugé d’abord sur la productivité). Lescommerciaux voudront faire progresser lechiffre d’affaires (à coup de remises,d’incitations de fin d’année…), ce qui aurapour effet de perturber considérablement le

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flux et de le rendre imprévisible. Lesacheteurs voudront acheter par camioncomplet, voire même bateau complet enExtrême Orient. Les informaticiens vou-dront se rassurer en s’équipant du systèmed’information « intégré » le plus vendusur le marché même si les modules depilotage des flux sont inadéquats. Lescomptables valoriseront les stocks en coûtcomplet pour être dans les dernièresnormes IFRS, etc.

Un pilotage robusteAujourd’hui, le premier défi pour leSupply Chain Manager c’est de mettre enplace un pilotage robuste qui fonctionnequel que soit le tohu bohu dans l’environ-nement industriel, commercial et marke-ting, ce qui veut dire quantifier en perma-nence les incertitudes inévitables et en tenircompte dans le pilotage dynamique desflux. Ce n’est pas facile. Il faut apprendre àpiloter par tous types de temps. Les prévi-sions sont toujours fausses, les usines ne

produisent pas ce que l’on demande, lesfournisseurs ont des aléas… Si l’on n’in-tègre pas correctement ces incertitudes, onaura des ruptures d’un côté, trop de stockde l’autre. On possède aujourd’hui lesconnaissances et les logiciels pourrépondre à ce défi. Il reste à les utiliser aumieux dans la Supply Chain.

Mettre en place des mécanismes incitatifsDemain, une fois le service client sécurisé,le Supply Chain Manager va chercher àmettre en place des mécanismes incitatifsd’optimisation avec ses interfaces directesen interne (l’usine, le commercial, le mar-keting, la R&D), en amont (ses fournis-seurs), en aval (ses clients) et latéralement(les autres fournisseurs de ses clients). Eninterne, en mettant en place avec ses col-lègues des indicateurs de performance(Key Performance Indicators) cohérentspour tous les acteurs et qui les poussent às’orienter dans le sens de la Supply Chaincomme des aimants dans le champ magné-tique. Ensuite avec les fournisseurs et lesclients, en mettant en place des incitatifséconomiques pour que la Supply Chain

Globale s’optimise d’elle-même : unbarème de remises avec les clients quireflète les économies que le client peutgénérer à travers sa commande, unbarème de bonus avec les fournisseursdont le comportement provoque des éco-nomies, un système de partage de coûtsavec des entreprises de même niveau dansla Supply Chain.Le message est le suivant. L’avenir dumanagement de la Supply Chain c’est demettre en place des mécanismes qui vontpermettre de gérer toute la chaîne logis-tique, pour le plus grand bien de l’huma-nité évidemment... ◆

Jean-Patrice Netter,

Président de Diagma Supply Chain Services

[email protected]

La plupart des entreprises sontaujourd’hui confrontées à unenvironnement de plus en plus

contraignant du fait de deux tendancesde fond :◆ une volatilité de la demande croissante(attentes clients plus différenciées, accélé-ration du rythme d’innovation, fragmenta-tion/volatilité des marchés)◆ une sensibilité prix exacerbée des marchés / clients (concurrents émergents,clients rationalisant leurs achats, action-naires en attente de rentabilité courtterme) Dans un tel contexte, chaque entreprisesoucieuse de maximiser sa position

L’exigence d’une performance «Lean»Pour répondre aux nouvelles exigences de leurs marchés, les entreprises vont devoirêtre plus performantes. Mener un programme de Lean Supply Chain peut les aider à gagner en agilité ou en efficacité.

concurrentielle doit atteindre de nou-veaux niveaux de performance de saSupply Chain se traduisant par les exi-gences suivantes :◆ une Supply Chain plus agile : commentsatisfaire les changements de plus en plusvolatiles de la demande tout en minimi-sant les risques d’obsolescence ?◆ une Supply Chain plus efficace : com-ment répondre au besoin des clients aucoût le plus bas ?Mener un programme de Lean SupplyChain, c’est atteindre ces nouveauxniveaux d’exigence par l’extension desprincipes du « Lean Manufacturing » àl’ensemble de la Supply Chain.

Le « Lean Manufacturing »étendu à l’ensemble de la Supply ChainIssue du système de production développépar Toyota tout au long du 20e siècle,la méthodologie de transformation du « Lean Manufacturing » a été formaliséedans les années 1980 par J. Womack & D.Jones, deux chercheurs du MIT. Celle-ci setraduit par un cycle de progrès dont l’objectif est d’obtenir un système de pro-duction dont les principaux attributs sontles suivants :◆ focalisé sur la valeur / client : toute acti-vité n’apportant pas de valeur ajoutée pourle client doit être éliminée ou minimisée

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◆ mise en flux continu : l’écoulement dela valeur se fait sans interruption tout aulong de la chaîne de production (chasse austock, réduction des tailles de lots)◆ tiré par la demande : la production esttirée par la demande, et non poussée par lescapacités de production◆ accéléré : les flux sont accélérés par laréduction des temps de cycle et l’augmen-tation des fréquences d’exécutionLa « Success Story » de Toyota a déclen-ché dans les années 1980 un engouementfort pour le déploiement du « LeanManufacturing », d’abord dans l’automo-bile puis dans des secteurs d’activité trèsvariés. De nombreuses mises en œuvredes principes « Lean » ont alors démontrél’applicabilité de cette approche pour desactivités de production très différentes,avec une certaine constance des bénéficesobservés :◆ réduction des capitaux engagés : baissedes stocks, rationalisation des équipe-

ments focalisés sur la valeur ajoutée,réduction des surfaces ;◆ réduction des coûts de transformation :élimination agressive des tâches à nonvaleur ajoutée, amélioration de la qualitéet des rendements ;◆ augmentation de la flexibilité et de laréactivité du système à la demande client: conséquence de la réduction des stocks,des tailles de lots et des délais ;◆ accélération de la capacité d’améliora-tion du système : développement d’uneculture de l’amélioration basée sur unediscipline systématique d’analyse desdysfonctionnements, de leurs causes et demise en œuvre d’actions correctives.Le « Lean » est une approche holistiquede transformation qui s’applique à tousles niveaux de l’entreprise. L’extensiond’une ligne de production Lean à uneSupply Chain Lean requiert une capacitéde transformation de l’entreprise simulta-nément sur l’organisation, les infrastruc-

tures physiques et l’intégration des pro-cessus et système de la chaîne. Les prin-cipes du Lean se traduisent par plusieursleviers d’amélioration de la Supply Chainque nous pouvons illustrer par lesexemples ci-dessous :◆ la focalisation de la Supply Chain sur lavaleur client sera obtenue adressantchaque segment du marché par une poli-tique de service différenciée en ligne avecles besoins de clients ;◆ le flux de produits depuis les fournis-seurs jusqu’aux clients finaux sera mis encontinu et accéléré en optimisant les fré-quences d’approvisionnement, en rédui-sant les tailles de lots et les délais à tousles niveaux et en reconfigurant le réseau ;◆ le flux de produits sera tiré par lademande en remontant le signal deconsommation finale le plus loin possibledans la chaîne. Le point de découplageoptimal flux poussé/ flux tiré, devra êtreidentifié compte tenu de la volatilité de la

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Mathieu deNodrest, ManagerArgonConsultingmathieu.de-

[email protected]

FrédéricNoël,DirecteurAssocié ArgonConsulting

[email protected]

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Une meilleure réponse aux aléasLe marché de la Supply Chain entame un virage stratégique et ceci va avoir un impact sur les services demandés par les entreprises. Au lieu de se focaliser sur les Best Practices,ces dernières vont chercher à gagner en performance par une meilleure réponse aux aléas des débouchés et donc par le pilotage des stocks en valeur.

demande, et de la différenciation desproduits à chaque niveau (une stratégiede différenciation au plus tard permettrapar exemple de pousser le flux de pro-duits génériques jusqu’au point de dif-férenciation)

Arbitrer entre agilité et efficacitéLes principes fondamentaux du Leansont applicables sur des secteurs d’acti-vité très différents et sur l’ensemble desmaillons d’une Supply Chain. Ils per-mettent de mettre en œuvre une transfor-mation de l’entreprise tendant vers uncompromis optimum agilité vs efficacitépropre à chaque société. Le poids straté-gique de ces deux facteurs de perfor-mance sera très différent compte tenu dela structure du marché adressé (naturedes produits/ attente des clients/pratiquesdes concurrents). Le facteur efficacitésera par exemple prépondérant pour unindustriel de produits de grande consom-

mation sur un marché dont la demandeest stable et les évolutions de produitslentes. A contrario, dans un secteur high-tech caractérisé par des évolutions pro-duits très fréquentes et une demandeimprévisible, l’agilité de la chaîne auraune importance majeure. Par conséquentle modèle de Supply Chain Lean à adopter sera radicalement différent dans ces deux cas.• Supply Chain efficace : les actions deprogrès viseront à maintenir une utilisa-tion élevée des capacités industrielles, àoptimiser tailles de lot et délais afin de

minimiser le coût complet, à dévelop-per des produits dans un souci de minimisation des prix de revient, àminimiser les stocks tout au long de la chaîne…◆ Supply Chain agile : les actions deprogrès viseront à maximiser la réacti-vité industrielle grâce à des capacitéstampon excédentaires, à minimiser lestemps de cycle « Order To Delivery », àdéployer des stocks tampons pour faireface à la demande, à investir massive-ment dans des réductions de Lead Timeet de tailles de lots… ◆

Q ue voyons-nous actuellement ?En 2006, sur le marché alle-mand, traditionnellement

moins hétérogène qu’en France, mais quiest un bon indicateur de son évolution, onconstate une augmentation du nombre deprojets, voire de leur taille en SCM. Maiscette croissance est surtout tirée en annexed’autres projets (RFID, InformationTechnology & Communication, etc.).

Une baisse des tarifs dans le conseilJusqu’à présent, la mise en place des « Best Practices » a été le point central des

actions de conseil en SCM, de même quela mise en place d’ERP. Ces meilleurespratiques commencent à être partagées parde nombreuses entreprises et en cedomaine, les actions des différents cabinetsde conseil se différencient peu. Le résultatse fait déjà ressentir sur les prix que lesclients sont prêts à payer pour leurs presta-tions s’ils ne perçoivent pas la valeur ajou-tée apportée. Ainsi selon notre expérienceet les études, par exemple de Pierre AudoinConsultants, les prix des services à faiblevaleur ajoutée en Allemagne ont pu baisserde 50 %. De même en France, il sembleraitqu’un très grand nom du conseil propo-

serait ses prestations à 600 euros/jour. Après ces années centrées sur la générali-sation des Best Practices, nous pensonsque l’attente des entreprises se focalisedésormais sur la recherche de performancenon plus au niveau d’une fonction en parti-culier, comme la logistique, mais au niveaude la rentabilité globale obtenue par rapport aux fonds propres (ROE : retoursur fonds propres). L’approche classiquen’a pas pris en compte cette perspective car ses spécialistes ont tout simplementignoré comment il était possible de déter-miner la valeur et la rentabilité d’un stockdans le temps.

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Trois défis à releverAfin de répondre à cet objectif de perfor-mance, les conseils et les entreprises deservices doivent désormais offrir desréponses qui intègrent des contraintes oude savoir-faire de métiers différents parmilesquels les défis suivants sont essentielspour l’avenir :◆ Savoir quand opter pour des plans alter-natifs : tout d’abord, puisque chaque pland’approvisionnement est fondé sur desprévisions, il est nécessaire d’apporteraux entreprises des méthodes objectivespermettant de déterminer à quel momentil est optimal de choisir des plans alterna-tifs. Ces méthodes existent et nécessitentde former bien sûr les utilisateurs. Onpeut penser réduire ainsi les taux d’erreurde manière considérable en intervenanttrès en amont dans le temps, donc en évi-tant des dévalorisations de prix des pro-duits ou en permettant d’avoir assez detemps pour augmenter des cadences deproductions et en déterminant le bonmoment en fonction des risques. C’est ceque nous appelons du Risk KnowledgeManagement (RKM).◆ Piloter les stocks en valeur : en mêmetemps, un facteur clé est la déterminationde la valeur des stocks et même des capa-cités de production en fonction des objec-tifs fixés et réalisés. La nécessité de savoir

calculer ces valeurs est bien sûr une obliga-tion des nouvelles normes comptablesdites IFRS, mais pas seulement. Savoirdéterminer et prévoir les variations devaleurs dans le temps permet de détermi-ner à l’avance le meilleur moment de lavente et/ou de la modification du prix. Lestock est d’abord un actif rentable, dont larentabilité est calculable et la valorisationdiminue dans le temps. Dès lors, en fonctiondes risques, il devient possible d’éviter des pertes de valeurs (qui se traduisent en destruction de trésorerie) en refusant de prendre des décisions ou de bénéficier de possibilités d’accroître les opportunités de gains. Des études scientifiques depuis1953 montrent qu’une réduction des risqueset des coûts de 50 % n’est sérieusement pasexclue. Notre expérience montre qu’un seuilde 20 à 25 % est une cible satisfaisante pourles entreprises.◆ Autofinancer sa croissance : enfin, laquestion du financement et de l’externalisa-tion des stocks est d’actualité. La trésoreriefinance la croissance et nombre de marchéssont en croissance rapide. Les banques, avecles critères de Basle 2, limitent leurs inter-ventions. L’approche en stock rentable etrisque permet de trouver des financements.C’est un des challenges les plus importantsà court terme pour des demandes visiblesjusqu’à 30 à 35 M€. ◆

Hostorg a développé des modèles de performance basés sur les prospectives des marchés qui ont reçu lareconnaissance des milieux scientifiques àtravers les conférences internationales del’IEEE, les participations aux travaux d’associations professionnelles comme le CSCMP et les secteurs du IT, informatique, industries lourdes et textiles.

Thierry BrutmanPDG de [email protected]

Des solutions logistiques «eco-friendly»Dépassant les pures contraintes réglementaires, le développement durable pénètre davantage dans les entreprises de par la prise de conscience collective qu’ilsuscite. Dès lors, les Supply Chains vont devoir intégrer cette nouvelle donne, y compris en ville. Mais comment ?

Depuis février 2002, un décretd'application de la loi sur lesnouvelles régulations écono-

miques, loi dite NRE, a rendu obliga-toire, pour les sociétés cotées sur unmarché réglementé, la fourniture d'informations sur les conséquencessociales, territoriales et environnemen-tales de leurs activités.

Un cadre réglementaireplus précisAu niveau européen, plusieurs directivesrécentes sont venues renforcer le disposi-tif. Le décret du 20 juillet 2005 relatif auxdéchets d'équipements électriques et élec-troniques (DEEE) fixe les conditions demise en place de la filière de collectesélective et de valorisation de ces produitsen imposant aux producteurs d'organiser

et de financer la collecte et l'éliminationdes équipements qu'ils mettent sur le marché. C’est le 15 novembre dernier que s’estmise en place la dernière étape de cettedirective en mettant en œuvre les solu-tions de collecte sous l’impulsion desquatre organismes agréés par le Ministèrede l’Ecologie et faisant figurer sur la fac-ture d’achat le coût de recyclage supporté

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par le consommateur final. Enfin, la direc-tive Reduction of Hazardous Substances(RoHS) réglemente l’utilisation de six sub-stances dangereuses, parmi lesquelles leplomb, le mercure, le cadmium…

Des Supply Chains remodeléesAu-delà d’une obligation légale, le déve-loppement durable devient peu à peu uneprise de conscience collective, inscritedans les comportements de chacun. Cequi encore hier générait des comporte-ments individuels parfois schizophré-niques (militantisme écologique à titreindividuel mais comportement erratique àtitre professionnel, ou vice et versa),devient aujourd’hui un axe de développe-ment et de changement majeur pour unnombre croissant d’entreprises.De par le type même des activités de laSupply Chain, leurs responsables devien-nent des acteurs de premier plan dans uneréflexion sur les questions de développe-ment durable au sein de leurs entreprises.Comment dès lors imaginer qu’une for-malisation plus structurée de la compo-sante développement durable ne soit pasopérée dans la conception des solutionslogistiques ? Comment ne pas imaginerque dans un futur très proche, la mise enœuvre des pratiques respectueuses del’environnement ne dépasse pas seule-ment la question du déploiement dechaînes logistiques spécialisées.De nouvelles chaînes logistiques voientdonc le jour en mettant en place des solu-tions en matière de stockage des déchetssur le point de collecte (container permet-tant d’éviter les déchets en mélange,palette à chandelles pour les lampes àdécharge, box-palette en carton), de

consolidation par des plates-formes deregroupement sur lesquelles peuventavoir lieu des opérations de prétraitementavant que les déchets ne soient acheminésvers des centres de valorisation. C’estpourquoi, il n’est pas rare de voir dans lecadre d’appels d’offre organisés par leséco-organismes se mettre en place despartenariats entre prestataires logistiqueset sociétés de recyclage des déchets.

La ville au cœur des réflexionsLa prise en compte de l’environnementmet la ville au cœur des réflexions. Laville, lieu de concentration démogra-phique et donc de consommation, est unespace de convergence naturelle ultime denombreux flux logistiques : biens deconsommation, biens d’équipements,matériaux et matériels de construction…L’espace urbain est un lieu où se croisentde façon totalement anarchique les flux demarchandises (plus de 50 % de ces fluxsont opérés en compte propre et avec des taux de remplissage inférieurs à 50 %...). Leur logique économique n’a aucune raison d’obéir à une logiquecollective territoriale : elle est une juxta-position de logiques économiques privéesd’optimisation des Supply Chains,conçues de bout en bout par les entre-prises et les prestataires de transport surun périmètre territorial large : au mini-

Philippe-PierreDornierProfesseur à l’ESSECAssocié Newton.VaurealConsulting

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MichelFenderProfesseur à l’Ecole des ponts et chausséesAssocié Newton.VaurealConsulting

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mum, le pays ou le continent, voire lemonde entier.

Concilier intérêts publics et privésLa nécessité d’inscrire une rupture decharge dans les Supply Chains pour mettreen œuvre des schémas logistiques urbains« intelligents » plus respectueux de l’envi-ronnement est contraire aux intérêts écono-miques privés qui président à l’organisa-tion des chaînes logistiques. Les entre-prises ne peuvent cependant plus se désintéresser du TMV (Transport deMarchandises en Ville) dans leurs poli-tiques de développement durable, eu égardà la multiplicité des initiatives prises(ADEME, Agence de l’Environnement etde la Maîtrise de l’Energie, ou PREDIT,Programme de Recherche sur lesTransports Terrestres, à travers l’initiativedes ELU, Espaces Logistiques Urbains)Gérer cette contradiction économiqueentre intérêt public et intérêt privé, tel estl’enjeu clé du développement de solutionslogistiques amicales d’un point de vueécologique (eco-friendly) respectueusesde notre environnement. Cela supposeune combinatoire d’instruments incitatifsou contraignants, dont la définition et lamise en œuvre effective ne peut passerque par l’implication de l’ensembledes parties prenantes, dont en premier lieu les entreprises. ◆