Que sera l’industrie - Annales des Mines · Que sera l’industrie automobile, dans vingt ans ?...

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Que sera l’industrie automobile, dans vingt ans ? Le principal enjeu de la technologie automobile du futur sera éner- gétique, avec la nécessité de produire des véhicules plus économes en carburant et émettant encore moins de CO 2 . Une nouvelle mobilité qui ne reposera pas demain sur une solution unique, mais sur une diversification des sources d’énergie avec une place importante réservée au tout-électrique et à la pile à combus- tible hydrogène. Toyota a fait le choix d’inscrire la motorisation hybride au centre de sa vision de cette mobilité du futur qui s’inscrira dans un cadre plus global, celui d’une société de mobilité intelligente (grâce au véhicu- le connecté) reposant sur quatre piliers : la sécurité, le confort, la facilité de déplacement et le développement durable. Par Didier LEROY* RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2014 23 L orsque l’on évoque le futur de l’industrie auto- mobile, le débat s’oriente souvent vers deux idées qui, si elles sont faciles à comprendre, n’en sont pas moins réductrices. Premièrement, tout laisse à penser que nous allons assister à une bataille entre deux ou trois grandes tech- nologies, avec l’idée que seule l’une d’entre elles pré- vaudra. Il semblerait que la voiture électrique serait la seule solution « zéro émission » digne de ce nom. Dans ce scénario, le moteur thermique disparaîtrait à plus ou moins brève échéance. Les voitures à techno- logie hybride comportant un moteur thermique et un moteur électrique (et des batteries) ne seraient qu’une solution temporaire et céderaient, à terme, la place au tout-électrique. Enfin, la technologie de la pile à com- bustible à hydrogène (fuel cell) serait trop difficile à mettre en œuvre en raison du manque d’infrastruc- tures. Cependant, on voit que la technologie élec- trique pure basée uniquement sur les batteries a du mal à être acceptée par le marché. Notre vision, chez Toyota, est que nous assisterons plutôt à une coexis- tence entre plusieurs technologies qui répondront à différents besoins de mobilité selon les contraintes liées aux lieux, à la législation et à la préférence des consommateurs. PRODUIRE DES VOITURES EN FRANCE * Président & CEO - Toyota Motor Europe. 023-34 Leroy_Ellena 14/05/14 11:03 Page23

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Que sera l’industrieautomobile,dans vingt ans ?

Le principal enjeu de la technologie automobile du futur sera éner-gétique, avec la nécessité de produire des véhicules plus économesen carburant et émettant encore moins de CO2.Une nouvelle mobilité qui ne reposera pas demain sur une solutionunique, mais sur une diversification des sources d’énergie avec uneplace importante réservée au tout-électrique et à la pile à combus-tible hydrogène.Toyota a fait le choix d’inscrire la motorisation hybride au centre desa vision de cette mobilité du futur qui s’inscrira dans un cadre plusglobal, celui d’une société de mobilité intelligente (grâce au véhicu-le connecté) reposant sur quatre piliers : la sécurité, le confort, la facilité dedéplacement et le développement durable.

Par Didier LEROY*

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2014 23

L orsque l’on évoque le futur de l’industrie auto-mobile, le débat s’oriente souvent vers deuxidées qui, si elles sont faciles à comprendre, n’en

sont pas moins réductrices.Premièrement, tout laisse à penser que nous allonsassister à une bataille entre deux ou trois grandes tech-nologies, avec l’idée que seule l’une d’entre elles pré-vaudra. Il semblerait que la voiture électrique serait laseule solution « zéro émission » digne de ce nom.Dans ce scénario, le moteur thermique disparaîtrait àplus ou moins brève échéance. Les voitures à techno-

logie hybride comportant un moteur thermique et unmoteur électrique (et des batteries) ne seraient qu’unesolution temporaire et céderaient, à terme, la place autout-électrique. Enfin, la technologie de la pile à com-bustible à hydrogène (fuel cell) serait trop difficile àmettre en œuvre en raison du manque d’infrastruc-tures. Cependant, on voit que la technologie élec-trique pure basée uniquement sur les batteries a dumal à être acceptée par le marché. Notre vision, chezToyota, est que nous assisterons plutôt à une coexis-tence entre plusieurs technologies qui répondront àdifférents besoins de mobilité selon les contraintesliées aux lieux, à la législation et à la préférence desconsommateurs.

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EN FRANCE

* Président & CEO - Toyota Motor Europe.

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Deuxième idée (toujours selon certains), il sembleraitque l’appétit des consommateurs pour la voiture indi-viduelle irait décroissant, en particulier dans lescentres urbains des pays développés. Les jeunes géné-rations bouderaient l’automobile, qui aurait déjàperdu de sa superbe en tant qu’objet que l’on désire etsource de liberté individuelle. La voiture, si elle sub-siste, deviendrait ni plus ni moins qu’une simple com-modité, un outil pour se déplacer d’un point à unautre au même titre que les transports en commun,remettant en cause la notion de possession privée d’unvéhicule, à laquelle nous sommes habitués aujour-d’hui.Parmi les défis auxquels notre industrie doit faire face,le futur technologique de l’automobile, d’une part, etson rôle social, d’autre part, font sans doute partie desplus importants. Notre industrie doit se transformerpour accompagner ces changements. C’est un enjeusociétal, mais c’est aussi un impératif économique. Eneffet, l’industrie automobile emploie 12,9 millions depersonnes en Europe (soit 5,3 % de la populationactive de l’Union européenne) et reste le plus grosinvestisseur en R&D, avec 32 milliards d’euros par anet plus de 9 500 brevets déposés (données del’Association des Constructeurs européens d’automo-biles - ACEA). Une économie qui se passerait de cetteindustrie n’est pas envisageable.De plus, il est impossible de revenir sur l’avancée quereprésente la mobilité individuelle. D’une part, uneportion croissante des populations des pays émergentsaspire légitimement à pouvoir se déplacer librement etde manière confortable à l’instar de tous les peuplesdes pays dits développés qui en ont bénéficié avanteux. D’autre part, il est permis de douter de l’idéeselon laquelle les citoyens des pays développés sedétourneraient des modes de transport individuel etde leur flexibilité inhérente pour privilégier unique-ment la mobilité collective. Ce serait faire fi de raisonspratiques et (malheureusement) aussi des problèmesde sécurité personnelle que posent certains transportsen commun. Preuve de cette aspiration à la mobilitéindividuelle : les gens qui utilisent aujourd’hui lesvéhicules électriques en covoiturage dans les centresurbains européens sont surtout ceux qui utilisaientjusqu’alors les transports en commun. Et malgré lacroissance indéniable de l’auto-partage dans le monde(20 % de croissance par an, pour un système dispo-nible dans 27 pays), les Européens considèrent encoremajoritairement (à 74 %, selon une étude récente del’Observatoire Cetelem) que l’automobile conserveraune place au moins aussi importante que celle qu’ellea aujourd’hui dans notre société.Toyota est résolument optimiste quant à l’avenir del’automobile. Comme l’avait dit le fondateur deToyota Motor Corporation, M. Kiichiro Toyoda, dansles années 1930 : « Nous aspirons à être en avance surnotre temps, à ne pas subir les changements, mais àessayer au contraire de les initier ».

Depuis plusieurs décennies, Toyota travaille à ce futur.J’aimerais donc expliquer ici notre vision de ce quesera l’automobile dans 20 ou 30 ans et commentnotre industrie peut continuer à être un élémentmoteur du changement pour accompagner nos socié-tés vers un avenir et une économie durables.

LE VÉRITABLE ENJEU EST ÉNERGÉTIQUE

Revenons tout d’abord à la base de notre réflexion surla technologie automobile du futur. Au-delà mêmedes véhicules et de leurs moyens de propulsion, notreréflexion a porté au départ sur une problématiquebeaucoup plus fondamentale, celle de l’énergie.Quelles que soient les prédictions (qui varient au grédes efforts d’exploration et d’exploitation de l’indus-trie pétrolière), il est certain que les ressources enpétrole déclineront, à plus ou moins brève échéance.De plus, nous savons que la combustion de ces carbu-rants fossiles contribue au réchauffement climatique,qui pose un problème à long terme, mais qu’elle aaussi un impact plus immédiat sur la qualité de l’air,en particulier dans les zones à fortes concentrationsd’industrie et de population. Le parc automobilemondial devrait atteindre 1,2 milliard de véhiculesd’ici à 2020 (contre un peu plus de 800 millionsaujourd’hui). Cela nous oblige à envisager une dimi-nution sérieuse de la consommation des véhicules encarburants fossiles à court et à moyen terme, même si,globalement, les transports ne sont responsables quede 23 % des émissions de CO2, selon l’AgenceInternationale de l’Énergie.Pour Toyota, le plus tôt sera le mieux. En cela, nousnous efforçons de contribuer à atteindre les objectifsambitieux établis par la Commission européenne dansson étude « Énergie et Changement Climatique » àl’horizon 2020, qui prévoit 20 % d’utilisation d’éner-gies renouvelables, 20 % de réduction de la consom-mation d’énergie et 20 % de réduction des émissionsde gaz à effet de serre. Le défi ultime est la décarboni-sation totale des transports à l’horizon 2050. Notre réflexion nous a amenés très tôt à considérer quenous devions agir sur deux fronts. D’une part, nousdevons réduire la consommation en carburant desvéhicules que nous sommes en mesure de produireaujourd’hui et, d’autre part, nous devons investir mas-sivement dans la recherche et le développement degroupes motopropulseurs alternatifs, tels que le tout-électrique et la pile à combustible à hydrogène. Notrevision implique une diversification des sources d’éner-gie pour inclure, au-delà du pétrole, le gaz naturel, labiomasse, l’énergie nucléaire et, bien sûr, les sourcesrenouvelables (telles que le vent, l’eau, le solaire et lagéothermie) (voir la Figure 1 de la page suivante).Cet éventail de sources d’énergie, en plus du pétrole,permettra le développement de nouveaux carburants,

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tels que les carburants gazeux, les carburants synthé-tiques, l’électricité et l’hydrogène. Il s’agit là d’uneffort de longue haleine. Entretemps, il nous est appa-ru crucial de pouvoir proposer des véhicules utili-sables dès aujourd’hui dont la consommation seraitfortement réduite par rapport à ce que l’on pouvaitoffrir il y a encore quelques années. C’est ainsi qu’estnée la Prius et, avec elle, la technologie hybridemoderne.

LA TECHNOLOGIE HYBRIDE : LA VISIONDE TOYOTA EST EN TRAIN DE DEVENIR RÉALITÉ

Aujourd’hui, Toyota est le leader du marché mondialdes véhicules hybrides. Nous en avons vendu plus de6 millions depuis 1997, dont plus de 650 000 enEurope depuis l’an 2000, date de son introduction surnotre continent. La Prius représente une large part deces ventes (même si nous proposons aujourd’hui24 modèles hybrides dans 80 pays et si nous en aurons15 de plus d’ici à 2015). La technologie hybride estdonc un succès indéniable.

À chaque nouvelle génération, nous avons amélioré laconsommation et la performance de nos véhicules, etréduit leurs émissions de CO2. Les coûts de produc-tion ont été divisés par 10 depuis la première généra-tion et nos modèles hybrides sont désormais ren-tables. Alors que l’on demandait à M. Uchiyamada, le pèrede la Prius, qui est aujourd’hui PDG de la ToyotaMotor Corporation, de se remémorer l’histoire de sonvéhicule emblématique, il a eu ces mots : « Ce quej’espère, c’est que grâce à la Prius les constructeurs dumonde entier ont commencé à prendre la question del’environnement au sérieux et que, grâce à la Prius, leschoses ont commencé à changer ».Même si les Prius ne sont pas des véhicules totalement« zéro émission », le gain en termes d’économies decarburant est significatif (celles-ci peuvent aller jus-qu’à 64 % pour une Prius rechargeable). De plus, cesvéhicules ne posent pas de problème de limitation deleur autonomie électrique et ils restent abordables, cequi est très important pour permettre au consomma-teur de sauter le pas et d’aller vers une mobilité pluspropre dans son quotidien d’aujourd’hui, sans avoir àattendre demain.

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Figure 1. © Toyota

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Nous avons réduit notre impact sur les émissions deCO2 mondiales de plus de 41 millions de tonnes à cejour. Nous avons aussi donné un accès à ces solutionshybrides au plus grand nombre, par exemple avec laYaris Hybride (voir la Figure 2), une citadine com-pacte fabriquée à Valenciennes depuis 2012. Qui aurait pensé, il y a encore un ou deux ans de cela,qu’une petite voiture de moins de 4 mètres du seg-ment B pourrait être proposée à un prix concurrentielavec son équivalent diesel, de surcroît une voiture pro-duite en France ? Qui aurait pu prévoir que les ventesde cette petite citadine passeraient de 25 000 à plus de50 000 unités annuelles en Europe entre 2012 et2013, ce qui représente un tiers des ventes de cemodèle ? Ce succès nous conforte dans notre stratégie consis-tant à proposer une gamme hybride large enEurope (nous offrons aujourd’hui 12 véhicules surles gammes Toyota et Lexus). Grâce à l’hybride,Toyota est en mesure d’atteindre en Europe lesobjectifs de la Commission européenne, grâce à desémissions moyennes (en 2012) de 121,9 grammesde CO2 par kilomètre sur 100 % de notre flotte,qui se situe ainsi parmi les toutes premières denotre industrie.

LA MOTORISATION HYBRIDE, UNE TECHNOLO-GIE MODULAIRE AU CENTRE DE NOTRE DISPOSI-TIF DE MOBILITÉ DU FUTUR

Pour Toyota, l’hybride n’est pas juste une technologietransitoire, elle est au cœur de la mobilité du futur, carcette technologie est très modulaire. La configurationde notre système hybride permet en effet de concevoirsur la même base technique non seulement, bien évi-demment, des véhicules hybrides classiques, maisaussi des véhicules électriques purs (en supprimant lemoteur thermique et le réservoir de carburant), desvéhicules hybrides rechargeables (en rajoutant desbatteries rechargeables via une prise électrique) et desvéhicules à pile à combustible (en remplaçant lemoteur thermique par une pile à combustible et leréservoir à essence par un réservoir d’hydrogène) (voirla Figure 3 de la page suivante).Notre approche nous a amenés à identifier les besoinsdes consommateurs et à leur livrer des solutions tech-nologiques optimales. Nous en sommes convaincus,dès lors qu’il s’agit d’élaborer des motorisations desti-nées à préserver la mobilité de demain, le principe

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Figure 2 : La Toyota Yaris Hybride.© Toyota

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d’une « solution unique » est totalement inadapté. Lesbesoins de motorisations ne dépendent pas seulementde la taille du véhicule et du kilométrage visé, maisaussi des spécificités géographiques en termes d’éner-gie disponible, d’infrastructures et de législation. PourToyota, il s’agit donc de fournir la bonne solution demobilité au bon endroit et au bon moment. Au centre de notre feuille de route de la mobilité dufutur (voir la Figure 4 de la page suivante) figurentdonc nos solutions hybrides. Outre l’hybride classique, nous avons lancé en 2012notre premier véhicule hybride rechargeable aprèsdeux ans de tests réalisés en grandeur nature grâce àune flotte de 600 voitures (dont 100 en France sur les200 testées en Europe). La Prius rechargeable estaujourd’hui disponible dans de nombreux pays et nousen avons déjà vendu à fin 2013 plus de 45 000 exem-plaires dans le monde, dont 8 000 en Europe.L’hybride rechargeable constitue à nos yeux le meilleurdes deux mondes, la solution idéale à la fois pour satis-faire aux besoins de mobilité du plus grand nombre etpermettre une circulation en ville en électrique pur. Enoutre, il permet aux consommateurs de se familiariseravec l’utilisation d’un véhicule électrique en franchis-

sant aisément le cap psychologique que représente lacrainte de tomber en panne d’énergie électrique sur laroute, une angoisse qui reste un des principaux freinsau développement de la voiture électrique aujourd’hui.Les autres freins sont l’absence d’une infrastructure derecharge suffisante et les coûts élevés à l’achat dusessentiellement au coût des batteries, un problème quela voiture hybride rechargeable résout également enembarquant des batteries plus petites, et donc moinschères. Enfin, la technologie hybride rechargeable per-met une meilleure utilisation des batteries, qui s’épui-sent nettement moins vite que sur un véhicule élec-trique pur, elle permet donc une utilisation à longterme dans des conditions optimales pour le consom-mateur (voir la Figure 5 de la page suivante).À droite des hybrides, sur notre carte de la mobilitéfuture, se situent les véhicules à pile à combustible.Initialement plus gros, en raison de l’encombrementdu système motopropulseur et du réservoir, nousavons déjà travaillé à en réduire la taille et le coût.Nous pensons qu’ils seront amenés à supplanter àlong terme les véhicules thermiques pour des trajetslongue distance ou des utilisations commerciales. Àgauche, sur notre carte, nous envisageons l’utilisation

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Figure 3.© Toyota

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Figure 4.

Figure 5.

© Toyota

© Toyota

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de véhicules intégralement électriques pour répondreaux besoins de mobilité urbaine avec de courts trajetset de très petits véhicules à faible encombrement. Si le véhicule électrique pur a sans doute de l’avenir,nous sommes encore loin de la révolution techniquenécessaire pour améliorer la densité énergétique desbatteries (voir la Figure 6 ci-dessous).Pour nous, la technologie la plus prometteuse àmoyen terme est sans doute la pile à combustiblehydrogène. Les solutions qu’apporte ce véhicule auxproblèmes d’énergie et de pollution se rapprochent auplus près de l’éco-voiture ultime, l’hydrogène étantune source d’énergie idéale, car ultra-propre en sortied’échappement (voir la Figure 7 de la page suivante).N’émettant ni CO2 ni oxydes d’azote (NOx) ni parti-cules, mais uniquement de la vapeur d’eau, le moteurà pile à combustible à hydrogène affiche un rende-ment énergétique exceptionnel : en théorie, jusqu’à83 % lors de la conversion de l’énergie issue de l’hy-drogène en électricité. C’est à peu près le double durendement permis par les moteurs thermiques actuelsà essence ou Diesel. En d’autres termes, le véhicule àpile à combustible offre les avantages des batteriesélectriques, sans en présenter les inconvénients. Ilreste, bien sûr, à développer l’infrastructure. Dans ce

domaine, des avancées sont envisageables. Au Japon,il est prévu d’installer 100 stations de recharge d’ici à2015, et une autre centaine, aux États-Unis. EnEurope, plusieurs stations sont déjà opérationnelles etune cinquantaine est prévue d’ici à 2015, principale-ment en Allemagne, en Scandinavie et au Royaume-Uni.Nous avons déjà des prototypes, qui circulent depuisplus de deux ans en Europe et dans d’autres régionsdu monde. Nous travaillons activement à la produc-tion des composants majeurs de ce véhicule, commele réservoir à hydrogène et les piles à combustibleelles-mêmes, que nous développons en interne. D’icià 2015, nous allons lancer sur le marché (au Japon,aux États-Unis et en Europe) un nouveau véhicule àpile à combustible hydrogène, dont le concept a étéprésenté au Salon de Tokyo en novembre 2013 (voirla Figure 8 de la page suivante).Nous prévoyons d’en vendre quelques centaines pourcommencer puis quelques milliers d’ici à 2020, et plu-sieurs dizaines de milliers après 2020. Le véhicule àhydrogène n’est donc plus une chimère : il arrive, etnous comptons bien être leaders dans cette technolo-gie, comme nous l’avons été pour l’hybride, il y a decela quinze ans.

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Figure 6.© Toyota

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Figure 7.

Figure 8 : Le concept-car Toyota de sa voiture à pile à combustible hydrogène.

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MOBILITÉ URBAINE : VERS UNE SOCIÉTÉ ÀMOBILITÉ INTELLIGENTE GRÂCE À LA VOITURECONNECTÉE, COMME SOLUTION AUX ENJEUXDE DEMAIN

Penser la mobilité de demain ne se limite pas aux seulsvéhicules. Même si nous voulons garder l’automobileau cœur de notre stratégie, nous sommes égalementde plus en plus conscients du fait que la voiture dufutur ne se suffira pas à elle-même. Par conséquent,nous pensons que les constructeurs automobilesseront amenés à se transformer en fournisseurs demobilité au sens large (c’est en tout cas l’ambition deToyota).En raison de limites qui s’imposent à nous, commel’espace limité dans les centres urbains (qui vont sedévelopper de plus en plus à l’échelle planétaire) oules questions de coût des infrastructures, il est de plusen plus compliqué d’étendre les infrastructures detransport. Par conséquent, de nouvelles solutionsinnovantes devront être développées pour optimiserles systèmes de transport existants et réduire les incon-vénients sociaux de la congestion et de la pollutionurbaines. À travers des initiatives locales sur les quatregrands sujets que sont la télématique de prochainegénération, les systèmes de transports intelligents(ITS), les nouveaux systèmes de transport urbain et lagestion de l’énergie, Toyota s’engage à créer la mobili-

té de demain, qui est en phase avec notre VisionGlobale.En mars 2011, Toyota a dévoilé cette vision : « Toyotamontrera le chemin vers le futur de la mobilité enaméliorant les conditions de vie dans le monde entiergrâce à la mise en œuvre des moyens les plus sûrs etles plus protecteurs de l’environnement pour trans-porter les hommes ». Toyota explorera ainsi des possi-bilités nouvelles en termes de mobilité personnellevisant la convergence des technologies de l’informa-tion et de la communication appliquées aux réseauxintelligents (Smart Grids et Hy-Grids) et aux automo-biles afin d’optimiser la génération et la consomma-tion d’énergie.Plusieurs projets de recherche et développement ontdéjà vu le jour et visent à jeter les bases d’une sociétéde mobilité intelligente axée autour de quatre piliers :la sécurité, le confort, la facilité de déplacement etl’écologie (voir la Figure 9 ci-dessous).Cette société de la mobilité du futur implique quenous ayons une approche globale et intégrée. Notrebut est une mobilité qui connecte les personnes, leursvoitures et la société au sens large, de façon harmo-nieuse. Pour ce faire, il faut connecter et utiliser desquantités importantes de données (Big Data) dans lesquatre domaines d’activité qui sont les nôtres : la télé-matique embarquée de prochaine génération (pour leconfort), les systèmes de transport intelligents coopé-ratifs (ITS en anglais) (pour la sécurité), les nouveaux

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Figure 9. © Toyota

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systèmes de mobilité urbaine (pour la facilité dedéplacement) et, enfin, la gestion de l’énergie (pour lapréservation de l’environnement). Dans cette optique, les données seront collectées par lebiais d’un Système de Gestion des Données Véhicule(VDMS), un Système de Gestion des Données deCirculation (TDMS) et un Système de Gestion desDonnées Énergétiques (EDMS). Développés en inter-ne par Toyota, ces systèmes de données composent leToyota Smart Center, qui peut fournir une solution glo-bale et intégrée de la mobilité de demain.Tout cela peut sembler assez technique. Voyons donccomment un utilisateur Lambda vivra sa mobilité, àl’horizon 2030 et au-delà.

Une télématique de prochaine génération

Le véhicule deviendra un partenaire de confiance quicommuniquera avec son conducteur à travers des ser-vices interactifs situés dans un cloud informatique. Levéhicule pourra avoir une conversation avec son pilo-te et réagira aux commandes vocales de celui-ci. Parexemple, quelqu’un pourra demander à sa voiture derecharger ses batteries lorsqu’elle sera positionnée au-dessus d’une borne de recharge par induction. Le ser-vice « Toyota Friend » déjà en place au Japon, quiconsiste à créer un réseau social entre conducteurs,voitures et concessionnaires ou fournisseurs de ser-vices liés à la mobilité, se répandra et permettra d’ac-céder aux services de maintenance, aux rappels d’en-tretien, ou même de savoir où se trouve son enfant,pour pouvoir le récupérer au bon endroit à la sortie del’école.

Des systèmes de transport intelligents coopératifs

Ces systèmes permettent une conduite plus sûre.Grâce à eux, les véhicules peuvent communiquer avecles infrastructures (les feux signalétiques ou les limita-tions de vitesse, par exemple), comme c’est déjà le cas(de manière encore limitée) au Japon. Les véhiculespourront aussi communiquer avec d’autres véhiculespour réguler leur vitesse de façon adaptative, parexemple, afin d’assurer une distance de sécurité et unecirculation plus fluide, mais aussi avec les piétons(la voiture pourra repérer un piéton grâce à sonsmartphone ou à tout autre équipement électronique).

De nouveaux systèmes de transport urbain

Cette solution visera à fournir un transport urbainsûr, écologique et sans stress basé sur un calcul opti-

mal du meilleur trajet d’un point à un autre en utili-sant à la fois les transports en commun (métro, bus,tram, train) et de nouveaux véhicules compacts élec-triques à faible encombrement en auto-partage, quipermettront de parcourir le « premier » ou le « dernierkilomètre ». C’est ce concept qui sera à l’essai à partirde la fin 2014 pour une période de trois ans dans laville de Grenoble (en Isère), avec de petits véhiculesélectriques comme le Coms ou l’i-ROAD (voir laFigure 10). Environ 70 véhicules constitueront leparc. Ce projet s’inscrit dans un partenariat entreToyota, la Ville de Grenoble, La Métro (laCommunauté d’agglomération Grenoble-AlpesMétropole), EDF et Citélib (un fournisseur local devéhicules en partage).

Une gestion de l’énergie

À l’avenir, les véhicules rechargeables (hybrides ouélectriques purs, et éventuellement les batteriesembarquées à bord des véhicules à hydrogène) consti-tueront à la fois une charge supplémentaire pour lesréseaux électriques, mais aussi une source de stockaged’électricité en vue d’un usage ultérieur.L’optimisation de l’offre et de la demande sur le réseausera un enjeu crucial et se fera, là encore, via un accèsaux données des véhicules et du réseau électrique,mais aussi de celles des maisons individuelles ou debâtiments collectifs équipés de panneaux solaires.Certains de ces projets ont déjà débuté. Une collabo-ration entre le ministère de l’Economie, du Commerceet de l’Industrie japonais, la ville de Toyota City, laToyota Motor Corporation et une cinquantaine d’autresentreprises et partenaires locaux, est en place et sefocalise sur la gestion de l’énergie et le transport mul-timodal. Ce test grandeur nature a déjà permis de mettre aujour les gains potentiels d’un tel dispositif en termesde réduction des émissions de CO2. Le système per-met non seulement de stocker le surplus d’électricitégrâce aux batteries des véhicules rechargeables, maisaussi de prévenir les consommateurs d’une baisse dedisponibilité d’énergie solaire et de leur demander deréduire en conséquence leur consommation.Sur la première année, pour ce qui est de l’effet duSystème de Gestion de l’Énergie (EDMS), la réductiondes émissions de CO2 a atteint 18,8 %, soit bien au-delà de nos attentes, qui se situaient autour de 10 %. Un précurseur du projet de Grenoble offrant untransport en co-modalité basé sur l’auto-partage, est lesystème de transport Ha:mo (Harmonious Mobility),qui a été déployé à Toyota City (Japon) et est en phased’expansion (à une centaine de véhicules et à environun millier d’utilisateurs). Les utilisateurs sont de plusen plus nombreux et nous sommes passés à une factu-ration du service à l’usage (environ 1,50 euro pour les

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10 premières minutes et 15 centimes d’euro pourchaque minute supplémentaire). Après les tests gran-deur nature de Ha:mo et ceux réalisés à Grenoble,Toyota décidera du développement commercial de ceservice dans des communautés urbaines au Japon, enEurope, en Asie et en Amérique du Nord.

CONCLUSION

Comme on le voit, il est permis d’être résolumentoptimiste sur le futur de l’industrie automobile. Lesvéhicules vont continuer à devenir de plus en pluspropres et de plus en plus sûrs. À l’horizon 2030, onassistera très certainement à la démocratisation desmotorisations hybrides et au développement de l’hy-bride rechargeable. D’ici là, les véhicules à piles àcombustible hydrogène auront accompli les progrèsnécessaires en termes de coûts et d’infrastructurespour permettre des ventes en nombres très importants(Toyota prévoit des ventes annuelles mondiales deplusieurs dizaines de milliers de ces véhicules dans ladécennie 2020).La mobilité urbaine, le grand défi des années à venir,sera, quant à elle, majoritairement électrique ou en tout

cas rechargeable. La qualité de l’air prendra certaine-ment le pas sur les soucis de réchauffement climatiqueparmi les sujets de préoccupation des sociétés, que cesoit dans les pays développés ou dans les pays émergents,pour des raisons de santé publique. La voiture indivi-duelle urbaine s’inscrira alors dans le cadre d’une mobi-lité en co-modalité et permettra, grâce à la connectivitéet à la gestion des données, de contribuer encore plusaux réductions d’émissions carbonées et au développe-ment de l’utilisation des énergies renouvelables par l’in-termédiaire de la capacité de stockage des batteries.Une chose est sûre, ces évolutions ne pourront pas sefaire sans de larges partenariats.Des partenariats entre constructeurs, tout d’abord, carles coûts de recherche, de développement et de pro-duction des technologies nouvelles sont très lourds.C’est le sens du partenariat que Toyota a lancé depuisl’Europe avec le groupe BMW sur les batteries pro-chaine génération, les matériaux légers et la pile àcombustible de prochaine génération. Des partenariats, aussi, entre constructeurs, fournis-seurs d’énergie et collectivités locales. Là encore,Toyota travaille avec de grands acteurs, tels qu’EDF,l’INES et, bien sûr, des villes et des régions, commel’illustrent plusieurs projets menés par Toyota enFrance (Strasbourg, Chambéry, Grenoble) ou des pro-

Figure 10 : L’I-ROAD de Toyota. © Toyota

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PRODUIRE DES VOITURES EN FRANCE

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 201434

jets communs de développement de la mobilitéhydrogène, comme le CEP (en Allemagne) ou le pro-jet Hy-5 (Londres, Munich, Copenhague). Des coopérations, enfin, entre une industrie qui seveut porteuse d’avenir et créatrice d’emplois et despolitiques à l’échelle nationale ou européenne. Cesdernières doivent continuer à soutenir les besoins eninvestissements en recherche et développement queces transitions technologiques requièrent. Elles doi-vent aussi offrir des perspectives stables à moyen etlong terme et mettre en œuvre une législation cohé-rente et prévisible afin que les acteurs économiques dusecteur puissent investir en ayant confiance dans l’ave-nir.

Nous restons cependant persuadés que le véritableacteur de cette transformation de la mobilité restera leconsommateur lui-même. Rien ne se fera sans unemodification des comportements de mobilité et deconduite. Nous sommes assez confiants que ce chan-gement de mentalité est d’ores et déjà en marche.L’adhésion croissante des clients aux véhiculeshybrides démontre que nombre d’entre eux décou-vrent une mobilité plus douce, un plaisir de conduite,lié au silence et à l’économie d’énergie, qui deviendrabientôt la norme. Au-delà des solutions techniques,l’objectif de Toyota est de conquérir les cœurs en fai-sant en sorte que les conducteurs retombent amou-reux d’un plaisir de conduire renouvelé.

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