Que peut nous apprendre un morceau de silex - … Silex-INRAP.pdf · tions (habitat, aire...

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Fiona Kildea, Inrap Fiona Kildea, Inrap Fiona Kildea, Inrap Fiona Kildea, Inrap Durant l’hiver 2014, lors de la fouille d’un site datant du Moyen-âge et de la Renaissance 1 , des silex taillés préhisto- riques ont été identifiés en nombre. Les premières observations ont permis d’éta- blir que ces silex étaient présents au sein d’une formation sédi- mentaire ancienne liée aux débordements de la Loire. Ces éléments indiquaient qu’un ou plu- sieurs campements des derniers chasseurs-cueil- leurs de la Préhistoire (Mésolithique) étaient conservés en ce lieu. Une seconde prescription ar- chéologique a alors été émise et la fouille du site a été réalisée au printemps 2015. Le premier examen des silex révèle des activités principalement liées à la fabri- cation ou la réfection de l’armement de chasse. Les outils domestiques sont peu représentés. Plusieurs concentrations de mobilier ont été observées, mais la dia- chronie ou la contemporanéité des occu- pations sera à préciser à l’issue de l’étude approfondie du site. La typologie des armatures permet d’ores et déjà d’avan- cer que ces implantations humaines sont attribuables à une même phase du Mé- solithique : des pointes à base retouchée, supposées perforantes, sont associées à de petits segments utilisés en barbelures. Les vestiges préhistoriques de Blois sont contemporains du début de l’ère clima- tique tempérée actuelle (l’Holocène), marqué par le développement d’un en- vironnement boisé remplaçant un mi- lieu steppique. Ce changement coïncide avec l’apparition de l’arc et la flèche. Les têtes des flèches mé- solithiques étaient composites : plusieurs éléments de silex de petites dimensions (ar- matures) constituaient une extrémité perfo- rante associée à des barbelures. La taille du silex avait pour finalité la production de pe- tites lames destinées à être transformées en armatures de flèche, les outils domes- tiques étant fabriqués à partir des déchets de taille (éclats). Les silex taillés mésolithiques sont parti- culièrement petits, ce qui rend la détec- tion de ces sites difficile. Les méthodes de fouilles sont adaptées à cette spécificité. Les sédiments qui scellent les occupations sont prélevés par ¼ de m² et tamisés à l’eau à travers une maille de 2 mm. Les ob- jets collectés par ce biais sont précisément localisés sur des plans, afin de restituer la nappe de vestiges matérialisant le niveau archéologique. Les perspectives de recherche liées à la découverte du site mésolithique de Blois sont de plusieurs ordres : tout d’abord caractériser la nature de la ou les occupa- tions (habitat, aire d’activité spécialisée, halte de chasse) et déterminer si le site correspond à un seul grand campement ou à une succession de petits campe- ments. Par le biais de l’identification des origines géologiques des silex taillés, il s’agira d’apprécier l’étendue du territoire au sein duquel les groupes ont évolué, et enfin de préciser la sphère d’influence culturelle à laquelle se rattache ce ou ces groupes mésolithiques. 1- Ces recherches ont été réalisées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). L’opération d’archéologie préventive a été prescrite par le Service Ré- gional de l’Archéologie (Drac Centre-Val de Loire), dans le cadre de l’aménagement de logements sociaux par la société Jacques-Gabriel, rue des Ponts Chartrains, dans le quartier Vienne à Blois. Le Mésolithique (entre 9 000 et 5 000 avant notre ère) est une période de la Préhistoire qui succède au Paléolithique supérieur et précède le Néolithique. Parmi les objets du quotidien, ceux en silex tenaient une place prépondérante, un grand nombre d’outils à vocation domestique étant réalisés dans ce matériau (lames, grattoirs, burins, perçoirs…). L’armement de chasse était lui aussi composé en partie d’éléments en silex (perforants ou tranchants). Le site mésolithique de Blois a essentiellement livré des vestiges en silex mais une centaine de restes organiques carbo- nisés infra-centimétriques (ossements de faune chassée et coquilles de noisette) ont également été collectés. • Fiona Kildea et Olivier Roncin, archéologues préhistoriens à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) La fouille d’un quartier de Blois a permis de mettre en lumière la présence de campements de chasseurs-cueilleurs mésolithiques dans la ville. Cette interprétation a été rendue possible par la découverte de silex caractéristiques de cette période, notamment par leurs dimensions et les techniques de taille employées. « La taille du silex avait pour finalité la production de pe- tites lames destinées à être transformées en armatures de flèche » Que peut nous apprendre un morceau de silex ? www.centre-sciences.org septembre 2015

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Durant l’hiver 2014, lors de la fouille d’un site datant du Moyen-âge et de la Renaissance1, des silex taillés préhisto-riques ont été identifiés en nombre. Les premières observations ont permis d’éta-blir que ces silex étaient présents au sein d’une formation sédi-mentaire ancienne liée aux débordements de la Loire. Ces éléments indiquaient qu’un ou plu-sieurs campements des derniers chasseurs-cueil-leurs de la Préhistoire (Mésolithique) étaient conservés en ce lieu. Une seconde prescription ar-chéologique a alors été émise et la fouille du site a été réalisée au printemps 2015.

Le premier examen des silex révèle des activités principalement liées à la fabri-cation ou la réfection de l’armement de chasse. Les outils domestiques sont peu représentés. Plusieurs concentrations de mobilier ont été observées, mais la dia-chronie ou la contemporanéité des occu-pations sera à préciser à l’issue de l’étude approfondie du site. La typologie des armatures permet d’ores et déjà d’avan-cer que ces implantations humaines sont attribuables à une même phase du Mé-solithique : des pointes à base retouchée, supposées perforantes, sont associées à de petits segments utilisés en barbelures.Les vestiges préhistoriques de Blois sont

contemporains du début de l’ère clima-tique tempérée actuelle (l’Holocène), marqué par le développement d’un en-vironnement boisé remplaçant un mi-lieu steppique. Ce changement coïncide avec l’apparition de l’arc et la flèche. Les

têtes des flèches mé-solithiques étaient composites : plusieurs éléments de silex de petites dimensions (ar-matures) constituaient une extrémité perfo-rante associée à des barbelures. La taille du silex avait pour finalité la production de pe-tites lames destinées à être transformées en

armatures de flèche, les outils domes-tiques étant fabriqués à partir des déchets de taille (éclats).

Les silex taillés mésolithiques sont parti-culièrement petits, ce qui rend la détec-tion de ces sites difficile. Les méthodes de fouilles sont adaptées à cette spécificité. Les sédiments qui scellent les occupations sont prélevés par ¼ de m² et tamisés à l’eau à travers une maille de 2 mm. Les ob-jets collectés par ce biais sont précisément localisés sur des plans, afin de restituer la nappe de vestiges matérialisant le niveau archéologique.

Les perspectives de recherche liées à la découverte du site mésolithique de Blois sont de plusieurs ordres : tout d’abord

caractériser la nature de la ou les occupa-tions (habitat, aire d’activité spécialisée, halte de chasse) et déterminer si le site correspond à un seul grand campement ou à une succession de petits campe-ments. Par le biais de l’identification des origines géologiques des silex taillés, il s’agira d’apprécier l’étendue du territoire au sein duquel les groupes ont évolué, et enfin de préciser la sphère d’influence culturelle à laquelle se rattache ce ou ces groupes mésolithiques.

1- Ces recherches ont été réalisées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). L’opération d’archéologie préventive a été prescrite par le Service Ré-gional de l’Archéologie (Drac Centre-Val de Loire), dans le cadre de l’aménagement de logements sociaux par la société Jacques-Gabriel, rue des Ponts Chartrains, dans le quartier Vienne à Blois.

Le Mésolithique (entre 9 000 et 5 000 avant notre ère) est une période de la Préhistoire qui succède au Paléolithique supérieur et précède le Néolithique. Parmi les objets du quotidien, ceux en silex tenaient une place prépondérante, un grand nombre d’outils à vocation domestique étant réalisés dans ce matériau (lames, grattoirs, burins, perçoirs…). L’armement de chasse était lui aussi composé en partie d’éléments en silex (perforants ou tranchants). Le site mésolithique de Blois a essentiellement livré des vestiges en silex mais une centaine de restes organiques carbo-nisés infra-centimétriques (ossements de faune chassée et coquilles de noisette) ont également été collectés.

• Fiona Kildea et Olivier Roncin, archéologues préhistoriens à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)

La fouille d’un quartier de Blois a permis de mettre en lumière la présence de campements de chasseurs-cueilleurs mésolithiques dans la ville. Cette interprétation a été rendue possible par la découverte de silex caractéristiques de cette période, notamment par leurs dimensions et les techniques de taille employées.

« La taille du silex avait pour finalité la production de pe-tites lames destinées à être transformées en armatures de flèche »

Que peut nous apprendre un morceau de silex ?

www.centre-sciences.orgseptembre 2015