Quand performance et qualité de vie se conjuguent©cembre 2007… · Son père dirigeait une ......

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PORC QUÉBEC DÉCEMBRE 2007 23 Sur le rang Fleury, une haie de pins splen- dides et une belle enseigne peinte à la main annoncent la Ferme A. Coupal et fils. De l’autre côté de l’enseigne, le proprié- taire, Alexandre Coupal, a affiché sa fierté d’adhérer à la production porcine dans le respect de l’environnement. Une élégante maison devancée d’une galerie et arborant trois lucarnes attire le regard. Vers l’arrière de la propriété s’étend un immense ter- rain, des hangars et, sur la gauche, un magnifique étang. Mais où se cache la porcherie? Loin derrière, à l’abri des regards et des vents dominants. Alexandre Coupal, Andrée Jeanson et leurs deux jeunes fils, Xavier et Antoine, nous accueillent avec le sourire. Leur fille Myriam, dix ans, est à l’école ce matin. Ils ont trouvé quelques moments à accorder à Porc Québec en ce lendemain de cueillette des porcelets par leur client finis- seur Isoporc. Nouveaux dans la production Alexandre Coupal n’était pas fils de producteur porcin quand il s’est lancé dans l’aventure. Son père dirigeait une pépinière. On comprend pourquoi le site est si bien aménagé! « Mon père faisait des haies ou des massifs avec les arbres et les arbustes qu’il ne vendait pas », raconte le jeune producteur. Mais com- ment lui-même a-t-il choisi l’élevage porcin? « Mon père voulait léguer sa pépinière à l’un de ses quatre enfants, mais sans faire de cadeau, explique-t-il. Aucun d’entre nous n’était intéressé, mais j’ai été le seul à vouloir démarrer un projet – une porcherie – sur les 100 arpents de terre de l’entreprise. » Au début, Alexandre s’est associé avec son père pour avoir le droit d’ache- La Ferme A. Coupal et fils, de Saint-Bernard-de-Michaudville, au nord de Saint-Hyacinthe, a gagné le concours de la Ferme porcine de l’année 2007, catégorie «Naisseur». Les résultats dignes de mention font bon ménage avec la plantation d’arbres et les réunions d’affaires en vélo! REPORTAGE Ferme A. Coupal et fils, Saint-Bernard-de-Michaudville Quand performance et qualité de vie se conjuguent Hubert Brochard, agronome et journaliste >> (PHOTOS : HUBERT BROCHARD) Alexandre Coupal et Andrée Jeanson, aux côtés d’Antoine (18 mois) et de Xavier (bientôt 4 ans). Myriam, 11 ans (en médaillon), fille de M. Coupal, était absente au moment de la photo.

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PORC QUÉBEC � DÉCEMBRE 2007 23

Sur le rang Fleury, une haie de pins splen-dides et une belle enseigne peinte à lamain annoncent la Ferme A. Coupal et fils.De l’autre côté de l’enseigne, le proprié-taire, Alexandre Coupal, a affiché sa fiertéd’adhérer à la production porcine dans lerespect de l’environnement. Une élégantemaison devancée d’une galerie et arboranttrois lucarnes attire le regard. Vers l’arrièrede la propriété s’étend un immense ter-rain, des hangars et, sur la gauche, unmagnifique étang. Mais où se cache laporcherie? Loin derrière, à l’abri desregards et des vents dominants.

Alexandre Coupal, Andrée Jeansonet leurs deux jeunes fils, Xavier et Antoine,nous accueillent avec le sourire. Leur filleMyriam, dix ans, est à l’école ce matin. Ilsont trouvé quelques moments à accorderà Porc Québec en ce lendemain decueillette des porcelets par leur client finis-seur Isoporc.

Nouveaux dans la productionAlexandre Coupal n’était pas fils de

producteur porcin quand il s’est lancédans l’aventure. Son père dirigeait unepépinière. On comprend pourquoi le siteest si bien aménagé! « Mon père faisaitdes haies ou des massifs avec les arbreset les arbustes qu’il ne vendait pas »,raconte le jeune producteur. Mais com-

ment lui-même a-t-il choisi l’élevageporcin? « Mon père voulait léguer sapépinière à l’un de ses quatre enfants,mais sans faire de cadeau, explique-t-il.Aucun d’entre nous n’était intéressé,

mais j’ai été le seul à vouloir démarrer unprojet – une porcherie – sur les100 arpents de terre de l’entreprise. »

Au début, Alexandre s’est associéavec son père pour avoir le droit d’ache-

La Ferme A. Coupal et fils, de Saint-Bernard-de-Michaudville, au nord de Saint-Hyacinthe, a

gagné le concours de la Ferme porcine de l’année 2007, catégorie «Naisseur». Les résultats

dignes de mention font bon ménage avec la plantation d’arbres et les réunions d’affaires en vélo!

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Alexandre Coupal et Andrée Jeanson, aux côtés d’Antoine (18 mois) et de Xavier(bientôt 4 ans). Myriam, 11 ans (en médaillon), fille de M. Coupal, était absente au moment de la photo.

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ter les terres et de construire la porcherie.Puis la ferme A. Coupal et fils est née, en2000. En plus d’acheter les terres,Alexandre a acheté la maison, avec l’aidede sa conjointe Andrée.

Dès 2004, le jeune Coupal s’esttrouvé un employé à temps complet,Alexandre Taratuta, qui est en fait sonbeau-frère. M. Taratuta a étudié à l’ITAde Saint-Hyacinthe et il a acquis del’expérience pendant trois ans dans unematernité de 700 truies. « C’est unexcellent employé, à qui nous faisonsentière confiance, souligne M. Coupal.Il fait un peu de tout quand je ne suispas là. Mais sa spécialité, c’est la ges-tation. Il veille à toutes les tâches reliéesà cette section : alimentation, mesure

du gras dorsal, etc. Alexandre, c’est le“pro de la saillie”! »

De son côté, le patron-propriétaires’occupe de la mise bas : vaccinations, cas-tration, cassage des dents, adoptions, etc.Lui et son beau-frère s’entraident souventquand l’un des deux a moins d’ouvrage.C’est aussi M. Coupal qui vérifie l’état dela gestation par échographie.

Andrée Jeanson, sa conjointe, estintervenante en situation de crise pour unorganisme situé à Saint-Hyacinthe. Lesgens en détresse pour toutes sortes deraisons – crise familiale, état suicidaire,itinérance, problèmes financiers, solitude,deuil, et bien d’autres – peuvent appelercet organisme à toute heure du jour ou dela nuit pour trouver une personne au boutdu fil. Comme les autres intervenants, siMme Jeanson ne peut régler le problèmeau bout du fil, elle réfère la personne endétresse aux ressources appropriées.

La jeune femme volontaire a aussidonné de son temps à un organismed’aide aux couples séparés qui assure lagarde des enfants. Ce qui la motivait,écrivait-elle dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe, c’était de «surprendre des yeuxpétillants quand la porte s’ouvre sur unvisage dont on s’est ennuyé et qu’on aespéré plusieurs jours […]».

Alexandre Coupalveille principalementau volet mise bas etson beau-frèreAlexandre Taratutas’occupe de lagestation. S’entraidantau besoin, les deuxbeaux-frères travaillenten harmonie.

La maternité a été construite en 2000.

La maternité est dotée d’une ventilationhybride efficace : un rideau à ouvertureverticale automatique, fonctionnant durantla belle saison, et des ventilateursélectriques pour l’hiver, ou au besoin.

Pour détecter les chaleurs, on arecours au verrat dans sa cage mobile et àla selle de détection. Chez les truies quiviennent de mettre bas, si on détecte leschaleurs au cours des cinq premiers joursaprès le sevrage, en avant-midi, oninsémine la truie l’après-midi et toutes les24 heures par la suite, tant qu’on détecteencore des chaleurs. Si des chaleurs sontdétectées sur des truies en après-midi, oninsémine celles-ci le lendemain matin, puis

également toutes les 24 heures par la suite.Si, par contre, on ne détecte les chaleursqu’après les sixième et septième jourssuivant le sevrage, on insémine immé-diatement et une deuxième fois 12 heuresplus tard, puis toutes les 24 heures, tantque les truies sont en chaleur. Ce dernierprotocole s’applique aussi aux cochettes etaux truies à problème.

Récemment, le producteur et sonemployé ont testé un nouveau type de

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Des jeunes cochettes dans la quarantainePour compléter la maternité,

M. Coupal a construit un petit bâtiment dequarantaine en 2005. Dotée d’une grandevitre d’observation et de sa propre doucheà l’entrée, le bâtiment de quarantaine estséparé en deux sections, pour deux stadesde maturité des cochettes. M. Coupal ouson employé n’y vont que le soir aprèsavoir terminé le train dans la maternité etprennent une douche avant d’entrer. «Troissemaines après l’arrivée des cochettes à25 kilos, on fait des prises de sang, précisele jeune éleveur. Après quelques temps,elles sont transférées dans l’autre moitiédu bâtiment de quarantaine et des nou-velles cochettes de 25 kilos viennentprendre leur place. Quand on reçoit lesrésultats des prises de sang et qu’ils sontnégatifs, on transfère les cochettes qui ontatteint le poids de 150 kilos (à l’âge de190 jours) dans notre salle d’acclimatationsituée dans la maternité. »

L’éleveur évite de cette façon le maxi-mum de stress à ces jeunes truies et àcelles qui sont déjà dans la maternité.D’ailleurs, la radio joue souvent dans lesbâtiments. «Les animaux sont plus calmesquand ils nous entendent arriver », noteM. Coupal.

Une saillie méthodiqueLes truies sont inséminées de façon

artificielle à 100 %. Pour éviter toute con-tamination de l’extérieur, la semence estlivrée et entreposée à la maison et c’estuniquement Alexandre ou son beau-frèrequi l’achemine à la maternité.

Dans la salle d’acclimatation, où lapremière insémination est souvent effec-tuée, les cochettes restent 30 jours avantd’être relocalisées dans le bloc saillie de lamaternité.

Le bâtiment de quarantaine où arrivent lescochettes.

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sonde d’insémination (un modèle dont lesachet de semence entoure le corps de lasonde) et, selon les résultats, décideronts’ils l’adopteront définitivement. Unéchographe sert à vérifier si les truies sontgestantes, de 24 à 30 jours après ladernière insémination.

La gestationLe bâtiment de gestation se divise en

deux parties égales: le local des saillies etle local de la gestation. On conduit lestruies de l’un à l’autre quand on confirmela gestation des truies, entre 40 et 45 joursaprès l’insémination. De la saillie aumoment du transfert, on ajuste l’alimenta-tion des truies selon leur état de chair(mesuré par l’épaisseur du gras dorsal).«On vise une épaisseur de gras dorsal de16 mm en fin de lactation et d’environ19 mm en fin de gestation, vers la misebas », décrit M. Coupal. AlexandreTaratuta nous montre comment il pose lepetit échographe de mesure de grasdorsal. «On localise la dernière côte, puison remonte sur une ligne verticale2 pouces avant la colonne : c’est là qu’onprend la lecture», explique-t-il.

« Dans l’autre section, les truiesreçoivent une ration de cinq livres par jourpuis, deux semaines avant la mise bas, onaugmente ça à sept livres », raconteM. Coupal.

La mise basLa section des mises bas se divise en

sept salles de 12 cages chacune plus unesalle de six cages qui peut servir de salletampon. On utilise les lampes et les tapischauffants pendant les deux ou trois pre-miers jours suivant la mise bas, après quoiseuls les tapis chauffants fonctionnent. Cesdeux systèmes sont reliés à la même com-mande thermostatique automatique et ilsont permis d’économiser de l’énergie, ontremarqué M. Coupal et son beau-frère. Lesporcelets sont sevrés en moyenne à l’âgede 17,2 jours.

Conscient de la crise sanitaire quevivaient la majorité des finisseurs, le pro-ducteur a rapidement essayé plusieursvaccins avec son vétérinaire pour donnerle plus d’immunité possible à ses porce-lets. Ainsi, il a été parmi les premiers àadministrer le vaccin contre le circovirus.Le producteur fait aussi nettement moinsd’adoptions qu’avant. Il laisse le plus pos-sible les porcelets profiter du colostrum deleur propre mère, pour les rendre plusrésistants au circovirus. Cela a effective-ment amélioré les résultats en poupon-nière et en engraissement chez sonclient, remarque-t-il.

Dans les sallesde mise bas, onnourrit les truiesà la main deuxfois par jour,ce qui donnel’occasion àM.Coupal dejeter un coupd’œil de plusaux porcelets. Illeur accorde eneffet une surveillancetrès attentionnée, con-naissant leur fragilité et leurbesoin de soins.

À la Ferme A. Coupal, on s’efforce degarder les truies le plus longtemps pos-sible. Elles ne sont réformées que si leurconformation fait défaut ou qu’on n’atteintplus la portée cible de 12 porcelets. Ondécide de réformer ou non au momenthabituel de la vaccination, dix jours aprèsla mise bas.

Parlons biosécuritéÀ des fins de biosécurité, une affiche

plantée au début de l’allée qui mène versla maternité annonce clairement l’inter-diction à toute personne non autoriséede franchir cette limite. Comme dans denombreuses fermes porcines d’aujour-d’hui, quiconque entre dans les bâtimentsdoit prendre une douche et enfiler unecombinaison ainsi que des bottes de tra-vail fournis par la ferme. On ne peutentrer si on a visité une autre ferme dansles dernières 48 heures. Il y a aussi unregistre que chaque visiteur doit signer àl’entrée.

Pour transporter les porcelets vers lecamion de leur client Isoporc qui attendsur le bord de la route, on utilise une petiteremorque qui est nettoyée et désinfectéedans un garage chauffé à chaque voyage.« La moulée arrive le lundi matin, ce quilaisse un bon laps de temps après ladernière visite de ferme par le livreur »,précise M. Coupal.

Toutes ces précautions ont valu lapeine, car la maternité de Saint-Bernard-de-Michaudville n’a jamais été contaminéepar aucune des maladies majeures comme

le SRRP, depuis ses débuts en2000. Bien sûr, les truies ont

été porteuses du cir-covirus, comme tout le

cheptel porcin, maisleurs clients engrais-seurs n’en ont passouffert outre mesure.

J’aime monvoisin

Alexandre Coupalet Andrée Jeanson s’en-

tendent bien avec les gensde leur voisinage : ils les avisent

des activités de la ferme et ils n’épan-dent généralement pas de lisier pendantla fin de semaine. L’épandage est exécutéà forfait chez un client receveur sur unecentaine d’hectares. Il n’a lieu, la plupartdu temps, qu’une seule fois par an et dureun jour à un jour et demi. « Nous n’avonsjamais de plaintes des voisins pour lesodeurs, sauf parfois quand des produc-teurs voisins font venir du fumier d’ailleurspour leurs propres champs!»

Dans la mise bas, on vise une moyenne de12 porcelets nés totaux par portée avantde réformer.

Quelqueschiffres récents

L’indice de mise bas est de 2,64, le taux de con-ception est de 95,2 % et le taux de mise bas, de91,6 %. En moyenne, 12,55 porcelets naissent parportée sur lesquels 10,46 seront sevrés, pour un

nombre de 27,25 porcelets sevrés par truie parannée. La mortalité présevrage est de

8,82 %. La ferme compte 535 truiesen inventaire.

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En plus d’avoir la forêt située à la bor-dure sud-ouest de la propriété, ce quifreine les vents dominants, Alexandre aplanté des haies brise-vents. L’une d’ellefait près d’un demi-kilomètre de long etcomprend cinq essences d’arbres et d’ar-bustes résineux et feuillus. De nombreuxoiseaux y nichent, même des faucons, cequi doit donner un bon coup de main dansla lutte contre les rongeurs et les insectesnuisibles. Une partie de la terre qui setrouve de l’autre côté du rang Fleury, qui

accueillait par le passé une écurie, a étéreboisée par Alexandre. « Plutôt que delaisser cela en friche, j’ai préféré y planterdes peupliers et des noyers», dit-il.

Un autre point intéressant : la FermeA. Coupal a depuis peu son site de com-postage des animaux morts, construit etentretenu suivant toutes les recommanda-tions officielles. Tout semble bien fonc-tionner, comme en témoigne l’absenced’odeurs.

Des projets, une année à la foisLe traitement de fumier à la ferme est

un des projets que caresse l’entreprise.« Mais pour les autres projets, avec lesannées qu’on vit, on va y aller une annéeà la fois, dit l’éleveur. Nous avons consi-déré d’agrandir ou d’acheter un autre sitepour qu’Alexandre et moi devenions asso-ciés, mais on ne peut décider pour lemoment. J’aime mieux améliorer la fermede l’intérieur, comme par exemple installer

un toit sur la fosse, aménager un site detraitement ou de compostage de lisier ouplanter d’autres arbres, pour améliorerdavantage notre qualité de vie. »

« Et ne pas négliger nos réunionsd’affaires en vélo! », ajoute M. Taratuta.Les deux beaux-frères se parlent en effetde leur entreprise et des améliorations àfaire sur leur vélo, à travers la campagnedu coin, pendant les pauses. Ça vaut biendes parties de golf et… pas besoin d’allerbien loin! «Alex fait beaucoup de chosespour montrer à la population que les pro-ducteurs de porcs aiment leur environ-nement et savent le protéger», ajoute sonemployé, déçu du dénigrement de lapopulation à l’égard de cette production.

En attendant, les deux beaux-frèrescontinueront de maintenir le bel élan quipousse la ferme, ce qui est déjà une remar-quable prouesse par les temps quicourent. Nous devons lever notre chapeauà la Ferme A. Coupal, comme à tous lesagriculteurs.

Soucieux de son environnement, duvoisinage et de la biodiversité, AlexandreCoupal a planté des brise-vents, pour fairesuite aux premières haies plantées par sonpère horticulteur.