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FÉVRIER 2013 Nous vous demandons de bien vouloir respecter le plus grand silence pendant le concert notamment en éteignant vos portables. Merci également de ne pas prendre de photographies et de ne pas filmer. PULSIONS DE VIE MERCREDI 13 20.00 LILLE NOUVEAU SIÈCLE JEUDI 14 20.00 LILLE NOUVEAU SIÈCLE VENDREDI 15 20.30 LENS SALLE DE SPORTS BERTINCHAMPS SAMEDI 16 20.00 FACHES THUMESNIL SALLE JACQUES BREL ....................................................................................................................... Francis Poulenc (1899-1963) La Voix humaine (45’) ENTRACTE Carl Nielsen (1865-1931) Symphonie n°4, “L’Inextinguible”, op.29 (37’) Direction Jean-Claude Casadesus Soprano Caroline Casadesus Piano et chef de chant Jean-Christophe Rigaud Mise en scène Juliette Mailhé Violon solo Fernand Iaciu .......................................................................................................................

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février 2013

Nous vous demandons de bien vouloir respecter le plus grand silence pendant le concert notamment en éteignant vos portables.

Merci également de ne pas prendre de photographies et de ne pas filmer.

pulsions de viemercredi 13 20.00 lille nouveau sièclejeudi 14 20.00 lille nouveau sièclevendredi 15 20.30 lens salle de sports bertinchampssamedi 16 20.00 faches thumesnil salle jacques brel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Francis Poulenc (1899-1963)La Voix humaine (45’)

entracte

carl nielsen (1865-1931)Symphonie n°4, “L’Inextinguible”, op.29 (37’)

Direction Jean-Claude CasadesusSoprano Caroline CasadesusPiano et chef de chant Jean-Christophe RigaudMise en scène Juliette Mailhé

Violon solo Fernand Iaciu

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La catastrophe : “Crise violente au cours de laquelle le sujet, éprouvant la situation amoureuse comme une impasse définitive, un piège dont il ne pourra jamais sortir, se voit voué à une destruction totale de lui-même.” (Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Éditions du Seuil. 1977, page 59)Une femme. Un téléphone. Un chien ?La solitude provoquée par un abandon insurmontable, une lente agonie, comme à l’Opéra.L’œuvre, écrite par Cocteau en 1930 et composée par Poulenc en 1959 pour son amie Denise Duval, oblige l’interprète à relever un double défi : comment incarner cette femme abandonnée qui mourra de solitude et de désespoir, sans pour autant se comporter en victime ? Comment jouer une œuvre entièrement au téléphone sans se couper du spectateur?Cette voix humaine, tellement humaine - qu’elle ne porte même pas de prénom - ne supporte pas la demi-mesure, le partage,la médiocrité. Elle est dépendante. Et sa dépendance la dévore. C’est une guerrière de l’Amour qui meurt au champ d’honneur, les armes à la main.Si elle était révolutionnaire à l’époque, l’œuvre pose la question du rapport à l’appareil téléphonique. Est-ce un moyen, un prétexte ou une arme ?Aujourd’hui on se fait quitter par SMS...Mais l’écriture de Cocteau, la musique de Poulenc et l’interprétation de Caroline Casadesus, sont réunies par le fil de cette œuvre et s’enroulent autour du spectateur pris à témoin de cette tragédie, pour mieux l’anéantir.

Juliette Mailhé

Juliette Mailhé est sortie de l’ENSATT en 1986. Elle entame une longue collaboration avec Gilles Bouillon, en tant que comédienne puis en dirigeant des ateliers au Centre Dramatique Régional de Tours et à la Faculté François Rabelais de Tours. Elle tourne pour la télévision et le cinéma, notamment avec Olivier Assayas. Elle a joué dans une vingtaine de pièces parmi lesquelles L’avare interprété par Michel Bouquet de 1988 à 1990. En 1999, elle crée la Compagnie Bientôt Peut-être et commence une recherche informelle sur l’univers du clown. Elle est titulaire d’un Master d’Études théâtrales et du C.A. de professeur de théâtre. Sa connivence avec Caroline Casadesus l’a naturellement poussée à la diriger pour le jeu de La Voix humaine.

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Francis Poulenc La Voix humaine

La Voix humaine, c’est d’abord un texte, une pièce écrite en 1930 par Jean Cocteau, créée la même année à la Comédie Française, par Berthe Bovy. C’est ensuite une tragédie lyrique, composée en 1958 par Francis Poulenc à partir du texte de Jean Cocteau, pour Denise Duval, qui a peu avant créé le rôle de Blanche de la Force, dans le Dialogue des Carmélites. “Blanche, c’était moi et Elle, c’est encore moi.” (Francis Poulenc). Alors qu’il compose l’œuvre, Francis Poulenc et Denise Duval vivent l’un et l’autre un drame sentimental. “On pleurait ensemble, et cette Voix a été comme un journal de nos déchirures” (Denise Duval).

L’argument ? “Une femme téléphone, pour la dernière fois, à son amant qui se marie le lendemain” (Poulenc, le 20 avril 1958).“C’est une œuvre “monstrueuse” qui dure quarante minutes mais qui, avec les pauses, est parfaitement chantable. Il y a des moments où je suis épouvanté par cet intolérable enfant mais Richard (toujours difficile pour moi) est dans un tel état d’enthousiasme que cela me donne du courage ! C’est vraiment de la musique composée dans un état second. Je la joue à Cocteau aujourd’hui. Quand je vous la ferai entendre je serai alors en pleine possession du rôle. Pour l’instant, je bute sur les mots. C’est en tout cas très curieux comme prosodie” (11 août 1958).“Les courtes phrases de Cocteau sont si logiques, si humaines, si chargées d’incidences que j’ai dû écrire une partition rigoureusement ordonnée et pleine de suspense. La musique se tait en effet dès que le personnage unique écoute son interlocuteur. L’imprévu de la réponse musicale suggère, ensuite, ce qui a été entendu” (1er février 1959).

L’œuvre, dont on a dit qu’elle était “le sismographe de la rupture et des tremblements qu’elle génère [..] la colère et la tendresse,le courage et la peur, l’amour et la jalousie, l’espoir le plus fou et ledésespoir le plus sombre, la révolte et la résignation... une polyphonie du cœur”, est créée le 6 février 1959 à la Salle Favart.Parmi les notes de Poulenc au sujet de son interprétation, celle-ci :“Le rôle unique de La Voix humaine doit être tenu par une femme jeune et élégante. Il ne s’agit pas d’une femme âgée que son amant abandonne.” Indication qui fait écho à celle de Richard Strauss à propos de La Maréchale, elle-aussi contrainte de renoncer à son amant : “La Maréchale doit être une femme jeune et belle”. Et cette autre : “L’œuvre entière doit baigner dans la plus grande sensualité.”

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carl nielsen Symphonie n° 4

Carl Nielsen commence à penser à sa Quatrième Symphonie durant l’été 1914, il en entreprend la composition l’été suivantet l’achève le 14 janvier 1916.

La naissance de la Symphonie est contemporaine du déclenchement et des premières années de la Première Guerre mondiale. Le conflit ne touche le Danemark que de loin, car le pays est neutre, mais elle occupe les esprits. “Le monde entier se désagrège.” (Carl Nielsen) Elle est très présente ici, en particulier sous la forme “d’un duel entre deux timbales, quelque chose à propos de la guerre.”Mais plus qu’une simple protestation contre la guerre, elle est une réponse créatrice, une affirmation de la vie.Carl Nielsen : “L’Inextinguible” suggère par son titre ce que la musique seule peut exprimer pleinement : la volonté élémentaire de vivre. La musique seule est capable de refléter la vie directement sans qu’il soit besoin de la paraphraser avec des idées abstraites. Seule la musique peut donner une expression abstraite de la vie – en opposition avec les autres arts qui, à cet égard, doivent avoir recours à l’allusion et à l’allégorie. La musique a résolu le problème en étant seulement elle-même, car la musique est la vie, attendu que les autres arts se contentent de décrire la vie – la vie est indomptable et inextinguible : hier, aujourd’hui et demain ; la vie fut, est et sera lutte, procréation, naissance et destruction et le retour de chaque chose. La musique est vie et comme la vie inextinguible.”

Outre par le mémorable épisode instrumental, duel de timbales, déjà évoqué, la Quatrième Symphonie se distingue aussi par un important travail sur le rythme, et sur les tonalités. Ainsi débute-t-elle en ré mineur, tonalité associée au chaos, et s’achève-t-elle en mi majeur, associée à l’ordre, toute l’œuvre pouvant se résumer au passage de l’une à l’autre. La Quatrième Symphonie de Carl Nielsen est créée à Copenhague le 1er février 1916.

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La Voix humaine - textes chantés

Allô, allô. Mais non, Madame, nous sommes plusieurs sur la ligne, raccrochez. Vous êtes avec une abonnée... Mais, Madame, raccrochez vous-même... Allô, Mademoiselle… Mais non, ce n’est pas le docteur Schmidt. Zéro huit, pas zéro sept. Allô c’est ridicule. On me demande ; je ne sais pas.(Elle raccroche, la main sur le récepteur. On sonne.) Allô ! Mais, Madame, que voulez-vous que j’y fasse ? Comment, ma faute. Pas du tout. Allô, Mademoiselle. Dites à cette dame de se retirer. (Elle raccroche. On sonne.) Allô, c’est toi ? Oui. Très bien. C’était un vrai supplice de t’entendre à travers tout ce monde... Oui... Oui... Non... C’est une chance... Je rentre il y a dix minutes. Tu n’avais pas encore appelé ? Ah ! Non, non. J’ai dîné dehors. Chez Marthe. Il doit être onze heures un quart. Tu es chez toi ? Alors regarde la pendule électrique. C’est que je pensais. Oui, oui, mon chéri. Hier soir ? Hier soir je me suis couchée tout de suite et comme je ne pouvais pas m’endormir, j’ai pris un comprimé. Non... Un seul... A neuf heures... J’avais un peu mal à la tête, mais je me suis secouée. Marthe est venue. Elle a déjeuné avec moi. J’ai fait des courses. Je suis rentrée à la maison. J’ai... Quoi ? ... Très forte... J’ai beaucoup, beaucoup de courage. Après ?Après je me suis habillée, Marthe est venue me prendre. Je rentre de chez elle. Elle a été parfaite. Elle a cet air, mais elle ne l’est pas. Tu avais raison, comme toujours. Ma robe rose... Mon chapeau noir. Oui, j’ai encore mon chapeau sur la tête. Et toi, tu rentres ? Tu es resté à la maison ? Quel procès ? Ah ! oui. Allô, chéri... Si on coupe, redemande-moi tout de suite. Allô ! Non je suis là. Le sac ? Tes lettres et les miennes. Tu peux le faire prendre quand tu veux... Un peu dur... Je comprends. Oh !mon chéri, ne t’excuse pas, c’est très naturel et c’est moi qui suis stupide. Tu es gentil... Tu es gentil. Moi non plus, je ne me croyais pas si forte.

Quelle comédie ?... Allô ! Qui ? Que je te joue la comédie, moi ! Tu me connais, je suis incapable de prendre sur moi. Pas du tout... Pas du tout. Très calme. Tu l’entendrais. Je dis : tu l’entendrais. Je n’ai pas la voix d’une personne qui cache quelque chose. Non. J’ai décidé d’avoir du courage et j’en aurai. J’ai ce que je mérite. J’ai voulu être folle et avoir un bonheur fou... Chéri, écoute... Allô ! Chéri... Laisse... Allô ! Laisse-moi parler. Ne t’accuse pas. Tout est ma faute... Si, si. Souviens-toi du dimanche de Versailles et du pneumatique. Ah ! Alors ! C’est moi qui ai voulu venir, c’est moi qui t’ai fermé la bouche, c’est moi qui t’ai dit que tout

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m’était égal. Non, non, là tu es injuste. J’ai... j’ai téléphoné la première, un mardi, j’en suis sûre. Un mardi vingt-sept. Tu penses bien que je connais ces dates par cœur... Ta mère ? Pourquoi ? Ce n’est vraiment pas la peine.

Je ne sais pas encore. Oui, peut-être. Oh ! non, sûrement pas tout de suite, et toi ? Demain ? Je ne savais pas que c’était si rapide. Alors, attends, c’est très simple. Demain matin le sac sera chez le concierge. Joseph n’aura qu’à passer le prendre. Oh ! moi, tu sais, il est possible que je reste, comme il est possible que j’aille passer quelques jours à la campagne, chez Marthe.

Oui, mon chéri... Mais oui, mon chéri. Allô ! et comme ça ? Pourtant je parle très fort. Et là, tu m’entends ? Je dis : et là, tu m’entends ? C’est drôle parce que moi je t’entends comme si tu étais dans la chambre. Allô ! Allô ! Allons, bon ! Maintenant c’est moi qui ne t’entends plus. Si, mais très loin, très loin. Toi, tu m’entends ? C’est chacun son tour. Non, très bien. J’entends même mieux que tout à l’heure, mais ton appareil résonne. On dirait que ce n’est pas ton appareil.

Je te vois, tu sais. (Il lui fait deviner.) Quel foulard ? Le foulard rouge. Tu as tes manches retroussées. Ta main gauche ? Le récepteur. Ta main droite ? Ton stylographe. Tu dessines sur le buvard des profils, des cœurs, des étoiles. Ah ! Tu ris ! J’ai des yeux à la place des oreilles. Oh ! non, mon chéri, surtout ne me regarde pas. Peur ? Non, je n’aurai pas peur... c’est pire. Enfin je n’ai plus l’habitude de dormir seule. Oui, oui, oui. Je te promets, je te promets, tu es gentil. Je ne sais pas. J’évite de me regarder. Je n’ose plus allumer dans le cabinet de toilette. Hier, je me suis trouvé nez à nez avec une vieille dame... Non, non ! une vieille dame avec des cheveux blancs et une foule de petites rides. Tu es bien bon ! Mais, mon chéri, une figure admirable, c’est pire que tout, c’est pour les artistes. J’aimais mieux quand tu disais :Regardez-moi cette vilaine petite gueule ! Oui, cher Monsieur !Je plaisantais. Tu es bête. Heureusement que tu es maladroit et que tu m’aimes. Si tu ne m’aimais pas et si tu étais adroit, le téléphone deviendrait une arme effrayante. Une arme qui ne laisse pas de traces, qui ne fait pas de bruit.

Moi, méchante ? Allô ! Allô, chéri... où es-tu ? Allô, allô, Mademoiselle, allô, Mademoiselle, on coupe. (Elle raccroche. On sonne.) Allô, c’est toi ? Mais non, Mademoiselle. On m’a coupée... Je ne sais pas... c’est-à-dire... si, attendez... Auteuil

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zéro quatre virgule sept. Allô ! Pas libre ? Allô, Mademoiselle, il me redemande... Bien. (Elle raccroche. On sonne.) Allô ! Auteuil zéro quatre virgule sept ? Allô ! C’est vous, Joseph ?... C’est Madame. On nous avait coupés avec Monsieur. Pas là ? Oui, oui, il ne rentre pas ce soir... C’est vrai, je suis stupide ! Monsieur me téléphonait d’un restaurant, on a coupé et je redemande son numéro... Excusez-moi, Joseph. Merci, merci. Bonsoir, Joseph. (Elle raccroche. On sonne.)

Allô ! Ah ! Chéri ! C’est toi ? On avait coupé. Non, non. J’attendais. On sonnait, je décrochais et il n’y avait personne. Sans doute... Bien sûr...Tu as sommeil ? Tu es bon d’avoir téléphoné, très bon. Non, je suis là. Quoi ? Pardonne, c’est absurde. Rien, rien, je n’ai rien... Je te jure que je n’ai rien. C’est pareil. Rien du tout. Tu te trompes. Seulement, tu comprends, on parle, on parle... Écoute, mon amour. Je ne t’ai jamais menti. Oui, je sais, je sais, je te crois, j’en suis convaincue... Non, ce n’est pas ça, c’est parce que je viens de te mentir, là, au téléphone, depuis un quart d’heure, je te mens. Je sais bien que je n’ai plus aucune chance à attendre, mais mentir ne porte pas la chance et puis je n’aime pas te mentir, je ne peux pas, je ne veux pas te mentir, même pour ton bien. Oh ! rien de grave, mon chéri. Seulement je mentais en te décrivant ma robe et en te disant que j’avais dîné chez Marthe... Je n’ai pas dîné, je n’ai pas ma robe rose. J’ai un manteau sur ma chemise, parce qu’à force d’attendre ton téléphone, à force de regarder l’appareil, de m’asseoir, de me lever, de marcher de long en large, je devenais folle ! Alors j’ai mis un manteau et j’allais sortir, prendre un taxi, me faire mener sous tes fenêtres, pour attendre... Eh bien ! Attendre, je ne sais quoi. Tu as raison. Si, je t’écoute... Je serai sage, je répondrai à tout, je te jure. Ici... Je n’ai rien mangé. Je ne pouvais pas. J’ai été très malade. Hier soir, j’ai voulu prendre un comprimé pour dormir ; je me suis dit que si j’en prenais plus, je dormirais mieux et que si je les prenais tous, je dormirais sans rêve, sans réveil, je serais morte. J’en ai avalé douze dans de l’eau chaude. Comme une masse. Et j’ai eu un rêve. J’ai rêvé ce qui est.

Je me suis réveillée toute contente parce que c’était un rêve, et quand j’ai su que c’était vrai, que j’étais seule, que je n’avais pas la tête sur ton cou, j’ai senti que je ne pouvais pas vivre. Légère, légère et froide, et je ne sentais plus mon cœur battre et la mort était longue à venir et comme j’avais une angoisse épouvantable, au bout d’une heure j’ai téléphoné à Marthe. Je n’avais pas le courage de mourir seule.

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Chéri... chéri... il était quatre heures du matin. Elle est arrivée avec le docteur qui habite son immeuble. J’avais plus de quarante. Le docteur a fait une ordonnance et Marthe est restée jusqu’à ce soir. Je l’ai suppliée de partir parce que tu m’avais dit que tu téléphonerais et j’avais peur qu’on m’empêche de te parler. Très, très bien. Ne t’inquiète pas.

Allô ! Je croyais qu’on avait coupé. Tu es bon, mon chéri. Mon pauvre chéri à qui j’ai fait du mal. Oui, parle, parle, dis n’importe quoi. Je souffrais à me rouler par terre et il suffit que tu parles pour que je me sente bien, que je ferme les yeux. Tu sais, quelquefois quand nous étions couchés et que j’avais ma tête à sa petite place contre ta poitrine, j’entendais ta voix, exactement la même que ce soir dans l’appareil.

Allô ! J’entends de la musique... Je dis : j’entends de la musique.Eh bien, tu devrais cogner au mur et empêcher ces voisins de jouer du gramophone à des heures pareilles. C’est inutile. Du reste, le docteur de Marthe reviendra demain. Ne t’inquiète pas. Mais oui. Elle te donnera des nouvelles. Quoi ? Oh ! Si, mille fois mieux. Si tu n’avais pas appelé, je serais morte.

Pardonne-moi. Je sais que cette scène est intolérable et que tu as bien de la patience, mais comprends-moi, je souffre, je souffre. Ce fil, c’est le dernier qui me rattache encore à nous. Avant-hier soir ? J’ai dormi. Je m’étais couchée avec le téléphone... Non, non. Dans mon lit. Oui. Je sais. Je suis très ridicule, mais j’avais le téléphone dans mon lit et malgré tout, on est relié par le téléphone. Parce que tu me parles. Voilà cinq ans que je vis de toi, que tu es mon seul air respirable, que je passe mon temps à t’attendre, à te croire mort si tu es en retard, à mourir de te croire mort, à revivre quand tu entres et quand tu es là, enfin, à mourir de peur que tu partes. Maintenant, j’ai de l’air parce que tu me parles. C’est entendu, mon amour ; j’ai dormi. J’ai dormi parce que c’était la première fois. Le premier soir on dort. Ce qu’on ne supporte pas c’est la seconde nuit, hier, et la troisième, demain et des jours et des jours à faire quoi, mon Dieu ? Et... et en admettant que je dorme, après le sommeil il y a les rêves et le réveil et manger et se lever, et se laver et sortir et aller où ? Mais, mon pauvre chéri, je n’ai jamais eu rien d’autre à faire que toi. Marthe a sa vie organisée. Seule.

Allô ! Allô ! Madame, retirez-vous. Vous êtes avec des abonnés.Allô ! Mais non, Madame, mais, Madame, nous ne cherchons

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pas à être intéressants. Si vous nous trouvez ridicules, pourquoi perdez-vous votre temps au lieu de raccrocher ? Oh ! Ne te fâche pas...

Enfin ! Non, non. Elle a raccroché après avoir dit cette chose ignoble... Tu as l’air fâché, si, tu es fâché, je connais ta voix. Mais, mon chéri, cette femme doit être très mal et elle ne te connaît pas. Elle croit que tu es comme les autres hommes. Mais non, mon chéri, ce n’est pas du tout pareil. Pour les gens, on s’aime ou on se déteste. Les ruptures sont des ruptures. Ils regardent vite. Tu ne leur feras jamais comprendre certaines choses. Le mieux est de faire comme moi et de s’en moquer complètement. (Elle pousse un cri de douleur sourde.) Oh ! Rien. Je crois que nous parlons comme d’habitude et puis tout à coup la vérité me revient. Dans le temps, on se voyait.On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l’impossible, convaincre ceux qu’on adorait en les embrassant, en s’accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini. Sois tranquille. On ne se suicide pas deux fois. Je ne saurais pas acheter un revolver... Tu ne me vois pas achetant un revolver. Où trouverais-je la force de combiner un mensonge, mon pauvre adoré ? Aucune... J’aurais dû avoir du courage. Il y a des circonstances où le mensonge est utile. Toi, si tu me mentais pour rendre la séparation moins pénible... Je ne dis pas que tu mentes. Je dis : si tu mentais et que je le sache. Si, par exemple, tu n’étais pas chez toi, et que tu me dises... Non, non, mon chéri ! Écoute... Je te crois. Si, tu prends une voix méchante. Je disais simplement que si tu me trompais par bonté d’âme et que je m’en aperçoive, je n’en aurais que plus de tendresse pour toi. Allô ! Allô ! Mon Dieu, faites qu’il redemande. Mon Dieu, faites qu’il redemande. Mon Dieu, faites qu’il redemande. Mon Dieu, faites qu’il redemande. Mon Dieu faites (On sonne. Elle décroche.) On avait coupé. J’étais en train de te dire que si tu me mentais par bonté et que je m’en aperçoive, je n’en aurais que plus de tendresse pour toi. Bien sûr... Tu es fou ! Mon amour, mon cher amour.

Je sais bien qu’il le faut, mais c’est atroce. Jamais je n’aurai ce courage. Oui. On a l’illusion d’être l’un contre l’autre et brusquement on met des caves, des égouts, toute une ville entre soi. J’ai le fil autour de mon cou. J’ai ta voix autour de mon cou. Ta voix autour de mon cou. Il faudrait que le bureau nous coupe par hasard... Oh ! Mon chéri ! Comment peux-tu imaginer que je pense une chose si laide ? Je sais bien que cette opération est

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encore plus cruelle à faire de ton côté que du mien... Non... non... A Marseille ? Écoute, chéri, puisque vous serez à Marseille après-demain soir, je voudrais... enfin j’aimerais... J’aimerais que tu ne descendes pas à l’hôtel où nous descendons d’habitude… Tu n’es pas fâché ? Parce que les choses que je n’imagine pas n’existent pas, ou bien elles existent dans une espèce de lieu très vague et qui fait moins de mal... tu comprends ? Merci... merci. Tu es bon. Je t’aime. (Elle se lève et se dirige vers le lit avec l’appareil à la main.) Alors, voilà. J’allais dire machinalement : à tout de suite. J’en doute. Oh ! c’est mieux. Beaucoup mieux... (Elle se couche sur le lit et serre l’appareil dans ses bras.)

Mon chéri... mon beau chéri. Je suis forte. Dépêche-toi.Vas-y. Coupe ! Coupe vite ! Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime... t’aime. (Le récepteur tombe par terre.)

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En 1976, Jean-Claude Casadesus crée l’orchestre national de lille avec lequel il a su porter son large répertoire, son dynamisme et la qualité de son projet artistique au fil de quatre continents et de 30 pays.

Parallèlement, il mène une carrière internationale et est l’invité des orchestres de Saint-Pétersbourg, Philadelphie, Salt Lake City, Baltimore, Montréal, Londres, Paris, Tokyo, Séoul, Taipei, Singapour, de celui de la Fondation Gulbenkian ou encore des Berliner Symphoniker… Après la Chine (en 2007 puis 2010 à l’invitation de l’Exposition Universelle de Shanghai) et une tournée triomphale en Autriche, Slovénie et Croatie (2009), Jean-Claude Casadesus et son orchestre ont donné une série de concerts dans le cadre de l’année France-Russie. Ses prochains engagements le mènent à Moscou, Saint-Pétesbourg, Séville ou encore Prague.

Une trentaine d’enregistrements à la tête de l’o.n.l. lui ont valu plusieurs récompenses. Récemment, un ”Choc Classica” lui a été décerné pour le CD Par la chute d’Adam en hommage à Olivier Greif paru chez Accord avec l’Orchestre National de France.Il est l’auteur du livre Le plus court chemin d’un cœur à un autre. Vient de paraître La partition d’une vie, série d’entretiens qu’il a accordés au musicologue Frédéric Gaussin. En 2004, les Victoires de la Musique Classique lui décernent une Victoire d’Honneur.

Jean-Claude Casadesus Direction

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Née dans une famille d’artistes, Caroline Casadesus se tourne vers le chant après des études d’histoire. Elle reçoit aujourd’hui les conseils d’Yva Barthélémy. Avec un large répertoire lyrique, elle se produit régulièrement en récital avec notamment Bruno Rigutto au piano, dans des œuvres de Brahms, Schumann, Mahler, Poulenc, Chausson ou Ropartz et interprète aussi les grands airs d’opéra de Mozart, Verdi, Puccini. Elle chante l’oratorio, (les requiem de Verdi, Brahms, Mozart, Fauré…), tourne en Europe, en Russie, aux États-Unis.

En mai 2004 sort “Hypnoses”, un disque contenant 13 mélodies symphoniques composées sur mesure par Didier Lockwood, qui explorent les tourments amoureux d’une femme, sur des poèmes de René Char, de Louis Aragon, de Georges Pérec. Avec Didier Lockwood et Dimitri Naïditch, elle crée en 2005 un spectacle explosif, “le Jazz et la Diva”, mis en scène par Alain Sachs, qui raconte avec humour la rencontre surprenante du violoniste de jazz et de la chanteuse classique, et la cohabitation apparemment improbable de leurs deux univers musicaux ! Ce spectacle est nommé aux victoires de la musique 2006, remporte le Molière 2006 du spectacle musical, et est repris en France et à l’étranger.

Caroline Casadesus se produit régulièrement avec ses fils Thomas Enhco (pianiste, violoniste et compositeur) et David Enhco, (trompettiste et compositeur), jeunes virtuoses du classique et du jazz.

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Créé en 1976 grâce à la volonté de la Région Nord-Pas de Calais et à l’appui de l’État, l’orchestre national de lille s’est doté d’un projet artistique ambitieux initié par Jean-Claude Casadesus afin de “porter la musique partout où elle peut être reçue” : diffusion du répertoire, création contemporaine, promotion des jeunes talents et actions jeune public.

En France, à l’étranger ou dans plus de deux cents communes du Nord-Pas de Calais, l’o.n.l. est un véritable ambassadeur de sa région et de la Culture française, déjà invité dans plus de trente pays sur quatre continents. Après une tournée en Autriche, Slovénie et Croatie en 2009, Jean-Claude Casadesus et son orchestre ont donné une série de concerts exceptionnels en 2010 à l’occasion de deux tournées, en Chine et en Russie, puis en Allemagne et en Slovaquie. L’o.n.l. développe par ailleurs une présence très régulière à la radio et à la télévision ainsi qu’une politique discographique dynamique illustrée notamment par le premier enregistrement par un orchestre français des deux symphonies de William Walton (2010), d’un CD consacré à Bizet (Clovis et Clotilde et le Te Deum) et d’un DVD de Carmen sous la direction de Jean-Claude Casadesus (2010). En collaboration avec le Palais des Beaux-Arts de Lille, l’o.n.l. vient d’éditer son premier DVD pédagogique Les Tableaux d’une exposition, entre musique et peinture, à destination exclusive des enseignants. Il a participé en 2011 au disque de Bernard Cavanna (compositeur en résidence de 2005 à 2008).

orchestre national de lille

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les musiciens de l’orchestre national de lille

Violons solos Stefan Stalanowski / Fernand IaciuViolons Lucyna Janeczek / Marc Crenne / Waldemar Kurkowiak /François Cantault / Alexandre Diaconu • Bernard Bodiou / Sylvaine Bouin /Benjamin Boursier / Bruno Caisse / Anne Cousu / Noël Cousu / Delphine Der Avedisyan / Asako Fujibayashi / Hélène Gaudfroy / Inès Greliak / Xin Guérinet / Thierry Koehl / Olivier Lentieul / Marie Lesage / Brigitte Loisemant / Catherine Mabile / Filippo Marano / Sylvie Nowacki / Stéphane Pechereau / Pierre-Alexandre Pheulpin / Franck Pollet /Ken Sugita / Thierry Van Engelandt / Bruno Van Roy / Françoise Vernayaltos Philippe Loisemant / Paul Mayes • Jean-Marc Lachkar •Cristina Blanco-Amavisca / Jean-Paul Blondeau / Véronique Boddaert / David Corselle / François Cousin / Anne Le Chevalier / Thierry Paumier /Mireille Viaud / N. Violoncelles Jean-Michel Moulin / N. • Catherine Martin • Sophie Broïon / Edwige Della Valle / Dominique Magnier /Claire Martin / Alexei Milovanov / Johanna Ollé / Jacek Smolarskicontrebasses Gilbert Dinaut / Mathieu Petit • Pierre-Emmanuel de Maistre• Yi Ching Ho / Kevin Lopata / Édouard Macarez / Julia Petitjean /Christian Pottiez Flûtes Chrystel Delaval / Christine Vienet • Pascal Langlet / Catherine Roux (piccolo) Hautbois Baptiste Gibier / N.• Daniel Schirrer / Philippe Gérard (cor anglais)clarinettes Claude Faucomprez / Christian Gossart • Jacques Merrer (petite clarinette) / Raymond Maton (clarinette basse)Bassons Clélia Goldings / Jean-Nicolas Hoebeke • Henri Bour /Jean-François Morel (contrebasson) cors Sébastien Tuytten / Alexandre Collard • Christophe Danel / Frédéric Hasbroucq / Éric Lorillard / Katia Melleret Trompettes Denis Hu / Cédric Dreger • Fabrice Rocroy (cornet solo) / Frédéric Broucke (cornet) Trombones Romain Simon / Jean-PhilippeNavrez • Christian Briez / Yves Bauer (trombone basse)Tuba Hervé Brisse Timbales Laurent FraichePercussions Romain Robine • Christophe Maréchal / Dominique Del Gallo /Aïko Miyamoto Harpe Anne Le Roy

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Un ciné-concert d’un genre nouveau, une expérience musicale et visuelle extraordinaire, conjuguant musique et technologie, dialogues parlés, e�ets sonores, e�ets visuels et sonorités d’un orchestre symphonique au grand complet. Donnant une dimension supplémentaire au �lm-culte des Frères Wachowski, �lm de science-�ction où un jeune informaticien découvre que le monde est un monde virtuel dans lequel les humains vivent sous contrôle, et entreprend de les libérer. Une première en France !▼

Film de Larry et Andy Wachowski(1999 / États-Unis / 2h15)Musique de Don Davis

Direction Frank Strobel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

FILMPHILHARMONIC EDITIONFilm by courtesy of Warner Bros.Pictures, Music by courtesy of Don Davis.

© Warner Bros. Entertainment

24.0222.02

vendredi 20.00dimanche 16.00Lille Nouveau Siècle

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▼IN MEMORIAMOù comment Verdi, transformant sa participation à un hommage collectif à Rossini en un requiem à la mémoire de Manzoni, produit une œuvre dont Hans von Bülow a dit qu’il était un opéra “en habits d’église”. Pas étonnant dès lors que l’œuvre ait été reçue fraîchement lors de sa création dans une église de Milan, et beaucoup mieux quelques jours plus tard à la Scala. Inaugurant ainsi une carrière triomphale qui devrait connaître d’autres temps fort en cette année où l’on fête le bicentenaire de Verdi.▼

VerdiRequiemDirection Jean-Claude Casadesus Soprano Veronika DzhioevaMezzo-soprano Lilli PaasikiviTénor Stuart NeillBasse Roberto ScandiuzziChœur de Brno

06.0302.03

samedi 20.00mercredi 20.00Lille Nouveau Siècle

ÀNE PAS

MANQUER !

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