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Propositions structurelles pour l'école Propositions structurelles pour l'école Marc Le Bris Instituteur Octobre 2010 1

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Propositions structurelles pour l'école

Propositionsstructurellespour l'école

Marc Le BrisInstituteurOctobre 2010

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Tant que le bilan des dernières quarante années de pédagogie officielle n'aura pas été tiré, on ne pourra pas débloquer les éducations nationales des pays d'occident qui veulent éviter la décadence.Je propose un bilan des trente ou quarante dernières années, pour situer et analyser la cause de l'échec des écoles modernes. Mais aussi une analyse des trois ou quatre dernières années, pour cerner les causes de l'échec de l'actuel gouvernement malgré ses promesses d'avant élections. Je ferai ensuite un ensemble de propositions, plutôt structurelles, qui devraient permettre le rapide sursaut scolaire dont notre pays a besoin.

Table des matièresPropositions structurelles pour l'école..................................................................................................3

Avant-guerre................................................................................................................................4Après-guerre................................................................................................................................6La loi de 1989.............................................................................................................................8L'état des choses........................................................................................................................10L'action des derniers ministres..................................................................................................11

Jack Lang, Luc Ferry............................................................................................................11François Fillon......................................................................................................................11Gilles de Robien...................................................................................................................12Xavier Darcos.......................................................................................................................12

Et maintenant............................................................................................................................14Que faire ?............................................................................................................................14

Les objectifs de l'école..............................................................................................................16L'instruction..........................................................................................................................16La sélection scolaire.............................................................................................................16

Les méthodes pédagogiques......................................................................................................19Les structures de l’Éducation Nationale...................................................................................20

Libérale ou d'état ?...............................................................................................................20Une administration pléthorique et inutile.............................................................................21Des EPEP de 30 classes ?.....................................................................................................22Le conseil pédagogique et l'inspection.................................................................................22La formation initiale.............................................................................................................24Structure des classes.............................................................................................................25Le collège.............................................................................................................................26

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Avant-guerreDepuis au moins Rousseau, traînent chez tous les idéalistes des souhaits d'éducation parfaite, presque toujours couplés à divers projets d'humanité nouvelle. A part quelques exceptions notables, chaque auteur de pédagogie projette un homme nouveau, propose une société nouvelle, une utopie générale dont l'école n'est qu'une partie et bien souvent un moyen. Ils sont généralement des illuminés, bien éloignés de la réalité et de l'intelligence enfantines. Les véritables grands pédagogues de l'histoire ont été des enseignants effectifs, confrontés aux élèves réels, et non ceux qui, de très haut, ont discouru sur l'enseignement. Il a fallu attendre les Jansénistes pour trouver des indications techniques et de méthode à l'apprentissage de la lecture ; Pascal a proposé à sa sœur Jacqueline, en charge des « petits » de Port-Royal, la première simplification de la tradition - épeler les mots français plutôt que latins, avec le son des lettres : « be » et « a », ba ! Condorcet ensuite, qui a instruit lui-même sa fille, demande dans ses « Cinq mémoires pour l'Instruction Publique», de chercher pour chaque objet enseigné, sa description et son exposition les plus simples et les plus limpides. Il écrit d'ailleurs, juste avant sa mort, un des premiers manuels de mathématiques élémentaires1. Ses « Cinq mémoires », véritables fondateurs de l'enseignement français, recherchent soigneusement des structures pour les corps professionnels tels les instituteurs et les inspecteurs, qui permettent d'éviter la constitution de jurandes omnipotentes, de corporations, de pouvoirs univoques. Une structure libérale, un contenu simple et progressif. Le projet de Lepelletier de Saint Fargeau2 (sans doute dicté par Robespierre), en 1793, n'est préoccupé que d'éduquer le vil peuple à la Vertu. Les deux projets de loi scolaire qui s'affrontent devant la Convention sont la première expression politique des deux véritables tendances pédagogiques : le projet Robespierre en tient pour l'Education Nationale du peuple qu'il faut réformer pour en faire un peuple nouveau. Alors que Condorcet projette l'Instruction Publique, parce qu'il faut instruire le peuple, qui disposera librement de cette instruction, jugée nécessaire à la démocratie. Le « parti de l'Éducation » méprise l'instruction qui ne serait que la plus petite et peu intéressante partie de la noble tâche éducative. Le « parti de l'instruction » parie que, forcément, l'instruction éduquera. Les deux courants, instructif ou éducatif, se concurrencent historiquement sans que vraiment, les penseurs de l'éducation du XIXème, y compris Buisson, ne précisent jamais ni n'analysent cette opposition-là, dont l'évidence est masquée par l'opposition droite-gauche moderne. Pourtant, cette opposition d'idées, d'objectifs et de moyens est éminemment politique, profondément politique ... Mais, elle traverse perpendiculairement les courants traditionnels, fleurit aussi bien à « droite » qu'à « gauche » et devient donc impossible à décrire ; elle n' « entre pas dans les cases ». Elle est pourtant bien plus fondamentale pour les réussites ou les décadences des sociétés que l'actuel débat droite-gauche. D'un côté, le « parti de l'Éducation » concentre une volonté politique, une théorie de l'enfant et de l'homme et une prétendue science supérieure, générale mais révélée de l'enseignement. De l'autre côté, la nébuleuse de l'instruction s'appuie sur la tradition scolaire Condorcet-Ferry et rassemble l'expérience diffuse des enseignants de terrain, qui ne théorisent que modestement, objet enseigné par objet enseigné, qui ne généralisent qu'avec méfiance, tranche d'âge par tranche d'âge. D'un côté les inspirés, de l'autre les pragmatiques. Les génies auto-proclamés contre les travailleurs obscurs. Les « artistes » contre les « artisans ». Ces « artistes », de gauche et même de droite, n'ont pas tardé à se proclamer progressistes, tout en fustigeant le passéisme des « artisans » forcément réactionnaires. Une des conséquences trop peu étudiée de la sécularisation de l'enseignement (1887-1905) est l'extraordinaire bataille politique de conquête de la jeunesse menée alors par les deux camps, les cléricaux et les socialistes. Le « travail de jeunesse » ne signifie pas ici le travail d'étude de la

1 Elémens d'arithmétique et de géométrie, qui contient un grand nombre de propositions destinées à simplifier les apprentissages en les adaptant à l'âge des élèves, dont une nouvelle numération orale assez semblable à l'actuelle numération turque.

2 Instruction – Education, Les textes fondateurs, M. Le Normand & M. LeBris – LP35 -

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jeunesse, mais le travail de recrutement de la jeunesse, c'est à dire le travail de séduction de la jeunesse. Entre les deux guerres, pour conforter leur assise, menacée ou nouvelle, sur les adultes de demain, chaque camp invente son patronage, de presbytère ou bien laïque, ses centres de vacances, son scoutisme, ses frères de Marie ou ses Faucons Rouges, ses mouvements de jeunesse catholique (JOC, JEC ...) ou de jeunesses communistes (JC), furieux adversaires d'hier. Leurs buts apparemment opposés sont pourtant semblables : préparer, construire l'homme de demain, mais chacun à sa sauce. Leurs méthodes, jeux collectifs, bannières déployées, enthousiasmes organisés, sentimentalisme ... sont exactement les mêmes. Pendant cette même période historique, sous la responsabilité de l'état qui l'organise, l'Instruction Publique française prend en charge la masse, la totalité des enfants de tout le peuple, qu'elle mène au moins jusqu'à la fin des études obligatoires, sanctionnée par le Certificat d'études. C'est Jules Ferry, inspiré de Condorcet, qui a organisé la structure libérale de l'instruction publique. Condorcet, mathématicien social, statisticien, républicain, homme des Lumières et lecteur de Montesquieu, était très attentif aux risques de main mise d'un pouvoir sans contrôle, d'un pouvoir sans contre pouvoir. Il a parsemé son projet de structure scolaire de contrefeux, de structures de contrôle, que Ferry a simplifiées. Ainsi, plutôt que sur un « projet de société » pour construire un homme nouveau, la IIIème République a, par recherche d'efficacité, légiféré sur la structure de l'école. Corps professionnels divisés, contrôles réciproques des pouvoirs et des contre-pouvoirs ; mais aussi examens à résultats publics et sélection scolaire des élites ouvrières pour l'industrie de demain : contremaitres, techniciens, ingénieurs et bientôt instituteurs, médecins, professeurs ou avocats issus du peuple ... Objectifs qu'elle a remplis.L'Instruction Publique française de la IIIème République, de la IV ème et des débuts de la Vème est une réussite éclatante et évidente. Elle a représenté un gros travail, un gros effort financier et d'organisation ; elle a participé pour une grande part à la construction de la Nation moderne.Pourtant, en 1932, l'Instruction Publique est rebaptisée « Éducation Nationale » par un gouvernement de gauche, nouveau nom qui sera pleinement entériné par le gouvernement de Pétain, lorsqu'il en héritera ; à la même période, quelques militants de l' « Éducation Nouvelle » ont fondé un « Bureau International de l'Éducation » sur le modèle du Bureau International du Travail, soutenus par les syndicats enseignants dont bon nombre sont français et influencés par le Parti Communiste. A la tête de ces militants de l'« Éducation Nouvelle » se glisse le psychologue Piaget, transmué pour l'occasion en ce qu'il n'était pas : un militant de gauche et un politicien de carrière. C'est qu'il avait besoin d'appuis pour propulser au zénith la psychologie, sur le modèle fulgurant de la psychanalyse d'avant-guerre. C'est ce même BIE, asociation de militants qui sera intégré à l'UNESCO, devenant ainsi la principale structure internationale officielle de conseil pédagogique.

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Après-guerreC'est à la sortie de la deuxième guerre mondiale que l'axe du combat scolaire droite-gauche basculera tout doucement pour reprendre l'opposition instruction-éducation. La bataille politique de séduction de la jeunesse va se transformer en alliance objective entre les deux anciens adversaires. On va passer du combat droite contre gauche (qui était plutôt à l'origine cléricaux contre socialistes) au combat éducation contre instruction. Côté gauche, la politique de « la main tendue aux catholiques » de Maurice Thorez réussira enfin à s'exprimer, mais dans le secteur enseignant, et seulement là. De l'autre côté de l'échiquier, la réputation désastreuse de l'église traditionnelle à la sortie de la guerre3 va pousser en avant les expressions cléricales les plus apparemment progressistes ; parmi celles-ci, évidemment tout leur « secteur jeunesse ».C'est donc dans le secteur jeunesse que l'union sacrée entre communistes et chrétiens de progrès, c'est à dire entre ancienne gauche et nouvelle gauche va se concrétiser le plus évidemment. La théorie de l'« Éducation Nouvelle » va les réunir. La formation des moniteurs de colonies de vacances, les scoutismes, et les mouvement pédagogiques sont les structures qui vont accueillir petit à petit les militants de « la deuxième gauche ». Elle s'est construite dans les mouvements de jeunesse chrétiens, bien plus par la très accessible « Éducation Nouvelle » que par la lointaine et dangereuse « Théologie de la Libération ». On est ainsi passé du combat droite contre gauche au combat du secteur-vacances contre le secteur-école. Les promoteurs des vacances à l'école sont des militants nouveaux. Les directeurs de colonie d'avant, étaient souvent des directeurs d'école ou des instituteurs de gauche. Ils quittaient en septembre leur uniforme de militant du secteur vacances, espadrilles et short bleu, pour revêtir la blouse grise et faire passer le certif, ou apprendre à lire avant noël à leur trente et quelques petits élèves du CP. Ils étaient souvent militants politiques ou syndicaux, recrutés en tant que tels par les municipalités de la « ceinture rouge » pour leurs centres de vacances -qui ont d'ailleurs accompli là un véritable travail social, de grande ampleur, et de grande efficacité sanitaire et culturelle ... dont il ne reste plus grand chose. Les nouveaux militants se sont infiltrés petit à petit dans les centres de vacances et les associations pédagogiques. La concurrence avec les colos de patronage, très vive au début, s 'est émoussée avec le temps. Les associations des deux bords ont commencé à se rencontrer, à unifier peu à peu leurs théories, inspirées des mêmes grands penseurs pédagogiques. Les mouvements pédagogiques (Freinet par ex.) divisés par cette même ligne cathos de progrès / communistes, se sont quelquefois scindés, mais en conservant de chaque côté la même théorie fondatrice et les mêmes méthodes. Ce joyeux mélange, ce melting-pot pédagogique a continué sa ronde vacancière jusqu'à mars 68, où la réfection totale de l'enseignement a été proposée par une assemblée œcuménique de leurs militants4. Ces militants pédagogiques, militants des secteurs jeunesse, pèseront de tout leur poids sur Mai 68, qui servira de véhicule à leur fatras d'idées éducatives – le 'mai 68' étudiant, pas 'la grève générale ouvrière de mai-juin 68' qui en ignore tout . Ensuite, ils n'auront de cesse de mettre en place dans les faits, dans les écoles, dans les Écoles Normales d'Instituteurs, à l'Inspection Générale, ces idées nouvelles, que sont le remplacement de l'instituteur par un animateur, ou la lecture globale, recommandée depuis 1949 par le Bureau International de l'Éducation5, ou bien encore les maths modernes ou l'histoire non chronologique ...

3 « Je crois très sincèrement que l'attitude -fût-elle d'apparence- prise publiquement par une partie de l'épiscopat français à l'égard de la politique et des hommes dits « de Vichy » risque d'avoir des conséquences graves en ce qui concerne la situation du clergé et peut-être de la religion en France après la Libération. ». Ch. De Gaulle, 27 mai 42, à Mgr Salièges, hostile au régime de Vichy.

4 Dans la déclaration finale du 17 mars 1968, les membres du colloque d'Amiens, " profondément troublés par l’inadaptation d’un système éducatif hérité du XIX°siècle " s’accordent sur " l’urgence d’une rénovation éducative aussi bien que pédagogique qui ne saurait être différée sans risques de sérieuses tensions psychologiques, économiques et sociales ".

5 R28 (recommandation n° 28 du BIE)a) les méthodes synthétiques satisfont l’esprit logique de l’adulte et facilitent le travail du maître, mais partent d’éléments peu

accessibles à l’esprit de l’enfant,b) les méthodes dites globales, préconisées par la psychologie, sont plus conformes aux possibilités mentales de l’enfant et à ses

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Et c'est le début de la grande promenade scolaire officielle. Au départ elle est seulement proposée par des militants qui se disent de gauche, grâce au soutien du militantisme pédagogique des enseignants communistes. Lesquels ont perdu dans cette confrontation amicale leur ancienne influence sur la profession, puis sur tout le pays. C'est dans le militantisme pédagogique que la « deuxième gauche » a tué le Parti Communiste, en y prenant sa place. Au congrès d'Epinay, elle a obtenu un gros strapontin à la direction du nouveau Parti Socialiste, qui, depuis, se transforme petit à petit en parti démocrate-chrétien6. La « pédagogie nouvelle » est consubstantielle de l'actuel Parti Socialiste. L'antenne syndicale de la nouvelle gauche dans l'enseignement, le SGEN7, s'est installée largement et pour longtemps à la gauche (?) des syndicats traditionnels plutôt dominés par les enseignants communistes. Et c'est sous cette domination théorique et politique que s'écrit la loi Jospin, qui transforme les propositions souvent délirantes de nos gentils militants en une féroce obligation dont elle organise la structure nouvelle. La gentillesse des militants diminue souvent lorsqu'ils sont au pouvoir.

intérêts spontanés, elles permettent d’intégrer l’apprentissage de la lecture dans les activités générales de la classe, mais elles exigent une préparation plus complète du maître, [...]

4) Il est souhaitable que le maître s’inspire des méthodes d’enseignement de la lecture mises au point selon les données des sciences de l’éducation;

6 C'est très net en Bretagne qui s'est transformée sans coup férir de terre gaulliste parce que chrétienne, en terre socialiste parce que chrétienne.

7 Syndicat Général de L'Éducation Nationale, fédération des syndicats de l'enseignement de la CFDT, elle-même scission moderniste de la CFTC. Les militants du SGEN sont en général de farouches pédagogistes. En tant que tels, ils ont noyauté petit à petit, non seulement les directions des divers mouvements pédagogiques, mais plus efficacement encore, ils ont occupé les postes officiels de conseillers pédagogiques, d'inspecteurs et de pseudo-chercheurs dans les IUFM. Ils ont donné à la CFDT plusieurs grands dirigeants.

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La loi de 1989Cette loi dont les objectifs sont purement idéologiques est donc bien une loi structurelle. Il est d'ailleurs assez étonnant, en notre époque caractérisée par le si grand nombre de lois dictées par des circonstances, de voir fleurir une mauvaise loi qui ne soit pas circonstancielle, mais si volontairement structurelle. On peut aisément supposer que le ministre Jospin, une fois nommé à l'Éducation Nationale mais peu au fait de ses débats pédagogico-théologiques, s'est tourné vers ses militants et leurs associations pédagogiques et syndicales pour leur dire : « Allons-y, maintenant c'est à nous !8 ». D'où cette impression de fatras pédago-idéologique. Mais sur les modifications structurelles de l'école, sur les systèmes de nomination en particulier, sur la redéfinition des pouvoirs de décision, sur les fonctions des cadres humains exécutifs et théoriques, l'impression de fatras disparaît : cette loi a point à point décousu les équilibres de pouvoir de Ferry et de Condorcet. Elle a réorganisé les structures de pouvoir ; elle a organisé l'obligation, l'unicité, et la coercition qui leur est nécessaire. Les véritables éléments de la structure de l'Education Nationale ont été manipulés sans vergogne : le nouveau recrutement des inspecteurs, leurs nouvelles attributions, les recrutements de conseillers pédagogiques, le concours d'entrée à l'IUFM, le concours interne pour les enseignants confirmés, le pouvoir des inspecteurs sur le projet pédagogique désormais obligatoire, jusqu'à la nouvelle « direction de l'évaluation et de la prospective », grand maître, à la fois, des projets et de la mesure de leurs résultats, inqualifiable « juge et partie » exécutif ... Non pas que de grands législateurs structuralistes aient été à l'œuvre, mais plutôt des militants motivés, connaissant déjà les moyens et les lieux de résistance possible des enseignants, qu'ils ont réduits un à un dans le texte de la loi, au mépris de deux siècles de traditions législatives démocratiques, au mépris des Lumières.La nouvelle structure administrative et scolaire de l'éducation nationale est donc mise en place pour rendre obligatoires tous les principes que les militants de l' « éducation nouvelle » jugent nécessaires à la fabrication de l'homme de demain. Quels sont-ils ? La société adulte9 refuserait à l'enfant sa liberté, son autonomie, sa vie réelle somme toute. Il suffit donc de le laisser vivre et il construira lui-même ses propres savoirs. Ainsi l'enfant plus que l'élève est au centre du système scolaire. L'enfant, son bonheur, son autonomie décrétée, sa liberté de pensée ... Pourvu qu'IL ne s'ennuie pas à quelque dissertation trop classique, ne se fatigue pas à quelque démonstration trop ardue, ne se traumatise pas à quelque note trop sévère ... toutes choses auxquelles les générations de professeurs antiques, représentants de la culture bourgeoise, relais inconscients de l'oppression capitaliste, les contraignent à longueur de cours obsolètes et sans intérêt. L'Enfant est devenu une sorte d'angélique Emile de Rousseau, revu et corrigé par quelques sociologues modernes pour lesquels toutes les cultures se valent. La culture jeune devant la culture adulte, la culture ouvrière devant la culture bourgeoise, et tant qu'ils y étaient, la culture immigrée devant la culture colonialiste blanche.Les professeurs désormais inventeront des projets d'école, sortes de travaux non scolaires, de peinture murale par exemple, ou de maçonnerie, de cuisine, de mécanique ou d'art ... qui deviendront le centre d'intérêt de l'école, des classes et des élèves. Et c'est au travers de l'activité collective nécessaire à la réalisation de ce projet que l'enseignant réussira à fourguer en douce à ses élèves quelque règle d'orthographe ou méthode de calcul10. L'élève, considéré dans ce système comme un indécent crétin, ne saura même pas voir dans ce travail détourné, l'ennuyeuse leçon qu'il refusait autrefois. On peut noter tout de même que ce système suppose un désintérêt complet de

8 Hypothèse qui me semble évidente mais que je tiens aussi de Monique Vuaillat, secrétaire générale du SNES à l'époque.9 Il y là un de ces transferts d'analyse idéologique moderne : la classe capitaliste exploite la classe ouvrière ; donc (!!?) le monde adulte

exploite les enfants. Et par conséquent les professeurs exploitent les élèves. Approximation stupide, mais qui mériterait quelques précisions ...

10 « La prétention de cacher le maître et l'instruction directe dans un enseignement public, est une chimère; c'est vouloir jouer une plate comédie dont tous les enfants ont le secret. » Condorcet, Elémens d'arithmétique et de géométrie

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tous les élèves jeunes pour le travail intellectuel abstrait. Ce qui est très erroné11, et montre simplement le désintérêt pour le travail intellectuel propre aux concepteurs de cette loi de folie.Les classes, dans ce système perdront leur unité : elles « décloisonneront » à longueur de journée, mélangeant les tranches d'âges et les matières dans une joyeuse désorganisation faite de déplacements dans l'école de groupes divers. Et si jamais un de ces élèves, par la faute du manque d'investissement de son professeur, n'obtient pas le niveau nécessaire pour passer dans la classe suivante, il y entrera quand même, car l'année scolaire elle-même a été dissoute dans des cycles de trois ans, à l'intérieur desquels les élèves progresseront chacun à sa vitesse particulière !

11 Une grande partie des enfants s'intéresse vivement au travail intellectuel, pourvu qu'il soit à leur portée, c'est à dire inscrit dans le cadre d'une progression qui est justement la véritable responsabilité des enseignants.

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L'état des chosesCette folle loi n'a pas été vraiment appliquée dans les faits. L'état major croit l'avoir appliquée, punissant sévèrement tout manquement qui lui apparaissait. Mais l'armée des enseignants, au contact de la réalité, n'a appliqué qu'une façade de loi, ou bien a fait semblant, consciemment, ou inconsciemment. A part la structure coercitive, dans cette loi, tout est faux : les enfants n'ont pas plus d'intérêt pour la peinture murale, la confection de gâteaux ou la promenade agitée dans un musée que pour les mathématiques ; ils ne sont pas égaux et certains ont besoin de plus de temps pour arriver à un même résultat ; ils ne sont pas autonomes12, ni libres ; ils ont grand besoin et sont même très heureux de connaître le jugement du maître sur leur travail ; la culture n'est pas sécable en tranches, et la « culture jeune » n'existe pas -de plus, sa valeur, si elle existe, n'a rien de commun avec la culture qui est l' « ensemble des connaissance de l'humanité » ; la culture s'enseigne, soigneusement, progressivement, en passant par des étapes intellectuelles obligatoires13, selon une progression soigneuse qui est la véritable responsabilité de l'école. La lecture s'apprend par le B-A-BA et le calcul par les quatre opérations appliquées d'abord à des petits nombres d'objets matériels. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil de l'enfance, et surtout pas une science pédagogique qui aurait su tout leur apprendre ...Seulement, si une crise d'état-major n'enlève rien au courage des soldats, elle les désorganise et les use dans des directions dangereuses et improductives où ils perdent bien souvent leur vie. Les jeunes enseignants d'aujourd'hui ont subi non seulement cette école primaire faite de méthode globale, de maths modernes et d'histoire sans chronologie, d'où on peut comprendre qu'ils n'ont pas d'orthographe, ni de grammaire, ni de calcul mental aisément à leur disposition. Mais en plus, ils ont subi une formation initiale qui se résout à une propagande insipide pour la « situation-problème » et la méthode globale rebaptisée « intégrative ». Une partie d'entre eux -dont je mesure mal la proportion- est pourtant en train de tenter de reprendre le métier à pleines mains, pour essayer, mais seuls, d'arriver à quelque résultat. Trois faits nouveaux les y ont poussés : certainement, la contre-offensive, en particulier médiatique et livresque, que nous14 avons livrée a permis aux plus déterminés de considérer que peut-être leur formation initiale était la cause de l'inefficacité professionnelle dont ils souffraient15 et d'oser réagir. Mais aussi, la nouvelle rédaction des programmes de 2008, qui a clairement remonté les objectifs d'instruction de l'Education Nationale, et ainsi un peu calmé les ardeurs militantes de bon nombre d'inspecteurs pédagogistes, a de ce fait ouvert un espace pour le travail scolaire librement mené. Troisièmement, les nouvelles évaluations de connaissances (et non pas de compétences) ont affiché des exigences légèrement en hausse qui ont un peu remis tout le monde au travail. Mais j'y reviendrai.

12 C'est même l'autonomie qui est la caractéristique de l'adulte. L'enfant devient homme lorsqu'il peut se nourrir seul -ce qui n'arrive pas au même âge dans toutes les civilisations. De même, l'aptitude à la liberté n'est pas innée, elle s'apprend.

13 Les « Stades cognitifs » de Piaget, mais aussi « l'on ne peut rien apprendre, sinon successivement, et suivant un certain ordre; » Condorcet, Elémens d'arithmétique et de géométrie. Il est quand même saisissant de constater que les « Stades cognitifs » établis par le jeune psychologue Piaget, sont bafoués par la pédagogie mise en place sous son autorité politique internationale.

14 Sauver Les Lettres, Reconstruire l'école, Lire-Ecrire, La troisième voie, Trans-Maître ... mais aussi Rachel Boutonnet, Jean-Paul Brighelli, Laurent Lafforgue et quelques autres ...

15 Je reçois des centaines de ces témoignages. Je vous assure que les cinquante ans de propagande pour la lecture globale ne tiennent pas longtemps devant la pratique en classe de « Lire avec Léo et Léa » ou de « La méthode Boscher », qui réhabilitent le plaisir d'enseigner en moins d'une semaine.

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L'action des derniers ministres

Jack Lang, Luc FerryAvant d'évoquer les gens sérieux, il faut évacuer le cas Lang-Ferry, couple infernal de la pédagogie moderne et de la lecture globale réunies ... objets dont ils ignorent tout, mais dont ils parlent sans vergogne. Jack Lang a même écrit -ou fait écrire ?- un livre de pseudo-spécialiste de l'enseignement, qui se contredit lui-même tout au long de son traitement de la question de la lecture. Luc Ferry, qui avait dédoublé certains CP sans obtenir aucune amélioration de résultats, n'a jamais su en avouer la conclusion : que la méthode de lecture est une question bien plus importante que celle du nombre des élèves16. L'accès éventuel d'un de ces deux prétendants aux responsabilités, encore tout indignés du petit virage récent de la maison Éducation Nationale qui les remet en question, ne saurait être une bonne nouvelle. Ce serait une catastrophe technique.

François FillonUne députée de l'UMP, pendant la dernière campagne présidentielle, alors que j'étais une fois de plus invité à faire des propositions pour sauver l'école, a émis devant moi cette réflexion désabusée que l'on remettait encore l'Education Nationale sur l'établi alors que la loi d'orientation proposée par F. Fillon était installée depuis deux ou trois ans. Les choses auraient dû être réglées. En effet, elles ne l'étaient pas ; faut-il mettre en doute la volonté de F. Fillon ou bien détailler ce qui s'est effectivement passé ? Je prendrai un seul exemple, parce que je l'ai suivi de près, et qu'il éclaire très bien les vices de structure qui empêchent tout progrès : la question de « la liberté pédagogique ». Après avoir tempêté et menacé, F. Fillon, alors ministre de l'Education Nationale, a fini par réussir à me recevoir en septembre ou octobre 2004. Conscient de l'opportunité d'influencer l'avenir, j'avais soigneusement choisi trois propositions que je jugeais des plus nécessaires. Parmi celles-ci, je réclamai la « liberté pédagogique » des enseignants17, pour casser la main-mise des corps d'inspection sur les méthodes de lecture en particulier. Je crois encore que mon analyse était bonne et que la réaffirmation de cette liberté dans le texte de loi qui a suivi aurait dû permettre un déblocage de la question. Mais ce déblocage n'a malheureusement pas suffi ; l'étude détaillée du texte de loi apporte l'explication. Alors que le ministre lui-même installe la « liberté pédagogique » en tête de la loi et même du dossier de presse, les rédacteurs salariés du ministère, inspecteurs généraux ou conseillers pédagogiques ministériels lui ajoutent un « conseil pédagogique », réunion supplémentaire, composée de l'administration du collège et des conseillers pédagogiques en place, ayant pouvoir de proposer des politiques éducatives communes à l'établissement. Il s'agit tout simplement d'une police pédagogique, rien d'autre. Tout à fait le contraire de la proposition de l'en-tête de la loi. La contradiction n'est lisible que par quelques spécialistes, et peut-être pas par un ministre qui n'a jamais enseigné dans un collège. Dans les faits, ledit « conseil pédagogique » s'est ensuite transformé en une réunion administrative supplémentaire inutile, qui ne fonctionne pas, dont les enseignants se protègent et se défient pour pouvoir mener à bien leur travail. Les structures administratives en place ne savent qu'inventer des structures administratives supplémentaires pour régler les problèmes posés par les trop nombreuses structures administratives au pouvoir. La couche de graisse du mammouth a encore épaissi ...Le ministère de l'Education Nationale est ainsi un état dans l'état, un ministère ingouverné, qui ne rend pas de comptes aux élus, donc au peuple. Un ministère qui n'obéit pas au ministre, de front, de biais, ou par derrière, tellement les fonctionnaires administratifs s'y sentent investis d'une mission qu'ils croient pédagogique, qui donc est idéologique. De telles cohortes de personnels administratifs

16 Bien plus que la question du nombre des élèves, c'est celle de l'homogénéité scolaire de la classe qui règle les difficultés. Plutôt une classe de vingt-cinq CE2 sachant tous lire, que 15 élèves trop différents, allant de l'illettré au grand lecteur ...

17 Il en rend d'ailleurs compte dans « La France peut supporter la vérité », F. Fillon, Albin Michel, 2006, p.102

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recrutés par idéologie existent ailleurs dans l'histoire. Ce sont des clergés, tel le clergé d'Amon responsable de la troisième période intermédiaire, par simple fonctionnement naturel ; un tel clergé n'a que deux ou trois buts réels : maintenir sa stabilité de pouvoir, donc la stabilité de ses dogmes et de son nombre. C'est une structure dont la tendance naturelle est l'enflure numérique, le népotisme et la médiocrité intellectuelle et morale. Le clergé d'Amon, mais l'administration de la Sublime Porte ou les responsables du Parti Communiste Russe ... les exemples historiques sont nombreux de ces décadences de civilisations qui se terminent parfois en effondrements.

Gilles de RobienLorsque M. de Robien remplace F. Fillon, le ministère, à nouveau, joue pleinement son rôle. Par exemple, le nouveau ministre qui a, en quelques mesures simples et de bon sens, remarquablement diminué le nombre de morts sur la route quand il en a eu la charge, propose de la même façon, l'interdiction de la méthode globale et le retour à l'enseignement de la grammaire. Il fait donc rédiger les circulaires qui appliqueront dans les faits ses fermes annonces publiques. Le texte sort peu après, qui annonce en effet de la méfiance vis à vis des méthodes de lecture globale, et propose de les remplacer par la méthode naturelle et la méthode par découverte qui sont les principaux avatars actuels de ladite méthode globale ! Le contraire de la décision du ministre. De même, la circulaire sur la grammaire propose une méthode de remplacement qui s'avère n'être rien d'autre que la maudite Observation Réfléchie de la Langue qu'il s'agissait d'interdire. Bien sûr, à la demande publique d'interdiction de la méthode globale, les syndicats majoritaires avaient hurlé contre l'ingérence inadmissible, contre le déni de liberté pédagogique18. Mais ils avaient été exaucés avant même que de crier, dans le texte paru, dès la phrase suivant celle qui leur avait tant déplu. La sainte-alliance syndicalo-administrative a encore fonctionné à merveille ...Au passage, la question de savoir si un gouvernement doit interdire une méthode pédagogique se pose bien ; dans l'exemple d'un médicament établi comme dangereux, l'interdiction s'impose. S'il n'est qu'inefficace, les responsables ne procèderont qu'à un dé-remboursement. Je pense que les méthodes globales de lecture sont néfastes, et peut-être dangereuses. Doit-on les interdire comme l'ont fait, auparavant, mais à l'inverse, les responsables pédagogique contre la méthode de lecture alphabétique et la dictée ? L'interdiction pédagogique est-elle un système possible ? Doit-on interdire et par là-même se priver d'une évolution à venir éventuelle, que je ne connais pas, mais qui pourrait être un progrès ? Je crois seulement que l'interdiction n'est pas un système constructif. Mais je crois d'autre part qu'il faut établir soigneusement la dangerosité des méthodes de lecture globales, par une mesure à l'aveugle par exemple ou une simple indication du nom de la méthode de lecture du CP sur chaque évaluation scolaire, permettant une étude statistique qui renseignerait très rapidement parents et enseignants sur l'efficacité à court et long terme de ces méthodes.

Xavier DarcosLe président Sarkozy, pendant sa campagne électorale, n'a laissé de côté aucun des éléments susceptibles de faire pencher les votants du « bon » côté. Parmi ceux-ci, il y avait un évident bénéfice électoral à annoncer la remise de l'école au travail scolaire. Xavier Darcos en a donc été chargé. Cette fois, le ministre connaît la maison et n'a pas l'intention de se laisser abuser. Outre l'affichage anecdotique de sa collaboration avec les groupes cités dans la note 14, il applique effectivement cinq volets d'un plan efficace. Il est aidé dans ce travail par au moins un collaborateur de l'inspection générale qui connaît particulièrement bien la maison et ses tares.

– Réfection des programmes avec des exigences à la hausse, en terme de connaissances et non 18 Ils étaient moins empressés lorsqu'il fallait défendre, quelques temps auparavant, des institutrices passées en conseil de discipline,

et mutées d'office pour délit d'utilisation d'une méthode alphabétique -des scandales sans nom. Comme Janus, la liberté pédagogique a sans doute deux visages.

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plus de compétences particulièrement difficiles à mesurer.

– Mesure des résultats.

– Publication des résultats.

– Avec un plan assez imprécis de démantèlement des IUFM

– ... et la création de deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée, prises sur l'emploi du temps de tous les élèves, distribuées à seulement quelques élèves en difficulté (ce système s'avère plutôt efficace).

Soutenu par une grande partie de l'administration ministérielle, départementale et pédagogique, l'appareil syndical majoritaire a déplié avec soin ses protestations contre le bourrage de crâne, le bachotage, l'atteinte intolérable à la liberté pédagogique ... contre l'incroyable volonté ministérielle de détruire l'école française et d'abrutir soigneusement les enfants du peuple ... Qu'est-ce que la caste pédagogique dominante n'aura pas dit et fait au nom de ces mythiques enfants du peuple ?La foule des enseignants de base n'a pas vraiment rejoint la protestation syndicale qui est apparue alors vraiment pour ce qu'elle est : une défense des intérêts privés de la caste bureaucratique de l'Éducation Nationale. Rien à voir avec les enfants du peuple, qui veulent apprendre à lire le plus facilement possible. Mais, comme une bonne proportion des journalistes se sentent tous peu ou prou membres naturels de cette grande famille progressiste qui entend sauver les enfants du peuple de l'oppression, la protestation organisée a quand même atteint un niveau suffisant de remou médiatique ; le ministre a reculé sur la publication des résultats des évaluations19, et lâché la bride aux réorganisateurs de la formation initiale des IUFM, qui se sont très vite attachés à conserver leurs places à la plupart de ses anciens membres ; on ne lâche pas si facilement ses positions dominantes, même quand on est à l'origine d'un désastre culturel.Récemment, une journaliste me demandait si il n'y a pas, de la part de la droite, une sorte de lâcheté pré-électorale, dans ces reculades ministérielles. Je ne sais pas. Je crois qu'il n'y a aucun intérêt électoral perceptible à satisfaire les crieurs publics, en particulier d'une caste, au détriment des résultats réels attendus par la population. Je penche plutôt pour une méconnaissance réelle des enjeux, une méconnaissance des deux options réellement en présence, le parti de l'Education et le parti de l'Instruction.Ainsi, lorsque le gouvernement a confié la réforme des lycées à M. Descoings, il a confié la suite de Darcos au successeur de Meirieu. On pourrait croire qu'un M. Descoings, militant plutôt de droite s'oppose à un M. Meirieu, militant plutôt de gauche, mais c'est bien un membre du parti de l'Education très médiatique qui succède à ... un autre membre du parti de l'Education très médiatique. Alors, la réforme du lycée20 n' a été qu'un retour fébrile aux affaires, des théoriciens qui s'étaient un peu sentis éconduits par les programmes de primaire. Un deuxième relâchement idéologique du type de la loi Jospin : « C'est encore à nous ... » Et voilà le ministère qui se trouve à nouveau lancé à corps perdu dans l'édification du strict contraire de ce qu'il tentait de faire deux mois auparavant, dans sa réforme du primaire. Un pays ne peut être gouverné dans une telle inconséquence, avec un cheval qui tire d'un côté et l'autre de l'autre. Ils ont même réussi à diminuer les horaires de français du lycée tout en leur rajoutant l'étude de l'image et du cinéma ... Voilà plus de trente ans que l'étude de l'image à la place des grands textes est une véritable obsession pédagogiste.

19 Je travaille avec une Communidad espagnole qui publie les résultats de ses évaluations en interne, entre enseignants, et qui organise ensuite des rencontres à cet effet, où les enseignants discutent des résultats respectifs de leurs écoles. Ces résultats grimpent d'année en année ...

20 La lecture de « Autopsie du Mammouth », de Claire Mazeron, Gawsewitch, 2010, évoque très bien cette réforme du lycée et jusqu'à l'ambiance du moment de son écriture.

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Et maintenantJe viens de lire dans Le Figaro Magazine que le meilleur ministre actuel, aux yeux de l'Elysée -et qu'est-ce qui compte plus de nos jours que les yeux de l'Elysée-, était le ministre de l'Education Nationale, porte-parole du gouvernement, parce qu'il avait réussi une rentrée sans heurts tout en supprimant un assez grand nombre de postes. Mais il n'y a obtenu cette rentrée sans heurts qu'en laissant le parti de l'Education reprendre pied au ministère et dans les media, et retrouver ses postes et ses prébendes un instant menacés. Le ministre a-t-il acheté la paix en satisfaisant les revendications corporatistes d'une caste de gouvernement, afin qu'elle n'utilise pas ses armes habituelles ? A-t-il simplement négocié les suppressions de poste et les retraites contre le non-déploiement organisé d'agitation syndicale et médiatique de toutes les forces traditionnelles qui vont de l'UNSA à Libé, en passant par les syndicats d'inspecteurs et les associations de parents ? Ou bien, tout simplement, il ne sait pas qu'il a mis à mal l'avenir culturel donc économique du pays sinon de la civilisation, en laissant les rênes de l'enseignement à ceux qui viennent de le détruire pendant quarante ans ... Peut-être qu'il croit seulement qu'ils sont des progressistes. Mais pour ce non-acte, ce non-gouvernement, le non-ministre est encensé. Et la vieille propagande mensongère contre les redoublements ou les notes qui traumatisent, réapparaît dans la presse sans plus aucun contradicteur. Les pauvres élucubrations d'un M. Antibi, le rapport du HCE21 totalement contradictoire, ou même de l'institut Montaigne, se contentent de constater l'échec gravissime du système scolaire que nous avons établi devant l'opinion publique, pour tout simplement re-reproposer encore, comme des nouveautés, toutes les recettes pédagogistes aux funestes conséquences. Le peuple sera-t-il assez niais pour se laisser reprendre encore par ces évidentes faussetés lorsque ses enfants et petits-enfant continuent à désapprendre à lire ou à compter dans des méthodes qui n'en sont pas, toujours outrageusement majoritaires. Méthodes toujours prônées et défendues par les formateurs et les responsables de la maison, qui eux, n'ont pas changé ...Certains de mes amis, défenseurs traditionnels de l'école publique, à ce désespérant constat, ont même quitté l’Éducation Nationale pour fonder des écoles hors contrat, où ils peuvent enseigner certes, mais pas se nourrir.

Que faire ?Faut-il donc arrêter de défendre l'école publique ? L'école publique est l'école de tous, l'école du peuple pourrions-nous dire si la formule n'était pas si galvaudée. Je pense surtout que la principale différence entre l'école publique et les écoles privée est là : que les écoles publiques vont rechercher et fabriquer les élites de demain dans tout le peuple, alors que les école privées sont plutôt des écoles destinées à maintenir les enfants des classes aisées dans l'élite où ils sont nés22. Si, comme c'est le cas aujourd'hui, l'école publique démérite au point de ne plus être du tout ce facteur de renouvellement social, faut-il la remplacer par des structures privées ? Ce n'est pas possible, parce que les écoles privées sont ouvertement, de fait et de but, des écoles de maintien de la structure sociale. Il faut donc sauver l'école publique pour sauver le si nécessaire renouvellement social du pays. Mais il faut sauver une école publique efficace, dût-elle en ce but, copier les méthodes efficaces de certaines écoles privées. Ce qui m'amène à cette conclusion que j'ai eu du mal à admettre, je suis partisan résolu de la liberté de l'enseignement, pour qu'il demeure des endroits où l'on puisse enseigner efficacement, donc librement23. Dans ma façon d'exposer les choses, la liberté 21 Haut Conseil de l'Education22 Je ne critique pas du tout ; je n'émets pas de jugement, tellement il me semble légitime qu'une famille cherche par tous les

moyens à « élever » le plus possible ses enfants. J'essaie seulement de montrer les conséquences possibles des différentes structures scolaires, ne serait-ce que par leurs buts légitimes.

23 Pour aller jusqu'au bout de mon opinion personnelle, je suis partisan de la liberté de l'enseignement, mais opposé au financement par l'état des écoles privées, en particulier confessionnelles, par laïcité. Mais cette question dépasse de loin le cadre du présent exposé.

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de l'enseignement est une conséquence de la si nécessaire liberté pédagogique.Pour redonner à l'école publique son efficacité passée, celle des programmes de 1923, et construire une Instruction Publique digne du XXIème siècle on devra traiter trois domaines : la structure de l'école et de l'Education Nationale, la question des méthodes pédagogiques, mais aussi, le rétablissement, la clarification -je n'ose écrire philosophique- des objectifs de l'école.

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Les objectifs de l'école

L'instructionCondorcet projetait l'Instruction Publique comme nécessaire à la démocratie qui ne peut fonctionner qu'avec des citoyens instruits. Mais plus encore, il est possible que l'Instruction Publique soit constructrice de nations24, ne serait-ce que par l'enseignement précis et intelligent de la langue commune, qui m'apparaît donc comme sa tâche fondamentale. La lecture qui prépare la littérature, le calcul qui prépare les mathématiques, mais l'histoire et les sciences aussi, sont les parties fondamentales de la culture25 à transmettre. Le rôle de l'école est donc bien de transmettre l'ensemble des connaissances qui font, qui sont la civilisation qui la porte. En jouant sur les programmes scolaires, les simples programmes scolaires, on modifie énormément l'avenir de la civilisation concernée. Les programmes scolaires sont donc un objet sacré. Un de ces objets qui doit être le plus stable et le plus protégé des factions. Un Tabernacle de la République. En suivant la logique de Condorcet, leur responsabilité doit être confiée aux société savantes26 -les académies-, et les gouvernements ne devraient pas avoir liberté de jouer avec comme cela vient de se faire pendant quarante ans, par des apprentis sorciers qui plus est.

La sélection scolaireMais, et nous venons seulement de le constater par défaut, l'école a un autre rôle social : la sélection scolaire des élites de demain. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune27. » Jamais nos plus grands législateurs n'ont confondu l'égalité des droits avec une société sans distinctions sociales, c'est-à-dire sans hiérarchie. Au contraire, ils entendaient bien libérer les talents que la structure politique sclérosée en trois états du XVIIIème empêchait d'éclore ; et ils entendaient même utiliser ces talents extraits du peuple, à l'utilité commune, au bien commun. Voir les officiers militaires de l'armée de l'an II, mais l'éclosion culturelle et technique du XIXème, ou bien encore, pour lui rendre hommage à quelques jours de sa disparition, le prix Nobel d'économie Maurice Allais qui venait d'une « famille pauvre » ... comme tant d'autres, tant d'autres innombrables talents extraits du peuple en une seule génération par l'école publique.Et voilà qu'un sociologue qu'on prétend de talent, établit au milieu du XXème siècle que l'école est un système de blocage social aux mains de la classe dominante, une officine de maintien pour « héritiers ». Ce contresens, un des plus outrés et des plus faux a installé cette nouveauté que la sélection scolaire devait être supprimée, puisqu'elle ne servait qu'à redistribuer les bonnes places aux descendants de nantis. Ceci est historiquement tout à fait faux. Il est vrai que les sociétés organisées ont tendance à rechercher la stabilité politique, et que dans ce cadre, les classes sociales établies tentent de transmettre leur patrimoine à leurs descendants. C'est d'ailleurs assez légitime,

24 La première école seulement obligatoire daterait du décret de Simon Ben Setah (75 av. JC) qui institue l'étude obligatoire de la Torah par tous les enfants juifs. Je pense que cet enseignement obligatoire -mais éminemment religieux- est un des éléments structurels qui a permis à la petite Nation juive de traverser les siècles malgré bien des dissolutions.

25 J'utilise le mot culture (de l'humanité, d'une civilisation ...) dans le sens de « ensemble des connaissances de ... » ( l'humanité, d'une civilisation ...). Je ne prétends pas donner une liste exhaustive de la culture nécessaire à l'école primaire ; cette question très importante mérite précautions, débat et stabilité.

26 Deux points sur la méthode 1) Il faut conserver les programmes, en particulier élémentaires, qui sont forcément traditionnels, et les plus stables parce que leur vérité est la plus anciennement établie. 2+2 font 4 depuis longtemps. Et parce qu'il semble que la connaissance individuelle ait du mal à s'affranchir totalement du chemin de sa construction par l'humanité. L'école primaire est fondamentalement conservatrice. 2) Les académies explicitent, par le haut, le niveau attendu des grands étudiants, pour que les enseignants du niveau inférieur puissent déterminer leur programme et donc leur niveau d'entrée attendu. Et ainsi de suite, jusqu'à rejoindre le B & A ... BA et le 2 + 2 = 4. Cette façon de définir les programmes par le haut est facteur de progrès. La définition par le bas -en fonction des capacités moyennes supposées d'un âge- est une structure de décadence culturelle.

27 Article premier des droits de l'homme et du citoyen, 1789.

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tous les parents le confirmeront28. Mais ce sont bien légitimement les écoles privées qui sont chargées de ce rôle. Les écoles publiques, pourvoyeuses de contremaîtres à l'industrie, ont toujours cherché leurs élites partout ; peut-être même pas par humanisme, mais seulement par efficacité machiavélienne. Lorsque l'école de la IIIème République se fonde, elle construit complètement la sélection des élites issues de tout le peuple, par un système élémentaire d'examens, de concours29 et de grandes écoles, qui a fonctionné remarquablement. Qu'à certaines de ces époques, le pourcentages d'élèves issus du peuple dans ces grandes écoles ait été jugé trop faible ne change pas l'affaire que le renouvellement des élites a été massif au XXème siècle. Et il a été opéré par la sélection scolaire, par l'école de Jules Ferry. Il est normal -je ne dis pas 'moral', je dis normal, logique, mécanique- que les privilégiés réussissent à conserver plus facilement leur patrimoine, donc le renouvellement des élites ne peut pas être massif en un an seulement. Mais en quelques années, surtout en considérant la question par la loi des intérêts composés, l'école publique a bien rempli son rôle de renouvellement permanent et par pourcentage régulier des élites de la République, de l'économie et des arts. Les enfants issus du peuple, ceux qui, comme mon ami d'enfance Jean-Yves J., ont grandi sur la terre battue, ont eu une autre conscience de qu'ils faisaient à l'école que les rejetons de bourgeois ou de petits bourgeois capricieux et déjà nantis, dont j'étais, sans doute.Et c'est là que la première partie du mouvement politique de mai 68 apparaît pour ce qu'elle est. Une jaquerie des rejetons adolescents de la moyenne bourgeoisie, plutôt citadine. Un caprice d'ados indolents. Pour les lycéens dont j'étais, avant que les ouvriers ne se mettent en grève, la révolte initiale était un refus d'obéir à l'autorité adulte -qui était, il est vrai, bien souvent niaise et tatillonne à l'époque-, mais aussi un moyen de tenter d'échapper à la dureté des examens, à celle du travail scolaire, à la rédaction de démonstrations qu'un professeur jugera, et à la concurrence du travail scolaire de ceux qui savaient ce qu'ils faisaient là : les enfants, moins nombreux mais souvent plus dangereux, des classes sociales inférieures ... Toutes pratiques de sélection scolaire condamnées par la nouvelle gauche montante, catholique de progrès et néo-pédagogue. Et voilà la fin du XXème

siècle marquée par une théorie qui se prétend révolutionnaire, mais n'est qu'une protection népotiste des étudiants les moins capables. Et voilà les intérêts directs des enfants d'ouvriers dont on se regorge dans les discours, directement et ouvertement bafoués par un bouchage organisé de toute possibilité de distinction sociale fondée sur le mérite.La gauche gouverne au nom du peuple, mais pas toujours dans son intérêt.A partir de 68, la sélection scolaire, c'est à dire, les examens anonymes, les concours égalitaires, les compositions exigeantes seront battus en brèche au nom du « pauvre fils d'ouvrier débile30 » qui serait immanquablement et injustement recalé. Or, c'est le fils incapable de petit bourgeois qui seul sera protégé par ce système qui n'est qu'un étouffoir du tamis social qu'est le mérite scolaire. Pardonnez la longueur de mon exposé sur cette question de la sélection, mais je la crois cruciale et elle n'a pas encore été vraiment développée. On ne peut plus tenter de l'exposer jamais sans déclencher un chœur d'indignation virginale de ces mêmes privilégiés qui sont aujourd'hui devenus les enseignants sans classes, ineptes théoriciens, donneurs d'ordres et moralistes modernes ... Comment donc, techniquement, cette suppression de la sélection scolaire individuelle, protège-t-elle 28 Et c'est bien cette naturelle tendance népotiste de classe qui est un des facteurs d'enlisement des civilisations par blocage de la

possibilité d'évolution des individus dans la société, donc de la société. Or, la stabilité de la société n'est pas celle de ses individus, comme celle de la vague n'est pas celle des gouttes d'eau qui la composent. Une vague qui ne laisserait pas rouler ses gouttelettes s'effondrerait.

29 Système dans lequel le concours d'entrée dans les Écoles Normales d'Instituteurs tenait une grande place, avec le brevet supérieur.

30 Il faut rapprocher cette façon caritative qu'a Bourdieu de considérer « le peuple » comme dominé et donc débile, de celle de Lepelletier de St Fargeau et Robespierre qui entendent le redresser de ses bassesses vers « la vertu » par le travail en ateliers d'usines plutôt qu'en classes de lecture et de calcul. cf. « Instruction – Education, Les textes fondateurs », M. Le Normand & M. Le Bris – LP35 -

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le népotisme, naturel mais étouffeur de société, des classes dominantes ? A l'intérieur d'une école, la sélection du bon élève est donc interdite, pour ne pas que le mauvais élève souffre de savoir qu'il est un mauvais élève (!!?). Ainsi, les acteurs économiques qui cherchent des employés efficaces -et c'est bien légitime aussi- ne peuvent pas les trouver à l'intérieur d'une école. Il leur reste la seule possibilité de les choisir plutôt dans une école que dans une autre, laquelle n'est une bonne école que par situation géographique, id est de centre ville, là où le mètre carré construit est plus cher. Les employeurs choisissent l'école et non plus l'individu. Ainsi la sélection par mérite scolaire individuel est remplacée dans les écoles publiques, par la sélection du niveau social familial initial31.La suppression de la sélection scolaire empêche donc l'éclosion d'élites efficaces et par là-même tout renouvellement social. Les élites inefficaces et médiocres mènent les pays à la ruine. Le blocage du renouvellement amène les révoltes sociales32.

31 Ce qui est tout à fait inefficace. Un système de prorogation de la médiocrité, du type des clergés cités plus haut.32 Et dans les grandes villes, il faut ajouter à l'exposé le fait que les banlieues sont occupées par les derniers arrivés, souvent

d'origine musulmane. Zones d’Éducation Prioritaire dans lesquelles l'école pédagogiste a pu expérimenter à cœur joie, sans la pression des mamans en tailleurs Chanel qui, quelquefois, viennent demander des comptes d'efficacité à l'école du centre ville ...

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Les méthodes pédagogiquesElles doivent être libres.Mais, je suis pour ma part persuadé par l'expérience que j'en ai que les méthodes globales, ainsi que l'Observation Réfléchie de la Langue, ou bien la prééminence de la commutativité dans la multiplication (etc, etc ...) sont des catastrophes techniques.Donc, on doit mesurer l'efficacité des différentes méthodes. Elles ont des comptes à rendre, au même titre qu'une campagne de vaccination publiquement financée. Donc, il faut inscrire la méthode de lecture initiale qu'a subi l'élève à côté de son nom, à la première page des évaluations nationales, qui doivent perdurer et dont les résultats doivent être publiés, au moins entre enseignants. La statistique sur les méthodes de lecture serait un renseignement ... seule la connaissance du vrai permet la politique efficace.Mais il faudrait peut-être aussi, et ce serait une mesure d'urgence, organiser une présentation générale à la profession de ces méthodes aujourd'hui alternatives, que je dis efficaces, mais que très peu de cadres pédagogiques permettent dans les classes. Non pas comme une nouvelle dogmatique pédagogique, mais seulement comme une « autre possibilité » ... et laisser alors la liberté pédagogique faire le reste ; l'efficacité est un argument de poids face à la propagande33.

33 Je crois bien, en plus, que je saurais organiser ça, trouver les intervenants qui sauraient montrer les divers domaines ; ce seraient des instituteurs et non des didacticiens diplômés.

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Les structures de l’Éducation NationaleDéjà, la maison devrait retrouver son grand nom d' « Instruction Publique ».Mais plus fondamentalement, la grande question est de la responsabilité des hommes politiques élus : l'école doit-elle être de structure libérale, semi-étatique ou étatique ?

Libérale ou d'état ?Le Royaume-Uni, comme la Finlande, a une structure scolaire libérale : les directeurs d'écoles recrutent et payent eux-mêmes leurs enseignants ; les parents choisissent leur école ; puis l'école est contrôlée par un corps d'inspecteurs indépendants. Un ancien « chief inspector of her Majesty » à qui je demandais la méthode pour retrouver la qualité perdue des écoles primaires de nos pays occidentaux m'a répondu, très britannique : « La dure loi du libre marché ». Leur structure libérale ne les a pourtant pas protégés de la déliquescence scolaire la plus précoce et peut-être la plus profonde d'Europe. La Finlande, par contre, nous est vantée comme la meilleure école d'Europe. Pourtant, leur école accuse des difficultés bien spécifiques en mathématiques dont on ne parle jamais. Leur succès partiel vient surtout du système de prise en charge de l'hétérogénéité des classes : deux maîtres par classe, le second maître prenant en charge spécifiquement les élèves qui échouent sur un sujet, pour les remettre le plus rapidement possible dans le cours commun. Système très couteux, permis par l'absence totale d'école maternelle, dont le coût est réinjecté dans l'enseignement primaire. Mais système libéral parce que les directeurs d'école embauchent leurs maîtres un an à l'essai avant de les titulariser. Donc, en fonction des résultats ...Certaines « Communidads » espagnoles disposent de systèmes plutôt semi-étatiques34 : la responsabilité partagée des programmes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement local complique évidemment les choses, mais les enseignants sont quand même des fonctionnaires de la Communidad, qui s'avère être une structure responsable beaucoup plus proche des enseignants, et en concurrence de réussite avec les autres « Communidads » -en particulier en cas d'opposition politique avec le gouvernement fédéral. Il faut aussi avoir le courage de dire que le Franquisme a protégé le système scolaire espagnol. Non pas que le Franquisme soit un gouvernement scolaire plus intelligent, mais tout simplement que l'isolement culturel de l'Espagne franquiste et sa tendance politique conservatrice ont favorisé une stabilité scolaire sans remise en cause, quand les autres pays d'Europe plongeaient joyeusement dans cette réforme qui paraissait progressiste et n'a été qu'un échec cuisant et prolongé. A la sortie du Franquisme, l'Espagne a mis les bouchée doubles pour rattraper notre inefficacité scolaire. Heureusement, la structure de la langue et la réforme de l'orthographe espagnole du début du XXème rendaient la méthode globale complètement hors sujet.J'ai quelquefois eu l'impression que l'école primaire de certaines « communidads » espagnoles se redresserait plus rapidement que la nôtre. J'ai pu avoir aussi cette impression pour les écoles anglaises ; je crois qu'il n'en est rien ; le marasme scolaire anglais persiste. Sans doute, plus lourde que la structure permettant un peu de liberté, c'est la généralisation européenne de la gouvernance scolaire qui détruit à la base toutes les tentatives, même de bonne intention. Le « parti de l'éducation » et son idéologie tiennent toutes les structures internationales de conseil pédagogique. Les « pseudo-spécialistes » de l'Education de l'OCDE ou de l'Unesco ramènent inlassablement les mêmes recettes, pourtant déjà utilisées et qui ont fait leurs tristes preuves. Je ne suis pas spécialiste de l'économie, ou de la santé publique, ou du droit, mais il semble clair que dans tous les domaines, l'administration de l'Europe dispose de SA solution technico-politique élaborée, tout à fait connue des technocrates jamais élus qui, finalement, nous gouvernent. L'ultra-libéralisme, la concentration des structures, les normes ISO-machin etc ... Nous avons des spécialistes de tout. Et pour ce qui concerne l'instruction publique, justement, ils ont tout faux ; mais ils ont été formés dans des écoles

34 Ma dénomination n'est pas satisfaisante, mais j'essaie de comparer ...

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de spécialistes, ils y ont appris ces sciences qui permettent de tout gouverner, ils ont obtenu ces fameux diplômes qui permettent d'utiliser ces sciences ... et les petits élèves européens s'enfoncent dans une catastrophe culturelle généralisée grâce aux faux diplômes en fausses sciences de sinistres inconnus jamais élus par personne.

Une administration pléthorique et inutileEt la France dans tout ça ? Très centralisée, elle est plus encore que les autres pays, étouffée par une administration convaincue de sa sciences éducative, administrative et gestionnaire. Non seulement on n'arrive pas à connaître le pourcentage de salariés administratifs de l’Éducation Nationale Française, mais en plus, son inefficacité agressive s'aggrave d'année en année. La quantité de paperasses d'autorisations, de projets, d'organisations ou même de papiers complètement inutiles sinon complètement vides de sens pour ceux qui les remplissent, devient un frein à tout changement. Or, il est urgent que l'enseignement change.Je sens bien le côté apparemment poujadiste de mes propos, mais il arrive un moment où la lassitude se transforme en désespoir. Il faut désormais douze semaines à l'administration pour « autoriser » un séjour linguistique, et un dossier de trente pages qui est même allé, sous Ségolène Royal, jusqu'à demander à l'instituteur de vérifier sur papier la pression des pneus de l'autobus et le taux d'alcoolémie du chauffeur. Une sortie sportive de cyclo-tourisme par exemple, demande deux réunions avec les nombreux accompagnateurs qui, même entraîneurs licenciés de la FFC, doivent tous passer une habilitation, devant un inspecteur quelconque qui n'a peut-être même jamais fait de vélo ni encadré aucune sortie cycliste. La piscine, le ski, tout se transforme en ridicule remplissage de papiers inutiles. Un délire paperassier qui va jusqu'à l'indécence : puisque désormais, le redoublement est jugé négatif -et couteux- il est avantageusement remplacé par un Plan Personnalisé d'Aide et de Progrès (PPAP, qu'en termes galants ...) qui n'est qu'un vulgaire dossier de feuilles et de cases à remplir qui disent le projet pédagogique particulier que le maître a pour cet enfant, avec des tenants et des aboutissants pédagogiques qui semblent quelquefois relever de la folie pure. Les inspections académiques disposent alors du dossier dûment rempli et signé, donc tout va bien ... et le petit bonhomme qui n'a pas réussi son année passée reste dans sa classe qui va désormais bien trop vite pour lui, sans que le pauvre maître, malgré toutes ces bonnes résolutions administratives, projetées 4 mois avant, y puisse grand chose. Ou bien encore, le « projet éducatif de santé » rempli par les enseignants remplace l'antique visite médicale annuelle des élèves ... Et je laisse de côté la rédaction des fumeux « projets d'école » ... L'administration de l'éducation nationale vit de papiers remplis de plus en plus nombreux, qui correspondent de moins en moins à la réalité enfantine et scolaire dont elle ignore tout. Il y a deux mondes parallèles que plus rien ne relie : celui des paperasses bien remplies par une administration satisfaite et celui des vrais élèves dont les vraies difficultés ne sont pas traitées, surtout celles qui n'entrent pas dans les cases. Comment voulez-vous gouverner efficacement sous la responsabilité d'un tel clergé d'Amon ? Responsabilité ? Même pas : en cas de problème, personne dans la maison administrative n'est plus responsable de rien ; c'est l'exécutant qui sera responsable, tous les parapluies administratifs largement ouverts mèneront à sa tête, qui tombera, coincée par les innombrables engagements impossibles à tenir qu'on lui aura fait signer.Là-dessus, la réponse est simple : responsabiliser, c'est à dire libérer les directeurs d'école. Donc libéraliser la structure de l'école, la rendre indépendante au moins du point de vue de la responsabilité. Ce qu'on peut rendre effectif sans quitter nos traditions républicaines. Et l'économie de papier doit correspondre à une économie de travail salarié inutile, sinon gênant. La structure d'autorisation à douze étages est tout à fait inutile, puisque de toutes façons, ce sont les enseignants de terrain qui seront les vrais responsables. Le reste n'est qu'une sorte de coercition continue mais inutile ... du temps perdu. Et le temps administratif est très cher. Rendez leur responsabilité et leur

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liberté aux directeurs d'écoles.

Des EPEP35 de 30 classes ?A propos de la libéralisation de l'école, dont on peut entendre un des buts -la responsabilité des écoles qui amènerait la division par 3 ou 4 des personnels administratifs départementaux-, il faut savoir qu'une vieille proposition technocratique européenne revient à la surface tous les trois ou quatre ans, que les gouvernants soient de droite ou de gauche. Tous les trois ou quatre ans, la proposition est rejetée par les maires, les directeurs d'écoles et les parents ... mais elle revient quand même trois ans plus tard tellement le peuple n'arrive pas à se gouverner intelligemment. Il s'agit des regroupements inter-communaux d'écoles pour atteindre la taille de 25 à 30 classes, permettant la nomination d'un directeur à plein temps, du type des principaux de collège, mais itinérant ; cette proposition sans cesse renouvelée prend le nom de EPEP ou bien de E2P dans le tout récent rapport du député Frédéric Reiss36. La structure géographique des écoles françaises est communale, et c'est un de ses points forts. Alors les maires la défendent, les directeurs d'école la défendent, et finalement tout le pays la défend. Mais les technocrates de Bruxelles, qui sans doute n'aiment pas les acquis quels qu'ils soient de la Révolution et de l'Empire, comme la commune, nous ramènent systématiquement leurs solutions ineptes. Les écoles doivent rester proches des familles, elles doivent continuer à collaborer avec les élus municipaux ; les directeurs d'écoles doivent être là où sont les élèves, connus des parents, disponibles et impliqués. La structure complexe d'une école de trente classes dissipées en trois ou quatre lieux distants ne donne l'apparence d'économies que pour des décideurs bien éloignés de la vraie vie scolaire, et elle méconnait tout ce temps jamais comptabilisé que les directeurs et les enseignants impliqués dans leur école à taille humaine déploient sans jamais rien en dire.Les EPEP sont une ineptie. Les écoles communales ont fait leurs preuves en donnant à la France le meilleur enseignement primaire pendant plus d'un demi-siècle.

Le conseil pédagogique et l'inspectionIl faut le dire clairement : c'est là que le bât blesse.Non pas que je sois opposé à l'inspection. Je la crois nécessaire. Il faut une autorité, éventuellement sévère, pour éloigner les mauvais enseignants des élèves exactement comme on éloigne les mauvais chirurgiens du scalpel. C'est justement pour éviter ces extrémités que les conseillers pédagogiques ont été inventés, un peu comme une conquête syndicale. Chaque inspecteur, responsable de plus d'une centaine d'enseignants, s'est vu adjoindre deux conseillers pédagogiques ; l'un, généraliste, et l'autre spécialiste d'éducation physique. Ils allaient dans les classes d'enseignants débutants -ou pas très bons-, aider, montrer, proposer des méthodes efficaces aux jeunes collègues, afin de leur éviter le couperet cité plus haut. Jusque-là, l'initiative est louable.Mais il est de plus en plus rare qu'un conseiller pédagogique ou un inspecteur nous prenne la craie des mains pour montrer une solution plus simple que la nôtre, une manière de faire plus douce, ou une fermeté plus efficace. D'abord, ils ont les innombrables paperasses de tout-à-l'heure à centraliser et à contrôler -les agréments des accompagnateurs de piscine, l'organisation de

35 Établissement Public d'Enseignement Primaire, je crois. L’Éducation Nationale, comme la Russie soviétique, est une grande consommatrice de sigles et d'acronymes, dont le renouvellement fréquent me laisse admiratif.

36 http://www.education.gouv.fr/cid53367/quelle-direction-pour-l-ecole-du-xxie-siecle-rapport-de-frederic-reiss.html / On peut noter des éléments intéressants dans son rapport -M. Reiss connaît bien la maison et est un homme de bon sens-, mais cette histoire de regroupements posée en avant de tout le reste montre seulement comment les meilleurs représentants élus se transforment trop souvent en porte-paroles des technocrates européens. Et ce devrait être l'inverse. Cette histoire de concentration d'établissements n'est qu'une des recettes Européenne proposée systématiquement à toutes sauces, qu'ils nous fourguent inlassablement comme solution financièrement économique. Ce qu'elle n'est jamais : les usines à gaz coûtent plus cher que les petites structures qui ont des comptes à rendre.

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l'enseignement des langues, les répartitions des classes candidates dans les divers projets, ici avec l'école de musique, là avec le centre de voile, ailleurs, avec les artistes modernes prêts à venir définir le nouveau « beau » dans nos classes où plus personne, d'ailleurs, n'apprend à dessiner ... ... Et certains d'entre eux se montrent même particulièrement tatillons pour une signature électronique qui ne vaut pas, où une case -ah, les cases paperassières de l’Éducation Nationale ...- mal remplie, ou pas assez précise ... Mais ceci n'est, somme toute, que du temps perdu. Il y a plus invalidant.Depuis la loi Jospin, le poste de conseiller pédagogique est adjoint à l'inspecteur, et reçoit souvent la responsabilité de la formation continue (18 heures annuelles). Il perd de ce fait son rôle de conquête syndicale pour passer de l'autre côté de l'équilibre des forces37. Les conseillers pédagogiques deviennent par là même un vivier pour le recrutement des inspecteurs. Alors, ce recrutement des conseillers pédagogiques puis des inspecteurs mérite quelque regards. Ce sont principalement, pour l'un puis pour l'autre, des examens d'aptitude totalement transformés en examens de conformité pédagogique -et rien d'autre. Il suffit désormais de savoir singer devant sa classe, puis débiter par écrit et oralement, le catéchisme constructiviste ou néo-didactique, en étant capable de citer au moins deux ou trois fois Philippe Meirieu ou Philippe Meirieu (au choix). Il suffit donc de se montrer partisan, ou mieux, militant. Et la catastrophe culturelle est là : la loi Jospin a remplacé les anciens techniciens reconnus de la lecture ou du certificat d'étude qu'étaient les inspecteurs et les conseillers pédagogiques d'antan, par des militants dont la caractéristique est la recherche permanente de conformité et l'élimination des hérésies. Qu'est-ce que cette structure déséquilibrée a généré au cours des deux ou trois dernières années, en particulier au sujet des nouveaux programmes et des quelques inflexions d'exigence et d'instruction issues du ministère Darcos ? Auparavant, ils remplissaient leur rôle légitime38 en écartant tout enseignant non conforme d'une quelconque progression de carrière. Ce qui a maintenu la pureté idéologique de leurs corps professionnel, inaccessible aux enseignants de deuxième classe. Mais une grande majorité d'entre eux a fort mal digéré les quelques inflexions non-pédagogistes du ministère. Plus encore, ils n'en ont compris ni les nouveautés, ni leur justification : ils ont été recrutés comme militants des méthodes de non-lecture, de la situation problème et de l'enfant au centre du système scolaire, et leur tâche devait être d'expliquer à la masse des enseignants les méthodes alphabétiques, la nécessité de la règle de trois dans l'étude de la proportionnalité, ou celle du passé-antérieur qui permet l'exhaustivité et donc l'intelligence de la conjugaison française39. Bien souvent, ils ne pouvaient pas le faire, ou ne savaient pas, ou ne voulaient pas. Nous avons encore subi l'année dernière une conférence pédagogique pro-globale, et une autre basée sur la situation-problème ; sans que je puisse mesurer exactement dans quelle proportion, on peut dire que la formation continue de l’Éducation Nationale est encore une propagande pédagogiste et que les nouveaux programmes incompris des cadres, n'ont pas été explicités devant les enseignants de terrain ; de plus, les méthodes actuellement considérées comme alternatives -celles qui selon moi, fonctionnent- sont toujours écrasées sous un lourd silence.Structurellement, il est difficile de virer un corps d'officiers, même lorsque l'armée subit une cuisante défaite. Il faudrait pourtant trouver une solution. La cause théorique de ce blocage pourrait alors s'énoncer comme suit : il n'existe pas une science supérieure dont la connaissance permettrait

37 « le rôle des conseillers pédagogiques mérite d’être conforté. Les inspecteurs de l'Éducation nationale sont également des évaluateurs et, parfois, jouent un rôle de super-directeur dont il faudrait qu’ils s’éloignent. » rapport Reiss -opus cité. On sent la perspicacité du rédacteur ; certes, il ne sait pas que la plupart des conseillers pédagogiques actuels sont des militants des méthodes de non-lecture, mais il a vu que les inspecteurs dirigent les écoles par un système administratif et oppressif tout à fait néfaste -et inutile.

38 Conformément à la loi Jospin, donc légitime.39 A leur décharge, il faut savoir que les rédacteurs des nouveaux programmes sont restés anonymes, à la demande du ministre, pour

que ni eux ni les programmes n'aient à subir une de ces campagnes de dénigrement médiatique dont certains journaux ont le secret -en particulier les titres pédagogiques, qui bien sûr sont de gauche. Donc les explications sur le pourquoi et le comment de ces nouveaux programmes sont restées ... secrètes !!!

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de savoir tout enseigner. Donc un diplôme délivré sur connaissance théorique d'une pseudo-science ne peut pas servir de système recrutement. Il ne reste alors que la pratique pour discriminer les bons enseignants40 qui pourraient alors conseiller ou inspecter.On pourrait prendre exemple sur le système finlandais, où le rôle d'inspection et de conseil pédagogique est tenu par les enseignants qui ont obtenu les meilleurs résultats aux mesures de résultats scolaires. Les inspecteurs et les conseillers ne sont plus, alors, des fonctionnaires à vie, mais des enseignants détachés, qui retourneront dans leur classe après trois ou cinq ans.Si nous ne pouvons sans doute pas en arriver là -par raison de statut de la fonction publique-, il est sans doute possible de redonner la charge d'une classe tous les trois ou cinq ans, à tous les personnels chargés de conseil ou d'inspection ; ce qui servirait à quelques-uns d'entre eux de garde-fou contre les divagations. De plus, leurs résultats scolaires établiraient leur légitimité.

La formation initialeLa création des IUFM, ainsi que la nouvelle dénomination des instituteurs en professeurs des écoles répondait à une logique théorique. Puisque, selon les modernes, l'enseignement n'est pas un art, ni un artisanat, mais une science -la science de l'éducation-, il faut étudier cette science dans une université pendant d'assez longues années pour en devenir un spécialiste qui saura désormais tout enseigner, quel que soit l'âge des élèves et la discipline. Pour le « parti de l'éducation », l'objet enseigné compte peu. Les disciplines cèdent le pas devant la pédagogie. Et les Professeurs d’École, donc, d'enseignants pluri-disciplinaires qu'ils étaient, deviennent des spécialistes de la pédagogie pure. C'est-à-dire de la pédagogie vide.Le véritable problème de la fin du XXème siècle est épistémologique. Je n'aurais jamais cru qu'un déficit épistémologique pourrait avoir une telle importance : les mathématiciens, les philosophes, les physiciens, les biologistes (...) ont laissé par habitude scientifique prendre le nom de sciences à quelques activités qui n'ont jamais rien prouvé. La psycho-pédagogie, la science de l'éducation ou même la science administrative (sic !) ont fondés leurs labos. Leurs fondateurs se sont baptisés professeurs et ils distribuent gentiment aux enfants modernes à qui l'école n'a rien appris, des licences et des masters qui ne valent rien. Mais qui rassurent les parents bobos à moitié conscients tout de même que cette éducation post-soixante-huitarde ne pouvait pas donner grand chose. La vieille bourgeoisie réactionnaire catholique ou juive a su élever ses enfants. La petite bourgeoisie moderne n'a pu que leur inventer des diplômes de charlatans. Cette diplômation factice sera une des causes de la décadence à venir.J'ai laissé hors de ma sinistre description des pseudo-sciences et des alchimies modernes, la psychologie et la sociologie, par respect pour l'honnête petit centième produit par l'une et le millième par l'autre. Mais à la considération des foules qui entrent en troupeau dans les amphis de psycho-socio à chaque rentrée universitaire, je perds foi en l'avenir de mon pays. Qu'avons-nous à faire de milliers de sociologues ? En particulier après que le meilleur d'entre eux a contribué à ce point à la catastrophe scolaire en cours ?L'IUFM est la traduction en fait politique de cette arrivée des pseudo-sciences sur le marché médiatique. On ne gouverne pas avec des erreurs ni avec des faux semblants, mais avec des faits. Et l'extraordinaire faillite des IUFM en est une preuve de plus. Les instituteurs étaient des artisans de terrain ; ils étaient des sortes d'ouvriers intellectuels, arrivés à la maitrise de leur tâche par la pratique et la centralisation intelligente des techniques pédagogiques efficaces. Ainsi, il n'y a pas de

40 « Un observatoire des bonnes pratiques complèterait la batterie d’outils du ministère ; il recenserait des situations remarquables dans les domaines didactiques, pédagogiques ou organisationnels comme autant de recettes utilisables par le plus grand nombre. » Rapport Reiss, déjà cité. A ceci près que depuis trente ans, le corps des inspecteurs a été organisé pour éloigner les nouveautés non conformes. Donc sans changement de structure le but visé est inaccessible.

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science générale de l'enseignement, mais bien plutôt des centaines d'objets d'étude à enseigner, chacun d'eux disposant d'une ou de plusieurs techniques pédagogiques possibles. Vous n'enseignerez pas l'addition comme vous enseigneriez la reconnaissance du complément d'objet. Et c'est bien le contenu enseigné qui génère la façon de l'enseigner. Il faut réhabiliter les contenus.Dans une formation initiale moderne, chacun des objets enseignés doit donc être passé en revue, d'abord pour lui-même, en particulier par nos temps de misère scolaire des bacheliers, puis avec les différentes façons de le faire appréhender, et ceci pour plusieurs âges d'élèves. Le soin des formateurs d'instituteurs devra alors porter aussi sur ce qui finalement est le chœur du métier : la progression et même les types de progressions que l'on peut appliquer. On ne peut pas comprendre vraiment le complément d'objet sans lui opposer l'attribut du sujet. Mais on ne peut saisir l'attribut du sujet que par comparaison avec le complément d'objet. Il y a donc des choix que celui qui enseigne, qu'on appelle alors un maître, doit faire. Ici, c'est un livre entier qu'il faut écrire, sur le pourquoi et le comment des quatre opérations simultanées ou bien sur l'ordre d'apprentissage des lettres -en fonction de leur son, ou en fonction de leur dessin ? Ce serait, pour les instituteurs, une spécialisation pluri-disciplinaire. Ce serait un travail exaltant, je crois.Mais deux ou trois ans devraient y suffire. Et ce le plus tôt possible après le baccalauréat pour les instituteurs41, et après leur maîtrise pour les professeurs diplômés de la discipline qu'ils enseigneront. J'en reviens donc à une sorte d’École Normale d'Instituteurs, où l'on entrerait par un concours pluri-disciplinaire difficile, et d'où l'on sortirait avec un Certificat d'Aptitude Professionnelle, un bon vieux CAP d'artisan de l'enseignement.Pour l'instant, la pédagogie théorique en est à ses balbutiements ; elle a été ravagée par l'empressement de médiocrité qu'elle a provoqué par laisser-aller intellectuel des fondateurs ; à part les travaux précoces de Piaget, mais aussi ceux de Wallon, bien peu de synthèses valides ont été établies. Je veux bien croire qu'on pourra sans doute observer et progresser dans l'étude de l'étude, mais il faudra y développer une modestie qui jusqu'ici a grandement fait défaut. Modestie des théories, et confrontation au réel, donc respect des praticiens qui actuellement sont les seuls à détenir éventuellement quelques bonnes méthodes.

Structure des classesLe premier siècle d'enseignement public42 français a établi comme plus efficace « l'enseignement simultané » qui suppose des groupes de niveau scolaire semblable et non des groupes d'âge. Système qui permettait à ceux qui ont besoin de plus de temps d'en prendre. Et aux plus rapides de sauter en avant.Or, s'ils sont égaux en droits, les élèves sont différents les uns des autres. Si nous ne sommes pas assez riches pour financer le système finlandais d'aide à la difficulté, si le petit système Darcos d'aide individualisée, qui le remplace à moindre frais, ne suffit pas pour un élève, alors c'est un véritable crime que de laisser un élève qui ne peut pas la suivre, passer dans la classe supérieure. Seulement, un pseudo-laboratoire de je ne sais quelle nouvelle science, annonce tous les ans pour que la presse bien pensante mais peu critique le publie à pleines colonnes, avec la bénédiction de Bercy et de la rue de Grenelle, que le redoublement est néfaste, selon le raisonnement (?) qui suit : « Sur 10 élèves ayant redoublé le CP seulement 6 obtiennent leur brevet des collèges contre 9 s'ils n'ont pas redoublé ». Escroquerie ou bêtise ? Car s'il on est attentif aux questions d'économie générale, une erreur, une fausseté coûte toujours plus cher qu'une juste réponse à une vraie question. Il est normal que sur 10 enfants de cinq ans soignés pour des caries dentaires, seulement 5 ou 6

41 En particulier pour que les quarante ans de carrière qui semblent aujourd'hui un minimum n'amènent pas des hommes et des femmes de 67 ou 68 ans dans des classes de trente bambins.

42 Mais La Menais aussi, fondateur des Frères des Écoles Chrétiennes.

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n'aient pas d'appareil dentaire à 40 ans, contre seulement 1 sur 10 pour ceux dont on n'a pas soigné les caries. Tout simplement parce que les dix premiers sont sujets aux caries, mais pas les dix autres. Tirer de là que c'est le soin de la carie qu'il faut supprimer, et arrêter de soigner les caries, est une ânerie ou une escroquerie.Or, comme il n'y a pas de salut du système scolaire sans des évaluations de connaissances -qui sont de petits examens, disons les mots-, ni de progrès dans l'efficacité des écoles sans leur publication au moins entre enseignants ... le redoublement d'un élève qui n'a pas obtenu le niveau nécessaire à la classe d'au dessus risque de se poser bien plus souvent. Sans tomber dans l'excès, il faut réhabiliter les redoublements qui doivent pourtant rester relativement exceptionnels. Au passage, il faut comprendre pourquoi la Direction Générale de l'Enseignement Scolaire continue de tester en janvier les élèves des CM2 français, sur la totalité du programme, qui, évidemment ne peut pas avoir été vue avant juin ; c'est pour éviter que ce petit examen ne se transforme en examen d'entrée en sixième s'il se déroulait en fin d'année scolaire. Ce qui provoquerait des redoublements que l'on croit coûteux43.Je suis partisan d'un examen anonyme général d'entrée en 6ème.

Le collègeLe collège actuel est un gouffre de misère morale, d'inefficacité et quelquefois de souffrance. Cela vient principalement du refus des classes de niveau qui a bizarrement pris le nom de « collège unique ». Que voulez-vous que fasse un élève qui a déjà lu tout Dumas, dans une classe qui contient deux ou trois illettrés, dans le meilleur des cas. Que croyez-vous que feront ces enfants illettrés, qui, pour l'instant -mais plus pour bien longtemps- sont encore dominants. Ils vont installer dans le collège la coercition enfantine contre les « intellos » qui est le mot actuel pour remplacer les « polars » de mon époque. Un collège qui interdit aux intellectuels de travailler. Voilà où nous en sommes.C'est le refus des classes de niveau, dû à l'interdiction de la sélection scolaire, qui est à l'origine de ce marasme dont je ne détaille pas ici toutes les conséquences -mais elles sont énormes, à de nombreux points de vue. Il faut donc des classes de niveau ; c'est à dire des classes d'excellence, dans lesquelles on entre par résultats scolaires d'examens anonymes ; et ceci dans tous les collèges ; en particulier dans les zones dites défavorisées où la pédagogie moderne à bouché toute possibilité de s'en sortir aux enfants des derniers installés dans notre pays.En corollaire, mais c'est plus délicat, et je connais moins bien la question, il faudrait arriver à ce qu'on entre aussi dans des sections professionnelles dès la quatrième, par concours ; lequel concours mettrait en avant les aptitudes -souvent manuelles- que le tronc commun n'a pas forcément privilégié jusque là. Plutôt meilleur ouvrier de France que dernier « bac plus deux » inscrit à Pôle Emploi.

43 Ils ne sont pas coûteux. Un an d'école primaire est beaucoup moins cher qu'un an de collège, même quand cette année n'est pas d'une totale inutilité, comme lorsque l'élève n'a pas le niveau -quand il ne sait pas lire par ex. ce qui arrive fréquemment. Et je ne saurais chiffrer le prix de toutes les aides individuelles scolaires et sociales qu'un élève en difficulté va recevoir, en pure perte la plupart du temps.

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