Promenade dans les bois

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1 C’est un enfant qui se promène, il semble perdu au bord de l’eau. L’eau est calme, elle ne l’emportera pas. Elle n’est pas profonde. Elle est claire. Il y voit des poissons. Une eau douce, dans laquelle il trempe ses mains. Il la goûte, la recrache, se relève pour se remettre en marche. Le ciel nuageux a rougi. C’est un petit garçon qui aime à se promener à travers bois. Les nuits ou la lune est pleine particulièrement. Au milieu des arbres, il pense à ses amis. Il pense que ses amis l’aiment moins qu’il les aime ou le contraire. Il ne sait pas vraiment. Il ne peut que penser à eux, sans espérer pouvoir faire changer les choses, sans pouvoir améliorer leur état. Ce sont les arbres qui lui évoquent ses amis. Il peut bien chanter, mais il ignore pourquoi les ballades en forêt les nuits de pleine lune lui plaisent tant. Il se demande si c’est la ballade,

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1 C’est un enfant qui se promène, il semble perdu au bord de l’eau. L’eau est calme, elle ne l’emportera pas.Elle n’est pas profonde. Elle est claire. Il y voit des poissons.Une eau douce, dans laquelle il trempe ses mains. Il la goûte, la recrache, se relève pour se remettre en marche.Le ciel nuageux a rougi.

C’est un petit garçon qui aime à se promener à travers bois. Les nuits ou la lune est pleine particulièrement.Au milieu des arbres, il pense à ses amis. Il pense que ses amis l’aiment moins qu’il les aime ou le contraire. Il ne sait pas vraiment.Il ne peut que penser à eux, sans espérer pouvoir faire changer les choses, sans pouvoir améliorer leur état. Ce sont les arbres qui lui évoquent ses amis.

Il peut bien chanter, mais il ignore pourquoi les ballades en forêt les nuits de pleine lune lui plaisent tant. Il se demande si c’est la ballade, ou l’idée du lac de l’autre coté des bois qui lui donnent envie de chanter. Le lac calme il l’aime autant de jour que de nuit, ces lieux baignant dans la lumière de la lune ont quelque chose de plus. Mais il ne les trouve pas mystérieux. Ce qui est mystérieux, il ne l’a pas assimilé, ce monde peu peuplé ne s’emplit pas de fantôme, les bruits et les bruissements n’évoquent rien de trop. La nuit n’est pas un monde de mort. Lorsqu’on y voit, on peut s’y promener, marcher sans risquer de trébucher. Elle n’est pas tellement vide, la nuit. Dans les bois, rien n’y est plus caché que durant le jour, à l’exception des oiseaux peut-être. Ainsi, il ne savait pas ce que ses nuits de pleine lune avaient de plus, et c’était peut-être là leur seul mystère.

À la sortie des bois, dans une maison en tôles, habite un bûcheron. Il y vit avec sa femme.

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De jour, le petit garçon l’a souvent croisé. La première fois, le monsieur lui avait demandé ce qu’il faisait là. L’enfant lui avait répondu qu’il aimait s’y promener, que les grands arbres étaient beaux, et qu’il voulait voir les poissons du lac. Le grand monsieur avait souri, puis avait grommelé en disant que ce petit bonhomme était peut-être un futur casseur de couille écolo. Le petit garçon n’avait pas compris, pas complètement. Le grand bûcheron lui avait pincé la joue en riant. Il avait seulement compris que ce dont le monsieur l’avait qualifié n’était pas tellement détestable. Depuis, à chaque fois qu’ils se croisent ils se sourient, mangent de temps en temps des mets préparés par la femme du bûcheron, ou se promènent ensemble. Pour le taquiner le bûcheron lui montre parfois ses futurs victimes. L’enfant n’en pense rien, ce ne sont jamais de beaux arbres.

* Il vit en dehors de la forêt. L’enfant a un chat. Parfois il dit au chat que la forêt c’est bien. Le chat n’en a que faire, il préfère dormir, la maison est un havre de paix, lui, un animal domestique. Le chat court très peu dans le jardin. Il préfère la chaleur de la salle à manger. Il aime entendre maman cuisiner. Il joue très peu avec l’enfant, il se contente d’être son confident. Le petit garçon lui parle de ses amis. Il les lui décrit. Le chat ronronne, il aime la voix du petit garçon. Le petit garçon lui dit que ses amis ressemblent à des arbres. Que l’un de ses arbres a été coupé par le bûcheron. Le chat ne semble rien en penser. L’enfant continue à lui parler. Il lui raconte que lui et le bûcheron sont allés manger au lac, hier. Le bûcheron aussi le trouve beau. Il a même parlé de sérénité de la nature. De leçon qu’on pouvait en tirer. Le chat semble sourire, il s’est endormi. Le petit garçon fait de même. Sur la table, au-dessus d’eux le couvert est prêt, le repas posé. Avant de le retrouver, à travers la maison Maman cherchera longtemps son enfant.

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Il y a ces histoires d’enfants qui se perdent. Qui se perdent après avoir croisé un baobab. Ils n’ont pas pensé que ce gros arbre, pourrait servir de repère. Ils se sont contentés d’aller plus loin, au point de ne plus le voir.Enfoncé quelque part, ils ne reconnaissent plus rien. Un caillou ne ressemble qu’à un caillou, une fougère à une fougère, un nuage à un nuage. Et au milieu de ces choses peu familières, le temps prend un aspect

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plus singulier. Il ne coule plus, se disloque, son mouvement devient irrégulier. Les enfants sont inquiets. L’un d’entre eux aurait pu dire, qu’est-ce qu’on peut faire. Mais il n’en eut pas l’idée. Perdus, ils déambulent entre les éléments du décor. Rien n’est étrange, mais tout se met à faire peur. Quelqu’un plus tard les retrouvera. Dormant au pied du baobab qu’ils ont retrouvé sans reconnaître, le bruit du moteur de la camionnette les réveillera.

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C’est une jeune fille assise. Petite, les yeux maquillés, le nez pointu, elle semble triste. L’air est frais, le ciel clair, il pleut de fines gouttes.

Ce sont des choses qui ce sont passés, des choses qu’elle aurait aimées autrement qui occupent sa pensée. Elle est contre un mur. Il n’y a pas d’herbe à ses pieds, juste du béton. Mais ce n’est pas inconfortable, son sac est contre-elle. Elle aime être seule.

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Elle se voit en mouvement dans un autre espace, un espace à peine idéalisé, un espace du passé, qu’elle tente de formuler dans sa pensée :Les couleurs sont moins vives, on voit peu le ciel. Les gens ne la regardent pas, elle existe à peine. Elle n’est qu’une image en mouvement, elle vibre, bousculait par cet espace morne et mouvementé. Les gens sont des flux, elle est un flux. Il fait jour, elle imagine le bruit. Penché contre son sac qui lui sert d’oreiller, l’ennui la gagne.Elle ne regarde pas vers l’extérieur, ses yeux sont plongés par terre. Elle observe ses chaussures violettes, leur usure. Des fourmis s’activent à ses pieds. Sa main passe dans ses cheveux teintés orangés. Elle les détache, les rattache, pleure. Le ciel est sombre, la jeune fille trempée. Il pleut toujours, elle marche sans se presser. Ses larmes se sont mêlées à la pluie. D’après elle le monde a changé. Il ne se ressemble plus, ne lui ressemble plus. Se reflétant dans les flaques d’eau, les feux passent au vert. Les voitures roulent. Elle croise un panneau rond peint en rouge, il indique « stop ».

La ville semble plus peuplée d’automobiles que d’êtres humains. Elle ne le déplore pas, elle n’y a pas pensé. Seule son image l’occupe. « J’aurais aimé faire autrement, me faire autrement. » se dit-t-elle. Elle a froid. Et rien ne la protége de la pluie.

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C’est un oiseau qui ne peut prendre son envol. L’une de ses ailes est abîmée. Il tente, retombe, perd quelques plumes.

Il a plu.Le vent est violent, le sol boueux. Trempé, l’oiseau est emporté.Il tombe dans une flaque, se débat, se noie.

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C’est une autre histoire…Des herbes arrachées, des enfants crachant aux vents. Tous affrontent les éléments, se tiennent de tout leur poids.

Le vent souffle fort, au point de faire pleurer une petite fille. L’instant d’avant elle regardait sa peluche emportée : « Ourson vole, » avait-elle murmuré, avant de réaliser qu’il se perdait.

Deux petits garçons courent. Espérant se faire prendre par le souffle, ils se jètent. Sans cesser de rire en retombant au sol, ils roulent dans l’herbe. Puis ils s’arrêtent ; contemplent, allongés le mouvement des nuages.  "Le vent emporte même le ciel", dit l’un. "Mon corps me semble bien lourd", dit l'autre en baissant les paupières. Celui qui a gardé les yeux ouverts voit les nuages couvrir le soleil. Il aperçoit aussi l’ourson en peluche qui va au gré du vent. Les mouvements du ciel lui rappellent la carte météo de la télé. Bercé par le souvenir de la jolie présentatrice, sous le souffle du vent il va s'endormir.

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