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PROGRAMME

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Ouverture

Perrine TARNEAUD

Bonjour à tous. Merci d’être avec nous aujourd’hui.

Avec ce film, vous avez pu découvrir ce qu’est l’Ircantec. Depuis deux ans, l’Ircantec a lancé une politique de mécénat consacrée à la solidarité intergénérationnelle pour favoriser la cohabitation entre les générations et le partage de savoir-faire.

Ce mécénat prend deux formes : un soutien financier, bien sûr, mais aussi l’organisation d’événements, de journées comme celle d’aujourd’hui, où vous allez pouvoir partager ensemble vos expériences. Avant d’entendre une sociologue, qui nous parlera du passage toujours délicat de la vie active à la retraite, et avant que les associations viennent sur cette scène pour partager leur expertise, nous allons écouter tout de suite Alain GAILLARD, président du Conseil d’administration de l’Ircantec, qui va ouvrir nos travaux de ce matin.

Alain GAILLARD, je vous laisse la parole.

L'engagement de l'Ircantec dans la solidarité intergénérationnelle

Alain GAILLARD, Président du Conseil d’administration de l'Ircantec

Bonjour à tous et à toutes. Bonjour à nos invités d’honneur.

Bienvenue à Madame Anne-Sophie GRAVE qui est la directrice « retraites et solidarité » de la Caisse des Dépôts, et à Monsieur BEUZELIN qui est le directeur du site d’Angers, la principale plateforme de l’Ircantec.

Bienvenue à tous et à toutes, en particulier aux associations qui nous ont fait le plaisir de venir sur cette deuxième journée « Mécénat et solidarité intergénérationnelle ». Merci à mes collègues, membres du Conseil d’administration de l’Ircantec, qui ont bien voulu se joindre à nous. Je serai très bref, car la journée d’aujourd’hui n’est pas une journée de discours, c’est une journée d’échanges entre les associations, ainsi que nous l’avons voulu.

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Il y a deux ans, lors du quarantième anniversaire de notre institution – quarante ans, c’est toujours un cap important dans une vie – nous nous sommes dit que la solidarité était la principale valeur développée par l’Ircantec. Je parle d’une solidarité des actifs envers les retraités, et aussi des retraités envers les actifs. Les dernières annonces du COR vont nous obliger à essayer de penser à cette seconde forme de solidarité. J’en suis convaincu, même si je ne sais pas encore très bien comment cela se fera…

En 2011, donc, lorsque nous avons fêté nos quarante ans, nous avons saisi cette occasion pour nous engager à construire ce lien entre actifs et retraités, ce pont dont le symbole figure sur notre logo « Ircantec mécénat ». C’est pour cela que nous avons fait en sorte de pouvoir développer deux thèmes principaux. Le premier est la cohabitation intergénérationnelle. Des retraités se retrouvent seuls, isolés, à côté d’actifs qui, par exemple, ne trouvent pas à se loger. Nous avons trouvé des associations, auxquelles nous faisons confiance, et nous les avons aidées à recréer un lien important entre ces groupes. Le second thème est le partage des savoir-faire entre les générations. C’est une forme de compagnonnage. J’ai salué les associations qui sont représentées dans la salle, et qui font passer les savoirs des plus anciens vers les plus jeunes, avec deux finalités : leur faire découvrir des métiers qu’ils ignorent, et leur transmettre la foi, la flamme que possèdent les anciens artisans, pour qu’ils puissent s’épanouir dans leur métier.

Nous avons apporté à ces associations un petit soutien financier, mais nous avons aussi pensé qu’un autre volet était nécessaire, celui que concrétise la journée d’aujourd’hui. Il s’agit d’offrir un creuset aux idées nouvelles, un lieu adapté au partage d’expériences entre ces associations qui, souvent, se connaissent mal entre elles. Dans le bénévolat, chacun est pris par son action, de son côté. Des journées comme celle-ci permettent d’échanger des contacts, des adresses, des numéros de téléphone qui aideront certaines associations à prendre appui sur les expériences acquises par d’autres. Voilà l’ambition actuelle au niveau de l’Ircantec. Nous allons poursuivre notre réflexion, car nous pensons qu’à côté de ce mécénat, d’autres types d’interventions sont possibles. Je ne sais pas encore lesquelles, mais plus on examine ce domaine, plus il paraît vaste. Après avoir essayé de consolider ce que nous avons mis en place, nous allons voir si nous pouvons diversifier notre action.

Tenir cette seconde journée « mécénat et solidarité intergénérationnelle » dans le lieu où nous sommes est aussi un clin d’œil. A la maison des Arts et Métiers, nous sommes dans un lieu de transmission des savoirs. Avec les autres membres du Conseil d’administration, je souhaite qu’aujourd’hui les contacts dont j’ai parlé puissent se nouer ; que nos débats puissent être enrichissants, notamment sur le passage de l’activité à la retraite, qu’un certain nombre d’entre nous ont vécu ; et que

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notre réflexion soit suffisamment intéressante pour vous permettre à vous, associations, qui êtes le cœur du dispositif, de repartir en ayant la certitude de ne pas être seules, et en ayant découvert un certain nombre de pistes à approfondir. Voilà notre but. Je vous souhaite donc une excellente matinée, pleine de promesses pour l’avenir, ainsi que le symbolise Noël qui approche. Ensemble, nous allons faire bouger les choses ! Merci à vous.

Perrine TARNEAUD

Merci, Alain GAILLARD. Pour débuter maintenant notre réflexion autour de la solidarité intergénérationnelle, je vais demander à Soukey Ndoye, qui est sociologue, de nous rejoindre. Elle travaille notamment sur le passage de la vie active à la retraite. Quelles sont les tensions qui peuvent naître à cette étape ? Comment ne pas vivre ce passage à la retraite comme une mort sociale, et rester actif et/ou solidaire ? Nous vous écoutons, avant de vous poser nos questions.

Conférence

Le passage de l'activité à la retraite : approche sociologique

Soukey NDOYE, sociologue, chargée d'études à l'Association Française des Managers de la Diversité

Merci, Monsieur le Président, et bonjour à tous. Je suis particulièrement heureuse de participer aujourd’hui à cette rencontre nationale de l’Ircantec. Le thème développé, qui est assez large, concerne les solidarités intergénérationnelles.

Comme vous le savez, l’année 2012 a été déclarée année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle. Au moment même où je m’exprime se tient à Paris la clôture des débats scientifiques afférents. Nous sommes donc au cœur de cette thématique. L’idée de base, c’est que le vieillissement des populations n’est pas tant une catastrophe fatale, comme on a tendance à le souligner dans un certain nombre de pays, qu’une opportunité à saisir pour bâtir une société pour tous les âges. C’est d’ailleurs le mot d’ordre lancé par la communauté européenne dès l’année 1999. Aujourd’hui, France et Europe vivent un basculement important, puisque les proportions des groupes d’âge au-dessous de 20 ans et au-dessus de 60 ans se sont croisées. Jusqu’alors, la population des moins

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de 20 ans l’emportait sur celle des plus de 60 ans. D’après les projections, c’est en 2010 que cet équilibre a commencé à s’inverser. Ces changements démographiques importants, combinés à l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé dans les sociétés occidentales, amènent à repenser la retraite, et de manière plus globale, la solidarité entre les générations.

La retraite n’est plus seulement synonyme de vieillissement : elle ouvre sur une nouvelle étape de la vie, plus ou moins longue. Quelques chiffres pour mettre cette nouvelle étape en perspective : en France, l’espérance de vie a continué à progresser en 2011, pour s’établir à 84,8 ans pour les femmes, et à 78,2 ans pour les hommes, selon les chiffres de l’INSEE. Une femme âgée de 60 ans a encore une espérance de vie de 27 ans, un homme du même âge, de 22 ans et demi. Leur horizon temporel est donc assez large. L’espérance de vie en bonne santé ou sans incapacité, même si elle a enregistré une évolution constante ces dernières décennies, subit aujourd’hui une légère baisse en France. Entre 2008 et 2010, celle des hommes est passée de 62,7 ans à 61,9 ans, et celle des femmes, de 64,6 ans à 63,5 ans. On remarque d’ailleurs, sur la base de ces chiffres, que la France rejoint la tendance d’autres pays européens qui ont comme elle des espérances de vie élevées.

Au regard de cela, et du fait qu’elle s’inscrit dans le contexte institué de la protection sociale, la retraite peut être considérée comme un moment de passage, une transition d’un âge vers un autre. Plusieurs tensions viennent émailler ce passage et le rendre de plus en plus difficile, alors même que les changements sociaux et sociétaux intervenus ces dernières décennies contribuent à modifier les modes de vie à la retraite. La question qui se pose est la suivante : comment ces effets de masse impactent-ils le parcours de vie des individus ? Comment jouent-ils sur les équilibres sociaux, alors que dans le même temps, la société tend à s’organiser de plus en plus autour d’activités non marchandes ? Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, je commencerai par exposer les transformations qui se sont opérées dans les modes de vie à la retraite.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe et les pays développés traversent une période de forte croissance, de plein emploi et de hausse du taux de natalité. Durant cette période qu’on appelle le Baby Boom, ou les Trente Glorieuses, la retraite est le temps de l’inactivité, du repos lié à la vieillesse et à une espérance de vie réduite. C’est au début des années 1970 que les premières typologies des modes de vie à la retraite sont établies par les sociologues. Anne Marie GUILLEMARD, qui a beaucoup travaillé sur ces questions et introduit la question des valeurs non marchandes dans la sociologie, et qui fut en cela une pionnière, a proposé une typologie basée sur les déterminants sociaux, et biologiques de l’individu à la retraite,

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ainsi que sur des aptitudes de production et de consommation de biens matériels et immatériels. Son analyse a mis en lumière plusieurs types de comportements des individus à la retraite. A sa suite, plusieurs autres chercheurs ont tenté d’établir des typologies, dont émergent, pour les années 1970, deux modes de vie dominants : d’une part, la retraite « loisir », et d’autre part, la retraite « retrait », ou mort sociale. Dans le cadre de la société industrielle, le travailleur intégrait en effet le statut de retraité, et entrait simultanément dans la vieillesse à un seuil d’âge identique pour tous les individus, fixé par les politiques publiques. Le nouveau retraité ne disposait que d’une faible espérance de vie et d’un horizon temporel relativement court. Ce court terme ne permettait pas à l’individu de se projeter, ou d’élaborer des projets de vie à la retraite. Le mode de vie dominant était alors celui du repos et du repli sur la sphère privée.

Au cours des deux décennies qui suivirent, dans les années 1980 et 1990, l’évolution du contexte social et environnemental en France a contribué à rendre obsolète cette dualité des modes de vie à la retraite. Le modèle de la retraite « loisir » s’est fortement essoufflé, tandis que la retraite « loisir » a continué d’évoluer. Une forme de retraite « revendication » s’est fait jour dans le sillage des mouvements sociaux issus de l’après-guerre. Parallèlement, l’engagement des retraités a pris une tout autre forme, nourrie par les espoirs suscités par les Trente Glorieuses, l’amélioration du niveau de vie et les progrès de la médecine. Il ne s’est plus agi seulement de militer pour défendre les intérêts d’un groupe d’âge, mais aussi de chercher dans les associations de tout genre un cadre propice au développement du lien social, au loisir, à l’exercice d’une continuité avec le travail, toutes motivations nouvelles chez les retraités.

Au début du XXIe siècle, le temps de la retraite continue d’être décrit comme un temps de repos, et parfois de contestation. Toutefois, des sociologues comme Anne-Marie GUILLEMARD et Monique LEGRAND constatent que pour une frange importante de la population des retraités, l’éviction précoce des séniors du marché du travail, et l’allongement de la durée de vie en bonne santé constituent des données structurelles qui modifient les modes de vie à la retraite. Au début des années 1980, la pratique des préretraites suscite un vif intérêt, grâce à des dispositifs financiers incitatifs et à un niveau élevé de couverture offert par la protection sociale. A partir de cette période, la transition entre le travail et la retraite n’est plus tranchée. Elle devient plus floue, et s’individualise. Les statuts intermédiaires entre travail et retraite commencent à se multiplier. Au même moment, une part importante des retraités commence à remettre en cause le modèle général de la contribution sociale, qui lui semble déséquilibrée. Les membres de cette catégorie, dont le nombre est discuté, mais qu’Anne-Marie GUILLEMARD évalue à 5 ou 10 % des retraités au début des années 2000, ont alors le sentiment que ce

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système déséquilibré les fait basculer, au moment de la retraite, dans un monde d’improductifs et/ou d’assistés, à la charge de la société. Pour y remédier, ils développent des pratiques nouvelles en s’engageant dans le milieu associatif. Ils y trouvent le moyen de contribuer différemment, tout en entretenant un réseau relationnel important. A la lecture de nombreux rapports et études sociologiques, il apparaît qu’en s’engageant dans des activités bénévoles, les retraités refusent d’être cantonnés au rôle unique de consommateurs. On qualifie ce nouveau modèle de retraite solidaire, ou de retraite « utilité sociale ». Elle concerne principalement les retraités appartenant aux couches moyennes ou supérieures de la population, et vivant en milieu urbain.

Les opportunités d’engagement après 60 ans restent structurées par les règles de sortie du marché du travail, mais aussi par les expériences du processus de transition entre l’emploi et la retraite. Les nouveaux types de retraite dégagés, retraite solidaire ou retraite « utilité sociale » apparaissent ciblés, et centrés sur la période de transition, plutôt que sur la totalité de la durée de vie à la retraite. L’émergence nouvelle de la retraite solidaire apparaît donc symptomatique de l’enchevêtrement des différents temps sociaux, qui font exploser les anciens cadres de référence d’un temps de retraite alors monochrome. Cette explosion des cadres de référence ne vaut d’ailleurs pas seulement pour le temps de retraite : pour aller plus loin, je dirais, à l’instar d’autres sociologues, que les découpages qui définissaient autrefois les âges autour d’un modèle de cycle de vie ternaire, c’est-à-dire, l’enfance, période de formation, l’âge adulte et la retraite, ne prévalent plus à l’heure actuelle. On observe plutôt un brouillage, une porosité des temps sociaux entre eux, ce qui signifie que les parcours des âges ne sont plus aussi linéaires qu’auparavant.

Cette retraite solidaire revendique une forte articulation entre formation, travail libre, loisirs et vie familiale. Elle milite contre toute ségrégation des âges et pour leur déspécialisation. Cela s’exprime aussi par le souci de mener plus d’activités intergénérationnelles. Avec l’avènement de la retraite solidaire, la retraite n’est plus cet âge de la vie après le travail : elle devient un âge où l’activité marchande fait place à l’activité libre, et où la disponibilité s’allie à la générosité.

Concrètement, qu’est-ce qui caractérise ces modes de vie à la retraite et cet engagement bénévole des retraités ? En France, depuis la promulgation de la loi Waldeck-Rousseau instaurant la liberté d’association, le secteur associatif a connu un développement, qui peut en partie s’imputer à la crise de l’Etat providence diagnostiquée par Pierre Rosanvallon au début des années 1980. Pour pallier le recul de l’Etat providence dans le domaine social, les associations se positionnent comme des structures de substitution, qui permettent de recréer le lien social et de

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créer de nouvelles solidarités. Selon les chercheurs, l’engagement bénévole offrirait à l’individu le cadre collectif qui viendrait remplacer le rôle autrefois joué par les institutions. On note également un glissement des responsabilités de l’Etat vers les collectivités territoriales, qui s’opère depuis les années 1980 avec le vote de la loi sur la décentralisation.

Selon Anne-Marie GUILLEMARD, que je cite, la vie associative prend alors une double vocation : « prospecter et investir des champs nouveaux découverts par l’évolution sociale, et définir des stratégies pour s’imposer comme un véritable intermédiaire entre la société et l’Etat, entre le citoyen et les institutions ». Cette croissance du secteur associatif se lit dans l’augmentation importante du nombre de structures qui se positionnent sur des créneaux de plus en plus diversifiés, et qui se distinguent par leur nombre d’adhérents, mais aussi par leur nombre de salariés. Pour aller à l’essentiel, on peut retenir que selon les études, en janvier 2012, le nombre d’associations actives en France s’élevait à 1,3 million. Schématiquement, les petites associations locales sont majoritaires et fonctionnent grâce à la présence des bénévoles, tandis que les grandes associations employeurs, dotées de budgets conséquents, sont peu nombreuses.

Qu’est-ce qui caractérise l’engagement bénévole en France, et notamment celui des retraités ? Je crois qu’il faut commencer par préciser ce qu’on entend par bénévolat. Les chercheurs, mais aussi des organismes publics comme le Conseil économique et social, ont produit une profusion de définitions de ce terme. Elles donnent pour principales caractéristiques du bénévolat que l’activité n’est pas rémunérée, qu’elle est non contrainte, qu’elle est réalisée dans un groupe au service de la communauté. Pour Dan Ferrand-Bechmann, qui est une des pionnières de la sociologie du monde associatif en France, « est bénévole toute action qui ne comporte pas de rétribution financière ». Le bénévolat s’oppose essentiellement au travail rémunéré et s’exerce sans aucune contrainte sociale, ni sanction sur celui qui ne l’accomplirait pas. Enfin, il est dirigé vers autrui, ou vers la communauté. Il se comprend donc comme un don à autrui, développé autour d’une relation interpersonnelle. Autrui est un étranger envers qui on n’a pas d’obligation a priori, en vertu des règles communes de la réciprocité. En sont donc exclues toutes les relations familiales, amicales et privées.

Ce dernier point signifie que l’individu s’engage hors du temps réservé à ses activités professionnelles ou familiales, dans un temps libre dont il dispose à son gré. Le bénévolat est donc, a priori, un engagement choisi au profit d’autrui ou de sa communauté, ou de la sphère publique, dans un cadre formel et structuré. L’individu donne de lui-même en obtenant généralement un contre-don, une forme de gratification.

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En 2010, en France, les bénévoles de plus de 15 ans représentaient environ 23 % de la population, selon les chiffres de l’INSEE et ceux d’une enquête réalisée par des auteurs comme Bazin et Malet, soit une personne sur quatre, contre 26 % en 2002.

Un rapport du Conseil économique et social datant de 2009 indique que « la grande majorité des seniors exprime le besoin d’avoir une ou deux activités socialement reconnues. Nombre de seniors souhaitent retrouver rapidement une activité et se tournent vers des associations pour proposer leur disponibilité et leur compétence ». Les mêmes caractéristiques apparaissaient déjà dans des études antérieures. Dans son travail sur l’engagement associatif des personnes de 60 ans ou plus, un auteur comme Michaudon constatait en 2007 que les retraités détenaient la palme de la participation associative. D’après les estimations de l’auteur, 47 % des plus de 60 ans étaient engagés dans des actions bénévoles, alors que cet engagement concernait au total 43 % de la population. Ces résultats confortent ceux de la grande enquête consacrée en 2002 à la vie associative par l’INSEE. Ils montrent en tout cas que lorsqu’ils sont bénévoles, les sexagénaires sont ceux qui consacrent le plus de temps à leur engagement. C’est seulement au-delà de 70 ans que l’engagement recule. Cette diminution n’est d’ailleurs pas très significative, selon moi, car le taux d’engagement des plus de 70 ans reste similaire à celui des quinquagénaires. Ces derniers sont caractérisés par leur propension à s’engager dans plusieurs associations à la fois.

Il faut également signaler que les bénévoles les plus âgés sont prépondérants dans les postes à responsabilités. En France, 57 % des présidents d’associations ont plus de 55 ans, et 32 %, plus de 65 ans. Par ailleurs, si nous nous focalisons sur le bénévolat régulier, c’est-à-dire le bénévolat de ceux qui agissent dans une fonction précise tout au long de l’année, par opposition aux bénévoles occasionnels qui interviennent ponctuellement en fonction de leur disponibilité ou des besoins de l’association, on remarque que la proportion des hommes qui s’engagent régulièrement atteint un point culminant entre 55 et 60 ans, soit 45 %, avant de diminuer, tandis que l’engagement des femmes évolue de manière constante pour rejoindre le taux d’engagement des hommes entre 55 et 60 ans, sans faiblir par la suite. En France, à partir de 55 ans, les femmes semblent donc dégager plus de temps pour le bénévolat que les hommes.

Quels sont les moteurs et les freins de l’engagement bénévole des retraités ? Une enquête réalisée en 2010 auprès de bénévoles révèle deux informations qui se corrèlent. D’une part, les motivations principales des plus de 60 ans sont, par ordre d’importance, le souhait d’être utile à la société et d’agir pour les autres (qui arrive largement en tête, à 79 %), le besoin d’épanouissement personnel, l’intérêt pour la cause défendue, et enfin, le souhait d’appartenir à une équipe. D’autre part, les trois

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principales satisfactions liées au bénévolat sont le contact et les échanges avec les autres, le plaisir d’être efficace, et la convivialité. Les personnes de plus de 70 ans accorderaient plus d’importance aux facteurs liés à l’environnement social qu’au souhait d’être utiles ou à la satisfaction personnelle, au plaisir. Des études menées au Québec en 2010 et 2012 sur les facteurs influençant la participation bénévole indiquent que les facteurs qui influencent positivement ou négativement le bénévolat des retraités peuvent s’inscrire dans trois types de catégories : les facteurs liés à la personne, les facteurs liés à l’environnement et les facteurs liés à l’occupation.

Les facteurs liés à la personne sont les facteurs liés à la santé, aux valeurs personnelles ou aux satisfactions à l’égard de la pratique. Certains travaux de recherche font remarquer que le temps de bénévolat peut s’avérer un facteur bénéfique pour la santé. J’en donnerai des exemples tout à l’heure, d’après des interviews que j’ai réalisés. Ces mêmes travaux soulignent que la pratique du bénévolat peut être motivée par des valeurs éthiques et hédonistes. L’éthique réfère au sens moral des individus et à leur souci de rendre ce qu’ils ont reçu de la vie, à un devoir d’altruisme. En cela, la famille, premier lieu de socialisation de l’individu, peut être le premier lieu de transmission, par la participation collective de toute la famille à une activité bénévole. Le facteur hédoniste fait plutôt référence à une recherche d’enrichissement personnel dans la pratique de l’activité bénévole. Les retraités ne souhaitent pas pratiquer une activité déplaisante, tout simplement. Dans la pratique, éthique et hédonisme ne s’opposent pas, mais se combinent bien souvent. L’affirmation du plaisir dans l’activité va de pair avec l’individualisme et le bénévolat moderne, où soi est le ressort de l’action. Il s’obtient par le libre choix de l’activité, et par le sentiment de bien-être qu’il procure. « C’est vraiment fun », nous diront certains. « Cela me plairait beaucoup », disent d’autres. On retrouve dans cette conjonction de l’éthique et de l’hédonisme la notion du don développée par Marcel Mauss dans le triptyque donner/recevoir/rendre. Un acte de réciprocité dicte la création des liens sociaux.

Une troisième dimension me semble ici pertinente, c’est celle de la mobilisation des compétences. Les retraités nous font savoir qu’ils souhaitent mobiliser et redéployer leurs compétences à la retraite. Ils souhaitent transmettre des compétences acquises au cours de leur parcours, mais aussi en acquérir de nouvelles. Même si, a priori, ce désir d’acquérir de nouvelles compétences est moins prégnant pour les retraités que pour le reste de la population, il reste important de le mentionner comme un facteur incitatif, ou discriminant, de l’engagement bénévole. Le plus souvent, les actifs, au même titre que les étudiants, participent à un temps de bénévolat afin de se professionnaliser, ou de développer des compétences à destination d’un objectif professionnel. Or l’acquisition de compétences ne se limite pas à la sphère professionnelle, et dans un contexte où les temporalités sociales

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tendent à s’interpénétrer, le temps de la formation a tout à fait sa place au moment de la retraite.

Parmi les facteurs liés à l’environnement géographique, social et institutionnel, on remarque d’abord que l’environnement géographique et physique a une incidence sur l’engagement bénévole des retraités. Avant d’accepter un bénévolat, le retraité prend en compte son accessibilité, et la distance entre son domicile et le lieu de la pratique. L’environnement social joue aussi : les bénévoles retraités ont besoin de sentir qu’ils sont partie prenante d’un projet collectif national ou local. C’est le cas d’un certain nombre de retraités que j’ai rencontrés dans le cadre de leur participation bénévole. Cette sociabilité s’observe à travers plusieurs types de liens. D’abord, les liens avec le public concerné par l’aide, quelle qu’elle soit. Ensuite, les liens avec les autres bénévoles. Par exemple, dans la pratique de la lecture à des enfants, les retraités recherchent activement une sociabilité intergénérationnelle intégrant les figures de la grand-mère. Si on regarde la charte de l’association « Lire et faire lire », que j’ai eu l’occasion d’étudier, il est demandé aux retraités de pratiquer leur bénévolat « dans une démarche de plaisir, de partage et de découverte », ce qui implique des dimensions individuelles issues de la sphère privée. Le retraité ne devient pas l’exécutant d’un programme confié sur le mode hiérarchique. Il doit également donner de lui-même aux enfants, en développant par exemple des qualités d’ordre domestique. Ainsi, cette association exige implicitement des seniors qu’ils aient, ou qu’ils acquièrent au préalable, des qualités de présence, d’écoute, de transmission intergénérationnelle, etc., etc. Toutes choses liées, dans notre société, au statut de grands-parents, notamment à la figure féminine de la grand-mère. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que 90 % des bénévoles de cette association soient des femmes, qui précisent que la recherche de la relation avec les enfants a déterminé leur choix.

Au-delà de l’environnement géographique et social, il y a enfin l’environnement institutionnel, qui impacte l’engagement bénévole. Des auteurs ont indiqué que le bénévolat était influencé par des caractéristiques sociodémographiques liées à l’individu, de revenus, de temps de transport, mais également par des critères liés à la structure associative. Ainsi, l’environnement institutionnel peut comprendre l’accessibilité à l’information sur la structure de l’association, le cadre de cette structure - locaux, matériel, financement -, le management de ses salariés, l’accueil, l’offre de formation, la gestion des ressources humaines bénévoles, la flexibilité de l’association vis-à-vis des bénévoles, etc. Il faut mentionner qu’en raison de déconvenues liées à l’accueil, ou au manque de suivi des bénévoles par les salariés, le sentiment d’être laissé à l’abandon peut conduire certains retraités à arrêter leur bénévolat. En revanche, une bonne gestion de l’administration et des ressources humaines est un facteur favorisant de maintien dans la pratique bénévole. Dans

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l’enquête « recherche et solidarité » de 2010, des auteurs indiquent que lorsque le bénévole âgé de plus de 60 ans évoque ses déceptions éventuelles, quatre catégories sont citées, toutes en lien avec l’environnement institutionnel : le manque de moyens financiers de l’association, le manque de matériel, le manque de locaux adaptés et le manque d’organisation associative. Il faut donc absolument prendre en compte l’environnement institutionnel parmi les facteurs défavorisants de l’engagement bénévole.

Il y a aussi les facteurs liés à l’occupation. Les retraités qui ont pratiqué un bénévolat durant leur jeunesse ou leur vie professionnelle semblent avoir plus de facilité à continuer dans cette voie, ou à renouer avec elle. Il me semble, Monsieur le Président, que vous évoquiez ce fait tout à l’heure. Des auteurs analysant l’enquête sur le temps et le bénévolat au Québec ont effectivement constaté l’influence des expériences de jeunesse sur le bénévolat après le temps de travail. Il faut aussi prendre en compte, au-delà du lien avec le parcours de vie, le temps consacré à la pratique. Une activité trop exigeante, en termes temporels, peut rebuter certaines personnes et les conduire à refuser une pratique. A contrario, une activité bénévole définie aussi bien dans le temps que dans les missions facilitera l’entrée dans le cadre associatif.

Je terminerai par un dernier point qui est le lien entre l’offre de l’association et les attentes des bénévoles. La perspective d’une meilleure articulation entre offre et demande rejoint le souci d’acteurs de la société civile de mieux articuler les enjeux individuels et collectifs d’une transition réussie entre temps de travail et temps de retraite. Les propositions tournent autour d’un partenariat gagnant/gagnant pour l’ensemble des parties prenantes à l’optimisation des lieux et des modes d’intégration sociale des 50/70 ans.

Perrine TARNEAUD

Merci beaucoup, Soukey Ndoye. Je vous invite à rester avec moi, car il y aura sans doute pas mal de questions autour de votre exposé. On me dit qu’il y a une première question là-bas, au fond de la salle. Monsieur, voulez-vous vous présenter ?

Ronan JAMES

Bonjour, Ronan JAMES, de l’association « Les Atomes crochus ». Ma question porte sur le lien entre santé et bénévolat. J’imagine qu’il n’est pas facile à mesurer, mais il représente tout de même un enjeu de taille. Est-ce que vous avez des éléments factuels à nous apporter là-dessus ?

Soukey NDOYE

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Il apparaît effectivement que la santé joue un rôle important parmi les facteurs qui incitent à l’engagement bénévole. Comme je l’ai précisé, l’horizon temporel au-delà de la retraite est assez large, mais il est impacté par la qualité de la santé. Disons que le fait d’être ou non en bonne santé peut jouer un rôle important dans la décision de s’engager dans une activité bénévole. Je prends l’exemple d’une retraitée que j’ai interviewée, et qui intervenait dans une association dans le cadre de laquelle elle voulait transmettre ses compétences. Arrivée à l’âge de 70 ans, après 10 ans de bénévolat, cette personne m’a expliqué qu’elle avait eu un cancer pendant cette période, sans que les membres de l’association en soient tous informés. Cette personne occupait un poste de cadre, mais le fait de ne pas avoir de comptes à rendre à chaque instant, et de pouvoir venir sur place aux moments où elle se sentait mieux lui avait ménagé des répits dans sa maladie. D’autres chercheurs ont mesuré ce lien.

Perrine TARNEAUD

En avez-vous d’autres exemples, comme vous nous l’avez annoncé tout à l’heure ?

Soukey NDOYE

Je pourrais les prendre dans l’association « Lire et faire lire », que j’ai eu l’occasion d’étudier. Ses membres, le plus souvent des femmes, me disaient que le fait de venir et d’être en contact avec les enfants leur permettait de ne pas être isolés. Cette association travaillait vraiment à leur inclusion. Eh bien, le fait de se sentir inclus dans un projet, dans une association structurée et structurante pouvait jouer un rôle important sur le mental, en tout cas son aspect cognitif, le bien-être et l’état de santé de ces femmes.

Perrine TARNEAUD

Ce besoin de rompre l’isolement, de recréer un lien social à un moment où ce lien commence à se disloquer est un facteur déterminant dans le bénévolat des personnes âgées.

Soukey NDOYE

Absolument.

Max DANA

Bonjour, docteur Max DANA, je suis cancérologue retraité, et je peux vous dire que d’après mes observations, le fait d’avoir une activité importante après la retraite maintient en bonne santé. C’est comme un sportif : s’il cesse de s’entraîner, ses

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muscles vont s’atrophier, alors que s’il a une activité importante, il se maintiendra en bonne santé. Je suis convaincu que cela vaut aussi pour le bénévolat.

Perrine TARNEAUD

Merci, docteur, pour votre témoignage.

Soukey NDOYE

Moi aussi, je vous remercie. Nous sommes souvent cantonnés à nos propres recherches, et en sociologie, nous avons beaucoup d’éléments qui ont trait aux liens de socialisation, mais peu d’éléments médicaux. Avoir l’avis d’un médecin qui peut confirmer nos intuitions est très intéressant.

Perrine TARNEAUD

Puisqu’il n’y a pas d’autres questions dans l’immédiat, je voudrais vous demander si la forte crise économique que nous traversons peut modifier l’engagement des seniors, et s’ils ne risquent pas de rechercher d’abord des revenus complémentaires.

Soukey NDOYE

Vaste problème ! On a effectivement tendance à dire que les cadres macro-sociaux, à savoir les politiques publiques, influencent beaucoup le mode de vie à la retraite. Nous avons quitté le modèle de la retraite « mort sociale » pour passer à la retraite solidaire. En 2009, une importante réforme structurelle a ouvert la possibilité de cumuler un emploi avec une retraite. La crise économique fait qu’une part importante des retraités de notre société se retrouve avec des revenus inférieurs à la moyenne, je pense par exemple aux retraités du milieu agricole, surtout aux femmes, qui se retrouvent avec des retraites scandaleusement faibles. Le fait de pouvoir cumuler ce minimum vieillesse avec les revenus d’un travail pose la question de l’évolution des modes de vie à la retraite. Dans les années à venir, allons-nous glisser vers un modèle dans lequel le retraité devra travailler plus ? La solidarité s’en retrouvera-t-elle mise en cause ? C’est un sujet tout récent sur lequel il faudra attendre quelques années pour avoir des résultats.

Perrine TARNEAUD

Puisque vous dites que vous travaillez sur la question, avez-vous des exemples de personnes qui pourraient hésiter entre bénévolat et travail salarié ?

Soukey NDOYE

J’ai expliqué que le passage de l’activité à la retraite pouvait être assez délicat. La France a beaucoup pratiqué les préretraites, qui ont fait beaucoup de dégâts sur un

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certain nombre de gens. J’ai interviewé une personne, membre d’une association, qui avait très mal vécu cette transition. Elle avait subi une mise en préretraite – qu’elle ne nommait d’ailleurs pas. C’est toujours intéressant de constater que les gens parlent de « restructuration » au lieu de dire : « Je suis parti » ou « On m’a viré ». Eh bien cette personne est partie sans avoir cumulé assez d’annuités pour percevoir une retraite à taux plein. Le manque de revenus l’obligeait à conserver une activité marchande de consultant. L’engagement bénévole lui permettait de se sentir moins « coupable » d’être encore obligé de travailler à son âge. Bref, cette personne alliait les deux, parce qu’elle avait besoin de se sentir utile à la société, mais aussi parce que sa situation financière l’obligeait à cumuler un emploi salarié avec une retraite.

Perrine TARNEAUD

N’y a-t-il plus de questions, ni de réactions ? On me dit que Jean-Paul THIVOLIE, vice-président de l’Ircantec, qui est assis au fond de la salle, serait peut-être amené à poser quelques questions à notre intervenante.

Jean-Paul THIVOLIE

Je crois en effet que nous sommes à une croisée des chemins. Il est certain que la solidarité a fait que les personnes qui sont aujourd’hui à la retraite se sont beaucoup engagées pour garder une activité sociétale. Mais actuellement, il est constant que c’est le patrimoine des plus de 55 ans qui est le plus important, et que c’est cette tranche d’âge qui va être amenée à redistribuer au profit des plus jeunes. Or quand on voit aujourd’hui le taux et le montant des retraites en France, on s’aperçoit qu’il y a déjà toute une partie de cette population, notamment féminine, qui se trouve déjà à des niveaux de retraite très bas, et qui risque de se retrouver encore plus bas. C’est un vrai problème, car à un moment, il faudra bien savoir ce qui va l’emporter, de la solidarité intergénérationnelle, ou de la nécessité de se nourrir ! Il suffit de regarder ce qui se passe au Japon, aux Etats-Unis, où nous avons déjà des travailleurs très âgés – parfois, des employés qui travaillent jusqu’à 100 ans !

Perrine TARNEAUD

Il s’agit évidemment de cas extrêmes ! Quelqu’un a-t-il envie de réagir ?

Soukey NDOYE

Il faut bien préciser que les modèles ne sont pas les mêmes. Dans le modèle anglo-saxon, il y a un décloisonnement des étapes. Les parcours de vie sont moins linéaires qu’ils ne le sont en France. Le modèle français a tendance à être de moins en moins linéaire, mais reste assez différent. Le modèle québécois, lui, est assez

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proche du modèle anglo-saxon. Dans le temps qui, en France, est rigoureusement réservé au travail, un Québécois va pouvoir prendre des congés sabbatiques, avant de revenir travailler. Il pourra le faire sans que cela impacte sur sa retraite – mais il va devoir travailler plus.

Perrine TARNEAUD

Pour conclure, et puisqu’il n’y a pas d’autre question, je voudrais revenir sur l’accompagnement des pouvoirs publics. Est-il suffisant ou constitue-t-il un des freins que vous avez identifiés ?

Soukey NDOYE

Il est certain que les pouvoirs publics ont accompagné le développement du bénévolat, à travers les grandes lois sur les associations. C’est aussi aux associations de savoir prendre le train en marche, notamment sur la question des salariés ou sur la question de la professionnalisation des associations. Nous sommes sur un sujet sensible, car a priori, la vocation des associations n’est pas d’évoluer dans le secteur marchand. Professionnaliser le secteur associatif tend-il à lui faire jouer un rôle économique ? C’est plutôt une question pour les économistes. L’évolution du secteur associatif dans les prochaines années nous en apprendra plus.

Perrine TARNEAUD

Nous allons justement pouvoir recueillir l’expérience d’associations qui vont nous rejoindre ici dans quelques minutes. Une dernière question ?

Approche illustrée : les représentations des populations jeunes et seniors

Saynètes théâtrales : Compagnie Myrtil

Julien MACÉ

Merci pour cette présentation. Est-ce que vous êtes bien installés ? Ça va ? Pas trop froid ? Pas trop chaud ? Tout va bien ? … C’était très intéressant… Ce que je vous propose, c’est de voir un cas particulier, de vous faire voyager un peu. Qu’est-ce qui se passe dans notre pays, dans notre société ? Je me propose de vous parler de Mme Moreau, qui va prendre sa retraite.

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A la porte par laquelle vous êtes entrés, vous avez Vincent Moreau, son fils, qui vient la voir.

Une personne six mois avant son passage par une association.

Je vous propose de découvrir cette première scène. Nous sommes six mois avant la retraite de Mme Moreau. Son fils vient la voir. Je vous laisse découvrir la scène. C’est parti.

- Toc toc toc !

- Ah, c’est toi ! Salut mon chéri !

- Qu’est-ce que tu fais ?

- Je n’en peux plus, je ne retrouve plus mes papiers pour la retraite. Tu peux me donner un coup de main ?

- Ce sont tes trimestres… ? J’aimerais bien avoir autant de papiers et être en retraite !

- J’ai de la chance d’être en retraite, mais je l’ai bien mérité ! D’ailleurs, place aux jeunes, je vais te laisser ma place avec grand plaisir !

- Je ne savais pas que tu avais bossé chez Air France.

- C’était avant ma naissance. Ça, avec ton père, on a voyagé ! Juste avant d’ouvrir mon atelier de couture. D’ailleurs, ça me manque un peu, les voyages. Je pense que pendant la retraite, on va voyager un petit peu – l’Espagne, le Brésil, que sais-je ?

- Ça ne vous fait pas peur de vous retrouver tous les deux ?

- Ne m’en parle pas : 24 heures sur 24, sept jours sur sept avec ton père… J’espère qu’on aura encore des choses à se dire. De toute façon, on a prévu d’aller dans des associations ensemble. ….

- En tout cas, c’est les enfants qui vont être contents de…

- Moi aussi, je serai très contente d’avoir les enfants. Par contre, tu prendras quand même une baby-sitter.

- On va voir…

Julien MACÉ

Nous sommes donc six mois avant la retraite de Mme Moreau. Apparemment, elle fait des plans sur la comète, elle envisage de participer à plusieurs associations, ça se passe plutôt bien. Le fils envisage de lui laisser ses enfants et de partir en

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vacances avec sa femme… Pour l’instant, cela se prépare bien. Ça va peut-être changer. C’est pourquoi je vous propose de découvrir ce qui se passe six mois après. Mme Moreau est à la retraite depuis six mois, son mari aussi, et… Et son fils vient lui rendre visite. Voilà donc la scène, six mois après, toujours dans son salon.

- Toc toc toc… Y a quelqu’un ?

- Oui, oui, je suis là, j’arrive ! Je suis dans le bureau, j’envoie un mail.

- Ça va ?

- Oui, super bien ! …. Je viens de me créer un compte Facebook, tu voudras bien être mon ami ?

- Oui, si tu veux !

- Nous sommes débordés avec ton père…

- Où est Papa ?

- Michel est venu le chercher, ils jouent au foot à… Tu vois bien, il est membre du bureau, il joue au foot en loisir, et il y a la troisième mi-temps, j’t’en parle pas. Enfin, c’est ce qui lui prend le plus de temps. … La retraite se passe très bien. Ton père n’a pas encore fini les peintures, mais… Et les enfants, ça va ?

- Ah, mais d’ailleurs, tu les gardes toujours le week-end prochain ?

- Ah, c’est le week-end prochain ? Attends, attends, samedi, à quelle heure ? Pas à neuf heures, parce que j’ai mon cours de gym. Si tu pouvais me les amener à onze heures, ce serait parfait.

- Ouais, d’accord, on va se débrouiller. Et lundi, je peux venir les chercher vers quelle heure ?

- Mais ils ont école, lundi ! Moi, ce que je te propose, c’est que lundi matin, j’ai un atelier cuisine, c’est sur le chemin de l’école, je peux les déposer à l’école, avec la voiture de ton père, d’ailleurs, parce que j’ai vendu la mienne. Deux voitures, c’est vraiment trop pour nous, tu vois, deux assurances, deux entretiens… On est obligés de garder une petite camionnette pour partir en Espagne. La voiture, je l’ai revendue au petit voisin, qui vient juste d’avoir son permis. Il est content comme tout. Elle n’avait que 26 000 km…

Julien MACÉ

Tout va bien, tout le monde participe à des associations, la vie suit son cours. Maman fait de la couture, elle garde les enfants, le fils arrive à lui confier ses enfants le week-end. Jusque-là, ça va plutôt bien. Seulement voilà, il y a aussi des drames dans la vie d’une famille. Cinq ans plus tard, Madame Moreau va perdre son mari. Ce n’est pas évident à gérer, mais le fils continue de venir voir sa mère. C’est une

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troisième étape dans la vie de cette retraitée. Va-t-elle toujours autant participer à la vie des associations, de la commune ?

- Toc toc

- Oh, tu arrives toujours pendant « Les feux de l’amour » !

- Ça va ?

- Oui, ça va.

- Je m’assois là ?

- Tu n’as pas de couture cet après-midi ?

- Tu sais bien qu’avec mes mains, avec l’arthrose, je ne fais plus de couture !

- Tu vas aux cartes demain ?

- Non, je n’ai pas trop envie d’y aller, cela ne me dit rien. Je ne vais plus aux cartes.

- En fait, tu passes tes après-midi devant la télévision…

- Non, ce n’est pas vrai. De temps en temps, je vois mes copines du sport. Elles passent, ou on s’appelle…

- Tu ne vois personne, il faut te bouger, maman ! A chaque fois que je passe, tu es devant la télé, maman !

- Non, ce n’est pas vrai. De temps en temps, je vois les copines.

- De temps en temps, oui, c’est ça. Bon, j’y vais, on n’a pas grand-chose à se dire. Je viens dimanche avec Sylvie pour manger

- Et les enfants seront là ?

- Les enfants, cela fait longtemps qu’ils ne viennent plus, tu sais ! Ils ne vont pas suivre leurs vieux parents. A dimanche !

Julien MACÉ

Arrêtons-nous là ! J’ai entendu dire qu’il y avait des associations, que l’Ircantec proposait du mécénat, etc. Après les présentations de responsables d’associations, nous verrons ce qui s’est passé pour Mme Moreau.

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Témoignages La solidarité intergénérationnelle : une réponse à la problématique de rupture du lien social

Perrine TARNEAUD

Merci beaucoup à la compagnie Myrtil pour ces scénettes théâtrales très représentatives des relations entre les seniors et les plus jeunes. Je vais maintenant appeler des associations qui sont soutenues par l’IRCANTEC à venir nous rejoindre ici, pour partager leur expérience et leur expertise dans les domaines dans lesquelles elles travaillent :

Hélène LAUNAY, cofondatrice du « Temps pour toiT », qui cherche à développer la cohabitation intergénérationnelle.

Jacky ETIENNE, Président de « L’outil en main », une association basée à Angers sur la transmission du savoir-faire entre jeunes et seniors.

Agnès HASSON, fondatrice d’« Ecritures Buissonnières », un atelier qui rassemble des adolescents et des personnes âgées autour de l’écriture.

Moussa SECK, coordinateur du projet « un toit deux générations », autour de la cohabitation intergénérationnelle.

Merci à tous d’être présents.

Nous allons commencer avec Hélène Launay. Racontez-nous comment est née cette idée.

Hélène LAUNAY, Le Temps pour ToiT

L’association est née en 2004. Il y a eu un an de gestation avant pour bien cadrer les choses. L’association est née d’une préoccupation personnelle des deux fondatrices que nous étions, avec le constat d’une pénurie de logements à Nantes, et celui d’un isolement des personnes âgées. Cela était mis en évidence par les politiques et par ce que nous pouvions constater respectivement dans nos propres quotidiens, mais aussi par la canicule de 2003 qui avait fait tant de dégâts.

Nous avons travaillé pendant un an sur cette idée, avec des contacts politiques. Nous avons fait une véritable étude de marché dans le cadre d’une formation. Nous avons abouti à un dossier complet qui incluait la partie « plan de financement » pour bâtir ce projet et le mener à bien.

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L’idée était de faire cohabiter deux générations ; d’un côté des personnes âgées qui ont de la place chez elles, parce que les enfants sont partis, parce que le conjoint est décédé… de l’autre côté, des hébergés. La spécificité de « Le temps pour toi » est que nous ne travaillons pas qu’avec des étudiants. Nous travaillons avec des candidats hébergés de tous âges. Le critère qui nous intéresse chez elle est leur projet. Aujourd’hui, certains hébergés sont des étudiants « classiques », et des hébergés plus âgés. L’une d’entre elles a 68 ans. Elle est dans une phase de vie, avec un changement de conditions de vie important, et elle avait besoin d’une phase d’hébergement pas trop coûteuse pour elle. Les hébergés sont donc de tous âges ; en face, la moyenne d’âge des hébergeurs est de 87 ans. Elle est très élevée et le sera sans doute encore plus cette année. Depuis la création de l’association en 2004, la moyenne d’âge était de 81 ans. Nous sommes passés à 87 ans en quelques années.

Notre travail est d’organiser les conditions de cohabitation de ces hébergeurs et hébergés. Cela passe par un travail de définition très précis en amont du besoin des uns et des autres. Je parle volontairement de « besoin ». Les hébergeurs qui font appel à nous ne le font pas parce qu’elles en ont « envie », parce que c’est une partie de plaisir. Ils le font parce qu’ils en ont besoin. Pour que le projet de maintien à domicile se réalise, il faut que quelqu’un d’autre vive au domicile. Malgré tout, la présence d’un professionnel capable de se lever la nuit pour accompagner la personne aux toilettes est surdimensionnée. Tout le monde dort la nuit. C’est notre premier critère. Quand le recours à un professionnel est surdimensionné, nous offrons une alternative, assez peu coûteuse par rapport aux solutions extrêmes et surdimensionnées. Le projet de l’hébergeur est donc d’organiser sa vie, son « bien vieillir » à domicile.

Nous sommes dans la mise en relation de ces deux besoins : besoin d’hébergement d’un côté, besoin d’un maintien à domicile de l’autre. Il s’agit donc d’un travail d’analyse et de mise en relation ensuite. C’est un travail de « dentelle » parce qu’il faut que deux besoins correspondent au même moment. Les étudiants arrivent tous en septembre ou en juin. Alors que l’hébergeur y pense plutôt en décembre, quand les nuits sont froides, courtes, après un problème de santé. Ce problème de décalage temporel est difficile à gérer. Mais une fois que cette mise en relation est faite, que chacun est d’accord pour cohabiter, il faut se souvenir que chacun est maître de son choix. Il faut que l’hébergeur adhère à ce projet de cohabitation, sinon cela ne peut pas marcher. Assez souvent, ce sont les enfants qui nous appellent pour leurs parents. Mais si les parents ne sont pas d’accord, s’ils ne sont pas pleinement adhérents au projet, cela ne marchera pas.

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Perrine TARNEAUD

Cela veut-il dire que vous signez un vrai contrat entre les deux parties ?

Hélène LAUNAY

Oui, cela s’appelle volontairement « contrat », et non « convention », ou un autre terme, parce qu’un contrat est engageant. Il fixe les conditions de cohabitation et la réciprocité de l’échange. Dans le contrat, il y a bien l’utilisation du lave-linge, de la cuisine, du frigidaire, la gestion du bruit, la gestion des détritus… Le contrat est extrêmement précis, parce qu’ensuite, la cohabitation va se baser là-dessus. La cohabitation va bien fonctionner parce qu’il y aura de la convivialité, mais aussi parce que les choses auront été écrites au départ. La cohabitation va bien fonctionner également parce que l’association va continuer de l’accompagner toute la durée, par des rendez-vous très réguliers chez l’hébergeur, tous les mois et demi, tous les deux mois, pour vérifier. La plupart du temps, tout se passe bien. Cela se fait autour d’une tasse de café. C’est un moment très convivial. Mais parfois, des tensions surgissent. Etre sur site est alors extrêmement important. Les tensions peuvent passer dans le regard, dans une parole. Par téléphone, cela se sentira moins bien. Il faut donc aller voir sur place si tout se passe bien. Et il faut être capable d’intervenir en médiation en cas de problème.

Deux critères mènent à des médiations : soit un vrai problème de cohabitation, qui est lié à des habitudes ou à des environnements culturels différents, et parfois la jeunesse des hébergés. Par exemple, un bord de baignoire qui n’est pas essuyé, ou le sable des carottes qui est resté dans l’évier, ou un tube de dentifrice qui n’a pas été fermé ou branché dans la salle de bains… Ce sont des médiations simples : il faut revenir aux termes de contrat, rappeler l’hébergé à son engagement. Parfois, on rappelle aussi l’hébergeur à son engagement, si jamais il demande trop. Certains peuvent dire « Mon hébergé rentre le dimanche soir à 22 h 30, c’est tard ! Je voudrais qu’il rentre plus tôt. » Mais dans le contrat, l’hébergé avait eu le droit d’arriver à 22 h 30. On va alors essayer de trouver un arrangement entre les deux pour que chacun y trouve son compte. La médiation peut aussi, parfois, être liée à des problématiques familiales plus importantes, des désaccords entre les enfants sur la cohabitation, ou une cohabitation qui révèle un état de santé plus dégradé que ce que l’on pouvait imaginer chez l’hébergeur, parce qu’au quotidien, l’hébergé va voir des choses qui n’étaient pas nécessairement visibles avant. La médiation va alors intervenir pour dire qu’il faut passer à un service plus professionnel, ou passer à autre chose.

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Il s’agit donc d’une solution intermédiaire.

Perrine TARNEAUD

S’agit-il d’hébergements qui se font plutôt en milieu urbain ?

Hélène LAUNAY

Aujourd’hui, oui, les hébergements se font plutôt en milieu urbain. C’est là que se trouvent les hébergés – centre de formation, lieu d’étude, lieu de travail. L’objet de l’aide de l’Ircantec est justement l’aide aux hébergeurs en zone rurale. Les hébergeurs existent bien évidemment en zone rurale. Nous avons été sollicités et nous avons déjà fait des duos en zone rurale. Mais il est très difficile de trouver des hébergés qui acceptent la problématique de distance. La question du développement en zone rurale va se jouer du côté des politiques pour ancrer ce service-là sur les territoires, mais aussi du côté des centres de formation et des employeurs locaux pour avoir la ressource locale d’héberger et répondre aux besoins sur le territoire. L’idée est de vivre et travailler en zone rurale.

Je voudrais ajouter quelque chose sur l’utilité sociale et le bénévolat. Nos hébergeurs ne sont pas considérés comme des bénévoles. Ils bénéficient d’un service. En revanche, je disais tout à l’heure qu’ils venaient chez nous par besoin : nous essayons, tout au long de la cohabitation et avec les prestations d’accompagnement, de les faire aller vers l’envie, et une forme d’utilité sociale retrouvée. Pour nous, chez les hébergés, l’important n’est pas le critère d’âge, mais le critère de projet. Il y a une forme d’utilité sociale retrouvée sur laquelle nous insistons beaucoup lors de l’accompagnement.

Perrine TARNEAUD

Merci. Vous interviendrez de nouveau tout à l’heure et nous reparlerons de cohabitation intergénérationnelle dans quelques instants avec vous. Mais Jacky Etienne, Président de « L’outil en main ». Vous êtes basé à Angers, vous mettez en relation des adolescents avec des seniors qui leur font partager leur métier, leur « savoir-faire ».

Jacky ETIENNE, L’outil en main

L’association « L’outil en main » est un concept imaginé en 1987. Il est resté 7 ans en gestation. L’association a démarré en 1994. Aujourd’hui, il y a 92 associations en France. Nous sommes rattachés à « L’union des associations L’outil en main ».

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Personnellement, après une carrière bien remplie, j’ai pris un réel plaisir à travailler. C’était plus de la passion que du travail. J’avais travaillé dans la menuiserie et l’agencement. Des métiers en général très beaux. Ce serait génial qu’aujourd’hui on se penche davantage sur le problème et que l’on donne davantage envie aux jeunes de venir.

Effectivement donc, après une carrière bien remplie, je me suis trouvé face à un grand vide. Plus rien. Lors de la semaine de l’artisanat, j’ai trouvé un très bel article sur le concept d’outil. Ce jour-là, je suis tombé dans la bassine. Je ne savais pas ce qu’il y avait derrière tout cela. Le jour même j’ai appelé. On m’a envoyé les documents. Je me suis dit que c’était vraiment ça ! J’ai eu la chance, dans le village où j’habitais quand j’allais à l’école, de passer devant tous les commerces et les ateliers. Nous nous arrêtions. Aujourd’hui, nos vies sont faites d’interdits et de réglementations. Il en faut, certes, mais pas au stade où nous en sommes arrivés.

Cela fait qu’aujourd’hui, les enfants ne peuvent plus découvrir les métiers, ils ne peuvent plus les voir. La seule chose qui leur est autorisée en supermarché, c’est de toucher aux produits informatiques. Pour le reste, ils n’ont pas le droit.

Notre concept est très simple : il a été créé d’une manière très raffinée dans le sens où ce sont des professionnels de métier, retraités, qui s’adressent à des jeunes de 9 à 14 ans dans des ateliers réels. L’atelier doit correspondre au métier. Une vraie relation s’installe alors entre eux…

Perrine TARNEAUD

On peut d’ailleurs voir des photos derrière vous de ces ateliers…

Jacky ETIENNE

Justement, l’atelier cuisine a été financé l’an dernier par Ircantec. Son président l’a inauguré au mois de juin. Les enfants dévorent, non pas le gâteau, mais le métier.

Perrine TARNEAUD

Une pizza, visiblement… A quel âge peuvent venir les enfants ?

Jacky ETIENNE

Excusez-moi, je ne suis pas cuisinier. Cela commence à 9 ans, et jusqu’à 14 ans.

Perrine TARNEAUD

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Ils viennent donc découvrir des métiers du patrimoine ?

Jacky ETIENNE

Ils viennent découvrir tous les métiers. A Angers, nous avons la chance d’avoir vingt-trois métiers, dont un jardin. Nous avons 78 bénévoles qui oeuvrent tous les mercredis après-midi pendant deux heures. Une relation très pédagogique s’instaure, mais sans que les adultes soient des enseignants. Et de la même façon, ils s’adressent aux enfants, mais ce ne sont pas des élèves. Ils savent qu’ils ne sont pas notés, qu’ils n’auront pas de réprimande. Mais il y a un vrai engagement. En moyenne, sur une année « scolaire », ils oeuvrent, ils travaillent…

Perrine TARNEAUD

Et certains se découvrent-ils des vocations ?

Jacky ETIENNE

Oui ! Dernièrement, l’un d’entre eux, qui était en cuisine, est passé à l’atelier électricité. Il est venu voir notre responsable en disant qu’il pensait avoir découvert quelque chose à l’électricité.

Aujourd’hui, 30 % des enfants qui passent par « L’outil en main » choisissent leur voie et leur métier à cet endroit-là. Je suis étonné de constater que les entreprises recherchent du personnel lorsqu’on regarde le nombre de personnes qui sont au chômage. Certains ont appris un métier, mais ne veulent pas y retourner… Il faut se poser les bonnes questions ! Cela veut dire qu’au départ, au moment de la formation, on n’a pas donné la chance à ces jeunes de pouvoir choisir leur métier. Et c’est ce que nous faisons ! Nous ne faisons pas de la formation ni de l’apprentissage, mais nous proposons de la découverte. Les enfants sont très curieux ! Et l’on constate que c’est le seul jour de la semaine où les parents n’ont pas à se fâcher… Ils sont prêts avant l’heure.

Perrine TARNEAUD

78 bénévoles : cela a-t-il été difficile de les recruter ? Ou sont-ils venus spontanément vers vous ? Il y a cette volonté de partager leur savoir-faire, leur ancien métier, leur passion ?

Jacky ETIENNE

Oui, pour beaucoup, le plus dur a été de démarrer. Il faut mettre des moyens. Puis, c’est surtout une relation de bénévole à bénévole, de professionnel à professionnel. Nous avons la chance, à Angers, de faire beaucoup de salons, qui accueillent de

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nombreux visiteurs, où nous retrouvons d’anciens collègues de travail. Au dernier salon, nous avons récupéré une dizaine de bénévoles.

Perrine TARNEAUD

Le bouche à oreille fonctionne bien !

Jacky ETIENNE

Oui, ce n’est pas toujours simple, mais nous n’avons pas à nous plaindre, avec 78 bénévoles ! Mais tout le monde « met la main à la pâte » ; il n’y a pas que le Président !

Perrine TARNEAUD

Merci ! Nous reviendrons à votre association tout à l’heure. Nous allons maintenant donner la parole à Moussa Seck. Rebonjour ! Vous êtes coordinateur du projet « Un toit, deux générations ». Pour bien découvrir votre association, nous allons découvrir un film, réalisé par vous, grâce notamment au soutien d’Ircantec.

Je crois effectivement que nous pouvons applaudir votre association pour ces très beaux témoignages, très sympathiques, que nous venons d’entendre, de regarder, et dans lesquels, très certainement, Hélène Launay s’est retrouvée.

Moussa SECK, vous vous présentez comme un vecteur de lien social entre des générations très différentes, et qui ont beaucoup à découvrir l’une de l’autre.

Moussa SECK, Un toit deux générations

Je vais commencer par là où Mme Moreau a terminé : cela redonne goût à la vie. C’est très important ! Au-delà du fait que le dispositif contribue à l’amélioration de la qualité de vie de la personne âgée, ce dispositif a pour objectif aussi de contribuer au renforcement des liens sociaux et de solidarité entre les générations. Je donnerai tout à l’heure l’exemple d’une personne âgée de confession juive, qui accueille une jeune fille d’origine maghrébine. Cela permet aussi de rapprocher les cultures et les religions, par rapport à tout ce que nous entendons aujourd’hui. Cet aspect est très important.

Pourquoi me suis-je engagé dans ce projet ? C’est un engagement personnel. C’est mon vécu. Je suis arrivé en France pour mes études. J’ai raté une année d’étude parce que j’avais des difficultés pour me loger. En France, il y a eu la canicule de 2003. J’ai pensé qu’il y avait quelque chose à faire par rapport à ces étudiants, qui avaient des difficultés à se loger et des personnes âgées qui vivaient seules. Lorsque j’ai terminé mes études, je me suis engagé, avec des élus locaux de Metz et

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des acteurs associatifs, à réfléchir à la pertinence du projet et à sa faisabilité. Le dispositif a mis un an à se mettre en place. En 2009, nous avons démarré le projet. Aujourd’hui, nous en sommes à 34 binômes, nous sommes plutôt satisfaits.

Perrine TARNEAUD

34 binômes, bravo ! En plus de cette activité, vous souhaitez engager aujourd’hui une action de sensibilisation sur cette solidarité intergénérationnelle.

Moussa SECK

Je voulais remercier à ce titre l’Ircantec, qui a décidé de s’engager à soutenir les associations de logement intergénérationnel. Je pense que nous pouvons nous targuer du soutien de l’Ircantec, toutes associations confondues, qu’il s’agisse du réseau Lys et du réseau Cosi. A chaque fois que je parle avec des élus, lorsque je leur dis que j’ai été lauréat de l’Ircantec, ils sont plus enclins à soutenir les projets. Il faut le dire : l’Ircantec, dans son axe de politique de mécénat, a décidé de soutenir les associations de logement intergénérationnel. Je remercie l’Ircantec pour cette décision.

Perrine TARNEAUD

Avez-vous l’impression qu’en France, les esprits ne sont pas suffisamment sensibilisés, justement, au bénéfice de cette cohabitation intergénérationnelle ?

Moussa SECK

Bien sûr les intérêts sont très divers. Il y a de nombreux avantages ! Je parlais tout à l’heure de l’exemple de ce couple de médecins à Metz, qui avaient décidé d’entreprendre des travaux d’amélioration de leur logement, parce qu’au rez-de-chaussée, il y avait leur cabinet. Ils ont dépensé 10 000 euros pour adapter leur logement, pour accueillir un jeune. Quand je leur demande pourquoi ils l’ont fait, ils répondent qu’aujourd’hui ils sont autonomes, mais que demain, ils devront faire face aux incapacités inhérentes au vieillissement et qui peuvent survenir. Grâce à ce dispositif, ils bénéficieront d’une compagnie au quotidien. Si l’on décide de parler de tous les avantages du dispositif, il va falloir dormir dans la salle… C’est le lien social, la relation sociale qui se crée au sein de ces binômes, qui est importante à mon sens.

Perrine TARNEAUD

L’hébergement est-il forcément gratuit ? Ou cela peut-il également passer par un acte payant ?

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Moussa SECK

Notre association propose trois formules de cohabitation. La première, la formule « solidaire », loge les jeunes gratuitement, en contrepartie d’une présence de quatre soirs obligatoires par semaine. Une deuxième formule « conviviale », qui loge le jeune avec une participation financière de 50 euros. Une troisième formule « amicale », dans le cadre d’une sous-location intergénérationnelle, qui permet à la personne âgée d’avoir un complément de revenus, qui est exonéré d’impôts si cela ne dépasse pas le plafond fixé par la loi à 116 Euros/m2 habitable. Ce n’est pas grand-chose pour le jeune, d’autant que le logement est équipé. Cela crée un complément de revenus aux personnes qui ont une petite retraite.

Perrine TARNEAUD

Avez-vous l’impression que les pouvoirs publics accompagnent bien votre démarche, votre association ?

Moussa SECK

Cet après-midi, Corinne BELLO, secrétaire du réseau Cosi, a rendez-vous au ministère des Affaires sociales pour parler du développement et du soutien des pouvoirs politiques. Nous faisons partie du réseau Cosi qui regroupe une vingtaine d’associations dans l’hexagone. L’idée est d’inciter les pouvoirs publics à soutenir ces projets qui ont du sens et de l’avenir. Le fait que l’Ircantec décide de soutenir ces projets, ce n’est pas anodin. C’est à nous de nous engager davantage pour que le projet se développe. C’est vrai que ce n’est pas simple. Je voulais aussi remercier ma Présidente, qui m’accompagne, et qui est aussi bénévole. Nous avons entrepris la démarche d’aller voir les élus locaux. A chaque fois, ils nous invitent. Hier, nous étions à la mairie de Nancy, devant 150 personnes âgées, pour présenter le dispositif. Les jeunes participent volontiers : nous avons plus de 200 demandes de logement, contre une trentaine d’offres d’hébergement. Tout un travail doit être réalisé pour aboutir à une synergie collective et à une dynamique intergénérationnelle pour développer ce dispositif.

Perrine TARNEAUD

Nous y reviendrons lors de l’échange avec la salle lors des questions. Nous allons maintenant faire intervenir Agnès HASSON, responsable des projets de l’association « Ecritures Buissonnières ». C’est un atelier qui, grâce au soutien de l’Ircantec, a permis d’initier un projet d’écriture intergénérationnel, entre seniors et adolescents ?

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Agnès HASSON, Ecritures Buissonnières

Ce n’est pas tout à fait cela. A la base, il y a plus de vingt ans, j’intervenais en tant qu’auteur – je faisais partie de la Maison des écrivains – auprès d’adolescents en banlieues, en ZEP, en internats. J’ai rencontré beaucoup d’enfants ; j’ai compris la relation et la place qu’ils avaient dans la famille, et le rôle qu’ils avaient à tenir, c’est-à-dire être surtout de bons élèves. Les ateliers d’écriture que je proposais étaient très différents de ce que demandaient les professeurs de lettres, avec lesquels je travaillais par ailleurs. Mais j’avais surtout une grande confiance, et c’est toujours une histoire de personnes, de rencontres, d’intelligences, et pas seulement de besoins. J’ai rencontré de très bons principaux de collèges de banlieue.

Ensuite, en découvrant les écritures des jeunes, et en ayant plus d’ateliers sur Paris, j’ai décidé d’organiser des écritures croisées, et l’association a été créée en 2009. Par ces écritures croisées, j’ai fait travailler les adolescents à partir de photographies qu’ils prenaient de coins secrets de leur quartier. Etant moi-même parent de trois adolescents à l’époque, j’avais compris qu’il y avait des choses que je ne devais pas savoir et ne voulais pas savoir, mais je savais qu’ils avaient besoin de l’exprimer : soit de l’écrire, soit de le chanter, soit de le courir sur un terrain de foot… Etant très sensible aux mots, j’ai souhaité que cela passe par la lettre et par le dire.

J’ai donc fait croiser ces écritures avec d’autres groupes dans le même quartier, dans le XVe arrondissement, au niveau de la Porte Brancion. Il y a là une barre d’immeubles, qui accueille environ 1000 familles africaines. Il y avait une très importante mixité sociale. Comme j’étais très habituée à travailler en banlieue, cela a été assez facile pour moi. J’ai fait des écritures croisées avec des groupes handicapés, des groupes de mamans issues de l’immigration, qui ne parlaient pas tout à fait le français avec leurs enfants. J’ai organisé plusieurs ateliers d’écriture croisée autour de ce portfolio de photos.

Puis je suis arrivée en 2008 dans une résidence de personnes âgées, en proposant l’atelier. Cela a marché, ils étaient très contents. Le projet s’est terminé, il y a eu des lectures publiques, un petit film, etc. Je les ai remerciés, et à ce moment-là, ils m’ont demandé quand je revenais… je n’ai pas dit « non ». Nous faisons beaucoup écrire des personnes âgées, qui n’habitent pas chez eux, qui sont en résidence de la ville de Paris. Nous intervenons aussi en EHPAD, pour des personnes non autonomes, dépendantes. C’est très différent des personnes que j’ai vues sur le site, mais elles sont magnifiques et très drôles, et nous arrivons, justement, à tenter de les rendre le plus « vivant » possible, le moins « abandonné » possible, et les moins isolés dans leur chambre.

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Il est vrai que j’ai beaucoup aimé ce que vous avez fait, Mademoiselle, pour la dame qui regarde les « Feux de l’amour ». Il y a effectivement des ateliers qui ne peuvent pas avoir lieu au moment de séries télévisées, qui marchent très bien ! Mais il y a vraiment cet isolement. Au sein d’une structure qui accueille des personnes âgées, même s’il y a quelques animations, il faut aller chercher ceux qui sont « oubliés ». Ils sont oubliés dans un coin du réfectoire, devant la porte d’entrée,… dans des structures qui arrangent les grands enfants… Ils n’ont pas tant de visites que cela. En effet, les ateliers d’écriture permettent de dire, de s’exprimer. Une personne âgée en structure parle très peu. Ils ont là beaucoup de choses à écrire et à transmettre.

Perrine TARNEAUD

Et ils ont cette culture de l’écrit, beaucoup plus forte que les générations actuelles !

Agnès HASSON

Bien sûr ! Ils ont cette culture de l’écrit, et ce qui est très intéressant dans les ateliers d’écriture intergénérationnelle, c’est que l’écriture n’a pas d’âge. Nous avons des personnes très âgées. Ceux qui ne peuvent plus écrire, nous leur disons que nous sommes « au secret » de ce qu’ils ont à nous dire, et nous notons. Dans leurs textes, il y a beaucoup de questions de savoir-faire transmis par les textes, beaucoup d’écriture aussi, parce que l’intergénérationnel se passe aussi au sein des groupes. Même en structure sociale, certains seniors ont 65 ans et qui sont en cohabitation avec des personnes de 90 ans. Entre 65 et 90 ans, c’est un monde. Tout cela est transmis avec style. L’écrit invite à se présenter au mieux, mais il y a tous les styles, avec toutes les libertés, surtout pour les adolescents, qui sont libres de notes, de jugements. Et ils arrivent à exprimer des choses qu’ils nous font entendre.

Perrine TARNEAUD

Ces adolescents se rendent donc dans les maisons de retraite et vont à la rencontre des personnes âgées ?

Agnès HASSON

Ils font un travail commun d’écriture. Nous avons des thématiques. Nous préparons une lecture publique. Nous faisons un travail sur la plaidoirie. Les jeunes évoluent beaucoup, changent beaucoup et s’ennuient rapidement. Je me suis demandé à quels niveaux ils s’engageaient, autrement que dans leurs jeux. Je me suis aperçue qu’ils avaient de grands thèmes à défendre. Pour certains, l’obésité. J’ai un jeune qui écrit sur la discrimination qu’il subit parce qu’il est tout roux. Les personnes âgées racontent qu’ils veulent une plaidoirie sur le « rien faire ».

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Cela m’a fait beaucoup grandir de tous les entendre. Au sein des collèges, je vois que les élèves s’ennuient. Je ne dis pas du tout que les professeurs ne sont pas bons, mais ils ont perdu le sens de leur apprentissage scolaire. Et c’est très grave.

Perrine TARNEAUD

Cela rejoint ce que nous disait Jacky ETIENNE.

Agnès HASSON

Je vais faire quelque chose qui n’est pas politiquement correct, mais je le fais, parce que je suis comme ça, et c’est aussi pour cela que je suis là. « L’école n’est pas faite pour tout le monde ». On peut s’y ennuyer horriblement. Quand je vois que l’on montre à des enfants ce qu’est un établi, on leur montre un geste, on leur parle normalement… Je leur dis que je suis là pour rencontrer une écriture, une personne. Ce ne sont pas des élèves, ce sont des personnes. Je ne veux pas parler comme Françoise Dolto, qui a fait des ravages… Oui, cela en a fait.

Perrine TARNEAUD

Tout n’est peut-être pas à jeter !

Agnès HASSON

Non, je plaisante ! Mais il est très important pour les enfants qu’il y ait une communication au niveau de l’apprentissage. L’apprentissage n’est pas fait pour les mauvais. Beaucoup d’enfants sont de très bons élèves, mais ils ont envie d’être dans l’exercice physique et pas dans les bouquins.

Je travaille beaucoup aussi avec la SNCF dans sa lutte contre l’illettrisme. L’une de mes amies ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Elle a pensé que cela voulait dire « malade des lettres ». Je lui ai dit que c’était cela. Quand on regarde aujourd’hui les pages d’écriture des jeunes, des adolescents, c’est impossible à lire. Et c’est très important pour l’entreprise de demain. Je suis catastrophée par la graphie des enfants. Il n’y a plus d’espace dans les pages. Quand on arrive au bout de la page, ils ne pensent même pas à la tourner.

Perrine TARNEAUD

A quoi cela est-il dû ? A un mauvais apprentissage à l’école ? A l’influence des nouvelles technologies ?

Agnès HASSON

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Chez les personnes âgées, il y a un souci de l’économie de papier. Mais chez les jeunes, le papier ne fait pas partie de leur vie, ne fait plus partie de leur quotidien. Je demande si quelqu’un a une feuille de papier au début des ateliers. A l’école, ils ont des sacs très lourds, mais ils ne pensent pas au papier.

Perrine TARNEAUD

Peut-être y a-t-il déjà des premières questions ? J’ai vu que Jacky Etienne vous rejoignait sur cette passion de la transmission du savoir-faire ?

Jacky ETIENNE

Je voudrais ajouter effectivement que notre grand plaisir est aujourd’hui la satisfaction, la récompense, que je reçois des parents et des bénévoles. Cette année, j’ai reçu trois appels de mères. Les enseignants leur ont demandé ce qu’ils avaient fait à leur fils ou à leurs filles. Il faut savoir que dans l’association, les jeunes filles sont admises. Cette année, à Angers, nous en avons 18. Elles font de la maçonnerie, du plâtre, de la peinture,… C’est formidable. Nous retrouvons cet ennui des enfants à l’école, qui ne comprennent pas pourquoi ils sont là. Quelque part, on les torture. Là, ils comprennent à quoi sert leur école et à quoi va servir leur vie plus tard.

Je pense qu’il faut réaliser un travail important de ce côté-là, pour que nos enfants, demain, soient peut-être pas des élites, mais heureux de faire un travail.

Perrine TARNEAUD

En tout cas, nous sommes partis des seniors pour parler des difficultés des enfants à l’école ! Nous allons nous recentrer sur notre sujet, même si, effectivement, c’est le lien entre les générations qui est important, et globalement, ce que cela suscite et apporte aux jeunes.

Jacky ETIENNE

Cela apporte énormément aux bénévoles. Le fait de savoir que l’on rend service et que l’on apporte quelque chose tous les mercredis à un enfant, c’est formidable.

Agnès HASSON

Comme nous serons de plus en plus nombreux à être seniors, il vaut mieux fabriquer une jeunesse heureuse. Sinon, cela va être très difficile pour nous. Je le dis parce que je rencontre des gens qui travaillent en résidence et en EHPAD. Elles ne sont pas toujours heureuses, ces jeunes femmes qui y travaillent. Je préfère que les gens choisissent leur parcours et leur chemin de façon libre, sans être tenus par les

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inquiétudes des parents. Il faut calmer le jeu, moins précipiter les choses, moins consommer aussi trop d’activités. Je connais des enfants et des personnes âgées aussi qui ont des agendas ministériels. J’entends les gens qui disent aimer s’ennuyer. Cela m’intéresse. J’aime la vacuité.

Perrine TARNEAUD

Je vous propose d’écouter le témoignage de Lucien, s’il accepte de s’exprimer devant tout le monde !

Jacky ETIENNE

Je voudrais simplement dire que nous avons un slogan : « Choisis le métier que tu aimes et tu n’auras pas un seul jour de ta vie à travailler ».

Lucien, L’Outil en main

Pour réagir au sujet de ce qui a été dit, concernant les enfants et l’école, je dois répondre que dans notre association, lorsque nous faisons quelque chose, nous le faisons en professionnels. Si nous faisons de la géométrie, du calcul, cela amène l’enfant à réagir et à comprendre que ce qu’on lui apprend à l’école, ce ne sont pas des bêtises. Il s’ennuie beaucoup moins après, parce qu’il comprend pourquoi il le fait. J’explique là pourquoi nos deux associations sont, quelque part, liées l’une à l’autre. Nous ne sommes pas un centre de recrutement. Nous sommes là pour faire découvrir aux enfants ce qui existe, ce qui se fait. Nous ne sommes pas là pour recruter des travailleurs manuels. Tant mieux si nous en recrutons, surtout si ce sont des gens qui ne sont pas en difficulté scolaire.

Moi, j’ai commencé ce métier à quinze ans. Je ne l’ai pas fait parce que j’étais en difficulté scolaire. Je l’ai fait parce qu’on n’avait pas les moyens de me faire poursuivre mes études. Ce n’est pas un reproche. C’est mon niveau social, qui était celui-là. J’ai fait un CAP de trois ans. A l’époque, c’était sans rémunération, je n’ai pas touché un centime pendant trois ans. Mais nous apprenions à travailler. Aujourd’hui, on voudrait faire la même chose en deux ans, en étant payés, en faisant 35 heures par semaine, voire un peu moins plus beaucoup de scolarité. A cette époque-là, nous faisions 60 heures par semaine. Nous faisons un métier et nous en apprenions aussi un ou deux autres à côté. A 39 ans, je suis retourné à l’école pour faire une maîtrise, j’ai fini à 43 ans, tout ça pour « rester dans la course », pas plus, pas moins. Et je me suis installé à 48 ans.

Perrine TARNEAUD

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C’est tout de même bien d’avoir des apprentis ?

Lucien

Ça n’est que du bonheur ! J’ai formé des apprentis toute ma vie. J’ai connu peu d’échecs. Un enfant, même en difficulté scolaire, peut réagir très différemment en apprentissage, parce qu’il sait pourquoi on lui impose d’apprendre des choses. Nous avons chez nous un architecte et un dessinateur, mais avant même que ces gens-là soient dans notre association, nous faisions déjà des plans. Personnellement, lorsque je fais faire un exercice à un enfant, je commence par faire le dessin, il est coté, et il y a la méthode de dessin à côté. Et quand il part avec un élément que nous avons réalisé, il part avec la méthode de dessin, la méthode de tracé. Sinon, à quoi cela sert-il ? Le lendemain, à l’école, cela lui sert à rebondir et à constater que la géométrie est une manière importante.

Agnès HASSON

Je disais à Jacky que le nombre de jeunes filles qui ne savent pas écrire, et que l’on remet dans des écoles de secrétariat, de coiffure,… et les garçons dans des préparations pour devenir « commercial », c’est-à-dire vendeurs chez H&M et Gap… Je pense qu’il est important de leur montrer d’autres gestes, dont ils vont être fiers et heureux. Il est très important de revoir la formation et l’apprentissage. Je dis tout cela pour revenir à l’intergénérationnel. Comme nous vieillirons avec eux, il est important de faire de cette jeunesse des gens heureux, de pacifier leurs relations.

Jacky ETIENNE

Ce n’est pas que les jeunes ne veulent rien faire. C’est qu’il faut leur donner la possibilité de choisir ce qu’ils veulent faire. On veut les forcer à entrer dans un moule. Et on pourrait très bien apprendre un métier sur dix ans, plutôt que sur trois. Nous voulons que la personne devienne indépendante et performante à son niveau. C’est cela, plutôt que de laisser les gens sur le bas-côté.

Agnès HASSON

Le focus sur le primaire est très important. J’ai vu des enfants arriver en sixième et « plus que galérer ». C’était de l’échec scolaire à 1000 %. Je me suis demandé s’ils avaient eu des maîtresses. C’est très grave !

Jacky ETIENNE

Ma voisine de droite et mon voisin de gauche font des choses formidables. Il y a des professionnels derrière tout cela, qui vont renforcer le jeune et lui donner confiance.

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Quand on vous dit toujours que vous êtes nul… comment voulez-vous trouver le sourire et le goût de la vie ?

Perrine TARNEAUD

Hélène Launay, j’imagine que la cohabitation intergénérationnelle favorise aussi la transmission de passions, de métiers, peut-être indirectement, par un échange intime.

Hélène LAUNAY

Pour moi, le point commun entre nos actions, dans la solidarité intergénérationnelle, c’est la réponse à une quête de sens que nous avons aujourd’hui. Nous parlions tout à l’heure de « mort sociale », quand on est chez soi et que l’on ne sort plus, certains se posent la question de continuer à vivre. « Je vais continuer à vivre parce qu’il y a quelqu’un chez moi, qu’il faut que je me lève le matin, que je m’habille… » Et on va mieux ! Rester dans l’action permet de s’entretenir, d’entretenir ses muscles. C’est pareil, on entretient son cerveau quand on sait que quelqu’un va rentrer le soir. On entretient son corps et son cerveau, parce qu’on va discuter et regarder « plus belle la vie » ensemble. Il y a tous ces points communs. Pourquoi est-ce que j’étudie la géométrie ? Cela a des applications pour l’agencement, l’architecture,… C’est la quête de sens.

Perrine TARNEAUD

Avez-vous l’impression qu’à notre époque, ce lien intergénérationnel est suffisamment mis en valeur dans notre société ? Est-ce que c’est une ébauche ? Est-ce que cela commence tout doucement ?

Hélène LAUNAY

On en parle beaucoup. La solidarité générationnelle est dans tous les journaux. Malgré tout, sa mise en lumière n’est pas toujours évidente. Mais on le voit de plus en plus. Au quotidien, dans les cohabitations, dans la mise en relation, nous allons aussi regarder la transmission. Nous avons eu un médecin, un neurologue, qui voulait accueillir des étudiants en médecine. Finalement, il n’a pas accueilli d’étudiant en médecine, parce que nous n’en avions pas sous la main au moment où il en avait besoin, mais nous avons trouvé quelqu’un qui avait un intérêt commun avec lui pour l’Histoire. Les anciens professeurs de musique accueillent des élèves du Conservatoire. Cela fait partie de la définition en amont du besoin, qui se fait sur des critères très objectifs de la localisation du lieu d’étude, du lieu de travail, du lieu de formation de l’hébergé. Est-ce qu’il est présent, ou non, le WE ? Est-ce qu’il sera là pendant les congés scolaires ? Il y a donc des critères objectifs et des critères plus

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subjectifs, sur les points communs que l’on peut avoir, et qui créeront des points de convivialité, des points de transmission. Cela peut aussi aller dans les deux sens, sur des échanges de recettes de cuisine, un intérêt pour le jardinage, etc. Cela peut être des choses très quotidiennes, très concrètes, qui mettent en avant les compétences de l’un et de l’autre.

Perrine TARNEAUD

Moussa SECK, avez-vous également ces demandes au niveau de la transmission, du savoir-faire ?

Moussa SECK

Oui, bien sûr ! Pour revenir à votre question, tout à l’heure, par rapport à l’intergénérationnel, c’est quelque chose qui se faisait tout naturellement au début du siècle.

Perrine TARNEAUD

Oui, mais à l’intérieur d’une même famille !

Moussa SECK

Exactement ! Mais avec l’affaiblissement des solidarités sociales et familiales, le logement intergénérationnel permet de réduire le fossé qui existe entre les jeunes et les personnes âgées. Je voudrais revenir aussi sur la dimension de relation sociale. De nombreux chercheurs, professionnels en gérontologie, rendent compte des effets bénéfiques des relations sociales dans le maintien du capital santé des personnes âgées. Il faut aussi se poser la question de pourquoi ces dispositifs n’arrivent pas à se développer. Je pense que de nombreux aspects expliquent cela, notamment les représentations des seniors par rapport aux jeunes. Nous avons quelques leviers pour essayer de les modifier.

Perrine TARNEAUD

Vous trouvez que ces dispositifs ont encore du mal à se développer et qu’il existe de nombreux freins !

Moussa SECK

Bien sûr ! Il y a des freins liés à la peur de perdre son intimité, le manque d’espace de logement, l’entre-soi, la difficulté de la vie, l’avenir incertain… Le logement est considéré comme un refuge. La personne âgée s’enferme dans son domicile. Ce dispositif participe à renouer ces relations sociales et intergénérationnelles.

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Hélène LAUNAY

Du côté des hébergeurs, il faut aussi une énergie forte pour accepter que quelqu’un vienne s’installer chez soi. Il y a une peur de départ ou un refus de départ. Si l’on veut que l’hébergeur adhère, il faut qu’il ait cette énergie d’adhésion. C’est là le frein principal. Parfois, on sait que l’on ne peut pas rester seul chez soi, mais l’on n’a pas cette énergie de dire « je vais accepter de bouleverser mon quotidien ». C’est une perte d’intimité, il faut partager la salle de bains, il faut parfois vider une chambre dans laquelle il y avait les affaires du fils ou de la fille. Ce n’est pas évident. Il faut une énergie importante chez l’hébergeur.

Agnès HASSON

Là, vous parlez de province, et l’ambiance est plus douce. Les images le montrent : c’est plus heureux, il y a de l’espace. A Paris, je n’imagine pas du tout de l’intergénérationnel là où je vais travailler. Les gens ont peur. Nous sommes enfermés avec des digicodes. Les personnes âgées ont très peur et de plus en plus peur de la vie extérieure. C’est pourquoi les structures et résidences sembleraient les protéger, mais elles les protègent trop.

Perrine TARNEAUD

Nous allons écouter l’avis de la sociologue, sur la différence entre la province et les grandes villes et notamment la région parisienne.

Soukey NDOYE

De nombreux travaux ont insisté sur le fait que l’environnement jouait un rôle important sur l’engagement, ne serait-ce que sur la participation sociale à la retraite. Effectivement, nous sommes sur des formes de participation qui sont différentes en milieu urbain, en milieu rural, ou en milieu périurbain. Les enjeux sont différents et le décloisonnement des maisons, en milieu urbain, influent. Le facteur, avant, pouvait entrer dans une maison. Maintenant, ce n’est plus le cas. Notre société a une forte méfiance par rapport à l’autre. On ne dépasse plus les frontières. Le facteur n’entre plus dans les maisons. On est face à une population vieillissante et une politique de maintien à domicile. Mais comment maintenir les gens à domicile, en rompant cet isolement-là ? Si je rebondis sur les deux cas d’habitation intergénérationnelle, il est intéressant de voir que deux personnalités de la société civile se sont saisies de cette problématique. C’est une question qui a été évoquée par les acteurs politiques, mais sur le terrain c’est la société civile qui agit pour rompre cet isolement au quotidien.

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Il y a également l’exemple du village intergénérationnel de Saint-Apollinaire, à Dijon, où on assiste à une cohabitation entre les générations. L’intérêt est toujours celui des transmissions intergénérationnelles.

Perrine TARNEAUD

Merci beaucoup. Madame, vous souhaitez intervenir, vous travaillez avec Moussa SECK et vous avez ce projet d’immeuble intergénérationnel.

Martine Rozenfarb de Nancy, « Un toit, deux générations »

Bonjour, je vais témoigner puisque je me suis rapprochée de l’association. Je savais que cela existait en France. J’avais besoin pour ma mère de ce genre de bon projet. Sur Nancy, il n’y avait rien. Donc je me suis rapprochée de Metz, il y a maintenant trois ans. Ma mère en est à sa quatrième étudiante. Pour elle, ce n’était pas le journal de 20 h, mais « l’angoisse du 20 h »… Tous les soirs, elle m’appelait pour dire qu’elle n’était pas très bien, que c’était la nuit… Cela a duré plusieurs semaines. Elle rappelait plusieurs fois dans la soirée, je n’osais pas aller me coucher.

Bref, c’est moi qui ai été à l’époque, demandeuse de ce projet. Nous en avons parlé toutes les deux. Je lui ai expliqué qu’une personne en service de garde coûtait horriblement cher, et que la personne arrivait à 20 h et repartait à 7 h le matin sans qu’il y ait eu aucun contact. Cela s’est très bien passé avec l’étudiante que nous avons eue. Comme le disait madame, dès le départ, il faut clairement établir les termes d’un contrat. Chacun se respecte, il faut que ce soit noté, de façon à ce qu’il n’y ait pas d’exagération de part et d’autre.

Ma mère, qui a maintenant 85 ans, et qui soupait le soir à 17 h, attend maintenant 19 h pour manger avec Ouidad. Elle regarde la télévision, non pas « Plus belle la vie », mais j’ai découvert qu’elle adorait les émissions de Thierry Ardisson. Le soir, elle mange une petite douceur avant de se coucher, et il y a la présence de quelqu’un. Ceci étant, l’étudiante apporte beaucoup à ma mère, mais ma mère lui apporte aussi du réconfort. Quand les examens se présentent et que Ouidad, qui est en Master d’architecture à Nancy, est affolée par ses projets, le calme revient. Pour moi qui suis là aujourd’hui, je suis détendue. Je sais que je n’aurai pas à appeler quatre fois dans la journée pour savoir si elle va bien. Cela nous permet aussi de nous occuper de nos enfants, de partir en WE de temps à autre, ou à Paris ou à Belfort. En mai, nous avons eu des inondations, bien qu’habitant à 10 minutes de chez ma mère dans la même rue, ayant 4 mètres d’eau devant la maison, je n’aurais jamais pu savoir comment se passait la nuit de ma mère. L’étudiante était là. Ma mère a parfaitement dormi.

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Nous sommes juifs, nous ne mangeons pas kasher, mais ma mère mange hallal maintenant. Elle nous fait le couscous, nous avons reçu ses parents. Avec une autre étudiante, nous sommes partis 48 heures à son mariage à Tunis, parce qu’elle voulait absolument que la famille soit présente. Il n’y a que des bons moments ! Ceci étant, elles ont chacune leur caractère… Mais ça, c’est leur petite « mayonnaise ». Il y a des moments privilégiés que je découvre par la mère de l’étudiante. C’est leur truc à elles. Elles font des petites balades et parlent de la vie courante.

Ceci étant, je vais aussi témoigner parce que je suis maintenant bénévole de l’association. Je m’étais proposée d’aider M. Seck à développer cela sur Nancy. Mais même moi, quand je rentre le soir, je suis très fatiguée. Psychologiquement et mentalement, ce n’était pas du tout mon métier. La concentration, faire connaissance avec des institutions… Je suis contente, et pour ma mère et pour ma retraite.

Du public

Je voulais simplement dire que nous existons aussi à Paris. Je représente avec ma collègue l’association « Ensemble, deux générations », qui existe à Paris depuis 2006. Toute une fédération s’est également développée en France.

Perrine TARNEAUD

Est-ce que c’est plus difficile à Paris qu’en province ?

Du public

Ecoutez, les gens n’ont pas si peur. Je ne sais pas. Mais nous y arrivons tout de même. Nous avons un certain professionnalisme et un certain recul, et nous donnons confiance aux gens. Il est important de leur dire que nous sommes là, comme intermédiaires, si besoin était. Il faut qu’ils ouvrent leurs portes et leurs cœurs. Mais nous y arrivons. Sur toute la France, nous avons fait près de 1200 binômes. A Paris intramuros, nous en avons environ 900.

Agnès HASSON

Comment les personnes âgées vous connaissent-elles ?

Du public

Le bouche à oreille, la presse. Nous nous donnons beaucoup de mal pour nous faire connaître auprès des médias, de la télévision, des radios… Et aussi de tous les pouvoirs publics : mairies, ministères,… Aujourd’hui, notre directrice est Porte Maillot, puisqu’elle vient d’obtenir le premier prix européen de l’entreprenariat social, qui a été remis le 13 novembre à Bruxelles. Nous avons fait l’objet de nombreuses

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reconnaissances, de nombreux prix… Nous existons aussi à Paris, où le besoin est important.

Agnès HASSON

C’est important parce que certaines personnes âgées se retrouvent en résidence, parce qu’elles avaient peur d’être seules chez elles, et elles ne sont pas très heureuses dans leur chambre studio et regrettent leur appartement. Il y a quelque chose de « pas heureux », qui a été forcé. Je le retrouve dans les textes.

Perrine TARNEAUD

C’est pourquoi il est important de faire connaître ces associations.

Du public

Toutes ces associations se complètent. Celles dont vous avez parlé visent certaines catégories de personnes. Nous nous concentrons uniquement sur les étudiants. Le mode de vie est différent quand on est salarié.

Perrine TARNEAUD

Moussa SECK travaille sur un principe de labellisation de la cohabitation intergénérationnelle. C’est important pour faire la promotion de ces initiatives. Vous pouvez peut-être nous en dire un mot.

Moussa SECK

Nous avons senti que l’association jouait un rôle essentiel. C’est un maillon du dispositif qui sécurise les personnes âgées, les élus, les institutions qui nous accompagnent. L’idée de cette démarche de qualité est de montrer que l’association est un maillon essentiel du dispositif. Autre levier que nous essayons d’activer pour dynamiser le dispositif est de travailler avec des spécialistes. Le réseau gérontologique de Gérard Cuny à Nancy nous accompagne en amont, et fait une évaluation gérontologique dans le lieu de vie, pour voir si la personne âgée qui souhaite accueillir un jeune a un état de santé qui le lui permet. Il nous accompagne aussi pour mettre en place, au cours de l’année, une session d’information et de sensibilisation sur le vieillissement de la population. Cela permet aussi aux jeunes qui cohabitent avec la personne âgée d’avoir les clés pour bien réussir la cohabitation.

Autre aspect, nous souhaitons mettre en place une résidence mixte intergénérationnelle. Elle serait conçue pour accueillir simultanément des jeunes et des personnes âgées, pour créer une interaction au sein de cette résidence. C’est

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une idée intéressante. Les pouvoirs publics ne réfléchissent plus sur le « tout maison de retraite », mais plutôt à des solutions alternatives. Cela permet de renouveler les liens sociaux intergénérationnels.

Perrine TARNEAUD

Pour éviter les maisons « mouroir » dont parlait tout à l’heure Agnès Hasson… où les personnes âgées sont très peu sollicitées. Y a-t-il d’autres réactions dans la salle ? Mesdames ? Nous vous écoutons.

Du Public, Association génération et culture, Nord-Pas-de-Calais

Nous avons trente ans d’expérience dans ce domaine. Il y a trente ans, « intergénération » et « lien social » n’existaient pas.

Perrine TARNEAUD

Depuis combien de temps existent ces mots, à votre avis ?

Du public

Nous avons commencé à faire des débats sur le lien social il y a une quinzaine d’années de cela. Nous étions dans un monde cloisonné, chacun dans sa case. Cela va dans le bon sens, mais ceci dit, notre monde est difficile aujourd’hui. Je voudrais soulever un levier important. Le plaisir est au cœur de notre action. Si l’on n’a pas de plaisir à se retrouver et à échanger… Il y a beaucoup d’outils. L’art est là pour nous aider à la rencontre, tout ce qui travaille sur l’imaginaire. Mais cela demande une méthodologie très forte. Il faut bien préparer. Mettre des populations différentes les unes à côté des autres, cela demande du professionnalisme.

Il faut aussi souligner aussi que cela redonne l’estime de soi-même. Ces enfants et ces adolescents auxquels on redonne une estime de soi, qui sont écoutés, qui sont regardés pour eux-mêmes, appelés par leur prénom, ce sont des moteurs extraordinaires. Compter pour quelqu’un, c’est valable pour toutes les générations.

Par rapport à « un toit à partager », l’expérience est passionnante. Je voulais demander si la vidéo que nous avons vue était disponible. En revanche, il me semble qu’il faudrait creuser plus, entre nous, les difficultés. On voit ce qui est magnifique. Mais je pense qu’il y a beaucoup de difficultés. Les personnes âgées ont parfois un caractère très difficile. Notre chargée de mission est parfois appelée à 22 h ou à 6 h, parce que tout d’un coup, il y a une angoisse par rapport au jeune. Il faudrait peut-être mettre en place un numéro national, car la malheureuse chargée de mission en pâtit. Il y a des choses à inventer et il faut creuser les difficultés. Pour faire la publicité, nous parlons de ce qui va bien. Nous avons plein d’exemples merveilleux,

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mais il faut aussi regarder là où nous sommes en difficulté. Il y a peut-être aussi un film à réaliser, qui pourrait être drôle d’ailleurs.

Perrine TARNEAUD

Tout aussi drôle que celui que nous avons vu tout à l’heure, mais un peu plus négatif. Sur les difficultés que vous avez pu rencontrer, vous en avez parlé tout à l’heure, Hélène LAUNAY, concernant toutes vos actions autour de la médiation.

Hélène LAUNAY

Effectivement, sur la publicité, nous montrons des exemples qui marchent bien. Il y a un film sur notre site : www.letempspourtoit.fr. Des difficultés, il y en a. Pas nécessairement dans tous les duos, mais cela arrive. C’est pour cela que le contrat initial est très important et doit être très précis. Nous allons jusqu’à dire quel étage du frigo doit être utilisé. Quelques fois, l’hébergeur trouve ridicule d’écrire cela. En réalité, c’est important, même si on l’oublie après et que dans les faits, le frigo sera divisé différemment. Mais cela fait un élément de référence sur lequel on peut revenir le jour où il y a un problème. Le problème peut se jouer sur des choses très basiques, comme le bord de la baignoire non essuyé, ou des différences de culture, ou des différences de génération, qui font que quelquefois, la cohabitation peut achopper sur de petits points de détail. Mais ce qui est important, c’est que l’on se rend compte que la cohabitation révèle des choses que les enfants pouvaient ignorer sur la vraie vie de leurs parents au domicile. Il peut y avoir aussi des tensions dans la fratrie. L’un veut que la maison soit vendue parce que cela représente un patrimoine et il souhaite que son parent aille en maison de retraite. Un autre enfant veut tout mettre en œuvre pour permettre à son parent de rester chez lui. Le risque, c’est que ce fils ou cette fille – plus souvent une fille – elle-même tombe malade, épuisée, trop sollicitée par le mari vieillissant, les enfants, les petits-enfants, et le maintien à domicile ne devient plus possible parce qu’elle n’a plus l’énergie pour aider au maintien du parent. Ces points d’achoppement existent, c’est pourquoi l’accompagnement est une condition sine qua non de la réussite des cohabitations. La compétence dans la médiation aussi est très importante.

Perrine TARNEAUD

La médiation se fait aussi bien à l’intérieur du binôme que dans la famille de l’hébergeur.

Hélène LAUNAY

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D’autant que parfois, les fratries sont très importantes. On se retrouve avec des familles de cinq ou dix enfants… Il faut qu’il y ait de la coordination entre tous aussi.

Du public

Je voulais rajouter un aspect que nous avons découvert. Sur 24 binômes, la moitié se font avec de jeunes étrangers, qui viennent de tous les pays du monde. C’est une façon pour ces jeunes de s’intégrer dans le Nord-Pas-de-Calais qui est extraordinaire. Ils sont très isolés quand ils arrivent. Ils parlent mal le français. Ils viennent faire une année d’étude et rencontrent beaucoup de difficultés. C’est un moyen extraordinaire. Nous parlons de l’isolement des personnes âgées, mais n’oublions pas, également, l’isolement des jeunes.

Yara BOUREUX , Présidente de « L’outil en main »

Je voudrais apporter une précision, malgré la clarté de l’exposé que le Président local d’Angers a fait. Nous accueillons des enfants en difficulté, mais aussi des enfants à très bon niveau scolaire. J’ai été un peu étonnée tout à l’heure dans l’entrée, quand j’ai vu le très beau kakémono de l’Ircantec – et je vous en remercie. Il y avait un paragraphe de « Ouest France » qui disait que cela concernait les enfants en difficulté scolaire.

Nous avons aussi de très bons élèves chez nous. Je tiens à le dire, parce que justement, on a dévalorisé les métiers manuels. Les mauvais allaient vers les métiers manuels. Il ne faut pas oublier tout de même que tous nos responsables de PME sont des artisans à la base. Ils ont certainement de l’or dans les mains, mais aussi quelque chose dans la tête. Nous accueillons des enfants en difficulté, et des enfants qui ont un très bon niveau scolaire. Nous accueillons tous les enfants, de toutes les origines, et de tous les niveaux.

Pour les enfants en difficulté, j’ai un exemple marquant, que j’ai eu dans ma propre ville. Un jeune qui, durant sa première partie de primaire, jusqu’en 3ème, avait environ 4 de moyenne. Les professeurs s’en étaient pourtant particulièrement occupés. Les parents étaient derrière. Ils prenaient du temps pour s’occuper de leur enfant. On ne trouvait pas de solution. Il a quitté l’école, il est venu à « l’outil en main », il a rejoint une école à petit effectif. Il n’avait toujours pas de meilleurs résultats. Un an plus tard, la mère m’a appelé. A l’outil en main, il a appris la taille de pierre et il a voulu devenir tailleur de pierre. Ce jeune est allé un an dans un lycée professionnel. Il est ensuite entré chez les Compagnons du tour de France. Il est sorti dans les meilleurs. Il est parti pour rénover l’hôtel de ville ou la cathédrale de Québec. Il est revenu, prévôt maintenant chez les Compagnons. Bien entendu, il a envie de créer sa propre entreprise, tournée vers les Beaux Arts. Il avait 4 de moyenne, il va devenir chef

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d’entreprise. Voilà ce que « L’outil en main a apporté à ce jeune ». Quand je le vois, il me dit toujours : « Sans vous, je n’aurais jamais su ce que j’avais dans les mains ».

Je voudrais aussi préciser que « L’outil en main » apporte beaucoup dans l’époque actuelle parce que nous avons beaucoup de familles éclatées, beaucoup de jeunes sans grands-parents ou qui n’habitent pas près de chez leurs petits-enfants. « L’outil en main », ce sont les grands-parents et les petits enfants du mercredi. Cela apporte beaucoup dans un monde où l’on est perdus, avec des familles qui partent en vrille.

Perrine TARNEAUD

Merci beaucoup, madame, pour votre témoignage. Nous avions bien compris tout à l’heure, à travers le témoignage de M. Etienne, que vous vous adressiez à un large public, en difficulté scolaire ou non. Y a-t-il d’autres témoignages ? Peut-être pouvons-nous finir cette table ronde sur les difficultés que rencontrent les bénévoles pour recruter d’autres bénévoles ?

Hélène LAUNAY

Le temps pour toit est présent sur deux villes, Angers et Nantes. Ce sont quatre salariés en équivalent temps plein. Il y a deux créations d’emploi en cours – une à Angers, une à Nantes, pour développer notre activité dans les quartiers prioritaires, qui sont des zones urbaines dans lesquelles nous n’allons pas aujourd’hui. Les réponses seront sans doute différentes. Les phénomènes de peur seront sans doute différents. Nous voulons aussi nous développer sur les zones rurales. Nous aurons donc six salariés à horizon 2013, une équipe de bénévoles, qui n’est constituée que d’actifs. Nous n’avons pas recours à des retraités, mais à un bénévolat de compétence. Donc nous travaillons avec une association qui s’appelle « Passerelle et compétences », pour avoir du bénévolat sur des missions ponctuelles. Autrement, les bénévoles auxquels nous faisons appel sont des gens qui sont encore dans la vie active, et qui font des suivis de duos. Nous n’avons jamais réussi à trouver des retraités intéressés directement à notre activité. Nous lançons régulièrement des appels à contribution sur « France Bénévolat ». Peut-être y a-t-il une problématique de lien troisième âge/quatrième âge ou cinquième âge. Le travail que nous demandons à nos bénévoles est un travail d’accompagnement des duos, et ce n’est pas toujours facile d’aller dans ce genre de situations. Il y a aussi des situations très complexes et difficiles pour lesquelles le recours au bénévolat est plus difficile. Le recrutement des bénévoles pour nous n’est pas facile, sur cette activité-là.

Jacky ETIENNE

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C’est vrai que ce n’est pas simple, principalement pour les grandes villes. A Angers, nous y sommes arrivés, parce que nous avions beaucoup de relations. Mais cela pose un vrai problème lorsqu’un bénévole arrête dans une équipe et que tout ne repose pas sur les autres bénévoles. Nous avons besoin de support de ce côté-là.

Il y a aussi une limite dans le bénévolat. On ne peut pas demander à un bénévole de faire 35, 40 heures par semaine. L’administration devient de plus en plus lourde. La paperasserie et les dossiers sont énormes. Pour pouvoir avoir des financements, les dossiers sont de vraies bombes à retardement, et demandent des connaissances… Ce n’est pas le cas avec IRCANTEC, au contraire. Et derrière, il y a toute une équipe que j’ai franchement appréciée et je ne suis pas le seul. Mais il faut faire attention, dans les années à venir, pour savoir comment va se positionner le bénévolat, et ce que va faire le bénévolat. Si c’est pour faire autant que lorsqu’on était en activité, il risque d’y avoir un gros problème.

Agnès HASSON

Pour ce qui est de l’association « Ecritures buissonnières », le bénévolat est très particulier. Nous utilisons les bénévoles, des graphistes, pour notre communication. Ils sont très doués et ils passent du temps pour nous. Mais sur le terrain, on ne peut pas envoyer n’importe quel bénévole. Il faut vraiment aimer le texte, aimer les gens, avoir la patience, l’attention, savoir animer un groupe de 12 personnes… Ce sont de grandes tablées. C’est un vrai savoir-faire. On ne peut pas mettre n’importe qui.

Jacky ETIENNE

Sur la France entière, « L’outil en main » représente 1500 bénévoles. Nous voulons continuer à développer ce concept, mais il faut de la communication, cela coûte cher. Les journalistes ne sont pas toujours à l’écoute. Le principe est de faire découvrir ce concept, qu’on en parle, et que l’on aille encore plus loin. Je suis persuadé qu’il y a des retraités qui s’ennuient. Nous les attendons !

Moussa SECK

Nous n’avons pas trop de difficultés à recruter des bénévoles. Martine a recruté une équipe de quatre seniors pour faire des présentations. Les bénévoles nous accompagnent aussi dans nos locaux, à Nancy, pour accueillir les candidats à l’habitat intergénérationnel. Nous avons essayé de faire aussi des fiches de mission types pour les bénévoles, pour qu’ils fassent leur travail normalement. Nous n’avons pas de souci par rapport à cela.

Perrine TARNEAUD

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Très bien, je crois que nous pouvons vous applaudir tous les quatre. Merci de nous avoir fait partager votre expérience, la façon dont vous transmettez votre savoir-faire, vos passions, la façon dont vous mettez en valeur cette cohabitation intergénérationnelle. Nous allons terminer cette matinée et cette table ronde avec une nouvelle intervention de la compagnie théâtrale Myrtil. Julien Macé, je vous laisse la parole.

Julien MACÉ

Je vais utiliser un micro pour l’enregistrement, ne soyez pas surpris de ce changement de méthode. Vous vous souvenez, nous avions laissé Mme Moreau, toute seule chez elle, devant le 5863ème épisode de « Les feux de l’amour ». Ça n’allait pas très bien, elle était en rupture de lien social. Elle n’allait plus à l’association, elle ne voyait plus ses copines. Seulement voilà, il se trouve que dans sa commune, il existe une association qui ressemble beaucoup à celles dont nous avons entendu la présentation dans le cadre de l’habitat intergénérationnel. Maintenant, Mme Moreau accueille chez elle Marie, une étudiante. Nous allons revoir Mme Moreau chez elle, dans son salon, qui visiblement a changé. Il a dû y avoir un regard plus jeune. Son fils vient lui rendre visite. Ils vont peut-être avoir un échange par rapport à cette nouvelle habitante. Je vous laisse découvrir la scène.

- Toc toc.

- Oui, voilà, j’arrive

- Ah, mon chéri, bonjour !

- Tu vas bien ? Je ne savais pas si ta colocataire était là…

- Non non, je t’attendais, elle vient de partir. Viens, assieds-toi, je t’ai préparé ton gâteau préféré. Tu m’excuseras, il en manque un petit bout, mais c’est Marie, elle n’avait pas le temps de manger à midi. Je lui ai donné un petit bout de ton gâteau, ça ne te gêne pas ?

- Non, pas du tout. Ça a l’air de bien aller ?

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- Très bien. Est-ce que tu veux un petit café ? Un petit thé ? Marie m’a amené un petit thé vert. Ça a une drôle d’odeur au début. Tu veux goûter ?

- Je veux bien, oui ! Cela se passe bien avec Marie ? Vous mangez ensemble le soir ?

- Cela ne se passe pas trop mal. Je te dirais quand même qu’au début, on s’est un petit peu regardées. On s’observait… On a appris à se découvrir, et maintenant, ça va très bien ! Le soir, on mange de temps en temps ensemble, parce que moi, j’aime bien manger à 18 heures.

- Ça n’est pas étonnant, vous n’êtes pas de la même génération.

- Tu savais qu’elle était végétarienne ? Trois bouts de salade, deux carottes, une catastrophe ! J’ai été obligée de lui apprendre à cuisiner un peu.

- C’est bien, alors. Tu es contente ?

- Oui, je suis contente. Mais est-ce que tu savais que j’étais sourde ? A chaque fois, Marie me dit que je mets la télé trop fort. Je crois que je suis sourde, non ?

- Ça te dit d’aller faire un tour ?

- Oh oui, je vais te montrer ! Avec Marie, nous avons fait un petit potager, justement pour ses petits plats végétariens, tu vas voir… Tu sais, je me sens beaucoup plus rassurée maintenant que Marie est là.

Visiblement, donc, il y a une nouvelle arrivante. Il y a des choses à gérer. On n’entend pas le son de la même manière quand on est jeune et quand on est plus ancien. Il faut peut-être acheter un casque, il y a des ajustements à mettre en place. Mais visiblement, elle est plus active que lorsqu’on l’a laissée tout à l’heure. C’est déjà mieux. Je laisse la parole à la personne qui va prendre le micro. Merci

Perrine TARNEAUD

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Merci beaucoup, la compagnie Myrtil ! Nous arrivons au terme de cette matinée d’échanges. Je vais, de nouveau, appeler Alain GAILLARD, qui va venir conclure les travaux de cette matinée, d’après ce que vous avez pu entendre aujourd’hui.

Clôture

Alain GAILLARD

Cela va être facile, parce que nous avons découvert ce que nous, nous cherchions, dans notre engagement dans le mécénat. Ce qui m’a ravi, c’est de vous entendre dire « on pourrait peut-être travailler ensemble,… » C’est la deuxième année, vous nous avez fait de la publicité, vous venez chercher du financement, vous n’allez pas nous dire que ce que vous faites ne fonctionne pas. Mais il va falloir que nous allions un peu plus loin, effectivement, puisque nous aussi, nous réfléchissons à une évolution des choses. Et c’est en essayant de voir ce qui ne va pas totalement bien que l’on peut arriver à progresser.

C’est ce que je voudrais vous transmettre. Ce à quoi nous croyons, nous, Conseil d’administration de l’Ircantec, pour ce mécénat, c’est que c’est vous qui allez le faire vivre ! Nous, nous sommes là pour vous écouter, et pour essayer de faire le lien ; le lien entre vous et avec ce que l’on veut faire, et ce qu’il faut que l’on fasse dans cette société pour essayer d’y arriver.

Vous avez dit, Madame, que l’intergénérationnel, cela n’existait pas. Moi qui suis un rural, je peux vous dire que l’intergénérationnel, ça coule de source ! Je prends un exemple personnel. En 2003, l’année de la canicule, j’étais à l’époque directeur d’un centre hospitalier. Je n’ai jamais pu faire admettre au ministère que chez nous, cette année, nous n’avions pas eu plus de morts que l’année précédente. Il ne me croyait pas, et ils sont venus faire une enquête pour savoir comment cela se passait, parce que ce n’était pas possible, vu de Paris. Il fallait que nous ayons plus de morts ! Nous n’en avions pas plus, parce que les enfants, les voisins, se préoccupaient les uns des autres. L’absence d’intergénérationnel, vu de mon côté, c’est un phénomène urbain, avec une forme d’individualisme qui se crée là-dessus. Il faut que nous essayions de voir, au-delà de ce que nous pouvons apporter, plus profondément comment faire avancer les choses.

J’ai vu, avec grand plaisir, Myrtil, qui a bien capté un certain nombre d’éléments. J’espère que vous allez être avec nous, continuer à observer, voir ce qui ne va pas, pour que vous puissiez rebondir sur la chose, et par le théâtre, nous montrer les

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travers. Nous dire : vous allez de ce côté-là, mais il y a peut-être autre chose à regarder.

C’est ma grande satisfaction, et je la partage avec tous les membres du Conseil d’administration qui sont présents, ce lien que l’on peut tisser entre vous, qui permettra de faire avancer les choses, puisque les uns et les autres, y compris la sociologue, peuvent nous faire avancer. C’est finalement « paniquant » de constater quand on vieillit que, et vous avez entièrement raison, si nos jeunes ne sont pas heureux, c’est désespérant. Pour le plus grand nombre, nous voudrions qu’ils aillent travailler, parce qu’ils vont s’épanouir. C’est là que notre société a changé. Il y a un transfert des actifs vers les retraités, mais il y aura le transfert des retraités vers les actifs. Nous savons tous que cela se passe de façon « souterraine ». Il faut redonner une forme de joie de vivre.

Ma satisfaction totale dans cette matinée que nous avons passée ensemble est de dire qu’il s’agit d’une étape. Nous nous rencontrerons de nouveau pour travailler ensemble et nous sommes tout disposés à vous suivre et à nous aider à faire évoluer notre mécénat. Rien n’est figé. Je suis très heureux, en tant que Président de l’Ircantec, de voir combien nous avons eu raison de partir dans cette aide, et dans ce mécénat. Il représente bien notre valeur.

Merci à vous tous, et nous allons nous retrouver pour un petit repas ensemble. Il est bien mérité pour conclure cela, et les discussions vont continuer, j’en suis convaincu.

Merci à tous !

Perrine TARNEAUD

Alain GAILLARD, restez avec nous ! Je crois qu’il y a une petite surprise pour vous.

Alain GAILLARD

Je crois savoir, parce qu’il me semble que lorsque j’étais allé à Angers, j’avais dit ça, ça serait très bien à mettre dans la salle du Conseil d’administration.

Perrine TARNEAUD

Voilà, cela vient de « L’outil en main » !

Alain GAILLARD

C’est exactement ça !

Jacky ETIENNE

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Pour tout vous dire, quand M. GAILLARD est venu à Angers inaugurer notre cuisine qui a été financée par l’Ircantec, je veux préciser que lorsque les enfants cuisinent, ils emmènent leur repas le soir. Donc, ils le partagent avec leurs parents. Quand vous êtes venu, vous avez fait le tour des ateliers, et votre regard a été attiré par l’atelier de plâtrerie. Des jeunes filles étaient en train de faire des fleurs, et vous m’avez dit « ce serait sympa… ». Nous avons relevé le défi : je passe la parole à Lucien.

Lucien

Je vais commencer par modifier un peu la présentation qui a été faite. Je crois qu’il y a quelque chose d’un peu défrisé…

Alain GAILLARD

Grand merci ! Je vous promets que cela sera dans notre salle du Conseil d’administration.

Lucien

C’était un plaisir et un honneur de le faire.

Alain GAILLARD

Vous remercierez tous les enfants qui ont fait cela ! Et la prochaine fois que je viendrai à Angers, je viendrai les voir pour les remercier.

Lucien

Comme nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour faire participer les enfants, nous avons remis en route un autre ouvrage. Nous le faisons avec eux.

Alain GAILLARD

Je vous promets de venir le chercher à Angers, quand vous l’aurez fini, devant les enfants !

Jacky ETIENNE

Au nom de l’Ircantec, vous allez découvrir sur ce livret, l’exécution complète, les photos, les reportages qui ont été faits au fur et à mesure du projet. Lucien dit que les enfants n’ont pas travaillé beaucoup. Ils ont travaillé sur les maquettes ! Il est tellement perfectionniste, tellement « chieur » que je suis bien obligé d’accepter !

Perrine TARNEAUD

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Merci beaucoup pour ce cadeau très complet ! Merci à tous d’avoir assisté ce matin à cette conférence intergénérationnelle, et comme Alain GAILLARD vous y a invités, nous allons nous rendre dans une salle située à l’étage pour le déjeuner.