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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 302 (4) 53 BIOMASSE ÉNERGIE / LE POINT SUR… Production d’énergie à partir de forêt tropicale humide : une étude de cas en Guyane française Photo 1. Combustion de bois énergie dans une chaudière industrielle à Santarém au Brésil. Photo F. Pinta. François Pinta 1 Philippe Girard 2 1 Cirad Unité de recherche Biomasse-énergie TA B-42/16 73, rue Jean-François Breton 34398 Montpellier Cedex 5 France 2 Institut international d‘ingénierie de l’eau et de l’environnement 01 BP 594, Ouagadougou 01 Burkina Faso

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 2 ( 4 ) 53BIOMASSE ÉNERGIE / LE POINT SUR…

Production d’énergie à partir de forêt tropicale humide :

une étude de cas en Guyane française

Photo 1.Combustion de bois énergie dans une chaudière industrielle à Santarém au Brésil.Photo F. Pinta.

François Pinta1

Philippe Girard2

1 CiradUnité de recherche Biomasse-énergieTA B-42/1673, rue Jean-François Breton34398 Montpellier Cedex 5France

2 Institut international d‘ingénieriede l’eau et de l’environnement01 BP 594, Ouagadougou 01Burkina Faso

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RÉSUMÉ

PRODUCTION D’ÉNERGIE À PARTIRDE FORÊT TROPICALE HUMIDE : UNE ÉTUDE DE CAS EN GUYANEFRANÇAISE

L’un des verrous à la mise en œuvre deprojet de génération d’électricité à par-tir de la biomasse réside dans labonne appréciation de la nature de laressource et de sa disponibilité. Cetarticle s’inspire de travaux qui ont étéréalisés en 2007 afin d’apprécier lafaisabilité de la mise en place de cen-trales dendro-électriques de vingtmégawatts en Guyane française.L’analyse de la disponibilité en res-sources de biomasse a été au cœur del’étude. L’originalité de l’approcheconsiste à apprécier la capacité de laforêt à fournir de manière durable toutou partie des volumes nécessaires etsans remettre en cause la gestionactuelle. Différentes ressources ont étéétudiées dont la valorisation de boisissus de deux gisements : l’exploita-tion forestière pour la production debois énergie et l’exploitation mixte debois énergie en complément de l’ex-ploitation de bois d’œuvre. Des scéna-rios ont été étudiés pour la zonecôtière où se concentre la majorité dela demande électrique. Les travaux ontmontré une disponibilité importantepermettant d’approvisionner des cen-trales électriques de cinq et dix méga-watts de capacité électrique. L’étudede préfaisabilité d’une centrale decinq mégawatts électriques près duvillage de Régina a montré la faisabilitééconomique du projet utilisant du boisissu de l’exploitation mixte des forêtsde production et du bois récupéré surl’emprise des pistes forestières.Cependant, la validation des schémasprévisionnels d’exploitation durablede bois énergie en forêt naturelle amé-nagée exige des recherches spéci-fiques complémentaires.

Mots-clés : biomasse, bois énergie,électricité, aménagement forestier,micro-économique.

ABSTRACT

ENERGY PRODUCTION FROM HUMIDTROPICAL FORESTS: A CASE STUDYIN FRENCH GUIANA

One of the main obstacles to projectsfor power generation from biomass isclearly related to the accuracy ofassessments of the nature and avail-ability of the resource. This articledraws on work performed in 2007 toassess the feasibility of setting up awood-fired power plant in FrenchGuiana. The main part of the studyconsists of an analysis of the availabil-ity of biomass resources for 20 MWpower plants. The initial approach wasto assess the capacity of the forest tosupport sustainable supplies of all orpart of the volume required, without amajor overhaul of current manage-ment. Different biomass resourceswere studied, including fuelwoodfrom sustainable natural forest useonly and fuelwood from forest use incombination with timber harvesting.Several scenarios were studied for thecoastal area, where the majority ofelectricity demand is concentrated.The study showed significant avail-ability capable of supplying several 5and 10 MW power plants. The prefea-sibility study for a 5 MW power plantproject near the village of Réginademonstrated the economic feasibilityof combining the use of fuelwood fromproduction forests and waste woodfrom logging track creation and main-tenance. However, further specificresearch is needed to confirm the pro-visional plan for sustainable fuelwoodproduction from natural rain forests.

Keywords: biomass resources, fuel-wood, power generation, forest man-agement, micro-economic.

RESUMEN

PRODUCCIÓN DE ENERGÍA ENBOSQUES TROPICALES HÚMEDOS:ESTUDIO DE CASO EN LA GUAYANAFRANCESA

Una de las trabas para llevar a cabo unproyecto de generación de electricidada partir de la biomasa estriba en labuena apreciación de la naturaleza delrecurso y de su disponibilidad. Esteartículo se inspira en los trabajos reali-zados en 2007 para evaluar la viabili-dad del establecimiento de centralesdendroeléctricas de veinte megavatiosen la Guayana Francesa. El estudio secentró principalmente en el análisis dela disponibilidad de recursos de bio-masa. La originalidad del enfoque con-siste en estimar la capacidad del bos-que guayanés para suministrar toda ouna parte de los volúmenes necesariosde modo sostenible y sin cuestionar elactual manejo. Se estudiaron distintosrecursos, entre los que se encuentra elaprovechamiento de leña procedentede dos fuentes: la explotación forestaldedicada a la producción de leña y laexplotación de leña como comple-mento del aprovechamiento de maderade construcción en una explotaciónmixta. Se estudiaron varios escenariosen la zona costera, en la que se con-centra la mayoría de la demanda eléc-trica. Los estudios mostraron unaimportante disponibilidad, capaz deabastecer centrales eléctricas de cincoy diez megavatios. El estudio de previa-bilidad para la implantación de unacentral de cinco megavatios eléctricoscerca del pueblo de Regina mostró laviabilidad económica del proyecto. Elsuministro de leña vendría de la explo-tación mixta de bosques de produccióny de la recuperación en la apertura depistas forestales. No obstante, paravalidar los esquemas de pronóstico deaprovechamiento sostenible de leñaen un bosque natural manejado, sedeben realizar investigaciones especí-ficas complementarias.

Palabras clave: biomasa, leña, elec-tricidad, manejo forestal, microe-conómico.

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F. Pinta, P. Girard

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Introduction

L’approvisionnement en énergiedes pays tropicaux constitue un ver-rou important au développementéconomique des pays non produc-teurs de pétrole. Pour lever ce verrou,diverses options sont envisagées parles pouvoirs publics et les bailleursde fonds internationaux. Nombred’entre elles privilégient les énergiesrenouvelables et tout particulière-ment le recours à la biomasse.

Si les plantations énergétiquesont souvent été envisagées et mises enœuvre, comme c’est le cas de la sidé-rurgie brésilienne ou des biocarburantsà l’échelle internationale, par contre,l’aménagement de forêts tropicaleshumides à vocation énergétiqueconstitue un domaine sensible encorepeu exploré. Seules quelques étudesont été menées sur la valorisation desdéchets d’exploitation forestière, pourlesquels les résultats se sont révélésdécevants sur le plan économique etrisqués sur le plan environnemental.Toutefois, cette approche a progresséplus rapidement dans les zones deforêts sèches, traditionnellementexploitées à des fins de bois de feu, oùl’aménagement s’avère être la seuleoption possible pour en garantir lapérennité (Bertrand, Montagne,2009 ; Ichaou, Roulette, 2006).

La question de l’exploitationdurable des forêts tropicales humides àdes fins énergétiques a été abordée enGuyane française par des équipes del’Onf1 et du Cirad2. Il s’agissait d’éva-luer la faisabilité technico-économiquede l’approvisionnement en bois com-bustible de centrales électriques d’unecapacité totale de vingt mégawatts pourle réseau Edf3. Pour cela, le besoinannuel en biomasse brute, d’humiditémoyenne de quarante pour cent (%) surbrut (Falch, Pinta, 2007), a été évaluéà deux cent soixante-dix mille tonnes.

Cet article présente la disponi-bilité en biomasse forestière exploi-table pour des usages énergétiques,étudie les modalités de sa mobilisa-tion et évalue la faisabilité écono-mique de cette filière. Il traite, d’unepart, d’une exploitation forestièremixte de production de bois énergieen complément du bois d’œuvre et,d’autre part, d’une exploitation fores-tière durable à vocation énergétique.

Méthodologie

L’étude a consisté à définir, loca-liser et caractériser quantitativementet qualitativement les gisements debiomasse. Les gisements ont été iden-tifiés à partir des données des servicesforestiers et sur la base des recherchessur la dynamique forestière menéespar le Cirad (Gourlet-Fleury et al.,2005). Les gisements correspondantau bois mobilisable dans les zones àvocation agricole ont été localisés àpartir des données de la Direction del’agriculture et des forêts qui pilote leschéma de développement agricole de

la Guyane française. En outre, lesinventaires forestiers réalisés dans lesannées 1970 et les dispositifs d’étudedes peuplements mis en place dansles années 1980 permettent une esti-mation du volume de bois disponible,de la variabilité spatiale et de la qua-lité moyenne des produits.

L’exploitation forestière n’étantpossible que sur des pentes infé-rieures à 40 % et hors des zonesmarécageuses, les zones ne présen-tant pas ces caractéristiques ont étéexclues des zones exploitables.

Photo 2.Exemple de centrale à bois de 10 mégawatts électriques au Brésil.Photo F. Pinta.

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1 Office national des forêts, entreprise nationale de gestion et aménagement des forêts.2 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.3 Électricité de France, entreprise nationale de distribution de l’énergie électrique.

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La valorisation de la biomassedes houppiers et des petites tiges dediamètre inférieur à vingt centimètres(� < 20 cm) nécessite un façonnagecontraignant, ce qui diminue la pro-ductivité du chantier d’exploitationforestière. Pour des raisons écono-miques, ce type de biomasse a doncété écarté de la ressource considéréecomme mobilisable.

À l’inverse, l’exploitation desarbres de grande taille (� > 80 cm) estretenue. Ces classes de diamètresreprésentent 7 à 8 % du volume de boismobilisable4 ; elles correspondent àdes bois habituellement exploités parla filière bois d’œuvre. Le volume uni-taire élevé laisse présager une bonneproductivité lors de l’exploitation fores-tière et du transport. Leur conditionne-ment en plaquettes forestières néces-site une opération spécifique de refenteavant broyage. Cette classe d’arbrescorrespond à des individus maturesdevant tôt ou tard laisser leur placepour la régénération de la forêt.

Les itinéraires techniques de mobi-lisation de la biomasse ont été définis àpartir des données de terrain et sur labase d’une consultation locale des pro-fessionnels forestiers et entrepreneursde travaux publics et forestiers.

À partir de localisations ration-nelles des centrales (proximité duréseau électrique), une analyse depréfaisabilité a été conduite afind’évaluer les coûts de production del’électricité (Pinta et al., 2007).

La disponibil itéen biomasse

Nature de la ressource

Hormis une dizaine de milliersd’hectares de peuplements secon-daires et de plantations pour le boisde trituration disséminés sur la frangecôtière, deux types forestiers peuventêtre distingués en fonction de leurdegré d’anthropisation. D’une part,les peuplements primaires qui n’ontjamais été exploités si ce n’est defaçon très extensive par les popula-tions amérindiennes. Ils représententenviron sept millions d’hectares, cor-respondant à la majorité de la surfaceforestière guyanaise. D’autre part, lespeuplements perturbés qui corres-pondent aux zones touchées par l’ex-ploitation forestière et sont principa-lement localisées sur la bande côtière(anciens permis forestiers, forêtsaménagées) et à proximité desanciens centres de peuplement (pla-cers miniers importants, pénitenciers,villages…). Leur surface est de l’ordredu million d’hectares. Seuls ces deuxtypes forestiers sont donc pris encompte dans le cadre de cette étude.

Une abondantebiodiversité

Le nombre d’espèces d’arbresen Guyane française est estimé àmille deux cents, dont environ troiscents espèces de gros arbres accé-dant à la canopée. La richesse à l’hec-tare peut culminer à plus de deuxcents espèces. Un corollaire à cettediversité est l’absence d’espècesfranchement dominantes et la grandevariabilité des produits exploitables.Si dix essences forestières représen-tent à elles seules 52 % du volume et57 % de la biomasse en moyennedans les forêts de terre ferme, il fautplus de quarante-cinq essences fores-tières pour atteindre 80 % du volumeen zone marécageuse.

Les espèces guyanaises secaractérisent par une densité anhydremoyenne très élevée : autour de 0,73(soit 0,83 à 12 % d’humidité). Cettecaractéristique est assez bien connueavec une base de données fourniepour toutes les essences exploitées.Les connaissances sont beaucoupplus modestes en ce qui concerne letaux de cendres et de silice, qui estinconnu pour plus de 40 % desessences mais dont l’importance estessentielle pour les choix d’équipe-ments en aval (broyage, grilles dechaudière…). Les données dispo-nibles sont peu fiables compte tenude l’extrême variabilité spécifique etde la délicatesse des procéduresd’échantillonnage et d’analyse. Parexemple, pour l’angélique (Dicoryniaguianensis), les valeurs de taux desilice varient de 0,03 % à 1,43 %.

Au sein des peuplements per-turbés, l’exploitation forestière pas-sée et actuelle se caractérise par defaibles prélèvements (de l’ordre dedeux à trois tiges par hectareexploité) concentrés sur les tiges degros diamètre (� > 70 cm) d’une tren-taine d’essences. Trois essencesreprésentent à elles seules près destrois quarts du volume prélevé. À ceprélèvement, il convient d’ajouter les

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Photo 3.Abattage d’arbres pour l’énergie en forêt secondaire tropicale.Photo F. Pinta.

4 Le « volume de bois mobilisable » estdéfini ici comme la fraction des tiges etbranches dont le diamètre est supérieurou égal à 20 cm.

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pertes dues aux dégâts d’exploita-tion, qui restent toutefois limitéespar rapport au volume de bois surpied total. En ce qui concerne levolume total de biomasse disponible,ce gisement est donc semblable auprécédent, comme le montrent lesrésultats obtenus sur le dispositif deParacou (Demenois et al., 2003).

Une structure irrégulièreet une quantité debiomasse var iable

Toutes essences confondues, lastructure du peuplement est de typeexponentiel décroissant, caractéris-tique des peuplements irréguliers,dominée par les tiges de petit dia-mètre (figure 1). Il en résulte un volumesur pied de l’ordre de 320 m³/ha, avecen majorité des tiges de faible dimen-sion (1,3 m³ en moyenne pour les tigesde diamètre supérieur à 20 cm).

Cette structure diamétrique est unparamètre important pour orienter lechoix du matériel pour la production deplaquettes, car les diamètres extrêmesimpliquent des coûts de mobilisation

plus élevés que les bois de dimensionmoyenne. Les tiges de diamètre infé-rieur à 40 cm, qui représentent plus de45 % du volume total, abaissent la ren-tabilité des opérations d’exploitation(notamment au débardage) ou impo-sent des engins bien spécifiques telsque des porteurs forestiers qui ne sontpas utilisés en Guyane française. Quantaux gros diamètres (supérieurs à80 cm), ils représentent 7 à 8 % duvolume de grumes total et doivent êtrefendus avant broyage.

Par ailleurs, une forte variabilitédes peuplements est observée selonle type de drainage du sol et la locali-sation biogéographique (tableau I).

Un volume moyen de bois mobili-sable de 290 m³/ha en terre ferme pourune biomasse totale (houppier inclus)de 350 t/ha (matière sèche) a donc étéretenu comme base d’analyse.

Enfin, les paramètres de tailledu bois exploitable et ceux de topo-graphie5 conduisent à une réfactiondu volume bois de 10 %, le volumemoyen disponible maximum pourune valorisation du bois énergieétant ainsi évalué à 260 m3/ha.

Origine des gisements

et volumes de biomasseexploitable

Biomasse issue d’uneexploitation forestièremixte (bois d’œuvre

et bois énergie)

La production annuelle degrumes en Guyane française est del’ordre de 65 000 m3. L’exploitationforestière durable est réalisée dansdes forêts aménagées d’environ unmillion d’hectares, incluant deszones de conservation. Le rythme demise en production est d’environ12 000 ha par an.

L’exploitation du bois d’œuvrerepose sur une récolte sélective dedeux à trois tiges par hectare enmoyenne, réalisée selon la techniquedite conventionnelle, qui s’accom-pagne d’une réduction de la surfaceterrière6 du peuplement de 14 % liée àl’abattage et aux dégâts de débardage.À cet impact direct vient s’ajouter lamortalité des tiges abîmées lors del’exploitation forestière, qui représente6 à 9 % de la surface terrière trois àcinq ans après l’année d’exploitation.

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Figure 1.Structure diamétrique et volumes de bois mobilisable par classe de diamètre.

5 Pente maximale de 40 % en zoneexploitée.

6 Indicateur de suivi forestier qui estla surface cumulée des sections desarbres mesurées à 1,30 m de hauteurpour un hectare de forêt (en m²/ha).

Tableau I.Volume de biomasse disponible par type de peuplement (source : Onf Guyane).

Type de peuplement Densité tiges à Volume bois mobilisable Biomasse totale de forêt primaire l’hectare (� > 20 cm) moyen (m³/ha) sèche* (t/ha)

Peuplement de terre ferme 180 à 275 230 à 370 280 à 430

Peuplement de zone marécageuse 120 à 250 175 à 340 200 à 390

* bois mobilisable + houppier et petites tiges supérieures à 10 cm.

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Le gisement de bois énergiequ’il est possible d’extraire des par-celles exploitées pour le boisd’œuvre peut ainsi provenir de deuxsources : la valorisation des boisendommagés et l’exploitation detiges supplémentaires en éclaircie.Actuellement, l’estimation du volumedétruit restant en forêt après exploi-tation est de 228 500 m³ par an, soitde l’ordre de 43 m³ par hectareexploité, dont plus de 80 % du peu-plement reste sur pied et vivaceaprès exploitation.

Une exploitation mixte présentedonc plusieurs intérêts :▪ Récupérer une partie des pertes dematière en forêt pour environ 2 m³par hectare exploité, dont 1 m³ enrécupérant des purges qui pourraientêtre faites sur parc à grumes et valori-sées en bois énergie et 1 m³ supplé-mentaire par l’accroissement desabattages d’arbres que les exploi-tants de bois d’œuvre jugent de« qualité limite ». En principe, la qua-lité de ces grumes devrait permettreque 30 à 50 % du volume soit valo-risé comme bois d’œuvre, le resteétant valorisé en bois énergie.

▪ Récupérer une partie des boisdétruits par l’exploitation pour 22 m³par hectare exploité : les tiges repré-sentent un potentiel d’environ 11 m³par hectare (soit six tiges). Lesessences forestières regroupées sousle nom de « gaulettes » ne sont pasprises en compte car il s’agit de boistrop dur pour être facilement valorisé.Les tiges très endommagées suscep-tibles de mourir à brève échéance(trois à cinq ans) représentent lemême potentiel (Guitet et al., 2009).▪ Mobiliser 15 à 17 m³/ha de bois sup-plémentaire en éclaircie, uniquementprès des pistes de débardage existantespour limiter les coûts de mobilisation etles impacts consécutifs à l’ouverture denouvelles emprises. La mobilisationcomplémentaire serait ainsi réaliséesans dépasser le seuil maximum de pré-lèvement durable estimé à un tiers de lasurface terrière (Gourlet-Fleury et al.,2005), tout en considérant l’augmenta-tion espérée du prélèvement de boisd’œuvre à quatre tiges et demie par hec-tare, ce qui correspondra à une réduc-tion de la surface terrière d’environ23 %. Le prélèvement de six tiges repré-sentant une quinzaine de mètres cubescomplémentaires permettrait de ne pas

dépasser le seuil de 33 % de la surfaceterrière. Le niveau de prélèvement parhectare ne devra pas être trop élevépour assurer la durabilité de l’exploita-tion et la qualité du peuplement (com-position en essences, état sanitaire). Eneffet, une ouverture trop importante dupeuplement peut le déstabiliser et défa-voriser la régénération des espècescommercialement valorisables.

Ainsi, environ 40 m³ par hectareseraient mobilisables en bois énergiesur ces parcelles. Si l’on considère unestabilité de l’activité de la filière, la sur-face exploitée annuellement représenteun potentiel de 240 000 m³. Le Pro-gramme régional de mise en valeurforestière (Anonyme, 2007) prévoit unedynamisation de la filière, en lien avecl’accroissement démographique et lesbesoins en construction. En tablant surun prélèvement de bois d’œuvre de40 m3/ha, le volume total escomptableserait ainsi de 320 000 m3 par an.

Le principal intérêt de cetteexploitation mixte est d’améliorer lagestion durable en dynamisant despeuplements secondaires par uneopération d’éclaircie au profit desarbres d’avenir. L’éloignement desforêts de production du bois d’œuvreest un handicap de poids car la dis-tance moyenne de transport estaujourd’hui de cent quarante kilo-mètres, pistes et routes comprises.

Biomasse issue d’uneexploitation exclusivement

à vocation énergétique

Deux types de scénarios sontenvisageables : ▪ exploitation intensive abaissant levolume moyen du peuplement touten conservant un potentiel de pro-duction élevé qui permette de préser-ver le couvert forestier et de reveniren coupe avec des rotations courtes ; ▪ exploitation en coupe rase (horspente et bord de crique) permettant deconcentrer le prélèvement. Ce scénarione peut s’envisager que dans le cas oùtoutes les essences sont valorisées. Ilimpose d’étudier sérieusement lesquestions de la préservation des solset de la biodiversité et présente denombreuses limites y compris d’image.

Photo 4.Production de charbon de bois à partir des déchets dans une scierie au Gabon. Photo F. Pinta.

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Il n’est donc pas envisagé concrète-ment mais il est ici étudié comme scé-nario témoin pour évaluer la producti-vité théorique de la forêt et calculer lescoûts de mobilisation du bois.

Pour le scénario « exploitationintensive », il s’agira de prélever toutesles tiges exploitables de 40 à 80 cm dediamètre, soit environ 40 tiges à l’hec-tare, ce qui représente 100 m³/ha. Un telscénario se rapproche du traitement 3appliqué sur le dispositif de recherche deParacou avec une réduction de l’ordre de30 % de la surface terrière. L’expériencemet en évidence une production nette de5 à 6 m³/ha/an durant les vingt annéesaprès l’exploitation. Les bois de 25 à40 cm de diamètre ont une densité dansle peuplement et un accroissementannuel moyen de 0,4 cm compatiblesavec le maintien du stock exploitabledans la catégorie 35-50 cm de diamètre.

Les travaux ont montré que levolume de bois sur pied se stabiliseaprès vingt-cinq ans aux environs de200 m³ de grumes par hectare. Ce scé-nario nécessite un contrôle rigoureuxdu débardage, car la fréquence depassage des engins risque de déstruc-turer des sols déjà fragiles, comme lemontrent des études réalisées enAmazonie (Mc Nabb et al., 1997).

Le calcul du volume de bois dis-ponible pour une forêt de 10 000 ha,exploitée tous les vingt-cinq ans parparcelles de 200 ha, dont 50 % de lasurface est exploitable7, aboutit à uneproduction annuelle de 20 000 m³.

Dans le cas du scénario « couperase », la totalité du peuplement seraitexploitée. L’expérience d’Arbocel8

montre que, vingt-sept ans après, lepeuplement reconstitué totalise seule-

ment 130 m³ de grumes à l’hectare,formé à 95 % de tiges de 10 à 40 cm dediamètre. Un minimum de quarante-cinq ans serait nécessaire pour garantirune reconstitution suffisante pour unenouvelle exploitation. Si l’étude del’érosion des sols (Sarrailh, 1990)conclut sur l’absence de risque majeurvis-à-vis de la perte de fertilité du sol etde la qualité des eaux, elle émet cepen-dant des réserves dues à la faiblesuperficie des bassins versants étudiés.Un tel scénario impliquerait une extrac-tion maximum de la biomasse, houp-piers compris, afin de limiter le risqued’incendie. Or, l’utilisation des houp-piers pose un grand nombre de pro-blèmes techniques vus précédemment.

En considérant une productioneffective de 260 m³/ha et une rotationde quarante-cinq ans, 80 ha sont suf-fisants pour une production annuelleéquivalente à la précédente. Au final,le scénario aboutirait à une producti-vité similaire (hors houppiers) à cellede l’exploitation intensive, commel’illustre le tableau II.

Ce scénario ne permettrait doncpas réellement d’intensifier la produc-tion de bois énergie. De plus, l’en-semble des problèmes environnemen-taux posés souligne l’aspect irration-nel qu’il y a à l’envisager. Les estima-tions qui suivent correspondent doncau scénario « exploitation intensive ».Le volume total mobilisable pour legisement en exploitation forestièredurable à vocation énergétique a étéestimé à 125 000 m3 par an en 2007,mais des surfaces supplémentairespourraient être identifiées pourrépondre à la demande future.

Bilan sur les deuxgisements de biomasseforestière pour l ’énergie

Comparativement à l’exploita-tion mixte, le principal intérêt de l’ex-ploitation en forêt à vocation énergé-tique est de limiter la surface mise enexploitation, en plus de la mise enréserve obligatoire de zones nonexploitées pour préserver la biodiver-sité et la fonctionnalité des écosys-tèmes. L’exploitation de la forêt à cesfins devrait ainsi faciliter l’organisa-tion des chantiers, limiter les investis-sements, permettre de réduire letransport du bois, et garantir unegrande régularité dans l’approvision-nement. La forêt s’en trouve par contretotalement transformée dans sa com-position et son fonctionnement.

L’obstacle majeur reste le peude connaissances sur les impacts àlong terme d’une mécanisation inten-sive sur des sols tropicaux sensibles.

Au plan environnemental, pour lesdeux gisements, le niveau modéré deprélèvement et le maintien en forêt deshouppiers et tiges de faible diamètreminimisent l’exportation de matièresminérales et de matière organique, cequi devrait maintenir les caractéris-tiques des sols pour ces éléments. Desrecherches sont cependant à menerpour confirmer cette hypothèse.

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7 Après exclusion des bas-fonds et fortespentes (> 40 %).8 Arbocel (Arbre et cellulose) : expérience decoupe rase de bois, composante de l’étudeEcerex (ECologie, ERosion, EXpérimentation),qui a consisté en l’étude de la mise en valeurde l’écosystème forestier guyanais aprèsdéboisement dans les années 1980.

Tableau II.Calcul de référence pour l’estimation des quantités mobilisables annuellement sur un massif aménagé de 10 000 ha consacré uniquement à la production de bois énergie (source : Onf Guyane).

Scénario Ratio Volume Rotation Surface annuelle Production surface exploitable exploitable nécessaire entre exploitable annuelle sur

/surface totale à l’hectare (m³) deux coupes (ans) sur 10 000 ha 10 000 ha (m³)

Coupe forte 0,5 100 25 200 20 000

Coupe rase 0,4 260 50 80 20 800 (sans les houppiers)

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Itinéraire techniqueet coûts

de mobilisation de la biomasse

Les itinéraires techniques desscénarios d’exploitation des deuxgisements de bois énergie en gestiondurable des forêts ont été élaborés àpartir d’expériences techniques et dedonnées de terrain.

Pour l’exploitation forestière mixte,l’expertise s’est appuyée sur les don-nées actuelles de l’exploitation de boisœuvre, afin de définir des modalitésd’exploitation du bois énergie et d’extra-poler les coûts des unités d’œuvre.Ainsi, l’abattage et le débardage ont étéprévus selon des modalités classiques :abattage manuel à la scie à chaîne etdébardage à la traîne. Les coûts prévi-sionnels sont de 4 euros par mètre cube(€/m3) pour l’abattage avec un rende-ment de 75 à 80 mètres cubes par jour(m3/j) à deux opérateurs et de 17 €/m³pour le débardage avec un rendementmachine de 120 m³/j à deux opérateurs.

Les charges à prévoir en termes degestion forestière sont une usure despistes accentuée compte tenu du tri-plement du prélèvement, mais aussiun contrôle des coupes plus lourd etune intégration de l’objectif dans lesaménagements. À ce titre, un prix dubois énergie de 3 €/m3 sur piedsemble être un niveau raisonnablede rémunération. Au total, le boisrevient à 24 €/m³, soit vingt eurospar tonne, rendu bord de piste.

Quant à l’exploitation en forêtpour le bois énergie, l’itinéraire tech-nique a été établi par référence à lafilière du bois d’œuvre actuelle. Descoefficients de réduction des coûtsont été utilisés pour tenir compte del’intensification des prélèvements etde la plus grande productivité horairedes chantiers. Le coût d’abattage aété défini à 3,5 €/m³, sur la base de110 m³/j à deux opérateurs, et15 €/m³ pour le débardage, sur labase de 200 m³/j à deux opérateurs.

La desserte des parcelles nécessiteun investissement supplémentaireen infrastructure évalué entre trois etquatre kilomètres pour 1 000 ha avecun coût moyen de vingt-six milleeuros par kilomètre de piste. La priseen charge de l’aménagement de cesmassifs, amorti sur les vingt-cinq ansde la durée de rotation, justifie unprix de vente du bois énergie del’ordre de 5 €/m³. Le coût du boiss’établit ainsi à 23,5 €/m³, soit19,6 €/t en bord de piste.

Le tableau III présente le coût decollecte, soit le transport jusqu’à lacentrale et la mise en plaquettes dubois. Les données pour le bois dedéforestation lors de la création despistes forestières sont indiquées carcette ressource pourrait utilement par-ticiper à l’approvisionnement de lacentrale dans l’étude de cas ci-après.L’évaluation de ce gisement a été pré-sentée dans l’article publié dans lesactes de la conférence WasteEngAfrica 2009 (Pinta, Girard, 2009).

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Tableau III.Coût du bois énergie, mis en plaquettes, rendu au silo de stockage (Pinta et al., 2007).

Gisement origine ➝ Exploitation mixte (bois Exploitation forêt Création des Coût des opérations (€/t) d’œuvre et bois énergie) bois énergie pistes en forêt

Achat de la biomasse 3 5 0

Coût de la récolte et mise 17 14,6 10,7en dépôt bord de piste

Transport sur 20 km et mise 12,4 12,4 12,4en plaquettes forestières

Total 32,4 32,0 23,1

Tableau IV.Volumes disponibles par type de gisement dans la zone d’étude à Régina (Pinta et al., 2007).

Éloignement Forêt bois énergie Zone agricole Déforestation Total (m3)centrale (km) + bois d’œuvre création pistes

0-12,5 481 900 0 0 481 900

12,5-25 140 300 95 700 457 600 663 600

Total Régina 622 200 95 700 457 600 1 145 500

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Étude de casd’une centrale decinq mégawatts

à Régina

Dans la zone de Régina, la bio-masse énergie disponible est abon-dante (tableau IV) mais la distance àun poste source du réseau Edf estaujourd’hui élevée. L’étude anticipel’existence future du réseau entreRégina et Saint-Georges-de-l’Oyapock.La localisation de la zone d’exploita-tion retenue est illustrée en figure 2.

Provenance et volumeprévisionnel

de la biomasse

Le tableau IV fournit une indica-tion des volumes par gisement poten-tiel en fonction de leur éloignement res-pectif de la centrale selon des cerclesconcentriques de douze et demi à vingt-cinq kilomètres (km) de rayon.

L’approvisionnement de la cen-trale pourra être assuré à partir debois de récupération sur la créationdes pistes pour 46 % et de bois issusde l’exploitation mixte pour 54 % survingt ans, soit un million de tonnes.Les bois de défriche agricole dans lazone seront mobilisés en substitutionou complément, selon le besoin aumoment de leur disponibilité.

Analyse économique et f inancière

La production annuelle netted’électricité de la centrale étudiée àRégina est calculée à trente-cinq millesept cents kilowattheures (kWh). Lesdonnées de base et les principaux

résultats de l’analyse économique etfinancière sont présentés dans letableau V. Le coût du transport retenuen 2007 à 0,22 €/t/km sur une dis-tance moyenne de 20 km fait ressortirun coût moyen de 4,4 €/t.

Tableau V.Synthèse des principales hypothèses et des résultats de l’étude de cas de Régina (Pinta et al., 2007).

Hypothèse Hausse du prix de Hausse du coût Hausse des référence vente de l’électricité de la biomasse investissements

Montant des investissements (k€) 16 000 16 000 16 000 18 400

Prix d’achat biomasse forestière (€/t) 23,34 23,34 26,34 23,34

Prix moyen de revient plaquette 31,34 31,34 34,34 31,34forestière entrée centrale (€/t)

Prix de vente (€/MWh électrique) 105 160 160 160

Résultat du projet

Taux interne de rentabilité (%) 0 19 16 12

Temps de retour (années) > 20 5 7 8

Prix de revient actualisé à 8 % (€/MWh) 137 137 142 155

Figure 2.Localisation de la zone d’exploitation envisagée à proximité de Régina.

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Le prix de revient varie entre137 et 155 €/MWh électrique, niveauintéressant au regard de ce que sontles coûts de production à partird’énergie fossile en Guyane fran-çaise, proches de 200 €/MWh.Contrairement aux options qui per-mettaient de valoriser principalementdes bois de défriche agricole (Pinta,Girard, 2009), un prix de rachat de105 €/MWh ne permet pas une ren-tabilité du projet. En tenant comptede l’origine forestière du bois, Edfpourrait envisager aujourd’hui un prixde rachat de 160 €/MWh, qui per-mettrait la faisabilité du projet. Deplus, l’étude de sensibilité montreque cette option est très sensible auprix du bois et au coût d’investisse-ment. Même si cette solution énergé-tique présente des impacts socio-économiques positifs pour la région(Anonyme, 2003), elle ne pourraitpas s’envisager sans subvention etsurtout sans une recherche d’accom-pagnement pour définir les condi-tions techniques optimales de mobi-lisation du bois énergie.

Conclusion

L’approvisionnement de cen-trales énergétiques à partir de forêtnaturelle en exploitation durable appa-raît économiquement plausible dansle contexte de la Guyane française. Icicomme dans la plupart des pays fores-tiers tropicaux, l’exploitation durabledes forêts pour l’énergie correspond àune logique de développement écono-mique local. Cette option mériteraitd’être approfondie notamment dansd’autres contextes économiques, l’en-semble des coûts unitaires et particu-lièrement de main-d’œuvre étant trèsélevés en Guyane française.

Une exploitation durable etmaximalisée des forêts naturellesreprésente l’un des leviers pour leurpréservation par rapport à unelogique de défriche à des fins agri-coles. Comme suggéré par les ins-tances internationales telles que laFao, l’intégration de la productiond’énergie dans les opérations fores-tières industrielles permet d’amélio-rer la gestion forestière d’une façoncompétitive et de contribuer à l’atté-nuation du changement climatique.

En outre, l’exploitation forestièredurable mixte s’inscrit clairementdans la logique d’aménagementdurable des forêts tropicales. La pro-duction simultanée de bois énergie etde bois d’œuvre permettra, d’unepart, de diversifier la gamme d’es-sences exploitées et, d’autre part, destimuler la reconstitution de la forêten offrant un potentiel d’améliorationde la production de bois d’œuvre.

Le manque de connaissances etd’expérience sur ce type d’exploitationen forêt naturelle tropicale humide setraduit par un besoin de recherchesnouvelles. L’objectif est d’établir lesméthodologies d’aménagementdurable incluant le bois énergie et lesmodalités pratiques de mise enœuvre, tant en forêt à vocation énergé-tique qu’en forêt à vocation mixte.

Cette logique est déjà en cours enforêt tropicale sèche et largement prati-quée, avec certes des résultats parfoismitigés. Les forêts y sont pourtant trèsfragiles et subissent les impacts répé-tés des incendies, de la sécheresse,ainsi qu’une forte pression anthro-pique caractérisée par une exploitationessentiellement artisanale, peu forméeet ne disposant que de peu de moyenstechniques et financiers.

Il est aujourd’hui temps d’étu-dier comment on peut réaliser uneexploitation durable à des fins énergé-tiques dans des forêts présentant unpotentiel de production bien supé-rieur, sachant que les acteurs écono-miques ont démontré, dans bien desrégions, leur capacité à faire évoluerleurs pratiques pour une gestiondurable des forêts tropicales humides.

Remerciements Les auteurs remercient les personnesavec lesquelles ils ont collaboré pourréaliser ce travail et particulièrementPierre Courtiade de l’Ademe Guyanequi a cofinancé l’étude sur laquelles’appuie ce travail, Florent Ingrassia,Stéphane Guitet et Ambroise Graffinde l’Office national des forêts.

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Photo 5.Bois énergie récupérable lors de la conversion en parcelle agricole (ici en pâturage en Guyane française).Photo F. Pinta.

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