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E FENÊTRE OUVERTE SUR LE MOND I (XVe ANNÉE) FRANCE : 0,70 NF. BELGIQUE : 10 Fr. - SUISSE : 0,80 Fr. X~\ /- ^T Karl von Frisch: PRODIGES DE L'ODORAT CHEZ LES INSECTES

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E FENÊTRE OUVERTE SUR LE MOND

I(XVe ANNÉE) FRANCE : 0,70 NF. BELGIQUE : 10 Fr. - SUISSE : 0,80 Fr.

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Karl von Frisch:

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les murs du temple d'Angkor-Vat, au nord du Cambodge. La premièreville d'Angkor et son grand temple ont été construits par le roi khmer

Suryavarman II (1112-1152). En 1182, Jayavarman VII fonda la nouvelle capitale, Angkor-Thom, et enrichit considérablementAngkor-Vat. Archéologues et ingénieurs de plusieurs pays s'efforcent aujourd'hui de restaurer et de sauver les monumentsd'Angkor menacés par l'effritement et la maladie de la pierre.

UNESCOLe Courrier OCTOBRE 1962

XVe ANNÉE

NUMERO 10

Publié en

8 éditions

FRANÇAISEANGLAISE

ESPAGNOLE

RUSSE

ALLEMANDE

ARABE

U.S.A.

JAPONAISE

NOTRE COUVERTURE

Les abeilles n'ont jamais ces¬sé d'émerveiller les hommes.Mais II y a peu de temps quel'on a pu étudier en détailleurs mécanismes sensoriels.Les travaux de Karl von Frischont révélé leur extraordinairesens olfactif. Ici, une ou¬vrière sauvage rentrant à saruche, dans le creux d'unarbre, les pattes toutes char¬gées de pollen. Voir page 4.

Extrait du film "Secrets of Life",© Walt Disney.

Mensuel publié par :L'Organisation des Nations Unies pour l'Education,la Science et la Culture

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PRODIGES DE L'ODORAT

CHEZ LES INSECTES

par Karl von Frisch

Le Professeur Karl von Frisch,qui a découvert après des an¬nées de recherches les secrets

du « langage » des abeillesnous apporte ¡ci des élémentsd'un intérêt capital concernantl'odorat chez les insectes et

les poissons. Dans le « lan¬gage » même des abeilles,l'odorat joue un rôle important.Il ne s'agit pas (ci-contre) d'unanimal fabuleux mais de l'a¬

beille familière qui vient dedécouvrir sur un arbuste de

nouvelles sources de nectar.

Photo © J. M. Baufle. Paris

L es hommes trouvent certaines odeurs agréa¬bles, d'autres désagréables. L'odeur du bou¬

quet de roses, dans notre chambre, nous plaît. Nul nemettrait chez sol, dans un vase, l'arum qui sent la pour¬riture.

Mais pour les animaux et les hommes, les bonnes et lesmauvaises odeurs ne sont pas les mêmes.

En outre, chez un grand nombre d'animaux, l'odoratest bien plus développé que le nôtre. On sait que leschiens, la truffe à ras du sol, flairent une trace que nousne soupçonnons même pas. On a pu constater, par exem¬ple, que les acides gras, composants importants de lasécrétion de la peau humaine, sont sensibles au chien dansune solution à un millionième de ce qui est sensible àl'odorat humain.

SI l'on tient compte des données anatomiques, il n'y alà rien de surprenant. La cavité nasale où sont localiséesles cellules olfactives est particulièrement développée chezles chiens ; la « muqueuse olfactive » est beaucoup plusétendue que celle du nez humain, et les centres du cer¬veau qui enregistrent et assimilent ces perceptions sontégalement bien plus développés chez le chien que chezl'homme. Et, d'ailleurs, pas seulement chez les chiens.

Car, pour la plupart des mammifères, l'odorat a une plusgrande Importance que la vue, de même que pour ungrand nombre de poissons et certains insectes. L'odorat

détermine leur existence, c'est l'odorat qui les guide, toutcomme la vue nous guide.

Il est nécessaire de nous en souvenir pour compren¬dre le comportement de certains animaux. Prenons unexemple connu depuis fort longtemps, qui n'a cessé depréoccuper les biologistes, et qui a suscité les hypothèsesles plus invraisemblables. Les collectionneurs de papil¬lons savent qu'ils peuvent se procurer nombre de mâlesde bombyx (fort rares) en plaçant, sous une cloche degrillage métallique, une femelle féconde de leur espèce.L'abdomen des femelles de bombyx est pourvu d'uneglande de laquelle émane une odeur, pour nous impercep¬tible. Quand la femelle souhaite la présence d'un mâle, elleretourne cet organe odoriférant, qui répand alors dans lesairs, une odeur attirante. Or, chez les insectes, le sensolfactif est localisé dans les antennes. Tout comme la

muqueuse olfactive de la cavité nasale du chien, particu¬lièrement développée, est un indice anatomique de l'excel¬lent odorat de cet animal, les grandes antennes pennifor-mes des bombyx trahissent un odorat aux facultés parti¬culières. Or, seuls les mâles de ces lépidoptères nocturnessont pourvus de grandes antennes, dont les cellulesolfactives sont innombrables. Tout collectionneur de

papillons sait distinguer au premier coup d'oeil, par leursantennes, les mâles des femelles.

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Ces plumes délicates sont enréalité les antennes d'une mante ;

les mantes ont généralementdes antennes filiformes, mais

cette espèce est pourvue de cesétonnants attributs. Chez les

isectes, le sens olfactif est»lise dans les antennes.

Pholo Í." A B.inds-ri >>t R Brandt. Wellington, r-loiW"ll<" Z¿Und<?

ODORAT CHEZ LES INSECTES (S

L'irrésistible

des

fiançaill

MÉTICULEUSE TOILETTE. Deleurs longues antennes souples, lessauterelles explorent leur chemin,le « flairent » en quelque sorte.Aussi gardent-elles ces organes dansun rigoureux état de propreté.

Photo © A. Bandsma et R. Brandt

Les mâles sont attirés par l'odeur des femelles. L'aspectmême de la femelle ne les intéresse pas. Pour eux, l'odeurseule est la quintessence du charme féminin. On l'aprouvé en faisant subir à une femelle l'ablation de la

glande odoriférante. Son apparence n'avait nullementsouffert de cette petite intervention : à nos yeux, riende changé. On déposa près d'elle la glande odoriférante.Les mâles accourus se détournaient de la femelle et ne

s'intéressaient qu'à la glande; essayant de s'accoupleravec elle.

Autre espèce de papillon de nuit, dont les mâles sontattirés par l'odeur des femelles : le bombyx du mûrier,dont la chenille est le ver à soie, domestiqué depuis desmillénaires par les Chinois. Dans un élevage, on pourvoità la nourriture des chenilles, et l'on procure des femellesaux mâles. A l'abri de leurs ennemis naturels, les bom¬

byx du mûrier se multiplient, mais comme chez d'autresanimaux domestiques, leurs instincts naturels s'étiolent.Si bien que les mâles ne s'envolent plus pour chercher auloin une épouse. A vrai dire, on la leur met pour ainsidire sous le nez, ou, plus exactement, sous les antennes.Aussitôt qu'ils sentent l'odeur séduisante, leurs ailes semettent à trembler, et ils courent au-devant de la femelle.

Les chercheurs ont étudié la composition chimique de

cette odeur. Après vingt ans de recherches, le profes¬seur Adolf Butenandt, prix Nobel 1939, et ses collabora¬teurs, sont parvenus à la préparer, utilisant les glandesodoriférantes, et à en expliquer la composition chimique.Travail ardu, ne serait-ce que parce que la quantité dematière odorante produite par la glande, est infime. Ilfallut 500 000 femelles pour isoler, à l'état pur, douzemilligrammes de matière qui sert à appâter les mâles.Sa nature chimique est simple ; il s'agit d'une composi¬tion appelée alcool non saturé. Une fois la formule connue,on parvint à en produire la combinaison synthétique.Celle-ci s'avère tout aussi efficace que celle que pro¬duit la nature. Une quantité minime, au bout d'un bâtonde verre suffit pour que les mâles s'y précipitent commesur une femelle. Il est donc évident que c'est l'odeur quiattire le mâle vers la femelle.

Dans d'autres espèces, ce sont les mâles qui produisentla matière odoriférante, messagère d'amour. Tel est lecas du bourdon, qui a longtemps gardé les secrets de sesrendez-vous galants ; on les a découverts 11 y a quelquesannées seulement.

On peut observer parfois, par une matinée de printemps,dans une forêt ensoleillée, un bourdon mâle dirigeant sonvol vers le bas d'un tronc d'arbre ; il touche l'écorce par-

ci par-là, puis reprend son vol, et quelques dizaines demètres plus loin, s'approche d'une basse branche et renou¬velle son manège. Il touche le bord des feuilles de ses

mandibules, repart, refait plus loin sa halte singulière,pour revenir à son point de départ après avoir décrit unlarge cercle marqué de repères énigmatiques.

En fait, une glande odoriférante aboutit aux mandibulesdu bourdon mâle, et son étrange odeur nous est percep¬tible. Le bourdon en a marqué certains points de l'écorceet des feuilles au cours de son vol matinal. Après quoi ilva suivre des heures durant, souvent du matin jusqu'ausoir, ce même périple, se posant un instant à chaquepoint marqué, pour y renforcer la marque odorante sibesoin est. D'autres mâles tracent dans la forêt d'autres

cercles semblables.

On a capturé des bourdons, on leur a attaché un insi¬gne multicolore : libérés, ils ont repris leur sempiternelparcours. Quand la faim se faisait sentir, ils butinaientles fleurs de la prairie voisine pour venir à la hâtereprendre leur ronde. C'est que les femelles sentent lestraces odorantes, et attendent en l'un des points signa¬lés le prétendant impétueux.

Cependant, il y a dans une même région plusieurs espè¬ces de bourdons. Or il faut qu'une femelle rencontre unmâle de son espèce. La nature a tout prévu. L'odeur dela glande des mandibules varie selon l'espèce. En outre,les diverses espèces choisissent leur Carte du Tendre dansdes endroits différents. Les unes font leurs marques odo¬rantes sur les basses branches, ou sur les nnuds des racines

à fleur de terre ; d'autres préfèrent les cimes des fron¬daisons ; d'autres encore les tiges des graminées, oul'herbe des prés. L'instinct souffle aux femelles où serendre pour ne point mourir vieille fille.

Ces odeurs attirantes que nous venons d'évoquer serventà la perpétuation de l'espèce. Mais non moins importantest le rôle de l'odorat dans la quête de la nourriture. Par¬lons d'abord du parfum des fleurs. Cette odeur attiranteaide maintes sortes d'insectes à trouver leur subsistance,

tout en assurant la perpétuation des plantes. Coup dou¬ble. L'odeur de la fleur attire les insectes qui trouventdans le calice nectar et pollen. Volant de fleur en fleur,ils transportent le pollen dont ils sont saupoudrés sur lesstigmates des autres fleurs de la même espèce, assurantainsi la fécondation et le développement de la graine.

Butineuses de miel, les abeilles jouent un rôle essentiel.Elles récoltent le nectar, non seulement pour s'en nourrir,

mais pour constituer des provisions d'hiver. C'est pour¬quoi, sans trêve, elles butinent. Autre particularité desabeilles : elles sont « fidèles ». Chacune s'attache à un

genre de fleur déterminé, chose capitale pour l'efficacitéde la fécondation. Mais elles ne peuvent être « fidèles »

qu'en distinguant parfaitement des autres l'espèce choi¬sie. Le parfum, qui varie selon l'espèce, joue un rôle déci¬sif dans leur reconnaissance. De plus, il a encore pourles abeilles une signification tout à fait particulière.

Quand une éclalreuse a découvert une nouvelle sourcede nourriture, par exemple un tilleul en fleurs, elle re¬tourne à la ruche annoncer sa trouvaille en dansant surles alvéoles. Cette danse frétillante annonce à ses compa¬

gnes la distance et la direction de la nouvelle source denourriture. Certaines abeilles entourent la danseuse, trot¬tinent derrière elle et, touchant de leurs antennes le corps

de la messagère, elles sentent l'odeur de tilleul dont ilest imprégné. Puis elles s'envolent dans la direction indi¬quée ; le parfum de la fleur joue donc un rôle Importantdans le « langage des abeilles ».

A l'époque où fleurissent les tilleuls, d'autresfleurs aussi s'épanouissent, pleines de nectar.

La ruche se divise alors en plusieurs équipes de butineu¬ses dont l'une s'attaque aux tilleuls, l'autre aux robiniers,la troisième à d'autres fleurs encore. Et les membres de

chaque équipe reconnaissent immédiatement à l'odeur desdanseuses si le message les concerne, ou s'il s'adresse àune autre équipe.

Les membres de chaque équipe se reconnaissent dans laruche grâce au parfum de fleur qu'exhale chaque abeille,et ces butineuses spécialisées forment entre elles uneétroite communauté. Solidaires au travail, elles le sont

aussi au repos.

Pour nous, les fleurs n'ont pas toutes une odeur agréa¬ble. Certaines espèces empestent. Elles attirent ainsi desmouches habituées à déposer leurs œufs sur la chairputréfiée et qui, humant la nourriture, se trompent...d'adresse. Les dispositifs internes perfectionnés des inflo¬rescences gardent les mouches prisonnières Jusqu'à cequ'elles soient bien saupoudrées de pollen. Puis, libertéleur est rendue. Mais les mouches ne sont pas assez lntel-

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SÉDUCTION ET TERREUR. La femelle du

bombyx du mûrier (dont la chenille est connuesous le nom de ver à soie) est pourvue d'uneglande qui secrète une substance dont l'odeurattire le mâle ( droite). En revanche la peaudes vairons (ci-dessous), petits poissons d'eaudouce, répand à la moindre égratignure une« odeur-épouvantail » qui fait fuir au lointoute la bande. SI bien que le brochet ne peutguère croquer plus d'un vairon à la fois.

Photos ©RH Noailles

ODORAT CHEZ LES INSECTES (Suite)

L'orchidée attrape-nigaudllgentes pour tirer les conclusions de cette désagréableexpérience : attirées par la même odeur de pourriture,émanant d'une autre fleur de la même espèce, elles selaissent berner de nouveau, permettant ainsi la fécon¬dation des stigmates.

Certaines orchidées sont plus perfides encore, l'espèceophrys, entre autres, pour s'assurer d'être fécondées parl'Intermédiaire des Insectes. Les femelles des guêpes

fouisseuses (de l'espèce des gorytes, par exemple) pro¬duisent pour attirer les mâles une odeur spéciale, commeles femelles du bombyx du mûrier. Or les fleurs de l'or¬chidée ophrys ont réussi à Imiter l'odeur des guêpesfemelles. Les mâles attirés se posent sur la fleur, et abu¬sés, tentent de s'accoupler avec elle. Leur illusion durepeu, mais l'attouchement a suffi à féconder la fleur. Chosecurieuse, ces orchidées ne produisent point de nectar.A vrai dire, elles peuvent se passer de cet appât, puisquel'odeur leur suffit à s'assurer le concours de l'insecte.

Chez les mammifères, on sait assez que les matièresodorantes Jouent un rôle de premier plan dans la recher¬che de la nourriture. J'ai signalé le développement excep¬tionnel de l'odorat chez les chiens et d'autres mammifè¬

res. Mais les poissons, eux aussi, ont un odorat très déve¬loppé, ce que l'on Ignore généralement. Leurs organesolfactifs ne jouent pas de rôle dans la respiration, ils nesont utiles qu'au sens de l'odorat.

D es expériences de dressage ont permis deconstater que l'odorat permet à certains pois¬

sons de trouver leur nourriture, et de reconnaître aveccertitude les Individus de leur espèce. Au cours de cesexpériences, les poissons ont été privés du fonctionne¬ment de la vue. De tous, c'est l'anguille qui jouit des meil¬leures facultés olfactives. Son odorat est à peu près aussisensible que celui du chien.

Au cours de leurs grandes migrations, certains poissonsse servent de leur odorat de fort étrange manière. Ainsi

les saumons naissent souvent dans l'eau douce des petitsaffluents du bassin d'un fleuve. Les jeunes saumons, outacons, suivent les cours d'eau jusqu'à la mer, où ils pas¬sent plusieurs années, souvent fort loin de l'embouchure

du fleuve. Leur croissance achevée, ils retournent à l'em¬bouchure. Comment font-ils pour retrouver leur chemin,nous l'ignorons encore. Mais on constata avec étonne¬

ment, après avoir marqué de jeunes saumons, que nonseulement ils atteignent le fleuve, mais aussi la petite

rivière de leur naissance. Du moins l'énigme est-elleaujourd'hui en partie dissipée, car des prélèvementsd'eau faits en diverses parties des cours d'eau ont montré

que l'eau changeait d'odeur. Ce qui s'explique sans doutepar la diversité géologique du lit d'un cours d'eau, et ladiversité de la végétation aquatique. On a pu prouver queles saumons ne retrouvent pas l'affluent natal lorsqu'ilssont privés d'odorat. Ce sont donc des impressions olfac¬

tives de la prime jeunesse qui incitent le saumon adulte àregagner les lieux de sa naissance.

Nous avons vu que des matières odorantes servent par-fols d'appât, mais elles servent souvent aussi d'épouvan-tail. La mouffette, mammifère apparenté à notre blaireau,et dont plusieurs variétés habitent les Amériques du Nordet du Sud. lance contre ses agresseurs un jeu de liquidehuileux, d'odeur infecte, sécrété par ses glandes anales.Un homme atteint par cette singulière émission n'est pas

présentable de sitôt, même après avoir pris un bain etchangé de vêtements.

Nombre d'insectes pratiquent également cette méthodede défense, par exemple, la punaise des bois. Quelquesespèces de couleur voyante sont épargnées par les oiseauxinsectivores, car leurs glandes sécrètent un liquide malo¬dorant. On a découvert récemment qu'elles se défen¬daient, tout comme la mouffette, contre leurs ennemis

les fourmis, par exemple avec le plus grand succès.

Je pourrais multiplier les exemples, mais préfère évo¬quer un cas où l'odeur-épouvantail sème la panique parmiles représentants d'une même espèce.

Je faisais certaines expériences sur le sens de l'ouïechez les poissons. J'avais dressé une bande de vairons àpercevoir des sons produits sous l'eau près de la rive dulac Wolfgang. Je devais contrôler si la bande était atta¬chée à la même aire alimentaire. J'avais donc attrapé un

vairon et sectionné d'un coup d'aiguille un nerf dont ladestruction provoque une coloration très sombre de laqueue, puis remis le poisson marqué à l'eau. Il venaitde rejoindre la bande, quand se produisit un phénomènetout à fait Inattendu. Les petits vairons s'affolèrent, cher¬chèrent refuge sur le fond, se resserrèrent, puis prirent lafuite et gagnèrent le large, en eau profonde. Plusieursjours ils restèrent craintifs, prudents. Ils ne retrouvèrentleur ancienne familiarité qu'avec des distributions denourriture répétées.

Le vairon blessé avait-Il communiqué à ses camaradessa désagréable aventure ? Evidemment, 11 n'en était rien.Un vairon décapité provoqua la même panique, puis un

INSOLITE BERGÈRE. Les fourmisélèvent certains pucerons ou petitsinsectes dont elles sucent les sécrétions.Elles mènent leur bétail à la pâture,

puis le ramène au nid, comme cettebergère encadrant de près un petitscarabée qui va docilement son chemin.

Extrait du film " Secrets of Life " © Walt Disney

A LA MAISON COMME AUX CHAMPS, les abeilles sont d'infatigables travailleuses qui n'ont cessé d'étonnerles hommes. Les abeilles mâles, ou faux bourdons sont nés d'oeufs non fécondés pondus par la reine. Les ouvrièresrèglent la proportion des sexes au sein de la ruche. A gauche, des ouvrières se débarrassant d'une nymphe de fauxbourdon. A droite, une butineuse, qui tout le jour suce le nectar des fleurs avec sa trompe, ou probóscide.

vairon réduit en hachis. Mieux, il suffit d'un extrait filtréde ce hachis pour mettre la bande en fuite.

Je recherchai donc de quelle partie du corps du vaironprovenait cette « matière - épouvantail », et j'en vinsà conclure qu'il s'agissait de la peau. On a essayé d'isolerla substance en question de la peau, sans encore y par¬venir. On sait seulement qu'il s'agit d'une combinaisonsoluble dans l'eau et qui représente une matière odorifé¬rante pour les poissons. Des vairons à l'état normal se

montrent très sensibles à cette substance, mais des vai¬rons privés d'odorat ne manifestent aucun trouble.

L'extrait d'un minuscule morceau de peau suffit à mettreen fuite toute une bande de poissons apprivoisés, ou mêmela quantité infime diffuse dans l'eau à la suite de l'égra-tignure due à une piqûre, comme c'avait été le cas quandj'avais fait pour la première fois cette observation.

Ceci permet d'entrevoir la signification biologique dufait. Car les vairons sont poursuivis par toutes sortes depoissons rapaces, et leur plus grand ennemi est sans doutele brochet. Lorsqu'un brochet attrape et dévore un vai¬ron, la peau délicate du vairon est inévitablement égra-tignée par les innombrables dents pointues du brochet,la substance qui sème l'épouvante se répand dans l'eauenvironnante. Ainsi les vairons des alentours sont avertis

du danger, fuient, et restent un moment sur leurs gardes.Voici donc pourquoi le brochet ne peut pas dévorer tousles membres de la communauté les uns après les autres.

Il était intéressant de savoir si ce phénomène est parti¬culier aux vairons, ou si cette étrange assurance sur lavie se pratique aussi chez d'autres poissons. Des expé¬riences poussées nous apprirent qu'il n'en est rien chezles poissons de mer, tandis qu'elle est très répandue chezles poissons d'eau douce, tout en se limitant à un groupeque les zoologues nomment « ostariophysi ». A ce groupe

appartiennent tous les poissons apparentés aux carpes,c'est-à-dire les cyprlnides, et les silures largement repré¬sentés en Amérique, en Asie et en Afrique. La peau despoissons de toutes ces espèces renferme une « substance-épouvantail » que libère une égratignure de la peau, etdont l'effet sur les représentants de l'espèce est celui quenous avons pu observer chez les vairons. Nous avons puconstater par ailleurs que « la substance-épouvantall »provenant de la peau des vairons agit sur d'autres repré¬sentants de la famille des cyprlnides, mais en s'afïalblis-sant au fur et à mesure que le degré de parenté diminue.Par là même, il devient possible de contrôler les idées deparenté phylogénétique avancées au sujet des ostariophysid'après des données anatomlques.

Où est donc le siège de cette usine chimique qui fabri¬que la « substance-épouvantall »? Des recherches micros¬

copiques récentes nous apprennent que les poissons chezlesquels elle existe ont dans les cellules de l'épidermeune certaine espèce de glandes unicellulaires dont les

autres poissons sont dépourvus. La sécrétion de ces glan¬des ne peut être libérée que par égratignure de la peau.On peut donc supposer que ces cellules glandulaires spé¬cifiques sont la « substance-épouvantall » elle-même,destinée à envoyer à toute vitesse un message d'alerte enguise d'adieu à la bande, quand l'un des siens expire sousles dents d'un poisson rapace.

Karl von Frisch, célèbre zoologue, a reçu le PrixKalinga-Unesco en 1959. Ancien directeur des Instituts dezoologie de Rostock, Breslau, Munich et Gratz. Auteur de

nombreux ouvrages. Citons : « La Vie et les M des gAbeilles », « Dix Petits Hôtes dans nos maisons ». (Editions

Albin Michel, Paris.)

Au grand templed'Abou Simbel

10

Oublié pendant des siècles, enseveli par les sa¬bles, redécouvert en 1813, Abou Simbel n'a pas

encore livré tous ses secrets. Quel dessein mystérieuxavait donc présidé à l'suvre des Ingénieurs qui obéissaienteux-mêmes aux ordres de Ramsès II ? Comment expliquerles curieux phénomènes d'éclairement, qui ne semblentpoints effets du hasard ? Et à quelles fins avait été établiun ordre si singulièrement concerté ?

Alors que I'Unesco mène une vaste campagne pour em¬pêcher que soit à jamais englouti par la montée rapidedes eaux du Nil l'ensemble, unique au monde, des templesd'Abou-Simbel (les numéros de février 1960 et octobre1961 du Courrier de I'Unesco), 11 est intéressant d'étudierde plus près un aspect particulier du Grand Temple,c'est-à-dire la relation existant entre ce sanctuaire etle soleil levant.

La façade est tournée vers l'Est, légèrement déviée sui¬vant une direction Nord-Est/Sud-Ouest ; durant toutel'année, elle reçoit donc à peu près de front les rayonsdu soleil, dès que celui-ci apparaît au-dessus des collinessituées sur la rive opposée.

Le soleil éclaire d'abord la frise de cynocéphales, hautsde deux mètres (ils étaient autrefois vingt-deux), qui bor¬dent la partie supérieure de la façade. Les Egyptiensavalent remarqué que ces singes (hamadryas) ont l'habi¬tude de pousser de grands cris juste avant le lever dusoleil. Dans la mythologie égyptienne, ces animaux devin¬rent ainsi ceux qui, tous les matins, aident à la naissancedu dieu Rê, après son périlleux voyage aux Enfers. Alorsle dieu soleil échange son navire nocturne contre la bar¬que du jour, et reprend sa course triomphale dans unciel immuablement bleu. La cohorte des singes danse deJoie pour célébrer la victoire du soleil sur la léthargiede la nuit.

Quelques instants plus tard, le soleil qui continue às'élever est salué par ce qui semble être sa propre Image :le dieu Rê-Horakhty c'est-à-dire « le soleil qui surgità l'horizon » sculpté dans une niche oblongue, entrela cohorte des singes et la haute porte d'entrée du tem¬ple souterrain. Sa tête de faucon est surmontée du disquesolaire orné du cobra crachant le feu. A gauche et àdroite, le pharaon lui offre le plus beau présent que puissefaire un souverain absolu : l'image de la déesse Maât,déesse de l'équilibre, de la justice et de la vérité.

Mais s'aglt-il bien de Rê-Horakhty ? On distingue soussa main droite un sceptre à tête de chien ouser enégyptien et, sous sa main gauche, les vestiges d'unepetite statue de Maât (difficilement reconnaissable au¬jourd'hui, mais qui figure clairement sur les dessins quiont été exécutés au début du xix' siècle, lors de la re¬découverte du temps). Ces éléments forment, avec le nomdu Dieu lui-même, un rébus qui reproduit le nom que sechoisit Ramsès lors de son accession au trône : Ouser-Maât-Rê. Nous nous trouvons donc ici en présence d'uneIdentification du pharaon au dieu. Exactement commedes milliers d'années plus tard, à Versailles, un autre« roi-soleil », Louis XIV, s'est identifié à Apollon.

Continuant à monter, le soleil éclaire, quelques instantsplus tard, les statues colossales du roi Ramsès (plus de

SUITE PAGE 13

LA DANSE DES SINGES

Quand le soleil apparaît au-dessusde la colline, il illumine la frise de

cynocéphales, en haut de la façadedu temple. Les singes dansent dejoie pour célébrer la victoire dusoleil sur la nuit. C'est le premieracte du jeu énigmatique entre letemple et le soleil, qui a longtempsintrigué les égyptologues.

F^vl LE DIEU SOLEIL

1 ÀQuelques instants plus tard, nouvelépisode dans l'harmonieuse adapta¬tion du symbolisme religieux à lacréation architecturale. Les rayons

HP» du soleil baignent la statue de Rê-Horakhty, dieu du soleil, dans laniche creusée juste au-dessus de

^r ijlW M- l'entrée du temple ; sa tête de faucon| / Jm -t est surmontée du disque solaire

1 1 wÉ á orné du cobra.

1 1 9Photos Unesco Almasy

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AUCDE LA MONTAGNE

Continuant à monter, le soleil éclaire

es quatre statues géantes de Ram¬sès puis, à certaines époques del'année, les rayons pénètrent danse temple pour atteindre enfin le

sanctuaire, à 60 mètres de l'entrée.

Pourquoi les prêtres et les astro¬nomes ont-ils choisi précisément cesite de Nubie pour y creuser leGrand Temple ? La disposition desgaleries et salles au c de lamontagne a-t-elie été conçue enfonction de la course annuelle du

soleil afin que les premiers rayonséclairent les dieux du sanctuaire

à dates fixes ? Mais que signifientdonc ces dates ?

Photo Unesco - Van àçr Haagen

LE SECRET DES PRÊTRES

ET DES ASTRONOMES

par Jan K. van der Haagen

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SOLEIL E TROIS ACTES 11

igné de l'horizon idéal au niveau de l'autel

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APPARITIONS DU SOLEIL

SUR LES COLLINES

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Hauteurs du soleil sur l'horizon :

jusqu'à 4 degrés. Io sanctuaire (B) est éclairé auau-dessus de 54 degrés, les rayons nofranchissent pas le seuil du tel

Grande salle (en A sur croquis ci-contre).

Au fond, le sanctuaire (en B sur croquis).

Spectacle saisissant que l'illumination des sta¬tues des dieux au fond du sanctuaire d'Abou

Simbel, dans les profondeurs du roc. La signifi¬cation religieuse est claire : la lumière divineatteint jusque dans les entrailles de la terre« celui qui est lui-même divinité ». Mais quel estle sens des dates auxquelles se produit le phé¬nomène, en février et en octobre ? Peut-être

a construction même du temple fut-elle liée aujubilé de Ramsès, dans la 30e année de son règne.D'autres éléments indiquent un lien entre letemple et l'existence d'une étoile de la constella¬tion d'Orion qui, en 1260 avant J.-C, se levaità proximité de l'axe du temple. Ces photostémoignent des efforts conjugués des astronomeset des ingénieurs de l'Ancienne Egypte pourque le soleil levant éclaire les colosses de lapremière salle (à gauche), puis atteigne enfinles dieux assis dans le sanctuaire (à droite).Voir « Le Courrier de I'Unesco », oct. 1961.

LE SECRET D'ABOU SIMBEL (Suite;

Photo Institut Géographique National, Paris

Ci-dessous, de g. à dr., assis derrière l'autel : Ptah(jamais éclairé), Amon, Ramsès et Rê-Horakhty.

Des clefs

pour une énigme20 mètres de hauteur), dégagé de ses métamorphoses divi¬nes. Certes, il était d'usage de placer près de l'entrée d'untemple l'image du souverain bâtisseur mais, à Abou-Slmbel, on peut dire que la façade est composée des qua¬tre statues du roi.

Or, entre le moment où il éclaire Rê-Horakhty et lemoment où 11 éclaire les statues de Ramsès en entier, lesoleil levant a atteint l'entrée du temple. Ses premiersrayons éclairent faiblement la partie supérieure du murdu fond de la célèbre salle des statues. Cette salle Jouele même rôle que « la première cour » des temples égyp¬tiens classiques, bâtis en plein air. Elle est divisée en troisnefs par deux rangées de quatre piliers, à chacun des¬quels s'adosse une statue en pied du pharaon. Bien qu'onles désigne en général sous le nom de piliers oslrlaques,elles représentent bien Ramsès et non le dieu Osiris. Sile pharaon tient entre ses mains le bâton recourbé etle fouet attributs traditionnels d'Osirls, souverain del'empire des morts c'est que ces objets sont devenusdepuis longtemps les Insignes de la royauté.

Selon le plan égyptien classique, les passages devien¬nent de plus en plus étroits, les salles en enfilade sont demoins en moins hautes à mesure qu'on avance dans letemple, le sol s'élevant progressivement à mesure que leplafond s'abaisse.

Or, on sait qu'en un lieu donné, quel qu'il soit, le soleilne se lève au cours de l'année que deux fols au mêmepoint. Aussi, dans le temple souterrain d'Abou-Simbel,les jeux de lumière varient-Ils constamment dans les en¬trailles de la terre. Quand approche le solstice d'été, alorsque le soleil se lève au nord de l'axe du temple, le siègeet les jambes de la statue de Ramsès, sur la façade aunord de l'entrée, empêchent les premiers rayons du soleilde pénétrer dans le spéos, et, un peu plus tard dans lamatinée, c'est le linteau de l'entrée qui joue ce rôled'écran.

C e n'est que le 10 septembre que les rayons1 solaires atteignent le visage du premier colosse

de gauche dans la grande salle ; les jours suivants, ilspénètrent plus profondément ; une photo que je pris le6 octobre 1959, montre que les derniers colosses du côtésud étaient les premiers à recevoir la lumière.

Le point culminant du cycle se situe dans la périodedu 10 au 30 octobre, au cours de laquelle les premiersrayons du soleil atteignent la dernière salle, le « saint dessaints », situé à 60 mètres du seuil, au c de la mon¬tagne. C'est alors que se trouvent éclairés, isolément oupar groupes de deux, et totalement ou partiellement, selonle jour, les dieux du soleil assis contre le mur du fond :Amon, dieu solaire de Thèbes, capitale de l'époque ; Rê-Horakhty ; et, assis entre eux, dieu parmi les dieux,Ramsès lui-même. Le dieu Ptah, l'un de ceux qui prési¬dent aux cérémonies funèbres, n'a pas droit, lui, à lalumière divine, et, exception faite de son bras gauche, ilreste constamment dans l'ombre. M. Bonneval, géographeen chef de l'expédition de l'Institut géographique de Pa¬ris, qui a procédé au relevé photogrammétrique de tous lestemples de la Nubie égyptienne, a établi que c'est le 19octobre que le soleil apparaît à l'horizon Juste dans l'axedu temple, et que ses premiers rayons éclairent alors unegrande partie d'Amon et de Ramsès.

Au fur et à mesure que l'automne avance, les premiersrayons du soleil atteignent successivement les colosses ducôté Nord, et, en dernier lieu, ceux qui se trouvent le plusprès de l'entrée. Après le 30 novembre, le soleil est à nou¬veau banni du sanctuaire. Mais moins d'un mois après le

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13

LE SECRET D'ABOU SIMBEL (Suite)

A raffut d'une étoile oubliée

solstice d'hiver, le 20 Janvier, il y pénètre á nouveau et lesphénomènes que nous venons de décrire se produisentdans l'ordre Inverse, en Janvier, février et mars : Amonet Ramsès sont éclairés par les premiers rayons le 21février.

L'éclairement soudain des statues dans les entrailles de

la terre est saisissant. Le sens religieux semble évident :la lumière divine sait trouver Jusque dans les profondeurscelui qui porte en soi la divinité. Dans ces conditions, lesconstructeurs semblant avoir délibérément axé le templesuivant une direction qui n'est pas rigoureusement per¬pendiculaire à la facade dont l'orientation était néces¬sairement déterminée par le plan de clivage de la paroirocheuse n'y a-t-11 pas tout lieu de croire que les datesdu 21 février et du 19 octobre ont une signification parti¬culière ? Mais laquelle ?

Les dates de l'équinoxe de printemps (21 ou22 mars) et d'automne (22 ou 23 septembre)

viennent immédiatement à l'esprit. Pour expliquer le déca¬lage d'un mois, je me suis demandé s'il ne fallait pas son¬ger au phénomène appelé précession des equinoxes. Eneffet, pendant l'année sidérale qui, comme on le sait,comprend quelque 26 000 de nos années ordinaires lespôles célestes décrivent de grands cercles pour revenirfinalement à leur point de départ. C'est ainsi que l'entréede la pyramide de Chéops était orientée, d'après CamilleFlammarion, vers une étoile qui jouait alors le rôle del'étoile polaire. D'une manière analogue, l'axe du grandtemple d'Abou Simbel ne serait-il pas dirigé vers un pointaujourd'hui quelconque mais qui, 13 siècles avant J.-C,lors de la construction du temple, était celui du soleillevant au moment de l'équinoxe ?

L'astronomie devait bientôt me prouver que la préces¬sion des equinoxes ne jouait ici aucun rôle et j'ai donc

' cherché une autre explication : les dates du 19 octobreet du 21 février n'auraient-elles pas eu une significationspéciale dans l'Egypte de Ramsès ? L'éminent égyptolo-gue Louis Christophe, qui a esquissé l'historique de laconstruction du temple souterrain à partir d'une étudedétaillée des figures sculptées sur la façade et des bas-reliefs de l'Intérieur, a conclu que la décoration des par¬ties les plus anciennes avait dû être achevée avant la26° année de Ramsès II, et celle des salles principales,avant la 34" année. Le temple aurait donc été construitvers l'époque du jubilé trentenalre du souverain, lefameux Heb-Sed.

Le Heb-Sed est l'une des principales fêtes de l'Egyptedes Pharaons. Sans doute était-elle une survivance d'une

coutume préhistorique, qui consistait à faire périr engrande pompe de chef de la tribu, de crainte qu'il nedevienne senile et ne nuise à la communauté. Lors de son

jubilé, le pharaon doit prouver qu'il est toujours en pleinepossession de ses facultés, après quoi- on l'intronisecomme son propre successeur.

s;I ELON Louis Christophe, les premières sculpturesd'Abou Simbel apparaissent en quelque sorte

comme un timide début d'identification de Ramsès au dieu

solaire, identification qui va s'affirmant pour devenirtotale lors de la trentième année du règne. Mais quelle estdonc la date exacte du premier jubilé de Ramsès ? Ellesemble inconnue. Cependant, ceux qui le suivirent eurentlieu à des intervalles beaucoup plus brefs, et nous savonsque les cinquième et sixième jubilés de Ramsès, qui régnaprès de 70 ans, furent célébrés les premiers jours du cin¬quième mois de l'année civile de l'Egypte pharaonique. En1260 avant J.-C, ce jour correspondait à notre 22 octobre.

Louis Christophe en conclut que la construction dutemple a été commencée en prévision du Heb-Sed, et que

14 c'est en ce jour solennel que fut déifié le pharaon.On remarquera qu'il y a une différence de deux ou trois

jours entre la date du jubilé royal, établie par L. Chris

tophe et la date à laquelle le soleil se lève dans l'axe dvtemple. Mais peut-être est-il possible de la réduire à urou deux jours.

Voici notre hypothèse. L'astronome de Thèbes ou dtMemphis chargé de déterminer le point exact où le solei:se lève le 22 octobre à Abou Simbel n'avait peut-être pasune connaissance détaillée des lieux ; il y a, en effet1 250 km entre Memphis et Abou Simbel. Aussi, l'astro¬nome a-t-il fort bien pu partir d'un horizon « idéal »situé au niveau même du temple. Mais, en réalité, le soleilse lève à Abou Simbel 5 minutes environ après l'instantoù il franchit l'horizon « idéal », parce qu'il existe sur larive droite du Nil, à 3 300 mètres du temple environ, unechaîne de collines assez hautes qui retarde son lever. Etcomme au mois d'octobre, en ce Heu, l'orbite du soleil faitun angle d'environ 66° avec l'horizon, le premier segmentdu disque solaire apparaît en un point situé un peu plusau sud que celui où le soleil a franchi l'horizon « idéal ».Problème qui se complique encore du fait que la crête descollines est loin d'être horizontale et accuse en particulierune dépression très marquée.

Mais « l'erreur de l'astronome » peut-elle vraiment toutexpliquer ? Même en tenant compte du phénomène quia conduit à l'introduction de l'année bissextile, 11 apparaîtque le jour où le soleil se lève dans l'axe du temple s'esttrouvé décalé de vingt-quatre heures au moins par rap¬port à la date du jubilé. Or, si l'hypothèse de L. Chris¬tophe selon laquelle le temple doit démontrer la déifica¬tion de Ramsès le jour du Heb-Sed est exacte, la date àlaquelle les premiers rayons éclairent pleinement la sta¬tue du roi est beaucoup plus Importante que celle où lesoleil se lève dans l'axe du temple. Ce phénomène se pro¬duit un peu après le 19 octobre, et une photo prise le21 octobre 1961 prouve qu'il en était ainsi à cette date.En tenant compte de la différence d'un jour que nousvenons de mentionner comme « erreur de l'astronome »,cela nous amène à la date du jubilé. Du même coup, lefait que la dépression de la crête des collines ne se trouvepas dans l'axe du temple, mais un peu plus au sud,acquiert une signification particulière. Les 20 et 21 octo¬bre, le soleil semble maintenir le plus longtemps possiblele point de son lever dans le voisinage de la dépression,pour que ses premiers rayons aient le plus de chancespossibles d'éclairer le roi-dieu.

C ERTES, cette explication suppose chez les an-'ciens Egyptiens une grande compétence pra¬

tique et théorique. Nous savons qu'ils la possédaient déjàmille ans avant Ramsès. De plus, une fois calculées lesgrandes lignes de l'ouvrage, il restait aux constructeurs lapossibilité d'y apporter quelques corrections. Ainsi, la lar¬geur des statues leur permettait de préciser le jeu de lalumière (ces statues n'ont pas une largeur identique). Dansce cas, nous devons plutôt admettre qu'aux environs del'an 1260 avant J.-C, le Heb-Sed ne tombait pas le 22 octo¬bre, mais le jour que nous appelons aujourd'hui 21 octobre.

Reste une autre possibilité : examiner le lien possibleentre le temple et les étoiles fixes. Si la précession desequinoxes ne modifie pas au cours des siècles la directiondans laquelle le soleil se lève, il n'en est pas moins vraique l'aspect du ciel étoile était tout différent il y a3 000 ans de ce qu'il est aujourd'hui. On peut donc sedemander si l'orientation de l'axe du temple était liée àl'apparition d'une étoile dont le rôle était important pourles Egyptiens.

M. Bonneval fit à ma demande des recherches dont les

résultats ont été stupéfiants : en effet, .pendant un cer¬tain nombre d'années aux environs de 1260 avant J.-C,une étoile très brillante de la constellation d'Orion se

levait dans le voisinage immédiat de l'axe du temple.

Orion est l'une des rares constellations de l'Egypteancienne que les astronomes d'aujourd'hui aient pu iden¬tifier avec certitude. On connaît bien la série des trois

étoiles brillantes du Baudrier d'Orion, connues depuis dessiècles sous le nom des Rois Mages et dont l'étoile dumilieu celle qui nous intéresse porte le nom arabed'Alnitam.

UN OBSERVATOIRE SACERDOTAL. A l'extrémité nord de la terrasse qui longe le temple de Abou Simbel existe un petitédifice connu sous le nom de «Chapelle de Rê-Horakhty ».Quelle en était la fonction ? Pourquoi son axe fait-il un angle de 3 0 degrésau sud, au lieu d'être perpendiculaire à la terrasse ? En s'appuyant sur de vastes recherches historiques et astronomiques, Jan vander Haagen a pu éclairer cet obscur problème. Il a remarqué que la chapelle était orientée de telle manière que le prêtre officiantpouvait, lors du solstice d'hiver, voir le soleil se lever exactement dans l'axe de l'édifice. Jusqu'ici, rien ne permettait d'affirmerque les Egyptiens tentaient de déterminer les solstices.

Qu'Orion, ou plus précisément les trois étoiles du Bau¬drier, aient joué pour les Egyptiens un rôle Important,nous le savons par le fameux « plafond astronomique »du tombeau de Senenmout, dans la nécropole de Thèbes.Et il ressort de différents textes qu'Orion (Sah pourles Egyptiens) était assimilé à Osiris, dieu de la résur¬rection. « Osiris est revenu en Orion », dit l'un des textesdes pyramides. Or, 11 semble que pour les Egyptiens lelever héllaque de Sah et Sothis (notre Sirius) réglait lecalendrier. Il est évident que le tunnel de 60 mètres delong constitué par le temple était une aide précieuse pourdéterminer le moment où une étoile apparaît pour la pre¬mière fois dans les lueurs de l'aube, car il forme un écranidéal contre les rayons du soleil qui se lève immédiate¬ment après cette étoile. Mais il existe encore une autrerelation, également insoupçonnée jusqu'ici, entre le grandtemple de Abou Simbel et la course annuelle du soleil.

A l'extrémité nord de la terrasse qui longe le grandtemple, terrasse bordée d'une rangée de statues représen¬tant alternativement Ramsès et Horus le Faucon, existeun petit édifice, curieuse construction sans toit, dont lafaçade est rappelle la forme d'un pylône, et qui est connuesous le nom de chapelle de Rê-Horakhty.

Un petit escalier et une porte y conduisent. Au centrede l'édifice se trouve ce que l'on a l'habitude de nommerun autel. Cependant, cet autel n'est pas destiné à recevoirdes offrandes : un escalier de pierre permet d'y monter etle prêtre officiant, entouré de quatre cynocéphales placésaux quatre coins, pouvait observer entre les créneaux unepartie bien déterminée de l'horizon. Les singes et lespetits obélisques dressés au nord et au sud de ce qu'il estconvenu d'appeler l'autel (et qui se trouvent à présent auMusée du Caire) prouvent qu'il s'agit d'un sanctuaireconsacré au soleil.

Or, il y a quelque chose d'étrange dans cette construc¬tion. L'orientation du petit temple est très différente de

celle de la terrasse, et par conséquent de celle du grandtemple : le petit temple est orienté plus au sud.

Quelle en était donc la raison ? Je me suis demandé sil'axe ne pouvait pas être dirigé de telle manière que leprêtre visât exactement le point du ciel où apparaît lesoleil lors du solstice d'hiver. Ce point est situé par rap¬port au nord sous un angle de 116° Les données fourniespar l'Institut géographique de Paris apportent ici encorede précieux éclaircissements : l'axe du petit temple fait,avec le nord, un angle de 118° environ. Différence négli¬geable si l'on songe que l'axe du petit temple n'a quequelques mètres de longueur.

Soulignons enfin que, selon une théorie exposée parMme C Desroches-Noblecourt en 1959 (chaire d'archéo¬

logie égyptienne à l'Ecole du Louvre), la forme extérieurede cette chapelle solaire, qui représente l'aspect d'unpylône, exprime un antique mythe égyptien relatif à lacréation du monde et ce pour célébrer le solstice d'hiveret la renaissance du jeune dieu solaire succédant à Osirls.

Que restera-t-il du Jeu entre le soleil et le temple quandsera réalisé le projet qui consiste à soulever Abou Simbeld'une hauteur égale à celle des tours de Notre-Dame deParis ? La ligne d'horizon à l'est sera un peu plus basseet par conséquent, chaque Jour, les cynocéphales salue¬ront le soleil cinq minutes avant l'instant où ils le saluentactuellement et depuis des siècles. Mais, comme II y a3 200 ans, avec une différence d'un ou deux jours à peine,les rayons du soleil éclaireront à des moments déterminésRamsès et les dieux solaires, et laisseront Ptah dans lesténèbres éternelles.

Jan K. Van der Haagen, ancien chef de la division desMonuments et Musées de I'Unesco, est directeur du Servicepour la Sauvegarde des Monuments de la Nubie. Auteur deplusieurs publications sur l'art du paysage en Hollande auxvir siècle et sur l'iconographie.

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Festin pendant les vendanges (105 m).

NIKO PIROSMANI

Nature morte (petite toile 20 cm x 71,5 cm).

Une belle d'Ortastchal (51,5 cm x 117 cm).

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MAITRE MECONNU

DE LA PEINTURE NAIVE

Toutes les photos, J. GMgendorf, Musée National de Géorgie, Tiflis

Atoutes les époques et dans tous les pays, despeintres ont essayé sans connaissances spé¬

ciales, avec des moyens simples, d'exprimer leur visiondu monde. Ils ne cherchaient pas à se faire reconnaîtrecomme artistes et on ne les tenait pas pour tels, parce queleurs suvres ne répondaient pas aux canons en cours etparce qu'elles n'étaient pas reconnues comme « belles ».

Depuis un demi-siècle, pour la première fois depuis laRenaissance, ont éclaté les règles des académismes plusou moins officiels pour reconnaître l'existence et l'impor¬tance d'arts jusqu'alors méconnus, comme l'art roman,l'art pré-hellénique, l'art océanien, l'art nègre, l'art descivilisations disparues que les archéologues remettent àjour, sans oublier l'art préhistorique.

par Jean A. Keim

L'attention des historiens s'est alors penchée aussi surcette forme de peinture qui a pris en Allemagne le nomde « peinture des csurs simples », aux Etats-Unis et enYougoslavie de « peinture primitive » et dans beaucoupde pays de « peinture naïve ». Ces diverses dénominationsmontrent les difficultés de caractériser ces artistes au

cmur pur, pour lesquels le monde est une merveille à re¬produire, sans se poser de problème, tel qu'il apparaît à

'des yeux ingénus. La formule, qui semble la meilleure, aété lancée par une exposition « les Maîtres Populaires dela Réalité », à Paris.

Le plus célèbre d'entre eux, dont les tableaux sontaujourd'hui recherchés par tous les musées du monde,est un Français, le douanier Rousseau, dont la premièregrande manifestation, l'exposition de 1912 à Paris, suscitales ricanements des critiques d'art en vogue.

D EPUis cette époque, d'innombrables autres ontété découverts, bons et mauvais peintres,

parce qu'il ne suffit pas d'être naïf pour être un grandartiste. L'exposition du Musée d'Art Moderne de NewYork en 1938 nous a présenté un échantillonnage assezlarge.

Aujourd'hui il faudrait des pages pour faire la listede tous ces peintres qui cependant ne se ressemblent pascomme le Suisse Dietrich, le Yougoslave Generalic, leBelge Greffe, la Nicaraguayenne Guillen, le Haïtien Hyp-polite, l'Italien Metelli, l'Américaine Grandma Moses, lePolonais Ociepka, l'Allemand Paps, le Mexicain Pasada,l'Israélien Shalom, le Grec Théophilos, le Péruvien Ur-tiaga, l'Espagnol Vivancos, l'Anglais Wallis.

Chaque jour nous apporte un nouveau nom, plus oumoins valable ; il faut tenir compte aussi de tous ceuxqui n'ont pas signé leurs luvres et que les collectionneurscommencent à rechercher. Beaucoup de peintres, dont la

valeur est indiscutable, n'ont pas encore trouvé la placeà laquelle ils ont droit. Ainsi le peintre populaire géorgienNiko Pirosmanachvili.

Niko Pirosmanachvili est né en 1860 dans un petit vil-

LE CUISINIER (106 x 46 cm). Niko Pirosmani asouvent choisi ses modèles parmi les petites gens dontil partageait l'existence quotidienne. 17

SUITE PAGE 21

PIROSMANI (Suite)

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LES TRAVAUX

LES JOURS

Niko Pirosmani a repris dans son oeuvre lesmêmes thèmes, scènes de la vie rurale ou

artisanale, parfois recomposées . dans desensembles anecdotiques. Ci-dessus, « Les Ven¬danges » : de la cueillette au pressoir. Onremarquera les détails poétiques : au premierplan, le potiron d'automne; à l'arrière plan,à gauche, vol d'oiseaux migrateurs. Ci-contre,« Le millionnaire sans enfants devant la pau¬vresse et ses enfants » (114 cm x 156 cm).Pirosmani peignit sur les supports les plusdivers, bois, fer blanc, toile cirée noire, outre

les murs de boutiques. Ses tableaux, d'une re¬marquable richesse de couleurs, ont souvent detrès grandes dimensions.

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PIROSMANI (Suite)

20L'ACTRICE MARGUERITE. (117 X 94 cm). Il s'agitpeut-être de la « prima donna » d'un opéra de l'époque.

RIPAILLES SOUS LES TC

NELLES. Niko Pirosmani, qui nemangeait pas tous les jours à safaim, a peint souvent des festins,où le portrait s'afiiait à la naturemorte.

Ci-dessus, détail de « Festin pendantles vendanges », tableau reproduiten page 16.

Au fond d'une cave, un homme seulläge de Kakhétie. Orphelin, sans famille, 11 se rend à Tiflis,la capitale où, employé chez de petits marchands, ilapprend seul à lire et à écrire, tout en faisant des des¬sins. En 1882, à l'âge de 22 ans, il s'associe avec un pein¬tre et ouvre un atelier de peinture ; son sens du commerceétait pour le moins médiocre et il est contraint de fermerboutique. Il s'engage comme ouvrier, travaille dans leschemins de fer, ouvre une petite crémerie, une boucherie,mais en vain.

Sans famille, sans amis, il mène une existence difficile,cherchant à gagner sa nourriture en peignant des caves,des restaurants, des enseignes. Il est malade, il trompeson amertume dans l'alcool ; comme le répète le Profes¬seur Doudoutchava : « Il boit pour peindre, il peint pourboire ». La plupart du temps, il n'était même pas payé ;les commerçants lui offraient le boire et le manger et,tout compte fait, il revenait moins cher de demander àPirosmanachvili de décorer un mur de fresques plutôtque recourir à un peintre en bâtiment.

E; 1912, un artiste français de passage, LeiDentu, le découvre, puis les frères Zdanevitch,

peintre et poète de Tiflis. On commence à parler de lui.En 1916, l'Union des Peintres géorgiens s'inquiète de sonsort et charge le peintre Goudiachvili de lui apporter unsecours. Goudiachvili le dépeint « très grand, cheveuxgris, avec sa petite barbe, sa moustache tombante, levisage pâle, un homme fatigué par la vie, mais doux etcalme, le veston sali par les couleurs, le pantalon taché,très pauvre, vivant au fond d'une cave ».

Pirosmanachvili vient un jour au siège de l'Union. Ils'assied, les bras croisés, le regard au loin. Une seule foisil intervient dans la discussion, pour dire : Eh, alors,mes frères, vous savez ce dont nous avons besoin ? Ilfaut construire une grande maison au centre de la ville

pour pouvoir venir tous, acheter une grande table, unsamovar pour boire à loisir et parler de la peinture. »Il ne revint jamais plus. Un journal de Tiflis a publiésa photo, puis sa caricature ; profondément ulcéré, ilavait rompu avec ses confrères.

Deux ans plus tard, l'Union veut l'aider à nouveau ;Pirosmanachvili est recherché, en vain ; il a disparu.Il avait quitté la ville et 11 n'y revint que pour agonisertrois jours dans une cave. Un ami le retrouve, le conduità l'hôpital où il meurt le 5 mai 1917. L'emplacement de satombe est inconnu.

Pirosmanachvili fut un homme Irréprochable, fier, nese plaignant jamais de son sort. Ses uuvres sont sim¬ples, sans fioritures ; il a peint ce qu'il voyait, de façonstatique, avec son amour des hommes, un sentimentdirect et un certain lyrisme ; à travers toutes sesse retrouvent un sens populaire, un sentiment décoratif,une poésie, avec des verts acides, des. jaunes crus, desbleus intenses, sur fond noir.

Il recommence sur commande, les uns après les autres,à traiter les mêmes sujets : Fêtes des vendanges, Noces,Repas bruyants, Ripailles sous les tonnelles, toute cettevie exubérante à laquelle 11 ne participait que bien rare¬ment. Mais dans ces fêtes qui se veulent joyeuses trans¬paraissent toujours la mélancolie et la tristesse quidevaient hanter le peintre. Ses compagnons, des genssimples, lui servent aussi de modèles : le Tavernier, leCuisinier, le Concierge ; il Illumine de sa puissancelumineuse une salle du Musée de Tiflis. Il peint le Nobleseigneur, le Paysan riche, avec la cravache en main et leMillionnaire seul devant la pauvresse et ses enfants, avantde représenter un Meeting de protestation, exprimantainsi d'une façon inconsciente peut-être un sentiment derévolte contre la société qui l'entourait.

Les animaux qu'il aimait tant, 11 ne les oublie point ; 21

SUITE PAGE 24

PIROSMANI (Suite)

IMAGIER DU REEL.

ET DU REVE

Ci-dessus, « Fête religieuse ». Ce tableau, qui a5,30 m de long sur 0,87 m de large, est typique dusimultanéisme descriptif particulier à l'art de NikoPirosmani. Ci-dessous, « Le cabaret », à droite, « Trois

Princes festoyant dans un champ» (détail page 36).

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biches et daims, comme la Biche blessée, ours et oursonscomme l'extraordinaire Ourse sous la lune, lions, aigles,comme l'Aigle et les lièvres, et même la Girafe.

Car 11 peignait aussi ce qu'il ne connaissait pas ; iln'est jamais sorti des environs de Tiflis et voilà qu'il nousapporte des vues extraordinaires du Port de Batoum, uneChasse aux Indes et les Images de la Guerre russo-japo¬naise. Il est possible d'ailleurs qu'il ait trouvé son inspira¬tion dans les gravures populaires naïves et hautes encouleurs que vendaient encore au début du siècle lescolporteurs.

Tout pénétré de l'histoire et des légendes de sa patrie,Pirosmanachvili peint la Tzarine Tamara, le poète natio¬nal Roustaveli, dont 11 traduit en images l'Homme à laPeau de tigre. Enfin, apparaissent dans d'innombrablesNatures mortes les nourritures quotidiennes qui ont sisouvent manqué, le chachllk à la broche, légumes, pois¬sons, sans oublier le verre de vin rouge.

Quoiqu'il soit profondément géorgien, il ne peut seclasser ni dans la peinture de son époque complètementInfluencée par la peinture européenne, ni dans la tradi¬tion des vieilles fresques qui ornent les sanctuaires.

Talent original, il exprimait sans recherches ce que soncdur le poussait à peindre. Après la Révolution, l'UnionSoviétique a commencé à diffuser son En 1930,on pouvait voir ses tableaux à Tiflis, Moscou, Leningrad.En 1938 et en 1960, de grandes expositions lui sontconsacrées dans la capitale de la République géor¬gienne. Il est devenu le héros de nombreux poèmes et àl'heure actuelle, on joue à Tiflis au théâtre Roustaveliune pièce relatant sa vie.

Bien après sa mort, ce peintre « maudit » connaît unsuccès qu'il ne cherchait point et auquel il ne s'atten¬dait pas. Il y a deux ans, on a célébré à Tiflis le cente¬naire de sa naissance et organisé au Musée de Tiflis unegrande exposition rétrospective de ses tuvres. Dansl'Introduction du catalogue, publié à cette occasion,l'académicien Amiranachvili, directeur du Musée de Tiflis,écrit : « Dans l'histoire du nouvel art géorgien d'avant

la Révolution, l'ouvre de N. Pirosmanachvili est une pageintéressante, dont la juste compréhension et la vraieappréciation appartiennent à notre critique d'art sovié¬tique. »

Mais, au-delà de la Géorgie, par son humanité et parson talent, Niko Pirosmanachvili appartient à l'art dumonde entier.

LE CONCIERGE, portrait.

24 Jean a. keim, ancien attaché culturel près l'Ambassadede France à Moscou, est membre de l'Association Interna¬tionale des Critiques d'Art.

BATIR UN AVENIR

POUR LES JEUNES RÉFUGIÉS ARABES

par Richard Greenough

Qu'on l'envisage sous son aspect humain, politi¬que, ou simplement numérique, le problème

posé par l'existence de 1 180 000 réfugiés arabes en Jor¬danie, au Liban, en Syrie et dans la bande de Gazaparaît moins que jamais près d'être résolu. De fait, lesspécialistes reconnaissent qu'il est devenu plus ardud'année en année, et qu'il revêt maintenant un carac¬tère endémique. La situation reste explosive par soncontenu émotionnel.

Cela dit, il n'est que plus réconfortant de voir qu'unetentative délibérée et constructive, vient d'être faitepour rendre ces jeunes à une vie normale en leur don¬nant une instruction et une formation professionnellequi permettront au moins à certains d'entre eux de sub¬venir à leurs besoins.

Il est notamment encourageant de constater que lesréfugiés, en particulier les plus jeunes, accueillent cesefforts avec intérêt, voire avec enthousiasme, et que lesgouvernements arabes des pays d'accueil y contribuentgénéralement en offrant des terres, des services et uneaide financière dont le total se monte à plus de cinq mil¬lions de dollars par an, dont une partie est attribuée àl'U.N.R.W.A.

L'Office de Secours et de Travaux des Nations-Unies

(UNRWA) mène l'action en faveur des réfugiés de Pales¬tine. Il leur a fourni depuis 1950 des denrées alimentaireset des possibilités d'hébergement, en même temps qu'ilmettait à leur disposition des services sanitaires, sociauxet éducatifs. L'enseignement est maintenant dispensé parplus de 4 000 maîtres, sous la surveillance technique deI'Unesco, à plus de 200 000 enfants dans les 398 écolesélémentaires, préparatoires et secondaires installées parl'UNRWA à l'intérieur des 57 camps où sont rassemblés40 % des réfugiés, ou dans les écoles de l'Etat avec dessubventions de l'Office des Nations-Unies.

Les services éducatifs s'améliorent et se déve¬

loppent, partout où il leur est possible de lefaire, en ayant recours à des instituteurs plus nombreuxet mieux formés, en installant de nouvelles classes pouréviter l'enseignement à mi-temps, et en modernisant lesméthodes pédagogiques. Les enfants réfugiés sont assurésde pouvoir suivre les cours primaires pendant neuf ans et,le cas échéant, les cours secondaires pendant trois autresannées.

Mais l'attention se porte surtout maintenant sur desplans à long terme visant à créer des centres de forma¬tion professionnelle et pédagogique. Pour que ces planspuissent se concrétiser et entraîner une réaction enchaîne, leur exécution devra se poursuivre bien au-delàdu mandat actuel de l'UNRWA, qui arrive à expirationen juin 1963. L'Office considère d'ailleurs que la forma¬tion professionnelle n'est pas seulement une préparationà un métier, mais qu'elle constitue une forme d'éduca¬tion secondaire mieux adaptée que l'enseignement tradi¬tionnel à la grande majorité des jeunes réfugiés.

En particulier, grâce surtout aux 4,5 millions de dol¬lars recueillis pendant la Campagne mondiale en faveur

Photo UNRWA

SORTIE DE L'ÉCOLE. Ces fillettes arabes qui rentrentchez elles après la classe font partie des 3 000 enfants quifréquentent les écoles de l'UNRWA et de I'Unesco, aucamp Aqabat Jaber, dans la vallée du Jourdain.

des Réfugiés (1959-1960), un programme de trois ans,dont le coût est évalué à 8 millions de dollars, a été lancéavec les objectifs suivants :

a) développer la formation professionnelle et pédagogi¬que parmi les réfugiés arabes, afin que l'UNRWApuisse former 2 000, et peut-être 2 500 diplômés paran, contre 300 en 1960 ;

b) porter de 90 à 180 le nombre de bourses attribuéeschaque année aux étudiants dans les universités duMoyen-Orient ;

c) améliorer les programmes de l'Office en matière d'édu¬cation élémentaire et secondaire de base, en vue d'ob¬tenir plus facilement ces résultats et de tenir comptedes progrès accomplis par les pays hôtes dans ledomaine de l'enseignement ;

d) poursuivre l'exécution d'un programme modeste deprêts et de dons pour aider les réfugiés qualifiés àmettre à profit, dans leurs propres entreprises, lesconnaissances qu'ils auront pu acquérir.

Les 8 millions de dollars nécessaires à l'exécution de ce

programme seront prélevés sur une majoration de 16 mil¬lions dont vient de bénéficier le budget normal de

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RÉFUGIÉS ARABES (Suite)

NOMBRE DE METIERS et de professions sontenseignés aux jeunes réfugiés arabes dans descentres de formation professionnelle du MoyenOrient, grâce à l'action conjuguée de l'UNRWA etde I'Unesco. Ci-dessus, travail de soudure à l'arc,

au centre de Kalandia où l'on enseigne plus de20 métiers. A gauche, entraînement dactylogra¬phique dans un cours commercial.

Un grand problème d'humanité

l'UNRWA (34 millions de dollars environ) alimenté par lescontributions volontaires de 41 pays.

Il faut cependant noter, en regard, que le nombre desréfugiés s'accroît d'environ 30 000 par an. A mesure queles enfants deviennent adultes, 30 à 35 000 naissancesannuelles viennent, en effet, les remplacer.

Avec le temps, le problème des réfugiés arabes se concen¬tre sur une adolescence dont les effectifs s'accroissent

chaque année. Sur les 1 180 000 réfugiés actuels, la moitiéest constituée par des Jeunes gens de moins de 18 anset, parmi les 600 000 adultes à la charge de l'UNRWA, lestrois cinquièmes ont atteint leur maturité comme réfu¬giés. Jusqu'ici, les adolescents ont rarement eu l'occasionde développer leurs possibilités latentes et ces lacunessont en grande partie à l'origine de l'augmentationconstante des effectifs secourus par l'UNRWA. Encorecet accroissement ne reflète-t-11 pas le caractère tragiquede la situation, si l'on considère ce qu'elle implique detemps passé à ne rien faire, d'espérances déçues, de ta¬lents improductifs, de vies sans horizon.

Mais, pour l'UNRWA, cette situation n'est pas déses¬pérée. Les possibilités que recèlent les jeunes réfugiéspeuvent être mobilisées et mises en valeur. Tel est l'avisexprimé par un Américain, M. John Davis, commissairegénéral de l'UNRWA : « Le programme de trois ans lancépar l'UNRWA ne se propose pas de résoudre le problèmedes réfugiés de Palestine. Il repose plutôt sur le principehumanitaire que les jeunes réfugiés doivent être à mêmed'exploiter les talents innés dont ils ont été si richementdotés... Il ne faut pas oublier qu'en elle-même et par elle-même, la formation spécialisée ne préjuge en rien la solu¬tion qui sera finalement apportée à ce problème. Eneffet, les adolescents qui atteignent leur maturité aurontbesoin de qualifications professionnelles, quel que soit leurHeu de résidence ultime. » Il faut donc remédier à unesituation où les réfugiés voient leurs effectifs grossir, alorsque se font plus rares les possibilités d'accéder au mondeextérieur et d'y réaliser leurs aspirations.

Avec la coopération de I'Unesco, qui a mis à sa dispo-26 sition vingt-quatre experts internationaux des questions

d'enseignement, venus de douze pays, pour contribuer àla formation d'instructeurs arabes, l'UNRWA a établi un

réseau de centres de formation professionnelle et .péda¬gogique dans les quatre pays du Moyen-Orient. Elle apar ailleurs constitué elle-même une équipe de vingt-huitéducateurs internationaux pour ces centres.

Neuf centres fonctionnent déjà. Ils se proposent, aucours de la prochaine année scolaire, de dispenser uneformation à 4 000 jeunes gens, dont 633 filles, et de for¬mer par la suite 2 000 à 2 500 diplômés par an. Sur ce nom¬bre, 1 700 environ acquerront une spécialisation profes¬sionnelle et les autres entreront dans l'enseignement. Lechoix des stagiaires se fait exclusivement parmi les réfu¬giés qui reçoivent de l'UNRWA un secours sous forme derations alimentaires, soit 1 580 calories par jour en été et1 600 en hiver. Sur les 1 180 000 réfugiés recensés, 870 000ont droit à des rations. Les autres n'en perçoivent pass'ils ont un emploi qui leur permet de subvenir à leursbesoins, mais la plupart d'entre eux bénéficient néanmoinsdes services médicaux, sociaux ou autres, organisés parl'UNRWA.

D|ans cette partie du monde où la Bible sert deBaedeker à chacun, les neuf centres de for¬

mation sont situés dans des régions aussi riches en rémi¬niscences historiques que celles où sont installés les campsde réfugiés, Jérusalem, Bethléem, Hebron, Naplouse, Jéri¬cho, Damas, Alep, Baalbek, Tyr, Sidon, ou Gaza.

Les neuf centres sont situés l'un, au Liban, à Siblinprès de Sidon, deux en Syrie, à Homs près de Damas dansle nord du pays, deux dans la bande de Gaza, à Gazamême et à Beth, Hanoum, quatre en Jordanie, dont l'unà Ouadi-Srer, sur les hauteurs qui dominent Amman, lacapitale, un autre à Kalandia et les deux derniers àRamallah, à quelque distance de Jérusalem, sur la routeromaine qui conduit à Nazareth. A Ramallah se trouventle centre de formation d'instituteurs et, depuis septembre1962, une école de formation à la fols pédagogique et pro¬fessionnelle pour les jeunes filles, l'un des premiers éta¬blissements de ce genre au Moyen-Orient. Cette écolepourra par la suite recevoir 633 étudiantes dans d'élégants

Photos UNWRA ÉLÈVE INFIRMIÈRE travaillant au microscope dans un centre de formation de réfugiés.La préparation aux fonctions d'infirmière est donnée vers la seizième année aux jeunes filles;aussi peuvent-elles, si elles ne choisissent pas le métlerd'lnfirmlères, devenir nurses, sage-femmesou travailler dans les services de santé publique.

bâtiments en pierre de taille, située à flanc de coteau dansune olivaie de 8 hectares, prêtée par la ville de Ramallahcontre un loyer symbolique de 1 dinar par an (2,80 dol¬lars) et plantée de 1 050 vieux oliviers.

Vingt-deux cours professionnels, d'une durée d'une an¬née ou plus souvent de deux ans, sont proposés aux gar¬çons, en général pour la menuiserie, le bâtiment, les rele¬vés topographiques, la radio-télévision, l'automobile,l'électricité, la mécanique, la tôlerie, la soudure, les télé¬communications, la comptabilité et les carrières commer¬ciales.

Les cours les plus souvent choisis, puisqu'il y a troiscandidats pour une place, concernent la radio et la télé¬vision, ainsi que la mécanique automobile. Le programmeest fixé par l'Office d'après les renseignements dont ilpeut disposer sur les perspectives d'emploi dans la région.Ils sont donc établis avec une certaine souplesse et peu¬vent être modifiés à la lumière des nouvelles donnéesdisponibles. Nous reviendrons sur cette question à proposdes problèmes de placement.

Les filles ont le choix entre six cours : la sténo¬dactylographie et le travail de secrétariat, appelés « artsde bureau » pour éviter toute idée de concurrence directeavec les cours commerciaux donnés aux garçons, l'éco¬nomie ménagère, domestique et collective, la pédagogiedes tous jeunes enfants, pour les garderies et autres éco¬les maternelles, le dessin de mode et de couture, aux¬quels on a donné le nom assez peu flatteur de confectionde vêtements, la préparation aux fonctions d'infirmière,la coiffure, y compris le métier de manucure ou pédicure.

Cette dernière spécialité pose des problèmes dans lemonde arabe. A ce que m'a dit Mlle Marie Geldens, édu-catrice néerlandaise, désignée par I'Unesco comme prin¬cipal expert pour la formation professionnelle des jeunesfilles, il s'agit surtout de former des coiffeuses qui serendent à domicile, car la conception occidentale du salonde coiffure pour dames n'a été admise que de façon spo-radique dans les pays arabes. Mais, d'après Mlle Geldens,l'idée fait du chemin, et les salons deviendront de plusen plus nombreux.

Le métier d'infirmière est encore assez peu considéré

dans le monde arabe, et les femmes qui dispensent leurssoins aux hommes dans les hôpitaux ont une cote plutôtbasse sur le marché du mariage. La préparation aux fonc¬tions d'infirmière est en conséquence donnée aux jeunesfilles vers seize ou dix-sept ans, l'âge limite d'admissionau centre étant de dix-neuf ans. On espère que, de cettefaçon, si elles ne s'orientent pas vers le métier d'infir¬mière, elles pourront donner des soins aux enfants, devenirsages-femmes, s'employer dans les services de santé publi¬que ou comme secrétaires médicales.

Comme pour les écoles de Jeunes gens, les candi-i datures n'ont pas fait défaut au centre de

jeunes filles de Ramallah. U y a eu, en effet, plus de600 demandes pour les quelque 300 places disponibles cetteannée dans les classes professionnelles et pédagogiques.

L'un des *aspects les plus réconfortants du programmed'enseignement et de formation dispensé par l'UNRWA etI'Unesco, est l'accroissement des effectifs scolaires dejeunes filles à tous les niveaux. Mieux encore, beaucouppoursuivent maintenant leurs études au lieu de les aban¬donner, comme elles le faisaient dans le passé, pour tra¬vailler à la maison ou dans les champs, ou encore pourfaire un mariage précoce.

Comment s'organise le financement de ce programmede trois ans et quelles seront les ressources dont pourrontdisposer les plans de formation professionnelle et péda¬gogique ? La création et l'expansion des centres ont engénéral été financées par les fonds collectés pendant laCampagne Mondiale pour les Réfugiés. Celle-ci a permisde réunir 4,5 millions de dollars, dont 80 % ont été four¬nis par trois pays, les Etats-Unis, le Canada et leRoyaume-Uni. Des dons ont en outre été accordés parles gouvernements de Koweit et du Maroc. Les frais d'en¬

tretien s'élèvent, pour chaque stagiaire, à 500 dollars pourles onze mois de l'année scolaire, dont 3 dollars par moisenviron d'argent de poche.

La formation des 2 000 élèves entraînera des dépensesde 2 millions de dollars en 1962 et 1963. Encouragé par 27

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RÉFUGIÉS ARABES

Quand I'

(Suite)

a le visage de l'espoir

les résultats de la Campagne pour les Réfugiés, M. Davis,directeur de l'UNRWA, a lancé un appel aux organisa¬tions d'entraide, ' aux particuliers, et parfois aux Etats,pour qu'ils « adoptent » des réfugiés en leur offrant desbourses qui leur permettraient de suivre les cours descentres à raison de 500 dollars par élève.

Le résultat a été à la mesure des espérances. Lescontributions sont venues de sources très différentes :

le syndicat américain des ouvriers métallurgistes et leséclalreuses de Finlande, une communauté d'Indiens duCanada et un groupe d'associations bénévoles néo-zélandaises, l'Arablan American Company (ARAMCO) etl'Association du personnel des Nations-Unies, des fabri¬cants de fromage de Gruyère et le Comité d'Oxford pourle Secours aux victimes de la famine.

L'un des aspects essentiels du programme de forma¬tion consiste à trouver un emploi aux élèves. Le place¬ment des instituteurs ne rencontre guère de difficultés.Les écoles organisées par l'Office à l'intention des réfu¬giés ont besoin de maîtres plus nombreux et mieux for¬més. Il existe en outre une demande soutenue de per¬sonnel enseignant dans tout le monde arabe ; récemment,près de 500 élèves-maîtres ont pu, après un stage dansles centres organisés par l'UNRWA avec le concours deI'Unesco, trouver des emplois Immédiats dans les écolespour réfugiés arabes ainsi qu'à Koweit, en Arabie Saou¬dite, à Katar et en Libye.

Quant aux anciens élèves des centres professionnels,dont l'effectif maximum a été jusqu'ici de 300 chaqueannée, Us ont pu trouver les emplois souhaités. L'UNRWAest convaincu qu'un plus grand nombre encore pourraêtre absorbé par les pays du Moyen-Orient, où l'évolu¬tion technique devient de jour en jour plus rapide. Lavéritable épreuve consistera évidemment à placer les 2 000stagiaires qui, pour la première fois, accéderont au mar¬ché du travail l'année prochaine.

D' 'ailleurs, les enquêtes conduites par les ser¬vices de placement de l'UNRWA autorisent un

certain optimisme en cette matière. Dans les divers paysd'accueil, les responsables des plans nationaux de déve¬loppement et les dirigeants de l'industrie privée ont mani¬festé le désir et l'Intention de prendre des réfugiés quali¬fiés pour compléter les effectifs d'ouvriers du pays. EnSyrie, par exemple Mahmoud Hamad, directeur du centrede Damas, où 392 stagiaires pourront être formés, estimeque la Jeune industrie pétrolière syrienne aura besoind'ouvriers qualifiés en nombre croissant. Les servicesd'électricité, de téléphone et d'eau se développent acti¬vement dans les zones rurales et réclament, eux aussi, dupersonnel spécialisé. Une société serait prête à embaucher80 ouvriers plombiers pour ses chantiers de construction,dès qu'ils pourraient être formés.

En Jordanie, Ouadi G. Dides, principal du centre deOuadl-Srer, où peuvent être instruits 404 stagiaires, m'adit que les services officiels étaient prêts à absorber tousles élèves spécialisés dans les télécommunications. D'au¬tre part, les compagnies d'aviation qui étendent leursactivités dans tout le Moyen-Orient demandent de plusen plus de ces spécialistes, ainsi que des ouvriers pour laradio et l'électricité.

C'est aussi à Ouadi-Srer que des industriels d'Allemagneoccidentale auraient affirmé, au cours d'une récentevisite, que leur pays pourrait absorber jusqu'à un demi-million d'ouvriers spécialisés, en particulier dans les sec¬teurs du bâtiment, de l'électricité, de la radio et de lamécanique, sous réserve que leurs qualifications soientsuffisantes. Cette question est suivie de très près.

Au centre de Gaza, qui peut former 369 élèves, le direc¬teur, Abdel Kaher Nagi, m'a dit que l'année dernière les126 élèves formés ont été embauchés en République ArabeUnie, et qu'il espérait obtenir le même résultat cetteannée pour toutes les spécialités. Au Liban, dans la bande

28 de Gaza et en R.A.U. dont Gaza constitue un territoireassocié la situation est un peu plus complexe. Lesréfugiés de Gaza sont autorisés à travailler dans la RJV.U.

s'ils ont un contrat ferme, mais ils ne peuvent entrer dansle pays à la recherche d'un emploi. Toutefois, la R.A.U.s'est mise récemment à offrir aux anciens élèves descentres de formation un grand nombre d'emplois d'ap¬prentis pour compléter leurs qualifications industrielles.Les réfugiés peuvent trouver du travail au Liban, bienqu'ils n'y jouissent pas des droits de citoyenneté.

Il est probable que nombre de stagiaires formés par lescentres devront franchir des frontières pour trouver dutravail, comme c'était déjà le cas dans le passé lorsqu'ilsétaient moins nombreux. Les débouchés les plus immé¬diats seront évidemment les autres pays arabes dont l'éco¬nomie est en vole de développement ou qui possèdent despuits de pétrole.

MAhmad Tuqan, expert jordanien de I'Unescopour les questions d'éducation générale, s'est

récemment rendu dans un certain nombre de pays arabes,en particulier ceux du Golfe Persique, pour s'informer desdébouchés possibles. Il a déclaré à son retour, non sansenthousiasme, que le marché du travail était loin d'êtresaturé et qu'il demeurerait sans doute accessible à tous lesmétiers pendant un certain temps encore.

Il a notamment cité l'exemple de l'émirat d'AbouDhabi, l'un des Etats d'Oman, qui ne comptait guère que15 000 habitants, mais où des gisements pétrolifères ontrécemment été découverts en telle abondance que leurproduction pourrait un jour rivaliser avec celle de Koweit,et qu'elle fournira d'ici un an ou deux un revenu dequelque 150 millions de dollars. Le Cheik Chakhbout estun chef d'Etat éclairé qui envisage d'affecter une largepart de ses nouveaux revenus au développement écono¬mique et social de la population. Ce pays offrira desdébouchés à des instituteurs et à des maçons, à des spé¬cialistes de l'économie ménagère, à des coiffeurs, à dessoudeurs de pipe-lines, à des comptables et à des méca¬niciens automobiles.

Les élèves des centres professionnels doivent obligatoi¬rement apprendre l'anglais et seront ainsi mieux arméspour trouver un emploi dans le monde arabe ou audehors.

Il serait oiseux et d'ailleurs inexact de

supposer qu'en lançant cet ambitieux pro¬gramme de formation professionnelle et pédagogique,l'UNRWA recherche en fait à trouver une solution au pro¬blème des réfugiés palestiniens. Ce n'est pas là l'affairede l'UNRWA et, en tout état de cause, le plan ne permet¬tra de former qu'une faible proportion de réfugiés pour lemoment, même s'il existe un espoir et des perspectivesd'expansion.

Les réfugiés^ sont encore nombreux, après quatorze ans,à demander à pouvoir retourner dans leurs foyers. Cedroit, dont beaucoup pensent qu'il n'est plus possible del'exercer aujourd'hui, est néanmoins reconnu dans lesrésolutions des Nations Unies dans le cadre d'un règle¬ment général et pourrait, selon d'autres réfugiés, êtreabandonné contre réparation.

La Commission de Conciliation envoyée par les NationsUnies en Palestine poursuit ses activités. L'année dernière,elle a retrouvé son énergie pour se faire l'interprète decertains espoirs latents et pour envisager une formule decompromis dont l'avenir paraît bien précaire dans l'étatde tension qui s'est instauré.

On peut dire cependant qu'entre-temps l'UNRWA etI'Unesco cherchent par tous les moyens à rendre auxréfugiés une certaine indépendance économique, tout enéduquant leurs enfants et en donnant une formation auxjeunes gens. Ainsi, quelle que soit l'issue ultime, la nou¬velle génération n'aura pas mûri dans la stagnation etpourra jouer son rôle dans le développement du MoyenOrient.

L'Océan Indien, qui couvre14 % de la surface du globe,est le plus mal connu du monde.Une expédition océanographi¬que internationale essaie depuis1 959 d'en percer les mystè¬res. Ci-contre, de jeunes spé¬cialistes de l'Asie du Sud-Est à

bord du navire de recherches

océanographiques « Stranger ».Photo Unesco-Mattson

Dans

le sillage

de la science

VINGT PAYS A LA DÉCOUVERTE

DE L'OCÉAN INDIEN Par/ /,,/,

U ne pacifique escadre internationale de qua¬rante navires va bientôt appareiller pour un

voyage de découverte de deux ans, vers des régions pres¬que aussi mystérieuses que celles qui attendaient les pre¬miéis navigateurs quand ils s'aventuraient autrefois au-delà de l'horizon.

Ces navires seront ceux de l'Expédition internationalede l'océan Indien, l'entreprise collective la plus ambitieusequi ait jamais été tentée dans le domaine de l'océanogra¬phie, science aussi ancienne que la navigation maritimeelle-même, mais qui pourtant reste aussi jeune et poseautant d'énigmes que l'exploration des grands espacesextra-terrestres. Vingt pays au total prennent part àl'expédition. Déjà depuis 1959 plusieurs navires d'avant-garde croisent dans les eaux de l'océan Indien.

Ces navires de recherches parcoureront tout l'océan.Indien qui, avec ses 72 millions de km2, couvre14 % de la surface du globe, océan si mal connu qu'ona pu parler à son propos, presque sérieusement, de« grands espaces intra-terrestres j>. Les mystères quecette expédition va chercher à percer semblent parfoisavoir été imaginés par un Jules Verne ou un H.G. Wells.

C'est ainsi que dans la seule région nord-ouest del'océan Indien, qui va de la mer d'Oman jusqu'à dix

degrés de latitude sud, les navires s'efforceront l'annéeprochaine de déterminer si les véritables limites géolo¬giques du continent africain sont situées presque aumilieu de la mer d'Oman, ou plus près du rivage, le longd'un talus continental.

D'autres navires étudieront les phénomènes physiquesqui se produisent dans l'océan, afin de découvrir pourquoises eaux semblent devenir soudain mortelles pour les pois¬sons qui le peuplent. En 1957, un navire russe parti deCeylan pour se rendre dans le golfe d'Aden rencontra,flottant sur une étendue de plus de 155 000 km2, unequantité de poissons morts équivalant, d'après les évalua¬tions, au tonnage des prises commerciales mondiales pen¬dant toute une année de pêche.

Au cours d'une opération à la fois maritime et aérienne,l'atmosphère sera transformée en une sorte de vasteprisme ouvert, de plusieurs milles de hauteur, par desavions météorologiques qui décriront des triangles ou despentagones, des observateurs étant postés à la surface deseaux aux endroits fixés pour les changements de direc¬tion, éloignés les uns des autres d'une centaine de milles.On pense que l'écart entre les chiffres relevés à chaqueextrémité du « prisme » fournira des indications sur la 29

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OCÉAN INDIEN (Suae)

Où le courant fait le poisson

circulation de la chaleur et de la vapeur d'eau au-dessusde l'océan. Il s'agit là d'un nouvel effort pour comprendrecomment fonctionne en réalité l'atmosphère terrestre, etdonner des bases plus scientifiques aux prévisions météo¬rologiques.

D'une façon générale, l'océan Indien est un gigantesquelaboratoire pour l'étude des effets du vent sur les cou¬rants. C'est le seul océan où la direction des vents domi¬

nants et en conséquence celle des courants dominantschange deux fols par an, au début de la mousson du

nord-est et de celle du sud-ouest. Les océanographes brû¬lent du désir d'étudier ces renversements saisonniers, carceux-ci sont directement liés à la quantité de poisson queproduit l'océan.

Les courants ont-ils donc quelque chose à voir avec lespoissons ? Certainement, et surtout dans l'océan Indienet les autres mers tropicales, où une couche d'eau super¬ficielle tiède recouvre les couches froides chargées desubstances nutritives et empêche les mélanges normauxde se produire. Les courants provoquent la remontée descouches profondes, et donc celle d' « engrais » sous formede phosphates et de nitrates indispensables à la vie.

L'utilité d'effectuer des recherches de ce genre dansl'océan Indien est d'autant plus évidente que certains despays riverains comptent parmi ceux du monde où lapopulation est le plus dense, et où elle s'accroît à unrythme accéléré, bien supérieur à celui des progrès del'agriculture. Il ne faut donc pas négliger la possibilitéd' « exploiter » l'océan Indien pour en tirer des protéinesanimales.

Un autre aspect des recherches biologiques qui doiventêtre entreprises par l'Expédition Internationale de l'océan

Indien parle plus encore à l'imagination. En 1964, unnavire partira à la recherche de cdlacanthidés. Les pois¬sons de cette famille, dont fait partie le latimeria (csla¬canthe), étaient considérés comme depuis longtemps dis¬parus lorsque les savants apprirent, presque par accident,qu'un spécimen vivant avait été péché dans les eaux afri¬caines en 1938. Les physiologistes souhaitent vivementpouvoir étudier les processus qu'utilisent les calacanthespour éliminer les déchets, ces processus représentant uneétape intermédiaire sur la voie de l'évolution qui aboutitaux poissons actuels.

Tels sont certains des grands projets de l'Expéditioninternationale de l'océan Indien que nous a révélés uneréunion récemment tenue en Grande-Bretagne. Les océa¬nographes venus de la République fédérale d'Allemagne,de France, de l'Inde, du Pakistan, des Etats-Unis et duRoyaume-Uni se sont, en effet, retrouvés au BritishNational Institute of Oceanography, à Wormley, pourcoordonner les opérations prévues dans la partie nord-ouest de l'océan Indien. Us avalent été convoqués par laCommission intergouvemementale d'océanographie, quipatronne l'expédition, conjointement avec le Comitéscientifique de la recherche océanique du Conseil inter¬national des Unions scientifiques (lequel a déjà organiséune autre entreprise conjointe du même genre, l'Annéegéophysique internationale), et I'Unesco.

Le lieu de réunion convenait parfaitement, quoique leBritish National Institute of Oceanography soit installébien au sec dans les vertes collines du Surrey. Construitsur une eminence, c'est un bâtiment de brique rouge, trèssimple, mais il est environné de bouées qui ont subil'épreuve des vagues, de marégraphes, et de rangées de

Carte Service Hydrographique de la marine américaine

30

Photo Unesco - Bill SimmonsFONDS MARINS EN PLASTIQUE. Ce bloc en matière plastique (à droite) montreune section de relief des fonds marins; ¡I est utilisé pour l'étude des profondeurs.A gauche, graphique de relief sous-marin. Des sondeurs à ultra-sons permettentde mesurer à une brasse près (1 m 82) des profondeurs de plus de 5 000 mètres.

barils contenant des ovaires de cétacés (l'une des tâchesde cet institut consiste à évaluer le nombre décroissantdes cétacés qui peuplent les mers du globe).

En examinant de plus près le bâtiment placé dans cecadre bucolique, on découvre des merveilles encore plusétonnantes. Tout au long d'un corridor, les murs, commeceux d'une cave champenoise, disparaissent derrière descentaines d'échantillons d'eau de mer recueillis danstoutes les mers du monde et conservés dans des ampoulesde verre. Une pièce, grande comme un bureau moyen, estoccupée par... la mer du Nord, c'est-à-dire par unemaquette établie selon des procédés mathématiques, aumoyen de laquelle on peut étudier l'effet des marées etdes ondes de tempête sur l'inondation des régions côtièresde l'Europe du Nord.

Deux exemples vont nous montrer clairement commentl'invention de nouveaux instruments a pu transformer lascience océanographique depuis une dizaine d'années.

Le premier est un sondeur à ultra-sons permettant decalculer à une brasse près des profondeurs de l'ordre detrois mille brasses. Il a permis aux géophysiciens d'étudierles grands fonds océaniques constitués par de vastes plai¬nes abyssales dont la pente est presque Imperceptible,puisqu'elle est parfois inférieure à un pour mille. A cesprofondeurs, la marge d'erreur des anciens sondeurs pou¬vait atteindre cinquante brasses, ce qui leur faisait par-fols « voir » une plaine comme une suite de vallées et decollines.

Le second est un appareil permettant de mesurer lavitesse des courants dans les eaux profondes. On peutl'Immerger à une profondeur déterminée, à laquelle ilflotte à la dérive, en émettant un signal radiophonique(d'où son nom anglais familier de « pinger ») qui permetde suivre sa trace. Cet instrument, dénommé aussi«spoutnik sous-marin », a contribué à faire réviser cer¬taines idées depuis longtemps admises sur l'Immobilitédes eaux océaniques aux grandes profondeurs. Il a permispar exemple de déceler, à une profondeur de 4 000 mètres,un courant dont la vitesse atteint vingt milles par jour.

Les activités du British National Institute of Oceano¬

graphy sont dirigées d'une manière- aussi efficace qu'ai¬mable par M. G.E.R. Deacon, qui a aussi présidé laréunion au cours de laquelle ont été étudiées les opéra¬tions à entreprendre dans le nord-ouest de l'océan Indien.A 56 ans, M. Deacon est l'un des océanographes britan¬niques les plus éminents, et il représente parfaitement le

type de savant formé par de longs mois passés en merà recueillir patiemment des observations. L'océanographeparle rarement, et toujours à mi-voix, pour ne pas dis¬traire ses collègues travaillant dans des conditions quirappellent à maints égards les longues traversées à borddes voiliers d'autrefois.

En fait, M. Deacon n'oublie Jamais de rappeler aux ter¬riens que l'étude des vents et des courants était unescience florissante à la grande époque des voiliers, et qu'ona bien eu tort de la négliger après l'avènement de lavapeur. De nos jours, l'océanographie en a repris l'étudeau moyen de techniques modernes, et en particulier del'analyse des vagues. Des renseignements précis sur l'étatde la houle ont permis à certains navires de réduire de10 %, ces dernières années, le temps qu'ils mettaient àtraverser l'Atlantique.

Les océanographes s'intéressent, en général, aux vol-llers^our des raisons qui ne sont pas uniquement senti¬mentales. A l'heure actuelle, par exemple, le trois-mâtsgoélette « Vema », navire de recherches du Lamont Geo¬logical Observatory de Columbia University, croise dansl'océan Indien. A vitesse réduite, ou à la cape, pour per¬mettre les observations, un bâtiment de ce type est sou¬vent plus confortable qu'un navire moderne.

On notera aussi que le nouveau navire de recherchesde l'Océanographie Institution de Woods Hole, « Atlan¬tis II », actuellement en cours de construction aux Etats-Unis, sera propulsé par des machines à vapeur alterna¬tives, et non point par des turbines ou des moteurs diesel.Cette technique « surannée » produit des Interférencessonores moins gênantes pour certaines études, celles quiconcernent la propagation des sons, en particulier. Le nou¬veau navire britannique de recherches « Discovery », quia été lancé en juillet dernier et doit faire une croisièredans l'océan Indien l'année prochaine, utilisera un dieselà transmission électrique ; cette solution a été choisieparce qu'elle permet de résoudre économiquement le pro¬blème des déplacements à faible vitesse. Ces deux navirescomporteront en leur centre un « puits » par lequel onpourra descendre directement les Instruments dans lamer.

Outre.« Atlantis II » et « Discovery », un autre navirede recherches, de 2 200 tonneaux, actuellement en coursde construction dans la République fédérale d'Allemagne. 31

SUITE PAGE 32

OCÉAN INDIEN (Suite)

La vie pullule dans les mers, flore étrange,faune inconnue, recueillies au prix depatients efforts. Ces échantillons accumulésà l'Institut océanographie de Nathrang,Viet Nam exigeront encore des annéesde travail avant de ne plus poser d'énigmesaux biologistes.

Photo Unesco-Pierre A. Pittet

60000 km de montagnessous-marines

prendra part à l'Expédition internationale de l'océanIndien. On voit que cette entreprise permettra de mettreà l'épreuve les bateaux et les techniques océanographi¬ques les plus modernes.

Ces nouveaux navires présentent l'avantage de pou¬voir transporter simultanément des équipes de savantsreprésentant des disciplines différentes, ce qui fait quechacune de leurs croisières équivaut à deux ou trois croi¬sières des bâtiments plus petits que l'on utilisait aupara¬vant. Jusqu'à présent, le plus gros navire qui ait effectuédes recherches dans l'océan Indien est un bâtiment sovié¬

tique, le « Vltyaz », qui jauge 5 700 tonneaux.

Le « Vityaz » a apporté une Importante contributionaux travaux de l'Expédition en 1959 et 1960, lorsqu'il aétudié les couches d'hydrogène sulfuré situées entre 125 et1 000 mètres de profondeur, dans le nord-est de la merd'Oman et le golfe du Bengale. On a également découvertque ces couches étaient les plus pauvres en oxygène detout l'océan, et on se propose de les étudier de nouveauau cours des deux années prochaines, afin de préciser leurInfluence sur la vie marine.

En géophysique aussi, l'Expédition internationale del'océan Indien a déjà permis d'intéressantes découvertes.Citons, par exemple, les résultats obtenus par le navirebritannique « Owen », au cours d'une croisière de neufmois dans le bassin des Somalíes, partie occidentale dela mer d'Oman. Les études portant sur la densité et lemagnétisme dans cette région semblent indiquer que lecontinent africain se prolonge sous la mer jusqu'à plusde trois cents kilomètres au large, dans la direction desSeychelles.

Pour expliquer les résultats de ces études, on a, eneffet, émis l'hypothèse que les épaisses couches sédimen-taires du continent se prolongent sous l'océan. L'annéeprochaine, le nouveau « Discovery » et 1' « Owen » cher¬cheront à déterminer la nature du fond de l'océan danscette région au moyen d'explosions sous-marines. Cesdeux navires prendront aussi des photographies sous-

marines, et s'efforceront de dresser une carte de la dor¬

sale de Carlsberg, qui fait partie d'un système continude crêtes situé en plein océan et comparable à une chaînede montagnes de 60 000 kilomètres de long qui relieraitentre eux les océans de notre globe.

Au total, dix-neuf navires de recherches océanographi¬ques seront à l' dans la partie nord-ouest de l'océanIndien l'année prochaine. Parmi ces navires, il y auraceux de deux pays que les résultats de l'expédition inté¬ressent directement, l'Inde et le Pakistan.

Sur terre, le Pakistan s'occupe de compléter son réseaude marégraphes, et l'Inde a terminé le bâtiment destinéà abriter à Cochin un Centre international de biologie,qui fonctionnera avec l'aide de I'Unesco. C'est là queseront envoyés, pour y être conservés et étudiés, les spé¬cimens recueillis par les navires.

L'expédition a également réussi à s'assurer l'aide denavires marchands et de vaisseaux de guerre qui doiventtraverser la région étudiée et pourront fournir des rensei¬gnements supplémentaires. En mal, juin et juillet 1963,elle bénéficiera d'un « soutien aérien » sous la forme

d'avions météorologiques envoyés par le United StatesWeather Bureau (Bureau météorologique des Etats-Unis)et par l'Océanographie Institution (Institut océanogra¬phique) de Woods Hole.

Les personnes réunies au British National Institute ofOceanography avaient pour tâche de coordonner lesefforts accomplis par chaque pays, afin d'éviter que lescroisières ne fassent double emploi, et d'aboutir à unaccord sur diverses questions, telles que le choix des sta¬tions de référence communes pour les observations rela¬tives aux cotes de niveau, ou l'entretien par un naviredes bouées enregistreuses installées par un autre navire.Us y sont parvenus en procédant avec la simplicité et ladroiture qui caractérisent les océanographes, accoutumésà travailler en haute mer, où les frontières politiques sontInconnues.

32

SERVICE PHILATÉLIQUE DE L'UNESCO

Un timbre des Nations Unies (à droite) rendhommage aux milliers de personnes qui ontsacrifié leur vie à la cause des Nations Unies,

y compris les fonctionnaires chargés de faireobserver les trêves, et le personnel militaire desEtats membres.

Le timbre de Panama (centre en haut) est l'un

de ceux qui ont été émis par les Etats membres

des Nations Unies pour honorer la mémoirede M. Dag Hammarskjoeld. Les 3 autres timbres

émis par la République Arabe Unie, l'Afgha¬nistan et l'Argentine, marquent le 15* anniver¬

saire de I'Unesco (1961). Le même timbre de

la R A U souligne les efforts de I'Unesco poursauver les antiques monuments de Nubie. Tousces timbres peuvent être obtenus au Service

philathélique de I'Unesco, place de Fontenoy,Paris (7"), qui détient, comme agent en Francede l'Administration des Nations Unies, tous lestimbres actuellement en vente.

ARGENTINA

BaBazniJig

NATIONS UNIES

Nos lecteurs nous écrivent

NOUVEAUX PROBLÈMES

COSMIQUES

A propos de la lettre de M. GeorgeSchäfer, publiée dans votre numérode mai : au sujet du double problèmedes facteurs provoquant des maladieslors des explorations cosmiques cequi a peut-être un intérêt pour votrefutur numéro sur la Conquête de l'es¬pace j'ai publié, il y a deux ans, uncourt écho dans un journal américain« Science » (vol. 132, p. 1569, 1960),où je soulignais qu'il était temps d'en¬treprendre des recherches pour parve¬nir à une protection aseptique totale.

Il va sans dire qu'il n'est pas ques¬tion d'élever un jeune enfant dans uneaseptie complète ; mais ceci sembleparfaitement praticable pour lesadultes qui ont développé un complé¬ment d'anti-corps et d'autres méca¬nismes de défense, si bien qu'ils pour¬raient revenir à leur milieu naturel

avec un minimum de danger.

Quant aux maladies de l'espacerapportées sur la terre, il semble qu'ily ait une lacune importante à com¬bler. C'est-à-dire, le ramassage desagents infectieux extra-terrestres, quiselon toutes probabilités existent, pardes engins spécialisés que n'occupe¬raient pas les êtres humains ; agentsrapportés sur la terre aux fins de« bactériologie cosmique » et pourdes examens qui auraient pour but dedévelopper ou de mettre en puvredes mesures défensives. On peut conce¬voir que les maladies cosmiques cons¬tituent un risque grave pour les expé¬ditions cosmiques.

Jack De Ment

Portland, OregonU.S.A.

TRÉSORS RETROUVÉS

Permettez-moi de vous dire com¬

bien l'article sur les « Hymnes perdusde Géorgie » du Dr. Pavle Ingorokva(mai 1962) m'a intéressé. Compositeuret folkloriste, j'ai maintes fois eul'occasion, pendant mes investigationsdans les pays du Moyen-Orient, de mepencher sur un problème analogue,celui de la musique neumatique dela Bible selon la tradition orale des

Juifs séphardis. A ce sujet, j'avaispublié, en 1929, à Alexandrie, unepetite brochure en langue françaiseoù je réunissais sommairement, etsous le titre « La musique de laTorah », les éléments que j'avais purecueillir sur place. Si j'applaudis sansréserves les résultats obtenus jusqu'ici,j'aurais aimé que le Dr Ingorokvanous communiquât également, avec lamême précision que celle de l'étudepubliée, le problème de la rythmiqueou la durée des sons, ainsi qu'il l'afait pour celui de la hauteur et desconséquences modales.

Alberto Hemsi

Aubervilliers

France

AU SECOURS D'ABOU

SIMBEL

Ayant reçu votre publication et vo¬tre appel pour la sauvegarde des tem¬ples de Nubie, j'ai exposé ce problè¬me devant une classe de 6" à laquellej'enseigne l'histoire de l'Orient et dela Grèce. Les élèves de cette classe

ont décidé de contribuer, en prélevantsur leur argent de poche, à protégerles temples de Nubie, et je vous adres¬se en conséquence un chèque de 25NF représentant le produit de cettecollecte.

Ce n'est évidemment qu'une sommebien minime en comparaison du coûtde l'entreprise. Néanmoins je penseque ce geste de petits lycéens fran¬çais sera un témoignage de l'intérêtque suscite cette initiative de I'Unesco.

F. Bedarida

Lycée CarnotParis, France

L'OASIS ENSEVELIE

« U y a quelques années, une oasisverdoyait dans la région de Fort-Flatters au Sahara: Elle est aujour¬d'hui ensevelie par les sables que chas¬sent sans cesse les vents du désert.

Seule émerge encore la tête des pal¬miers (mai 1962). » Pour complétervotre documentation, je me fais unplaisir de vous communiquer unephoto de cette oasis, photo prise en1923. J'ai eu souvent l'occasion de

me rendre dans cette petite oasis,qui se trouvait environ à 5 km dubordj (fort) de Flatters. Vers le centrede l'oasis se trouvait une petite napped'eau qui permettait l'arrosage dequelques légumes (oignons, navets)et plusieurs carrés de « sorgho ». 11y avait également cinq ou six figuierset quelques pieds de vigne. J'avaisremarqué alors que la dune, à droitede la photo, avait déjà ensablé despalmiers et qu'elle s'avançait dansl'oasis. A l'époque, une dizaine defamilles de Touareg vivaient là. Nousétions cinq Français qui vivions à lalimite de l'oasis. La mauvaise qualitéde la photo est due à ce que les pelli¬cules ont été développées à Fort-Flatters même, où l'eau était forte¬ment magnésienne.

V. Mazzoni

Oran, Algérie

PASSIONNANT

Comme je n'ai que quinze ans, j'aidécouvert le Courrier quand j'ai écrit

au ministère des Affaires étrangèrespour me renseigner au sujet du grandbarrage d'Assouan, pour un travailscolaire. Le ministère des Affaires

étrangères m'envoya un numéro duCourrier de I'Unesco, consacré en par¬tie à Abou Simbel. Ce qui me permitde faire mon travail. Aussi ai-je dé¬cidé de m'abonner au Courrier. De¬

puis lors, je suis parfaitement satis¬faite des articles que j'y trouve, carils sont tout à fait variés. Bien quej'espère poursuivre mes études dansle domaine artistique, je sais qu'ilm'est nécessaire d'acquérir des con¬naissances dans le domaine scientifi¬

que, sur les peuples d'autres pays, etles civilisations de l'antiquité, et là-dessus le Courrier fait merveille.

Je souhaite que ceux de mon âgeconnaissent le Courrier. Il est instruc¬

tif sans être barbant, au contraire de

beaucoup de livres de classe.

Dorothy ParkerWirral, Angleterre

TROP CORIACE

Je reçois régulièrement le Courrierde I'Unesco et le Bulletin Orient-Oc¬

cident. J'apprécierais ces publicationssi elles étaient un peu plus populaires.Les articles sont si ardus qu'il est dif¬ficile de trouver le temps de les lireet d'en tirer parti quand on enseignetoute la journée. Nous autres profes¬seurs pouvons rarement trouver letemps de lire autre chose que ce quinous est utile pour nos cours, et leCourrier ne nous offre guère ce genrede lecture.

Sten Rodhc

Malmoe, Suède

LE PALAIS DE LA CONCORDE

Peut-être vos lecteurs seront-ils heu¬

reux d'en savoir davantage sur le Pa¬lais de la Concorde, dont vous avezparlé dans votre numéro de novem¬bre 1961. A la requête d'ambassadesamies, à Washington, un foyer cultu¬rel a été ajouté aux plans de l'édifice.Les six ailes, dont chacune représentel'une des six grandes religions dumonde, seront dédoublées pour sym¬boliser l'art, la science, la musique,la philosophie, la littérature et l'ar¬chitecture. Ces ailes rayonneront au¬tour d'un vaste auditorium, appeléHall des Nations ; ainsi le Palaisexprimera-t-il cette conception de laVérité qui préside à sa réalisation :un diamant à multiples facettes.

Si certains de vos lecteurs souhai¬

tent plus de détails nous serons en¬chantés de les renseigner. Toute cor¬respondance doit être adressée àGreenwich, U.S.A., Box 191.

Judith Hollister

New York

UÄA.

33

Latitudes et Long

VICTOIRES DANS L'E S P A C E.L'Unesco salue deux réalisations

scientifiques de tout premier ordre dans ledomaine de la recherche spatiale : d'unepart, le lancement de Telstar, satellite decommunications, le 10 juillet dernier, et le15 août, le plus long des vols spatiaux. Enpermettant de réaliser la première émissiontransatlantique de télévision, Telstar aouvert une ère nouvelle pour les commu¬nications à longue distance. Le Directeurgénéral de I'Unesco a félicité les Etats-Uniset présenté l'événement comme « une pro¬motion magistrale de la libre circulation del'information, qui donnait de nouvelleschances de compréhension internationale ».Le Directeur général a félicité l'UnionSoviétique de l'exploit des cosmonautesAdrian Nikolaev (2 676 330 km en 94 heu¬res et demie sur 64 orbites) et Pavel Popo-vitch (2 006 845 km en 71 heures sur 48orbites). Cette dernière réalisation de lascience soviétique, dit-il, « marque un bondconsidérable vers l'exploration scientifiquedu cosmos ».

1CEINTURE ROUMAINE. Les Publica¬tions filmées d'Art et d'Histoire, en

accord avec la Commission nationale rou¬

maine pour I'Unesco, présentent une sériede 22 diapositives qui permettent de situerdans l'histoire de l'art européen les euvresde dix peintres roumains du XIX* et duXX" siècle.

CINEMA ET TELEVISION. Le Conseilinternational du Cinéma et de la Télé¬

vision vient de publier, pour la troisièmeannée consécutive, un Calendrier des évé¬nements internationaux du Cinéma et dela Télévision. On y trouvera tous les ren¬seignements sur les festivals, expositions etcongrès qui se dérouleront en 1962, ou sese préparent pour 1963. C.I.C.T., 26, ave¬nue de Ségur, Paris-7'. Prix : 2,50 NF.

SAUVER L'ORYX. Des spécialistes re¬cherchent, dans l'extrême sud du désert

d'Arabie, un animal très rare, l'oryx ouantilope à sabres qui, aux temps bibliques,abondait dans les pays du Moyen-Orient.Les hardes ont été décimées au cours des

siècles au point que, cette année, une recon¬naissance aérienne n'a pu dénombrer que7 bêtes survivantes. Aussi la Société pourla protection de la faune a-t-elle organiséune expédition qui permettra de les sauveret de les transférer dans un site approprié,en Afrique.

"17 N NOUVEAU MINERAI. C'est la

*-J « gagarinite », ainsi nommée en l'hon¬neur du premier des cosmonautes, Gaga-rine. Ce minerai vient d'être découvert parles savants de l'Institut de géologie et deminéralogie de l'URSS. La gagarinite serautilisée pour l'électronique et la métallur¬gie, et peut-être dans la construction desnavires de l'espace.

F ILMS AU MUSEE. En collaboration

avec le Conseil International des Mu-

34 sées, I'Unesco a entrepris le recensementmondial des salles de projection et descinémathèques de films artistiques et cultu

rels faisant partie des musées, en vue d'as¬surer une plus large audience aux filmsdocumentaires et culturels. Ceux-ci pourrontainsi être distribués dans les musées, puisdans les bibliothèques et les universités.

L'INDE ET L'OCCIDENT. Le publicindien sera en mesure de mieux connaî¬

tre les réalisations culturelles de l'Occident

grâce à une galerie d'art que le gouverne¬ment de l'Inde se propose de créer dans leMusée national récemment ouvert à New

Delhi. Ce musée organiserait un programmeéducatif (visites guidées, expositions tem¬poraires, conférences) et deviendrait un cen¬tre d'échanges pour les musées des autrespays d'Asie.

NOUVELLE ECOLE EUROPEENNE.

Elle va être construite à Karlsruhe, ets'ajoutera aux écoles « européennes » déjàexistantes en Belgique, en Italie et auLuxembourg. Elle est, au premier chef, des¬tinée aux enfants des savants qui travail¬lent à l'Institut européen actuellement édi¬fié près de Karlsruhe par l'EURATOM etla Société de Recherches nucléaires.

DES ALPES AUX ANDES. Les monta¬

gnards du Valais (Suisse) ont réponduavec une merveilleuse générosité à l'appelqui leur avait été adressé pour aider lesIndiens montagnards de la région d'Ayaviri,au sud du Pérou. Les fonds réunis servi¬

ront à créer un hôpital, une maternité etdes écoles pour les descendants des Incas.De plus, des infirmières et des techniciensvalaisans se rendront au Pérou pour aiderles Indiens de leur expérience.

SINGULIERE PATIENCE. Un institu¬

teur d'une école primaire de Osaka, auJapon, a donné dernièrement ce travail àses élèves : « Comptez de 1 à 100 mil¬lions. » Les pauvres enfants s'y attelèrent,mais trois heures plus tard ils n'avaientatteint que 4 000. Les parents se plaignirentà la direction et l'instituteur dut s'excuser.

Cette tâche affolante aurait demandé à

chaque enfant de 4 à 5 ans...

INFIRMIERE ELECTRONIQUE. Lessavants britanniques ont inventé un ap¬

pareil qui enregistre le pouls du malade,sa respiration, sa tension et sa température,tous éléments transmis à un panneau decontrôle. S'il ne peut remplacer l'infirmière,du moins l'appareil épargne-t-il au person¬nel des hôpitaux ces tâches routinières.

GAZ POUR L'OURAL. La plus gran¬de conduite de gaz du monde est

construite en U.R.S.S. entre Ghazli (Ouz¬békistan) et l'Oural : c'est-à-dire qu'ellemesure 4 000 km. Le gaz, bon marché,remplacera le charbon dont il fallait jus¬qu'ici pourvoir l'Oural. Pour la premièrefois, on a utilisé pour le transport uneconduite de plus d'un mètre de diamètre.

SOUS LA GLACE. Deux jeunes cher¬cheurs de l'Académie des sciences

tchécoslovaque ont entrepris cet hiver l'ex¬ploration des profondeurs du Danube, afind'étudier l'hivernage des poissons et detourner un court métrage avec une camérade leur fabrication.

PRESSE SCOLAIRE. La presse scolairese développe dans la République Fédé¬

rale d'Allemagne ; il existe en effet570 journaux rédigés et publiés par deslycéens. Une école secondaire sur trois faitparaître régulièrement une revue.

ES INCOMPRIS. Ce sont les termites ;-" il en existe environ deux milliersd'espèces, dont certaines sont bénéfiques.Leur rôle dans le processus de régénérationdes sols est très important. Une réunioninternationale de spécialistes qui s'est ré¬cemment tenue à I'Unesco a été consacréeà la coordination des recherches sur les

caractères et le rôle, parfois moins nuisi¬ble qu'il n'y paraît, de ces singuliers insec¬tes. Les opérations excavatrices d'une termi¬tière peuvent représenter jusqu'à deux ettrois mille mètres cubes de terre.

SUS AU REQUIN! Deux jeunes Aus¬traliens spécialistes de la pêche sous-

marine ont expérimenté une arme efficacecontre leur ennemi mortel dans les mers

chaudes : un harpon hypodermique. L'ai¬guille est sertie dans un cylindre empli depoison. Le tout, fixé au harpon, est projetépar une bande élastique selon le procédéen usage dans la pêche sous-marine. Leharpon hypodermique sera utile notam¬ment pour les équipes de sauvetage.

TSAR MUSICIEN. Ivan le Terrible

était compositeur à ses heures. Desmusicologues soviétiques ont découvert dansles archives d'un monastère des environs

de Moscou deux composées par letsar il y a quatre siècles. L'une a pour thè¬me l'invasion de Tamerlan.

En bref...

| 3 millions de personnes meurent chaqueannée de tuberculose dans le monde, etchaque année apparaissent 3 millions demalades. 15 millions de personnes, croit-on,souffrent de cette maladie.

¡I Quarante-trois pays ont adhéré, jusqu'ici,à la Convention Universelle des Droits

d'Auteur, établie sous l'égide de I'Unesco,assurant ainsi aux étrangères la pro¬tection dont jouissent ¡es nationales.Panama vient d'y adhérer.

Une conférence d'experts réunis auPalais de I'Unesco a établi un plan mon¬dial pour réduire l'analphabétisme desadultes de 50 % en dix ans. On estime

actuellement à 700 millions (la moitié dela population adulte du monde) les per¬sonnes qui ne savent ¡ire, ni écrire.

| Les ingénieurs soviétiques ont foré unpuits de plus de 5 000 mètres de profon¬deur, en Azerbaïdjan, afin d'étudier l'écorceterrestre. Ils ont commencé deux puits quiatteindront 7 500 mètres de profondeur eten projettent de plus profonds encore.

Des répliques de la Bible de Guten¬berg, livre qui fut imprimé en 1455, ontété réalisées aux Etats-Unis ; les deuxvolumes coûtent 750 dollars. Le dernier

exemplaire vendu d'un original de Guten¬berg (dont il n'existe que 47 exemplairesconnus) a atteint 500 000 dollars.

;| Pour la première fois, douze jeunes fem¬mes voilées de Sana, la plus ancienne capi¬tale du Yémen, ont acquis le grade d'in¬firmière auxiliaire. Leur formation a durédeux ans.

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meptionnés entre parenthèses, après les adressesdes agents.

ALBANIE. N. Sh. Botimeve, Nairn Frasheri, Tirana.ALLEMAGNE. Unesco Kurier; Vertrieb, Bahrenfelder-Chaussee 160, Hamburg-Bahrenfeld, CCP 276650.(DM 8). Unesco-Publikationen : R. Oldenbourg Verlag,Unesco-Vertrieb für Deutschland, Rosenheimerstrasse145, Munich 8. AUTRICHE. Verlag Georg Frommeet C, Spengergasse 39, Vienne V. (Seh. 60.-). BEL¬GIQUE. Office de Publicité S.A., 1 6, rue Marcq, Bruxelles,C.C.P. 285,98. N.V. Standaard-Boekhandel, Belgiëlei 151,Anvers. Seulement pour le «Courrier» (100 FB) et lesdiapositives (488 FB) : Louis de Lannoy, 22, Place deBrouckère, Bruxelles. C. C. P. 338.000. BRɬSIL. Libraire de la Fundaçao Getulio Vargas, 186,Praia de Botafogo. Caixa Postal 4081, Rio de Janeiro.BULGARIE. Raznoïznos, I, Tzar Assen, Sofia.CAMBODGE. Librairie Albert Portail, 14, avenueBoulloche, Phnom-Penh. CANADA. Imprimeurde la Reine, Ottawa, Ont. (S 3.00). CHILI« Le Courrier » seulement : Comisión National de la

Unesco en Chile, Calle San Antonio, 255-7" Piso, Santiago.Editorial Universitaria, S. A., Avenida B. O'Higgins 1058,casilla 1 0220, Santiago. (E- 2,40). CONGO. Le Librai¬re, Institut politique congolais B. P. 23-07 Léopoldville.

DANEMARK. Ejnar Munksgaard A/S, Tidsskriftafde-lingen 6, Nôrregade, Copenhague K. (Kr. 1 2). ES

PAGNE. Pour le « Courrier de I'Unesco » : Ediciones

Iberoamericanas, S.A., calle de Oñate 15 Madrid. (Pts 90).Autres publications : Libreria Científica Medinaceil,Duque de Medinaceli. 4, Madrid, 14. - ÉTATS-UNIS.Unesco Publications Center, 80 1, Third Avenue, NewYork 22, N.Y. (3 5). et, sauf pour les périodiques :Columbia University Press, 2960 Broadway, New York27, N.Y. FINLANDE. Akateeminen Kirjakauppa,2, Keskuskatu, Helsinki, (mk. 540). FRANCE. Li¬brairie Unesco, Place de Fontenoy, Paris, C.C.P. 12.598-48. (NF. 7.00). GRÈCE. Librairie H. Kauffmann, 28,rue du Stade, Athènes. HAITI. Librairie «A la Cara¬velle », 36, rue Roux, B.P. Ill, Port-au-Prince.HONGRIE. Kultura, P.O. Box 149, Budapest 62.ILE MAURICE. Nalanda Co. Ltd1., 30 Bourbon Str.,Port-Louis. INDE. Orient Longmans Private Ltd. :17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13. Indian MercantileChamber, Nicol Rd., Bombay I; 36a. Mount Road,Madras 2. Gunfoundry Road, Hyderabad I ; KansonHouse, 24/1 Asaf Ali Road, P. O. Box 3 86, Nouvelle-Delhi. IRAN. Commission nationale iranienne pourI'Unesco, avenue du Musée, Téhéran. IRLANDE.The National Press, 2 Wellington Road, Ballsbridge,Dublin (10/-). ISRAEL. Blumstein's Bookstores,Ltd., 35, Allenby Road and 48, Nahlat Benjamin Street,Tel-Aviv. (I£ 5.50). Libreria CommissionariaSansoni, via Gino Capponi 26, Casella Postale 552,Florence (lire 1.200), et, sauf pour les périodiques :Bologne : Libreria Zanichelli, Portici del Pavaglione.Milan : Hoepli, via Ulrico Hoepli, 5. Rome : LibreriaInternazionale Ulrico Hoepli, Largo Chigi & LibreriaInternazionale Modernissima, via délia Merced e 43,45.Turin : Libreria Paravia, via Garibaldi, 23. JAPON.Maruzen Co Ltd, 6, Tori-Nichome, Nihonbashi, P.O.Box 605 Tokyo Central, Tokyo (Yen 670). LIBAN.Librairie Antoine A. Naufal et Frères B. P. 656, Bey¬routh. LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück,22, Grand'Rue, Luxembourg. MAROC. Centre de

diffusion documentaire du B.E.P.I., 8, rue Michaux-Bellaire, Boite postale 21 I, Rabat. (DH : 7, 17). MAR¬TINIQUE. Librairie J. Bocage, Rue Lavoir B.P. 208.Fort-de-France. (N.F. 7,00). MEXIQUE. Editorial.Hermes, Ignacio Mariscal 41, Mexico D. F., Mexique.($18 M. mex.). MONACO. British Library. 30, Biddes Moulins, Monte-Carlo (NF. 7,00). NORVÈGE.A.S. Bokhjornet, Lille Grensen, 7, Oslo. Pour le « Cour¬rier » seulement : A.S. Narvesens. Stortingsgt. 4, Oslo.

(Kr. I 3,20). NOUVELLE-CALÉDONIE. Reprex, Av.de la Victoire, Immeuble Paimbouc, Nouméa (I 30fr.CFP).PAYS-BAS. N.V. Martinus Nijhoff Lange Voorhout 9,La Haye (fl. 6). POLOGNE. « RUCH » Ul. Wiloza Nr.46, Varsovie 10 (zl. 50). PORTUGAL. Dias & An-drada Lda, Livraria Portugal, Rua do Carmo, 70, Lisbonne.

ROUMANIE. Cartimex, Str. Aristide-Briand 14-18,P.O.B. 134-135, Bucarest. - ROYAUME-UNI. H.M.Stationery Office, P.O. Box 569, Londres S.E.I. (10/-).SÉNÉGAL. La Maison du livre. 13, av. Roune Dakar,

SUÈDE. A/B CE. Fritzes, Kungl. Hovbokhandel,Fredsgatan 2, Stockholm, 16. Pour «Le Courrier»seulement : Svenska Unéscoradet, Vasagatan 15-17,Stockholm, C. (Kr. 7.50). - SUISSE. Europa Verlag, 5,Ramistrasse, Zürich. C.C.P. Zürich VII) 23383. Payot,40, rue du Marché, Genève. C.C.P. 1-236. Pour « LeCourrier» seulement : Georges Losmaz, I, rue des Vieux-Grenadiers. Genève, CCP 1-481 I (Fr. S 8). TCHɬCOSLOVAQUIE. Artia Ltd. 30, Ve Smeckich, Prague2. TUNISIE. Société Nationale d'édition et dediffusion, 10, rue de Russie, Tunis. TURQUIE.Librairie Hachette, 469, Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istanbul.

U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Moscou, G-200.URUGUAY. Unesco Centro de Cooperación

Científica para América Latina, Bulevar Artigas 1320-24,Casilla de Correo 859, Montevideo (20 Pesos). VIET-NAM. Librairie Papeterie XuanThu, I 85- 1 93, rue Tu-Do,B.P. 283, Saigon. YOUGOSLAVIE. JugoslovenskaKnjiga, Terazije 27/1 I, Belgrade.

UN PEINTRE A DÉCOUVRIR

Il y a 45 ans mourait, inconnu, un peintre de Géorgie,Niko Pirosmanachvili, dit Pirosmani. Bien que son nom etson auvre soient, aujourd'hui encore, insuffisammentconnus en Union Soviétique, et à peu près ignorés ailleurs,

il mérite que lui soit accordée sa juste place parmi lesgrands maîtres de la peinture naïve. Ci-dessus « LePrince », détail du tableau « Trois Princes festoyant dansun champ », reproduit en page 23.