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PROCEDURE CIVILE Capa Année judiciaire 2013-2014

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PROCEDURE CIVILE

Capa

Année judiciaire 2013-2014

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Une meilleure connaissance des règles régissant la procédure civile, la compétence des cours et tribunaux, les mesures conservatoires et les voies d’exécution, ainsi que les règles d’organisation judiciaire, éviterait bien des problèmes aux avocats – et par voie de conséquence, à leurs clients – en cours de procédure, outre qu’elle leur procurerait un gain de temps appréciable. Sans doute cette meilleure connaissance du droit judiciaire ne permettra-t-elle pas d’éviter systématiquement tous les pièges de la procédure. Il est indiscutable que de tels pièges existent. Les vrais pièges sont toutefois peu nombreux et ce qui est très généralement présenté comme un piège de la procédure se révèle souvent n’être que la conséquence d’une erreur commise en raison d’une méconnaissance des règles générales du procès civil. Les raisons de cette méconnaissance sont sans doute multiples. Elles doivent, pour partie, être trouvées dans l’enseignement de la procédure civile à l’Université. Ce ne sont pas tant les cours qui sont ici en cause que le moment où ils sont dispensés. Le problème tient aussi, certainement, à la difficulté pour des étudiants – comme pour de jeunes avocats – de percevoir de façon concrète la portée des règles de procédure civile qui leurs sont enseignées alors que, par hypothèse et sauf exception, ils n’ont jamais eu l’occasion de connaître personnellement une mise en pratique de ces règles. Dans ces conditions, une notion aussi simple pour les praticiens que le renvoi au rôle devient une notion très abstraite pour l’étudiant. Une autre origine à ce problème doit également être trouvée dans le fait que les avocats ont, à juste titre, tendance à concentrer leur pratique dans les domaines du droit qui ont leur préférence et/ou dans lesquels ils se sont spécialisés. En général, ces avocats maîtrisent ces matières. Néanmoins, sauf pour les avocats qui pratiquent exclusivement le conseil, à un moment ou à un autre vient la nécessité de mettre en œuvre ses connaissances juridiques dans le cadre d’une procédure judiciaire contentieuse impliquant alors la parfaite maîtrise du droit de la procédure, outre celle des branches du droit régissant le fond du litige. Il y a donc pour l’avocat qui pratique le contentieux un passage obligé par la procédure civile. Il serait dès lors légitime de penser que tout avocat pratiquant le contentieux civil soit spécialisé dans ses matières de prédilection et, en outre, en procédure civile. Force est de constater qu’en pratique, tel n’est pas le cas. Au-delà du présent cours dispensé dans le cadre de la formation obligatoire du CAPA, il faut donc encourager le praticien à faire une place de choix à la procédure civile dans le cadre de sa formation permanente.

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I. LA CONSULTATION

Préalable nécessaire du "procès civil" sensu stricto.

1. Préparation de la consultation avant de recevoir le client

- au téléphone, vérifier l'urgence (date de fixation, délai de recours, etc.) ; - éventuellement demander au client de communiquer les pièces (à tout le moins les

plus importantes) avant l’entretien ; - vérifier les éventuelles incompatibilités ;

2. Entretien avec le client - consultation orale

- Ecouter le client - poser des questions : par exemple, succéder à un confrère, pièces

manquantes, photos, témoignages écrits, vérifier l'éventualité d'une couverture d'assurance (CAS, responsabilité familiale, etc.) ;

- Consultation sur le fond, sans oublier les aspects pratiques (exemples : problèmes de langue, assistance d'un conseil technique ou d'un confrère spécialisé) ;

- Elaboration d'un plan d'action avec le client (négocier, mettre en demeure, interroger un tiers, etc.) ;

- Prendre des notes précises comprenant les coordonnées complètes du client (adresse, téléphone, fax, etc.) ainsi que de la personne qui prendre en charge les honoraires si ce n’est pas directement le client ; prendre les coordonnées de la partie adverse ;

- Aborder la question des frais et honoraires et donner toute indication utile portant également sur le coût des frais de justice à exposer ; vérifier si le client ne peut pas bénéficier en tout ou en partie de l’aide juridique ; Voir règlement de l’OBFG des 15 octobre 2001 et 26 juin 2003 de l’OBFG sur

l’obligation d’information et le recueil professionnel en matière juridique. - Informer le client sur la question de l’indemnité de procédure ;

Attention, il ne faut pas croire le client sur parole. Il va raconter le litige de son point de vue subjectif et, sauf exception, ce n’est pas un professionnel du droit. L’avocat est responsable des procédures qu’il introduit : c’est sa responsabilité professionnelle mais aussi sa réputation qui est en jeu. L’avocat est par nature indépendant, il n’est donc pas obligé de faire tout ce que le client lui demande. Il est parfois difficile de conserver son indépendance face à un client dont l’avocat est économiquement dépendant. Il faut y être attentif. Il appartient à l’avocat de se faire son opinion du dossier : voir les pièces, les étudier, demander les preuves des faits avancés par le client, etc. Les clients ont du mal à comprendre qu’il faut toujours des traces, des pièces, en un mot : des preuves. C’est à l’avocat qu’il appartient d’apprécier la pertinence et/ou l’importance des pièces à produire. C’est à l’avocat (et non au client) de faire le tri entre ce qui sera produit et communiqué et ce qui ne le sera pas. L’avocat doit par ailleurs impérativement comprendre les pièces qu’il reçoit de son client et qu’il entend produire. S’il ne les comprend pas, il doit demander des explications, au

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client ou à un tiers spécialisé. L’avocat doit toujours maîtriser les pièces qu’il produit, ce qu’il dépose et communique et sur quoi in fine il va plaider. Ce n’est qu’après une étude complète et raisonnée du dossier qu’il peut donner un premier avis à son client. Une partie n’est pas obligée de produire en justice toutes les pièces qu’elle détient. On ne doit produire que ce qu’on souhaite communiquer au juge à l’appui de la demande ou de la défense. Il faut faire attention, car on peut être obligé de produire une pièce qui est évoquée dans une autre pièce (par exemple un courrier auquel il est répondu). La communication des pièces peut être partielle. Elle ne peut pas être déloyale. Il ne faut pas produire des extraits ou parties de pièces incomplets.

3. Consultation écrite

- fait suite à une consultation orale, après examen du dossier - ou comme première consultation, si le dossier a été transmis par courrier, - conception et rédaction : . faire la synthèse des faits et sérier les problèmes en droit, . envisager tous les aspects et donner une conclusion claire et pratique (pronostic

avec réserve), - nécessité d’une consultation écrite en cours de dossier : à tout moment délicat du

dossier et en cas de difficulté imprévue, même si le client ne la sollicite pas.

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II. LES DEMARCHES PREALABLES AU PROCES 1. Négociations

Peuvent se situer à différents stades, dont immédiatement après la consultation.

a) A l'intervention de qui ?

- entre avocats, en présence des parties (attention à la confidentialité) ou hors la

présence des parties, ou avec une partie en personne qui n'a pas consulté d'avocat, soit :

. par correspondance (confidentialité, étendue du mandat donné par le client) ; . au cours d'une réunion - préparation, déroulement (prévoir une marge de

manœuvres, possibilité de se retirer avec son client), - du juge ou de l'expert (P.V. de conciliation) - v. ci-après. b) Finalisation - par un échange de correspondance, qui perd son caractère confidentiel, ou par une

convention ; - négociations en cours de procès : conciliation devant le juge ou devant l'expert -

procès-verbal de conciliation, jugement d'accord ou jugement de désistement (cf. infra).

2. Mise en demeure

- distinguer suivant que l'adversaire a ou n'a pas d'avocat, - généralement adressée à la partie adverse (plus exceptionnellement à l'avocat - cf.

lettre officielle), - rédaction : être précis (le cas échéant formuler des réserves) viser une obligation de

faire ou une obligation de payer (via le compte carpa), - constitue le point de départ des intérêts moratoires (le cas échéant, calculer les

intérêts conventionnels), - langue (voir emploi des langues en matière judiciaire), - par courrier recommandé et / ou par courrier ordinaire Attention aux dispositions de la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur applicables aux avocats. Loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur applicables aux avocats1. Le recouvrement amiable (c'est-à-dire toute forme de recouvrement à l'exclusion du recouvrement "en vertu d'un titre exécutoire ») de créances contre un consommateur (càd, toute personne physique ayant acquis un bien ou bénéficié d’un service totalement ou

1 Pour un commentaire de la loi, voy. C. Biquet-Mathieu, "La loi du 20 décembre 2002 relative

au recouvrement amiable des dettes du consommateur", J.T., 2003, 669

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majoritairement à titre privé), est soumis à des dispositions légales impératives. La loi du 20 décembre 2002 est une loi de police. Cette loi est de première importance car le non-respect de celle-ci est sanctionné pénalement (art. 15 § 1er)2. Elle est donc de nature à engager la responsabilité civile de l’avocat. La loi fixe des obligations formelles strictes : 1°) Nécessité d’une mise en demeure écrite préalable Tout recouvrement amiable d'une dette à charge d'un particulier doit commencer par une mise en demeure écrite, adressée au "consommateur" (article 6, § 1er). Le mode de communication n’est pas défini par la loi. L’usage du recommandé n’est donc pas obligatoire (mais néanmoins hautement souhaitable). La communication écrite peut donc se faire par courrier, fax ou email (art. 2281 CC). La mise en demeure doit être adressée au consommateur, ce qui peut poser problème lorsque l’avocat est informé de l’intervention d’un confrère. Il est en effet d’usage de s’adresser directement au confrère et de s’abstenir de contacter directement la partie adverse. L’application de la loi impose d’adresser la mise en demeure au consommateur tout en veillant à en assurer une communication concomitante au confrère. 2°) Mentions obligatoires Sous peine d’éventuelles sanctions pénales (art. 15 § 1er), l’article 3 impose à l’avocat de faire figurer les mentions suivantes dans les mises en demeure aux consommateurs :

- l'identité, l'adresse, le numéro de téléphone et la qualité du créancier originaire - la description claire de l'obligation qui a donné naissance à la dette - la justification des montants réclamés au débiteur en ce compris les dommages-

intérêts et les intérêts moratoires réclamés - la mention d'un délai qui doit être au minimum de quinze jours entre l'envoi de la mise

en demeure et l'exercice "d'autres mesures de recouvrement" - l’insertion dans un alinéa distinct de son courrier en caractère gras et dans un autre

type de caractère la mention "Cette lettre concerne un recouvrement amiable et non un recouvrement judiciaire (assignation au tribunal ou saisie)".

Comme cette disposition est sanctionnée pénalement, il ne fait pas de doute que son non-respect rend la mise en demeure nulle. Une telle nullité peut avoir un impact important sur l’ensemble de la procédure. 3°) le délai d’attente de 15 jours Sans vouloir entrer dans des polémiques au sujet de la définition des « autres mesures de recouvrement », rien n’interdit d’entreprendre des mesures conservatoires de la créance. 4°) les actes interdits

2 les sanctions civiles prévues par la loi ne sont pas applicables aux avocats (C. const. n°

99/2010 du 16 septembre 2010)

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L’article 3 § 2 de la loi énonce une série d’actes de recouvrement interdits (harcèlement, menaces, etc.). Il va sans dire que ces comportements constituent des manquements graves aux obligations déontologiques de l’avocat. Cette disposition est donc citée pour mémoire. L’interruption de la prescription par la mise en demeure par lettre d’avocat (art. 2244 § 2 CC) La loi du 23 mai 2013 insère un § 2 à l’article 2244 du code civil aux termes duquel la mise en demeure envoyée par l'avocat du créancier, [par l'huissier de justice désigné à cette fin par le créancier ou par la personne pouvant ester en justice au nom du créancier en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire], interrompt la prescription et fait courir un nouveau délai de prescription de maximum un an3, sans toutefois que la prescription puisse être acquise avant l'échéance du délai de prescription initial. Cet effet interruptif concerne les mises en demeure adressées à des débiteurs résidant ou domiciliés en Belgique. Ce mode d’interruption de prescription ne vaut qu’une seule fois. Il ne porte pas atteinte autres modes d'interruption de la prescription. 1°) Conditions formelles

- La mise en demeure doit être faite obligatoirement par envoi recommandé avec accusé de réception.

- L'avocat du créancier doit s'assurer des coordonnées exactes du débiteur par un document administratif datant de moins d'un mois (consultation du registre des personnes physiques via l’OBFG, consultation du fichier de la Banque Carrefour des Entreprises)

- En cas de résidence connue différente du domicile, l'avocat du créancier doit adresser une copie de son envoi recommandé à ladite résidence. L’envoi recommandé avec AR n’est pas prévu pour la copie.

2°) Contenu de la mise en demeure Pour interrompre la prescription, la mise en demeure doit contenir de façon complète et explicite (sic) les mentions suivantes :

- les coordonnées du créancier : s'il s'agit d'une personne physique, le nom, le prénom et l'adresse du domicile ou, le cas échéant, de la résidence ou du domicile élu conformément aux articles 36 et 39 du Code judiciaire; s'il s'agit d'une personne morale, la forme juridique, la raison sociale et l'adresse du siège social ou, le cas échéant, du siège administratif conformément à l'article 35 du Code judiciaire;

- les coordonnées du débiteur : s'il s'agit d'une personne physique, le nom, le prénom et l'adresse du domicile ou, le cas échéant, de la résidence ou du domicile élu

3 Si le délai de prescription prévu par la loi est inférieur à un an, la durée de la prorogation est

identique à celle du délai de prescription. Par ailleurs, l’effet interruptif n’est possible que si la créance n’est pas encore prescrite.

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conformément aux articles 36 et 39 du Code judiciaire; s'il s'agit d'une personne morale, la forme juridique, la raison sociale et l'adresse du siège social ou, le cas échéant, du siège administratif conformément à l'article 35 du Code judiciaire;

- la description de l'obligation qui a fait naître la créance;

- si la créance porte sur une somme d'argent, la justification de tous les montants réclamés au débiteur, y compris les dommages et intérêts et les intérêts de retard;

- le délai dans lequel le débiteur peut s'acquitter de son obligation avant que des mesures supplémentaires de recouvrement puissent être prises;

- la possibilité d'agir en justice pour mettre en œuvre d'autres mesures de recouvrement en cas d'absence de réaction du débiteur dans le délai fixé;

- le caractère interruptif de la prescription provoqué par cette mise en demeure;

- la signature de l'avocat du créancier 3°) Date de l’interruption de la prescription L'interruption de la prescription intervient au moment de l'envoi de la mise en demeure par envoi recommandé avec accusé de réception. Autrement dit, à la date qui figure sur le cachet de la poste estampillant le recommandé. Il va sans dire que l’avocat prudent et diligent ne manquera pas de conserver très soigneusement le feuillet (blanc) d’envoi du recommandé dûment complété. 3. Assistance judiciaire (art. 664 à 699 du Code judiciaire) et aide juridique (loi du 23

novembre 1998) Ces matières font l’objet d’un cours spécifique (« Pratique de l’aide juridique ») et ne seront pas vu dans le cadre du cours de procédure civile.

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III. LES ALTERNATIVES AU PROCES Les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC : médiation, arbitrage, conciliation, droit collaboratif, etc.) font l’objet d’un cours spécifique et ne seront pas vu dans le cadre du cours de procédure civile.

A l’exception du droit collaboratif qui n’est pas prévu par le code judiciaire, la médiation, l’arbitrage et la conciliation sont de véritables procédures de résolution de conflits comme l’est la procédure civile. L’arbitrage constitue la sixième partie du code judiciaire (art. 1676 à 1723). La médiation en constitue la septième (art. 1724 à 1737) tandis que la conciliation judiciaire figure aux articles 731 à 734, soit au début de la quatrième partie consacrée à la procédure civile. Quels que soient les centres de formations, l’enseignement des MARC est très largement consacré à la procédure et le non-respect des règles de procédures par les arbitres et médiateurs est susceptible d’engager leur responsabilité professionnelle sans préjudice de l’anéantissement de la solution/décision qui en est issue. C’est dire si au-delà du caractère innovant, voire « exotique4 » de ces mécanismes procéduraux de résolution des litiges, la plus grande rigueur s’impose dans leur utilisation, à l’instar de la procédure judiciaire « classique ». On ne saurait trop recommander aux avocats de s’y former pour être en mesure d’assister efficacement leurs clients.

4 Selon l’appréciation condescendante de ceux qui ne les pratiquent pas.

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IV. L'INTRODUCTION DU PROCES

1. LES DIFFERENTES MANIERES D'INTRODUIRE UN PROCES A. La citation (art. 700 et suivants du Code judiciaire) a. Généralités C’est le mode général (de droit commun) d'introduction de l'instance : - applicable en toute matière sauf si la loi impose la requête contradictoire - dont le contenu doit répondre, à peine de nullité aux exigences de l’art. 702 du Code

judiciaire . identité des parties, . exposé des moyens de la demande (faits et moyens), . objet de la demande (= dispositif : les prétentions), . indication de la juridiction saisie . lieu, jour et heure de l’audience (mentions qui seront ajoutées par

l’huissier de justice) - plus éventuellement :

- le recours aux débats succincts (art. 735 du Code judiciaire) qui doit être motivé dans l'acte introductif d'instance (sauf les cas de débats succincts de plein droit prévus à l’article 735 § 2 se référant notamment aux demandes visées par l’art. 19.2 du Code judiciaire), P.S. : Les parties peuvent, à tout stade de la procédure, par simple demande écrite adressée au greffe, solliciter du juge d’ordonner une mesure d’instruction, régler un incident portant sur une telle mesure, soit régler provisoirement la situation des parties.

- si l'action est portée devant le tribunal de première instance : art. 91, dernier alinéa, du Code judiciaire si on veut saisir une chambre à trois juges.

La citation est un exploit d’huissier (art. 43 et s. C. jud.), qui est signifié à la partie adverse, qui est ainsi informée de ce qu’un tiers réclame sa condamnation en justice. La citation se divise en deux actes originaux : - Le premier, appelé « l’original » de l’exploit, sera remis par l’huissier, après

signification au défendeur, au greffe, au moment de l’inscription de la cause au rôle. Ceci va parfaire l’introduction de la cause ; Outre les conditions visées à l’art. 702 C. jud., l’original doit répondre, comme tout exploit d’huissier, aux conditions de formes de l’art. 43 C. jud.

- Le second, appelé « copie » de l’exploit, sera laissé pour information au cité ; Outre les

conditions visées à l’art. 702 C. jud., la copie doit répondre aux conditions de forme de l’art. 45 C. jud.

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La date de la citation sera celle de la signification (= en principe remise de la copie au défendeur) à la condition que la citation soit ensuite valablement mise au rôle. Ainsi, la citation interrompt la prescription à dater de la signification, sous la condition qu’elle soit ensuite valablement inscrite au rôle. La mise au rôle valable est donc une formalité essentielle (voir infra). Le rôle de l'huissier est double : signifier et mettre au rôle. Signifier, c’est porter la citation à la connaissance du cité en lui remettant la copie. A ne pas confondre avec la notification, qui est l’envoi d’un acte de procédure par le greffe sous pli judiciaire confié à la poste (voir infra). Il existe différents modes de signification des citations :

- à personne (art. 33 et 34 du Code judiciaire), - au domicile ou à la résidence (art. 35 du Code judiciaire), - avec visa (copie dans la boîte et envoi d’un recommandé - art. 38 du Code judiciaire), - au Parquet (art. 40 du Code judiciaire),

b. Le délai de citation Entre le moment où l’huissier signifie la citation au défendeur et la date à laquelle celui-ci doit se présenter devant le juge (à l’audience d’introduction), il doit s’écouler un délai minimum, appelé délai de citation (ou encore délai de comparution ce qui est plus précis puisque ce délai s’applique également lorsque la cause est introduite par requête). Le délai de citation est un délai d’attente. Il s’agit d’un délai de huitaine (= huit jours) en première instance, porté à quinze jours en appel (article 1062 du Code judiciaire) et réduit à deux jours en matière de référé (article 1035 du Code judiciaire) ou en matière de saisies (article 1395, al. 2, du Code judiciaire). En ce qui concerne le délai abrégé de deux jours en référé, conformément à l’article 1040 du Code judiciaire, ce délai est également applicable au délai de comparution devant la cour d’appel et devant la cour du travail, en cas d’appel de référé5.

Dès lors que l’article 1035 du Code judiciaire parle de la « demande en référé », une controverse subsiste sur le point de savoir si ce délai abrégé de deux jours s’applique également à la citation en tierce opposition (qui ne constitue pas à proprement parler une demande mais bien d’une voie de recours) introduite, soit en référé, soit devant le juge des saisies, à l’encontre d’une ordonnance rendue sur requête unilatérale6. Pour éviter tout risque, il est prudent de solliciter une abréviation du délai de citer.

5 Cassation, 31 janvier 1997.

6 Sur cette controverse voyez H. Boularbah, « L’intervention du juge des référés par voie de requête unilatérale :

conditions, procédure et voie de recours », Le référé judiciaire, éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 2003, pp. 65 à 121 ici pp. 115 à 117 ; J. Englebert, « inédits de droit judiciaire – référé », J.L.M.B., 2005, pp. 140 et s., ici p. 164.

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Enfin, lorsque la citation est signifiée à l’étranger, le délai est augmenté conformément aux règles visées à l’article 55 du Code judiciaire (articles 709, 1035 et 1062 C. jud.). Le délai de citation est prescrit à peine de nullité de l’acte introductif. Il s’agit en outre d’une hypothèse de nullité absolue visée à l’article 862, §1er, C. jud. Toutefois, depuis que l’article 867 du Code judiciaire s’applique également aux délais d’attente, le non-respect du délai de citation ne sera pas sanctionné si, en pratique, il apparaît que la partie défenderesse a pu disposer d’un délai suffisant pour organiser sa défense. Cela signifie que pour autant qu’il ne soit pas requis jugement à l’audience d’introduction et que la cause soit remise pour permettre à la partie adverse d’organiser sa défense au-delà du délai de citation normalement applicable à la cause, la partie défenderesse ne pourra plus valablement invoquer la nullité de ladite citation. c. La computation du délai de citation Les délais établis en jours se comptent de minuit à minuit. Le jour de la signification de la citation (dies a quo), n’est pas pris en compte. Le délai commence à courir et se calcule donc à partir du lendemain de la signification et comprend tous les jours même le samedi et le dimanche et les jours fériés légaux (article 52 du Code judiciaire). Le jour de l’échéance (dies ad quem) est compris dans le délai (article 53 du Code judiciaire). Le délai de citation se compte donc en « jours pleins ». Ce n’est donc, au plus tôt, qu’à l’issue du délai, soit à partir du 9ème jour, que l’audience d’introduction pourra avoir lieu. Rien n’interdit évidemment que le délai de citation soit de plus de huit jours.

REMARQUE : Par un arrêt du 9 décembre 1988, la Cour de cassation a décidé que l’application de la règle visée à l’article 53 du Code judiciaire – selon laquelle le jour de l’échéance est compris dans le délai et lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le jour de l’échéance est reporté au plus prochain jour ouvrable – oblige à considérer que lorsque le délai de citation se termine un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’échéance est reportée au prochain jour ouvrable, l’audience d’introduction ne pouvant dans ce cas avoir lieu que le jour suivant (voir exemples dans le tableau ci-dessous).

Tableau I : exemples de délais de citation

Jour de l’acte : date de la signification

1er jour du délai : le lendemain

Dernier jour du délai : + 8 (+15 ou +2)

1er jour possible pour l’audience d’introduction

Observations

Mardi 1er mars 2005

Mercredi 2 mars

Mercredi 9 mars Jeudi 10 mars En 1ère instance

Mardi 1er mars 2005

Mercredi 2 mars

Jeudi 3 mars Vendredi 4 mars En référé

Mercredi 2 mars Jeudi 3 mars Vendredi 4 mars Samedi 5 mars : En référé

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2005 reporté au lundi 7 mars

Jeudi 3 mars 2005

Vendredi 4 mars

Samedi 5 mars Reporté au lundi 7 mars

Mardi 8 mars Référé + Cass. 9/12/1988

Vendredi 4 mars 2005

Samedi 5 mars7

Dimanche 6 mars Reporté au lundi 7 mars

Mardi 8 mars Référé + Cass. 9/12/1988

Mardi 1er mars 2005

Mercredi 2 mars

Mercredi 16 mars Jeudi 17 mars En appel

d. La mise au rôle Les affaires introduites devant les tribunaux sont inscrites au rôle général. L’inscription doit avoir lieu au plus tard la veille de l’audience sous peine de rendre la citation de nul effet (articles 716 et 717 du Code judiciaire). En pratique, c’est l’huissier qui procède à la mise au rôle. Mais elle peut également intervenir à la demande des parties intéressées ou de leurs avocats. Par exception à ce principe, les affaires introduites en référé sont inscrites au rôle spécial des référés (article 712 du Code judiciaire).

La question de savoir si les affaires introduites « comme en référé », devant le président du tribunal, dans des matières où celui-ci statue au fond et non au provisoire (par exemple : action en cessation), doivent être inscrites au rôle général du tribunal ou au rôle spécial des référés fait l’objet d’une controverse. Il est toutefois généralement admis que la cause doit être inscrite au rôle général du tribunal.

La sanction du non-respect de cette exigence fait elle-même l’objet de controverses. Pour certains, il s’agit d’une simple erreur matérielle qui pourrait être corrigée par le juge. D’autres estiment qu’il convient de corriger le tir tout en invitant le demandeur à régulariser la situation en payant le droit au rôle complet. Certains encore estiment qu’il y a matière à incident de répartition. En toute hypothèse cette question posera un problème qu’il conviendra de régler et qui, inévitablement, retardera l’issue du jugement de la cause dans des matières où l’urgence est présumée (raison pour laquelle on a attribué une compétence spéciale au président du tribunal siégeant comme en référé). Pour éviter tout problème et donc tout retard dans le traitement de la cause, il convient d’être attentif à cette question et d’inviter expressément l’huissier de justice que l’on charge d’une signification dans le cadre d’une telle procédure à bien faire inscrire la cause au rôle général du tribunal. En l’espèce l’erreur peut effectivement trouver sa source soit dans le chef de l’avocat qui ignore la controverse, soit dans le chef de l’huissier, soit encore dans le chef du greffier. Il en va ainsi particulièrement lorsque la citation visant à introduire une action « comme en référé » est, de façon impropre, intitulée « citation en référé », ce qui est de nature à induire le greffe en erreur.

7 Le samedi peut être utilement pris en compte comme étant le 1

er jour du délai (art. 52, al. 1

er, in fine).

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La mise au rôle parfait la signification de la citation. En effet, celle-ci sortira ses effets (interruption de la prescription) à la date de la signification à condition que la citation soit ensuite valablement mise au rôle. e. Rôle général, rôle particulier, rôle d’audience Le rôle général consiste, en pratique, en un listing qui reprend, les unes après les autres, au fur et à mesure de leur inscription, toutes les affaires qui sont introduite devant une jurdicition civile (rôle –général du tribunal de première instance de tel arrondissement, du tribunal de commerce, du tribunal du travail, d’une justice de paix, d’une cour d’appel). Chaque affaire introduite auprès d’un tribunal se voit attribuer un numéro d'ordre (numéro de rôle général) (art. 743 du Code judiciaire). Il convient de prendre note dès que possible de ce numéro de rôle général (dès l’audience d’introduction) et de le mentionner dans toutes les correspondances avec le tribunal et le greffe. A côté du rôle général, qui reprend la liste, dans l’ordre de leur inscription, de toutes les affaires introduites devant le tribunal, il existe un rôle particulier pour chaque chambre de ce tribunal, qui reprend la liste des affaires qui sont attribuée à cette chambre pour y être traitée (et in fine plaidée). Enfin, le rôle de l’audience est l’extrait du rôle particulier d’une chambre pour un jour déterminé. Il reprend toutes les affaires qui seront appelées pour être plaidées (en principe) ce jour-là. Le rôle de l’audience de la chambre d’introduction, reprend toutes les affaires introduites le jour où l’audience est tenue ou qui ont été précédemment remises à ce jour-là (notamment dans le cadre de la procédure en débats succincts).

Devant la chambre d’introduction du tribunal de commerce de Bruxelles, il est fait une subtile distinction entre les affaires qui sont introduites à l’audience (c’est-à-dire qui y sont appelées pour la première fois), et celles qui reviennent à l’audience d’introduction à la suite d’une remise. Les premières feront l’objet d’un premier appel, suivi d’un second appel concernant exclusivement les secondes.

Lorsqu’il est dit d’une affaire qu’elle est « renvoyée au rôle général », cela signifie qu’elle n’est pas traitée à l’audience où elle était fixée (en pratique, généralement l’audience d’introduction), qu’elle n’est pas remise à une date ultérieure et qu’elle n’est distribuée à aucune autre chambre du tribunal. Elle n’est donc plus inscrite à aucun rôle particulier d’une chambre. Elle n’est plus inscrite qu’au rôle général. C’est ce qu’on appelle aussi improprement une « remise sans date » (remise sine die). Pour que cette affaire soit un jour traitée à l’audience d’une chambre du tribunal, il faudra impérativement qu’une demande de fixation intervienne à l’initiative d’une ou des parties à la cause. B. La requête contradictoire (ou bilatérale) (art. 1034bis à sexies du Code judiciaire)

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a. Généralités La requête (introductive d’instance) est acte de procédure qui est rédigé par une partie et déposée au greffe. Le greffe se charge ensuite de notifier la requête à la partie adverse après avoir fixé une date pour l’audience d’introduction. Attention, la « requête » est un terme générique qui vise tout courrier et/ou actes de procédure adressés au juge (ou au greffe) en cours de procédure. La date de la requête est celle de son dépôt au greffe et non celle de sa notification à la partie adverse. Le requérant n’est pas responsable des éventuels errements du greffe à cet égard. Lorsqu’il fixe la cause, le greffe doit veiller à ce que le délai de comparution (délai de citation) soit respecté, en tenant compte du temps nécessaire à la notification de l’acte. L’expression « requête contradictoire » est incorrecte dès lors qu’une requête (introductive d’instance) est toujours un acte rédigé et déposé unilatéralement par une partie (ou par plusieurs parties) demanderesse(s). Ce terme est utilisé pour signifier qu’il s’agit dune requête introduisant une procédure contradictoire, par distinction avec la requête dite « unilatérale », introduisant une procédure unilatérale (non contradictoire – voir infra). b. Quand peut-on introduire une action par requête contradictoire et sous quelles

formes ? Le Code judiciaire autorise, dans certaines matières, le recours à la requête pour introduire une procédure contradictoire (en lieu et place de la citation). Exemples :

- art. 704 du Code judiciaire (droit du travail et sécurité sociale) ; - art. 1344bis du Code judiciaire (louage de choses) ;

Sa forme a été étendue et généralisée par les art. 1034bis à sexies du Code judiciaire, qui prévoient une série de règles applicables à toutes les demandes introduites par requête (ce sont les règles de droit commun de la requête contradictoire), dans les cas où il est dérogé par la loi à la règle générale de la citation comme mode ordinaire d'introduction du procès, Attention : les art. 1034bis et suivants sont applicables à moins de dispositions particulières propres à chaque matière, qui peuvent modifier les formalités de droit commun. En vue de sauvegarder les droits de la partie défenderesse, il doit être joint, en annexe à la requête, un certificat de domicile (art. 1034quater du Code judiciaire). La modification apportée à l’art. 700 du Code judiciaire par la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l’arriéré judiciaire devrait avoir pour effet de favoriser une généralisation de recours à la requête au préjudice de la citation. Cela signifie que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2007, lorsqu’une procédure est introduite par requête en lieu et place d’une citation, ce choix inapproprié n’est sanctionné

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que de la nullité relative de la requête (art. 861 C. jud.) qui ne pourrait être prononcée par le juge que si la partie défenderesse pourra établir qu’elle a un grief, ce qui ne pourra se faire qu’en établissant que le but de la loi n’a pas été atteint. Cela n’est envisageable que dans l’hypothèse où la requête n’a pas effectivement touché la partie défenderesse. Par contre, dès lors que celle-ci reçoit bien notification de la requête et qu’elle assure sa défense, le but de la loi est manifestement atteint. C. La requête unilatérale (art. 1025 à 1034 du Code judiciaire) Il s’agit d’une requête introduisant une procédure unilatérale, c’est-à-dire une procédure où soit il n’y a pas d’adversaire (procédure de type gracieuse), soit il y a bien un adversaire mais celui-ci n’est pas appelé à se défendre à ce stade de la procédure. La procédure de type gracieuse relève en général de la compétence de pleine juridiction du président du tribunal de première instance. Exemples :

- désignation d'un curateur à succession vacante,

- homologation diverse,

- autorisation de vendre un immeuble de gré à gré dans certaines circonstances. La requête unilatérale peut également introduire une procédure unilatérale alors qu’il existe bien une partie adverse mais que celle-ci n’est pas, à ce stade de la procédure, appelée à se défendre. Certaines hypothèses sont expressément prévues par la loi :

- il en va ainsi de toutes les demandes en matière de saisie conservatoire qui sont introduites par requête unilatérale auprès du juge des saisies.

Le recours à la requête unilatérale peut également justifier la saisine du juge des référés en cas d’absolue nécessité (art. 584 du Code judiciaire). Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’il peut y avoir absolue nécessité dans trois hypothèses :

- en cas d’extrême urgence, c’est-à-dire lorsque le seul fait de devoir attendre le délai normal d’une procédure de référé rendrait la mesure sollicitée sans effet ;

- lorsqu’il est matériellement impossible d’identifier la partie adverse ;

- lorsque la partie demanderesse doit se ménager un effet de surprise pour donner une quelconque efficacité à la mesure qu’elle sollicite.

Le grand avantage de la procédure sur requête unilatérale est qu’elle permet d’obtenir une décision du juge des référés sans débat contradictoire, décision qui sera en outre de plein droit exécutoire. C’est d’une redoutable efficacité. L’inconvénient majeur est qu’il s’agit d’une procédure qui viole de front le principe du contradictoire et qui ne pourra en conséquence être utilisée qu’avec extrêmement de précautions et de réserve. Il appartiendra au juge des référés de se montrer particulièrement vigilant quant à la réunion des conditions nécessaires pour pouvoir rendre une telle décision.

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La partie contre laquelle une ordonnance rendue sur requête unilatérale est exécutée peut introduire un recours. Il s’agit de la tierce opposition. Ce recours doit être introduit dans le mois de la signification de la décision (art. 1033 et 1034 du Code judiciaire (Attention, il s’agit d’une règle dérogatoire au droit commun de la tierce opposition qui, en principe, doit être introduite dans les trois mois de la signification de la décision contre laquelle le tiers introduit son recours)). D. La requête conjointe (art. 706 du Code judiciaire)

- démarche conjointe des parties, - admise en toute matière, - elle joint le tribunal du travail, de commerce, le juge de paix et le juge de police (aff.

civiles), - forme : requête signée et datée par toutes les parties à peine de nullité, dépôt ou envoi

au greffe de la requête, lequel vaut signification, - la requête figure au rôle après paiement, le cas échéant, des droits de mise au rôle, - les parties peuvent demander dans la requête, si le juge l’estime nécessaire, de fixer

une audience dans les quinze jours du dépôt de la requête.

La procédure introduite par requête conjointe poursuit son cours normal. E. L’appel en conciliation (art. 731 à 734 du Code judiciaire) : L’article 731 du Code judiciaire prévoit qu’en toute matière, pour autant que les parties soient capables de transiger et que le litige porte sur des objets susceptibles d’être réglés par transaction, la demande peut être préalablement soumise au juge compétent pour en connaître au premier degré de juridiction « à fin de conciliation ».

La demande en conciliation n’est pas en tant que telle un mode introductif de l’instance contentieuse, il faut y être attentif car en cas d’échec de la tentative de conciliation, il appartient à la partie demanderesse d’introduire la procédure contentieuse au moyen de l’acte introductif d’instance qui s’impose (la citation selon le droit commun ou, le cas échéant, la requête bilatérale).

La doctrine enseigne généralement que si les parties qui comparaissent à la conciliation n’aboutissent pas à un accord, elles peuvent néanmoins transformer leur participation à la tentative de conciliation en une comparution volontaire en vue de soumettre le litige au juge dans le cadre d’une procédure contentieuse8. Cette présentation des choses est très théorique dès lors que, par exemple à Bruxelles, les parties sont convoquées en cas de demande de conciliation sur la base de l’article 731 du Code judiciaire, devant le président ou un vice-président du tribunal, en général l’après-midi lorsqu’il n’y a pas d’audience. Dans ces conditions, on voit mal comment, profitant de leur présence réciproque, les parties pourraient prendre l’initiative conjointe de déposer un procès-verbal de comparution volontaire qui doit, normalement, être déposé au cours d’une audience de la chambre d’introduction.

8 G. de Leval, Elément de procédure civil, Larcier 2003, p. 74, n° 55.

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En outre, la présence à une tentative de conciliation n’emporte pas automatiquement l’accord des parties de comparaître volontairement dans le cadre d’une procédure contentieuse. Il faut insister sur le fait qu’en cas de non-conciliation, il appartiendra à la partie demanderesse d’introduire une procédure contentieuse selon les modes normaux d’introduction de l’instance. On ne peut pas, dans un souci d’économie de procédure, à l’issue d’une conciliation qui n’a pas abouti, introduire l’action au fond, devant le juge compétent, en obtenant du greffe l’inscription de la cause au rôle général par le simple dépôt du procès-verbal de non-conciliation. Attention, dans certains contentieux, la tentative de conciliation préalable est obligatoire. 2. LA COMPETENCE (art. 8, 9 et 10 et 556 à 638 du Code judiciaire) A. Généralités La compétence est le pouvoir du juge de connaître d'une demande portée devant lui. La compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction déterminé en raison de l'objet, de la valeur et, le cas échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des parties. La compétence territoriale est le pouvoir de juridiction appartenant au juge dans une circonscription, selon les règles déterminées par la loi. Lorsqu’une partie décide d’introduire une action en justice, elle doit décider devant quel juge elle va citer son adversaire. Elle devra d’une part déterminer le tribunal matériellement compétent (tribunal de première instance, tribunal de commerce, tribunal du travail, juge de paix). Elle devra d’autre part déterminer la juridiction territorialement compétente. En ce qui concerne la compétence matérielle, elle sera déterminée en vertu des critères suivants :

- la nature du litige,

- la valeur de la demande,

- la qualité des parties,

- éventuellement l’urgence. En ce qui concerne la compétence territoriale, elle sera déterminée en fonction des critères visés aux art. 624 et suivants du Code judiciaire. Hormis les cas où la loi détermine expressément le juge territorialement compétent pour connaître de la demande, celle-ci peut, aux choix du demandeur, être portée :

1° devant le juge du domicile du défendeur ou d'un des défendeurs; 2° devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées; 3° devant le juge du domicile élu pour l'exécution de l'acte;

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4° devant le juge du lieu où l'huissier de justice a parlé à la personne du défendeur si celui-ci ni, le cas échéant, aucun des défendeurs n'a domicile en Belgique ou à l'étranger.

Ces critères déterminent la compétence territoriale supplétive. Lorsque la compétence territoriale est impérative ou d’ordre publique, il convient de se référer aux règles énoncées aux art. 626 à 633 du Code judiciaire. B. Comment procéder pour déterminer le juge matériellement compétent ? Vérifier si le type de litige ne tombe pas sous l'application d'une compétence spéciale ou exclusive, attribuée par la loi à un juge, quel que soit le montant de la demande, - pour le tribunal de première instance : art. 569 (ex : 1° état des personnes) à 572 du

Code judiciaire, - pour le tribunal de commerce : art. 573, 574 (ex : 2° faillite) et 576 du Code judiciaire, - pour le tribunal du travail : art. 578 à 583 du Code judiciaire, - pour les présidents de tribunaux : art. 584 à 587 du Code judiciaire, - pour les juges de paix : art. 591 (ex : 1° louage d'immeuble), 593 à 601 du Code

judiciaire. Dans certains cas, vérifier la valeur de la demande qui détermine le juge compétent. Ainsi, sauf compétence exclusive et particulière (voir art. 569 à 571, 574 et 578 à 583 et 591 et s. du Code judiciaire) : - demande dont le montant n'excède pas 1.860 € : juge de paix, - demande dont le montant excède 1.860 € : première instance, Pour déterminer le montant de la demande, il s’entend du montant réclamé dans l’acte introductif d’instance, augmenté des intérêts moratoires ou selon le cas, des intérêts compensatoires, à l’exclusion des intérêts judiciaires et des dépens (cfr. art. 557 et suivants du Code judiciaire). 1. Les intérêts moratoires : Définition Ce sont des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi par le créancier en raison du retard de paiement d’une dette de somme, c’est-à-dire celle portant sur un montant fixé dès son origine et qui ne doit pas être fixé par le juge. Conditions – art. 1153 du Code civil La dette doit être exigible.

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Point de départ Ils ne sont dus qu’à partir du jour de la sommation de payer, c’est-à-dire la mise en demeure adressée par le créancier au débiteur, sous réserve des dérogations et des exceptions prévues par la loi (exemple : art. 1153 al. 3 du Code civil), des dérogations conventionnelles ou des lois particulières (exemple : la loi du 2 août 2002 sur la lutte contre le retard de paiement de transactions commerciales). Taux d’intérêt Le taux légal, sauf conventions contraires ou lois particulières. Anatocisme Les intérêts moratoires sont soumis à la règle de l’anatocisme prévue à l’art. 1154 du Code civil. Imputation des paiements (application de l’art. 1254 du Code civil) Les paiements partiels s’imputent d’abord sur les intérêts et ensuite sur le capital. 2. Intérêts compensatoires Définition Ce sont des dommages et intérêts destinés à réparer le dommage subi par le créancier, en raison du retard de paiement par le débiteur d’une dette de valeur, c’est-à-dire celle dont le montant est fixé par le juge. Les intérêts compensatoires font partie intégrante du dommage et sont appréciés par le juge. Point de départ Survenance du dommage au plus tôt. Mise en demeure Oui, mais appréciée largement. Il suffit d’une réclamation par le créancier de l’exécution de l’obligation principale. Taux Fixé par le juge mais le créancier doit préciser le taux sollicité dans sa demande. Actuellement, les tribunaux appliquent en règle générale le taux légal.

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Anatocisme Autorisé en matière aquilienne, en dehors des limites de l’art. 1154, mais à la condition qu’il soit justifié par la réparation intégrale du dommage. En matière contractuelle : controversé. Imputation du paiement Pas d’application de l’art. 1253, sauf les intérêts compensatoires en matière contractuelle. 3. Intérêts judiciaires Sont ceux alloués par le juge. En matière de créance de sommes, les intérêts judiciaires courent à partir de la date d’introduction de la procédure. En cas de créance de valeurs, les intérêts compensatoires courent jusqu’à la date du jugement et les intérêts judiciaires (à caractère moratoire), courent à partir de la décision judiciaire et peuvent être calculés sur le principal augmenté des intérêts compensatoires courant jusqu’à celui-ci. En cas de valeur indéterminée : voir art. 592 du Code judiciaire. Dans certains cas, tenir compte de la qualité des parties (exemple : les parties sont-elles ou non commerçantes) : - Le tribunal de commerce connaît des contestations entre commerçants relatives aux

actes réputés commerciaux par la loi et qui ne sont pas de la compétence générale des juges de paix (art. 573 1° du Code judiciaire); cependant, le litige qui a trait à un acte réputé commercial par la loi et qui n'est pas de la compétence générale des juges de paix peut aussi être porté devant le tribunal de commerce, bien que le demandeur n'ait pas la qualité de commerçant (art. 573 2° al. 2 du Code judiciaire);

Comp. : art. 574 du Code judiciaire prévoyant les compétences exclusives du tribunal de commerce, même lorsque les parties ne sont pas commerçantes, C. Prorogation de compétence du tribunal de 1ère instance – plénitude de juridiction du

Président du tribunal de 1ère instance siégeant en référé En vertu de l’art. 568 du Code judiciaire, le tribunal de première instance, qui est la juridiction ordinaire, bénéficie d’une prorogation de compétence. Cela signifie qu’elle est d’une part compétente pour statuer sur tous les litiges qui ne relèvent pas (en vertu d’une disposition légale spécifique) de la compétence spéciale d’un autre juge. D’autre part, le tribunal de première instance est matériellement compétent en toute matière tant que la partie

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défenderesse ne soulève pas un déclinatoire de compétences en faveur d’une juridiction d’exception (tribunal du travail, tribunal de commerce, juge de paix). Il convient de ne pas confondre la prorogation de compétence du tribunal de première instance avec la plénitude de juridiction du président du tribunal de première instance siégeant en référé. En effet, le président du tribunal de première instance siégeant en référé est compétent en toutes matières sauf celles qui ne relèvent pas de la compétence des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Aucun déclinatoire de compétences ne peut donc être soulevé devant le président du tribunal de première instance siégeant en référé. D. Comment procéder pour déterminer le juge territorialement compétent ? Principes : voir supra art. 624 du Code judiciaire : compétences territoriales supplétives. Exceptions (compétences territoriales impératives ou d’ordre public): voir entre autres les art. 626, 627 (notamment 3° : juge du lieu de l'ouverture de la succession), 628 (notamment 1° divorce et 2° 223 du Code civil : juge de la dernière résidence conjugale, 8° crédit à la consommation : juge du domicile du consommateur), 629 (notamment 1° : juge de la situation de l'immeuble), 631 (juge du lieu où le failli a son principal établissement ou, s'il s'agit d'une personne morale, son siège social). E. Règlement des conflits sur la compétence Les règlements des conflits de compétence s’opèrent en vertu des règles édictées aux art. 639 et 640 du Code judiciaire. a. Première hypothèse : le défendeur conteste la compétence du juge saisi par le

demandeur (639 C. jud) En vertu de l’art. 639, le défendeur doit soulever le déclinatoire de compétence et indiquer quel est le juge qui, selon lui, est valablement compétent. Ce déclinateur doit être soulevé in limine litis en ce qui concerne les compétences supplétives (on notera que les compétences matérielles sont toutes d’ordre public). En cas de contestation de compétence soulevée par le défendeur, le demandeur dispose d’une option : soit il sollicite le renvoi de la cause au tribunal d’arrondissement pour que celui-ci tranche la contestation, soit il sollicite du juge saisi du fond du litige qu’il tranche lui-même l’incident de compétence. Dans la première hypothèse, le tribunal d’arrondissement tranchera définitivement le litige (sa décision n’est susceptible d’aucun recours sauf un pourvoi du procureur général de la cour d’appel) et renverra au juge compétent ; ceci règlera définitivement la question de la compétence.

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Lorsque le déclinateur de compétence est tranché par le juge saisi du fond du litige, les parties pourront contester cette décision en appel. Elles ne pourront aller en appel de ces décisions qu’avec l’appel d’un jugement sur le fond (art. 1050 CJ). Ceci afin d’éviter des appels dilatoires uniquement sur la compétence. Lorsque le juge d’appel statuant sur l’appel dirigé contre un jugement en ce qui concerne la compétence, réforme la décision du premier juge, il conservera le dossier s’il est, par ailleurs, le juge d’appel du juge de première instance qui aurait normalement été compétent ou il renverra la cause devant le juge d’appel compétent pour connaître des appels des décisions qui auraient dû être rendues par le juge de première instance normalement compétent. Exemple 1 :

- action introduite devant le tribunal de commerce de Bruxelles,

- déclinatoire de compétence du défendeur qui sollicite le renvoi devant le tribunal de première instance de Bruxelles,

- le demandeur invite le juge saisit du fond de l’affaire à trancher lui-même la contestation,

- le tribunal de commerce de Bruxelles se déclare compétent,

- appel du défendeur en même temps que la décision sur le fond,

- la cour d’appel de Bruxelles réforme le jugement de première instance en décidant que ce n’est pas le tribunal de commerce qui est compétent mais bien le tribunal de première instance,

- la cour d’appel étant également le juge d’appel du tribunal de première instance de Bruxelles conserve le dossier.

Exemple 2 :

- Introduction de l’action devant le tribunal de première instance de Bruxelles,

- Déclinatoire de compétence par le défendeur qui sollicite le renvoi devant le tribunal du travail de Nivelles,

- Le demandeur sollicite du juge qu’il tranche lui-même le conflit de compétence,

- Le tribunal de première instance de Bruxelles se déclare compétent,

- Le défendeur interjette appel avec la décision au fond et conteste la décision sur la compétence,

- La cour d’appel de Bruxelles réforme le jugement de première instance estimant que l’action aurait effectivement dû être introduite devant le tribunal du travail de Nivelles,

- La cour d’appel renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles, juridiction normalement compétente pour connaître des appels contre les décisions rendues par le tribunal du travail de Nivelles.

b. Deuxième hypothèse : le juge soulève d’office un incident de compétence (640 C.

jud.) Lorsqu’aucune des parties ne soulève un incident de compétence, le juge peut d’office soulever un incident de compétence s’il se rend compte qu’un problème de compétence

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d’ordre public se pose dans le dossier qui lui est soumis. C’est en général en cours de délibéré que le juge va s’en rendre compte. Si le juge s’en rend compte lors de l’audience, il peut évidemment, dans le cadre des débats interactifs, soumettre la question aux parties en leur permettant le cas échéant de conclure sur ce point. S’il n’a pas procédé ainsi et qu’il « découvre » le problème en cours de délibéré, le juge doit obligatoirement saisir le tribunal d’arrondissement. Attention, le juge ne tranche pas lui-même le problème de compétence et donc ne se déclare pas le cas échéant compétent ou incompétent, il doit constater qu’un problème de compétence est susceptible de se poser et il renvoie le dossier au tribunal d’arrondissement afin que celui-ci tranche lui-même l’incident de compétence. Dans ce cas, un jugement sera rendu avant dire droit par lequel le tribunal renvoie la cause au tribunal d’arrondissement. La procédure devant le tribunal d’arrondissement se poursuit sans que les parties ne doivent prendre d’initiative. Les parties sont informées de la fixation de la cause devant le tribunal d’arrondissement. Elles peuvent comparaître et elles peuvent prendre des conclusions mais la procédure sera poursuivie même en leur absence. Le tribunal d’arrondissement tranche l’incident de compétence et renvoie au juge compétent c’est-à-dire soit au juge initialement saisi, soit à un autre juge. Dans cette hypothèse, la question de la compétence ne peut plus être contestée par les parties, seul un pourvoi en cassation dans l’intérêt de la loi peut être introduit par le parquet contre la décision du tribunal d’arrondissement. Lorsqu’un déclinatoire a été soulevé par le défendeur en vertu de l’article 639 du Code judiciaire et que le demandeur sollicite du juge qu’il tranche lui-même la contestation, le juge ne peut pas, dans ce cas, renvoyer la cause au tribunal d’arrondissement sur base de l’article 640.

V. aussi le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22/12/2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

F. Ressort et appel Ressort - art. 617 du Code judiciaire : - les jugements prononcés par le tribunal de première instance et le tribunal de

commerce qui statuent sur une demande dont le montant ne dépasse pas 1.860 € sont rendus en dernier ressort : il n’y a pas d'appel possible (mais le pourvoi en cassation reste ouvert) ;

- idem pour les jugements rendus par les juges de paix sur une demande dont le

montant ne dépasse pas 1.240 € ; NB : Il s’agit des montants réclamés dans les dernières conclusions, montants en

principal, augmentés des intérêts moratoires ou compensatoires mais hors intérêts judiciaires et dépens.

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- demande reconventionnelle et demande en intervention : cumul (v. art. 620 du Code judiciaire) ; N.B. : Lorsqu’on parle du ressort d’une cour d’appel, on désigne par là l’étendue de la compétence territoriale d’une cour d’appel (ex. : le ressort de la cour d’appel de Bruxelles s’étend aux arrondissements judiciaires de Bruxelles, Nivelles et Leuven).

Appel (sauf si les jugements sont rendus en dernier ressort) : - art. 577 du Code judiciaire : le tribunal de première instance connaît de l'appel des

jugements rendus en premier ressort par le juge de paix ; le tribunal de commerce est compétent s’il s’agit d’une contestation entre commerçants relatifs à un acte réputé commercial par la loi ou d’une contestation relative à une lettre de change (renvoi à l’article 573 1° et 2° du Code judiciaire) ;

- art. 602 du Code judiciaire : la cour d'appel connaît de l'appel des décisions rendues en

premier ressort par le tribunal de première instance et par le tribunal de commerce et des décisions rendues en premier ressort par les présidents du tribunal de première instance et du tribunal de commerce ;

- art. 607 du Code judiciaire : la cour du travail connaît de l'appel des décisions rendues

par les tribunaux du travail et par les présidents des tribunaux du travail ;

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V. LES REGLES DE L’INSTANCE 1. LA NULLITE DES ACTES DE PROCEDURE (art. 860 à 867 C. jud.) A. Définition et limites de la théorie des nullités Les nullités sanctionnent les actes irrégulièrement accomplis dans le cadre de la procédure en justice par les parties, par leurs mandataires (avocats) et les auxiliaires de justice (huissiers, greffiers, experts), à l’exclusion notoire des jugements et arrêts. Il existe un régime spécial de nullité prévu par la loi sur l’emploi des langues (art. 40). B. Conditions Les conditions strictes visent toutes à limiter, autant que faire se peut, le prononcé de cette sanction aux effets particulièrement graves (tous les actes posés à la suite d’un acte déclaré nul seront eux-mêmes anéantis). a. Pas de nullité sans texte (art. 860 du Code judiciaire) Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul si la nullité n’est pas formellement prévue par la loi. A titre d’exemple, ne peuvent dès lors être sanctionnés de nullité. A défaut de texte le prévoyant, le défaut de signature des conclusions, l’absence de signature d’une requête d’appel, l’absence de l’indication de l’objet de la demande ou de la signature de la partie requérante dans les requêtes prévues par l’article 704 du Code judiciaire. Lorsque la signature est prévue à peine de nullité (exemples : art. 706 – requête conjointe ; art. 1034 – requête contradictoire ; art. 1026 – requête unilatérale, etc …), la nullité ne peut être prononcée que si la signature n’a pas été régularisée à l’audience ou dans un délai fixé par le juge (art. 863 du Code judiciaire). b. Pas de nullité sans grief (art. 861 du Code judiciaire) Par nature, les nullités sont relatives, à savoir :

- Il n’y a pas de nullité sans grief, le grief consistant en une atteinte aux droits de la défense de celui qui invoque l’exception - que ce soit le demandeur ou le défendeur - (exemple : dans la difficulté d’organiser sa défense ou le retard dans la solution du litige).

- Elle doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire comme premier argument de droit dans les premières conclusions de la partie qui s’en prévaut.

- Elle ne peut être invoquée d’office par le juge, même par défaut.

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c. Exceptions à l’art. 861 C. jud. : les nullités absolues (art. 862 du Code judiciaire) - Dans les six cas énumérés à l’article 862 du Code judiciaire, le non-respect de la

mention ou de la formalité prévue à peine de nullité entraîne la nullité absolue de l’acte.

- Elle peut être soulevée d’office par le juge.

- Elle ne nécessite pas l’établissement d’un grief. C. Couverture des nullités Même si toutes les conditions sont réunies pour pouvoir déclarer un acte nul, le juge ne pourra pas prononcer cette sanction si elle est couverte. a. article 864 § 1 : nullité relative Celle-ci est couverte si elle n’est pas soulevée in limine litis. b. article 864 § 2 : nullité absolue Les nullités prévues à l’article 862 sont couvertes lorsqu’un jugement ou un arrêt contradictoire, autre que celui prescrit par une mesure d’ordre, a été rendu sans que l’exception n’ait été soulevée par une partie ou par le juge.

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c. article 867 : la formalité a été accomplie ou le but de la loi est atteint Il n’y a pas de nullité s’il est établi par les pièces de procédure :

- que la formalité, bien que non mentionnée, a bien été accomplie. - que l’acte entaché de nullité a réalisé le but que la loi lui assigne.

La couverture de l’article 867 s’applique tant aux nullités relatives qu’absolues. Elle met, en pratique, à néant la règle de l’article 861, sauf en ce qu’elle renverse la charge de la preuve (de l’absence de grief). D. Effets de la nullité d’un acte de procédure

- L’acte est sans effet sur le plan de la procédure. Le fond du droit n’est pas touché. Un nouvel acte est possible pour autant que les prescriptions ne soient pas acquises.

- L’acte nul entraîne avec lui tous les actes qui en sont la suite (ex. : la nullité de l’acte introductif d’instance fait disparaître l’ensemble des actes de la procédure posés ensuite)

- Sauf exceptions prévues par la loi, en cas de nullité de l’acte, l’effet est irréversible et entraîne la responsabilité de l’auteur du manquement.

2. LES DELAIS ET LEURS SANCTIONS La sanction de nullité vise les actes de procédure dont une formalité n’aurait pas été ou aurait été mal accomplie. En principe, la nullité ne devrait pas sanctionner les délais de procédure. Le législateur a malheureusement mélangé les notions. A. Les délais d’ordre Ce sont des délais de procédure qui ne sont pas sanctionnés ou qui ne s’adressent pas aux parties. Exemple : Certains délais imposés pour accomplir des actes de procédure dans le cadre des mesures d’instruction (art. 917-2°, art. 965 et 984 en matière d’expertise) ; le délai de 5 jours imposé au greffe de première instance pour transmettre le dossier au greffe de la juridiction d’appel. B. Les delais prescrits à peine de nullité

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Ces délais, généralement d’attente (protecteurs du droit de la défense) - qui fixent une échéance avant laquelle un acte ne peut pas être posé -, sont prescrits par la loi à peine de nullité de l’acte de procédure auquel ils s’attachent. Exemple : Délai de citation ordinaire ou allongé (art. 710 C.J.) ou le délai de comparution en appel (art. 1062 C.J.). Il est évidemment absurde de sanctionner de nullité un acte (par hypothèse formellement irréprochable) au seul motif du non-respect du délai dans lequel cet acte a été posé (alors que la nullité vise précisément à sanctionner la forme de l’acte). C. Les délais prescrits à peine de déchéance La déchéance est la perte d’un droit qui n’a pas été exercé ou qui a été mal exercé (ex : déchéance de l’autorité parentale en cas de violence contre ses propres enfants). Appliqué aux délais, on parle aussi de forclusion. Les délais accélérateurs - qui fixent une échéance avant laquelle un acte doit être posé ou un droit doit être exercé -, sont généralement sanctionnés de la déchéance du droit exercé hors délai. Ils peuvent être répartis en deux catégories :

- Les délais pour former recours prévus par l’article 860 alinéa 2 du Code judiciaire, - Les autres délais prévus à peine de déchéance (ex. : articles 1094, 1114, 1332, etc.)

Couverture ? Le non-respect des délais pour former un recours échappe à tout mode de couverture. Hormis les délais mentionnés ci-dessus, les autres délais prescrits à peine de déchéance peuvent être couverts conformément aux articles 864, alinéa 2, et 867 du Code judiciaire. Il est relativement absurde de soutenir que l’article 867 serait applicable aux délais prescrits à peine de déchéance. D’une part, l’article 867 précise expressément que si le but de la loi est atteint, la nullité ne pourra pas être prononcée (il ne concerne donc pas la déchéance). D’autre part, on voit mal comment, en pratique, le but de la loi pourrait être atteint alors qu’un délai accélérateur n’a pas été respecté. 3. L'AUDIENCE D'INTRODUCTION Toutes les procédures contradictoires commencent par une audience d’introduction.

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Pour les procédures de droit commun, introduites au fond, l’audience d’introduction est en principe fixée devant la chambre d’introduction du tribunal (par opposition aux chambres de plaidoiries où les causes seront fixées pour être plaidées) Dans les procédures en référé, comme en référé et en saisie, les introductions et les plaidoiries se font devant la même chambre (idem, par la force des choses, en justice de paix). Le traitement de la cause dépend du caractère succinct ou non des débats que la cause appelle. Les causent qui n’appellent que des débats succincts peuvent être traités dès l’audience d’introduction, soit être remises à brève échéance, toujours devant la chambre d’introduction. Il en va ainsi même en cas de défaut. Les causent qui appellent un échange de conclusions doivent faire l’objet d’une mise en état et ne peuvent pas être traitées à l’audience d’introduction sauf pour fixer le calendrier d’échange des conclusions et obtenir une date de fixation pour plaidoiries. A. La comparution à l’audience d’introduction L’avocat comparaît lui-même ou se fait substituer par un « confrère obligeant » à l’audience d’introduction. Si la cause n’est pas retenue à l’audience d’introduction, il n’est généralement pas nécessaire d’être personnellement présent à l’audience. Lorsque l’affaire n’est pas de nature à être plaidée dès l’audience d’introduction, la comparution peut également se faire par écrit (ce courrier est qualifié par le Code de « déclaration écrite de postulation » - art. 729 C. jud.). Attention, il est souvent perdu de vue que la loi exige que cette déclaration écrite soit adressée avec l’accord des autres parites. Que l’on coparaisse ou non à l’audience d’introduction, il est conseillé de toujours adressé un courrier au tribunal pour l’avertir de son intervention comme conseil d’une des parties à la cause. Cela permet tant au juge qu’au greffe de savoir qu’un avocat intervient pour telle partie et de lui adresser les notifications prévue par la loi. B. Demande de renvoi de la cause devant une chambre à trois magistrats En vertu de l’article 91, al. 8, du Code judiciaire, en matière civile, la demande de renvoi de la cause, en première instance, devant une chambre à trois juges doit être introduite avant tout autre moyen, par écrit, le jour de l’introduction de la cause. Cette demande est faite par le demandeur directement dans l’acte introductif d’instance ou par le défendeur, par un acte écrit qui doit être déposé au plus tard le jour de l’audience d’introduction. En appel, la règle est l’attribution de la cause devant une chambre composée de trois conseillers, sauf les exceptions visées à l’article 109bis du Code judiciaire.

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Néanmoins, même dans ces hypothèses, la cause sera attribuée devant une chambre composée de trois conseillers si la demande en est faite par l’appelant dans son acte d’appel principal. L’intimée peut lui-même en faire la demande par écrit dans sa déclaration de postulation visée à l’article 1061 du Code judiciaire. L’article 109bis, §1er, dernier alinéa, prévoit que le non-respect de cette formalité est prescrit à peine de déchéance. C. Demande de changement de langue Conformément à l’article 4, §1er, de la loi du 15 juin 1035 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire, il est possible de solliciter, pour les procédures introduites devant les juridictions dont le siège est établi dans l’arrondissement de Bruxelles, le changement de la langue de la procédure. Cette demande formulée par le défendeur doit l’être avant toute défense et toute exception même d’incompétence. Conformément à l’article 4, §2, de la même loi, elle doit être faite soit oralement par le défendeur comparaissant en personne, soit par écrit lorsque le défendeur comparaît par mandataire. Dans ce cas, l’écrit doit « être tracé et signé par le défendeur lui-même ». 4. LES DEBATS SUCCINCTS L’article 735 du Code judiciaire prévoit que « les causes qui n’appellent que des débats succincts sont retenues à l’audience d’introduction ou remises pour être plaidées à une date rapprochée ». Le législateur a en effet pensé que pour une série de causes, particulièrement simples, il n’était pas nécessaire de prévoir une procédure de mise en état inutilement longue. La possibilité de pouvoir plaider dès l’audience d’introduction, sans conclusions, ou sur base de conclusions verbales ou en déposant des conclusions jusque la prise en délibéré, s’explique par le fait que les affaires pouvant être retenues en débats succincts sont à ce point simples que la violation du principe du contradictoire n’aura aucun effet réel négatif sur les droits de la défense. La doctrine a, depuis des années, tenté de définir ce qui était « une cause qui n’appelait que des débats succincts ». Toute définition précise semble illusoire. On peut, sans prendre beaucoup de risques, affirmer que n’appellent que des débats succincts que les causes dans lesquelles soit, il n’y a pas une réelle contestation, soit une contestation à ce point simple qu’elle peut être tranchée sur le champ sans violer les droits de la défense des parties. Lors de la réforme de 2007, le législateur a introduit dans le §2 de l’article 735 une série de cas qui seront traités « sous le bénéfice de la procédure prévue pour les débats succincts ». Les hypothèses visées à l’article 735, §2, mélangent les causes qui manifestement n’appellent que des débats succincts (« le recouvrement de créances incontestées ») avec des affaires qui peuvent nécessiter d’importants débats (notamment toutes « les demandes liées à l’article 19, alinéa 2 »). Pour pouvoir invoquer l’article 735, il faut en faire la demande motivée dans l’acte introductif d’instance et y viser expressément l’application de l’article 735. Lorsque l’article 735 est invoqué en citation, la partie défenderesse ne peut pas faire défaut à l’audience d’introduction

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sans prendre le risque qu’un jugement par défaut soit pris contre elle. Si elle entend contester le caractère succinct des débats, elle doit venir s’en expliquer à l’audience. Il n’y aura pas mise en état automatique, conformément à l’article 747, §2, dès lors que la procédure en débats succincts déroge au droit commun de la mise en état. L’arriéré judiciaire qui a contribué au prolongement de la mise en état des causes a provoqué, dans certains cas, un recours abusif à l’article 735, considéré par certains plaideurs comme un moyen d’éviter les conséquences de l’arriéré judiciaire. Dès lors que l’article 735 met en place une procédure qui n’est pas respectueuse du principe du contradictoire, elle ne peut trouver à s’appliquer que dans les hypothèses où la cause n’appelle réellement que des débats succincts. L’article 735, §6, précise que les décisions relatives à la procédure en débats succincts ne sont susceptibles d’aucun recours. L’absence de recours ne porte que sur la décision qui décide s’il y a lieu ou non d’appliquer l’article 735 et, non sur la décision rendue au fond à la suite de débats succincts, qui reste appelable. 5. LA MISE EN ETAT Cette phase vise toutes les étapes nécessaires en vue de mettre une cause en état d’être plaidée (échange des pièces et des conclusions écrites). En principe, toute cause doit depuis la réforme de 2007 faire l’objet d’une mise en état judiciaire, avec fixation par le juge, soit par l’entérinement de l’accord des parties, soit d’autorité, d’un calendrier contraignant d’échange de conclusions et d’une date d’audience pour les plaidoiries, et ce au plus tard dans les six semaines de l’audience d’introduction. Toutefois, selon l’article 747, §2, al. 2, du Code judiciaire, les parties peuvent déroger d’un commun accord à cette mise en état et solliciter soit le renvoi de la cause au rôle, soit, « lorsque les circonstances s’y prêtent », une remise à date fixe. Enfin, des règles spécifiques s’appliquent pour la mise en état des contentieux urgents. Les règles de la mise en état visent toutes à garantir le respect du principe du contradictoire, principe fondamental de la procédure civile. Le contradictoire est tout autant un droit qu’une obligation. C’est l’obligation faite aux parties de se communiquer mutuellement l’ensemble des éléments de fait et de droit ainsi que l’ensemble des pièces de leur dossier, en temps utile afin de permettre à l’autre partie d’en prendre connaissance, de les étudier, des les discuter et, si nécessaire, d’y répondre préalablement à la présentation de la cause devant le tribunal. A. Première hypothèse : les parties sont d’accord sur le calendrier d’échange des

conclusions (= mise en état judiciaire consensuelle) a. Les parties conviennent de commun accord d’un calendrier

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L’article 747, §1er, précise d’emblée que les parties peuvent convenir entre elles de délais pour conclure, dès l’audience d’introduction. Il faut également mentionner la durée des débats pour chacune des parties. Cette voie procédurale devrait s’imposer comme « la voie royale » et devenir la règle. b. Le juge informe les parties de la date de l’audience la plus proche Afin de pouvoir fixer les délais en parfaite connaissance de cause, il est précisé que le juge « informe les parties qui souhaitent convenir de délais pour conclure de la date la plus proche à laquelle une audience pourrait être fixée ». Cette information doit donc être donnée à l’audience d’introduction, puisque c’est à ce moment-là que les parties peuvent convenir entre elles des délais de la mise en état (art. 747, §1er, nouveau).

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c. Le juge doit rendre dans les six semaines de l’audience d’introduction une ordonnance actant les dates pour conclure et fixant la date et l’heure de l’audience ainsi que la durée des débats

Il ressort clairement du texte de l’article 747, §1er, alinéa 3, nouveau, qu’il appartient au juge de rendre une ordonnance actant les délais convenus par les parties. Cette ordonnance devra également fixer la date de l’audience des plaidoiries. Lorsque le juge acte l’accord des parties, il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation, ni en ce qui concerne la durée des délais que les parties ont convenu, ni en ce qui concerne le nombre de conclusions qu’elles ont prévu. Lorsqu’elles entendent faire acter leur accord sur un calendrier, les parties doivent veiller à tenir compte du délai qui séparera inévitablement le moment où elles se sont mises d’accord sur un calendrier et celui où l’ordonnance actant cet accord sera rendue (en théorie, maximum six semaines, en pratique souvent beaucoup plus). En effet, si le premier délai convenu est « trop court », il se pourrait que ce délai soit échu au moment où le juge rende son ordonnance, voire au moment où celle-ci sera notifiée aux parties, ce qui, toutefois, ne devrait rien enlever au caractère contraignant de ce délai. Le juge doit aussi, dans son ordonnance, fixer la date et l’heure de l’audience de plaidoiries et la durée des débats. En ce qui concerne la durée des débats, un problème pratique se pose dès lors qu’aucune disposition ne prévoit que les parties doivent préciser la durée souhaitée pour leurs plaidoiries. On relèvera qu’une telle obligation n’existait pas non plus sous l’empire de la législation ancienne. Il est très utile d’indiquer la durée souhaitée des plaidoiries au moment de la demande faite au juge d’acter les délais d’échange de conclusions. Pour éviter toute discussion à l’audience il s’impose de bien mentionner outre la durée globale, la durée précise dont chaque plaideur souhaite disposer pour sa propre plaidoirie. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé, pour les parties, d’estimer cette durée à un moment où, par hypothèse, elles ne connaissent pas encore nécessairement l’ampleur des développements que prendra le dossier. Mais cette difficulté est certainement aussi grande, si pas plus, pour le juge. d. L’accord sur les délais de procédure peut être convenu à chaque audience ultérieure L’article 747, §1er, du Code judiciaire, précise encore que les parties peuvent convenir entre elles de délais pour conclure à l’audience d’introduction « et à chaque audience ultérieure ». Si la règle ne pose en soi pas de problème, on voit mal, en pratique, quelles situations sont exactement visées par cette précision, puisqu’en principe, à défaut d’avoir demandé conjointement le renvoi de la cause au rôle général, un calendrier est d’office fixé par le juge dans les six semaines, au plus tard, de l’audience d’introduction. Sans doute cette disposition trouvera-t-elle à s’appliquera notamment en cas de remise sollicitée de commun accord (voir infra) à une « audience ultérieure », à laquelle les parties pourront alors convenir, toujours de commun accord, de délais contraignants.

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e. L’accord peut encore intervenir dans le mois de l’audience d’introduction Même si la loi précise que c’est « à l’audience introductive » que les parties peuvent convenir entre elles de délais pour conclure, il faut admettre qu’elle puisse encore se mettre d’accord dans le délai d’un mois qui leur est octroyé pour faire part au juge de leurs observations sur la mise en état. Dans ce cas elle doivent informer celui-ci qu’elles sont parvenues à un accord sur le calendrier d’échange des conclusions, accord qui sera acté par le juge. B. Seconde hypothèse : les parties ne sont pas d’accord sur le calendrier d’échange des

conclusions ( = mise en état judiciaire contraignante) a. L’obligation pour le juge de fixer d’autorité un calendrier contraignant d’échange de

conclusions Si les parties (ou à tout le moins une d’entre elles), bien que souhaitant la fixation de délais contraignants, ne se mettent pas d’accord sur un calendrier d’échange des conclusions, le juge fixera celui-ci d’autorité, en tenant compte le cas échéant des observations des parties. Ce qui signifie que même si aucune partie ne sollicite expressément une mise en état judiciaire ou si aucune partie ne formule d’observations, dès lors que le juge n’est pas saisi d’une demande conjointe et expresse de renvoi au rôle (ni de remise), il doit fixer un calendrier de procédure et une date d’audience, au plus tard dans les six semaines de l’audience d’introduction (art. 747, §2, al. 3). b. Les délais pour formuler les observations Si les parties souhaitent formuler des observations sur la mise en état judiciaire, elles peuvent adresser celles-ci au juge, « séparément ou conjointement », au plus tard « dans le mois de l’audience d’introduction », étant précisé que ces observations peuvent déjà être reprises dans l’acte introductif d’instance. Si les parties optent pour la comparution écrite, leur déclaration écrite de postulation, visée à l’article 729 du Code judiciaire, devra, à l’avenir, expliciter, « dans la mesure du possible, leur position en ce qui concerne la mise en état judiciaire ». Ce délai peut être abrégé par le juge en cas de nécessité ou de l’accord des parties » (art. 747, §2, al. 1er, in fine). Pas plus que le délai de six semaines, imposé au juge pour rendre son ordonnance de mise en étét, ce délai d’un mois n’est pas formellement sanctionné. La sanction existe néanmoins : passé ce délai, le juge ne devra plus attendre pour arrêter le calendrier et ne devra plus prendre en compte les observations formulées tardivement.

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c. La communication des observations aux autres parties Les observations des parties sur l’échéancier contraignant doivent également être adressées aux autres parties, précise l’article 747, §2, al. 1er. Il s’agit là d’un simple rappel des exigences du contradictoire. Dans le procès civil, une partie ne peut jamais s’adresser au juge sans communiquer simultanément son message à l’autre partie. C’est pour ce motif, qu’en dehors de l’audience, une partie ne peut s’adresser que par écrit au juge, sous peine de ne pas garantir le respect du contradictoire. Il n’est toutefois pas prévu qu’une partie dispose d’un droit à formuler des observations en réponse aux observations de l’autre partie. d. Le délai pour fixer le calendrier contraignant

Le juge doit « arrêter » le calendrier de procédure « au plus tard six semaines après l’audience d’introduction » (art. 747, §2, al. 3, nouveau). Il se déduit des termes ainsi utilisés que c’est l’ordonnance fixant le calendrier et la date d’audience qui doit être prononcée dans les six semaines. Ce délai n’est toutefois soumis à aucune sanction. Il est très fréquemment dépassé, parfois de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. e. Le contenu de l’ordonnance de mise en état Lorsque le juge détermine d’autorité le calendrier de la procédure, il doit fixer les délais et la date de l’audience en respectant une série de règles. D’abord le juge doit déterminer le nombre de conclusions et la date ultime à laquelle les conclusions doivent être remises au greffe et adressées à l’autre partie. Il doit le faire, « en fonction de la date de l’audience de plaidoiries qui dans ce cas, doit avoir lieu au plus tard dans les trois mois de la communication9 des dernières conclusions ». Il doit ensuite fixer la date et l’heure de l’audience de plaidoiries et la durée de celles-ci. Pour le surplus, les règles étant similaires à la mise en état en cas d’accord des parties sur l’échéancier. f. La règle des trois mois maximum entre la communication des dernières conclusions

et l’audience de plaidoiries Lors de l’application de l’art. 747, §2, l’audience des plaidoiries doit être fixée au plus tard dans les trois mois de la date de la « communication » des dernières conclusions.

9 Le terme « communication » est évidemment malheureux puisque la nouvelle loi a remplacé la formalité de la

communication des conclusions (telle que prévue par l’article 747, §2, al. 6, ancien), par celle de « la remise » des conclusions au greffe et de leur « envoi » à l’autre partie (747, §2, al. 6, nouveau).

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En apparence, l’idée est excellente. Elle revient à garantir un délai de fixation très raisonnable puisque toute cause devra être fixée au plus tard dans les trois mois de l’échange des dernières conclusions. Devant plusieurs juridictions du pays (et particulièrement à Bruxelles), un tel délai est totalement inimaginable. En réalité, cette règle est purement artificielle, puisque le calendrier de mise en état sera déterminé en fonction de la première audience de libre, les dates pour l’échange des conclusions étant ensuite fixées à rebours C. Dérogations à la mise en état judiciaire : le renvoi au rôle ou la remise à date fixe a. Le renvoi au rôle En vertu de l’article 747, §2, al. 2, les parties peuvent déroger d’un commun accord à la mise en état judiciaire en sollicitant le renvoi de la cause au rôle général. a.1 La demande de renvoi au rôle doit être conjointe et expresse Le principe étant que le juge fixe d’autorité le calendrier d’échange des conclusions, même lorsque les parties ne lui ont pas fait part de leurs observations éventuelles quant aux délais, la demande de renvoi au rôle, outre qu’elle doit être demandée conjointement par les parties, doit aussi être formulée expressément. Le silence des parties ne saurait être interprété comme une sollicitation implicite de renvoi au rôle. En d’autres termes, dès qu’une partie n’accepte pas de solliciter le renvoi de la cause au rôle, le juge devra fixer judiciairement les délais. On peut toutefois s’interroger sur le sort qui sera réservé au cas suivant : les parties ne sollicitent pas de commun accord le renvoi de la cause au rôle, sans toutefois demander une mise en état judiciaire, ni formuler d’observations à son propos. Dans ce cas, le juge doit, d’autorité, fixer la mise en état de la cause et l’audience de plaidoiries. Cette solution ne fait pas l’unanimité en pratique et devant certaines juridictions, l’affaire est dans ce cas renvoyée au rôle. Qu’arrive-t-il si aucune des parties ne comparaît à l’audience fixée pour les plaidoiries, qu’elles aient par ailleurs respecté, ou non, les délais pour conclure ? Il n’est pas possible qu’un juge puisse prendre une affaire en délibéré lorsqu’aucune partie ne vient formuler une telle demande à l’audience. L’art. 747 précise qu’à l’audience fixée, la partie la plus diligente peut requérir jugement. Même si cette hypothèse n’a manifestement pas été prévue, il ne restera au juge qu’à omettre l’affaire du rôle. La demande de renvoi au rôle doit être formulée d’un commun accord. Soit les parties comparaissent à l’audience d’introduction et sollicitent conjointement du juge le renvoi au rôle. Cette demande conjointe devra être actée au procès-verbal de l’audience et l’affaire renvoyée au rôle. Soit les parties formulent cette demande dans un écrit, co-signé ou bien qu’elles établissent chacune de leur côté, qui est adressé au juge. La déclaration écrite de postulation, visée à l’article 729 du Code judiciaire, pourra certainement servir à cette demande.

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Il s’en déduit nécessairement que le renvoi de la cause au rôle général pourra être demandé jusqu’à l’échéance du délai d’un mois accordé aux parties pour formuler leurs éventuelles observations sur la mise en état judiciaire. a.2 La mise en état amiable après renvoi au rôle Lorsque l’affaire est renvoyée au rôle général, sa mise en état se fait amiablement. Il n’y a pas de délais contraignants. Ce n’est que lorsque la cause sera définitivement en état d’être plaidée que les parties pourront solliciter conjointement la fixation de la cause pour plaidoiries. La fixation sera effectuée par le greffe qui ne devra pas tenir compte de la règle des trois mois. Cela signifie que les parties qui optent pour une mise en état amiable seront, devant les juridictions souffrant de l’arriéré judiciaire, inévitablement défavorisées par rapport aux parties qui optent pour une mise en état judiciaire puisqu’elles n’entreront en compte, pour la fixation de leur date d’audience, qu’après la période de mise en état, alors qu’en cas de mise en état judiciaire, les parties obtiennent, dans un délai de maximum six semaines à dater de l’audience d’introduction, d’une date d’audience. La pratique qui consistait à ne prendre en ligne de compte, pour la fixation, que les causes définitivement en état, même en cas de mise en état contraignante, afin de ne pas défavoriser le recours à la mise en état consensuelle, nettement moins lourde pour les greffes, est condamnée. Cela répond à une certaine logique dès lors que la « voie royale » n’est plus la mise en état consensuelle mais bien la mise en état judiciaire. L’article 750 du Code judiciaire précise encore, en son deuxième alinéa, que « la demande est adressée au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, et déposée au greffe, simultanément ou postérieurement au dépôt des conclusions des parties ». Ainsi, pour permettre au greffe de vérifier que la cause est effectivement en état d’être plaidée, les conclusions doivent préalablement ou, au plus tard, concomitamment à la demande de fixation, être déposées au greffe. En pratique, les parties veilleront donc à joindre, avec leur demande de fixation, les conclusions qui n’auraient pas encore été déposées. Il faut également que les parties précisent la durée des débats. Les conclusions déposées au greffe ou envoyée à l’autre partie après la demande conjointe de fixation seront écartées d’office des débats (art. 748, §1er, al. 1er). Sauf s’il s’agit de conclusions « prises » avec l’accord des autres parties ou s’il s’agit de conclusions ne contenant qu’une demande additionnelle au sens de l’article 808 du Code judiciaire (art. 748, §1er, al. 1). Il résulte de que qui précède que les conclusions envoyées à l’autre parties après la demande conjointe de fixation, même si elles ont été déposée au greffe avant la dite demande, seront également écartées des débats. a.3 La mise en état judiciaire après renvoi au rôle Si, après le renvoi de la cause au rôle, une des parties se trouve confrontée à l’inertie de son adverse, elle peut, à tout moment, « par simple demande écrite déposée ou adressée au greffe,

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solliciter la mise en état judiciaire » (art. 747, §2, al. 5). Cette mise en état se fera alors conformément à l’article 747, §2, al. 1 à 4. Cette demande est notifiée par le greffier, par pli judiciaire aux autres parties et, le cas échéant, par pli simple à leurs avocats. C’est à dater de cette notification que commence à courir le délai d’un mois accordé aux parties pour faire leurs observations et celui de six semaines accordé au juge pour fixer les délais ainsi que la date d’audience (art. 747, §2, al. 5). En pratique, l’ordonnance intervient souvent plus de six semaines après la notification de la requête. Certains greffes mettent d’ailleurs parfois de nombreuses semaines uniquement pour notifier la requête. b. La remise à date fixe L’article 747, §2, al. 2, du Code judiciaire prévoit encore une « troisième voie », entre la mise en état judiciaire et le renvoi au rôle général. C’est la remise à date fixe, qui n’est possible que « lorsque les circonstances s’y prêtent ». b.1 La remise à date fixe, « troisième voie » pour éviter « les cadres procéduraux mal

ajustés » Cette « troisième voie » laisse perplexe dans le système mis en place. La remise à date fixe constituerait selon les travaux parlementaires, une solution « intermédiaire » entre les débats succincts (« circuit court ») et la mise en état judiciaire (« circuit long »), lorsque les conditions de l’article 735 du Code judiciaire ne sont pas réunies – en d’autres termes, lorsque les débats ne sont pas succincts – mais qu’une mise en état « ne se justifie pas », c’est-à-dire lorsque la mise en état judiciaire constituerait « un cadre procédural mal ajusté ». b.2 La remise à date fixe, une voie bancale et inadaptée aux règles nouvelles La remise à date fixe requiert l’accord des deux parties. La remise contradictoire n’offre aucune garantie quant à la mise en état de la cause et est tout à fait inappropriée aux contentieux de l’urgence (référé, comme en référé et saisies). De même que lorsque l’affaire a été renvoyée au rôle, lorsqu’elle est remise à date fixe il est possible de solliciter, à tout moment, sur simple demande d’une partie, que la cause fasse l’objet d’une mise en état judiciaire. Dans ces conditions, on ne peut que déconseiller aux praticiens de recourir à la remise conjointe à une date ultérieure, s’ils souhaitent procéder à une mise en état efficace de leurs causes. Certes, spécialement devant les justices de paix, cette « troisième voie » pourrait nourrir l’espoir d’échapper à la lourdeur de la mise en état judiciaire systématique de l’article 747 du Code judiciaire. Mais, dès lors qu’elle peut, à tout moment et sans la moindre justification, être court-circuitée précisément par une demande de mise en état judiciaire, il semble tout à fait périlleux d’y recourir, sauf, le cas échéant, dans des circonstances tout à fait particulières.

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b.3 Les effets et les conditions de la remise à date fixe Si l’affaire est effectivement remise, il est dérogé à l’article 747, §2, al. 3, du Code judiciaire. Le juge ne doit plus fixer des délais contraignants ni une date d’audience dans les six semaines de l’audience d’introduction. Une remise de la cause n’est possible que « lorsque les circonstances s’y prêtent ». b.4 La suppression des demandes de remises unilatérales Il ressort clairement du système mis en place par les articles 747 et 750 du Code judiciaire qu’il n’est plus possible de solliciter une remise à date fixe de façon unilatérale. Par contre, lorsque la cause est traitée dans la cadre de la procédure en débats succincts, rien ne s’oppose à ce que la remise envisagée par cette disposition (art. 735, §1er, C. jud.) soit octroyée unilatéralement. C’est en réalité essentiellement en cas de défaut d’une partie à l’audience d’introduction que le cas sera susceptible de se poser. Il faut admettre que dans cette hypothèse, la partie qui comparaît et qui sollicite jugement par défaut, dès l’audience d’introduction, puisse également solliciter le bénéfice d’une remise unilatérale (avec notification d’un pli judiciaire en application de l’article 803 du Code judiciaire), pour, par exemple, pouvoir compléter son dossier ou apporter une précision demandée par le juge, à l’audience d’introduction. D. Mise en état des causes en degré d’appel Les règles de l’instance sont applicables à l’appel (article 1042 du Code judiciaire). E. Les autres questions concernant la mise en état a. L’ordonnance de mise en état et de fixation a.1 L’absence de recours et la rectification des erreurs ou omissions « L’ordonnance de mise en état et de fixation n’est susceptible d’aucun recours » (747, §2, al. 4, nouveau). « Toutefois, en cas d’omission ou d’erreur matérielle dans l’ordonnance de mise en état et de fixation, le juge peut soit d’office soit à la demande, même verbale, d’une partie, la rectifier ou la compléter ». La rectification de l’erreur ou de l’omission se fait quasi sans formalités. Le juge qui s’en rend compte après la notification de l’ordonnance pourra corriger celle-ci d’office. Il peut encore agir à la demande d’une partie.

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a.2 L’ordonnance ne fixe plus « les délais pour conclure » mais uniquement la date

« butoir » Le juge doit, dans l’ordonnance de mise en état, fixer la date ultime à laquelle les délais pour conclure expirent. a.3 La notification de l’ordonnance En toutes circonstances « le greffier notifie [l’ordonnance] par pli simple aux parties et, le cas échéant, à leurs avocats, et par pli judiciaire à la partie défaillante » (art. 747, §2, al. 4, in fine, nouveau). Par « partie défaillante », il faut comprendre la partie qui n’a pas comparu à l’audience d’introduction ou à l’« audience ultérieure », visée à l’art. 747, §1er, al. 1, du Code judiciaire, au cours de laquelle une demande de mise en état aurait été sollicitée. En référé, comme en référé et en saisies, les parties peuvent dispenser le greffe de la notification (voir infra). b. Quelle sont les formalités à accomplir dans les délais et la sanction de leur non-

respect ? b.1 La sanction C’est l’écartement d’office des débats qui sanctionnera les conclusions tardives. La sanction de l’écartement des conclusions ne s’applique que sous réserve des exceptions prévues à l’article 748, §§ 1er et 2. L’article 748, §1er, vise d’une part les conclusions contenant une demande additionnelle au sens de l’article 808 du Code judiciaire, qui pourront toujours être déposées, même hors délai, ainsi que, d’autre part, les conclusions prises avec l’accord des autres parties. L’article 748, §2, du Code judiciaire ne prévoit pas à proprement parler une exception à l’écartement des conclusions tardives mais vise l’hypothèse de nouvelles conclusions prises en cas de découverte d’une pièce ou d’un fait nouveau et pertinent. b.2 Les formalités Les conclusions doivent être déposées au greffe et adressées à l’autre partie dans le délai fixé par le juge. L’article 867 du Code judiciaire ne s’applique pas à la sanction de l’écartement d’office des conclusions. Tant la nature spécifique de la sanction frappant les délais pour conclure, que la portée exacte de l’article 867 du Code judiciaire, écarte son application en l’espèce.

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c. La mise en état d’un litige indivisible L’article 747, §2, al. 7, du Code judiciaire prévoit qu’ « en cas d’indivisibilité du litige et sans préjudice de l’application de l’article 735 § 5, lorsqu’une ou plusieurs parties font défaut, tandis qu’une partie au moins comparaît, le présent paragraphe doit être appliqué ». En d’autres termes, la mise en état des litiges indivisible, sauf hypothèse des débats succincts, devra se faire par le biais d’une mise en état judiciaire, conformément à l’article 747, §2. F. La réouverture du droit de conclure A partir du moment où des délais contraignants sont fixés pour l’échange des conclusions et qu’il y a une date butoir au-delà de laquelle plus aucunes conclusions ne peuvent être prises, ni par le demandeur ni par le défendeur, se pose inévitablement la question de la réouverture du droit de conclure en cas de découverte d’un fait ou d’une pièce nouveau, entre le moment où les parties ne peuvent plus conclure et le moment où elles pourront plaider, période qui, en raison de l’arriéré judiciaire, peut être relativement longue. Cette situation se présente :

- en cas de mise en état judiciaire (consensuelle ou contraignante), lorsque le dernier délai pour conclure est atteint

- en cas d’une mise en état non judiciaire, après la demande de fixation conjointe. L’art. 748 du Code judiciaire a en conséquence prévu une procédure spécifique, comparable mutatis mutandis à la réouverture des débats après plaidoiries. Lorsqu’une pièce ou un fait nouveau et pertinent sont découverts pendant la période au cours de laquelle les plus parties ne peuvent plus conclure et n’ont pas encore plaidé, la partie la plus diligente peut déposer une requête en vue de solliciter la réouverture du droit de conclure. Le juge appréciera sur pièces de la pertinence de la demande et, le cas échéant, accordera un nouveau délai à chacune des parties pour conclure sur la pièce ou le fait nouveau et pertinent. On peut évidemment s’interroger sur les critères d’appréciation du juge dès lors que, par hypothèse, il ne connaît à ce stade encore rien de la cause. En fonction de la date de l’audience de plaidoiries et du moment où la requête en réouverture du droit de conclure est déposée, le juge pourra soit fixer un nouveau calendrier d’échange de conclusions tout en maintenant la date initialement prévue pour les plaidoiries, soit il devra reporter cette date afin de permettre précisément l’échange de nouvelles conclusions. Le juge peut également rejeter la demande s’il estime que la pièce n’est pas nouvelle ou pertinente. Sauf cas de force majeure, la demande de réouverture du droit de conclure doit être formulée au plus tard un mois avant l’audience fixée pour les plaidoiries. Bien qu’il n’ait pas été initialement prévu pour cette hypothèse-là, l’article 748 est également utilisé lorsqu’un moyen nouveau et/ou une pièce nouvelle sont communiqués avec les dernières conclusions de la partie qui a le droit de conclure en dernier lieu (en principe le

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défendeur ou l’intimé). L’autre partie ne pouvant plus répliquer, elle peut solliciter la réouverture du droit de conclure à ce moyen nouveau ou à cette pièce nouvelle. Les parties peuvent évidemment convenir entre elles, de commun accord, d’aménager un nouveau calendrier de conclusions sans passer par la procédure de l’article 748, §2, qui ne sera nécessaire qu’en cas de désaccord des parties sur l’établissement d’un nouveau calendrier.

L’art. 808 du Code judiciaire autorise le dépôt de conclusions ayant pour objet d’actualiser la demande ; cet article ne permet pas que des demandes autres que l’adaptation des demandes originaires soient introduites sur cette base. (Exemples : actualisation du dommage d’une partie, adaptation des arriérés de loyers, etc …) 6. LES CONCLUSIONS A. Remarques générales La généralisation des conclusions de synthèse (voir infra) ainsi que les moyens techniques offerts par l’informatique (et particulièrement la méthode du « copier/coller ») ont souvent pour effet une inflation du contenu des conclusions. La concision est une des plus grandes qualités de l’avocat dans la rédaction des actes de procédure. Il doit aussi veiller à présenter l’argumentation de façon cohérente sans répétition inutile, sans mélanger fait et droit et en évitant d’écrire en cinq lignes ce qui peut l’être en une demi. Le schéma classique des conclusions est le suivant :

- une préambule comprend l’indication du tribunal et l’identification des parties ainsi qu’une brève rétrospective des actes de procédure posés avant la rédaction des conclusions qui sont en train d’être rédigées ;

- un premier titre reprend la description de l’objet de la demande ; - un second titre reprend les faits. On veillera à ne pas mélanger le fait et le droit et à ne

pas déjà commencer dans la présentation des faits à développer des arguments juridiques qui seront inévitablement répétés dans la partie consacrée à la discussion des arguments de droit ;

- un titre consacré aux développements en droit : il est bon dans ces développements de suivre, comme structure, la logique de l’argumentation, en commençant par les arguments de procédure (les exceptions), pour aborder ensuite les fins de non-recevoir10 et enfin développer les arguments de fond (attention, certains arguments de procédure doivent être soulevés in limine litis) ;

- la dernière partie des conclusions est le dispositif qui reprend de façon précise ce qui est demandé au juge.

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Les fins de non recevoir sont des « exceptions de fond » en ce sens qu’il s’agit d’exceptions (en général de procédure) qui n’abordent donc pas le fond du litige mais qui auront, si elles sont admises, le même effet qu’une défense au fond, c’est-à-dire l’imossibilité de réitérer l’action (ex. : une prexcription, une irrecevabilité pour défaut d’intérêt, une excption de chose jugée).

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Le dispositif est extrêmement important. Sa formulation est diverse suivant l’objet des demandes, suivant que l’on est demandeur ou défendeur et suivant que l’on est en première instance ou en appel. Il convient en toute hypothèse d’être précis et complet (ne pas oublier de demander les intérêts, de préciser leur nature, leur taux et leur point de départ ; ne pas oublier de liquider les dépens dans le dispositif ; ne pas oublier de solliciter l’exécution provisoire). En principe, un projet de conclusions doit toujours être soumis au client en vue d’obtenir son accord et ses observations. Il n’est plus d’usage d’adresser un projet de conclusions non approuvé par le client à la partie adverse. Dès lors que dans la très grande majorité des cas, le délai pour conclure est sanctionné de l’écartement des conclusions tardives, il faut veiller dans son échéancier à rédiger des conclusions en temps utile pour pouvoir les soumettre à l’approbation du client avant de les communiquer au tribunal et à la partie adverse. B. Le dépôt des conclusions au greffe vaut signification Par extension de la portée de l’article 2244 du Code civil et en application de l’article 746 du Code judiciaire, l’introduction d’une demande en justice par conclusions (notamment les demandes nouvelles et reconventionnelles) interrompt également la prescription, au moment du dépôt de ces conclusions au greffe (et non à la date de l’introduction de la demande principale). En conséquence, si les conclusions que l’on prend contiennent, soit une demande nouvelle, soit une demande reconventionnelle11, il est prudent de s’assurer de leur dépôt effectif au greffe (sans se contenter de laisser ce soin à la poste) et ce, tant au regard d’un éventuel risque de prescription qu’en vue de faire courir les intérêts judiciaires. C. Le contenu des conclusions Le législateur a par ailleurs cherché à contraindre le plaideur à une certaine rationalisation dans la rédaction de ses écritures afin d’aider, corrélativement, le juge, à respecter au mieux son obligation de motivation. a. L’obligation de mentionner les « moyen de fait et de droit » L’article 744 du Code judiciaire, énonce : « Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions du concluant ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Les conclusions prises dans une autre cause ou à un autre degré de juridiction, auxquelles il est renvoyé ou fait référence, ne sont pas considérées comme des conclusions au sens de l'article 780, alinéa 1er, 3º. ».

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Au contraire, pour les demandes additionnelles, au sens de l’article 808 du Code judiciaire, la prescription est interrompue au jour de la demande principale.

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En vue de faciliter le travail du juge dans la rédaction et la motivation de sa décision, il est demandé aux plaideurs de formuler expressément leurs « prétentions » – ce qui semble être la moindre des choses – mais également « les moyens de fait et de droit » sur lesquelles chacune de ces prétentions sont fondées. Cette obligation n’était soumise à aucune sanction b. La limitation de la portée des conclusions « par renvoi » L’article 744 du Code judiciaire tente de restreindre les conclusions « par référence » ou « par envoi », auxquels les plaideurs ont souvent recours. Toujours dans le souci de simplifier le travail du juge. La référence aux conclusions prises « dans une autre cause », mais aussi prises dans le même cause mais « à un autre degré », est toujours possible, mais le juge ne devra pas répondre (au sens de l’article 780, al. 1er, 3°, du Code judiciaire) à ces conclusions auxquelles il est simplement renvoyé. D. La forme des conclusions a. Le principe : les dernières conclusions doivent être prises sous forme de conclusions

de synthèse Dorénavant, les « dernières conclusions » d’une partie devront obligatoirement être prises sous la forme de conclusions de synthèse. Le juge ne peut pas prendre en considération les moyens développés dans les conclusions antérieures aux conclusions de synthèse des parties. L’article 748bis nouveau précise que pour l’application de l’article 780, al. 1er, 3°, du Code judiciaire, qui oblige le juge à répondre aux conclusions ou moyens des parties, les conclusions de synthèse remplacent toutes les conclusions antérieures ainsi que l’acte introductif d’instance. La combinaison des articles 748bis et 780, al. 1er, 3° du Code judiciaire a pour effet que « l’objet de la demande est exclusivement déterminé par les conclusions de synthèse » (Cass. 29 mars 2012, arrêt n° C.11.0472.N/2). Dès lors, sous peine de statuer ultra petita, le juge ne peut tenir compte de demandes formulées antérieures et qui ne figureraient pas dans les conclusions de synthèse12.

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« L’arrêt, qui constate que la demande d’exécution provisoire a été formulée dans l’acte introductif et n’a pas été reprise dans les conclusions de synthèse devant le premier juge et qui considère « qu’il ne peut s’en déduire raisonnablement que la non-réitération de cette demande d’exécution provisoire dans les dernières conclusions de synthèse doit être considérée comme une renonciation à cette demande », ne justifie pas légalement sa décision que le premier juge, en autorisant l’exécution provisoire dans ces circonstances, n’a pas statué ultra petita » (Cass. 29 mars 2012, arrêt n° C.11.0472.N/2)

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Ceci étant, le juge reste tenu d'examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique que celles-ci leur ont donnée, suppléer d'office aux motifs invoqués sous le respect de différentes conditions, dont le respect des droits de la défense (Cass. 14 décembre 2012, C.12.0018.N/3). Il est tenu de soulever d'office les moyens de droit dont l'application est requise par les faits spécialement invoqués par les parties à l'appui de leurs demandes (Cass. 14 décembre 2012, C.12.0018.N/3. Telle que formulée, l’obligation de formuler ses derniers écrits sous forme de conclusions de synthèse revient à obliger le plaideur à prendre toutes ses conclusions sous forme de synthèse. Les plaideurs seront très attentifs à cette exigence. En effet, outre l’ignorance de l’évolution que connaîtra le dossier au moment où les conclusions sont prises, le risque de voir ses conclusions ultérieures écartées pour l’un ou l’autre motif ne peut jamais être totalement exclu. Prenons l’exemple d’une partie qui se voit accorder trois jeux de conclusions dans un calendrier contraignant. Elle prend des premières conclusions et ensuite des deuxièmes conclusions sous la simple forme de « conclusions additionnelles », limitées à l’un ou l’autre point, se réservant le troisième tour pour prendre ses conclusions de synthèse. Hélas pour elle, ses dernières conclusions (de synthèse) ne sont pas transmises dans les délais au greffe ou à son adversaire. Elles seront dès lors d’office écartées des débats. En conséquence, ce seront ses « dernières » conclusions valablement prises, à savoir ses conclusions additionnelles (limitées à quelques points) qui seront présumées constituer ses « conclusions de synthèse » auxquelles le juge devra répondre, à l’exclusion de toutes autres conclusions. b. Les exceptions Ne doivent pas être prises sous forme de conclusions de synthèse, les conclusions ayant pour unique objet :

- de demander une ou plusieurs des mesures visées à l'article 19, al. 2, du Code judiciaire ;

- de soulever un incident de procédure n'étant pas de nature à mettre fin à l'instance ; - de répondre à l'avis du ministère public ; - de conclure dans le cadre de l’art. 748 § 2 et 756 bis.

De façon étonnante, l’exception n’a pas été étendue aux conclusions ne contenant qu’une demande additionnelle au sens de l’article 808 du Code judiciaire, alors que ces demandes n’ont pour but que d’actualiser la demande originaire. La règle introduite par l’article 748bis du Code judiciaire l’est sans préjudice de l’application de l’article 748, §2, du même Code. Cela signifie qu’en principe, les conclusions prises, après réouverture du droit de conclure en cas de découverte d’une pièce ou d’un fait nouveau et pertinent, ne doivent pas être prises sous forme de conclusions de synthèse.

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C’est dorénavant au juge qui autorise la réouverture du droit de conclure d’indiquer, dans son ordonnance, « si des conclusions de synthèse doivent être prises ». Il veillera à n’ordonner de telles conclusions que de façon tout à fait exceptionnelle, lorsque l’étendue de l’incidence de la pièce ou du fait nouveau et pertinent l’exigence. En effet, il convient de garder à l’esprit que les conclusions prises en cas de réouverture du droit de conclure ne peuvent porter exclusivement que sur la pièce ou le fait, nouveau et pertinent, qui a justifié cette réouverture. Elles ne peuvent être, en principe, l’occasion d’une reformulation complète de l’ensemble des prétentions d’une partie, sous forme de conclusions de synthèse. E. Le contenu des conclusions « additionnelles »13 Le terme « conclusions additionnelles », qui est généralement utilisé pour distinguer les conclusions « principales » (c’est-à-dire les premières conclusions) des conclusions ultérieures, est impropre. Le Code judiciaire évoquait, avant la réforme de 2007 les « conclusions » du défendeur, les « conclusions en réponse » du demandeur et les « conclusions en réplique » de défendeur. La réplique étant la réponse à la réponse. Les conclusions « additionnelles » n’étant en réalité que des conclusions contenant une demande additionnelle au sens de l’article 808 C. jud. Tant que les conclusions ne s’inscrivaient pas dans un calendrier contraignant et forcément limité dans le temps, le contenu des conclusions « additionnelles » ne suscitait pas de problème puisqu’il était toujours possible de prendre de nouvelles conclusions pour répondre aux conclusions précédentes. On pouvait donc sans réelle difficulté et sans porter atteinte aux droits de la défense (et spécialement au contradictoire), admettre que soient introduites dans des conclusions en réponse ou en réplique des demandes nouvelles, reconventionnelles ou encore des moyens nouveaux. Ce qui n’est plus le cas actuellement puisque si de tels moyens ou demandent sont introduits dans les dernières conclusions, l’autre partie ne pourra plus y répondre. Or, sur le contenu des conclusions en réponse ou en réplique – qui devront à l’avenir systématiquement prendre la forme de conclusions de synthèse –, le Code judiciaire est resté muet, malgré les réformes de 1992 et de 2007. L’ « exposé des motifs » de la loi de 2007 précise que la règle selon laquelle, dans les conclusions en réplique, une partie ne pourrait que répondre aux dernières conclusions de son adversaire (et ne pourrait donc que dans cette limite-là, introduire un moyen nouveau ou une demande nouvelle ou reconventionnelle), n’a pas été retenue au motif que cette règle susciterait trop de difficultés. Au contraire, il est précisé qu’en ce qui concerne le contenu de ces conclusions, il convient, en pratique, de se référer à la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 mars 2002. Selon le Procureur général à la Cour de cassation, J. DU JARDIN, cet arrêt consacre l’obligation de loyauté dans la mise en état des cause, qui s’impose à toutes les parties : « dans son arrêt du 14 mars 2002, la Cour a expressément retenu le critère du procès loyal: elle a décidé que les

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conclusions déposées dans le délai de réponse fixé par le juge ne peuvent tendre à invoquer de nouveaux moyens auxquels une des autres parties ne pourra plus répondre »14. Toutefois, le système de l’écartement des conclusions, lié au caractère déloyal de la procédure et au respect des droits de la défense, s'éloigne sensiblement d'une application rigoureuse et automatique de l'article 747, §2, C. jud. Si on peut s'en réjouir au nom des droits de la défense on peut par contre le regretter au nom de la sécurité juridique15. Permettre au juge, au cas par cas, d’apprécier si le contenu de telles conclusions, sera, en fonction tant des circonstances de la cause, que de la portée ou de l’étendue des demandes nouvellement formées, ou encore de la possibilité éventuelle pour l’autre partie d’y apporter la contradiction (mais dans quelles conditions ?), déloyales, avec pour conséquence qu’elles devront être alors écartées, c’est évidemment faire entrer l’insécurité dans le processus de mise en état des causes16. Il y a quelque chose de choquant dans la mise en état judiciaire d’une cause : dans le cadre d’une procédure déterminée, la mise en état s’applique une fois pour toute et uniformément, sur base de la demande initiale, sans tenir compte de l’évolution du contenu du débat judiciaire et particulièrement du développement de demandes nouvelles, incidentes ou reconventionnelles, dont il n’a pas pu être tenu compte au moment de la fixation d’un calendrier contraignant d’échange des conclusions. F. Le rejet définitif de la « théorie des dominos » Il faut déduire de la référence à l’arrêt du 14 mars 2002 dans l’ « Exposé des motifs » de la loi de 2007 que le législateur a fait sienne la jurisprudence (critiquée) de la Cour de cassation, selon laquelle une partie qui n’a pas conclu dans le premier délai qui lui est imparti pourrait encore conclure dans le délai suivant. Il est à présent acquis que la règle de l'article 747, §2, du Code judiciaire ne tend pas nécessairement à priver la partie qui a omis de déposer ses conclusions dans le délai premier imparti, du droit de le faire dans le délai prévu pour répliquer. Sauf, à nouveau, pour la partie victime de ces pratiques, à plaider (et à prouver) la déloyauté de son adversaire. 7. LE DOSSIER DE PIECES (art. 736 à 740 du Code judiciaire) A. Constitution et communication du dossier de pièces

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« Le droit de défense dans la jurisprudence de la cour de cassation (1990-2003) », traduction du discours prononcé par J. DU JARDIN à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 1

er septembre 2003,

http://www.juridat.be et J.T., 2003, p. 623. 15

M. REGOUT, « La mise en état des causes », note sous Cass., 13 février 2004, J.L.M.B., 2004, pp. 501 et s., ici n° 44. 16

En ce sens : J.-Fr. VAN DROOGHENBROECK, « Pour une réforme urgente de la mise en état judiciaire », note sous Bruxelles, 29 juin 2004, J.T., 2004, 785.

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Le dossier de pièces que l’on produira à l’appui de sa demande ou de sa défense est un élément extrêmement important dans le procès civil. C’est par la production de pièces probantes que les parties parviendront à prouver le bien-fondé des allégations qu’elles soutiennent à l’appui de leur demande ou de leur défense. Il est indispensable de se faire remettre par son client le plus de pièces possibles et de faire soi-même le tri entre les pièces utiles et les pièces non pertinentes, le client n’ayant pas toujours une bonne perception de la portée des pièces de son dossier. Avant de produire une pièce, il convient également de l’étudier en détail et dans son intégralité afin de ne pas, le cas échéant, produire des pièces qui seraient contre-productives aux intérêts défendus. La règle visée à l’article 736 alinéa 1er du Code judiciaire impose à communiquer à la partie adverse l’ensemble des pièces que l’on entend produire en justice et ce, avant de les communiquer au juge (respect du contradictoire). Il s’agit d’un préalable indispensable à la mise en état de la cause : le demandeur doit communiquer ses pièces au plus tard dans les 8 jours de l’acte introductif d’instance. S’il ne les a pas communiquées, ce sera le cas échéant le premier délai qui sera imposé dans le calendrier de mise en état. Le défendeur doit communiquer ses pièces avec ses conclusions. Attention : en vertu de l’article 740, tous mémoires, notes ou pièces non communiqués au plus tard en même temps que les conclusions sont écartées d’office des débats. Cette règle ne vaut pas en cas d’application de l’article 735 dans les cas de débats succincts où des pièces comme des conclusions peuvent être déposées jusqu’à la clôture des débats. Si une partie reste en défaut de communiquer ses pièces, l’autre partie peut solliciter la surséance de la procédure jusqu’à la communication des pièces (article 736, alinéa 1 du Code judiciaire). Les pièces que l’on communique doivent faire l’objet d’un inventaire précis qui lui-même doit être annexé aux conclusions (article 743 du Code judiciaire). En principe, les pièces sont communiquées en copie (lorsqu’il s’agit de documents) mais une partie peut demander à avoir une pièce en original. Il faut être prudent et ne pas se dessaisir d’une pièce originale (le cas échéant, proposer à la partie adverse de venir consulter la pièce en son cabinet). On peut agir de même lorsque la pièce est difficilement communicable. Le Code judiciaire prévoit également que la communication des pièces peut se faire par le dépôt du dossier au greffe. Cette façon de procéder est en principe considérée comme contraire à la déontologie mais peut se justifier également en cas de pièces difficilement communicables. Chaque partie reste seule maître a priori du choix des pièces qu’elle entend communiquer. On n’est a priori jamais obligé de communiquer une pièce que l’on n’estime pas inintéressante voire contre-productive pour la thèse que l’on défend. Toutefois, il existe la procédure en production forcée de pièces s’il existe des présomptions graves précises et concordantes de la détention par une partie ou par un tiers d’un document contenant la preuve d’un fait pertinent (article 877 du Code judiciaire). Dans ce cas, le juge peut ordonner la production de ce document au dossier de la procédure. Lorsqu’on produit

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une pièce, la pièce doit être produite dans son intégralité (on ne peut pas cacher une partie de la pièce). En principe, il faut communiquer toutes les pièces que l’on produit à son dossier, sauf celles qui sont manifestement déjà connues de la partie adverse. Il est d’usage dans ce cas de préciser à la partie adverse qu’on lui communiquera ces pièces également si elle le souhaite. Pour éviter tout problème et toute discussion, il est prudent de recommuniquer intégralement son dossier de pièces en appel. En ce qui concerne la doctrine et la jurisprudence citée, il est d’usage de ne devoir communiquer à la partie adverse que la doctrine et la jurisprudence qui ne sont pas publiées dans un ouvrage accessible à la Bibliothèque du Barreau. En ce qui concerne les pièces en langue étrangère, il est prudent d’en produire une traduction. Il ne devra s’agir d’une traduction jurée que si une partie ou le juge l’exige.

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B. Dépôt du dossier de pièce au greffe 15 jours avant l’audience L’article 756 du Code judiciaire dispose que dans les causes fixées conformément aux articles 747 et 750, les pièces des dossiers des parties devront être déposées au greffe quinze jours au moins avant l’audience fixée pour les plaidoiries, « sans préjudice des dérogations ou modalités différentes énoncée dans l’ordonnance de mise en état […] ou dans l’avis de fixation ». Cette obligation nouvelle, qui était déjà prévue par de nombreux protocoles conclus entre divers barreaux et juridictions17, a pour but de permettre aux juges d’étudier utilement les dossiers avant l’audience en vue de faciliter, dans la mesure du possible, un débat interactif entre le juge et les parties. Cette exigence n’est pas sanctionnée de l’écartement d’office des pièces non déposées. Ce dépôt préalable des dossiers n’aura évidemment d’effet positif qu’à la condition que le juge dispose du temps nécessaire pour procéder, avant l’audience, à une étude sérieuse des causes qui lui sont soumises. Devant certaines juridictions (not. tribunal de 1ère instance de Bruxelles), les parties sont quasi-systématiquement dispensées de déposer leur dossier de pièces avant l’audience). 8. L’AUDIENCE DE PLAIDOIRIES ET LA PRISE EN DELIBERE A. Généralités Selon les tribunaux, les affaires sont fixées soit à heure fixe, soit à l’heure du début d’audience. Les audiences commencent selon les tribunaux et selon les chambres entre 8 heures 45 et 9 heures 30. Sauf si l’affaire est à heure fixe, il convient aux avocats d’être présents à l’appel du rôle ou à tout le moins d’y être représentés pour pouvoir confirmer au tribunal que l’on souhaite plaider l’affaire ou pour le cas échéant exposer une situation particulière qui justifierait que l’affaire ne soit pas retenue. Il convient aux avocats de prendre leurs dispositions pour arriver à l’heure au palais que ce soit à Bruxelles ou en province. Si l’on doit être présent en même temps à plusieurs audiences, on privilégie en principe la juridiction la plus élevée tout en prévenant les autres chambres où l’on est appelé à comparaître. Il est d’usage la veille de l’audience au plus tard de prendre contact avec son confrère pour confirmer l’audience et pour convenir avec lui de l’heure à laquelle les parties se retrouveront à l’audience. Si ce n’est pas une affaire à heure fixe et que les parties conviennent de ne pas être là l’appel du rôle, il convient d’en aviser le tribunal et si possible de vérifier si cet arrangement convient au tribunal.

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Avec des succès divers, selon que le magistrat étudie le dossier, effectivement ou non, préalablement à l’audience.

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Il est d’usage de se lever lorsque le tribunal rentre dans la salle d’audience. L’audience commence en principe par un appel du rôle. Les affaires ensuite sont prises selon un ordre aléatoire selon les usages des cours et tribunaux (soit selon l’ordre du rôle, soit selon les affaires prêtes à être plaidées, soit en vertu de l’une ou l’autre priorité, etc.). Il est utile de se renseigner sur les us et coutumes de la chambre où on s’apprête à aller plaider une affaire. Le demandeur se place à gauche face au juge, le défendeur à droite. Le demandeur plaide en premier, ensuite le défendeur, les parties peuvent répliquer. Les répliques ne sont utiles que si elles visent à ajouter quelque chose qui n’a pas encore été dit et non à répéter ce qui a déjà été dit, sous peine de lasser le tribunal. Les plaideurs doivent veiller à respecter le temps de parole qu’ils avaient annoncé. B. Le droit de plaider si on n’a pas conclu L’article 756bis C. jud. règle définitivement la controverse qui prévalait depuis 1992 sur la question de savoir si une partie qui n’avait pas conclu pouvait ou non plaider : « Sans préjudice des règles visées à l'article 735, § 3, l'absence ou l'écartement d'office des conclusions n'emporte pas l'interdiction de plaider. Cette plaidoirie ne vaut pas conclusions. A la suite de cette plaidoirie, la partie adverse peut déposer des conclusions en réponse. A cet effet, la cause sera de plein droit mise en continuation à quinze jours et sera ensuite prise en délibéré sans nouveaux débats. Le juge peut réduire ce délai à la demande de la partie autorisée à conclure en vertu du présent alinéa. ». La précision selon laquelle la plaidoirie ne vaut pas conclusions est très importante. D’une part, le juge ne doit pas répondre aux moyens et arguments soulevés uniquement en plaidoiries. D’autre part, cette plaidoirie ne peut comporter aucune demande. Le texte tranche clairement la controverse sur la question de savoir si une partie qui n’a pas conclu peut ou non plaider, en faveur du droit de plaider. En effet, il apparaît en pratique que la recherche de la vérité judiciaire commande que le juge soit le mieux informé sur l’ensemble du litige. Ceci en vue également d’éviter des réouvertures des débats intempestives. Toutefois, autoriser une partie qui n’a pas conclu ou qui a conclu tardivement à pouvoir plaider peut dans certains cas porter atteinte aux droits de la défense de l’autre partie qui a respecté la procédure de mise en état. Il fallait donc trouver un palliatif à cette situation. Ce palliatif consiste à autoriser la partie qui est surprise par la plaidoirie de son adversaire, en ce sens que c’est par ce biais qu’elle prend pour la première fois connaissance de ses arguments, de pouvoir y répondre par écrit. C’est une faculté qui est laissée à cette partie et à elle seule. Il ne s’agit pas d’une obligation. Le contenu de la plaidoirie de son adversaire pourrait l’inciter à ne pas utiliser cette possibilité, soit pour ne pas donner trop d’importance à cette plaidoirie à laquelle le juge n’est pas tenu de répondre, soit parce qu’elle estime que les arguments ainsi développés sont déjà rencontré dans ses propres écrits de procédure antérieurs.

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Si cette partie souhaite répondre par écrit, elle doit le signaler à l’issue de l’audience. Dans ce cas la cause est d’office mise en continuation à quinze jours pour dépôt de ces conclusions. Pendant ce délai, la partie peut encore se raviser et renoncer à prendre des conclusions en réponse. Elle peut également demander au juge que ce délai soit réduit. Si des conclusions sont prises, elles sont déposées au plus tard à l’audience de continuation. Le texte précise qu’il ne peut s’agir que de conclusions «en réponse», c’est-à-dire qui visent à répondre aux arguments et moyens développés en plaidoiries par l’autre partie. Ces conclusions ne peuvent pas avoir d’autre objet. L’affaire est immédiatement prise en délibéré sans qu’il n’y ait de nouveaux débats ni aucune possibilité de réplique de la part de la partie qui a été autorisée à plaider alors qu’elle n’avait pas valablement conclu. Si on peut considérer que cette partie est désavantagée par rapport à l’autre puisqu’elle ne peut plus répliquer au dernier écrit de l’autre partie, cette situation n’est que la conséquence directe de sa propre négligence dans la mise en état de la cause. Il aurait sans doute fallu ajouter une exception supplémentaire à l’article 748bis introduisant l’obligation de prendre les dernières conclusions sous forme de conclusions de synthèse, en faveur des conclusions « en réponse » à la plaidoirie de la partie qui n’a elle-même pas conclu où dont les conclusions tardives ont été écartées. Il est en effet exclu, qu’à cette occasion, des nouvelles conclusions de synthèse puissent (ou doivent) être prises. Cela ressort à mon sens de façon certaine du texte de l’article 756bis, al. 2, lorsqu’il utilise les termes « conclusions en réponse ». La justification de l’amendement y insiste aussi expressément. C. La plaidoirie interactive L’article 756ter C. jud. met en place la possibilité de tenir des audiences interavtives avec un juge actif, qui a étudié préalablement le dossier (pièces et conclusions), pour une audience plus efficace débouchant sur un véritable débat interactif, en lieu et place de deux monologues devant un juge muet. Le juge va en effet pouvoir suggérer aux parties de remplacer les plaidoiries par un débat interactif, qu’il dirige et au cours duquel il a la possibilité d'orienter les parties sur des questions qu'il estime être pertinentes et de nature à l'éclairer. Au cours de ce débat, les parties pourront elles-mêmes aborder des points du dossier non soulevés par le juge, pour autant qu’elles aient traité ces questions dans leurs écrits de procédure. Si les parties refusent ce débat interactif, il pourra néanmoins avoir lieu, mais alors à l’issue des plaidoiries et non en lieu et place de celles-ci. Le rôle du juge à l’audience dépend avant tout de la personnalité de celui-ci. Certains sont totalement impassibles, presque – en apparence – indifférents. D’autres au contraire sont expressifs. Certains s’astreignent à un silence absolu. D’autres interrompent, interrogent, supputent ou imaginent, à haute voix. Veillant toujours bien à préciser que c’est, évidemment, sans préjuger de leur décision finale. Et puis il y a encore tous ceux qui se situent entre des ces deux extrêmes.

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Il est évident que le juge n’avait pas besoin du nouvel article 756ter pour poser des questions à l’audience. A présent, ce droit d’intervention du juge n’est plus contestable, même s’il continue à irriter beaucoup d’avocats qui préfèreraient pouvoir plaider leurs causes (« bien tranquillement »), comme ils les ont préparées, sans être perturbés par des questions du juge, surtout lorsqu’elles dérangent. En pratique, face à la réticence des plaideurs et à la difficulté de mettre pratiquement et utilement en place un tel débat, on constate que le débat interactif reste l’exception, même si, de façon plus informelle, de plus en plus fréquemment les juges interrompent les plaideurs pour poser des questions et/ou demander des éclaircissements. 9. LA REOUVERTURE DES DEBATS A. Position du problème La réouverture des débats est toujours un événement irritant dès lors qu’il a inévitablement pour effet de retarder l’issue du litige. Il s’agit toutefois d’une mesure absolument nécessaire qui permet au juge de soumettre aux parties une réflexion survenue en cours de délibéré sur un point pouvant avoir une incidence sur l’issue du procès mais non évoqué par les parties dans leur conclusions ou en plaidoiries. La réouverture des débats est alors indispensable en vue de garantir le respect du contradictoire. Elle permet aussi aux parties de soumettre au juge une pièce ou un fait, nouveau et capital pour l’issue du procès, découvert après la prise de la cause en délibéré. Mal nécessaire, il s’inscrit dans une procédure qui évitera au maximum que ce retard ne prenne des proportions déraisonnables. B. Toute réouverture des débats doit prévoir une nouvelle « mise en état » restreinte

sans nécessairement déboucher sur une nouvelle audience L’article 775 du Code judiciaire énonce que « si la réouverture des débats est ordonnée, le juge invite les parties à s'échanger et à lui remettre, dans les délais qu'il fixe et sous peine d'être écartées d'office des débats, leurs observations écrites sur le moyen ou la défense justifiant celle-ci ». La décision de réouverture des débats doit donc systématiquement prévoir un calendrier d’échange d’observations entre les parties, sanctionné comme en cas de mise en état judiciaire, à peine d’écartement d’office des débats. Ce n’est que « le cas échéant » que le juge « fixe le jour et l'heure où les parties seront entendues sur l'objet qu'il détermine ». Ce qui signifie qu’il n’y aura pas nécessairement une nouvelle audience en cas de réouverture des débats. Le juge peut estimer suffisants les écrits des parties sur le point faisant l’objet de la réouverture des débats, sans qu’il soit en outre nécessaire de fixer une audience pour qu’elles puissent venir exposer oralement leurs observations.

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C. La réouverture des débats et le défaut En vertu de la version actuelle de l’article 775 du Code judiciaire, le droit d’intervenir dans le débat rouvert n’est plus réservé aux seules parties qui avaient comparu dans la cadre de la procédure initiale, c’est-à-dire avant le prononcé de la décision en réouverture des débats. Dorénavant toutes les parties à la cause participent à la réouverture des débats. 10. LE JUGEMENT A. Le jugement avant dire droit / Le jugement définitif a. Avant dire droit C’est un jugement qui ne tranche aucune contestation mais qui ordonne une mesure préalable destinée à instruire la demande ou à aménager provisoirement la situation des parties (art. 19 al. 2 du Code judiciaire). Il n’a pas autorité de chose jugée. Exemples : - production de documents (art. 877 à 882 du Code judiciaire) : - réouverture des débats (voir supra) - comparution personnelle des parties (art. 992 à 1004 du Code judiciaire) : - enquêtes (art. 915 à 961 du code judiciaire) : - expertise (art. 962 à 991 du Code judiciaire) : Les voies de recours sont parfois restreintes à l’égard des jugements avant dire droit. b. Définitif C’est le jugement par lequel la juridiction vide sa saisine (par opposition au jugement avant dire droit - art. 19 al. 1er du Code judiciaire). Le juge « vide sa saisine » lorsqu’il tranche une contestation en droit sur un point litigieux. Il ne s’agit donc pas nécessairement d’un jugement sur le fond de l’affaire. Un jugement qui règle une exception de procédure (ex : qui rejette une exception de nullité de l’acte introductif d’instance) est un jugement définitif en ce que le juge a vider sa saisine sur ce point de droit. On dit que le juge vide sa saisine dès lors qu’il a été saisi de cette contestation par les parties et qu’il l’a tranchée. Le juge ne peut plus revenir par la suite sur sa décision. Il n’est en effet plus saisi de cette question. Le jugement définitif a autorité de chose jugée dès son prononcé. c. Mixte Un jugement peut contenir des décisions avant dire droit et d’autres définitives.

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d. Le « saucissonnage » de la cause Dans une même cause, plusieurs jugements successifs peuvent être rendus, avant que le juge n’ait définitivement vidé sa saisine sur l’ensemble des questions litigieuses qui lui étaient soumises. exemple : - 1er jugement (définitif) sur un incident de procédure (ex : nullité de la citation ou

déclinatoire de compétence) ; - 2ème jugement (définitif) sur le principe de la responsabilité et (avant dire droit) sur le

montant du dommage, ordonnant une expertise ; - 3ème jugement (définitif sur le dommage et sur les dépens). B. Prononcé du jugement Le jugement est en principe prononcé dans le mois de la prise en délibéré de l’affaire à l’issue des plaidoiries, ou dans le mois de la prise en délibéré après l’avis du ministère public et les éventuelles répliques des parties à cet avis. Ce délai d’un mois n’est pas toujours respecté par le siège. Si le délai de délibéré dépasse les 6 mois, les parties peuvent demander le dessaisissement de la juridiction à la Cour de cassation. Si le dessaisissement est obtenu, il faudra toutefois que l’affaire soit refixée devant une autre chambre et replaidée. Selon ses usages, le tribunal communique soit une date fixe pour le prononcé de son jugement, soit un délai plus ou moins précis (dans le mois). Lorsqu’il donne une date fixe, il n’est pas rare que la date du prononcé soit ensuite reportée à une, voire à plusieurs dates ultérieures. Sauf cas exceptionnels, les jugements et arrêts en matière civile ne sont plus prononcés oralement en audience publique. Cela ne présente en effet aucun intérêt pratique. Les jugements sont envoyés en copie libre par le greffe aux parties dans les jours qui suivent son prononcé. Dans les affaires urgentes, on peut toujours contacter le greffe pour savoir si un jugement a été prononcé et le cas échéant aller lever immédiatement la copie libre au greffe du tribunal dès qu’il est prononcé. La copie libre est une copie simple du jugement délivrée à titre gratuit, à chaque partie à la cause, en un exemplaire par le greffe, uniquement à titre d’information. La copie libre est envoyée chez l’avocat. S’il faut exécuter le jugement, il est indispensable de lever l’expédition du jugement, qui est une copie officielle de celui-ci, revêtue par ailleurs de la formule exécutoire. L’original du jugement (la minute) reste toujours au greffe sauf les cas tout à fait exceptionnels de jugements rendus exécutoires sur minute, qu’il faudra déposer au greffe après exécution.

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C. Que faire à la réception du jugement ? Correspondance avec le client et l'adversaire, suivant que l'on a gagné ou perdu : - Si on a gagné :

- envoi de la copie du jugement au client, avec un commentaire - lettre à l'adversaire :

- pour qu'il prenne position (acte d'acquiescement de son client), - menaçant de faire signifier rapidement si la cause est urgente, - avec le décompte et le numéro de compte CARPA pour payer (en tout cas les

dépens), si son client s'incline, - éventuellement, déjà lever l'expédition du jugement.

- si on a perdu :

- envoyer la copie du jugement au client avec un commentaire explicatif et des précisions quant aux chances éventuelles d'un appel (le conseiller, envisager les frais de l'appel, les honoraires, la durée de la procédure)

- écrire à l'adversaire pour le féliciter, le faire patienter (quand à une éventuelle exécution), annoncer un éventuel appel (ou un acquiescement), demander le décompte, etc.

- éventuellement entamer des négociations, formuler des propositions D. Interprétation et rectification du jugement (art. 793 à 801 du Code judiciaire) L’interprétation est nécessaire, si le jugement est ambigu ou obscur (art. 793 du Code judiciaire). La rectification du jugement est également nécessaire lorsqu'il contient une erreur matérielle ou de calcul (art. 794 du Code judiciaire). L’action est portée devant le juge qui a rendu la décision, en cas d'accord entre les parties, par comparution volontaire, sinon par citation. Sauf accord de toutes les parties, la demande d'interprétation ne peut être formée qu'après l'expiration du délai d'appel ou de pourvoi en cassation (art. 798 du Code judiciaire); elle ne peut être formée lorsque la décision est frappée d'appel ou de pourvoi (en ce cas, le juge d'appel ou la Cour de cassation revoit la décision ambiguë ou obscure). Le juge ne peut rectifier une décision qu'il a rendue que dans la mesure où elle n'a pas été entreprise (art. 799 du Code judiciaire), La citation en interprétation ou en rectification est signifiée en débet (le demandeur consigne au greffe le montant des frais et dépens) : si la décision accueille la demande, les frais et dépens seront à charge de l'Etat et la somme consignée sera restituée au demandeur (art. 801 du Code judiciaire).

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11. PROCEDURES PARTICULIERES A. Procédure écrite (art. 755 du Code judiciaire) Nécessite l'accord des parties ou de leurs avocats. Dépôt au greffe des conclusions et des pièces préalablement communiquées, enliassées et inventoriées et possibilité pour le juge, dans le délai d'un mois à partir du dépôt du dossier au greffe, de demander des explications (voir réouverture des débats). B. L’intervention (art. 811 à 814 du Code judiciaire) Concerne une personne qui intervient à une instance qu'elle n'a pas introduite ou qui n'est pas dirigée contre elle, Deux types : a. L'intervention volontaire Agressive ou conservatoire introduite par requête motivée (art. 813 al. 1er du Code judiciaire), b. L'intervention forcée Agressive :

- par citation (ou par conclusions entre parties à la cause) : art. 813 al. 2 du Code judiciaire exemple : appel en garantie (voir art. 857 à 859 du Code judiciaire),

- vise à obtenir une condamnation, - est jointe à l'action principale, - comme pour toute intervention (voir art. 814 du Code judiciaire), elle ne peut retarder

le jugement de la cause principale (art. 859 du Code judiciaire), Conservatoire :

- par citation ou par conclusions (exemple : appel en déclaration de jugement commun) - ne vise pas à une condamnation mais seulement à ce que la décision ait autorité de

chose jugée à l'égard d'un tiers, C. Reprise d'instance (art. 815 à 819 du Code judiciaire) En cas de décès, changement d'état (majorité), modification de qualité, Forme :

- volontaire : par dépôt d'un acte au greffe et notification de celui-ci par le greffe à toutes les parties (art. 816 al. 1er du Code judiciaire),

- ou forcée : citation en reprise d'instance (art. 816 al. 2 du Code judiciaire), recherches éventuelles par le ministère public en ce qui concerne les héritiers (art. 817 du Code judiciaire),

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Procédure poursuivie et conclusions précédemment déposées maintenues, sauf conclusions nouvelles dans l'acte (art. 819 du Code judiciaire) D. Désistement d'instance et d'action (art. 820 à 827 du Code judiciaire) (Désistement = renonciation). Trois types :

- désistement d'un acte de procédure = renonciation aux effets attachés à cet acte (art. 822 du Code judiciaire),

- désistement d'instance = abandon d'une procédure commencée mais laisse subsister le droit d'action et n'empêche pas d'intenter une nouvelle fois celle-ci ultérieurement (art. 820 du Code judiciaire), est admis en toute matière,

- désistement d'action = abandon du pouvoir d'agir qui entraîne la renonciation au droit

que cette action a pour objet de mettre en œuvre (art. 821 du Code judiciaire); il ne peut porter que sur un droit auquel il est permis de renoncer; il entraîne le désistement d'instance.

Le désistement d'action est un acte unilatéral et ne nécessite par l'acceptation du défendeur. Le désistement d'instance, suivant l'état d'avancement de la procédure, est un acte unilatéral ou bilatéral : tant que le défendeur n'a pas conclu, le demandeur peut renoncer à la procédure en dehors de toute acceptation. En revanche, s'il a déposé des conclusions, le désistement d'instance proposé par le demandeur doit être accepté par le défendeur (art. 825 du Code Judiciaire) Conditions de forme :

- Le désistement peut être exprès ou tacite et ne peut jamais être présumé. - Le désistement exprès est fait par acte, signé par la partie ou son mandataire nanti d'un

pouvoir spécial et signifié à la partie adverse (art. 824 du Code judiciaire) - ou par conclusions d'accord qui sont nécessaires s'il s'agit d'un désistement d'instance et

que la partie adverse a conclu. Les choses sont remises, de part et d'autre, en même état que s'il n'y avait pas eu d'instance (art. 826 du Code Judiciaire).

N.B. : Différence entre omission du rôle, radiation (art. 730 du Code judiciaire) et désistement d'instance : - la radiation intervenant sur l'accord des parties pour que la cause soit rayée (art. 730 al. 1er

du Code judiciaire) éteint l'instance mais n'a pas à elle seule pour effet de remettre les choses, de part et d'autre, dans le même état que s'il n'y avait pas eu d'instance. Ainsi, la radiation n'a pas pour effet de rendre non avenue l'interruption de la prescription. Dès lors, la partie demanderesse qui se ravise ne peut plus interjeter appel mais peut réintroduire la

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procédure en première instance en conservant le bénéfice des effets attachés à la première citation

- Le désistement d'instance est, par ailleurs, soumis à un formalisme plus rigoureux (art. 824 du Code judiciaire).

- L'omission (sanction) du rôle n'éteint ni le droit ni l'instance. L’affaire est omise du rôle mais l’instance n’est pas clôturée. Les parties pourront solliciter qu’elle soit à nouveau fixée mais devront au préalable demander sa réinscription au rôle général (et repayer les droits de mise au rôle)

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12. LE DEFAUT A. Notions La procédure est par défaut lorsqu’une des parties ne comparaît pas à l’audience d’introduction ou dans le cadre d’audiences ultérieures fixées dans le cadre de la procédure visée à l’article 735 du Code judiciaire. Si une partie ne comparaît pas à l’audience d’introduction mais qu’un jugement par défaut n’est pas requis contre elle et que la cause a été remise (par défaut) à une date ultérieure, il faudra faire envoyer par le greffe un avis de fixation sur pied de l’article 803 du Code judiciaire. En vertu de l’article 804, alinéa 2, du Code judiciaire, dès lors qu’une partie a comparu à l’audience d’introduction (la comparution pouvant se faire par déclaration écrite de postulation conformément à l’article 729 du Code judiciaire) et qu’elle a pris des conclusions, la cause sera définitivement contradictoire à son égard. Lorsque par ailleurs la cause est fixée en application soit de l’article 747 ou de l ‘article 750, la procédure est également contradictoire même si une partie ne comparaît pas à l’audience de plaidoiries et même si une partie n’a pas pris de conclusions. Il ressort de cette évolution législative que la procédure par défaut est de plus en plus rare et inexistante pour les procédures appelant des débats plus que succincts. Le défaut peut avoir quelques incidences sur les droits procéduraux de la partie qui comparait. Ainsi, une demande nouvelle (l’article 807 du Code judiciaire) ne peut pas être introduite par défaut. Le jugement obtenu par défaut doit être signifié dans l’année. A défaut, il est réputé non avenu (art. 806 du Code judiciaire). Lorsqu’un jugement par défaut est réputé non avenu, l’instance demeurant ouverte, l’affaire peut être ramenée à l’audience par simple lettre adressée au greffe, sollicitant une fixation.

B. La nature exacte d’une décision judiciaire La nature par défaut ou contradictoire d’un jugement (ou arrêt) n’est pas fixée par la mention écrite sur la décision, c’est-à-dire la qualification que le juge donne lui-même de son jugement (ou de son arrêt), mais est fonction du mode de fixation utilisé et/ou de certaines circonstances procédurales. Pour rappel, un jugement sera rendu par défaut si le défaut a été requis à l’audience d’introduction à laquelle l’autre partie ne comparaissait pas ou si, dans la même circonstance, le défaut n’a pas été requis et que la cause a été remise ou fixée ultérieurement sur pied de l’article 803 du Code judiciaire. Ce n’est que contre un jugement répondant à ces conditions qu’une opposition pourra être valablement introduite.

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Lorsque la cause a été fixée sur pied des articles 747 ou 750, le jugement qui sera rendu sera dans tous les cas un jugement contradictoire et ce, même si une partie, soit ne devait pas conclure, soit ne devait pas comparaître à l’audience fixée pour les plaidoiries. Dans toutes ces hypothèses, il appartient au juge de répondre aux moyens développés dans les conclusions valablement communiquées et déposées par les parties, même celles qui ne comparaîtraient pas à l’audience. De façon plus générale, conformément au prescrit de l’article 804, al. 2, du Code judiciaire, la cause est définitivement contradictoire à l’égard d’une partie qui a comparu, conformément aux articles 728 ou 729 du Code judiciaire et qui a déposé des conclusions au greffe ou à l’audience. La question de la qualification exacte de la nature du jugement peut poser des problèmes délicats. Exemple : - Un client consulte son avocat après avoir été condamné, en première instance ; - Le client remet une copie de ce jugement à son conseil. Le jugement indique qu’il a été

rendu par défaut sur la base d’une fixation conforme à l’article 803 du Code judiciaire ; - L’avocat introduit une opposition contre ce jugement ; - A la suite de l’introduction de cette opposition, la partie adverse fait signifier le jugement ; - Ensuite, plus d’un mois après cette signification, la partie adverse dépose des conclusions

invoquant l’irrecevabilité de l’opposition au motif que le jugement n’avait pas été prononcé par défaut sur la base de l’article 803, comme mentionné à tort, mais bien à la suite d’une fixation intervenue sur la base de l’article 750, §2, du Code judiciaire et alors que la partie défenderesse n’avait pas comparu ;

Il apparaît prudent, surtout lorsqu’on ne reçoit que la copie du jugement et encore plus lorsque une signification semble intervenir à contre temps, de vérifier la nature exacte du jugement dans les plus brefs délais, notamment en allant consulter le dossier au greffe afin de vérifier la base légale exacte de la fixation et les antécédents réels de la procédure (ne pas se fier aux affirmations du client ni aux mentions du jugement). VI. LES VOIES DE RECOURS Les voies de recours ordinaires sont, l’opposition et l’appel. Un jugement ne sera coulé en force de chose jugée que lorsqu’il n’est plus susceptible de recours ordinaires. Ces recours sont en principe suspensifs. Les voies de recours extraordinaires sont : la tierce-opposition, le pourvoi en cassation et la prise à partie. 1. L’APPEL PRINCIPAL (art. 1050 à 1072 bis du Code judiciaire) 1/ Quelles sont les décisions susceptibles d’appel ? Sauf si la loi en dispose autrement, l’appel est ouvert contre tout jugement dès son prononcé, même s’il s’agit d’une décision d’avant dire droit ou prononcée par défaut.

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Le droit au double degré de juridiction ne constitue pas un principe constitutionnel ni un principe général du droit. 2/ Quels sont les jugements non appelables ? - Les jugements auxquels il a été acquiescé ; - les jugements d’accord (art. 1043 du Code judiciaire) ; - les décisions rendues en dernier ressort (art. 617 du Code judiciaire) ; - les décisions sur la compétence « contre lesquelles un appel ne peut être formé qu’avec

l’appel contre le jugement définitif » ; - les mesures d’ordre (exemples : remise, renvoi au rôle, fixation des délais pour

conclure) ; - les ordonnances fixant les délais pour conclure prononcées conformément aux art. 747

– 748 – 750 du Code judiciaire ; - certains jugements avant dire droit (jugements ordonnant une comparution personnelle

des parties, la production de documents, une descente sur les lieux, une décision de réouverture des débats ordonnée d’office par le juge) ;

Plusieurs dispositions du Code judiciaire et lois particulières limitent la possibilité d’introduire un appel (les décisions du tribunal de la jeunesse sur la capacité de l’enfant, les décisions du juge des saisies sur les contestations en matière d’insaisissabilité, de nombreuses décisions du juge des saisies en matière de saisie conservatoire, voies d’exécution (1426 – 1437 – 1459 etc… du Code judiciaire) ainsi que certaines lois particulières (exemple : certaines dispositions de la loi du 15 juin 1935 relative à l’emploi des langues en matière judiciaire) … 3/ Conditions Pour pouvoir interjeter appel principal, il faut : - avoir qualité, c’est-à-dire avoir été partie ou représenté en première instance ; - qu’un lien d’instance se soit noué en première instance entre l’appelant et l’intimé. Pour qu’il y ait lien d’instance, il suffit que les parties aient pris des conclusions l’une contre l’autre en première instance et aient été adversaires l’une de l’autre à propos de plusieurs points litigieux. Ce lien est également rencontré lorsqu’il y a eu, en premier degré de juridiction, une contestation sous-jacente entre les parties concernées qui a été exprimée dans leurs conclusions18 - que l’appelant ait un intérêt, lequel s’analyse par rapport aux griefs qu’il articule à

l’égard de la première décision.

18

C. cass. 10 octobre 2002, Pas. 2002, I, p. 1887

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- Il faut que l’appelant soit lésé par la décision attaquée, en d’autres termes avoir été condamné sur au-moins un des chefs de demandes de la partie intimée, ou avoir succombé à un au-moins de ses propres chefs de demandes.

- que l’appel soit dirigé contre une partie à la cause, en première instance, dans le cadre

de la procédure ayant donné lieu à la décision dont l’appel est interjeté. 4/ Les formes L’appel est introduit suivant l’art. 1056 du Code judiciaire par requête, par citation, par lettre recommandée dans les cas prévus par la loi, mais également par conclusions à l’égard de toute partie présente à la cause. Remarques : 1. En cas d’appel introduit par lettre recommandée dans un des cas non prévus par la loi,

l’acte est nul conformément aux dispositions du nouvel art. 700 du Code judiciaire, mais il s’agit d’une nullité exigeant l’existence d’un grief (art. 861 du Code judiciaire), qui peut être couverte (art. 864 du Code judiciaire) ou réparée (art. 867 du Code judiciaire).

En outre, l’acte déclaré nul interrompt la prescription ainsi que les délais de procédure impartis, à peine de déchéance.

2. Sauf lorsqu’il est formé par conclusions, l’acte d’appel contient, à peine de nullité, les

mentions énoncées à l’art. 1057 du Code judiciaire, notamment l’obligation pour l’appelant d’énoncer les griefs, c’est-à-dire ce qu’il reproche au jugement dont appel et justifier les raisons pour lesquelles il en sollicite la réformation.

On estime que cette exigence de motivation est suffisante lorsque les griefs sont suffisamment précis pour permettre à la partie intimée de conclure la première.

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B. Les effets de l’appel a. Effet suspensif L’appel a un effet suspensif sauf si la décision dont appel a été déclarée exécutoire par provision soit qu’elle l’est de plein droit, soit que le juge qui a prononcé la décision l’a déclarée exécutoire. Pour rappel, la décision est exécutoire dès qu’elle est prononcée, ce n’est que l’appel qui a un effet suspensif et non le seul écoulement du délai pour former recours. Une décision judiciaire est partant exécutoire, en principe, dès le jour de son prononcé. La circonstance qu’un recours ordinaire est possible n’affecte pas cette force exécutoire (sauf en cas de condamnation au paiement d’une somme, le délai d’appel devient par lui-même suspensif, en manière telle que la décision ne pourra faire l’objet d’une exécution forcée qu’à l’expiration du délai pour former appel, même si elle n’a pas été entreprise) (art. 1414 du Code judiciaire). L’exécution provisoire se fait aux risques et périls de la partie qui la poursuit (art. 1398, al. 2 du Code judiciaire). b. Effet relatif L’appel ne vaut qu’à l’égard des parties contre lequel il est dirigé et ne vaut qu’à l’égard des points tranchés par le premier juge qui sont visés dans l’acte d’appel. c. Effet dévolutif Par l’effet dévolutif, l’appel soumet au juge d’appel l’intégralité du litige qui était soumis au premier juge et qui n’a pas encore été tranché par celui-ci. Exception : Lorsque le juge d’appel confirme – même partiellement – une mesure d’instruction ordonnée dans le jugement entrepris, il doit renvoyer la cause au premier juge. Cette exception est d’ordre public et ce même si la mesure litigieuse a été exécutée avant le prononcé de la décision d’appel. Suivant la jurisprudence actuelle, les parties peuvent convenir de renoncer à l’exception à l’effet dévolutif. JT du 2 juin 2012, p. 462).

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d. Distinction entre effet dévolutif et effet relatif – exemple : A assigne B en dommages et intérêts à la suite d’une rupture par B, que A estime fautive, d’une concession exclusive de vente. A réclame

- une indemnité compensatoire de préavis de 500.000 € - ainsi qu’une indemnité pour plus-value notable de clientèle de 300.000 €

B conteste

- la recevabilité de l’action invoquant une cause de nullité de la citation - les modalités de calcul de l’indemnité compensatoire de préavis et notamment de la

marge semi-brute à prendre en considération ainsi que de la durée du préavis théorique

- le montant de l’indemnité pour plus-value notable de clientèle. Par un seul et même jugement, le premier juge déclare l’acte introductif d’instance valable et partant, l’action recevable. En ce qui concerne l’indemnité compensatoire de préavis, le premier juge fait droit aux contestations de B en ce qui concerne le calcul de la marge semi-brute de A et réduit la durée du préavis théorique. Sur base de ces nouveaux critères, le premier juge accorde à A une indemnité compensatoire de préavis de 150.000 €. En ce qui concerne l’indemnité complémentaire pour plus-value notable de clientèle, le premier juge alloue l’intégralité de la demande à A. B estime que la décision en ce qui concerne l’indemnité compensatoire de préavis lui est tout à fait favorable et qu’il ne pourra pas espérer obtenir mieux en appel. Par contre, il considère que l’indemnité complémentaire pour plus-value notable de clientèle est trop élevée. Il décide donc d’interjeter appel uniquement contre la partie de la décision du premier juge qui concerne l’indemnité complémentaire. Par l’effet relatif de l’appel, le juge d’appel ne sera saisi que de cette seule question. Ce n’est que par l’introduction, soit d’un autre appel principal, soit d’un appel incident, que A s’il le souhaite pourra étendre la saisine du juge d’appel. Si, dans le même exemple, le premier juge rend un premier jugement par lequel il ne tranche que la contestation de la recevabilité de la demande et qu’il déclare l’action recevable, rejetant l’exception de nullité de l’acte introductif d’instance, l’appel introduit par B contre cette décision saisira, par l’effet dévolutif, le juge d’appel de cette question particulière mais également de l’intégralité des questions litigieuses qui n’ont pas encore été tranchées par le premier juge.

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C. Délai d’introduction de l’appel Le délai pour introduire une voie de recours ordinaire est d’un mois à dater de la signification de la décision contre laquelle le recours doit être introduit (article 1048, C. jud. en ce qui concerne l’opposition ; article 1051, C. jud. en ce qui concerne l’appel). En principe, ce délai commence à courir le lendemain de la signification. Il se compte de quantième à veille de quantième (article 54, C. jud.). L’article 54 du Code judiciaire fait abstraction de la longueur réelle des délais, toutefois selon un arrêt de la Cour de Cassation du 4 septembre 1995, « lorsque le mois de l’échéance du délai pour introduire son recours ne comprend pas un nombre de jour suffisant pour l’application de cette règle, le délai expire le dernier jour de ce mois ». La Cour de cassation a donc opté pour « une notion théorique du quantième ». Le tableau repris ci-après permettra de mieux illustrer les conséquences de cette règle et de montrer qu’en pratique il ne revient pas nécessairement au même de dire que le délai commence à courir le lendemain de l’acte et se termine la veille du quantième que de dire que le délai commence à courir le jour de l’acte et se termine le quantième du mois suivant. Si les deux règles aboutissent au même résultat dans le premier exemple repris dans le tableau ci-dessous, l’acte étant posé le 13 février et le dernier jour du délai étant le 13 mars, ce n’est plus vrai pour les trois exemples repris en fin du tableau. Tableau II : computation des délais d’appel et d’opposition

Jour de l’acte : Date de la signification

1er jour du délai : « quantième »

« Quantième » suivant

Dernier jour du délai : « veille du quantième »

Observations

13 février 2001 14 février 2001 14 mars 2001 13 mars 2001 Le délai ne compte que 28 jours effectifs

12 janvier 2005 13 janvier 2005

13 février 2005 12 février 2005 reporté au lundi 14 février

Le 12 étant un samedi, le délai est reporté au lundi 14 février

28 février 2005 1er mars 2005 1er avril 2005 31 mars 2005

29 janvier 2003 30 janvier 2003

« 30 février 2003 » n’existe pas

28 février 2004 (et non pas le 27 !)

« Le délai expire le dernier jour du mois » :

31 janvier 2003 1er février 2003

1er mars 2003 28 février 2003

Tant en vertu de l’article 1048 de Code judiciaire, pour l’opposition, que de l’article 1051, pour l’appel, le délai d’un mois peut être augmenté conformément à l’article 55 du Code judiciaire.

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Les conditions pour l’application de cette augmentation ne sont pas les mêmes pour l’opposition que pour l’appel. Pour l’opposition, il y a augmentation lorsque la partie défaillante n’a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu alors que, pour l’appel, il y a prorogation des délais lorsqu’une des parties « à qui le jugement est signifié ou à la requête de laquelle il a été signifié » n’a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu. Les augmentations prévues à l’article 55 sont les suivantes : - 15 jours lorsque la partie réside dans la partie limitrophe de la Belgique ou dans le

Royaume-Uni de Grande-Bretagne ; - 30 jours lorsqu’elle réside dans un autre pays d’Europe ; - 80 jours lorsqu’elle réside dans une autre partie du monde. Pour un intimé domicilié en Suisse :

- si la signification intervient le 12 janvier 2005 - le délai commence à courir le lendemain soit le 13 janvier 2005 - pour se terminer le 12 février veille du quantième du mois suivant - le 12 février étant un samedi, le délai de recours est prolongé jusqu’au premier jour

ouvrable suivant soit le lundi 14 février 2005 - Ce délai est augmenté de 30 jours (qu’il ne reste plus qu’à compter sur ses doigts) ce qui

nous amène au 16 mars. Les délais pour former recours ordinaire sont encore prorogés dans l’hypothèse particulière où ils prennent cours et expirent pendant les vacances judiciaires (article 50, al. 2), dans ce cas, le délai est prorogé jusqu’au 15ème jour de l’année judiciaire nouvelle soit, en principe, le 15 septembre. En raison de la règle selon laquelle le délai prend cours le lendemain du jour où l’acte est posé, lorsqu’un jugement est signifié le 30 juin, le délai prend cours le 1er juillet pour se terminer normalement la veille du quantième du mois suivant soit la veille du 1er août, le 31 juillet. Prenant cours et se terminant pendant les vacances judiciaires, ce délai sera prorogé jusqu’au 15 septembre. Par contre, pour un jugement signifié le 29 juin, le délai prend cours le 30 juin pour se terminer la veille du quantième du mois suivant soit la veille du 30 juillet, c’est-à-dire le 29 juillet. Dans ce cas le délai n’ayant pas pris cours pendant les vacances judiciaires il n’est pas prorogé jusqu’au 15ème jour de l’année judiciaire nouvelle. Il est en conséquence inutile (sauf en cas d’astreintes, voir infra) de faire signifier un jugement à son adversaire entre le 30 juin et le 31 juillet puisque dans ces cas, le délai sera systématiquement prorogé jusqu’au 15 septembre. Par contre, si l’on fait signifier un jugement le 1er août, le délai commence à courir le lendemain de la date de la signification, soit le 2 août, pour se terminer la veille du quantième du mois suivant, soit le 1er septembre. Dans ce cas, le délai ne venant pas à échéance pendant les vacances judiciaires, il ne sera pas prorogé jusqu’au 15 septembre. A défaut de disposition particulière en la matière, le délai d’appel et d’opposition d’un mois prorogé en vertu des règles précitées s’applique également pour les recours ordinaires introduits à l’encontre d’une ordonnance rendue en référé.

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D. Le délai commence parfois à courir à dater de la notification Le délai de recours ordinaire peut, par exception à la règle générale exposée ci-dessus, commencer à courir dans certaines hypothèses à dater de la notification du jugement. Il en est ainsi, notamment mais non exclusivement, dans toutes les matières visées à l’article 704 § 2 du Code judiciaire. Les articles 1048 (pour l’opposition) et 1051 du Code judiciaire (pour l’appel) précisent que le délai d’appel cours à dater de la notification du jugement faite conformément à l’article 792, al. 2 et 3, du Code judiciaire. Cet article dispose que « dans les matières énumérées à l’article 704, al. 1er, le greffier notifie le jugement aux parties par pli judiciaire adressé dans les huit jours ». Le calcul s’opère conformément à l’art. 53 bis. Sous réserve d’autres dispositions légales, lorsque la notification est effectuée sur support papier, les délais prennent cours de la manière suivante : - le premier jour qui suit celui de la présentation du pli à son destinataire (à son domicile, sa

résidence ou à son domicile élu), lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par courrier recommandé avec accusé-réception ;

- le troisième jour ouvrable qui suit le dépôt aux services postaux – sauf preuve contraire – lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par pli simple.

Remarques Le délai de recours est différent du délai de comparution prévu à l’art. 1062 du Code judiciaire. Ce dernier, comme le délai de citation en première instance, est un délai d’attente pour permettre à la partie intimée de préparer sa défense. Ce délai ordinaire, prévu à peine de nullité, est de quinze jours, réduit à deux jours en cas de référé. Si l’acte d’appel est introduit par citation, le point de départ, compte tenu des règles de computation des délais, est le lendemain du jour de sa signification (art. 52 du Code judiciaire). En cas d’appel introduit par requête, l’art. 53 bis est d’application à telle enseigne que lorsque la notification a lieu par pli judiciaire ou par pli recommandé avec accusé de réception, le délai est calculé à partir du premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au destinataire. En cas d’appel formé par lettre recommandée, le délai prend cours le troisième jour ouvrable qui suit celui où le pli a été déposé à la poste (sauf preuve contraire). La sanction du non-respect du délai de comparution en appel est la nullité. S’agissant d’une nullité d’ordre public, les art. 864 et 867 du Code judiciaire sont applicables.

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En cas de pluralité de parties, la nullité d’un appel dirigé contre une partie à l’égard de laquelle le délai de comparution n’a pas été respecté, n’entraîne pas la nullité de l’appel dirigé contre les autres parties à l’égard desquelles le délai a été observé. E. Validité et recevabilité de l’appel ou de l’opposition : une signification à contretemps

doit constituer une « sonnette d’alarme » Pour éviter de tomber dans l’un ou l’autre piège de la procédure, il convient toujours de s’interroger sur le pourquoi d’une signification effectuée à contretemps, ou que l’on pourrait qualifier d’apparemment incongrue. L’exemple le plus classique est la signification du jugement effectuée par la partie adverse, qui a eu gain de cause devant le premier juge, après que l’autre partie ait déposé sa requête d’appel. Il convient dans ce cas de vérifier de façon minutieuse si la requête d’appel ne présente pas une cause de nullité et si l’appel lui-même est bien recevable. A cet égard, la consultation du dossier au greffe n’est certainement pas un luxe. Elle permet de vérifier la nature et la validité des fixations antérieures ainsi que les mentions figurant au dossier et/ou sur la feuille d’audience. 2. L’APPEL INCIDENT b. Notion L’appel incident est le recours mis à la disposition de l’intimé qui lui permet d’élargir la saisine du juge d’appel au-delà des limites qui résultent de l’effet relatif de l’appel principal. C’est donc une faculté mise à disposition de l’intimé afin de restaurer, devant le juge du recours, l’ensemble des aspects du litige soumis au premier juge. c. Comment (art. 1054) Par conclusions à tout moment, c’est-à-dire même par la partie dont le délai d’appel principal est expiré, par celui qui avait acquiescé à la décision originaire et par celui qui avait signifié le jugement sans réserves. d. Recevabilité L’appel incident est soumis à quatre conditions :

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- que l’appel principal ne soit ni nul ni tardif (il sera dès lors recevable dans les cas non prévus à l’art. 1054, notamment lorsque l’appel principal est irrecevable à défaut d’intérêt, ou en cas de désistement de l’appel principal lorsqu’un appel incident a déjà été formé) ;

- est intimée, c’est-à-dire à la partie contre laquelle un appel principal ou incident est dirigé ;

- que l’appel incident soit dirigé contre une partie à la procédure devant le juge d’appel.

L’appel incident peut être formé contre toutes les parties en cause devant le juge d’appel (art. 1054) ;

- que l’appelant ait un intérêt :

1. avoir subi un grief :

La recevabilité de l’appel incident est soumise aux mêmes conditions que celles de l’appel principal. L’appelant sur incident doit donc établir que le jugement dont appel lui a causé un préjudice. 2. avoir instance liée devant le premier juge avec l’intimé sur appel incident (cfr.

supra).

e. Délai pour introduire un appel incident

A l’inverse de l’appel principal, l’appel incident peut être formé à tout moment, c’est-à-dire en dehors du délai prévu à l’article 1051 du Code judiciaire et ce, même si l’appelant sur incident a lui-même fait signifier le jugement sans réserve ou si il y a acquiescé avant sa signification (article 1054 du Code judiciaire). L’appel incident sera donc souvent un moyen pour rattraper l’erreur commise de n’avoir pas introduit un appel principal dans le délai lorsque la décision attaquée a été signifiée. Il convient donc avant de laisser s’écouler un délai d’appel principal au motif que l’on est déjà intimé et que l’on pourra ultérieurement introduire un appel incident, de s’interroger avec circonspection sur le caractère effectif de la qualité d’intimé dont on croit pouvoir bénéficier.

NB : Distinction à faire entre la demande incidente en appel et l’appel incident Par l’introduction d’une demande incidente devant le juge d’appel, on soumet à celui-ci des questions nouvelles « non connues et donc non tranchées par le juge au premier degré »19. En ce sens, la demande incidente (reconventionnelle) peut en degré d’appel être introduite tant par la partie appelante que par la partie intimée. La seule condition est d’avoir été partie défenderesse devant le premier juge. La partie qui avait qualité de demanderesse originaire en premier degré peut quant à elle introduire une demande nouvelle en appel.

19

G. Closset-Marchal, op. cit., p. 289.

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La demande incidente (pas plus que la demande nouvelle) en appel ne constitue pas un appel en ce sens que cette demande n’est pas dirigée contre une ou plusieurs dispositions du jugement rendu en première instance. En vertu d’un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 1991, la demande reconventionnelle peut être formée la première fois en degré d’appel soit lorsqu’elle est fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation (condition conforme à l’article 807) soit, si tel n’est pas le cas, lorsqu’elle constitue une défense à l’action principale ou lorsqu’elle tend à la compensation : « qu’en déclarant irrecevable la demande reconventionnelle des preneurs par le seul motif que « (les demandeurs) n’ont pas soumis ce chef du litige à l’appréciation du premier juge, qu’il s’agit d’un nouveau chef de la demande et qu’une intervention à la cause tendant à obtenir une condamnation ne peut avoir lieu pour la première fois en degré d’appel », sans examiner si cette demande est fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, constituait une défense à l’action principale ou tendait à la compensation, le jugement attaqué viole les articles 807 à 810 et 1042 du Code judiciaire ».20

2. L’OPPOSITION (art. 1047 à 1049 du Code judiciaire) : C’est le recours ouvert contre le jugement rendu par défaut. C’est un recours qui tente à se raréfier dès lors que les cas de défaut sont de moins en moins fréquents. Elle est formée par exploit d'huissier ou, en cas d'accord des parties, par comparution volontaire. Elle doit toujours être motivée (griefs contre la décision attaquée). L’opposition doit être introduite, à peine de décjéance, dans le mois de la signification du jugement rendu par défaut (art. 1048 du Code judiciaire), à moins que le défaillant ne soit pas domicilié en Belgique, auquel cas le délai est prorogé conformément à l'article 55 du Code judiciaire, Il existe quemlques exceptions. Par exemple : - l’ordonnance rendue sur la base de l'art. 223 du Code judiciaire par défaut peut être

frappée d'opposition par requête déposée au greffe dans le mois de la notification de l'ordonnance (art. 1253 quater c) du Code judiciaire)

- lejugement prononcé dans les matières énumérées à l’art. 704, alinéa 1er (introduction par requête devant le Tribunal du Travail), notifié conformément à l’art. 792 : dans le mois qui suit la notification (voir infra).

Si la partie opposante se laisse juger une seconde fois par défaut, elle n'est plus admise à former une nouvelle opposition (art. 1049 du Code judiciaire).

20

Cass., 18 janvier 1991.

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3. LA TIERCE OPPOSITION (art. 1122 à 1131 du Code judiciaire) : C’est la voie de recours extraordinnaire qui peut être exercée par toute personne qui n'a pas été appelée ou qui n'est pas intervenue à la cause contre une décision qui préjudicie à ses droits, Elle est formée par citation à toutes les parties et portée devant le juge qui a rendu la décision attaquée. Lorsque le jugement a été signifié au tiers, la tierce opposition doit être formée par celui-ci dans les trois mois de la signification (art. 1129 du Code judiciaire), sauf si le recours est introduit contre une ordonnance rendue sur requête unilatérale (délai reduit à un mois à dater de la signification - voir aussi art. 1033 et 1034 du Code judiciaire renvoie à l'article 1125 du Code judiciaire en ce qui concerne la forme). Si la juridiction fait droit à la tierce opposition, il annule la décision attaquée à l'égard du tiers seulement et exceptionnellement à l'égard des autres parties dans la mesure où l'exécution de la décision attaquée serait incompatible avec l'exécution de la décision d'annulation (art. 1130 du Code judiciaire), 4. LE POURVOI EN CASSATION (art. 1073 à 1121 du Code judiciaire) : Voie de recours extraordinaire. Le déélai est de trois mois à partir de la signification de la décision attaquée (sauf prorogation conformément à l'art. 55 du Code judiciaire si le demandeur n'a pas de domicile en Belgique). Le poruvoi n'a pas de caractère suspensif. La procédure est menée par un avocat à la Cour de cassation, qui donne, au préalable, un avis sur les chances du pourvoi. VII. LE REFERE 1. GENERALITES A. L’urgence L’urgence est la condition nécessaire et suffisante de la compétence du juge des référés. Sa réalité conditionne néanmoins également le bien fondé de la demande introduite en référé. Son appréciation est laissée au juge, dans des limites très larges fixées par la Cour de cassation. L’urgence est une condition de la compétence matérielle du juge des référés qui s’apprécie, comme toute condition de compétence, en fonction de l’objet de la demande tel qu’il est libellé dans l’acte introductif d’instance, et non en fonction de l’objet réel de celle-ci. Par

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contre, si, après s’être déclaré compétent au vu du libellé de la demande, le juge des référés constate que l’urgence n’est pas réellement établie, ou qu’elle a disparu en cours de procédure, il devra déclarer la demande non fondée. Il y a urgence dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voire d’inconvénient sérieux, rend une décision immédiate souhaitable. Selon le Commissaire royal à la Réforme, Ch. Van Reephinghen, On recourra au référé lorsque la procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le différend en temps voulu. Le concept laisse au juge des référés un large pouvoir d’appréciation et son imprécision même, dans une juste mesure, la plus grande liberté. Il n’y a pas lieu à référé lorsque le demandeur a trop tardé à agir. Néanmoins, nonobstant cette inertie fautive, l’urgence pourra quand même être reconnue si la situation existante est aggravée par des faits nouveaux ou par l’effet de sa simple durée. Si l’urgence doit exister au moment de l’introduction de la demande, elle doit subsister jusqu’à l’issue de la procédure pour que le juge puisse faire droit à la demande. En cas d’appel, l’urgence doit persister pendant la procédure devant la cour d’appel. À défaut, la cour devra constater qu’il n’y a plus lieu à référé vu la disparition de l’urgence en cours de procédure. Cette règle d’apparence fort simple a conduit à d’importantes hésitations et à un arrêt très critiqués de la Cour de cassation estimant que l’urgence avait disparue si le défendeur, appelant, avait entretemps exécuté l’ordre prononcé par le juge des référés (sous peine d’astreinte)21. Si la procédure de référé apparaît elle-même trop lente pour résoudre en temps utile le litige, le plaideur peut recourir, dans certaines circonstances très strictes, à la procédure unilatérale, soit qu’il y ait urgence extrême, soit qu’il convienne de s’aménager un effet de surprise, soit encore qu’il n’est pas possible de déterminer l’identité de la ‘partie adverse’. Il existe encore une voie médiane entre le référé de droit commun et la procédure unilatérale. C’est la possibilité d’obtenir une abréviation du délai de citer. Cette procédure permet de réduire les délais de procédure tout en garantissant le respect du principe fondamental de procédure qu’est le contradictoire. La réduction du délai de citer est évidemment nettement moins efficace que la procédure unilatérale puisqu’une fois la procédure introduite, les règles du référé ‘classique’ sont applicables. En pratique toutefois, il est possible grâce à une telle réduction d’obtenir, outre une introduction très rapide, une instruction fortement accélérée. B. Le provisoire Doctrine 81 et jurisprudence conviennent actuellement que la précision légale selon laquelle le juge des référés statue au provisoire a pour unique portée que sa décision n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée à l’égard du juge du fond, qui ne sera en conséquence pas lié par ce qu’aura décidé le juge des référés. Cette précision dans l’article 584, alinéa 2, du Code judiciaire n’a donc pas d’autre portée que d’annoncer en quelque sorte la règle qui est clairement inscrite à l’article 1039, alinéa 1er, du même Code : « Les ordonnances sur référé ne portent préjudice au principal ».

21

Sur cette question, voir la note conjointe des professeurs de droit judiciaire H. Boularbah, G. Closset-Marchal, G. de Leval, J. Englebert, F. Georges, D. Mougenot, Ch. Panier et J.-F. van Drooghenbroeck, « Il y a urgence ! », J.T., 2009, pp. 673 et s.

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La doctrine enseigne traditionnellement que les mesures qui peuvent être prises par le juge des référés se divisent en deux grandes catégories : les mesures conservatoires et les mesures anticipatives. Les premières ne portent que peu atteinte aux droits de la partie contre laquelle elles sont demandées. Elles ne pourront être prononcées sur une simple apparence de droit. Les secondes, en ce qu’elles anticipent sur la décision du juge du fond, ne pourraient être ordonnées que sur base de droits certains et incontestable. Le principe théorique posé, la classification effective de certaines mesures dans l’une ou l’autre catégorie pose vite de sérieux problèmes. Si tous les auteurs s’accordent à considérer que les demandes d’expertise, de séquestre, voire de désignation d’un administrateur ad hoc, constituent des mesures conservatoires 163, la limite devient plus difficile à tracer pour les mesures d’interdiction d’aliéner, d’interdiction de publier un article (ou une émission), etc., étant admis par ailleurs que les mesures d’anticipation consistent en des injonctions de faire, de ne pas faire ou de payer. Dès lors qu’il est admis que le juge des référés peut se pencher sur les droits des parties et que le caractère provisoire de sa décision n’a d’autre portée que de confirmer qu’elle n’a pas autorité de chose jugée, cette distinction apparaît totalement obsolète. Elle reste pourtant quasi quotidiennement d’application. La seule limite à la décision du juge des référés, quelle que soit la mesure sollicitée, et qu’elle ne peut pas dire le droit ni causer à l’une des partie un préjudice irréparable en nature ou par équivalent. Le provisoire n’étant pas une condition de la compétence du juge des référés mais bien une limite à sa juridiction, la Cour de cassation a décidé que le juge des référés épuise sa juridiction lorsqu’il décide qu’il ne peut accueillir la demande telle qu’il en a été saisi, étant donné que celle-ci excède les limites du provisoire. Il s’ensuit que, dans un tel cas, le président ne peut être tenu ni de renvoyer encore un quelconque litige devant un autre juge ni statuer sur le fond ; il s’ensuit qu’il ne peut être question d’appliquer l’article 88, § 2, du Code judiciaire, ni d’obliger le juge d’appel à connaître du fond de la cause.

2. LA MISE EN ETAT DANS LE CADRE DES PROCEDURES URGENTES A. La mise en place d’une procédure spécifique aux contentieux urgents L’article 747, §3, énonce : « Par dérogations aux paragraphes qui précèdent, devant le juge des référés, le président du tribunal siégeant comme en référé et le juge des saisies, le délai dont les parties disposent pour faire valoir leurs observations est de 5 jours au plus et le délai endéans lequel le juge fixe le calendrier ou acte l’accord des parties sur celui-ci est de 8 jours au plus. Ces délais peuvent être réduits ou supprimés par le juge si les circonstances le justifient »22.

22

Amendement n° 44 de M. MARINOWER, D P. Chambre, doc 51 2811/002, p. 37.

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La justification donnée à cet amendement éclaire parfaitement la portée du texte voté. Il est avant tout précisé qu’ « afin de dissiper toute équivoque, il apparaît opportun d’indiquer qu’un calendrier de procédure peut également être établi dans les procédures en référé, les procédures comme en référé et les procédures devant le juge des saisies ». Cette précision n’était en effet pas superflue puisque par le passé, il avait été soutenu par certains, à tort, que l’article 747, §2, du Code judiciaire ne trouvait pas à s’appliquer dans le cadre de la procédure en référé23. Ensuite, il est ajouté qu’ « eu égard à la particularité de ces procédures, caractérisées par l’urgence, les délais pour la procédure de mise en état sont réduits : 5 jours au maximum pour que les parties puissent adresser leurs observations au juge, 8 jours au maximum pour le juge pour fixer ou entériner l’accord des parties. Il ne s’agit ici que d’un délai maximum, qui peut être réduit ou supprimé par le juge si les circonstances le justifient. Cela signifie concrètement que les explications pourront devoir être fournies directement à l’audience d’introduction et le calendrier fixé ou entériné également à cette même audience ». Face à des procédures réellement urgentes, ces délais restent excessifs. Il est dès lors prévu qu’ils peuvent être réduits, mais aussi qu’ils peuvent être purement et simplement supprimés. La comparaison avec le §2 de l’article 747, est intéressante. Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire de droit commun, seul le délai d’un mois octroyé aux parties peut être abrégé – et non supprimé, comme en référé –. En outre, en droit commun, le délai ne sera abrégé qu’ « en cas de nécessité ou de l’accord des parties », alors qu’en référé, la réduction ou la suppression du délai par le juge se fera « si les circonstances le justifient ». Les juges des référés et des saisies peuvent donc, d’initiative, supprimer ces délais et en conséquence acter dès l’audience d’introduction les délais contraignants d’échange des conclusions. B. La dispense de notification de l’ordonnance Dans le cadre des contentieux urgent, l’ordonnance actant les délais d’échange de conclusions doit être notifiée aux parties au plus tard le premier jour ouvrable qui suit celui où l’ordonnance a été rendue. Ce qui évite évidemment qu’un délai déraisonnable ne s’écoule entre le moment ou l’ordonnance est rendue et celui où elle est notifiée aux parties. Le législateur a prévu que les parties peuvent dispenser le greffier d’une telle notification. Lorsque les délais seront fixés à l’audience d’introduction, en présence de toutes les parties, il peut se justifier de dispenser le greffier de cette notification. Pour le reste, l’ensemble des règles prescrites aux paragraphes 1er et 2 de l’article 747 du Code judiciaire sont applicables à la mise en état des contentieux urgents.

3. LES DEPENS EN REFERES L’article 1017 du Code judiciaire dispose notamment que “tout jugement définitif prononce, même d’office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé”. En référé, le juge

23

Voy. sur cette question G. DE LEVAL, « La mise en état des causes », Le nouveau droit judiciaire privé – commentaire, Dossier du J.T., n° 5, Larcier, 1994, pp. 88 et s.

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peut condamner la partie qui succombe aux dépens lorsqu’il rejette la demande ou lorsque sa décision met fin au litige. Dans le cas contraire, le juge des référés réserve à statuer sur les dépens “pour qu’ils soient joints à ceux de la procédure au fond”. Si la procédure en référé ne connaît pas de suite au fond, il appartient à la partie qui entend récupérer les dépens de référé de saisir le juge du fond d’une action autonome visant à obtenir la condamnation de la partie adverse aux dépens de référé (Cass., 30 avril 1971). 4. LE SORT DE L’ORDONNANCE DE REFERE L’ordonnance de référé peut être frappée d’appel (ou d’opposition si elle a été rendue par défaut) et être en conséquence confirmée, totalement ou partiellement, ou infirmée et rétractée par le juge d’appel. Les règles de droit commun sont applicables. L’ordonnance, non réformée dans le cadre d’un recours ordinaire, peut néanmoins apparaître incompatible avec la décision rendue ultérieurement par le juge du fond. A l’heure actuelle, on considère que la décision du juge du fond ne peut avoir aucun effet rétroactif sur l’ordonnance de référé qui subsisterait donc jusqu’au prononcé de la décision au fond. En d’autres termes, le juge du fond n’étant pas le juge d’appel du juge des référés, il ne peut pas réformer la décision de ce dernier. Simplement, la décision au fond rendra caduque pour l’avenir ladécision rendue au provisoire. VIII. SAISIES CONSERVATOIRES ET VOIES D’EXECUTIONS Cette matière, qui renferme une multitude de procédures particulières, est beaucoup trop vaste et beaucoup trop complexe pour en faire le relevé dansle cadre du cours L’attention du praticien sera juste attirée sur quelques questions tout à fait fondamentales et fréquentes, sans entrer dans les particularités propres à chaque procédure d’exécution. 1. Généralités La saisie conservatoire est un moyen mis à la disposition du créancier pour mettre tout ou partie du patrimoine de son débiteur entre les mains de la justice en vue de garantir l’exécution future d’une créance pour laquelle le créancier ne dispose pas encore d’un titre exécutoire. La saisie conservatoire a pour effet de rendre le bien saisi indisponible. Sauf s’il s’agit d’une saisie-arrêt qui peut se faire sur base d’un titre privé, la saisie conservatoire ne peut se faire que sur base d’une ordonnance rendue par le juge des saisies.

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Les conditions pour pouvoir pratiquer une saisie conservatoire sont les suivantes : - la célérité

La célérité ne se confond pas avec l’urgence. La célérité est le péril en la demeure, à savoir le risque d’insolvabilité présent ou futur du débiteur justifiant que des mesures de sauvegarde soient prises sans délai. La célérité doit être prouvée par le créancier saisissant.

- la créance invoquée doit être certaine, liquide et exigible

Etant entendu que ces conditions sont appréciées avec une certaine souplesse puisque par nature le créancier saisissant à titre conservatoire ne possède pas encore de titre exécutoire pour sa créance.

La saisie-exécution est une voie d’exécution forcée offerte au créancier en vue de pouvoir exécuter sur le patrimoine de son débiteur de façon contraignante une créance coulée dans un titre exécutoire (par exemple un jugement). Le but n’est pas de mettre le patrimoine du débiteur entre les mains de la justice mais bien de pouvoir aller « se servir » directement dans le patrimoine du débiteur récalcitrant à s’exécuter volontairement. Quoiqu’ayant la même dénomination, ce sont deux actes procéduraux de portée totalement différente. Ils répondent en conséquence à des conditions de forme et de fond différentes. 2. Le recours contre une saisie conservatoire La contestation d’une saisie conservatoire peut revêtir deux formes différentes, selon que la saisie a été autorisée par ordonnance préalable du juge des saisies ou directement formée par le saisissant soit en vertu d’un jugement au fond (article 1414 du Code judiciaire), soit sur base d’un titre privé en matière de saisie-arrêt, article (1445 du Code judiciaire). Dans le premier cas, il s’impose d’introduire une tierce opposition dans le mois de la signification de la décision concomitante à la saisie ou à sa dénonciation (article 1419 du Code judiciaire). La tierce opposition vise la rétractation de l’ordonnance ayant autorisée la saisie. Dans le second cas, il faut introduire une action principale visant à obtenir la levée de la saisie (article 1420 du Code judiciaire). Aucun délai particulier n’est prévu pour l’introduction de cette procédure. Certains praticiens confondent deux recours et il arrive que le juge rejette la demande. Une façon de contourner ce problème est de soutenir que la demande de rétractation d’une ordonnance autorisant une saisie serait implicitement (virtuellement) comprise dans le cadre

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d’une action en mainlevée de la saisie. Cet argument n’est toutefois pas unanimement admis par les juges des saisies. 3. Le recours contre une saisie-exécution La contestation d’une saisie-exécution se fera devant le juge des saisies : elle ne pourra porter que sur les conditions de la saisie-exécution et non sur le titre servant de base à la saisie puisque par nature celui-ci a déjà fait l’objet d’une contestation en justice ayant abouti à la délivrance d’un titre exécutoire (jugement). Si la saisie-exécution se fait sur base d’un titre exécutoire autre qu’un jugement (exemple : acte notarié), la contestation pourra également porter sur la validité de ce titre.

4. Divers (à propos des saisies) On soulignera encore :

- L’utilisation à mauvais escient de la procédure prévue à l’article 1408 du Code judiciaire pour introduire d’autres demandes que celles concernant l’insaisissabilité des biens saisis.

- Le problème du renouvellement des saisies : « les saisies conservatoires, en matière

mobilière, immobilière, arrêt ou sur navire et bateau requierent des conditions de formes et d’époques précises, leur renouvellement avant l’expiration d’un délai de trois ans. Le point de départ de ce délai varie toutefois selon les saisies pratiquées, et il faut y être particulièrement attentif »24.

Il convient à cet égard de noter que le délai de trois années visé à l’article 1425 du Code judiciaire peut être réduit par le juge qui autorise la saisie.

De même, lorsque la saisie est renouvelée, la durée du renouvellement est déterminée par le juge et n’est donc pas nécessairement de 3 années ni nécessairement équivalente à la durée initialement accordée (article 1428 du Code judiciaire).

- En matière de saisie exécution immobilière, les dispositions prescrites à peine de

nullité ne le sont pas au cas par cas mais prévues par l’article 1622 du Code judiciaire ; - Le caractère non appelable d’un certain nombre de décisions en matière d’incident sur

saisie exécution immobilière (article 1624, alinéa 2 du Code judiciaire dont la portée est loin d’être évidente) ;

- En matière de saisies conservatoires, dès lors que le juge des saisies ne tranche pas au

fond, il est généralement admis que le pénal ne tient pas le juge des saisies en état.

24

E. BOIGELOT, Prévention de la responsabilité civile professionnelle, mémo 5, ed. Ordre des Barreaux.

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5. La responsabilité objective en cas d’exécution provisoire L’article 1398, al. 2, du Code judiciaire énonce que l’exécution provisoire d’une condamnation nonobstant le recours ordinaire de l’autre partie s’effectue aux risques et périls de la partie qui la poursuit et qu’il est admis par une jurisprudence constante de la Cour de cassation qu’il s’agit d’une responsabilité objective. Par contre, la Cour de cassation a très récemment précisé que celui qui se prévaut de l’exécution provisoire assortissant une ordonnance d’autorisation de saisie conservatoire ne voit sa responsabilité engagée que si le saisi démontre l’existence d’une faute dans son chef25. On peut légitimement s’interroger sur le bien fondé de cette décision. Toujours à propos de l’exécution provisoire, dans l’état actuel de la jurisprudence, une décision rendue au fond n’a pas pour effet de réformer une ordonnance prononcée, antérieurement et en sens contraire, en référé. En d’autres termes, la décision rendue au fond aura pour effet si elle est contraire à l’ordonnance préalable rendue en référé, de mettre un terme pour l’avenir aux effets de cette ordonnance, mais sera sans influence sur les effets de celle-ci pour le passé. Ceci signifie que si l’ordonnance des référés condamnait au paiement d’une astreinte, la décision ultérieure au fond annulant la condamnation principale prononcée au provisoire en référé sera sans incidence sur la débition des astreintes, pour la période antérieure à la date de la décision au fond. D’où l’intérêt d’interjeter appel contre une ordonnance de référé même si une procédure au fond est introduite, dès lors que seul le juge d’appel peut réformer avec effet rétroactif ladite ordonnance. IX. L’ASTREINTE 1. Notions

L’astreinte est une condamnation accessoire à une condamnation principale (qui ne peut consister en une condamnation au paiement d’une somme), destinée à garantir l’efficacité de la condamnation principale. L’astreinte est une amende civile qui doit être payée par le débiteur de l’obligation principal au créancier de cette l’obligation, dans l’hypothèse où l’obligation principale n’est pas exécutée conformément au titre exécutoire. L’astreinte peut

- soit être une somme unique en cas de non-exécution de l’obligation de faire ou de ne pas faire

- soit en un montant fixé par infraction à l’obligation de faire ou à ne pas faire - soit un montant fixé par unité de temps en cas de retard à l’exécution de l’obligation

principale de faire ou de ne pas faire.

25

Cass., 17 février 2005.

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L’astreinte n’a aucun caractère indemnitaire. Son montant peut être plafonné par le juge qui la prononce. 2. Recouvrement Le recouvrement des astreintes réserve souvent beaucoup de surprises. Il ne faut pas liquider les astreintes avant de procéder à leur exécution. Le jugement ou l’arrêt contenant la condamnation principale vaut titre pour l’exécution des astreintes. En cas de litige quant à la computation des astreintes, le débat doit être soumis au juge des saisies. Les astreintes se prescrivent par six mois. Il convient donc de poser un acte interruptif de la prescription dans ce délai pour se préserver le bénéfice de l’astreinte. « Le délai de prescription prend cours, pour chaque astreinte, à compter du jour où celle-ci est individuellement encourue. En d’autre terme, lorsque les infractions se succèdent dans le temps, le point de départ de la prescription doit être fixé séparément pour chaque unité d’astreinte encourue »26. Lorsqu’il s’agit d’astreintes qui sont fixées par jour de retard, si le retard est persistant, il conviendra de renouveler l’interruption de la prescription tous les six mois. L’astreinte ne commence à courir qu’à partir de la signification du jugement qui comporte cette condamnation accessoire. Cette signification est nécessaire même si la partie adverse a acquiescé à la décision (pour l’hypothèse où, malgré cet acquiescement, elle ne s’exécute pas). Lorsque le juge accorde un délai de grâce pour l’accomplissement de l’obligation principale avant la prise de cours des astreintes, ce délai de grâce ne commence lui-même à courir qu’à dater de la signification. Les astreintes ne sont exigibles, nonobstant l’appel de la décision qui les ordonne, que si celle-ci est exécutoire par provision. On peut s’interroger sur l’utilité qu’il y a pour un juge d’assortir sa condamnation principale d’une astreinte et de ne pas ordonner parallèlement l’exécution provisoire du jugement. Cette situation qui peut, le cas échéant, résulter d’une erreur ou d’un oubli, se rencontre néanmoins. Dans cette hypothèse, en cas d’appel, il est conseillé à la partie qui bénéficie de l’astreinte de solliciter de la cour d’appel à l’audience d’introduction qu’elle ordonne l’exécution provisoire du jugement attaqué. Enfin, le plaideur sera particulièrement attentif à l’arrêt de la Cour de justice Benelux du 16 décembre 200427 qui précise que le délai de grâce dont le juge peut assortir le prononcé d’une astreinte ne constitue pas un délai de procédure régi par le droit national de chacun des Etats membres. Ce n’est donc pas un délai donnant lieu à une prorogation jusqu’au prochain jour ouvrable lorsqu’il vient à expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié légal.

26

H. Boularbah, Prévention de la responsabilité civile professionnelle, mémo I, éd. Ordre des Barreaux. 27

J.L.M.B., 2005, p. 188.

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Dans cet arrêt, la Cour de justice précise que « le juge qui prononce l’astreinte est libre d’assortir la condamnation à une astreinte d’un délai de grâce […]. Le juge qui prononce l’astreinte et accorde un délai de grâce peut préciser si ledit délai ne comprend que les jours ouvrables ou non. Il peut aussi tenir compte de la possibilité de satisfaire à la condamnation principale un samedi, un dimanche ou un jour férié légal. Par conséquent, la prorogation du délai de grâce n’a pas lieu automatiquement. Le juge qui prononce l’astreinte doit déterminer avec précision si le délai de grâce qu’il accorde doit être prorogé ou non lorsqu’il vient à expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié légal. Si le juge ne le fait pas et qu’il ne prévoit pas de prorogation, le délai ne sera pas prorogé »28. Il s’impose au plaideur d’être particulièrement attentif en matière d’astreintes (et d’attirer particulièrement l’attention de son client) dès lors que les juges ne sont pas toujours suffisamment attentifs et/ou conscients des conséquences parfois dramatiques que peuvent avoir les astreintes à l’égard d’une partie. De même, il est conseillé au plaideur, lorsque la partie adverse sollicite la condamnation accessoire au paiement d’astreintes, d’une part de contester cette demande mais surtout, d’autre part, à titre subsidiaire, d’en discuter clairement les modalités et de solliciterla fixation d’un plafond. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de justice Benelux du 16 décembre 2004 illustre parfaitement ce danger :

- En l’espèce, une compagnie d’assurances est condamnée par une ordonnance prononcée le jeudi 13 juillet 2000 à remettre des documents déterminés à la partie adverse sous peine d’encourir une astreinte de 20.000.000 BEF par jour de retard. Le juge assorti toutefois cette condamnation à un délai de grâce en précisant que les astreintes ne seront dues, en cas d’inexécution de la condamnation principale, que « à compter de 12 heures après la signification de l’ordonnance ».

- La partie qui a obtenu cette décision ne se précipite nullement pour faire procéder à la

signification de celle-ci comme on aurait pu l’imaginer. Au contraire, elle ne fera procéder à cette signification que le lendemain, vendredi 14 juillet à 18 heures. A cette heure là, un vendredi soir, en plein été, il n’y avait manifestement plus personne au siège de la compagnie d’assurance pour assurer la suite voulue à cette signification. En conséquence, ce n’est que le lundi 17 que l’assureur a remis les documents au demandeur. L’assureur a par la suite tenté de soutenir que le délai de grâce, fixé par le juge qui a prononcé l’astreinte, devait être prorogé conformément aux dispositions de l’article 53 du Code judiciaire, la Cour de justice a rejeté cet argument.

28

C.J.Benelux, 16 décembre 2004, J.L.M.B., 2005, p. 188.

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X. L’EMPLOI DES LANGUES EN MATIÈRE JUDICIAIRE (cf. loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire) 1. DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES ET COMMERCIALES DE PREMIERE INSTANCE A. Quatre zones linguistiques a. francophone (art. 1) comprenant les juridictions civiles et commerciales de première instance et les tribunaux du travail dont le siège est établi dans les provinces de Hainaut, Luxembourg et Namur et dans les arrondissements de Nivelles, Liège, Huy et Verviers; b. néerlandophone (art. 2) comprenant les juridictions civiles et commerciale de première instance et les tribunaux du travail dont le siège est établi dans les provinces d'Anvers, Flandre occidentale, Flandre orientale et Limbourg et dans l'arrondissement de Louvain; c. allemande (art. 2 bis) comprenant les juridictions civiles et commerciales de première instance et le tribunal du travail dont le siège est établi dans l'arrondissement d'Eupen; d. bilingue (français / néerlandais) : arrondissement judiciaire de Bruxelles, c'est-à-dire le grand Bruxelles, comprenant les dix-neuf communes de l'agglomération bruxelloise (v. art. 42 al. 2), les six communes dites "à facilité" - voir art. 4 § 3 (Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem) et les communes flamandes périphériques - v. annexe au Code judiciaire, art. 1 – section V et art. 4.7 (Asse, Grimbergen, Hal, Herne, Leeuw-Saint-Pierre, Lennik, Meise, Overijse, Vilvorde et Zaventem). B. Dans les trois premières zones a. La règle de base La procédure est introduite et se déroule : - en français devant les juridictions de la zone 1 (art. 1er) (ex. tribunal de 1ère instance de

Namur), - en néerlandais devant les juridictions de la zone 2 (art. 2) (ex. tribunal de 1ère instance

d'Anvers), - en allemand devant les juridictions de la zone 3 (art. 2 bis) (ex. tribunal de 1ère instance

d'Eupen). b. Les possibilités de poursuivre la procédure dans une autre langue que celle dans

laquelle elle a été introduite Devant les juridictions des zones 1 et 2, sur demande de toutes les parties, la cause est renvoyée à la juridiction du même ordre la plus proche située dans une autre zone linguistique ou à la juridiction du même ordre de cette autre zone désignée par les parties de commun accord (art. 7 § 1er, al. 1).

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Devant les juridictions de la zone 3, de commun accord entre les parties, la procédure peut être poursuivie en français, C. Règles spécifiques pour les actions introduites dans l'arrondissement judiciaire de

Bruxelles La langue utilisée pour la poursuite de la procédure n'est pas nécessairement la langue de l'acte introductif d'instance. a. Devant les juridictions de première instance de Bruxelles et les justices de paix de

l'agglomération bruxelloise a.1 Le principe : art. 4 § 1er - l'acte introductif d'instance est libellé : . en français si le défendeur est domicilié dans la région de langue française (ex :

Namur), . en néerlandais si le défendeur est domicilié en région de langue néerlandaise

(ex : Anvers), . au choix du demandeur, en français ou en néerlandais, si le défendeur est

domicilié dans une commune de l'agglomération bruxelloise (ex : Uccle) ou n'a en Belgique aucun domicile connu,

- la procédure est poursuivie dans la langue de l'acte introductif d'instance sauf demande de changement de langue introduite par le défendeur avant tout moyen de défense et toute exception, même d'incompétence - art. 4 § 1, al.3.

a.2 La procédure de changement de langue : art. 4 § 2 - demande formulée oralement si le défendeur comparaît en personne, par écrit lorsqu'il

comparaît par mandataire, - l'écrit doit être tracé et signé par le défendeur lui-même, - le juge statue sur le champ et par une décision motivée,

- conditions pour faire droit à la demande de changement de langue : le défendeur doit apporter la preuve qu'il n'a pas une connaissance suffisante de la langue employée pour la rédaction de l'acte introductif d'instance; la décision du juge n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel,

N.B. : la même demande de changement de langue peut être formulée dans les mêmes conditions par les défendeurs domiciliés dans les communes dites à facilité, soit Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-St-Genèse, Wemmel, Wezembeek-Oppem - voir art. 4 § 3; dans ce cas, s'agissant de communes flamandes sises en dehors de l'agglomération bruxelloise, l'acte introductif d'instance est obligatoirement établi en néerlandais. a.3 En cas de pluralité de défendeurs : art. 6 - pour la rédaction de l'acte introductif d'instance (art. 6 § 1er) :

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. il est fait usage de la langue de la majorité des défendeurs selon qu'ils sont domiciliés soit dans la région de langue française, soit dans la région de langue néerlandaise,

. si tous les défendeurs sont domiciliés dans l'agglomération bruxelloise : français ou néerlandais au choix du demandeur,

. il n'est pas tenu compte, pour le calcul de la majorité, du défendeur qui n'a aucun domicile connu ou qui a son domicile dans l'agglomération bruxelloise,

ex : cinq défendeurs domiciliés dans l'agglomération bruxelloise, un défendeur dans la région de langue néerlandaise : néerlandais

. en cas de parité, au choix du demandeur, - pour la poursuite de la procédure (art. 6 § 2) : la langue demandée par la majorité des

défendeurs, le juge statue et peut refuser de faire droit à cette demande si les éléments de la cause établissent que la majorité des défendeurs ont une connaissance suffisante de la langue employée pour la rédaction de l'acte introductif d'instance; en cas de parité, le juge désigne lui-même la langue dans laquelle la procédure sera poursuivie, en tenant compte des besoins de la cause - art. 6 § 2 al. 2. a.4 La règle complémentaire : art. 3 al. 3 La procédure est introduite et se déroule en néerlandais, si elle est menée devant le tribunal de première instance, le tribunal de commerce, le tribunal du travail et les tribunaux de police (voir art. 601 bis du Code judiciaire) de l'arrondissement de Bruxelles, lorsque le tribunal a été saisi en raison d'une compétence territoriale déterminée par un lieu situé dans l'une des communes flamandes, située en dehors de l'agglomération bruxelloise (ex : le défendeur est une société dont le siège est établi à Hal) - art. 3 al. 2. N.B. : dans ce cas, il est possible d'obtenir, de commun accord des parties, que la procédure soit poursuivie en français -voir art. 7 § 1er al. 1, qui renvoie aux juridictions précisées à l'article 3 (voir également Cass. 14 mai 1976, Pas. 1976, I, 986). b. Devant les justices de paix de Kraainem, Rhode-St-Genèse et Meise Le défendeur, domicilié dans l'une des six communes à facilité, peut demander que la procédure soit poursuivie en français, avant toute défense et toute exception, même d'incompétence (art. 7 bis) - pour la procédure de demande de changement de langue - voir ci-devant art. 4 § 2.

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c. Devant les justices de paix de l'arrondissement de Bruxelles dont le ressort est exclusivement composé de communes flamandes situées en dehors de l'agglomération bruxelloise

La procédure est introduite et se déroule en néerlandais devant les justices de paix de l'arrondissement de Bruxelles, dont le ressort est composé exclusivement de communes flamandes situées en dehors de l'agglomération bruxelloise (ex : tribunal de paix de Hal) - art. 3 al. 1. N.B. : dans ce cas, il est possible d'obtenir, de commun accord des parties, que la procédure soit poursuivie en français (voir art. 7 § 1er al. 1 qui renvoie aux juridictions indiquées à l'art. 3). 2. DEVANT LES JURIDICTIONS D'APPEL (art. 24) Il est fait usage de la langue dans laquelle la décision attaquée est rédigée. 3. REMARQUES DIVERSES - Notification et signification (art. 25) : Si un acte de procédure ou une décision rédigée en

néerlandais doit être signifié ou notifié dans la région de langue française, on joint une traduction française. Idem si l'acte de procédure ou la décision rédigée en français doit être signifié ou notifié en région de langue néerlandaise, on joint une traduction néerlandaise.

- Si l’article 40 de la loi sur l’emploi des langues en matière judiciaire précise que les règles que cette loi contient sont prescrites à peine de nullité, qui peut être prononcée d’office par le juge, il convient de rappeler que tout jugement ou arrêt contradictoire qui n’est pas purement préparatoire couvre la nullité de l’exploit et des autres actes de procédures qui ont précédé le jugement ou l’arrêt (article 40, al. 2) ;

- En outre, les actes déclarés nuls pour contravention à la cette loi interrompent néanmoins la prescription ainsi que les délais de procédure impartis à peine de déchéance (article 40, al. 3) ;

- En ce qui concerne les délais de procédure, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 6 février 1997, décidé que l’acte nul interrompt le délai dans lequel il devait être posé et que cette interruption se prolonge jusqu’à la décision qui acte ladite nullité.

- Dans un arrêt du 14 avril 2000, la Cour de cassation confirme que lorsqu’un arrêt ou un jugement fonde sa décision sur une pièce dont il reproduit un extrait rédigé en langue étrangère, sans traduction ni reproduction de sa teneur dans la langue de la procédure, cette décision viole les articles 24 et 37 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire dès lors qu’elle n’est pas entièrement rédigée dans la langue de la procédure ;

- Dans son arrêt du 18 octobre 2004, la Cour de cassation a eu à connaître de la question de la validité d’une requête d’appel qui contenait des citations en langues étrangères, sans traduction. la Cour confirme que « un acte de procédure est réputé rédigé dans la langue de la procédure lorsque toutes les mentions requises en vue de la régularité de l’acte ont été rédigées dans cette langue », elle décide qu’en ce qui concerne l’obligation d’énoncer les griefs, c’est « l’appelant lui-même qui décide dans quelle mesure il énonce de façon détaillée ses griefs dans l’acte d’appel ; que lorsque l’acte d’appel contient

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également des arguments invoqués à l’appui des griefs, ceux-ci relèvent des griefs qui sont soumis aux débats et dont l’intimée doit pouvoir prendre connaissance dans la langue de la procédure ». Il n’y a donc pas de place, pour la Cour de cassation, à d’éventuels « arguments invoqués à l’appui d’un grief » qui pourraient être rédigés dans une autre langue que la langue de la procédure.

NB : le plaideur veillera à rédiger les actes de la procédure exclusivement dans la langue de celle-ci et s’il doit y insérer des citations de pièces rédigées dans une autre langue, il veillera à toujours assortir ces citations d’une traduction dans la langue de la procédure. De même si un dossier contient des pièces dans une autre langue que celle de la procédure, il sera bien avisé d’en produire une traduction29. Le plus simple étant, en pratique, de soumettre une traduction libre à son confrère en invitant celui-ci à marquer son accord sur celle-ci. Le recours à une traduction jurée (et coûteuse) ne se justifiant que s’il y a des discussions sérieuses sur la traduction. XI. DIVERS Conséquence d’une signature « illisible » lorsqu’un acte de procédure doit être signé par un avocat Il existe certains actes de procédure qui doivent, à peine de nullité ou d’irrecevabilité de l’acte, être signés par un avocat. Il en va ainsi, par exemple : - de la requête unilatérale qui, en vertu de l’article 1026, 5° du Code judiciaire, doit, sous

peine de nullité, être signé par un avocat qui en outre, est seul autorisé à la présenter conformément à l’article 1027 du même Code ;

- de le requête en dessaisissement (article 653 du Code judiciaire) ; de même en vertu de l’article 656 du Code judiciaire, seul un avocat peut signer des conclusions dans le cadre d’une telle procédure ;

- la demande de récusation doit, à peine de nullité, être signée par un avocat inscrit depuis plus de dix ans au tableau (article 835 du Code judiciaire) ;

- la requête civile doit être signée par trois avocats (dont deux au moins sont inscrits depuis plus de vingt ans au barreau) en vertu de l’article 1134.

Dans un arrêt du 29 octobre 1999, la Cour de cassation a décidé qu’était irrecevable la requête de dessaisissement pour cause de suspicion légitime qui, quoi que portant la mention qu’elle est établie par l’avocat X, est revêtue d’une signature lisible accompagnée du terme « loco » et du nom de l’avocat X précité, mais qui n’indique pas la qualité d’avocat du signataire effectif. La même sanction sera inévitablement appliquée si l’acte devant être signé par un avocat est signé « loco » par un tiers dont la signature serait illisible et dont le nom et la qualité d’avocat ne seraient par ailleurs pas mentionnés.

29

L’article 8 de la loi sur l’emploi des langues en matière judiciaire permet d’ailleurs à une partie d’exiger cette traduction.