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Prix littéraireLe miel de la rue Jean Moulin

Chapitre 7 : Septembre

Ah ! Septembre, c’est vraiment une période que j’aime. Les rues se remplissent à nouveau de gens tout bronzés qui se racontent leurs vacances quand ils se croisent sur les trottoirs.

Les enfants ont grandi, on les reconnait à peine. Je survole leurs groupes excités qui piaillent dans les cours de récré. Il fait encore bien chaud, mais pas aussi étouffant qu’en août. Des averses viennent nous rafraichir en fin de journée, exhaussant les parfums des fleurs de fin d’été.Arrivées à 999 fleurs, on était sures de terminer tranquillement le 30. Si les abeilles buvaient du champagne, on en aurait mis au frais !Hélas, le dernier raid a été un fiasco. Pas une d’entre nous n’a trouvé la millième fleur. On a organisé une réunion de crise.-« Bon, on va dire à la reine qu’on en a butiné mille, a dit Num. Elle n’y verra que du feu. »-« Pas question, j’ai répondu, on doit dire la vérité, c’est une question d’honneur ! »Le débat entre nous n’a pas été une partie de plaisir, la grande majorité des collègues étaient prêtes à mentir, mais j’ai tenu bon. Au vote, je me suis retrouvée la seule à lever la patte.

-« OK, alors c’est à toi de l’annoncer à la reine, puisque tu es si honnête », a dit Num .

Seule face à la reine, j’ai passé un très mauvais quart d’heure.-« 999 fleurs pour fêter nos 10 ans ! Tu plaisantes ? Tu veux ridiculiser monsieur Pierrot ? Allez, au travail, la nuit va bientôt tomber ! Vous avez jusqu’à minuit ! »

Les autres Num m’en voulaient à mort d’avoir avoué la vérité. Nous étions toutes épuisées. Certaines d’entre nous s’endormaient en plein vol et tombaient comme des mouches. Les autres rebroussaient chemin en direction de la ruche. Assez vite, j’ai compris que tout reposait sur mes élytres. Rue Jean-Moulin, je me suis retrouvée seule.Les chants religieux mêlés qui montaient de l’église, de la synagogue, du temple et de la mosquée emplissaient l’air tiède de la rue. Plus loin, une vieille dame fredonnait à sa fenêtre une chanson d’amour d’autrefois. Trois garçons passaient, casque grésillant aux oreilles. La vie, quoi.Ça m’a donné un peu de courage et j’ai survolé en zigzag le quartier de mon enfance. C’est alors que j’ai aperçu par une fenêtre une fillette avec son papa. Je me suis approchée. Ils avaient l’air épuisés, et poussiéreux comme après un long voyage. Le père a embrassé sa fille et quitté la pièce. La gamine, au bord de son lit, a sorti d’un sac : une poupée, la photo d’une femme, et une bougie qu’elle a allumée.Puis, avec soin, elle a déroulé une feuille de journal qui contenant un pot avec une fleur de son pays. Une minuscule fleur inconnue, d’une délicatesse infinie, au parfum d’ailleurs. La millième fleur.