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En partenariat avec PRIX IFA DE LA RECHERCHE EN GOUVERNANCE Cérémonie de remise des Prix le 17 octobre 2018

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En partenariat avec

PRIX IFA DE LA RECHERCHE EN GOUVERNANCE

Cérémonie de remise des Prixle 17 octobre 2018

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Jury La réunion plénière des membres du Jury s’est tenue le 7 septembre 2018. A cette occasion, l’IFA tient à remercier particulièrement les membres du Jury pour leur engagement et la qualité de leur travail d’évaluation. Les membres du Jury :

Olivier Bailly, Président, ObsoluValentine Bonnet, Directrice Adjointe en charge du gouvernement d’entreprise et de la déontologie, AFG ASSOCIATION FRANCAISE DE GESTION FINANCIERE Patricia Charlety, Professeur, ESSEC BUSINESS SCHOOL et chercheur au THEMA Jean Coroller, Directeur de la Certification des Administrateurs, INSTITUT FRANÇAIS DES ADMINISTRATEURS - IFA Cécile Helme-Guizon, Déléguée Générale,

INSTITUT FRANÇAIS DES ADMINISTRATEURS - IFADaniel Lebègue, Président d’honneur, INSTITUT FRANÇAIS DES ADMINISTRATEURS - IFA Patrick-Hubert PETIT, Directeur associé, KPMG Sophie SCHILLER, Professeur agrégé de droit privé, UNIVERSITÉ PARIS IX - DAUPHINE Jean-Philippe Roulet, Secrétaire Général, HAUT COMITE DE GOUVERNEMENT D'ENTREPRISEMichel Magnan, Professeur et titulaire de la chaire de gouvernance d’entreprise S.A. Jarislow

avec le soutien de 

Dans le cadre de son Club recherche, l’Institut Français des Administrateurs (IFA) encourage depuis 2006 le développement de la recherche en gouvernance. Le Prix IFA récompense chaque année les meilleurs travaux portant sur un thème de gouvernance que ce soit en sciences de gestion, sciences économiques, sciences politiques, droit, sociologie. Cette année, l'IFA à souhaité remettre le Prix du meilleur article publié dans la Revue Française de Gouvernance d'Entreprise (RFGE).

La RFGE est la seule revue académique, en langue française, dédiée à la gouvernance d’entreprise. Cette revue est publiée depuis 2006 à l’initiative de l'IFA qui souhaite ainsi contribuer à l’enrichissement et la diffusion des travaux de recherche en matière degouvernance d’entreprise.

Son objectif est également de permettre un dialogue entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise et d’informer un large public sur l’état de la recherche française et internatio-nale.

Les articles proposés peuvent présenter aussi bien des compara-isons nationales qu’internationales, des analyses approfondies sur des questions spécifiques ou des études plus vastes sur des pratiques de gouvernance. La revue se fait également l’écho d’ouvrages académiques ou professionnels qui retiennent l’attention du Comité de rédaction.

Patricia Charlety, Professeur de finance à l’ESSEC, Michel Magnan, Professeur et titulaire de la chaire de gouvernance d’entreprise Stephen A. Jarislowsky à l’Université Concordia et de Sophie Schiller, Professeur de droit à l’Université Paris-Dauphine animent le Comité de rédaction qui s’appuie sur un Comité de lecture d’une quarantaine de personnalités retenues pour leurs expertises et qui par leur relecture, assurent ainsi une sélection rigoureuse des articles publiés par la RFGE.

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Prix du meilleur article de la RFGE« La sanction des délibérations adoptées par un conseil d’administration irrégulièrement composé » (RFGE N°14)Article d'Hervé Le Nabasque est un juriste français spécialiste du droit des sociétés et du droit financier. Professeur agrégé des facultés de droit il enseigne à l’Université Panthéon-Sorbonne.Diplômé, notamment, du DJCE (diplôme de juriste conseil d'entreprise) de Rennes en 1979, il devient docteur en droit en 1986 après avoir soutenu sa thèse intitulée Le pouvoir dans l'entreprise sous la direction du Professeur Jean Paillusseau. Hervé Le Nabasque est également consultant pour le cabinet américain Weil, Gotshal & Manges.Directeur de la formation de la licence en droit privé de l’Université Paris I

Panthéon-Sorbonne, où il enseigne le droit des sociétés, et du Master 2 de droit des affaires de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne depuis 2014. Il est par ailleurs professeur en droit des instruments financiers au sein du Master 2 (Recherche) de droit financier.Hervé Le Nabasque est le directeur du Centre de recherche de droit financier qui fut créé en 2001 par les Professeurs Alain Couret, Paul Le Cannu et lui-même.Il est un juriste très écouté dans le monde des sociétés et sur les places financières. Les grandes sociétés cotées n’hésitent pas à faire appel à ses conseils. Il est également membre de l’Association française d'arbitrage (AFA) qui a pour vocation de promouvoir l’arbitrage pour la résolution des litiges.Il a de plus une large aura dans la doctrine française et européenne du droit des affaires. Membre du comité éditorial de la revue trimestrielle de droit financier, il publie activement dans des revues spécialisées en droit des sociétés, financier et boursier. En 2008, il reçoit le premier Oscar du droit des sociétés et de la bourse décerné à son ouvrage « Droit financier » publié sous la direction d’Alain Couret.

Prix coup de coeur « Gouvernance et efficacité missionnaire de la Compagnie de Jésus : les enseignements d’une théorie élargie de la gouvernance » (RFGE N°15)Having earned a PhD degree in management science (more specifically: corporate finance and governance) at University of Burgundy, France, I spent three years as an associate professor (maître de conférences) at University Panthéon-Assas in Paris. In 2003, I became a full professor at University Lumière in Lyon, France, where I stayed until August 2011 as a member of the economics department. In September 2011, I moved to the business school (IAE) of University Jean Moulin in Lyon. At University Jean Moulin, I have been the vice-president in charge of the scientific council and of research since 2012.

As a professor, I teach courses of corporate finance and corporate governance, as well as methodology of research, at the graduate level. As a researcher, I am a recognized specialist concerning issues of corporate (and more broadly speaking: organizational) governance. My principal fields of interest are corporate governance (its institutionalization in various settings, its linkage with financial behavior, as well as its relation to the creation of value), and entrepreneurial finance and governance. My latest research includes analyses of the specific contribution of French business angels to venture finance and growth, as well as studies of the governance of particular types of organization, such as religious orders.

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LA SANCTION DES DÉLIBÉRATIONS ADOPTÉES PAR UN CONSEIL D’ADMINISTRATION

IRRÉGULIÈREMENT COMPOSÉ 1

Hervé LE NABASQUEProfesseur à l’Université de Paris 1

Les règles qui président à la composition d’un conseil d’administration (ou d’un conseil de surveillance) de société anonyme sont multiples et, à la vérité, de plus en plus complexes.

Autant, au moins, que les raisonnements qui permettent de conclure (avec parfois quelques hésitations) que les délibérations adoptées par un conseil d’administration irrégulièrement composé sont exposées, ou non, au risque d’une nullité : sanction d’autant plus redoutable qu’elle expose, au moins théoriquement, à des nullités « en cascade » pouvant aller jusqu’à celle des assemblées générales qu’un conseil irrégulièrement composé aurait pu convoquer, et des résolutions qu’elles auraient adoptées.

Pour tenter d’y voir clair, il convient d’appliquer un certain nombre de règles qu’il n’est pas exagéré de qualifier de « fondamentales » et qui, dans l’hypothèse qui nous retient, devraient conduire à adopter les solutions que se propose de résumer le schéma suivant.

1 Le présent article a conservé pour l’essentiel la forme et le ton de la conférence dont il est issu. Par voie de conséquence, l’appareil scientifique dont il est doté en bas de page a été réduit au strict minimum.

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Il convient donc de distinguer2, sans plus attendre, les cas dans lesquels la nullité des délibérations d’un conseil d’administration irrégulièrement composé n’est en principe pas encourue (I), de ceux dans lesquels le risque de la nullité existe, si n’était – toujours – la possibilité de régulariser la situation (II).

I. LES CAS DANS LESQUELS LA NULLITÉ N’EST EN PRINCIPE PAS ENCOURUE

Les cas dans lesquels la nullité n’est en principe pas encourue sont finalement assez nombreux. Il peut se faire, en premier lieu, que les dispositions dont la violation a été observée ne constituent pas des dispositions légales impératives figurant dans le Livre II du code de commerce (A). Il peut se faire, en second lieu, que, figurant dans ce Livre, elles ne présentent pas le caractère d’une « disposition légale impérative » au sens de l’article L. 235-1 du code de commerce (B). Il peut se faire,

2 Dans la figure, les cas sont regroupés par type de règles qu’il convient d’appliquer.

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en dernier lieu, que, figurant dans ce Livre, et présentant un caractère impératif, leur violation ait offert à la loi l’occasion d’écarter expressément la nullité des délibérations auxquelles un administrateur irrégulièrement nommé ou désigné aura participé (C). De ces trois hypothèses s’évincent trois règles.

A. Règle n° 1. La loi ne disposant jamais expressément la nullité des délibérations d’un conseil d’administration irrégulièrement composé, celle-ci n’est encourue que pour autant que l’on puisse observer la violation d’une disposition légale impérative figurant dans le Livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats (art. L. 235-1 al. 2). Dans le schéma ci-dessus présenté, l’application de cette règle exclut la nullité – malgré certaines discussions subsistantes – dans les cas n° 1 et 2.

A. Nombre d’administrateurs indépendants

La présence d’administrateurs indépendants n’intéresse concrètement que la composition du conseil d’administration des sociétés « cotées » et procède uniquement – ou principalement – de recommandations émanées de l’AMF ou de prescriptions extérieures au Livre II du code de commerce.

C’est ainsi que le Code AFEP-MEDEF définit (en son article 8-1) l’administrateur indépendant comme celui qui n’entretient aucune relation d’aucune sorte avec la société, son groupe ou sa direction exécutive, et qu’il recommande (en son article 8-2) que la proportion des administrateurs indépendants soit de la moitié au moins dans les sociétés dont l’actionnariat est dispersé et qui ne sont pas contrôlées, du tiers au moins dans les sociétés contrôlées (le Code Middlenext est, pour sa part, un peu moins exigeant puisqu’il n’impose la présence que de deux administrateurs indépendants au moins).

Ces dispositions étant, pour l’instant, notoirement étrangères au Livre II du Code de commerce (évoqué par l’article L. 235-1 C. com), leur violation n’expose à aucun risque particulier de nullité (si elle appelle l’application de la règle « appliquer ou expliquer »).

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Il en va de même, semble-t-il, des dispositions – un peu plus insidieuses – que l’on retrouve au texte de l’article L. 823-19, lequel commande cette fois que, dans les sociétés cotées, un membre au moins du Comité d’Audit soit « indépendant » (au regard de critères qui doivent être fixés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société) ; ce qui revient à dire que le conseil lui-même doit comporter ce membre indépendant puisque les membres du comité d’audit ne peuvent être choisis que parmi les membres du conseil (d’administration ou de surveillance) de la société. Mais l’article L. 823-19 n’impose qu’une prescription indirecte et est, au surplus, contenu dans le Livre VIII du Code de commerce, dont la violation n’implique pas, en principe, la nullité des délibérations adoptées par un conseil irrégulièrement composé.

B. Défaut de convocation des représentants du comité d’entreprise aux séances du conseil d’administration (art. 2323-62 C. trav.)

Il en va de même, encore que les discussions restent assez vives sur le sujet, en cas de non-respect de la règle qui veut que, dans les sociétés par actions, deux membres du comité d’entreprise délégués par ce comité et appartenant, l’un à la catégorie des cadres techniciens et agents de maîtrise, l’autre à la catégorie des employés et ouvriers, assistent avec voix consultative à toutes les séances du conseil d’administration (art. L. 2323-62 C. trav.). En ce cas, en effet, quoiqu’on ait pu en dire, le défaut de convocation de ces délégués n’entraîne pas la nullité des délibérations qui auraient été adoptées en leur absence (en ce sens, Rép. Renouard, JOAN 16 mai 1972, p 1561, n° 23 160 et, à propos d’une réunion du conseil dont le seul objet avait été de décider d’exercer une action en justice, Cass. soc. 26 mai 1998, RJDA 11/98, n° 1241), sauf fraude. La raison en est que, au-delà de la question de l’amendement qui avait été présenté en 1982 en sens contraire, avant d’être finalement repoussé (JOAN, 6 juin 1982, p 3011), l’article L. 2323-62 du code du travail reste, par construction, extérieur au Livre II du Code de commerce (l’article L. 235-1 ne permet guère une autre conclusion).

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B. Règle n° 2. La nullité n’est pas non plus encourue lorsque les dispositions méconnues, pour figurer dans le Livre  II du code de commerce, ne présentent pas le caractère d’une disposition légale impérative.

L’application de cette règle permet d’exclure la nullité dans le cas n° 3 (notamment).

C. Violation des règles relatives à la représentation facultative des salariés (art. L. 225-27 C. com.)

On sait que, dans les sociétés anonymes qui n’ont pas aujourd’hui le statut de « grandes sociétés » (au sens de la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013) il peut être prévu dans leurs statuts que des administrateurs élus par la personnel de la société (et de ses filiales directes ou indirectes) siégeront avec voix délibérative au sein du Conseil d’administration (art. L. 225-27 C. com.), en sus des administrateurs élus par l’assemblée.

Contrairement aux règles applicables aux sociétés du secteur public, à celles qui ont été privatisées depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 1994 et, désormais, aux « grandes » sociétés anonymes, la présence d’administrateurs représentant les salariés est – ici – purement facultative. Dans le silence des statuts, on ne peut donc déceler – ici – aucune cause d’annulation éventuelle des délibérations du conseil de la société.

En revanche, si une clause des statuts de la société a prévu (à l’invite de la loi) une telle représentation des salariés, il en résulte, naturellement, deux conséquences :

• Cette représentation devient statutairement obligatoire ;

• Étant rappelé que la loi pose alors un certain nombre de règles légales impératives (relatives, par exemple : au nombre maximum d’administrateurs représentant les salariés (4 ou 5, selon les cas, et jamais plus du tiers), à l’antériorité de leur contrat de travail (qui doit

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être en principe de 2 ans au moins), aux modes de désignation – par élection – de ces administrateurs … etc.).

En conséquence :

• La violation de ces dispositions légales impératives entraîne la nullité de la nomination de l’administrateur irrégulièrement désigné ; mais cette nullité (la loi le prévoit expressément) n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles il aurait pu participer (art. L. 225-29, al. 2).

• La violation des statuts (pour autant qu’elle puisse sociologiquement s’observer) ne paraît guère, au-delà, devoir être source de nullité (même si le conseil est alors irrégulièrement composé); car les statuts ne semblent pas, ici, « aménager » une disposition légale impérative au sens de la jurisprudence Larzul (Cass. com. 18 mai 20103), sur laquelle nous reviendrons dans un instant.

C. Règle n° 3. La loi écarte parfois expressément le risque de nullité des délibérations.

Même si la règle violée peut être regardée comme une disposition légale impérative du Livre II du code de commerce, la nullité n’est en principe pas encourue lorsque la loi dispose expressément (et elle le fait assez souvent) que l’irrégularité constatée entraîne, certes, la nullité ou la « démission d’office » de l’administrateur concerné, tout en précisant cependant que cette nullité n’affecte pas la validité des délibérations auxquelles l’administrateur irrégulièrement désigné a pu participer.

Cette règle est utile. Elle est toutefois, dans certains cas, faussement rassurante.

Elle est utile dans la mesure où il arrive assez fréquemment en pratique que l’administrateur irrégulièrement désigné n’ait, pas plus que ses collègues d’ailleurs, ou le président du Conseil, toujours une conscience très aigue de l’irrégularité qui avait affecté sa nomination. Il se maintient alors en poste et participe, au moins un certain temps, à des délibérations

3 Bull. civ. IV, n° 93 ; Rev. Sociétés 2010, 374, note P. Le Cannu ; JCP E 2010, 1562, note A. Couret et B. Dondéro ; Bull. Joly 2010, 651, note H. Le Nabasque (entre autres références).

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qui sont, de ce seul fait, irrégulièrement adoptées (ou qui peuvent l’être, du moins). La loi écarte alors toute discussion en édictant que, quelle que soit l’influence que l’administrateur concerné aura pu exercer sur l’adoption de telle ou telle résolution, l’irrégularité de sa désignation n’est pas de nature à retentir sur la validité des délibérations auxquelles il a participé.

Elle est toutefois, dans certains cas, faussement rassurante en ce sens que l’irrégularité constatée peut laisser entrevoir (puisque l’administrateur irrégulièrement désigné est réputé ne plus être en fonction) que le nombre de membres du conseil d’administration est devenu inférieur au minimum légal ou au minimum statutaire. Alors, dans ces deux cas, nous le vérifierons, la nullité paraît bien encourue.

Sous réserve de ce bémol – important –, l’application de la règle ci-dessus évoquée soustrait au risque de la nullité les délibérations adoptées dans les cas numérotés de 4 à 7 ; auxquels on peut assimiler, non sans réserves, le cas n° 8.

D. Violation des règles relatives à la parité hommes/femmes au sein du conseil d’administration de certaines sociétés (art. L. 225-18-1 C. com.)

On sait que ces règles intéressent les sociétés « cotées » (à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suivra la date du 1er  janvier 2014, où le nombre de représentants de chaque sexe – concrètement, de femmes – devra atteindre 20 % au moins de l’effectif du conseil ; puis à l’issue de la première AGO suivant la date du 1er janvier 2017, où ce pourcentage devra atteindre 40 % au moins). Elles intéressent également les « grandes » sociétés non cotées, à l’issue de la première AGO suivant la date du 1er  janvier 2017 si, à l’issue de trois exercices consécutifs (décomptés à partir de l’exercice 2014) elles dépassent les seuils indiqués par la loi : 500  salariés permanents et 50  millions d’euros de chiffre d’affaires ou de bilan).

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Les sanctions applicables sont diverses :

• Le non-respect de la règle des 40 % entraînera la suspension du versement des jetons de présence ;

• Toute nomination ou désignation intervenue en violation des règles légales est frappée de nullité ;

• Mais l’irrégularité de la désignation n’entraînera pas la nullité des délibérations auxquelles l’intéressé (irrégulièrement nommé) aura participé (art. L. 225-18-1, al. 2).

Il est à peine besoin de rappeler désormais que, parfois, la nullité de la désignation entraînera cependant un franchissement à la baisse du minimum légal ou du minimum statutaire. Alors, mais en ce cas seulement, tout à fait spécifique, la nullité des délibérations paraît bel et bien encourue (v. infra), malgré l’ordre contraire de la loi, car la cause de la nullité ne tient plus à la violation de la règle de la parité, mais au nombre insuffisant des membres du conseil.

E. Cooptation régulière mais non ratifiée par l’AG (art. L. 225-24 C. com.)

En ce cas, la nomination de l’administrateur, pourtant régulièrement coopté par ses pairs (suite à une démission ou un décès), est comme frappée de « caducité » du fait que sa cooptation n’aura pas été ratifiée par « la plus prochaine assemblée générale ». Prévoyante, la loi dispose toutefois qu’« à défaut de ratification, les délibérations prises et les actes accomplis antérieurement par le conseil n’en demeurent pas moins valables » (art. L 225-24, al. 5).

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F. Violation des règles relatives au cumul de fonctions (art. L. 225-21-1 et L. 225-22 C. com.)

6-1. On sait que les règles relatives au « cumul de fonctions » (un administrateur cumule l’exercice de son mandat social avec le bénéfice d’un contrat de travail) ont été amodiées dans les PME/PMI (au sens du droit européen) par la loi du 22 mars 2012 : désormais, dans ces entreprises là (qui comptent, à la clôture d’un exercice social, moins de 250  salariés et présentent un total de bilan n’excédant pas 43  millions d’euros ou réalisent un chiffre d’affaires hors taxes n’excédant pas 50 millions d’euros4), un administrateur peut devenir salarié de la société (malgré l’antériorité de son mandat social) à la double condition (i) que son contrat de travail corresponde à un emploi effectif (à défaut, c’est le contrat de travail qui est nul, ce qui n’est pas de nature à retentir sur la validité des délibérations auxquelles l’intéressé a pu participer) et (ii) que le nombre des administrateurs liés à la société par un contrat de travail n’excède pas le tiers des administrateurs en fonction (art. L 225-21-1).

Dans les sociétés de dimension plus importante, les règles classiques continuent de s’appliquer (art. L 225-22), soit : la nécessité d’un contrat de travail antérieur à la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur ; que ce contrat de travail corresponde à un « emploi effectif » ; et que le nombre des administrateurs liés à la société par un contrat de travail ne dépasse pas le tiers des administrateurs en fonction.

La violation de ces dispositions retentit de manière nuancée sur la validité des délibérations auxquelles l’intéressé (s’il est en situation irrégulière) a pu participer.

• La violation de la règle d’antériorité (lorsqu’elle s’applique) entraîne la nullité – absolue – du contrat de travail (Cass. soc. 25 juin 19965) et l’obligation pour l’administrateur/salarié de restituer les rémunérations qu’il a perçues en qualité de salarié (Cass. soc. 2 février

4 Recommandation européenne 2003/361 du 6 mai 2003 et article L 225-21-1 al. 1er.5 RJDA 11 /96, n° 1349 ; v. également, dans le même sens, Cass. com. 26 janvier 1999, RJDA 5 /99,

n° 565.

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20066) : circonstances qui ne sont aucunement de nature à retentir sur la validité des délibérations auxquelles l’intéressé a pu participer.

• Si le contrat de travail ne correspond pas à un emploi effectif, c’est encore ce contrat qui est nul ; ce qui n’est – toujours – pas de nature à retentir sur la validité des délibérations auxquelles l’intéressé aurait participé.

• Si c’est le seuil du tiers qui se trouve dépassé, doctrine et jurisprudence s’accordent pour considérer que c’est la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur qui est nulle (Cass. soc. 11 juin 19867) ; mais que cette nullité ne serait pas de nature à entraîner la nullité des délibérations auxquelles l’intéressé a pu participer. Faute, sur ce dernier point, de jurisprudence très précise, la plupart des auteurs raisonnent sur le fondement de l’article L. 225-22 al. 1er – interprété par analogie – qui continue de disposer cette règle, laquelle assortissait toutefois la violation de l’ancienne règle qui exigeait que le contrat de travail soit antérieur de deux années au moins à la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur (abrogée définitivement par la loi du 11 décembre 2001).

Ce pourquoi la case correspondant au cas n° 6 est bleue ;

6-2. On ne peut cependant retenir un léger scepticisme, pour au moins deux raisons.

• Dans les grandes entreprises (où le contrat de travail doit être antérieur à la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur), la violation de la règle du tiers entraîne – effectivement – la nullité de la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur (v. jurisprudence précitée). Il n’est pas certain toutefois que cette nullité ne soit pas de nature à entraîner la nullité des délibérations auxquelles l’intéressé aurait participé (au moins si sa présence ou son vote ont permis l’adoption d’un certain nombre de décisions8) : d’abord parce que la règle sur laquelle la doctrine se fonde assortissait seulement

6 RJDA 7/2006, n° 794.7 BRDA 13/86, p 9.8 V., sur cette construction du « vote utile », infra, II.

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la violation de la règle des « deux ans » (posée par l’alinéa 1er de l’article L. 225-22) et non celle du « tiers » (posée par l’alinéa second) ; ensuite parce que cette règle (la nullité « limitée » à la nomination de l’intéressé en qualité d’administrateur) est devenue caduque (malgré son maintien formel, dû à l’inadvertance du législateur) avec la disparition de la condition des « deux ans »9 : interpréter par analogie une disposition qui n’a plus de raison d’être et qui a toujours été posée un alinéa au-dessus de celui qui nous retient ici, pourrait donc constituer un péché d’optimisme.

• D’autre part, dans les PME/PMI (au sens du droit européen), si le franchissement du seuil du tiers tient à la nomination d’un administrateur (déjà en poste) en qualité de salarié, on ne voit pas très bien pourquoi son mandat social pourrait brutalement « devenir » nul alors qu’aucune irrégularité ne l’affectait au moment où l’intéressé avait été nommé administrateur. C’est bien plutôt, semble-t-il, le contrat de travail qui se trouve exposé à un risque d’annulation10 (comme en cas de violation de la règle d’antériorité dans les grandes entreprises) ; de sorte que le conseil ne serait pas – ici – irrégulièrement composé.

G. Violation des règles relatives au cumul de mandats (art. L. 225-21 al. 4 et L. 225-94-1, al. 3)

On sait que lorsqu’un administrateur détient un nombre de mandats supérieur au maximum imposé par la loi (cinq, en principe), il dispose d’un délai de trois mois pour démissionner spontanément (à son choix) du ou des mandats qu’il détiendrait en excédent. S’il n’a fait aucun choix à l’expiration de ce délai de trois mois, il est réputé démissionnaire d’office (mais à l’expiration de ce délai seulement) soit de son ou de ses derniers mandats détenus en excédent, soit (selon le cas) du ou des mandats devenus irréguliers du fait – le plus souvent – de la disparition d’une « exception de groupe ».

9 V., en ce sens, A. Lienhard, note sous l’article L 225-21, Code Dalloz des sociétés, 2013.10 Sauf démission de l’intéressé, lequel peut renoncer à son mandat.

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Il est alors tenu de restituer les rémunérations qu’il aurait pu percevoir irrégulièrement (il faut comprendre, encore que le texte ne soit pas d’une parfaite limpidité : après l’expiration du délai de trois mois). La loi précise toutefois que cette « démission d’office » (qui peut parfaitement ne pas être effective dans les faits) n’entraînera pas la nullité des délibérations auxquelles l’intéressé pourrait participer (à notre sens : passé le délai de trois mois).

H. Violation des règles relatives à la représentation obligatoire des salariés (nouvel article L. 225-27-1, dû à la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, et Art. L. 225-23 C. com.)

8-1. Nouvel article L 225-27-1 C. com. On sait que le nouveau dispositif mis en place par la loi n° 2013-504 sur la « sécurisation de l’emploi » intéresse les sociétés anonymes (ainsi que les sociétés en commandite par actions) qui emploieraient à la clôture de deux exercices consécutifs au moins 5 000 salariés « permanents » dans la société et ses filiales directes ou indirectes dont le siège social serait situé en France ; ou au moins 10 000 salariés « permanents » dans la société et ses filiales directes ou indirectes dont le siège social serait situé en France et à l’étranger11.

Aux échéances – complexes – prévues par le texte12, le nombre des administrateurs représentant les salariés devra (après modification des

11 Le conseil au sein duquel devront siéger les administrateurs représentant les salariés devrait être en principe celui de la société-mère, dés lors du moins qu’elle a l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du Code du travail (sociétés qui franchissent le seuil de 50 salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes). Le plus souvent, les holdings ne seront pas concernées, mais bien plutôt leur premières filiales ou sous-filiales « opérationnelles».

12 En substance : pour les sociétés qui répondraient aux critères posés par le législateur à la date de promulgation de la loi, l’entrée en fonctions des administrateurs représentant les salariés doit intervenir au plus tard six mois après que ce soit tenue l’assemblée générale extraordinaire appelée à insérer dans les statuts la clause prévoyant la représentation des salariés et fixant les modalités de leur élection ou de leur désignation, selon l’une des quatre modalités ouvertes par l’article L 225-27-1, III du code de commerce (élection par les salariés, désignation par le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise ; désignation, selon le cas, par la ou les deux organisations syndicales les plus représentatives dans le groupe … etc.). Cette assemblée générale doit elle-même se tenir au plus tard en 2014 (art. 9 VIII de la loi n° 2013-504). Pour les sociétés qui ne rempliraient pas d’emblée les critères posés par le législateur à la date de promulgation de la loi, mais qui les rempliraient – bien sûr – ultérieurement, l’assemblée générale devra procéder à la modification des statuts (comme indiqué ci-dessus) dans les six

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statuts opérée en ce sens) au moins être égal à deux dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs est supérieur à 12 et à un dans celles dont le conseil est composé d’un nombre de membres inférieur ou égal à 12 (art. L. 225-27-1 II C. com.). Les administrateurs représentant les salariés « ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre maximal ou minimal d’administrateurs prévu à l’article L 225-17 » (art. L. 225-27-1 II du C. com.).

Ce cas est à bien des égards spécifique (d’où sa couleur violette : mi rouge/mi bleu) car l’irrégularité constatée dans la composition du conseil des sociétés visées peut provenir de deux sources :

• Soit le ou les représentants des salariés ont été irrégulièrement désignés (au regard des diverses prescriptions de la loi qui encadrent cette désignation), et leur nomination est nulle ; sans, toutefois, que cette nullité rejaillisse sur la validité des délibérations auxquelles ils auraient pu participer (art. L. 225-29, modifié en ce sens par la loi sur la « sécurisation de l’emploi »13).

• Soit la société méconnait purement et simplement le nouveau mécanisme institué par la loi (l’hypothèse est assez théorique), et on ne voit guère alors que son conseil puisse valablement délibérer. Il y aurait, en ce cas, violation d’une disposition légale impérative (celle relative à la représentation obligatoire des salariés au conseil des sociétés soumises à la loi de réforme), laquelle figure dans le Livre II du Code de commerce. On ne voit donc pas que ce mépris de la loi (à le supposer concevable) puisse ne pas trouver sa sanction dans la nullité des délibérations du conseil irrégulièrement composé.

8-2. Article L 225-23 C. com. Cette dernière conclusion peut être transposée, mutatis mutandis, à la violation (tout aussi improbable) des règles qui président, dans les sociétés dont les titres sont admis

mois suivant la date de clôture du second des deux exercices visés en référence ; l’élection ou la désignation des administrateurs représentant les salariés devant intervenir dans les six mois suivant la date de la modification des statuts (art. L. 225-27-1 III du C. com.).

13 Art. L 225-29, al. 2 : « Toute nomination intervenue en violation des articles L 225-27, L 225-27-1, L 225-28 et du présent article est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l’administrateur irrégulièrement nommé ».

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aux négociations sur un marché réglementé, à la représentation des salariés actionnaires lorsque, à la clôture d’un exercice, il est constaté qu’ils détiennent plus de 3 % du capital social (art. L. 225-23 C. com.). En ce cas, on le sait, les actionnaires « doivent désigner un ou plusieurs administrateurs parmi les salariés actionnaires » selon des modalités qui doivent être décrites au préalable dans les statuts de la société14. Sans que l’article L. 225-23 entre, en ce cas, dans les subtiles distinctions faites par l’article L. 225-29 (précité), il est peu probable que les décisions adoptées au mépris de ces règles puissent échapper au risque de la nullité (encore que l’injonction de faire prévue par l’article L. 225-23 alinéa 2 soit de nature à en limiter l’ampleur).

II. LES CAS DANS LESQUELS LA NULLITÉ EST ENCOURUE

Ces cas sont évidemment plus préoccupants que les précédents et dus, pour l’essentiel, au silence que le législateur a – opportunément ou inopportunément – conservé sur les suites à donner à une éventuelle violation d’une disposition légale impérative (relative à la composition du conseil) pourtant contenue, par construction, dans le Livre II du Code de commerce.

Si la nullité des délibérations du conseil est alors encourue, ce n’est toutefois pas sans nuances, car tout dépendra concrètement:

• Du point de savoir, d’abord, si, suite à l’irrégularité constatée dans la nomination de l’un de ses membres, le conseil est composé d’un nombre insuffisant de membres ou, au contraire, d’un nombre trop important de membres. Dans le premier cas, la nullité paraît systématiquement encourue (v. infra) ; dans le second, tout dépendra, même si le seuil légal ou statutaire a été franchi à la hausse, du point de savoir si l’administrateur irrégulièrement désigné a utilement participé, on non, à l’adoption de la résolution.

14 V., sur les clauses qui peuvent être regardées comme « aménageant une disposition légale impérative », infra, II, les cas numérotés de 13 à 15.

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• Étant rappelé que ce n’est pas parce qu’une nomination est, en soi, irrégulière, que le conseil en ressort forcément irrégulièrement composé, si le nombre de ses membres régulièrement nommés reste compris dans la « fourchette » généralement prévue, par précaution, dans les statuts de la société. Reste que, même en ce cas, l’administrateur irrégulièrement désigné peut ne pas avoir tiré toutes les conséquences que la loi a déduit de sa nomination (laquelle « est nulle », à moins que l’administrateur soit réputé « démissionnaire d’office ») et ait donc continué de siéger au conseil. Alors, la théorie dite du droit de vote « utile » ou « inutile » devrait logiquement trouver à s’appliquer.

Sous le bénéfice de ces observations, qu’il conviendra de garder en mémoire, trois nouvelles règles peuvent donc être posées.

A. règle n° 4. Lorsque la règle qui a été violée est une disposition légale impérative (contenue dans le Livre II du code de commerce), mais que la loi n’a pas couvert le risque de nullité des délibérations du Conseil, alors ces délibérations encourent la nullité, sous réserve, dans certains cas, de l’application de la théorie du droit de vote « utile » ou « inutile ».

Cas n° 9. La règle s’applique, très certainement, et sans réserve, lorsque le nombre des administrateurs est ou devient inférieur au minimum légal de trois posé par l’article L. 225-17.

Ce cas de figure n’appelle, ici, aucune observation particulière. Le franchissement à la baisse du minimum légal qui veut que le conseil d’administration d’une société anonyme soit composé de trois administrateurs au moins (et de dix-huit au plus) entraîne, qu’elle qu’en soit la raison (la loi ne « couvrant » pas le risque de la nullité), la nullité de toutes les décisions qui auraient pu être adoptées par ce « conseil » (qui n’en est plus vraiment un). Les administrateurs restants n’ont en effet d’autres pouvoirs que de procéder à la convocation immédiate d’une assemblée générale appelée à recomposer le conseil; sans même pouvoir

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ajouter quelque résolution que ce soit à l’ordre du jour de cette assemblée. Ces solutions ont été confirmées par la jurisprudence (v., pour exemple, Cass. com. 18 novembre 197415) et une réponse ministérielle16.

Cas n° 10. Il en va de même, à mon avis, lorsque le nombre des administrateurs est ou devient supérieur au maximum légal.

Ce cas attire moins l’attention de la doctrine (et de la jurisprudence) sans doute parce qu’il présente un caractère relativement théorique par rapport au précédent. Autant le seuil de trois peut être franchi à la baisse pour de multiples causes (irrégularité de la nomination d’un administrateur, par exemple), autant le franchissement à la hausse du seuil de 18 (posé, de nouveau, par l’article L. 225-17) relève du cas d’école ; à moins, peut-être, qu’après avoir usé de la possibilité ouverte par l’article L. 225-95 (en cas de fusion), le nombre des administrateurs n’ait pas été ramené de 24 (maximum, en ce cas) à 18 avant l’expiration du délai de trois ans prévu par ce dernier article. Dans tous les cas toutefois (ou à l’expiration de ce délai de trois ans), un conseil d’administration composé de plus de dix-huit membres (hors administrateurs représentant les salariés) est manifestement irrégulièrement composé (il y a « violation d’une disposition légale impérative ») et ne saurait donc adopter la moindre décision valablement. La nullité étant toutefois facultative pour le juge, celui-ci ne devrait la prononcer que pour autant que la présence ou le vote des administrateurs existant « en surplus » aura déterminé le quorum ou la majorité utiles pour l’adoption de la résolution17.

Cas n° 11. Cooptation irrégulière (hors cas de décès ou de démission).

Lorsqu’un administrateur a été irrégulièrement coopté par ses pairs (hors cas de décès ou de démission, par exemple, ou parce que les administrateurs qui avaient procédé à sa nomination étaient en nombre insuffisant pour satisfaire à l’exigence de trois administrateurs « au moins », ou bien encore lorsqu’il aura été coopté sans que sa nomination

15 Rev. Sociétés 1975, p 273, note Y. Chartier.16 Rép. Min. Lucas, JOAN 15 juillet 1972, p 3219, n° 24 609.17 V. en ce sens, entre autres références, les auteurs du Mémento sociétés commerciales Francis

Lefebvre, 2013, n° 39 040.

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ait pour effet de régulariser la situation d’un conseil irrégulièrement composé au regard des règles relatives à la « parité » des membres du conseil : art. L. 225-24), il est certain que sa nomination est nulle, encore que le législateur ne l’ait pas dit expressément (pour violation de l’une ou l’autre des dispositions impératives de l’article L. 225-24). La loi ne fixant pas le sort des délibérations auxquelles l’intéressé aurait – cependant – pris part, il convient, semble-t-il, d’en inférer qu’elles se trouvent exposées à un risque – sérieux – de nullité ; à moins que le juge n’observe que ni la présence ni le vote de l’administrateur concerné n’auront été déterminants de leur adoption.

Cas n° 12. Violation d’autres règles légales.

Enfin, ce qui vaut dans les trois cas précédents vaut également lorsqu’un administrateur a été désigné en violation d’« autres » règles légales impératives contenues dans le Livre 2 du Code de commerce, chaque fois – du moins – que le législateur n’a pas expressément pris parti sur le sort qu’il conviendrait de réserver aux délibérations du conseil auxquelles l’intéressé aurait pris part : violation des règles relatives à la compétence des organes habiles à désigner un administrateur (art. L 225-18, al. 3), par exemple, ou violation encore des règles (heureusement peu nombreuses et parfois extérieures au Livre 2, d’ailleurs) relatives aux incapacités, incompatibilités ou interdictions de siéger : la nullité de la nomination de l’intéressé est alors encourue, laquelle peut évidemment retentir sur la validité des délibérations auxquelles il aurait pu participer.

B. Règle n° 5. La violation de clauses statutaires relatives à la composition du conseil d’administration peut entraîner la nullité des délibérations de ce conseil lorsque ces clauses peuvent être regardées comme des « aménagements » d’une disposition légale impérative (au sens de l’arrêt Larzul : Cass. com. 18 mai 201018).

On se souvient que la cour de cassation a récemment jugé que « sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté ouverte par une disposition impérative d’aménager conventionnellement les règles posés

18 Précité, note 3.

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par celle-ci », le non-respect de stipulations contenues dans les statuts ou le règlement intérieur (d’une société) n’était – en principe – pas une cause de nullité des actes ou délibérations qui leur seraient contraires.

Au-delà du caractère passablement iconoclaste de la formule retenue par la juridiction suprême (de prime abord, si une disposition légale est une disposition impérative, c’est qu’elle ne devrait se prêter à aucun aménagement statutaire ou né d’un règlement intérieur), on en comprend mieux le sens lorsqu’on observe qu’il est relativement fréquent en droit des sociétés que la loi, après avoir posé telle ou telle règle, laisse aux statuts le soin de l’aménager ou de la décliner, dans les limites que la loi a prévues. Alors, la loi est : (i) impérative par défaut, si les statuts n’ont pas usé de la faculté que la loi leur ouvrait de l’aménager ou de la décliner; encore qu’il faille observer – et c’est en ce sens surtout que la loi présente le caractère « impératif » qu’évoque la cour de cassation – (ii) qu’elle a elle-même fixé les bornes à l’intérieur desquelles la liberté contractuelle était, éventuellement, appelée à se mouvoir. Il n’est pas sûr que cette idée épuise toute la richesse de l’attendu de l’arrêt Larzul mais elle permet, au moins, de mieux le comprendre dans certains cas : lorsque la loi a disposé a minima ou, quelquefois, a maxima, tout en laissant aux statuts (ou au règlement intérieur) le soin d’aménager la règle dans les limites qu’elle a elle-même posées.

Ainsi, il est à peu près sûr que la violation d’une clause statutaire relative à la répartition des postes au sein d’un conseil d’administration entre diverses catégories d’actionnaires ne saurait être sanctionnée par la nullité (faute de disposition légale impérative qui se serait intéressée à cette question, pourtant fort importante en pratique) ; alors que la violation d’autres clauses, « appelées » par une disposition légale qui aura pris le soin de les « encadrer », devrait logiquement entraîner la nullité des actes ou décisions qui leur seraient contraires. On prendra trois exemples, illustrés par les cas n° 13, 14 et 15.

Cas n° 13. Nombre d’administrateurs inférieur au minimum statutaire (mais supérieur au minimum légal).

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On sait que lorsque le nombre des administrateurs régulièrement nommés devient inférieur au minimum prévu par les statuts (tout en demeurant supérieur au minimum légal), les administrateurs ont l’obligation de coopter le nombre d’administrateurs manquants avant l’expiration d’un délai de trois mois (art. L 225-24 al. 3).

Passé le délai de trois mois, à supposer que les administrateurs aient manqué à leur obligation, les décisions qu’ils pourraient adopter sont exposées, à notre avis, à un risque – sérieux – de nullité, pour au moins deux raisons :

• D’abord parce que le conseil d’administration sera irrégulièrement composé (par rapport aux statuts) en violation d’une règle légale impérative qui obligeait les administrateurs à procéder à des cooptations ;

• Ensuite, et surtout, parce que ce même conseil sera irrégulièrement composé, au regard des statuts, comme comportant un nombre d’administrateurs inférieur au minimum statutairement prévu.

Alors, bien sûr, il n’est pas évident que la clause qui prévoirait que le conseil « doit être composé de cinq membres au moins et de quinze membres au plus », par exemple, ou celle qui stipulerait qu’il « devra être composé à tout moment de treize membres » (autre exemple), soient des « déclinaisons » de la règle légale qui veut que le conseil soit composé de trois membres au moins et de dix-huit au plus, fourchette à l’intérieur de laquelle le nombre des administrateurs est librement déterminé par les statuts (art. L. 225-17 C. com.). Pour autant, il apparaît que la première de ces deux clauses peut être présentée – plus finement – comme rehaussant le minimum légal, en même temps qu’elle abaisse le maximum légal (ce en quoi elle « aménage » une disposition légale impérative), alors que la seconde, plus brutale, plus dangereuse aussi, contracte les deux extrêmes en imposant un nombre fixe d’administrateurs : soit, donc, un nombre minimum qui est le même exactement que le nombre maximum prévu par les statuts.

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Cas n° 14. Nombre d’administrateurs supérieur au maximum statutaire (mais inférieur au maximum légal).

En ce cas, comme dans le précédent, et pour les mêmes raisons, la nullité paraît bien encourue ; à ceci près que le juge ne prononcera – probablement – la nullité que pour autant que la présence ou le vote de l’administrateur ou des administrateurs « en surplus » aura été déterminant de l’adoption de la résolution (v. déjà, sur ce point, supra).

Cas n° 15. Violation des dispositions relatives à l’âge des administrateurs (art. L. 225-19 C. com.).

On sait que, sauf clause contraire des statuts, le nombre des administrateurs ayant dépassé l’âge de 70 ans ne peut pas être supérieur au tiers des administrateurs en fonction (art. L. 225-19).

Cette disposition n’est pas, en elle-même, une disposition légale impérative puisque la loi réserve expressément la validité des clauses statutaires contraires qui rendraient le dispositif plus contraignant ou moins contraignant que celui concocté, par défaut, par la loi; ces clauses peuvent d’ailleurs jouer, cumulativement ou alternativement, sur l’âge comme sur la proportion ; à ceci près qu’elles doivent, tout de même, et la remarque est importante, « prévoir, pour l’exercice des fonctions d’administrateur, une limite d’âge s’appliquant soit à l’ensemble des administrateurs, soit à un pourcentage déterminé d’entre eux »19.

1. Il n’en reste pas moins que si les statuts sont restés muets, la loi présente un caractère impératif (par défaut, si l’on veut) ; et c’est la raison pour laquelle elle prévoit, en ce cas, que « toute nomination ou désignation qui interviendrait en violation (de l’article L. 225-19 al. 2) est nulle » (art. L. 225-19, al. 3), sans se prononcer toutefois sur le sort des délibérations adoptées en présence de l’administrateur irrégulièrement désigné. À supposer qu’il se soit maintenu en fonction et ait participé à des délibérations, on doit donc en déduire que ces délibérations sont

19 D’où la nullité de la clause qui prétendrait ironiquement, par exemple, « qu’en aucun cas les administrateurs ne pourront être âgés de … moins de soixante-dix ans ».

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exposées à un risque de nullité, pour autant – tout du moins –, et c’est un bémol important, que sa présence ou son vote auront été déterminants de l’adoption de la ou des résolutions litigieuses (application de la théorie du vote « utile » ou « inutile »).

2. Dans le même cas, mais sur un autre terrain de raisonnement, puisque la nomination de l’administrateur est nulle, il se peut également que le nombre des administrateurs régulièrement nommés ou désignés devienne inférieur au minimum légal ou au minimum statutaire : alors les sanctions réservées en ces cas doivent logiquement trouver à s’appliquer (v. supra).

3. Il se peut, encore, que l’irrégularité constatée ne procède pas d’une nomination ou d’une désignation irrégulière mais … de la nature des choses : un ou plusieurs administrateurs, qui n’avaient pas atteint l’âge de 70 ans, le dépassent en cours de mandat, provoquant de la sorte le franchissement à la hausse du seuil du tiers. Alors, faute de clauses statutaires qui prévoiraient le contraire, la loi édicte une sanction (assez curieuse, d’ailleurs) en disposant que c’est l’administrateur le plus âgé qui doit être regardé comme « démissionnaire d’office » (L. 225-19, al. 4). En ce cas, les mêmes solutions que celles dégagées il y a un instant devraient trouver à s’appliquer : (i) à supposer que cet administrateur se maintienne, la nullité est encourue si sa présence ou son vote ont été déterminants de l’adoption d’une résolution ; (ii) si le nombre des membres du conseil régulièrement en poste devient, du fait de l’application de la loi, inférieur au minimum légal ou au minimum statutaire, les sanctions prévues en ce cas trouveront logiquement à s’appliquer.

4. Les statuts peuvent toutefois aménager l’ensemble de ces règles : jouer sur l’âge ou sur la proportion, écarter même la règle de la démission d’office de l’administrateur le « plus âgé » (dans l’occurrence prévue par le dernier alinéa de l’article L 225-19). Si une irrégularité est alors constatée par rapport aux statuts, on doit considérer, semble-t-il, que ces statuts ont néanmoins « aménagé une disposition légale impérative » (les statuts, dit la loi, « doivent prévoir, pour l’exercice des fonctions d’administrateur, une limite d’âge s’appliquant soit à l’ensemble des administrateurs, soit

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à un pourcentage déterminé d’entre eux ») ; ou, plus exactement, puisque les règles légales sont en l’espèce clairement supplétives de volonté, qu’ils ont aménagé une disposition légale qui, si elle n’avait pas été « déclinée » par les statuts, aurait été impérative. Si l’on accepte la proposition (elle peut se discuter), la sanction de la nullité devrait être encourue dans les mêmes termes exactement que ceux précédemment envisagés.

C. règle n° 6. Enfin, même lorsqu’une clause statutaire ne peut pas être présentée comme constituant « l’aménagement d’une disposition légale impérative », la nullité peut cependant être encourue lorsque la loi y a poussé expressément.

De tels exemples sont – heureusement – en nombre assez restreint, mais on en trouve une belle illustration dans le cas n° 16.

Cas n° 16. Stipulations relatives à la propriété d’actions (art. L. 225-25 C. com.).

On sait que, si les statuts le prévoient (et l’AMF y pousse dans les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé), les administrateurs peuvent être tenus d’acquérir le nombre minimum d’actions prévu par ces statuts. Il n’y a là, pour l’instant, aucune « disposition légale impérative » puisque la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a rendu le dispositif, jadis obligatoire, purement facultatif. Mais, tour de force, ou fâcheux oubli de notre législateur, lorsque la clause figure dans les statuts, la loi s’en empare sans vergogne pour disposer, impérativement, que l’administrateur dispose d’un délai de six mois pour sacrifier aux exigences que lui dicteraient les statuts ; et, pis encore, qu’à l’expiration de ce délai, s’il ne détient pas le nombre d’actions requis, il est réputé « démissionnaire d’office » (art. L 225-25).

Pendant le délai de six mois, aucun risque ne pèse sur la validité des délibérations auxquelles l’intéressé pourrait participer. En revanche, passé le délai de six mois, la loi se borne à édicter la sanction de la « démission d’office », sans rien dire à propos des délibérations auxquelles l’intéressé continuerait de participer (de tels comportements s’observent

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couramment). Il faut donc en déduire que ces délibérations encourent la nullité, dès lors du moins que la présence ou le vote de l’administrateur concerné auront été déterminants de l’adoption de telle ou telle résolution.

Inversement, il peut aussi se faire que, passé le délai de six mois, le conseil ne franchisse à la baisse les minimas légaux ou statutaires. Alors les délibérations encourent encore – et plus sûrement – la nullité, mais pour une autre cause que celle tirée – directement – des dispositions de l’article L 225-25 du Code de commerce.

D. Enfin, règle n° 7, qui scintille comme une lueur d’espoir dans un ciel d’orage : on gardera à l’esprit que les nullités sont – toujours – « régularisables » en droit des sociétés, quitte à faire ré-adopter la ou les mêmes résolutions par un conseil désormais composé en conformité des dispositions légales ou statutaires applicables. Manière de dire que le sujet n’a pas – peut-être – le degré de gravité extrême dont il semblait paré de prime abord.

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Gouvernance et efficacité missionnaire de la Compagnie de Jésus : les enseignements

d’une théorie élargie de la gouvernance

Peter Wirtz1

Université Jean Moulin (Lyon 3), Magellan

Juillet 2013

La Compagnie de Jésus (aussi appelée Ordre des Jésuites), issue du vœu que firent à

Montmartre en 1534 Ignace de Loyola et ses compagnons, naquit officiellement avec la

promulgation de la bulle Regimini militantis ecclesiae en 1540 à Rome par le pape Paul III.

Cette bulle contient la formula instituti, qui était une première esquisse des structures de

l’ordre, issue des délibérations des compagnons fondateurs de 1539. L’institut préfigure ainsi

les Constitutions de la compagnie, document central qui encadre la gouvernance de l’ordre, et

dont la rédaction finale est le résultat de l’accumulation d’une expérience de plusieurs années

issue d’une expérimentation concrète de l’activité missionnaire selon l’esprit ignatien. Il ne

s’agit donc pas d’un document imaginé a priori, mais de la description, soigneusement

documentée et préparée, de pratiques dont l’utilité et l’efficacité ont été reconnues et

éprouvées par Ignace et ses compagnons (cf. Bertrand, 1974)2.

Ce qui distingue fondamentalement la gouvernance jésuite de celle d’autres ordres religieux

est le vœu explicite d’obéissance au pape, ainsi que l’autorité centrale très forte qu’exerce le

préposé général, élu à vie. Par ailleurs, le principe d’obéissance s’articule avec une spiritualité

qui met l’accent sur le progrès de chaque individu dans une approche personnelle des

mystères divins et le travail de discernement devant des choix à faire par chacun là où il se

trouve. La gouvernance jésuite conjugue donc une gouvernance fortement marquée par

l’obéissance au pouvoir central de l’Eglise et des différents échelons hiérarchiques de l’ordre

(préposé général, provinciaux, supérieurs de maisons, collèges et universités) avec une grande

���������������������������������������� �������������������1�L’auteur remercie Bernard Hours et Gérard Charreaux pour leurs remarques et suggestions. Le présent article

se veut comme un hommage au Pr. Gérard Charreaux, l’un des plus importants penseurs contemporains français de la gouvernance des organisations, à l’occasion de son départ à la retraite. 2 Le Père jésuite Dominique Bertrand retrace, dans un travail très minutieux (voir notamment le chapitre 2), la genèse et la structuration de cet important document, qui a connu au moins trois versions différentes et qui se stabilise en 1558, soit environ 2 ans après la mort d’Ignace et presque deux décennies après la fondation de l’ordre. La Compagnie est alors déjà présente avec des provinces en Inde et au Brésil, entre autres. On notera d’ailleurs que les jésuites sont à l’origine de la fondation de la ville de Sao Paulo.

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liberté intérieure, chacun travaillant « à une plus grande gloire de Dieu »3, là où il est envoyé

par le pouvoir autorisé.

Dans un monde en pleine mutation, à l’aube de la modernité (16e siècle), la Compagnie de

Jésus fait rapidement preuve d’une redoutable efficacité dans son activité apostolique et

missionnaire, comme en témoigne son extension rapide à travers le globe (Inde, Chine, Japon,

Amérique latine) (Hours, 2012), ainsi que le succès de ses écoles et autres institutions de

formation, au point de détenir un temps le quasi-monopole des collèges dans l’Europe

catholique (Calvez, 2001, p. 208). Lorsque les constitutions sont approuvées en 1558, l’ordre

est déjà une organisation mondialisée, avec des missions en Asie orientale et en Amérique

latine. Très vite, outre son rôle spirituel, le préposé général devient donc le dirigeant d’une

véritable entreprise « multinationale ». L’étude de la genèse des constitutions laisse supposer

que la gouvernance, telle qu’expérimentée pendant les deux premières décennies de la

Compagnie, était un appui fondamental pour sa rapide expansion planétaire et la gestion de

cette œuvre missionnaire internationale.

L’exemple de l’efficacité apostolique et missionnaire le la Compagnie de Jésus interroge alors

les sciences de gestion et, plus particulièrement, la recherche sur la gouvernance. Cette

dernière cherche, en effet, des explications possibles de l’efficacité des mécanismes de

gouvernance pour réaliser les objectifs organisationnels. L’approche dominante de la

gouvernance s’intéresse cependant surtout à celle des grandes entreprises cotées et tente de

mesurer son efficacité à travers l’impact sur la création de valeur financière. De ce fait, elle

n’est pas adaptée à l’étude de l’impact de la gouvernance des organisations à but non lucratif,

telles que les ordres religieux, sur l’accomplissement de leur mission. Récemment, les

chercheurs en économie et en gestion ont commencé à explorer la gouvernance des ordres

religieux (Inauen et Frey, 2008 ; Inauen et al., 2009, Rost et al., 2010, Wirtz et al., 2012).

Wirtz et al. (2012, 2013), notamment, étudient l’impact de la gouvernance de l’ordre

dominicain sur l’activité apostolique qui leur est propre4 et considèrent que pour apporter des

réponses à ce type d’interrogation, il est nécessaire d’adopter un cadre théorique élargi de la

gouvernance, tel que celui proposé par Charreaux (2008).

���������������������������������������� �������������������3�Ad maiorem Dei gloriam est en effet la devise de la Compagnie.

4�Les dominicains ont en commun avec les jésuites une intense production intellectuelle, ainsi qu’une mission

apostolique. Les systèmes de gouvernance des deux ordres sont cependant radicalement différents. En effet, la gouvernance dominicaine se caractérise par un fonctionnement démocratique très prononcé, et, contrairement aux jésuites, les frères dominicains passent beaucoup de temps dans des processus délibératifs réguliers et formalisés, et cela à tous les niveaux (couvent, province, ordre) (cf. Wirtz et al., 2013).

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Deux aspects centraux des travaux de Charreaux permettent de comprendre la logique et

l’efficacité de la gouvernance d’organisations aussi complexes et spécifiques que les ordres

religieux, sans but lucratif, mais avec des finalités particulières : l’inscription de la

gouvernance dans une approche systémique, ainsi que l’analyse de son mode d’action selon

trois types de levier (disciplinaire, cognitif et comportemental). Pour la Compagnie de Jésus et

son action missionnaire, nous pouvons penser que les leviers cognitif (spiritualité ignatienne,

notamment en ce qu’elle implique pour le discernement et la formation intellectuelle) et

comportemental (principe d’obéissance comme moyen de résolution de l’indétermination) ont

historiquement joué un rôle particulièrement important (c’est l’hypothèse centrale de cet

article, représentée dans la figure 1). La suite de l’article vise à approfondir cette intuition.

Pour ce faire, nous allons d’abord (1) résumer le modèle élargi de la gouvernance proposé par

Charreaux (2008) qui nous servira de grille de lecture. Ensuite (2), nous décrirons les

spécificités du système de gouvernance de la compagnie de Jésus, avant d’analyser (3) les

leviers de son efficacité.

Système de

gouvernance de la

Compagnie de Jésus Levier cognitif

Activité

missionnaire

Figure 1 : Gouvernance jésuite et efficacité de l’extension internationale de la mission

1. Quelle grille de lecture pour l’analyse de la gouvernance jésuite ?

En sciences de gestion, l’approche dominante de la gouvernance est fortement marquée par la

théorie de l’agence (cf. Daily et al., 2003), qui focalise l’analyse sur la gestion des conflits

d’intérêt (dits « conflits d’agence ») et mesure l’efficacité de la gouvernance à travers sa

capacité à minimiser les coûts d’agence et garantir ainsi un retour sur investissement

approprié aux investisseurs financiers (Shleifer et Vishny, 1997). La plupart des études

empiriques réalisées selon cette approche travaillent sur des entreprises cotées et se focalisent

souvent sur des mécanismes de gouvernance particuliers (e.g. le conseil d’administration),

Levier

comportemental

Efficacité de la mission (extension géographique, nombre de missions et de provinces, formation de clergé local…)

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étudiés de façon isolée, plutôt que d’approcher le système de gouvernance comme un

ensemble complexe et dynamique.

Pour l’étude des leviers de l’efficacité de la gouvernance d’un ordre religieux comme la

Compagnie de Jésus, cette approche dominante de la gouvernance s’avère inadaptée pour au

moins trois raisons. Premièrement, l’objectif de la Compagnie, tel qu’il est énoncé dans sa

devise (ad maiorem Dei gloriam5), et à l’aune duquel il convient de juger l’efficacité, ne se

traduit pas par le retour sur un investissement financier6.

Deuxièmement, la théorie de l’agence analyse l’efficacité économique de la gouvernance

uniquement en termes d’économie de coûts d’agence, dont le levier est essentiellement de

nature disciplinaire. C’est-à-dire que les coûts d’agence sont minimisés grâce à un ensemble

de mécanismes d’incitation et de contrôle dont le principal rôle consisterait à minimiser les

coûts liés aux conflits d’agence entre les différentes parties prenantes. Une telle approche

purement disciplinaire de la gouvernance suppose implicitement que l’ensemble des projets

« créateurs de valeur » pour une entreprise préexistent à la façon d’un menu (Wirtz, 2005).

Autrement dit, les projets (bons et mauvais) représenteraient un ensemble fermé. Or, une telle

approche purement disciplinaire de la gouvernance qui suppose un monde relativement fermé

des possibles est en contradiction avec le monde contemporain d’Ignace de Loyola qui assiste

à un mouvement d’ouverture (à la fois intellectuelle et géographique) sans précédent. Le

corollaire théologique de cette ouverture est l’idée du magis (davantage), si chère aux jésuites,

qui cherchent à faire progresser toujours davantage, fut-ce par des moyens inédits, la gloire de

Dieu. Cela implique que, dans le monde ignatien, marqué par des découvertes et innovations

parfois radicales, l’ensemble des possibles est ouvert7 et susceptible de progresser grâce au

travail intelligent de discernement des uns et des autres. Dès lors qu’on admet que l’échelle de

mesure de l’efficacité organisationnelle est le magis, cette efficacité ne peut pas s’apprécier

par la simple économie de coûts d’agence, mais doit inclure les vecteurs d’une authentique

création de valeur (spirituelle dans le cas d’un ordre religieux). Travailler sur les leviers d’une

authentique création dans un monde ouvert et incertain, au-delà d’une simple économie

���������������������������������������� �������������������5�Concrètement, le travail pour « une plus grande gloire de Dieu » se fait par une intense activité apostolique et

missionnaire partout dans le monde. 6�Surtout que les compagnons font vœu de pauvreté.

7� Il est même potentiellement illimité, ce qui pose un problème de choix auquel peut répondre le système de

gouvernance, comme nous le montrerons plus loin.

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nécessite alors un élargissement de l’analyse de la gouvernance à une dimension cognitive et

comportementale (Charreaux et Wirtz, 2006)8.

Troisièmement, la Compagnie de Jésus est conçue comme un ensemble organique, un

véritable « corps », dont le préposé général est la « tête » (voir notamment la 9ème partie des

Constitutions, et plus particulièrement le n° 719). Or, comme indiqué plus haut, beaucoup de

travaux de l’approche dominante de la gouvernance analysent tel ou tel mécanisme de façon

relativement isolé. Si la communauté des jésuites se vit véritablement comme un corps

organique, il convient alors de mobiliser une approche systémique de la gouvernance, où les

différents acteurs et mécanismes du système interagissent de façon complexe et dynamique.

Charreaux (1997) nous propose une telle approche systémique. En effet, il définit le système

de gouvernance d’une organisation de façon large comme « l’ensemble des mécanismes qui

ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement

dit, qui ‘gouvernent’ leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire » (p. 421-422).

Donc, selon Charreaux, la gouvernance d’une organisation est un système, composé de

plusieurs mécanismes, qui interagissent avec le dirigeant et lui confèrent un espace

discrétionnaire plus ou moins large. Gouvernance et espace discrétionnaire du dirigeant sont

donc les deux faces d’une même médaille, à savoir l’organisation de l’autorité au plus haut

niveau d’une organisation. Notons que, compte tenu du vœu d’obéissance et de son élection à

vie, l’espace discrétionnaire du préposé général de la Compagnie est potentiellement très

large. Nous y reviendrons.

Les différents mécanismes de gouvernance peuvent a priori être classés selon deux critères

(Charreaux, 1997, p. 427), à savoir leur degré d’intentionnalité (le fonctionnement d’un

mécanisme peut être intentionnel, comme dans le cas de la législation et du droit, ou spontané,

comme dans le cas des valeurs culturelles) et leur degré de spécificité par rapport à

l’organisation (ainsi, l’assemblée générale d’une société anonyme lui est spécifique, mais le

droit des sociétés d’un pays est un mécanisme non spécifique). Le croisement de ces deux

critères permet à Charreaux de proposer une typologie, qui est utile pour décrire la

composition et les caractéristiques du système de gouvernance d’une organisation concrète, et

���������������������������������������� �������������������8�Le fait d’élargir l’analyse à la dimension cognitive et comportementale n’implique nullement que la dimension

disciplinaire soit absente de la gouvernance jésuite. La Compagnie entretint toujours des relations nombreuses et complexes avec le pouvoir ecclésial et temporel, et il y eut de fréquents conflits entre la papauté et les jésuites au cours de l’histoire. L’expérience des « réductions », qui permettaient aux villages amérindiens du Paraguay de vivre en autarcie, par exemple, se heurtait aux intérêts économiques des puissances coloniales, qui obtinrent finalement l’expulsion des jésuites.

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qui lui est propre. Nous avons tenté de faire ce travail de description de la configuration du

système de gouvernance des jésuites dans la deuxième section de cet article (tableau 1). La

typologie de Charreaux, outre le fait de permettre le classement ordonné d’une liste de

mécanismes pour une organisation donnée, met en valeur la nature foncièrement systémique

de la gouvernance, car elle souligne (1) la multiplicité des mécanismes, susceptibles

d’interagir les uns avec les autres de façon dynamique, (2) leurs différents modes de

fonctionnement possibles, avec des effets dynamiques potentiellement induits par et pour le

système9, ainsi que (3) l’encastrement social de tout système de gouvernance, même le plus

spécifique, dans des logiques culturelles, politiques, économiques et sociales10, qui ne lui sont

pas spécifiques, mais avec lesquelles il interagit de façon constante.

Outre sa représentation en tant que système complexe et dynamique, Charreaux (2008)

propose un modèle de la gouvernance, élargi à la dimension cognitive et comportementale. Il

va ainsi plus loin que la théorie de l’agence, qui ne voit dans la gouvernance qu’un simple

levier disciplinaire. Or, les « mécanismes qui gouvernent la conduite des dirigeants » sont

également susceptibles d’agir comme des leviers cognitifs dans la construction des projets

d’avenir ainsi que comme des leviers comportementaux, permettant de résoudre des

problèmes posés dans des situations où la rationalité standard est inopérante.

���������������������������������������� �������������������9�Les mécanismes spontanés, notamment, de par leur nature indéterminée, sont a priori susceptibles de faire

surgir la nouveauté (et soutenir potentiellement le magis, si on souhaite faire le lien avec la problématique de la mission jésuite). La spiritualité ignatienne, qui met un fort accent sur le discernement personnel de chacun, en est l’exemple. 10�La Compagnie de Jésus naît dans un environnement socio-culturel particulier et Ignace, son premier préposé

général, interagit de façon régulière avec les différentes autorités et institutions politiques, culturelles et spirituelles de son époque, comme en témoigne sa très riche correspondance (cf. Bertrand, 1985).

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Figure 2 : Le modèle élargi de la gouvernance de Charreaux (2008, p. 1861)

La reconnaissance de la capacité de certains mécanismes de gouvernance à fonctionner

comme des leviers cognitifs et comportementaux procède de la référence à d’autres cadres

théoriques que la seule théorie de l’agence. En effet, nous avons déjà expliqué que cette

dernière analyse surtout le fonctionnement des mécanismes de gouvernance comme un levier

disciplinaire, dans le sens de la surveillance du dirigeant (ratification de ses choix et

surveillance de leur exécution), pour s’assurer que celui-ci agit dans le meilleur intérêt des

autres parties prenantes de l’organisation. Il s’agirait donc exclusivement de minimiser

d’éventuels conflits d’intérêt entre le dirigeant et les autres parties prenantes par la ratification

des choix et la surveillance de leur exécution (Fama et Jensen, 1983). L’initiative des projets

stratégiques et leur mise en œuvre seraient alors de la responsabilité exclusive du dirigeant, la

gouvernance jouant simplement le rôle d’un mécanisme de contrôle. Une telle approche passe

sous silence la genèse des projets stratégiques et le fait que, dans la réalité de certaines

organisations, les mécanismes de gouvernance sont susceptibles de donner un appui au

dirigeant dans la conception-même de ses projets stratégiques. C’est d’ailleurs le cas de la

Compagnie de Jésus, dans la mesure où le vœu d’obéissance fait au souverain pontife, par

exemple, confie à ce dernier l’initiative du choix des destinations pour l’envoi en mission. Or,

si la gouvernance est un appui au dirigeant dans la formulation (=initiative) des projets

stratégiques, c’est-à-dire dans leur conception-même, elle agit comme un véritable levier

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cognitif et comportemental. Cela veut dire qu’elle aide potentiellement le dirigeant à mieux

réfléchir et mettre en œuvre sa stratégie en le faisant progresser dans une meilleure

compréhension des possibles. Pour comprendre l’action de la gouvernance en tant que levier

cognitif, on peut se référer aux travaux issus de la théorie fondée sur les ressources (Penrose,

1959 ; Wernerfelt, 1984). Elle permet de comprendre la dynamique de la construction des

ressources cognitives d’une organisation et de l’interaction de cette construction avec le

développement stratégique. Le levier comportemental quant à lui fait référence à un autre

champ théorique, qui recoupe partiellement les réflexions de l’approche cognitive, mais qui

met l’accent sur un certain nombre de biais psychologiques et comportementaux que la

recherche a décelés en étudiant des individus placés dans des situations de prise de décision

(e.g. Kahneman et Tversky, 1979). Cette littérature montre, par exemple, que les individus,

placés devant des choix complexes, ont naturellement tendance à recourir à des heuristiques

simples, qui sont des raccourcis mentaux, pour prendre une décision. Les heuristiques sont

donc un moyen d’affronter un monde complexe par des individus dont la rationalité est

limitée, voire procédurale, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas une connaissance complète des

paramètres leur permettant de prendre une décision optimale (Simon, 1982).

2. Le système de gouvernance de la Compagnie de Jésus

Cette section a comme objectif de représenter les traits majeurs de la gouvernance de la

Compagnie de Jésus, telle qu’elle émerge dans les premières décennies de l’ordre. Cette

représentation (tableau 1) s’appuie pour l’essentiel sur deux documents : les Constitutions de

la Compagnie dans leur version officielle (qui remonte à la version dite B approuvée en

1558), et dont on trouve une version française sur le site internet de la Province de France, et

l’ouvrage du Père Dominique Bertrand11, qui a publié en 1974 une étude très fine de la genèse

et de la structure des Constitutions, ainsi que de l’esprit qui les anime.

Notons en préambule que, selon le Père Bertrand, l’esprit des Exercices spirituels de St Ignace

est aussi celui qui anime fondamentalement les Constitutions de la Compagnie, sauf que là où

les Exercices concernent une expérience surtout personnelle, les Constitutions possèdent par

définition une dimension sociale et acquièrent de ce fait un degré de complexité élevé. Tous

ceux qui, au cours d’un long processus d’incorporation, qui est prescrit dans les Constitutions

et comprend plusieurs étapes importantes (examen général, noviciat, études …), deviennent

���������������������������������������� �������������������11�Dominique Bertrand est un père jésuite et titulaire d’un doctorat d’Etat. Sa thèse comporte une analyse très

méthodique de la vaste correspondance ignatienne (cf. Bertrand, 1985).

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compagnons reçoivent d’ailleurs les Exercices. Faisant ainsi partie intégrante du processus de

socialisation des jésuites, on peut considérer que les Exercices sont également un mécanisme

de gouvernance12. Pour le caractériser en quelques mots, disons que l’esprit ignatien conjugue

un exercice soutenu et progressif de discernement personnel avec l’esprit d’obéissance.

L’esprit ignatien naît dans une certaine tension entre une approche personnelle très directe du

mystère divin et la soumission obéissante au pouvoir autorisé (pape, préposé général). « Cette

tension caractérise sans doute ce que la spiritualité ignatienne autorise : croire à l'immédiateté

de l'expérience de Dieu et à la fécondité des médiations longues pour l'inscrire dans une

société et une histoire. » (cf. « Petite Introduction à la Spiritualité Ignatienne »,

http://www.jesuites.com/spiritualite/intro04.htm)

Mécanismes spécifiques Mécanismes non spécifiques

Méc

anis

mes

inte

ntio

nnel

s

- Institut

- Constitutions de la Compagnie

- Congrégations générales (« à l’autorité du

préposé général sur la Compagnie vient répondre

en permanence l’autorité de la Compagnie sur le

préposé général », Bertrand (1974), p. 76)

- Vœux (d’obéissance au pape, au préposé

général)

- parcours d’incorporation (formation/

socialisation)

- Droit canon (bulles papales …)

- Etat (en France, les relations entre la

monarchie et l’Ordre ont parfois été

conflictuelles)

Méc

anis

mes

spo

ntan

és - esprit/spiritualité ignatienne (exercices

spirituels)

-

- cultures des terres de mission

- environnement intellectuel ambiant

- concurrence entre congrégations

religieuses13

Tableau 1 : Système de gouvernance de la Compagnie de Jésus

Les différents mécanismes de gouvernance concrets (institut, constitutions de la compagnie,

congrégations générales, vœux, spiritualité ignatienne, parcours d’incorporation, droit canon,

…) définissent ensemble et dans leur interaction l’espace discrétionnaire du préposé général,

���������������������������������������� �������������������12�De fait l’approche cognitive considère les systèmes de formation comme des mécanismes de gouvernance

cognitifs. Nous remerciant Gérard Charreaux pour cette remarque. 13�Le rite chinois des jésuites fût interdit suite à l’action d’autres Ordres restant attachés au rite latin traditionnel

dans leur activité missionnaire (cf. infra).

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dirigeant de la Compagnie. Cet espace discrétionnaire est intentionnellement très large. Les

constitutions en explicitent en effet le principe et les raisons en ces termes : « Parce que

l'expérience, la pratique du gouvernement, la connaissance de chacun en particulier et

l'autorité exercée sur tous sont d'une grande utilité pour bien s'acquitter de cette charge, le

Général devra être élu à vie et non pour un temps déterminé. Aux autres avantages s'ajoutera

aussi celui-ci: la Compagnie, étant presque toujours assez occupée à des choses de grande

importance pour la gloire de Dieu, elle aura moins à souffrir de la peine et du temps passé

dans ces Congrégations Générales. » (719) Et plus loin : « L'autorité du Préposé sera plus

grande s'il ne peut être changé que s'il était élu pour une ou plusieurs années, vis-à-vis des

gens de l'extérieur, parce qu'il sera plus connu de tous, et, pour la même raison, vis-à-vis de

ceux de la Compagnie. Au contraire, le fait de savoir qu'il quittera un jour sa charge, et qu'il

sera l'égal ou l'inférieur des autres, et aussi le fait qu'il ait peu d'expérience dans la fonction,

peuvent diminuer son autorité. » (721). La forte autorité du préposé général, et partant son

large espace discrétionnaire, est donc ancrée dans les constitutions, mais le principe remonte

déjà aux délibérations des premiers compagnons de 1539, qui décident alors de

l’institutionnalisation du vœu d’obéissance à l’un d’entre eux.

Outre les limites non spécifiques, telles que celles qu’impose le droit canon, et qui tiennent à

l’environnement politique et règlementaire général, l’espace discrétionnaire du préposé

général connaît cependant deux limites spécifiques importantes. La première est celle de

l’obéissance au pape et qui est institutionnalisée par un vœu très explicite (et spécifique aux

jésuites). Nous verrons plus loin qu’elle a été instituée pour jouer le rôle d’un important levier

comportemental, au service de l’activité missionnaire de l’ordre.

La deuxième limite importante est l’autorité de la communauté toute entière qui répond à

celle de son préposé général. Cette autorité de la communauté s’articule à travers les

congrégations (provinciales et générales)14. En effet, les constitutions décrivent une

conception profondément dynamique des relations entre les acteurs de la gouvernance (et plus

particulièrement entre le « corps » et la « tête » de la compagnie) : « La partie IX (des

Constitutions) (…) est (…) équitablement partagée : trois chapitres concernent le Père général

et ses relations avec la Compagnie, trois autres chapitres, les relations de la Compagnie envers

le Père général. (…) tout (dans les parties VIII et IX des Constitutions) est toujours organisé

���������������������������������������� �������������������14�Notons que, contrairement à d’autres ordres qui tiennent des chapitres à intervalles réguliers, les jésuites n’ont

pas voulu d’une telle régularité, les congrégations générales étant convoquées uniquement dans deux cas : pour l’élection du préposé général, et pour des sujets importants concernant la Compagnie.

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de façon à ce qu’on soit constamment renvoyé d’un pôle à l’autre ; l’union des cœurs qui

embrasse l’ensemble joue avec la représentation de l’ensemble dans les congrégations

provinciales et générales (chapitre 1 contre chapitres 2 à 7 de la partie VIII), les congrégations

à leur tour jouent avec le Père général en un va-et-vient incessant où l’initiative passe tantôt

aux unes (chapitre 2,3,6), tantôt à l’autre (4,5,7) ; le plan en 3/3 de la partie IX exprime

admirablement le même jeu. Ainsi, et c’est là le point le plus important, une certaine richesse

des relations concrètes est liée à la solidité des deux pôles entre lesquels elles se nouent. »

(Bertrand, 1974, p. 188). Que la communauté, à travers le mécanisme de gouvernance qu’est

la congrégation, délimite l’espace discrétionnaire pourtant large du préposé général est

clairement exprimé dans la citation suivante : « la communauté, que les compagnons répartis

dans l’univers ont (par le biais des congrégations) trouvé la force de représenter par des

délégués, est l’instance suprême : elle précède absolument le préposé général, quand il s’agit

de son élection (…) ; elle l’accompagne d’égal à égal, quand il s’agit des questions

importantes autres que l’élection (chapitre 7 de la partie VIII des constitutions). » (Bertrand,

1974, p. 190).

Cette organisation du champ d’interaction entre acteurs de la gouvernance, où une très forte

autorité du préposé général interagit avec une autorité également forte de la communauté

(Bertrand parle de « la solidité des deux pôles »), l’un et l’autre se renforçant mutuellement,

agit dans l’ordre comme un véritable levier cognitif au service du magis, comme nous le

verrons plus loin. Ainsi, face à un dirigeant fort, une gouvernance également forte est

susceptible d’acquérir une force habilitante. « Gouverner la conduite » du dirigeant (en

référence à la définition de Charreaux, 1997) n’est donc pas nécessairement une restriction de

la latitude du dirigeant d’une organisation, mais potentiellement un appui.

3. Une gouvernance cognitive et comportementale au service de la mission

Après la brève présentation des piliers de la gouvernance jésuite qui précède, voyons à présent

selon quelles modalités les principaux mécanismes influencent le succès missionnaire et

apostolique de la jeune Compagnie. Nous verrons, dans ce contexte, qu’ils agissent avant tout

comme des leviers comportementaux et cognitifs pour étendre rapidement l’activité

missionnaire à travers le monde et assurer son succès.

L’obéissance au pape est un mécanisme de gouvernance qui, dans la Compagnie naissante,

agit comme un levier comportemental. En effet, l’obéissance au pontife romain, loin d’être

motivée par une représentation irénique de sa fonction, joue en réalité comme une heuristique

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pour la résolution d’un problème d’indétermination des choix dans un monde dont les

frontières sont repoussées et qui va donc en se complexifiant. L’obéissance au souverain

pontife fournit une réponse externe à la question du « où » de la mission apostolique. Dans

leur septième partie, les Constitutions de la Compagnie affirment en effet ceci, en rappelant

les délibérations de 1539 : « L'intention du quatrième vœu fait au Souverain Pontife ne visait

pas un lieu particulier, mais que ceux qui faisaient ce vœu soient répandus en différentes

parties du monde. En effet, ceux qui se réunirent les premiers dans cette Compagnie venaient

de diverses provinces et de divers royaumes et il ne leur apparaissait pas clairement en quels

pays des fidèles ou des infidèles ils devaient se trouver. Pour ne pas errer dans le chemin du

Seigneur, ils firent cette promesse ou ce vœu pour que le Souverain Pontife les répartisse pour

une plus grande gloire de Dieu et conformément à leur intention de parcourir le monde, et

pour que, s'ils ne trouvaient pas le fruit spirituel désiré dans un endroit, ils se portent de là

dans l'un et dans l'autre, recherchant une plus grande gloire de Dieu et une plus grande aide

des âmes. » (n° 605)

Le commentaire suivant de Bertrand (1974, p. 139) présente très bien la fonction

comportementale de ce vœux d’obéissance au pape, qui agit comme une heuristique

permettant de résoudre un dilemme de prise de décision dans un cadre indéterminé. « ce qui

fut premier pour les premiers compagnons, ce fut la recherche d’un ‘autre’ valable pour les

sortir de l’irrésolution où les plaçait la composition même de leur groupe. De plus en plus,

pour que leur désir universel de service prenne corps sans disparaître, ils ont eu besoin de

cette voix extérieure au groupe et autorisée, même si elle était critiquée à l’époque par

beaucoup : la voix du pape. L’originalité, en un sens scandaleusement prosaïque, de la

démarche, qui était une démarche de foi, fut de prendre le pape pour un moyen ‘pour mieux

réussir’. Penser que le pape pouvait être utile, tel a été le principe foncièrement réaliste d’où

la Compagnie est née. Certains se scandaliseront peut-être de ce qu’on réduise ainsi le Saint

Père au rang d’un moyen et que l’on attribue à Saint Ignace une telle réduction. Les textes

sont là. En outre, ceux qui se scandaliseront, aurons sans doute moins réfléchi qu’Ignace sur

ce qu’est un moyen. Enfin, qui, moins que le servus servorum Dei, pourrait se scandaliser de

servir à quelque chose, je veux dire, à des hommes qui se remettent inconditionnellement à

lui, non pas pour lui, mais pour la seule fin qui en soit une : la gloire plus grande de Dieu et le

salut plus universel des âmes ? »

Une fois réparties dans le monde, la spiritualité et la formation jésuites agissent comme des

leviers cognitifs dans l’accomplissement de la mission apostolique. Cette spiritualité laisse la

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liberté d’imaginer les moyens d’une mission efficace selon les circonstances particulières où

se trouvent les compagnons envoyés en mission. Ce levier est un appui pour la réponse au

« comment » de la mission apostolique. La soumission obéissante au pape concernant les

lieux d’envoi en mission a d’ailleurs comme effet de concentrer les ressources cognitives des

compagnons sur le seul accomplissement de la mission à l’endroit précis où ils sont placés.

Historiquement, les succès rapides de la mission sont en grande partie attribuables à

l’inculturation, qui procède précisément de l’esprit ignatien qui pousse à trouver les meilleurs

moyens de l’annonce de l’Evangile selon le contexte et les circonstances particulières dans

lesquels on se trouve placé. « En Chine et en Inde, (…) les jésuites définirent une approche

nouvelle de la mission qui préfigurait ce que l’on a appelé depuis ‘inculturation’. Elle prônait

la maîtrise des langues locales et la connaissance approfondie des cultures, le développement

d’une littérature chrétienne dans ces langues, l’adoption des coutumes et des rites locaux

compatibles avec le christianisme, la formation d’un clergé local. » (Hours, 2012, p. 113)

Cette approche missionnaire des jésuites s’est en effet avérée particulièrement efficace, au

point que la «nouvelle missiologie » qui s’est progressivement imposée comme l’approche

dominante à partir du 19e siècle emprunte à l’intuition fondatrice des jésuites (cf. Hours,

2012, p. 119-121). Le développement d’une « approche nouvelle de la mission » représente

un véritable acte de création cognitive (au sens d’une génération de connaissances et savoir-

faire nouveaux), et il est vraisemblable que la spiritualité spécifiquement ignatienne fut un

levier important pour rendre cette création possible.

Notons à ce niveau que, plus tard (en 1645), le droit canon agit, non pas comme un levier

cognitif, mais pour exercer une discipline sévère en interdisant le rite chinois développé par

les jésuites. En effet, la Propagande et le Saint Office prononcent leur condamnation du rite

chinois, après que l’affaire fut portée devant le Saint siège par les Dominicains, qui ne

travaillaient pas avec les mêmes méthodes. Par la suite, il est probable que l’activité

missionnaire a perdu de son efficacité, aussi bien que la nouvelle missiologie revient au

principe d’inculturation pour la mission lors de la deuxième très forte vague missionnaire des

19ème et 20ème siècles (Hours, 2012, p. 120).

Un des piliers importants de la gouvernance jésuite, telle que décrite plus haut, est l’autorité

de la communauté, qui s’exprime à travers les congrégations générales. Elle fait face à

l’autorité également forte du préposé général dans un jeu d’interaction dynamique.

L’interaction entre ces deux « pôles forts » de la gouvernance que sont la « tête » et le

« corps » de la Compagnie agit comme un levier cognitif des initiatives à l’échelle de l’ordre.

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Ainsi, Bertrand (1974, p. 190) peut déclarer « il est clair que la communauté apparaît comme

le lieu du bouillonnement possible des initiatives, des inquiétudes, des projets (…). Heureux

bouillonnement où l’esprit de la Compagnie se réveille. Saint Ignace, moins par don

prophétique que par une vraie connaissance de l’homme, est sûr que ce bouillonnement se

produira ». Il ne s’agit cependant pas de disperser toute énergie en « bouillonnement », ce qui

explique la tenue rare des congrégations générales, comparativement à d’autres ordres. Une

fois les grands projets et l’homme qui les porte déterminés (lors de l’élection du préposé), il

s’agit pour chacun de se concentrer sur sa mission concrète, là où il est envoyé, et d’y mettre

toute son énergie, « ad maiorem Dei gloriam ».

Conclusion

L’ordre des jésuites est né il y a plus de quatre siècles. Il a connu un essor rapide réalisant très

tôt d’importants succès missionnaires et apostoliques dans un monde en pleine expansion. La

gouvernance de la Compagnie de Jésus se caractérise dès ses débuts par un certain nombre de

particularités, dont le vœu d’obéissance au pape, l’importante autorité du préposé général,

ainsi que l’esprit ignatien qui est transmis à travers les exercices spirituels à tous les

générations de jésuites. Dans le présent article, nous avons montré que le système particulier

de gouvernance de la jeune Compagnie joue un rôle déterminant dans l’efficacité

missionnaire de l’ordre, grâce, notamment, à son action en tant que levier cognitif et

comportemental. Dans le prolongement de cette recherche, du point de vue des travaux sur la

gouvernance, il serait intéressant de développer une comparaison avec d’autres ordres

religieux, ainsi que d’étudier les enjeux de la concurrence entre eux15.

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COMITÉ DE RÉDACTION

Directeur De la publication et De la réDaction :

réDacteur en chef : Patricia Charléty, Professeur à l’ESSEC Business School

réDacteur en chef aDjoint : Michel Magnan, Professeur et titulaire de la chaire de

gouvernance d’entreprise S.A. Jarislowsky École de gestionJohn-Molson, Université Concordia

Sophie Schiller, Professeur à l’université Paris-Dauphine

Pour tout renseignement : [email protected]

Daniel Lebègue, Président du Club recherche de l’IFA

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IFAInstitut Français des Administrateurs

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L’Institut Français des Administrateurs (IFA) est l’association des administrateurs en France, avec près de 4000 membres exerçant leurs fonctions dans des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.

L’IFA a pour missions d’informer sur les sujets de gouvern-ance, de professionnaliser les membres de son réseau, d’or-ganiser le partage d’expériences, de contribuer au débat public et de l’influencer sur les avantages d’une gouvernance au service de la compétitivité des entreprises.

L’IFA associe à ses actions tous ceux qui de part leurs activi-tés contribuent au développement des bonnes pratiques de gouvernance.

L’IFA est présent sur l’ensemble du territoire français avec 8 délégations régionales à Paris, Lille, Strasbourg/Nancy/Metz, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes.

L’IFA est également membre fondateur de la Confédération européenne des associations d’administrateurs (ecoDa).