Principe de précaution et risques sanitaires liés à la...

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Principe de précaution et risques sanitaires liés à la pollution chimique de l'air Cyr VOISIN (*) cc L'absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment , ne doit pas retarder l 'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irré- versibles à l'environnement, à un coût économi- quement acceptable ». Si l'on transpose cette définition générale de la précaution (1) au problème des risques sani- taires liés à la pollution chimique de l'air (2), trois questions se posent : - la pollution atmosphérique extérieure expose- t-elle à des risques sanitaires « graves et irréver- sibles » ? - y-a-t-i1 incertitude scientifique sur les polluants responsables de ces effets? - dans l'hypothèse d'une réponse positive à ces deux préalables, quels objectifs viser et selon quelles modalités envisager l'application du prin- cipe de précaution? 1. La pollution atmosphérique extérieure expose-t-elle à des risques sanitaires graves et irréversibles ? Depuis près d'un demi-siècle, les effets à court terme et à long terme de la pollution chi- mique de l'air sur la santé (3) ont fait l'objet de multiples recherches , associant expérimentation animale, observation clinique, approche épidé- miologique, et plus récemment, expérimentation contrôlée chez des volontaires sains ou patholo- giques. (*) Vice-Président du Comité Régional du Nord-Pas- de-Calais de l'APPA, Membre de l'Académie Nationale de Médecine. (1) Loi 95-101 sur le renforcement de la protection de l'environnement. (2) Nous n'envisagerons ici que les problèmes de la pollution chimique de l'air extérieur, lié aux activités humaines habituelles, à l'exclusion des pollutions accidentelles résultant de catastrophes naturelles ou industrielles. (3) Health effects of out door pollution. State of the Art. Am. J. Resp. Crit. Care Med. 1996, 153, 1-50 et 477-498. Les effets à court terme sont les plus facile - ment identifiables , en raison de la relation chro- nologique qui lie l 'évolution des niveaux de concentration des polluants à la survenue de manifestations pathologiques .L'observation épidémiologique montre que ces effets affectent de préférence les enfants en bas âge au x défenses respiratoires immatures, et les sujets présentant une fragilité particulière de leur appa- reil respiratoire du fait de la sénescence ou de la préexistence d'afffections chroniques touchant les voies aériennes supérieure ou l'appareil respi- ratoire sous glottique : asthme , mucoviscidose , bronchite chronique de toutes origines (en parti- culier tabagique), insuffisance respiratoire chro- nique, insuffisance cardiaque mal compensée ... Au niveau de la sphère oto-rhino-larynqolo- gique, la symptomatologie varie d'une simple irri- tation à des manifestations plus sévères - angines, rhinopharyngites, laryngites aigu ës, otites - qui demandent une intervention médicale. Chez l'asthmatique , elle se traduit par une fré- quence et une gravité accrue des crises, chez le bronchitique chronique par des poussées infec- tieuses nécessitant la mise en oeuvre de traite - ments antibiotiques. Chez l'insuffisant respiratoire chronique et chez le cardiaque mal compensé, le tableau peut être dramatique, et déboucher sur une décompensation cardio-respiratoire aiguë qui oblige à recourir aux techniques de réanimation et peut entraîner le décès. Cette derniè re éventual ité s'était imposée à l'attention lors de grands épisodes de pollution acido-particulaire survenus après la seconde guerre mondiale, à Londres, par exemple pen- dant l'h iver 1952 , où l'on a déploré plus de 4 000 morts en plus de la mortalit é habituelle à l 'occasion d 'une sema ine de « smo . Aujourd'hui encore, une augmentation marquée de la pollution peut être à l'origine d'une surmor- talité parmi les personnes particulièrement fra- giles, comme l'ont montré plusieurs enquêtes portant sur de larges populations, menées aux Etats-Un is et en Europe , et récemment en France dans la région parisienne et la région lyonnaise. Les effets à long terme sont plus difficiles à cerner. L'on a établi que la prévalence des affec- tions respiratoires chroniques de type dégénératif JUILLET-SEPTEMBRE 1998 -41 - POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

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Principe de précaution et risquessanitaires liés à la pollution chimiquede l'air

Cyr VOISIN (*)

cc L'absence de certitude, compte tenu desconnaissances scientifiques et techniques dumoment, ne doit pas retarder l 'adoption demesures effectives et proportionnées visant àprévenir un risque de dommages graves et irré­versibles à l'environnement, à un coût économi­quement acceptable ».

Si l'on transpose cette définition générale dela précaution (1) au problème des risques sani­taires liés à la pollution chimique de l'air (2), troisquestions se posent :

- la pollution atmosphérique extérieure expose­t-elle à des risques sanitaires « graves et irréver­sibles » ?

- y-a-t-i1 incertitude scientifique sur les polluantsresponsables de ces effets?

- dans l'hypothèse d'une réponse positive à cesdeux préalables , quels objectifs viser et selonquelles modalités envisager l'application du prin­cipe de précaution?

1. La pollution atmosphérique extérieureexpose-t-elle à des risques sanitaires graveset irréversibles ?

Depuis près d'un demi-siècle, les effets àcourt terme et à long terme de la pollution chi­mique de l'air sur la santé (3) ont fait l'objet demultiples recherches , associant expérimentationanimale, observation clinique, approche épidé­miologique, et plus récemment, expérimentationcontrôlée chez des volontaires sains ou patholo­giques.

(*) Vice-Président du Comité Régional du Nord-Pas­de-Calais de l 'APPA , Membre de l'AcadémieNationale de Médecine.

(1) Loi 95-101 sur le renforcement de la protection del'environnement.

(2) Nous n'env isagerons ici que les problèmes de lapollution chimique de l'air extérieur, lié aux activitéshumaines habituelles, à l'exclusion des pollutionsaccidentelles résultant de catastrophes naturellesou industrielles.

(3) Health effects of out door pollution. State of the Art.Am. J. Resp. Crit. Care Med. 1996, 153, 1-50 et477-498.

Les effets à court terme sont les plus facile ­ment identifiables , en raison de la relation chro­nologique qui lie l'évolution des niveaux deconcentration des polluants à la survenue demanifestations pathologiques . L'observationépidémiologique montre que ces effets affectentde préférence les enfants en bas âge au xdéfenses respiratoires immatures, et les sujetsprésentant une fragilité particulière de leur appa­reil respiratoire du fait de la sénescence ou de lapréexistence d'afffections chron iques touchantles voies aériennes supérieure ou l'appareil respi­ratoire sous glott ique : asthme, mucoviscidose ,bronchite chronique de toutes origines (en parti­culier tabagique), insuffisance respiratoire chro­nique, insuffisance cardiaque mal compensée...

Au niveau de la sphère oto-rhino-larynqolo­gique, la symptomatolog ie varie d'une simple irri­tation à des manifestations plus sévères ­angines , rhinopharyngites, laryngites aigu ës ,otites - qui demandent une intervention médicale.

Chez l'asthmatique , elle se traduit par une fré­quence et une gravité accrue des crises, chez lebronchitique chronique par des poussées infec­tieuses nécessitant la mise en œuvre de traite ­ments antibiotiques. Chez l'insuffisant respiratoirechronique et chez le cardiaque mal compensé, letableau peut être dramatique, et déboucher surune décompensation cardio-respiratoire aiguë quioblige à recourir aux techniques de réanimat ionet peut entraîner le décès.

Cette derniè re éventual ité s'était imposée àl'attention lors de grands épisodes de pollutionacido-particulaire survenus après la secondeguerre mondiale, à Londres, par exemple pen­dant l'h iver 1952, où l'on a déploré plus de4 000 morts en plus de la mortalit é habituelle àl'occasion d 'une semaine de « smog» .Aujourd'hui encore , une augmentation marquéede la pollution peut être à l'origine d'une surmor­talité parmi les personnes particulièrement fra­giles , comme l'ont montré plusieu rs enquêtesportant sur de larges populations, menées auxEtats-Un is et en Europe , et récemment enFrance dans la région pari sienne et la régionlyonnaise.

Les effets à long terme sont plus difficiles àcerner. L'on a établi que la prévalence des affec­tions respiratoires chroniques de type dégénératif

JUILLET-SEPTEMBRE 1998 -41 - POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

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(bronchite chronique , emphysème, cancer bron­cho-pulmonaire...) est plus élevée dans les zonesà forte pollution habituelle (zones industrielles ,proximité de grands axes routiers) ce qui incite àpenser qu'une irritation bronchite répétée par lespolluants chimiques de l'air extérieur joue un rôlenon négligeable à l'origine et dans la progressionde ces affections. L'interprétation de ces faits esttoutefois difficile en raison de l'intervention com­binée d'autres facteurs étiol ogiques majeurs ,risques profess ionne ls d'origine industrielle ouminière, pollution intérieure des locaux, et surtouthabitudes tabagiques.

En dehors de ces faits, on dispose actuelle­ment d'arguments épidémiologiques montantqu'une expos it ion pro longée à une pol lut ionélevée compromet le développement de l'appa­reil respiratoire et perturbe les défenses immuni­taires du jeune enfant, que le monoxyde de car­bone affecte le système cardio-vasculaire, et queles solvants et les métaux lourds présents dansl'environnement aérien retentissent sur le systè­me nerveux central et sur les reins.

En conclusion de ce rapide tour d'horizon, l'onpeut affirmer que la pollution chimique de l'a irexpose bien à des risques sanita ires parfoisgraves et irréversibles, et constitue en particulierpour les populations fragiles, un réel problème desanté publique.

II. Y-a-t-lt incertitude scientifique sur la naturedes polluants responsables des risquessanitaires?

Une politique de prévention efficace des effetsnocifs de la pollution de l'air sur la santé reposelogiquement, sur une limitation du déversementdes substances dangereuses dans l'atmosphère,ce qui suppose une identification préalable decelles-ci et le repérage de leurs sources.

Y-a-t-il incertitude scientifique dans ces deuxdomaines ?

En ce qui concerne les effets à court termel'identification des aérocontaminants dangereu~pour la santé humaine repose sur différentesméthodes :

- l'étude analytique des effets de chacun despolluants actuellement identifiés sur l'animal: lasensibilité variable des différentes espèces rendles faits observés difficilement transposables àl'homme,

- l 'e xpérim entation che z des vo lon tair eshumains , dans des condit ion s str ictementcontrôlées, comparables à celles rencontréesdans l'atmosphère urb ain e est très riche enenseignements , mais reste limitée à l'étude depollu ants gaze ux expérim entés isolém ent, ouéventuellement en association binaire,

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- les enquêtes épidémiologiques renseignent surla toxicité globale de l'atmosphère , mais ne per­mettent pas d'identifier le rôle propre à chacundes aérocontaminants présents dans l'air ni leursinteractions éventuelles. De plus, la surveillancemétrologique ne s'exerce que vis-à-vis de 4 pol­luants : d'une part le dioxyde de soufre (S02) etles particules inhalables caractéristiques de lapollution acldo-particulaire, de l'autre le dioxyded'azote (N0 2) et l'ozone (0 3) représentatifs de lapollution oxydante. Or, il est rema rquable deconstater que les enquêtes dites « d'éc olog ietemporelle » révèlent des effets significatifs sur lasanté humaine pour des niveaux de concentra­tion de ces aérocontaminants, tout au moins pourle S02 et le N02, nettement inférieurs à ceuxnécessaires pour déclencher une symptomatolo­gie cliniquement ou fonctionnellement décelablelors d'e xpositions contrôlées de volontaireshumains.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cettediscordance :

- la présence dans la population soumise à l'en­quête épidém iologique, de sujets à sensi bilit éparticulièrement marquée : les asthmatiques parexemple, présentent une hyperréactivité au S02'hyperréactivité que l'on n'observe pas en présen­ce de N02 ou d'ozone utilisés isolément ;

- une action synergique entre polluants, problè­me qui fait actuellement l'objet de recherchesnombreuses, encore limitées à l'action combinéeou success ives de deux polluants : c'est ainsiqu'une exposition préalable à l'ozone ou au N02

augmente la sensibilité au S02 d'une façonmodérée, mais significative ;

- l'inte rvention de facteu rs environnementauxassociés : le brouillard facilite la pénétration duS02 dans les voies aériennes sous forme d'acidesulfurique fixé sur les gouttelettes inhalées, plusagressif pour la muqueuse respiratoire.

De même il est démontré que l'ozone abaissele seuil de réactivité de l'asthmatique à l'allergèneauquel il est sensibilisé, ce qui entraîne une fré­quence et une gravité accrues des crises lorsquel'intéressé est exposé à la fois au polluant et àl'allergène.

Ces explications , pour intéressantes qu'ellessoient , ne sont toute fois pas suffisan tes pourrendre compte de l'importan t décalage existantentre les données métrologiques enregistrées surle terrain, et les données expérimentales enchambres d'exposition.

En fait, notre con naissance de la pollut ionatmosphérique urbaine est encore fragmentaire.De nombreuses substances, dont la toxic itépotentielle est établie par l'expérimentation ani­male, ont été identifiées dans l'atmosphè re desvilles. Elles ne font pas l'objet d'une surveillancemétrologique régulière, et on en connaît mal leseffe ts et les syne rgies éventuelles , dans les

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cond itions d'expos it ion habitue lles au mil ieuaérien extérieur. C'est ainsi qu'il a été récemmentmontré que les composés organiques volatils(COV ) d'or igine automobile , expérimentés surdes volontaires humai ns à des concentrationsréal istes , déclenchent une inflammation desvoies aériennes et une hyperréac tiv ité bron ­chique susceptib les de conj uguer leurs effetsavec ceux de l'ozone et du N0 2. Une rechercheactive est nécessaire pour mieux appréhender cevaste problème.

L'incertitude scientifique est plus grande enco­re sur l'origine des effets à long terme. La duréeet les caractéristi ques de l'exposition au risquesont imprécises, et il n'existe pas de marqueursspéc ifiques d'exposition , en dehors des raresexceptions (dosage de métaux lourds, mise enévidence d'enduits d'hydroca rbures aromatiquespolycycliques caractéristiques de la pollutionextérieure par exemple ) , ni des marqueursd'effets pour suppléer cette carence d'informa­tion. Bien plus, comme nous l'avons déjà souli­gné plus haut, les manifestations pathologiquessusceptibles d'êt re liées à une expos ition pro­longée à la pollu tion urba ine , sont multifacto­rielles, et d'aut res facteu rs de risques intervien­nent à leu r origine: act ivit és professionnelles ,habitudes de vie et surtout tabagisme, ce qui nepermet pas de fixer avec précisions le rôle despolluants urbains.

III. Devant ces incertitudes, quelle placeaccorder au principe de précaution et selonquelles modalités l'appliquer?

Il est évident que la pollution chimique de l'airest à l'origine d'un rée l prob lème de san tépublique, et qu'elle résulte du déversement dansl'atmosphère de toxiques multiples dont la res­ponsabilité propre est mal identifiée. Devant cetteincertitude, la précaution se présente comme uneattitude globale visant à limiter l'émission dansl'esp ace aérien de tout toxique susceptible denuire à la santé . Cette situat ion n'est pas sansrappeler celle de la pollution du milieu marin : lesconclusions de la Conférence internationale surla protection de la Mer du Nord (1990), « d'appli­que r le principe de précau tion , c'est-à-dire deprendre des mesu res pour éviter les imp actspotentiellement dommageables de substancestoxiques, même lorsqu'il n'existe pas de preuvescientifique d'un lien de causalité entre les émis­sions et les effets » . L'atmosphère peut êtreconsidérée , au même titre que l'espa ce marin,comme un égout où se déversent d'innombrablespolluants chimiques , dont la responsabilité exac­te , à l'or igine de manifestations pathologiquesobservées sur les populations exposées, n'estpas toujours scientifiquement établie. Seule, uneattitude systématique de réduction, sinon de sup-

pression, de déversement de tout effluent toxiquedans l'air extérieur est susceptible de répondreau principe de précaution.

Un tel programme repose d'abord sur la prisede mesures spéc ifiques vis-à-vis des activitésindus t rielles bien identif iées susceptibles dedéverser dans l'atmosphère des substances detoxicité identifiée ou non , dans l'in dustrie chi­mique notamment, c'est-à-dire la mise en œuvrede tec hniques contra ignantes pour éviter toutrejet dans l'environnement d'aérocontaminantspote ntie llement dang ereu x. Il en va de mêmepour les usi nes d'i nci nération qui exposent àl'émission de toxiques variés, par exemple lesdio xines qui doivent être impérativement éli­minées des fumées et vapeurs émises, même sile danger potentiel de cette famille de moléculesest encore sujet à discussion.

Ces dispos it ions répondent à l'esp rit du« containment principle » développé en 1973 parTAYLOR (T.B. TAYLOR , C.C. HUMPSTON E,1973) et repris par R. DUBOS (R. DUBOS,J . PERKINS), qui préconisent que les nuisancesd'or igine industrielle soient conf inées dans leslieux où elles ont été générées, et que l'eau etl'air qui ont servi de matériau ou de support auxactivités humaines soient rendus à la nature dansun état de pureté analogue à celui qu'ils présen­taient avant leur usage.

A côté de ces sources ponctuelles, la pollutionde l'air est aussi la résultante d'activités diffusesaux origines multiples. Elles relèvent pour lamajorité d'entre elles, de l'utilisation de combus­tib les fossiles comme source d'énerg ie pour lechauffage, et les moyens de transport , mais aussid'i nnombrab les activités comme par exempl el'utilisation de pesticides dans l'agriculture. Dansces cas, la réduct ion de l'émission de toxiquesdans l'atmosphère exige la mise en place demesures réglementaires : choix de sources d'é­nergie moins polluantes, réglage des appa reilsde chauffage, cont rôle des véhicules automo­biles, réglementation de la circulation, recherchede techno log ies de réduct ion des émissio nstoxiques de tous ordres.

L'objectif n'est pas de supprimer toute pollu­tion, ce qui est évidemment impossible, mais deréduire dans la mesure du possible l'émission detoxiques dans l'ai r exté rieur par des mesureséconom iquement acceptables , jusqu 'à atteindredes niveaux de concentration des différents pol­luants, considérés comme sans risque notabl epour l'ensemble de la population. Ce seuil de pro­tect ion de la santé , au-dessous duquel tou temanifestation pathologique attribuable à la pollu­tion de l'air disparaîtrait, peut paraît re irréaliste,les enquêtes épidémiologiques menées sur delarges populations suivies pendant des périodesprolongées (dites d'écologie temporelle) n'ayantjusqu 'ici pas permis d'établi r un seuil de risquenul.

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Mais en attendant les résultats , sans douteutopiques de cette politique à échéance lointaine,la protection des populations fragiles (C. VOISIN,1997) exige des dispositions immédiates vis-à-visdes inévitables épisodes de pollution favoriséspar certaines cond itions météorologiques quenous ne maîtr isons pas : épisodes d'invers ionthermique favorisant la stagnation des aéroconta­minants dans les villes, périodes d'ensoleillementintense et prolongé responsable de pollution pho­tochimique oxydante.

La détermination de valeurs limi tes et deseuils d'alerte, prévus dans le cadre de la loi surl'air, répond à cette préoccupation, en assurant àla fois l'information du public qui doit être avertides dangers qui menacent les suje ts les plussensibles, et éventuellement la prise de mesuresautoritaires de réduction du trafic automobile etdes activités industrielles polluantes. Encore faut­il dispose r d'info rmations métro logiques conti­nues et fiables , aujourd 'hui limitées aux quatrepolluants de référence signalés plus haut, maisque la Commission des Communautéseuropéennes envisage d'étendre dans un avenirproche , à d'autres aérocontaminants (4). La« précaution ", c'est aussi prévoir l'installation etle fonct ionnement des réseaux de surveillanceperformants, couvrant les substances dange­reuses, et adaptés aux problèmes spécifiques quipou rra ient conce rner certa ine s popu lationsexposées à des risques particuliers.

Enfin, nous ne saurions oublier que la pollu­tion de l'air est évolutive, que ses caractéristiquessont susceptibles de varier dans le temps, avecles activités industrielles et les modes de vie etque la plus grande vigilance s'impose vis-à-vis del'introduction dans notre environnement de nou-

(4) Conseil de l'Union Européenne : Directive 96/62concernant l'évaluation et la gestion de la qualité del'air, Journal Officiel des Communautés européen­nes, 296/55, 2 1.11.96.

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velles substances susceptibles de nuire, à courtou long terme, à la santé humaine. Il est néces­saire que les moyens indispensables pour assu­rer cette veille soient mis à la disposition de toxi­cologues et des hygiénistes.

Conclusion

La précaution, en matière de risque sanitairelié à la pollution de l'air, repose sur une série demesures qui visent à éviter, dans toute la mesuredu possible , le déversement dans l'atmosphèrede substances à noc ivité potentielle pour lasanté. La loi sur l'air et l'utilisation rationnelle del'énergie comporte une série d'initiatives qui vonten ce sens.

Cette politique, et les dispositions qu'elle pré­voit engage non seulement la responsabilité desauto rités administratives et politiques chargée sde les appliquer, mais aussi celle de l'ensembledes acteurs impliqués dans ce difficile problème,c'est-à-dire nous tous , qui contribuons à titredivers, à dégrader la qualité de l'air de nos villes.

Bibliographie

QUENEL P., ZMIROU D, LE TESTRE A. et coll., 1995,7. « Impact de la pollution atmosphérique urbaine detype acido -particulaire sur la mortal ité quotidienne àLyon et dans l'agg lom érati on pari sienne " , Santépublique, 363-376.

TAYLOR T.B., HUMPSTONE C.C., 1973. The restora­tion of the Farth, Harper and Row, New York.

DUBOS R., PERKINS J., 1973. Lecture : Health andEnvironment, Am. Rev. Resp. Dis. 108 ,761 -766 .

VOIS IN C, 1997. Populations sens ible s et pollutionatmosphérique urbaine. Elaboration d'une politiqu e deprotection. Bull. Acad. Nat. Méd., 181 , 499-523.

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