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Préfaces***

Après le succès de la précédente édition, la belle aventure de l’écriture collective d’une nouvelle policière par des lycéens se poursuit.

L’exercice subi par certains, mais largement consenti pour les autres a donné lieu à un formidable élan créatif : affiches, théâtralisation des nouvelles, film.

L’enthousiasme a été partagé par des élèves séduits, des enseignants engagés, des policiers motivés.

Les lycéens en ont tiré divers enseignements : le travail collectif est enrichissant mais complexe, mener un projet à son terme est déjà une réussite et tout travail achevé peut être source de fierté.

A la lecture de la dernière page d’un livre passionnant, nous avons tous pu souhaiter un second tome, voire un troisième…

Tous, élèves, enseignants, policiers n’êtes plus «en quête de nouvelles policières», vous les portez déjà en vous !

Alors en avant !

Et plongez dans l’univers policier dont «l’ordinaire est l’extraordinaire des autres».

Béatrice LAGARDE, Préfète déléguée pour la Défense et la Sécurité

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Mettre les élèves en création est un des axes fondamentaux des Parcours académiques d’Éducation artistique et culturelle que nous proposons à la DAAC du rectorat de Bordeaux.

Le dispositif «En Quête de Nouvelles Policières» s’inscrit totalement dans cette démarche de création. Mieux  : il l’amplifie, l’enrichit et en fait bouger les frontières. Grâce au partenariat exemplaire sur lequel il repose, nos lycéens prennent la plume et se font écrivains. Et la nouvelle qu’ils créent est le résultat d’une écriture à plusieurs mains, donc d’une vraie rencontre avec l’Autre, et d’une démarche inventive qui fait bouger les lignes parfois un peu conventionnelles de l’exercice scolaire. Un souffle revigorant entre soudain dans les classes…

En effet, grâce au partenariat avec la Préfecture de la Gironde, avec la Police nationale et la Gendarmerie nationale, cette action d’Éducation artistique et culturelle se double d’une approche citoyenne. A travers des rencontres plurielles, les élèves sont amenés à échanger avec des policiers et des gendarmes afin de mieux appréhender leurs réalités et leurs missions. Les a priori, les craintes, les représentations toutes faites s’évanouissent et font place à une image plus juste, plus vraie, plus authentique. La découverte mutuelle favorise chez eux de nouvelles perceptions et une meilleure compréhension des champs d’action des uns et des autres.

Les élèves sont aussi guidés dans leur écriture par des enquêteurs qui sont par ailleurs des écrivains publiés de littérature policière. Le réalisme policier et la qualité de leur écriture en sont plus pertinents et gagnent en force. Et chacun voit alors combien la réussite se multiplie lorsqu’on la partage.

Étendu cette année scolaire 2015-2016 à tout le département de la Gironde, le dispositif «En quête de nouvelles policières» a concerné size classes qui se sont prêtées à l’exercice sous le thème «Autour de l’art». Très inspirés, les élèves nous entraînent dans des aventures qui prennent place dans des musées ou des théâtres, ont à voir avec le «street art», la danse ou l’art culinaire... Et il est passionnant de constater à leur lecture combien les lycéens, parfois très éloignés de l’univers de l’écriture, découvrent en eux, grâce à cet accompagnement multiple, la capacité de produire des nouvelles à la narration haletante.

Ce dispositif doit encore s’élargir et s’ouvrir à d’autres établissements car tous les acteurs ici impliqués ont en partage les mots de Nelson Mandela  : «L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde».

Catherine DARROUZETInspectrice d’académie - inspectrice pédagogique régionale de lettres

Déléguée académique aux arts et à la culture,Académie de Bordeaux

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Remerciements

UN GRAND MERCI à tous ceux qui nous ont accompagnés dans cette belle aventure de l’écriture policière, en particulier :

À Ludovic ARMOËT, délégué du Préfet : pour la belle idée et le portage de l’action,

À Sandrine URVOY, médiatrice sociale, agent de liaison population/police à l’association ALIFS,

AUX MARRAINES ET PARRAINS DE L’ACTION :

Danielle THIÉRY, commissaire divisionnaire honoraire, auteur de polars, Lauréate du prix Quai des Orfèvres.Marie-Madeleine ALLIOT, procureur de la République du TGI de Bordeaux.Denis MOLLAT, directeur général de la librairie Mollat à Bordeaux.Sébastien JALLET, commissaire général délégué et directeur de la Ville et de la Cohésion urbaine du CGET.

À NOS PROFESSEURS,

AUX POLICIERS de la Direction Départementale de la Sécurité Publique de la Gironde,

AUX GENDARMES du Groupement de Gendarmerie Départementale de la Gironde.

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Résultats concours

Prix de la meilleure Nouvelle Policière

Serial graffeur - Lycée la Morlette - Cenon - 2nde ASSP

L’homme transparent - Lycée Jacques Brel - Lormont - 1ère SEN

L’eau écarlate - Lycée des Graves-Gradignan - 2nde4,5,13 LS

Le rictus-Lycée Sud Médoc La Boétie - Taillan Médoc - 2nde 511

Quand la mort danse - Lycée Vaclav Havel-Bègles - 2nde5

Prix de la meilleure Présence Numérique

Lycée Elie Faure - Lormont - 2nde13

Prix de la meilleure Première de Couverture

Lycée de l’Estuaire - Blaye - 1 CAP APR

Plus d’infos sur :http://www.pearltrees.com/enquetenouvellespolicieres

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Sommaire

Nouvelles ............................................................................................................................................ 13

Serial graffeur .......................................................................................................................... 13

L’homme transparent .................................................................................................. 23

L’eau écarlate ........................................................................................................................... 31

Le rictus .......................................................................................................................................... 41

Quand la mort danse ................................................................................................... 55

Découpe, des coups, des clins d’oeil ...................................................... 69

Le crime au tableau ........................................................................................................ 79

Sanglante peinture ........................................................................................................... 87

Une plume en suspens ............................................................................................... 95

Coup de théâtre .................................................................................................................. 103

Dernier instant... ............................................................................................................... 111

Flashées ........................................................................................................................................... 123

Je n’avais que deux solutions ............................................................................. 131

L’art de tuer ............................................................................................................................... 141

L’autre voleur .......................................................................................................................... 149

1 + 2 = 3 Enquête préliminaire ..................................................................... 159

Premières de couverture ................................................................................................ 171

Remerciements ........................................................................................................................... 179

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Serial graffeurLycée la Morlette - Cenon - 2nde ASSP

Jeudi 10 décembre 2015Extrait du journal SUD-OUEST. Rubrique : Faits Divers.

Mercredi 16 décembreChernet est en train de regarder le Real. Excellent, comme d’habitude…

Vers 22 h 00, la sonnerie de son téléphone de service retentit : «Qui voili-voilà l’inspecteur Gadget…» Il râle. Encore une blague merdique de ses collègues. En se jurant d’en changer, il décroche.

- Capitaine. Le cadavre d’un homme d’une quarantaine d’années a été découvert quai de Paludate, aux anciens abattoirs. Nous vous attendons…

- Bon, à tout de suite, dit-il tout en pensant que, pour une fois, ils

Hier, à 7h30, au niveau du quai Deschamps, rive droite, le corps d’une femme de 42 ans a été retrouvé pendu aux structures en acier de la très longue pergola du Parc aux Angéliques, à proximité des murs récemment graffés par de célèbres artistes du Street-Art bordelais.Une sœur très appréciéeLa victime se nommait Selma Lebel. Disparue une semaine plus tôt, Leila, sa sœur cadette, âgée de 23 ans, avait averti les services de police. Elle nous confiait ce matin : «J’ai appris la nouvelle par les policiers. Je me suis écroulée sur mon lit, mon corps tremblait. Selma, c’était une jeune

femme sans problème, appréciée de tous. Je ne comprends toujours pas pourquoi…»Une mise en scène morbideUn passant qui faisait son footing a fait la macabre découverte. Selon lui, la victime avait les yeux grands ouverts et le corps sans vie présentait des traces de coups. A l’aplomb de celui-ci, figurait un mystérieux cercle bleu signé SK.Encore sous le choc, le joggeur a conclu son témoignage par ces mots : «Le cou de cette belle brune aux yeux bleus était irréellement allongé comme… comme les portraits de Modigliani»

F.A-M

L’ASSASSIN ANGÉLIQUE

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auraient pu attendre la fin du match.Il enfile sa doudoune. Dix minutes lui suffisent pour arriver sur les lieux.

Yohan Chernet, en charge de l’enquête, est un homme de 27 ans, black, plutôt métis. Sa barbe bien taillée, ses yeux noisette et ses longs cils noirs, lui donnent un charme incontestable. Son regard perçant et profond brille comme une étincelle… C’est un expert au sein de la brigade criminelle de la D.R.P.J de Bordeaux. Il est du genre à ne pas lâcher l’affaire…

- Par ici, capitaine Chernet, lui lance un policier en uniforme.L’endroit est désert, sombre et effrayant : les murs délabrés, les fenêtres

cassées, le carrelage blanc devenu sale. L’odeur de sang qui règne encore dans ces lieux l’envahit. Le quartier est chaud. Point de rendez-vous pour les dealers, les toxicos, les barjots et les marginaux.

Le lieu est vaste, profond et plongé dans les ténèbres. Au cœur de celles-ci, Chernet découvre la scène de crime, rubalisée. Sur place, les scientifiques sont déjà en train de photographier l’environnement ainsi que le cadavre, sous tous les angles. Ils prélèvent dans des écouvillons les indices susceptibles de faire avancer l’enquête : terre, peinture, A.D.N., sang, sur le sol, sous les ongles… Tout y passe. La corde -avec le nœud- est mise sous scellé.

La scène est atroce… C’est un vrai carnage. N’importe qui - à moins d’y être habitué - se sentirait mal à l’aise face à ça ou, au pire, aurait envie de vomir ses tripes. On se croirait dans une boucherie : le corps est suspendu à l’envers, par les pieds, à un crochet, comme un animal, comme un porc, les yeux arrachés, enfoncés dans la bouche. La tête est gonflée ainsi que le ventre prêt à exploser. Des larmes de sang dégoulinent des orbites obscurcis. Au sol, sous le corps, on a peint un cercle rouge avec une bombe aérosol. Au centre, les mêmes initiales «S» et «K». Le même tag. Le serial-killer a signé son meurtre… comme un tableau.

Le corps détaché est déposé dans un sac mortuaire. Mais avant de le refermer et d’envoyer le tout à l’Institut médico-légal du C.H.U. pour être autopsié, les policiers fouillent le cadavre et sortent un portefeuille de la poche droite de son blouson en cuir.

- La victime s’appelle Pierre Drot. Né le 4 janvier 1972. Il habite au 62 rue Pierre Brossolette à Floirac. 80 euros en liquide. La photo d’une jolie blonde avec deux gosses, un garçon et une fille, qui doivent avoir entre 6 et 10 ans.

- Filez à cette adresse, ordonne le capitaine, et annoncez-leur la triste nouvelle. Pas de connerie. Allez-y en douceur. Ensuite, posez les questions d’usage.

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Chernet observe à nouveau la scène de crime. Il a le sentiment que le tueur ne va pas s’arrêter là.

Vendredi 18 décembreC’est la veille des vacances de Noël. Il est 20h20, la famille Belhassous

est en train de regarder tranquillement Scènes de Ménage. Soudain, leur feuilleton est interrompu. Un cadre rouge «ALERTE ENLEVEMENT» jaillit de l’écran. En fond sonore, une sirène qui fait froid dans le dos…

«Un enfant a été enlevé. Ceci est une alerte du Ministère de la Justice. Nicolas, 7 ans, cheveux courts, brun, yeux marron, 1m30, a disparu le 18/12/2015 à 16h30 à Bordeaux au niveau du Jardin Botanique. Il porte un pull violet, un jean bleu, des baskets blanches. Il a avec lui un dinosaure en peluche vert. Si vous localisez l’enfant, n’intervenez pas vous-même, appelez immédiatement le 0800363268 ou les forces de l’ordre au 17 ou le 112.»

Samedi 19 décembreCe matin, le journal Sud-Ouest titre :

Le petit Nicolas, âgé de 7 ans, a disparu hier aux alentours de 16h30 au niveau du Jardin Botanique, à Bordeaux Bastide.Mme Martin, après avoir récupéré son fils à l’école Nuyens, décide de l’emmener faire du vélo. Rue Jean Giono, à l’entrée du parc végétalisé, non loin de la «Galerie des milieux», elle rencontre une de ses connaissances, Madame Chaouchi, et commence à parler avec elle des crimes qui ont récemment fait la Une de tous les médias. Ces deux dernières sont absorbées par leur conversation. Pendant ce temps, Nicolas s’éloigne. Quand sa mère se rend compte qu’il n’est plus là,

elle panique. Elle cherche, crie: «Nicolas !» mais ne le trouve pas.Anéantie, elle nous a fait part de son ressenti : « TOUT EST DE MA FAUTE ! ». Après avoir signalé sa disparition à la police, l’alerte a été lancée à la radio, la télévision, sur les réseaux sociaux et dans la presse écrite.L’enquête de voisinage réalisée dans le quartier où l’enfant a été aperçu pour la dernière fois, n’a pas abouti. La Brigade canine a été chargée de passer au peigne fin le secteur concerné. Malheureusement, les orages ont brouillé les pistes. Les recherches ont été vaines.

D.S.F.M

UNE SECONDE, UNE DISPARITION

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Dimanche 20 décembreUn homme, un mètre soixante-dix environ, peau blanche, tout de

noir vêtu, est là, devant un mur blanc, dans la nuit, seul. Sweat sombre à capuche, visage caché par un foulard, regard dur. Silhouette de petit délinquant. Il ne veut vraiment pas se faire remarquer…

Posture de colère. Il sort de son sac une bombe de peinture et commence son graff. Il est très rapide. Il fait des gestes de va et vient. Le graffeur s’exprime avec technique, minutie et talent. Il est inspiré. Dans sa création, il y a des détails grandioses. Parfois accroupi, parfois sur la pointe des pieds, en extension, ses gestes sont très précis et appliqués.

Il se retourne régulièrement pour voir si personne n’est dans les alentours. Il semble inquiet.

En quelques heures, il termine le portrait. C’est le visage d’un enfant aux cheveux bruns, courts et aux yeux marron. Son regard montre de la peur, fuit un monstre imaginaire. Ses mains sont levées au niveau de sa tête comme pour se protéger. Il a la bouche ouverte. On a l’impression qu’il appelle ses parents. Mais ils ne répondent pas…

L’émotion est là. C’est exceptionnel, presque irréel et pourtant si vrai. L’homme est un artiste. Son graff est un chef-d’œuvre.

Lundi 21 DécembreL’agent d’entretien se lève à 4h30 comme tous les matins. Son job ?

Effacer chaque jour des dizaines de graffs.Cette nuit, son sommeil a été quasi inexistant. Le visage de ce jeune

Nicolas était bien trop présent.6h00. Le temps est venu de mettre ses chaussures de sécurité et

d’enfiler son manteau jaune à bandes grises réfléchissantes. Encore un matin de plus à récurer les murs de ces vulgaires peintures. Savent-ils que derrière chaque mur, un homme réitère la même tâche tous les jours pour garder une vue claire sur sa ville ? S’il en attrape un…

Son dos courbé s’explique par le poids du karcher qui l’a presque rendu bossu. Ses mains sont amochées, l’arthrose paraît-il… Son visage cerné est fatigué, usé par un travail, pénible, répétitif, ingrat et mal payé. A chaque fin de mois, il doit se serrer la ceinture. Il aimerait tant qu’on respecte ce qu’il fait. Casser la routine.

Pour commencer sa ronde, il se rend à l’adresse que son supérieur lui a indiquée. A l’arrêt, dans sa camionnette électrique, il regarde autour de lui et réalise que la tâche sera plus longue que prévue. Le graff signalé n’a pas été décrit de la sorte, non, il est au moins trois fois plus étendu !

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Tout d’abord, il quitte son véhicule, prend son matériel et se rend au pied du mur. On croirait une photographie, peut-être même un panneau publicitaire. Le visage représenté a une expression malicieuse. C’est vraiment intrigant. Puis, il observe plus précisément les détails du portrait géant… Quand, tout à coup, le choc ! Il se rend compte que ce visage est celui du petit Nicolas disparu la veille ! Il s’empresse de composer le 17 sur son téléphone mobile et alerte la police. On le redirige sur la ligne directe de l’enquêteur en charge de l’affaire.

Onze minutes plus tard, une équipe de la police scientifique, suivie du capitaine Chernet arrive sur les lieux et interroge l’agent d’entretien. Il est au cœur d’un événement majeur. On le questionne mais il ne comprend pas tout ce qui lui est demandé…

Les scientifiques inspectent cette nouvelle scène de «crime», prennent quelques photos et procèdent à une détection avec la lampe bleue pour relever d’éventuelles traces de sang. De ce côté-là, ils ne découvrent rien. Pas de mégot de cigarette, ni de trace de pas visible sur le sol non plus. Ils repèrent juste une signature, en bas, à droite : Skynab.

- Encore une disparition. Encore un graff. Et puis cette fichue signature, commente le capitaine avant d’ajouter… et sûrement un autre meurtre, comme pour Selma Lebel et Pierre Drot.

Chernet ne peut s’empêcher de faire le rapprochement. Une femme, un homme. Maintenant un enfant. Une famille en somme.

A présent, le lien entre les meurtres du serial-killer et le kidnapping du petit Nicolas est établi. Mais si Selma et Pierre ont été assassinés au bout d’une semaine, il ne reste que six jours avant le prochain meurtre.

Quel rapport ce Skynab a-t-il avec l’enlèvement de Nicolas Martin ? A-t-on affaire au tueur ? Un serial-killer…graffeur à ses heures ?

La piste est approfondie. Un casier judiciaire concernant le dénommé Skynab ? Rien, nada.

Alors, on passe la journée à côtoyer toutes les figures locales de l’art urbain : Gaspar, Odeg et Rooble des Frères Coulures, les membres du collectif Full Color, Peinture Fraîche… Petite récolte et grand mystère. «On le connait sans savoir qui sait. On l’a jamais vu ce mec. En fait, Skynab, c’est un peu le nouveau Banksy*…». «Il maitrise toutes les techniques, même le pochoir. C’est un expert, un dieu du graff». «Il a fait toute la nezo son atelier. Tous les murs qui tombent sous sa bombe, il en fait son bail, solo. C’est le loup du ghetto. »

L’enquête piétine.

* Banksy est le pseudonyme d’un artiste connu pour son art urbain qui dissimule sa véritable identité.

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Nuit du mercredi 23 au jeudi 24 Décembre, 03h37Les agents Jul et Alonzo, des policiers de la B.A.C. missionnés par

la Brigade Criminelle, ont reçu l’ordre de surveiller la zone, à l’angle de la rue Hortense et de la rue Rotonde. Depuis trois jours, ils sont en planque. Ce soir, dans une Clio noire, à 25 mètres du mur où a été graffé le portrait de l’enfant, ils attendent. Le chef leur a demandé de chopper le suspect. Comme le dit Chernet, «le graffeur est un criminel contemplatif, le seul qui revient sur les lieux de son crime…»

La nuit est tombée depuis longtemps. Ils sont fatigués, boivent du café pour se réveiller, changent de place, prennent l’air. Ils ont froid, sont épuisés et finalement s’endorment.

A ce moment précis, le graffeur arrive, secoue la bombe qui fait un léger bruit et, en quelques secondes, grâce à un pochoir, le graff est fait.

- Putain ! Alonzo, réveille-toi, il est là !Ils sortent de la voiture en vitesse mais Skynab est déjà parti en

direction de l’ancienne voie ferrée.- Fait chier ! Il s’est barré ! Râle Jul.La silhouette noire s’est fondue dans l’obscurité et a disparu dans

ce lieu sombre et abandonné.Les policiers reviennent vers le graff. Alonzo trébuche.- Et merde ! s’écrie Alonzo qui aperçoit une bombe aérosol par

terre.Arrivés devant le mur, ils découvrent le dessin d’une montre.-C’est quoi ce délire ? ! crie Jul. Ce n’était pas là hier !

04h01Chernet est là et leur lance d’un air méprisant :- Jul, Alonzo, vous êtes vraiment cons ! Vous servez à quoi ?- Chef, attendez, vous énervez pas. On a retrouvé cette bombe

aérosol. Regardez !Jul tend la pochette plastique dans laquelle se trouve l’indice.- Qu’est-ce que vous attendez ?! Bougez votre cul bande de crétins

et apportez-la au labo, dit Chernet en leur hurlant dessus.

Une fois seul, il va voir la montre de plus près. Chernet s’interroge. «Pourquoi prend-il des risques juste pour dessiner ça sur le portrait de l’enfant ?... Il aurait affaire à un pervers qui joue avec ses nerfs ou quoi ?… Bien sûr, il sait que plus les jours passent, moins ils ont de chances de retrouver le gamin vivant…

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- Le temps lui est compté, dit-il à voix haute. Maintenant, c’est une question d’heures…

***Les traces papillaires prélevées sont comparées avec celles qui sont

enregistrées dans le fichier informatisé d’empreintes digitales. Mais il y a une complication… Chernet s’impatiente.

- Mais qu’est-ce que vous attendez, bordel. Montrez-moi les résultats !! lance-t-il en s’approchant de l’ordinateur.

Il jette un rapide coup d’œil aux dossiers qui défilent sous ses yeux.- Voyons voir… Je crois qu’on a quelque chose de sérieux ! Celui-

là… Onze points de concordance avec celles d’un certain… Hajar Reis, arrêté pour agressions, vol à main armée et séquestration… A 20 ans, il avait déjà fait deux ans de taule avant de s’évader en mars 2008. Depuis, on l’a plus revu.

- Son père, qui était boucher, a tué sa mère - une femme battue - puis s’est suicidé par pendaison, lit Jul.

- Oh putain ! Ça y est, on le tient, s’exclame Alonzo.- C’est Hajar qui a retrouvé les corps sans vie de ses parents un…

25 décembre 1995. C’était un gamin de 7 ans…- Comme par hasard ! Même âge que Nicolas Martin et même jour,

à une semaine près. C’est pas une coïncidence !- En état de choc, poursuit Jul, il a disjoncté. Direction Charles

Perrens. Il est sorti d’hôpital psychiatrique à… 17 ans puis est tombé dans la délinquance.

- Oh, regardez ! Il a un frère, Nabyle, qui a été placé dans une famille d’accueil puis adopté. C’est pour ça qu’il a un autre nom de famille… Lejeune. Ils ont la même tête en plus…

- Normal, c’est des jumeaux. T’es vraiment con, toi !- … ce qui explique la grande similitude entre les empreintes,

ajoute Chernet.- Attendez. Y’a pas un truc avec le blaze du graffeur… Sky…

Nab… : on a les initiales S.K. et le diminutif de Nabyle, Nab…- Une adresse ?- Non, rien à part celle de la maison de leur enfance, abandonnée,

au… 30 rue Jean Dolfus !- Mais… c’est derrière cette baraque que se trouve le graff du

gamin !- OK. Allez vérifier, conclut Chernet. On sait jamais…

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Six jours plus tôt… Il est midi. Je les vois tous se ruer vers la grille de l’école et crier le

nom de leurs parents. Ces cris de joie me rappellent des souvenirs… mais les miens sont sombres. Je les observe à nouveau. Ces hurlements, cette agitation, tout est propice pour dissimuler mon intention. Je suis décidé. C’est aujourd’hui. Je vais prendre ce que l’on m’a pris : ma liberté, mon enfance.

A ma grande surprise, je passe inaperçu dans la foule des parents. J’aperçois une tête brune. C’est lui. Pas un autre. Ce visage innocent…. Il lui ressemble… me donne envie de lui faire mal, de le frapper, de le détruire. Penser à son malheur me fait frissonner, jubiler. Je veux le voir pleurer comme moi j’ai pleuré. Je veux le voir se vider de son bonheur. C’est mon seul plaisir. Jouir de sa souffrance.

Je suis le petit et sa mère qui se dirigent vers le Jardin Botanique. Elle rencontre une autre maman et se met à discuter avec elle.

Quand j’étais gosse, ça n’avait rien à voir avec ce jardin à la con. C’étaient des friches industrielles. Je n’ai pas choisi ce lieu par hasard. C’est ici que mon ordure de père m’emmenait… Ces longs moments, passés seul avec lui, les pires de mes souvenirs, sont ancrés dans ma mémoire et me hantent.

Le garçon s’éloigne en direction du bassin d’eau si paisible. Il commence à jouer. Il est seul. Cet endroit est sûrement le plus caché du jardin. C’est le bon moment. Grâce à mes observations précédentes, je sais qu’il adore imaginer et construire des refuges dans les arbres. C’est ainsi que j’appâte ma jeune victime. Ne pas adresser la parole à des inconnus et ne pas accepter de bonbons, ça, ils savent… mais quand je commence à lui parler d’une cabane que j’ai soi-disant bâtie un peu plus loin… BINGO !

Le gamin me suit. On s’éloigne. Il me questionne, plusieurs fois, sans que je lui réponde. Aucun mot ne sort de ma bouche. Sa mère va bientôt se rendre compte de sa disparition. Elle jetait un œil sur lui approximativement toutes les trois minutes quarante-cinq. Il faut que je fasse vite. Le gosse ne va pas voir cette fichue cabane. Il sait que quelque chose d’anormal va avoir lieu. Je ne peux plus reculer. Il veut crier, je l’en empêche en mettant ma main sur sa bouche… J’ai prévu un mouchoir imbibé d’éther. Le pharmacien a gobé mon histoire de tiques à anesthésier pour mon pauvre chien qui souffre. S’il savait…

Il s’endort instantanément. Je le prends dans mes bras. On dirait un père qui porte son fils épuisé, «mort» de fatigue.

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Il pleut des cordes. Tant mieux. Le temps est de mon côté. Pour l’instant, tout se passe à merveille.

Jeudi 24 Décembre, 8h36Depuis vendredi dernier, je drogue régulièrement le gamin pour

qu’il ferme sa gueule. Il est en train de se réveiller. C’est le bon jour pour tuer. Je fais mon deuil à ma manière.

Je le regarde. Ses yeux se remplissent de larmes. Je sais qu’il n’y est pour rien… Mais moi, je n’avais rien demandé non plus ! Je pointe mon arme sur lui. Il pleure. Je regarde une dernière fois l’enfant.

Je ne suis pas l’ombre de l’autre. Il a tout eu, tout réussi, LUI.Et lui aussi m’a abandonné…Je veux couper, briser, ne plus sentir ce foutu lien…Mes démons me disent de tirer.«Tuer me rend plus fort. Tuer me rend plus fort. Tuer me rend plus

fort…»Brusquement, on défonce la porte. Je n’ai pas le temps de presser

mon index sur la détente… Une balle en pleine tête, et plus rien.

Vendredi 25 DécembreTout d’abord, il y a eu les articles de journaux. Puis, le portrait

de cet enfant. Et là, je me suis vu, je me suis reconnu. C’était LUI. Je n’avais plus aucun doute. Mon frère… Et dire que j’avais le même sang que lui.

Déjà, tout petit, il torturait les animaux. Il se défoulait sur eux comme… Pourquoi se libérait-il ainsi de sa colère ?

Et puis il y a eu la mort de nos parents… Moi, je m’en suis sorti en graffant. Mais lui…

Je savais où le trouver… J’y suis donc retourné, à l’instinct. Je n’ai pas eu besoin d’entrer. J’ai entendu des voix, des sanglots, à peine audibles. C’est clair, je devais agir vite. Maintenant, chaque minute comptait… Devais-je alerter la police ? Serais-je un traître ? Non, je ne le pouvais pas. Pourtant, tout était définitivement terminé entre lui et moi. Il fallait que ça cesse.

J’allais lui faire payer ses crimes, à ma manière. Maintenant que c’est fini, je vais partir loin, très loin, loin d’ici,

loin de mes souvenirs… where the sky is blue.Oui, le ciel sera bleu, ailleurs.

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Samedi 26 Décembre 2016.

Hier, grâce à l’aide d’un mystérieux graffeur, la police a retrouvé, sain et sauf, l’enfant porté disparu depuis vendredi dernier. Le kidnappeur, soupçonné également de deux autres homicides, a été tué durant l’assaut... C’est la fin du parcours criminel de celui qu’on aura surnommé, à tort, le Serial Graffeur.

UN ENFANT POUR NOËL !

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L’homme transparentLycée Jacques Brel - Lormont - 1ère SEN

Les voilà enfin ! Après quelques heures d’attente, je vois arriver les deux raclures. En un échange de main, l’affaire est pliée. La blanche a changé de propriétaire. Une fois de plus, elle est venue chercher sa consommation personnelle. À la lumière de l’habitacle, je reconnais les signes de fuite, les scarifications artistiques de ses bras. Je peux distinguer les cicatrices pourpres et les profondes traces de piqure le long de son bras gauche.

Elle tremble, fébrile en se mordant les lèvres comme si le froid la saisissait.

Le vent nocturne me glace la nuque, les feuilles mortes bruissent sous chacun de mes pas. En ce début septembre, les nuages de pluie cachent la lumière lunaire. Dans le silence de la ville, je n’entends que mon souffle. Je m’avance de manière furtive pour accomplir ma tâche. En deux coups secs de seringue, les deux toxicos sont mis hors-jeu sans avoir pu réagir à mon attaque. Ils deviennent pâles, les muscles se pétrifient, les yeux se dilatent, les cœurs cessent de battre. Je pousse alors le dealer sur le siège passager, quant à elle, son corps est déjà avachi sur le sol arrière de l’Audi aux vitres teintées. Je prends le volant et je fonce à travers la ville. En pensant à ce que je vais réaliser avec ces deux corps, un petit sourire déforme mon visage.

Pour une fois, décembre promet d’être intéressant. En cette journée froide et blanche s’attendent-ils à une une telle surprise pour célébrer le marché de Noël ? Des badauds sont derrière les barrières de sécurité installées par la police, différentes expressions animent les visages présents. Sur certains, on peut lire la surprise, la peur, le dégoût… l’admiration ? Non ils ne comprennent pas… Les commentaires fusent déjà mais qu’importe ! Mon chef d’œuvre est enfin vu !

Le commandant Jacques Bornache est sorti de sa voiture, a passé le périmètre de sécurité et le fameux ruban jaune et noir qui forme comme une sinistre prison autour de la scène de crime. Il a enfilé une combinaison blanche et s’avance vers les pompiers, premiers arrivés sur les lieux. Il salue le substitut du procureur, une femme à l’air hautain,

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qui observe la scène en jugeant chaque action du médecin légiste que Bornache vient de rejoindre.

C’est un homme de taille moyenne habillé lui aussi d’une combinaison blanche qui recouvre l’intégralité de son corps. Son visage, seul élément encore visible est aussi blanc que sa tenue mais bien vite, il remonte sur sa bouche et son nez un masque et le commandant l’imite. Ils se regardent sans qu’aucun d’eux ne parlent. Et puis le légiste s’écrie : “Ils sont comme plastifiés !” Deux de ses collègues en tenue blanche et gants de latex s’approchent à leur tour. “Comment a-t-on pu exécuter une telle chose ?” s’étonne l’un d’eux. Les deux corps sont secs, dépecés, leurs veines encore apparentes. La femme est allongée sur le dos, bras le long du corps, les jambes tendues, l’homme près d’elle lui fait un massage cardiaque. Ils sont tels deux statues de chair. Les muscles momifiés se dessinent sous des lamelles de peau restante qui semblent faire un léger voile comme une mandarine que l’on aurait pelée avec soin. Les lambeaux de chair encore collés sont d’un rouge vif étonnant, presque beau.

Lassé de ce théâtre macabre, écœuré par la scène, le commandant Bornache mobilise son équipe. Il inspecte les environs pour trouver des indices, des témoins qui pourraient faire avancer l’enquête mais la scène est trop propre pas même une goutte de sang. Bornache comprend enfin qu’il s’agit d’une scène secondaire, que tout a été fait ailleurs. La nuit tombe, le matériel est remballé, les badauds dispersés, les corps transportés à l’institut médico-légal.

Ce matin, je m’empresse de m’habiller et d’aller chercher au tabac du coin le journal local. Je suis heureux, ce que j’ai fait est enfin mis en avant.

Le journal titre : “L’horreur dans toute sa splendeur”. Puis, l’article indique que “deux corps ont été retrouvés près du marché de Noël à Bordeaux” que du bla-bla inintéressant. Le journaliste écrit que le tueur a plagié le célèbre Gunther Von Hagen en utilisant la technique de la plastination. L’article commence à me plaire. Il est dit que : “Gunther Von Hagens est né le 10 janvier 1945 en Allemagne de l’Est, qu’il a commencé ses études de médecine en 1965 avant d’inventer la plastination, technique qui consiste à retirer l’eau et les graisses des cadavres humains et à les remplacer par du caoutchouc, du silicone, de la résine. Les muscles et les organes restent ainsi souples et inodores.”

Je relis l’article plusieurs fois et je souris toujours. J’ai enfin réussi après tant de temps. Mon talent est reconnu.

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Mon œuvre telle celle du Maître est parfaite. J’ai fait une œuvre d’art à partir de deux corps inutiles destinés à la pourriture. J’ai rendu l’opacité apparente, plus que l’illusion de la vie, ils sont la vie !

Quelques lignes plus loin, le journaliste évoque les buts du Maître. Il a cherché écrit-il à mettre les corps humains en transparence d’une façon qui se voulait esthétique. Je me souviens de l’exposition de Bruxelles en 1997, “Körperwelten”. J’ai eu des frissons devant une telle réussite. Ça été comme un déclic, un coup de foudre ! Depuis, Von Hagens ne m’a jamais quitté. Il vit en moi, son esprit est en moi. Son art demeure en moi. Je suis son héritier, son dépositaire, son réceptacle, son hôte !

Mais, la plastination n’a pas convaincu tout le monde. C’est ce que rappelle le journaliste en évoquant les polémiques suscitées lors de l’exposition. Les ignorants ont osé critiquer le Maître, les incultes n’ont jamais rien compris à l’art. Ils n’ont jamais eu la moindre sensibilité, la moindre perception artistique. Non, aucune ! En rentrant en France, j’ai fait des investigations sur son travail, j’ai appris la plastination et les trois derniers mois passés à reproduire une œuvre d’Hagen n’ont été que bonheur, passion et dévouement intense. Ils ont permis au Maître de continuer à vivre et à moi d’exister !

Le journaliste clôt son article en précisant que l’enquête a été confiée au commissaire Bornache. Je me mets à rigoler en pensant à cette enflure. Cet incapable n’est pas près de m’arrêter. Je découpe le journal avec ma paire de ciseaux. Je descends dans ma cave. Elle est éclairée par une puissante ligne de néons et un système de climatisation permet de conserver les corps comme ceux sur lesquels j’ai déjà travaillés et ceux à venir.

Sur un coin de son bureau entre une tasse de café froid et un reste de beignet, le journal du jour déjà froissé, semble traîner. Le commissaire Bornache énervé par la réactivité des journalistes s’empresse de téléphoner au légiste pour vérifier l’authenticité des informations divulguées par la presse. Après quelques tonalités dans le vide qui semblent pour Bornache interminables et sans fin, le légiste finit par décrocher.

- Bureau du légiste, docteur Gilles à l’appareil.- Bonjour docteur, c’est Bornache. J’ai besoin d’informations et de

détails sur les deux corps retrouvés hier. Dis-moi si ce que le canard local raconte, est fondé.

A l’autre bout du fil, le docteur Gilles précise que les corps ont bien été plastinés d’une manière chirurgicale.

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- Le tueur a-t-il des connaissances médicales ? demande le commissaire.

- Sans aucun doute. Ils ont été tués par une injection de sarin, pas facile à se procurer, puis opérés. On travaille sur les empreintes dentaires de manière à établir leur identité. Je te tiens au courant dès que j’ai des nouvelles.

Après avoir fini de noter tout ce que le légiste a dit, Bornache jette un dernier regard au journal en s’enfonçant pensif dans son fauteuil.

Je me dirige vers les quais à bord de la berline allemande de Leblanc. Arrêté à un feu rouge, je regarde des couples déambuler. Peut-être mes futures cibles ? Que leur ferais-je ?

Le feu passe au vert, je me dirige vers les hangars abandonnés, toujours perdu dans mes pensées.

J’arrête la voiture et sors sans même la verrouiller. Je sais que l’enquête avance mais ils ne me mettront jamais la main dessus.

Quelques jours plus tard le rapport du docteur Gilles signale à Bornache que l’identité des deux corps est enfin établie. Il se rend seul, à pied à l’institut médico-légal. Il traverse tranquillement la place de la Victoire. Des décorations de Noël sont toujours accrochées aux lampadaires jetant des ombres chaudes et rassurantes sur les pavés mouillés. Des musiciens de rue jouent pour les rares passants qui ne leur prêtent pas attention. L’institut se situe dans un vieil immeuble derrière la faculté de pharmacie. Il y règne une atmosphère sordide et froide. Les plafonds font plus de trois mètres de haut et des piliers sont gravés de serpents entrelacés. Sur le sol en damier, les pas du commissaire Bornache résonnent. Une porte s’ouvre et le docteur Gilles apparaît. Les deux hommes se saluent et le médecin légiste explique que l’un des deux corps est celui de Lucas Leblanc, un étudiant en droit, connu par la brigade des stupéfiants comme un dealer notoire. Le second corps est celui d’une certaine Léa Martinez, fichée elle aussi, consommatrice fréquente, célibataire, sans enfant.

Quelques jours plus tard, Bornache et son équipe convoquent les familles des victimes, fouillent du côté des étudiants en médecine, interrogent même les médecins de famille des deux victimes mais rien n’aboutit. Le commissaire s’intéresse alors aux relations des deux victimes. Ca ne donne pas grand-chose du côté de Leblanc mais c’est différent du côté de Martinez.

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J’ai fini par recevoir une convocation du commissariat central de Castejat. Bornache me convoque. Je passe par l’accueil et décline mon identité. J’emprunte le vieil escalier grinçant afin de me rendre au premier étage où se trouve la brigade criminelle.

Le commissaire m’attend dans son bureau un café à la main, l’inspecteur Fouche est avec lui.

-Bonjour, asseyez-vous me dit le commissaire d’une voix forte.Je prends la chaise que me tend Fouche et m’y installe d’un air assuré.-Déclinez votre identité, m’ordonne soudain Bornache.-Berta Jean-Charles, technicien de scène de crime, né le 20 juillet 1962 à

Bordeaux et demeurant au 67 rue Jean-Jacques Brel.-Connaissez-vous une certaine Léa Martinez ? Me demande sans détour

Bornache.Intérieurement je jubile. Qu’est-ce que Bornache a contre moi ? Rien du

tout !L’inspecteur me fixe comme s’il cherchait à me percer à jour. Le pauvre !

Peine perdue !- Elle a été ma compagne pendant deux ans mais elle m’a quitté.- Pourquoi vous a-t ‘elle quitté ? demande Fouche.- Est-ce de votre faute ? Rajoute Bornache instamment.Il sourit en coin et son regard est accusateur.- Oui… Je ne lui payais plus ses doses et je ne lui prêtais plus attention.Le sourire de Bornache s’efface, s’attendait-il à ce que je mente ? La

confrontation ne tourne pas en sa faveur. Soudain, il sort de la salle. Quinze minutes plus tard, la porte s’ouvre, Bornache est de retour. Fouche n’a pas prononcé un mot.

Le commissaire jette devant moi un dossier qui s’ouvre et laisse paraître des preuves de mon voyage à Bruxelles. Il s’assied, me fait face. S’en suit un silence pesant que brise Fouche en me demandant ce que j’ai a dire sur les photographies.

- J’ai assisté à une exposition d’art.- Von Hagens ! Réplique vivement Bornache.Son intervention brutale me surprend. Il rajoute : « Que pensez-vous de

cet artiste ? Enfin, si on peut considérer Von Hagens comme un artiste, un fou plutôt qui découpe des corps et les expose comme un boucher dans sa boutique.»

-Je m’intéresse à l’art.-Vous osez appeler ça de l’art ?Je sens la colère monter en moi. Je serre les poings. Cherche-t-il à me

pousser à bout ?

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-La technique inventée par Von Hagens est unique et innovante. Je ne m’attends pas à ce que le commun des mortels reconnaisse une telle perfection. J’ai dû parler trop fort. Les deux policiers me fixent.

-Et cette Audi noire alors ? demande Fouche en posant sur la table une photographie du véhicule de Leblanc.

-Jamais vue mais conduire n’est pas un crime.Je reste impassible en prononçant ces mots car je sais que la voiture a

été retrouvée, fouillée, analysée. C’est Gilles qui s’en est occupé. Il n’a rien trouvé.

-C’est exact, Monsieur Berta conduire n’est pas un crime, répète Bornache. Vous pouvez rentrer chez vous mais il se peut que nous reprenions cette conversation. Sa voix ne trahit aucune émotion particulière. Je salue les deux hommes et sans m’attarder davantage, je sors. Dans l’escalier qui conduit à l’accueil, je repense à tout ce qui a été dit. Dois-je m’inquiéter ?

Une fois Berta sorti, le commissaire prend son téléphone. Il appelle Gilles. Contrairement à son habitude celui-ci décroche rapidement.

- Gilles, c’est Bornache. Dis-moi, que peux-tu me dire sur Jean-Charles Berta, c’est un technicien de scène de crime.

Bornache entend la respiration de Gilles à l’autre bout du fil.- Jean-Charles Berta ! S’étonne Gilles. Je ne le connais pas vraiment.

Cependant, il était au marché de noël, il travaillait sur la scène de crime.- Que peux-tu m’en dire ?- Eh bien, pas grand-chose. C’est un type sérieux, efficace.- Quoi d’autre ?- Je ne sais pas mais je dirais que c’est un type discret, oui, discret,

transparent même.- Je te remercie Gilles.- Tu t’intéresses à Berta ? s’inquiète le légiste.- Peut-être. À plus tard Gilles.

Le commissaire Bornache assis dans son vieux fauteuil de cuir, un café à la main, relit l’audition de Berta qui date de quelques jours. Des questions ne cessent de le tarauder et sans plus tarder, il décide de se rendre chez lui. Avant de quitter le commissariat central, il fait part de ses intentions à Fouche et lui demande de relire l’interrogatoire de celui qui apparaît comme le principal suspect.

Fouche se rend dans le bureau de Bornache où règne toujours un certain désordre. Il prend le dossier que Bornache a laissé sur son

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bureau. Alors qu’il s’apprête à sortir, il aperçoit sur une étagère l’arme de service du commissaire.

Bornache ne tarde pas à arriver au 67, rue Jean-Jacques Brel. Il gare sans difficulté sa voiture. A cette heure-ci, près de dix heures du matin, la rue est déserte. Il s’avance vers une échoppe aux murs noircis par les gaz des voitures. Il sonne et tout en attendant, il réfléchit à l’implication de Berta dans les meurtres. Tout semble concorder : Son admiration pour Hagens, ses connaissances médicales, ses liens avec Léa Martinez, la possibilité de faire disparaître le moindre indice. Perdu dans ses pensées, le commissaire n’a pas vu la porte s’ouvrir. Il lève les yeux et devant lui se tient Berta qui lui sourit en lui demandant la raison de sa visite.

- C’est au sujet de l’enquête, répond Bornache.Berta le fait rentrer et s’efface pour le laisser passer. Bornache

s’avance vers ce qui semble être un salon. Les meubles sont couverts de poussière, le papier peint est daté. Il règne comme une odeur fétide, la maison ne semble pas être très souvent aérée. Les rideaux sont tirés, la lumière pénètre à peine. Sur une table, près d’un canapé sans âge, Bornache remarque des bouteilles d’eau découpées et posées là.

- Il reste des points à éclaircir, Monsieur Berta mais j’ai pensé qu’on pouvait le faire ici plutôt qu’à Castejat.

Berta ne dit rien, il semble attendre les mains derrière le dos. Il s’est placé derrière le commissaire et avant même que celui-ci ne réagisse, il frappe violemment son crâne avec une lampe torche. Bornache titube et s’écroule. Berta le saisit avec force et le traîne par les pieds. La tête de Bornache heurte le carreau froid du couloir qui mène à la cave. Impuissant il ne peut que se laisser faire. Berta ouvre la porte, s’apprête à tirer le corps du commissaire jusqu’à son laboratoire. Ils ont déjà franchi la première marche mais dans la conscience brumeuse de Bornache le hurlement déchirant des sirènes de la police retentissent.

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L’eau écarlateLycée des Graves - Gradignan - 2nde 4,5,13 LS

«Le musée d’Aquitaine. Un bail que j’y étais pas venu. Remarque, c’est logique l’Histoire c’est pas mon truc. À quoi ça sert de se préoccuper des civilisations d’autrefois alors que le présent est déjà si compliqué. Tiens, les portes sont plus grandes que dans mon souvenir. A quoi ça sert ? On n’est pas si grands.

Ah ! Encore un crétin passionné d’Histoire qui ne sait pas garder la tête froide. Un corps embroché sur un trident ? Voyons voir ça, ça ne doit pas être si terrible. Alors…la bibliothèque. Pouah ! Ça sent le sang... écarlate ! Macao Macao ! Toudouloutoutou ! Lalala ! Ah le Grand orchestre du Splendid, ça c’était un vrai groupe ! Macao Macao  ! Hum pas très approprié. Gardons notre sérieux. Il y a un mort. C’est pire que ce que je pensais. Comment a-t-il pu atterrir sur cette statue ? C’est atroce, on a autant de sang que ça dans notre corps ? Oh l’odeur est insoutenable ! Non, ne montre pas que cela te dégoûte, tu es le commissaire Laroche de la police de Bordeaux tout de même, reprends-toi ! Sors ton carnet, fais la procédure habituelle et ne diverge pas de ce que tu as à faire.

Pfiou ! Pas terrible comme mort tout de même ! Il n’a vraiment pas eu de chance ce gars-là. Alors voyons les indices.»

Laroche se déplaça autour de la fontaine, perplexe. Celle-ci, tout en marbre blanc, arrivée depuis peu de Bologne en Italie, représentait le dieu grec Poséidon tenant fièrement son trident, en haut duquel était empalé le corps du malheureux. Le sang qui coulait toujours du macchabée se mélangeait à l’eau de la fontaine et se répandait dans la vasque. On eut dit les eaux du Nil changées en sang par Moïse dans l’Égypte antique. Le trident avait percé le corps par le bas du dos et ressortait par le ventre, laissant des bouts de chair sanguinolents à l’air libre. Les bras ballants écartés au-dessus de sa tête, le mort arborait une expression de stupeur sur un visage livide aux yeux révulsés. La scène, pensera bientôt le conservateur du musée, Monsieur de Pradel, imitait les gravures médiévales représentant le Supplice du Pal en Roumanie sous le règne de Vlad III dit L’Empaleur. Le corps semblait statufié.

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«Le gars a dû tomber de drôlement haut pour s’empaler ainsi ! Jusqu’à la hampe ! Un meurtre, c’est certain ! Je crois avoir entendu que c’était un gardien de nuit. Qui pourrait bien vouloir tuer un veilleur de nuit ? Hum…cela ne doit pas avoir de rapport avec sa profession. Moi, on pourrait me tuer pour mon métier. Ma position de commissaire est très convoitée et ce n’est que le meilleur qui est promu à ce poste, c’est à dire moi ! Bref, ne nous éloignons pas du sujet. Donc ! Il faudra interroger ses collègues, le directeur du musée et ses proches. Il faudra aussi attendre le rapport du légiste quand il recevra le corps. Le sang est encore frais donc la mort date de peu. Pfff ! Pas besoin du légiste pour savoir ça ! Bon, la provenance de la statue importe peu et le musée s’en chargera pour moi. Il faudra peut-être aller voir en haut s’il y a des traces de lutte ou un quelconque indice permettant de démasquer l’assassin et l’affaire sera bouclée en un rien de temps. Ce sera une nouvelle victoire pour le commissaire Laroche. Le grand commissaire Laroche !

Que veut-il encore celui-là ? Comment ? Un trésor gaulois aurait été dérobé ? Alors ce serait un voleur qui aurait agressé le malheureux pour pouvoir prendre le trésor. Hum ! Toute cette agitation me donne mal à la tête, j’aurais bien besoin d’un café ! Où est mon assistant ? Mouche ! 11h et Mouche est encore en retard ! Mais enfin qui m’a fichu un idiot pareil ? Jamais là quand on a besoin de lui. Ah enfin, le voilà.»

- Mouche, au rapport.- Bonjour commissaire, si vous voulez parler au directeur du musée,

il est juste derrière vous. Thomas Laroche se tournant, vit un homme accroupi, adossé contre

un mur. S’approchant de plus en plus, il entendit des pleurs. C’était un homme imposant d’une cinquantaine d’années, habillé comme un homme d’affaires - costard, cravate - le crâne rasé, il tournait entre ses doigts sa chevalière en or.

- C’est vous, le directeur ici ? demanda sèchement le commissaire.- Oui, c’est moi, dit-il en tremblant et séchant ses larmes, encore

sous le choc. Il se releva et essaya de reprendre ses esprits. Je m’appelle Jean-Marie de Pradel. Cela fait dix ans que je suis le conservateur de ce musée et je n’avais jamais rien vu de pareil, c’est la première fois que je vois un corps… mort.

- Que s’est-il passé ? Comment avez-vous découvert le corps ?

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- Quand je suis arrivé à neuf heures comme chaque matin, je suis passé par derrière, il y a un accès pour les employés, je suis parti directement dans mon bureau. J’ai allumé l’ordinateur et un message est apparu sur l’écran me disant que les alarmes et les vidéos de surveillance avaient été désactivées hier soir à vingt-trois heures. Donc, pris de panique j’ai voulu faire le tour du musée, et…. j’ai commencé par le hall, et… je l’ai vu… empalé sur le trident. Je revois encore son sang couler le long de la statue et arrivant dans l’eau, rouge. Et c’est à ce moment-là que je vous ai appelé. Peu de temps après, j’ai fait mon inspection, remarquant qu’il y avait une vitre brisée au premier étage dans la galerie et qu’il manquait une partie du trésor gaulois de Tayac. Vous savez commissaire, c’est une pièce de valeur inestimable, fit-il en soupirant. Et puis, vous avez surgi dans le hall.

- Vous auriez plus de renseignements sur ce trésor ?- Oui bien sûr, c’est un trésor datant du premier siècle avant Jésus-

Christ, il est composé d’un torque d’or massif ainsi que de 73 petits lingots et 325 monnaies gauloises. Ce mec-là, c’était un gentil gars. Il ne méritait pas ça.

- Donc, si je comprends bien, y’en a pour un paquet de fric !- Vous savez commissaire, outre sa valeur pécuniaire, il a une grande

valeur historique.- Oui, oui, bien sûr, j’imagine, mais vous savez le voleur se fiche de

la valeur historique. Bref, continuons, où est passé le deuxième gardien de nuit ?

- Il est malade depuis déjà quelques jours, il m’a appelé…quoi… jeudi dernier pour me dire qu’il avait attrapé une grippe et que par conséquent il ne viendrait pas travailler.

- Vous le connaissez personnellement...heu... ?- Lucien Bradkov ? Non, pas tellement, vous comprenez, on se

croisait deux fois dans la journée, au début et à la fin de son service, je savais juste que c’était un gentil gars.

- Il avait une famille, une petite amie pas loin ?- Non, il est originaire de Russie mais il a, enfin...il avait la

nationalité française, il avait un de ses parents français, mais pour la petite amie, je n’en sais rien.

- Très bien, merci beaucoup. Pour la suite de l’enquête on va certainement vous recontacter dans quelques jours, donc restez joignable et ne quittez pas la ville. Et surtout pas un mot à la presse, il en va de la réussite de nos investigations. Le temps joue contre

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nous. N’ayez pas trop d’inquiétude, on a déjà résolu des affaires plus complexes que ça, en quelques jours nous devrions démêler cette enquête. N’est-ce pas Mouche ?

- Oui, oui, commissaire, fit-il dubitatif.»C’est à ces mots que le commissaire se sépara de monsieur de

Pradel et alla rejoindre son assistant. Il le fixa et constata qu’il portait encore et toujours ce même pull affreux que sa mère lui avait envoyé pour Noël et que le commissaire avait tout de suite détesté. En levant un sourcil, il passa outre.

Comme pour toutes ses enquêtes, il se posait nombre de questions : comment est-il tombé sur ce trident ? Est-ce qu’il y avait autre chose de volé ? Quelles étaient les intentions du, ou des cambrioleurs ? Toutes ces questions se chamboulaient dans sa tête, mais pas l’ombre d’une réponse. Il décida de quitter les lieux et d’aller faire un tour chez le médecin légiste qui avait reçu le corps dans la matinée. Peut-être allait-il trouver des réponses à ses questions…

La morgue n’est pas un charmant endroit, mais cela fait partie de la procédure. Le médecin légiste, Nancy, était une femme brune, un peu sombre, portant de petites lunettes lui donnant un air intelligent. Elle s’avança vers Laroche:

- Bonjour monsieur le commissaire, comment allez-vous ?- J’irai mieux lorsque cette affaire sera réglée, je vous en prie faites-

moi votre rapport.- Par son dossier médical, nous avons vu qu’il avait quelques

antécédents cardiaques. Par ailleurs monsieur Bradkov n’est pas mort en se faisant embrocher, il est mort d’une crise cardiaque. Il a dû tomber de la balustrade et sur la statue par malchance. Cependant, ce qui m’intrigue le plus, ce sont les multiples hématomes qui couvrent son corps, surtout au niveau des côtes, des bras et du visage, comme s’il avait été battu. J’en déduis donc qu’il n’était pas tout seul cette nuit-là.

- En effet c’est intriguant… savez-vous par quoi ont été causé les coups ?

- Par un objet contondant, je présume, comme un bâton ou une canne.

- Alors il aurait un complice, dit-il en se frottant le menton.Son téléphone l’interrompit dans sa réflexion, c’était Mouche :- Monsieur, vous vous souvenez d’une éventuelle petite amie ?

Eh bien, il est marié depuis vingt-et-un ans avec une certaine Krystel

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Bradkov ; le plus étonnant, c’est que celle-ci demeure introuvable !- Introuvable tu dis ? Envoie-moi l’adresse de leur domicile, nous

devons jeter un œil ! Retrouve-moi là-bas dans un quart d’heure.Le commissaire remercia Nancy et fila vers sa voiture.Ce n’était pas très loin, en dix minutes il était arrivé, Mouche l’avait

même devancé et en avait profité pour crocheter la serrure :- Vous avez fait mouche à ce que je vois !- Vos jeux de mots me laisseront toujours sans voix, monsieur le

commissaire, dit-il dans un soupir.- Oui, oui, allez entrons.Lorsque le commissaire arriva à la résidence du couple accompagné

par son assistant Mouche, guidé par son instinct professionnel, il analysa d’un rapide mouvement de tête la pièce dans laquelle ils venaient d’entrer. La maison semblait plutôt propre et bien rangée en apparence, mais dès qu’il arriva dans la chambre située sur la gauche du salon, il découvrit un vrai bazar : le lit était défait, l’armoire et les vêtements à l’intérieur étaient éparpillés. Les vêtements dominants étaient des chemises, des pantalons et des caleçons, et la seule confirmation qu’une femme vivait ici était qu’un soutien-gorge dépassait de la pile.

Le commissaire en déduisit rapidement que la fautive s’était enfuie à la va-vite.

« -Dites-donc commissaire, elle n’a pas perdu de temps ! s’exclama Mouche mi-admiratif, mi-déçu.

- Oui, bon Mouche, il s’agit de ne pas traîner si on ne veut pas que cette criminelle s’échappe.

- Oui...Oui, oui, bien sûr commissaire.»D’une nature maussade, Laroche, déjà contrarié par son entretien

avec ce satané conservateur de musée, commençait à être à bout de nerfs par le fait que Krystel lui file entre les doigts. Il n’avait donc pas besoin des petits commentaires de son assistant. Connaissant bien les sautes d’humeurs de son supérieur et sentant venir une de ces fameuses crises, Mouche orienta sensiblement la discussion sur la poursuite de la perquisition.

En arrivant dans la pièce qui faisait office de cuisine aux Bradkov, Mouche remarqua sur le frigo une carte de vœux en provenance de St-Pétersbourg. Cette dernière était écrite dans un français très maladroit et venait de la sœur de Krystel, qui lui souhaitait une «année bonne».

Dans un tiroir du salon se trouvaient les relevés de compte du couple.

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- Commissaire, commissaire ! Nous avons trouvé leurs relevés bancaires !»

Ayant utilisé l’ordinateur fixe des Bradkov, Mouche se connecta rapidement au compte en banque du couple. Thomas Laroche l’avait laissé gérer cette part du travail.

Mouche s’exclama soudainement :- Ça alors ! Tout l’argent qu’ils avaient sur leur compte a été

transféré sur un compte russe ! Laroche se dirigea vers son assistant et lui dit :- Je veux avant ce soir une diffusion de la photo de Krystel Bradkov

avec toutes ses caractéristiques physiques ainsi qu’une diffusion à Interpol par circulaire des clichés de ce qui a été volé pour que les services de police puissent entreprendre des recherches plus précises. Vous les diffuserez dans tous les journaux, à la télévision, sur internet et tout simplement dans les rues. Il faut aussi et surtout les faire parvenir aux aéroports, aux frontières et aux douanes.

- Oui, Monsieur. Faut-il aussi que je prévienne l’office central des biens culturels ?

- Non, je m’en occuperai moi-même merci.- Et, pour les caractéristiques physiques ? Je dois écrire quoi ?- Voyons Mouche ! Je ne vais quand même pas faire votre travail à

votre place ! Contentez-vous de dire ce que nous savons : elle s’appelle Krystel Bradkov, elle est de taille moyenne et a environ trente ans. Elle a des cheveux noirs, bouclés mais courts avec les yeux marrons presque noirs ! On a également pu remarquer une tache de naissance dans son cou ainsi que de nombreux grains de beauté sur les bras. Son visage est fin et décoré de deux fossettes. Il faudra également ajouter qu’elle est impulsive et colérique, elle a un fort caractère !

- Je vois, dis Mouche tout en écrivant sur son calepin, Y a-t-il autre chose ?- Hum… Oui, précisez bien que sur son poignet gauche la femme

est tatouée avec comme motif l’emblème tsariste de la Russie composé d’un aigle à deux têtes. Voilà Mouche vous avez tout ! J’ai encore une fois fait tout le travail à votre place mais bon je ne m’en plains pas, au moins je suis sûr que ce sera bien fait.

Mouche repartit sans dire un mot, sans doute exaspéré par son supérieur.

Peu de temps après, trois sonneries retentirent, Laroche au téléphone s’exclama :

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- Bonjour, je suis le commissaire Laroche du commissariat de Bordeaux, suis-je bien au cabinet d’assurance de Monsieur Lafouine ?

- Tout à fait Monsieur, que puis-je faire pour vous ?- Je vous appelle car je suis actuellement sur une affaire concernant

un vol dans le musée de Monsieur De Pradel. Sachant que vous êtes son assureur…

- Oui je suis au courant, Monsieur De Pradel m’a déjà contacté ! Avez-vous du nouveau ? Avez-vous des suspects ?

- Non... Pas pour le moment Monsieur...- Très bien... Je tenais à vous prévenir que si dans trois jours votre

enquête n’est pas plus avancée, je me verrais forcé de contacter le Préfet.- Ne vous en faites pas, moins de trois jours suffiront !- Je l’espère pour vous !

Laroche marmonna quelque chose dans sa barbe que personne ne comprit mais on se doutait bien que ce n’était rien de très plaisant. Seulement sans s’en rendre compte, l’évocation du préfet avait donné à Thomas l’envie de se dépasser afin d’aboutir sur cette enquête ! Le commissaire raccrocha donc et replongea sur cette affaire.

L’enquête était au point mort. Contrairement aux attentes de Laroche, la diffusion du visage de Krystel et des pièces volées n’avait rien donné. Il ne dormait plus et était obnubilé par cette affaire qui semblait ne pas vouloir avancer. Il était maintenant convaincu d’être passé à côté d’un indice, mais lequel ? Ils avaient pourtant énormément cherché ! Persuadé qu’il allait résoudre ce mystère, il ignorait seulement combien de temps cela lui prendrait.

Un matin, il décida de se rendre au musée pour affronter monsieur de Pradel qui lui avait laissé plusieurs messages sur son répondeur depuis quelques jours, afin de savoir si ses dix-sept lingots d’or et ses sept pièces de monnaie avaient été retrouvés. Le conservateur s’impatientait de plus en plus, Thomas Laroche n’avait donc pas osé lui avouer son incompétence soudaine. Mais il fallait bien s’y résoudre, il ne pouvait plus l’ignorer. Il toqua à la porte de son bureau fermement et, sans même attendre une quelconque réponse, il entra.

Quand le conservateur le vit, un mélange étrange de soulagement et d’impatience se peignit sur son visage. Il s’exclama alors :

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- Je suis sûr, monsieur Laroche, que vous m’apportez de très bonnes nouvelles, il serait temps !

Le commissaire se crispa. Que répondre ? Il n’avait jamais échoué lors de la résolution d’une enquête ou, du moins, il préférait ne plus s’en souvenir. Et puis, il n’avait jamais été très fort au niveau des relations humaines. Non, lui, ce qu’il aimait avant tout, c’était l’aventure, les mystères, chercher mais surtout trouver les coupables et ressentir ce sentiment de fierté qu’il chérissait tant. Il opta alors pour son plus grand sourire et répondit avec un enthousiasme forcé :

- Rien de bien concret pour l’instant, mais ne vous en faites pas, je suis un des meilleurs enquêteurs, sans aucune prétention bien sûr. Je tiens une piste intéressante et l’enquête devrait aboutir d’ici quelques jours. Cependant, vous devez le savoir, tout le monde n’est pas aussi impliqué que je le suis, malheureusement, et c’est sans doute pour cela que cette affaire traîne.

Le conservateur, visiblement contrarié et à bout de nerfs, commença à hausser le ton. Après avoir marmonné des propos totalement incompréhensibles tout au long du discours de Thomas Laroche, il était maintenant en train de crier à vive voix, ce qui effrayait les quelques visiteurs présents. Le commissaire surenchérit alors :

- Sachez que j’ai déjà beaucoup de choses à faire ! Je n’ai pas en plus besoin de vous dicter comment faire votre travail correctement. Alors, arrêtez donc d’effrayer le peu de personnes passionnées d’Histoire qu’il vous reste. Ressaisissez-vous, que diable !

Sur ces mots, Laroche quitta la pièce à vive allure, heureux d’avoir trouvé une échappatoire, laissant Jean-Marie de Pradel totalement désemparé.

Journal de Krystel Bradkov

Lucien ne m’aura apporté qu’une chose au final dans ma vie, la possibilité de revenir vivre en Russie. Mais à cause de lui, j’ai failli ne pas y arriver. Mais quel idiot celui-là ! Il était tellement égoïste. Il ne pensait qu’à sa petite personne. Dire qu’il ne voulait pas quitter la France,

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ni son misérable appartement, son misérable salaire, sa misérable vie. Comment ai-je pu rester mariée avec lui toutes ces années ? Sans lui je serais revenue plus tôt. Je me suis enfin installée là où j’ai toujours rêvé de vivre, Tcheliabinsk. La ville de mon enfance.

Quand on s’est marié Lucien et moi, je ne m’imaginais pas qu’il m’emmènerait en France, j’aurais déjà dû le quitter à cette époque. En plus il a commencé à travailler dans un musée en tant que gardien de nuit, le seul avantage que je voyais dans son travail était la possibilité de voler des œuvres et s’en mettre plein les poches. Mais il n’était pas d’accord, Môssieur avait trop peur. Mais quelle mauviette ! Ça fait du bien d’être enfin sans lui.

Bientôt trois mois que je suis ici et toujours aucune nouvelle de la France. D’ailleurs, c’est la dernière fois de ma vie que j’écris en français. On ne sait jamais si quelqu’un en Russie tombe sur mon journal. Il n’y a rien de très important dedans, mais je vais parler de Lucien donc je prends mes précautions.

Le soir de mon départ de la France, il m’a encore plus déçu que d’habitude. J’avais enfin réussi à le convaincre de me suivre et de m’aider à voler certaines œuvres. Mais sur les lieux, il m’a avoué qu’il n’était pas sûr de vouloir vraiment trahir son patron. Son patron ! Parlons-en de son patron. Un homme qui se prend pour quelqu’un d’important et qui méprise ses employés, mais bon, je ne vais pas défendre Lucien non plus, c’est lui qui a choisi son travail, je n’y suis pour rien moi s’il était si naïf.

Revenons-en aux faits. Quand on est arrivé au musée, cet imbécile a failli nous faire repérer. Il faisait tellement de bruit ! En plus il se dégonflait. Il était aussi doué en tant que voleur qu’en tant que mari. Il ne finissait jamais ce qu’il commençait. La preuve, il n’a même pas fini le cambriolage avec moi. On était à l’étage au-dessus de la statue de Poséidon quand il m’a avoué qu’il abandonnait. Vu sa capacité à assumer les choses, ça ne m’a pas étonnée, mais j’étais très énervée. Il m’avait déjà gâché la première partie de ma vie, je n’allais pas le laisser gâcher la deuxième. Quand je lui ai alors demandé pourquoi il abandonnait, il a haussé le ton et a commencé à s’énerver. En plus d’être incapable de s’imposer où que ce soit et dans n’importe quelle situation, Lucien n’avait pas une santé de fer. Plus il me parlait et plus il s’énervait, il fit alors une attaque cardiaque et bascula par-dessus la rambarde. En me penchant, je l’ai vu ne faisant qu’un avec la statue bien aimée dont il ne faisait que me parler. En quittant les lieux, je me suis retournée une dernière fois pour admirer Lucien. L’eau de la fontaine était devenue écarlate... Première fois dans sa vie qu’il fit quelque

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chose de surprenant. Il n’avait jamais rien réussi, excepté sa mort. Bravo mon Lucien, ta vie était pitoyable, mais ta mort, théâtrale.

En France, Jean-Marie De Pradel était toujours aussi perturbé par le vol des œuvres. En allant chercher son courrier il tomba sur sa revue hebdomadaire d’Art. En la feuilletant, la rubrique « Russie » l’interpela et il vit une proposition de vente pour les pièces du trésor de Tayac. Il comprit alors qu’il ne les reverrait jamais.

Laroche, quant à lui, venait d’échouer une fois de plus.

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Le rictusLycée Sud Médoc La Boétie - Taillan Médoc - 2nde 511

Prologue

Paris, Musée du Louvre,13 décembre 1932Son œuvre achevée, l’homme franchit la porte et marche le long

du passage Richelieu ; un couteau ensanglanté à la main, il sent le froid mordre sa peau. Il fait nuit, personne, pas un bruit, pas une vie, seul le hurlement du froid hivernal vient atteindre ses oreilles.

De sa poche, il sort un tissu de linon sur lequel il essuie sa lame. Il continue à avancer, descend les marches du musée puis tourne à droite.

Alors, il s’avance dans la rue sombre en marchant calmement, sereinement, sur les pavés enneigés de la rue Rivoli. Il marche seul, à l’unique clarté des lampadaires et de la lune. Puis il tourne, empreinte la Rue Bailleul, et s’enfonce dans les ténèbres.

Enfin, il s’arrête, ouvre la portière de sa Reinastella noire et s’observe un instant dans le reflet de son tableau de bord. Il observe son visage, et éclate d’un rire froid et glacial. D’un rire sans-joie, cruel et morbide.

Puis il démarre le moteur de sa voiture et continue le long de la rue ne laissant pour seules traces que les empreintes des roues dans la neige.

I - M. Piccart

Paris, 4 Rue Hélène, 14 décembre 1932

« M. Piccart,Le commissariat de la ville de Paris vous conjure de prendre part à

l’enquête sur les récents crimes commis au musée du Louvre qui nous ont tous secoués ce matin. Nous espérons que vous saurez mettre votre expérience d’expert en art et vos compétences d’inspecteur au service de notre institution comme vous l’avez fait naguère.

Si vous acceptez cette demande, nous vous prions de vous rendre

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au plus tôt dans nos locaux pour réintégrer votre ancien poste. Cordialement,

Lieutenant Muller »

M. Piccart au balcon tenait la lettre qu’il venait de lire, il observait le tout Paris vivre du haut de son appartement. Dans la rue, il apercevait plusieurs groupes d’hommes et de femmes. Certains discutaient entre eux, d’autres lisaient les journaux fraîchement imprimés.

Il se doutait bien de ce qu’ils se disaient, car toute la capitale ne parlait que de ça : cette nuit, le musée du Louvre avait été le théâtre de crimes infâmes. On parlait de gardiens assassinés, d’un massacre sans nom.

Mais M. Piccart doutait.Il avait par le passé mené des enquêtes à succès plus d’une fois avec

son acolyte Joseph qu’il côtoyait tant. Il était reconnu, honoré, adulé par les plus hautes autorités, jusqu’à ce que ce fameux dérapage dans sa fonction ne le fasse exclure de son ordre. Aujourd’hui, on lui proposait enfin de reprendre le métier qu’il avait pratiqué durant tant d’années, le métier pour lequel il avait été si reconnu.

Il hésitait car il s’était juré le jour de son exclusion de ne jamais remettre les pieds dans un commissariat pour quelque raison que ce soit …

- Oh et puis merde, au diable les promesses !D’une démarche assurée, il enfila son long manteau noir, son

écharpe, ses gants, et son Borsalino blanc puis sortit de son appartement avec la ferme conviction de reprendre du service.

II - Le Commissariat

Paris, 12 Quai de Gesvres, 14 décembre 1932

- Vous êtes bien sûr de vouloir reprendre votre poste d’inspecteur, Monsieur Piccart ? S’agit-il d’une reprise temporaire ou définitive ? questionna le sous-officier.

- Oui je reviens, et pour l’instant je ne compte pas repartir de sitôt, répondit-il d’un air convaincu.

- Parfait ! Je vous remets donc votre plaque d’inspecteur, votre arme de service ainsi que l’accès à votre ancien bureau qui n’a pas changé depuis votre départ.

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L’inspecteur s’empressa. Il se leva de sa chaise, sortit de la pièce et emprunta le couloir. Il passait devant les bureaux qu’il avait jadis tant côtoyés, et enfin il arriva au bout du corridor devant la porte où se trouvaient les lettres de fers : INSPECTEUR ACHILLE PICCART. Il saisit la poignée et ouvrit. Le sous-officier n’avait pas menti. Tout était comme avant, son bureau en acajou où figurait encore certains papiers, son armoire qui contenait tous les dossiers de ses anciennes enquêtes, son fauteuil de velours, sa fenêtre carrée qui donnait sur la rue enneigée, rien n’avait bougé, c’était comme si le temps s’était figé depuis son départ il y a un an de cela... Quelqu’un toqua à la porte.

- Entrez ! s’exclama M. Piccart.La porte s’ouvrit à nouveau et quelqu’un apparut. C’était un

homme de couleur, musclé et doté d’une taille impressionnante arborant un sourire radieux. Il se dégageait de sa personne une aura rassurante de bonheur et de gaieté.

- On savait bien que tu reviendrais ! s’exclama l’homme arborant alors un sourire encore plus éclatant.

M. Piccart lui rendit son sourire et s’exclama à son tour :- Ça fait plaisir de te revoir, Joseph.

III - Le musée du Louvre

Paris, Musée du Louvre, 14 décembre 1932

Après leurs retrouvailles, Joseph et Achille empruntèrent une voiture de police et se dirigèrent vers les lieux des crimes : le musée du Louvre. Un quart d’heure de route leur permit de refaire connaissance après un an de séparation.

Arrivés sur les lieux, le vent s’était changé en un blizzard violent. Ils descendirent de la voiture devant l’entrée majestueuse, montèrent les escaliers avec difficultés, franchirent la grande porte du musée et la claquèrent derrière eux.

Sur place, d’autres experts s’étaient mobilisés et des policiers patrouillaient. Monsieur Piccart aperçut des journalistes en pleine discussion avec un des policiers chargé de la surveillance. Il aperçut également un homme se dirigeant d’une démarche maladroite dans leur direction, accoutré d’un manteau marron clair et d’un chapeau melon en feutre noir. Il portait également des lunettes à gros verres qui lui donnaient un air myope.

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- Enchanté M. Piccart, le commissariat nous a prévenus de votre arrivée et nous vous attendions justement. Si vous voulez bien me suivre …

- À qui ai-je l’honneur ? questionna froidement l’inspecteur.L’homme marqua un instant et lui tendit sa main en se présentant :- Lieutenant Pierre-Henri Muller, c’est moi qui vous ai envoyé la

lettre et je suis heureux que vous ayez accepté de reprendre du service.M. Piccart serra sa main et le suivit tandis que Joseph partit parler aux

autres experts. Ils traversèrent des couloirs, passèrent par plusieurs salles où figuraient des dizaines de statues, de vases et de mosaïques de l’ère Antique. Enfin, ils arrivèrent devant une grande porte qui donnait sur une salle majestueuse. Mais celle-ci était fermée et deux policiers la gardaient. Le lieutenant s’arrêta devant elle, prit soudain un air grave et dit :

- Nous ne savons pas qui a fait cela, ni pourquoi mais... c’est une véritable horreur, êtes-vous sûr de bien vouloir regarder ?

- Qu’y a-t-il derrière cette porte ? demanda-t-il intrigué.Monsieur Muller poussa un léger soupir, et lui répondit :- Les corps des dix-sept gardiens qui ont été assassinés cette nuit.L’inspecteur blanchit. Dans toute sa carrière, il n’avait jamais

fait face à cela, il avait déjà travaillé sur des doubles, voir des triples homicides, mais en aucun cas dix-sept.

- Si vous ne souhaitez pas voir les corps, je peux demander…- Bien sûr que je vais voir les corps ! Suis-je un inspecteur ou un

tire-au-flanc ?Le lieutenant acquiesça d’un signe de tête et poussa la grande

porte, elle donnait effectivement sur une pièce aux murs ornés, il n’y avait rien, rien, jusqu’à ce que M. Piccart regarde au sol. Il était jonché de cadavres, lesquels étaient alignés, allongés, raides, les bras le long du corps.

Le silence régnait parmi les dépouilles. Et c’est à cet instant, en observant les corps que M. Piccart constata avec effroi toute l’horreur de la scène. Les visages des victimes avaient la peau des joues lacérées en un sourire macabre.

Pétrifié devant tant d’atrocités, il resta figé pendant quelques instants. Puis, sortant du silence, il questionna le lieutenant :

- Comment a-t-on pu faire une telle chose ? dit-il faiblement- Nous les avons découverts ce matin dans cet état-là, dans cette salle.- Vous avez touché aux corps ?- Non, comme je vous l’ai dit nous les avons trouvés comme ça

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quand nous sommes arrivés. Nous attendions justement votre venue pour analyser la scène.

L’inspecteur s’approcha alors du corps de l’un des gardiens, il portait comme les autres une ceinture à laquelle était accrochée une matraque. Il remarqua les mêmes éléments sur les autres corps.

- On dirait qu’ils ne se sont pas défendus…- Peut-être n’en ont-ils pas eu l’occasion ?- Cela voudrait dire que l’assassin ne les aurait pas attaqués de face.- Effectivement je pense que c’est le cas.- Mais mis à part cette horrible balafre, il n’y a pas de trace d’un

coup mortel.L’inspecteur réfléchit, car en effet il n’y avait sur aucun cadavre une

quelconque trace de blessure fatale. Le meurtrier aurait donc assassiné chacune de ses victimes une par une, dans une totale discrétion...

- De l’éther ! s’exclama M. Piccart- Je vous demande pardon inspecteur mais…de l’éther ?- Oui ! C’est un anesthésique très puissant et mortel s’il est utilisé

à forte dose, il suffit d’en imbiber une étoffe et de l’appliquer sur le nez d’un personne pour qu’elle se retrouve plongée dans les bras de Morphée mais doublez la dose et cette même personne ne se réveillera plus jamais. C’est une preuve d’intelligence et de méthode que nous démontre l’assassin, nous n’avons pas affaire à n’importe quel fou, mais à un fou intelligent et méthodique. Restons sur nos gardes lieutenant.

IV – La Lettre Sanglante

Paris, Musée du Louvre, 14 décembre 1932

Alors que M. Piccart et le lieutenant Muller continuaient leur enquête en cherchant d’autres indices sur la scène du crime, Joseph arriva dans la grande salle accompagné d’une poignée de détectives, de gendarmes et d’experts.

Il se dirigeait vers M. Piccart tandis que les autres se rapprochaient des corps.

- Nous avons fait le tour des environs et…Joseph s’arrêta et jeta un vif regard vers les victimes.- Je ne m’attendais pas à ça... c’est vraiment... effroyable.- Je pense que nous sommes tous du même avis Joseph, tu as trouvé

des indices ?

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- Oui, ou plus précisément un seul, nous avons trouvé cette lettre. Elle était mise en évidence à l’entrée du passage Richelieu; je pense que vous avez devinez qui en est l’auteur…

- L’assassin lui-même... quel culot ! s’exclama le lieutenant.Joseph tendit la lettre à l’inspecteur qui la saisit et se mit à l’observer

sous toute ses coutures.Le papier de l’enveloppe semblait commun à tous autres, mais

c’était le scellé qui étonna notre inspecteur.- Diantre ! Mais c’est le sceau de la police de Paris !- Plaît-il ?! rétorqua le lieutenant- Regardez donc par vous-même…

Le lieutenant prit la lettre et se pencha avec attention sur le sceau évoqué.

- En effet c’est très troublant mais il s’agit bien du sceau de notre institution.

M. Piccart et Joseph virent le lieutenant rougir de fureur devant cette provocation et s’exclamer avec indignation :

- Ce tueur nous nargue de par ces provocations insolentes ! D’abord il laisse lui-même ses indices, puis il scelle ses méfaits par la marque de notre ordre ! Salaud !

- Même si cela nous apparaît très intrigant, nous nous occuperons de cet élément plus tard lieutenant, intéressons-nous plutôt au contenu de celle-ci… Si vous le voulez bien.

Le lieutenant rendit la lettre à M. Piccart, toujours outré des provocations de l’assassin. M.Piccart cassa alors le cachet de cire, et en sortit une lettre de papier blanc sur laquelle était appliquée une noble calligraphie d’un rouge sanglant.

- C’est du sang… n’est-ce pas, inspecteur ? s’enquit le lieutenant qui avait à la vue de l’écriture de la lettre soudainement repris un air grave.

M. Piccart hocha la tête en signe de confirmation puis se mit à lire l’écriture macabre.

« Monsieur Achille,Tout d’abord je dirais que c’est un véritable honneurPour ma personne que de vous voir lire mon humble message,

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Qui vous est bel et bien destiné, n’en ayez pas peur,Et par pitié n’en soyez point pris de rage,Car j’ai commis en ces lieux une œuvre splendide et glorieuse,Qui me vaudra, je le pense, une reconnaissance turpide et monstrueuse.Mais cela nous ne le verrons pas tout de suite,Car les choses arrivent en leur temp,Ainsi mon art n’est pas une chose facilement déduite,Mais bien un travail d’artisan,Sur cela, je vous laisse à votre réflexion,Et puisse votre enquête vous mener à perdre votre raison.L’oiseau vole tout près, dans l’attente de sa proie, et quand le moment se fera venir il ouvrira alors sa gueule béante et fondra sur son ennemi. » Le Rictus. »

Pendant un instant, le silence se fit. Aucun des trois hommes n’osa parler suite à la lecture stupéfiante de la lettre, jusqu’à ce que l’inspecteur reprenne la parole :

- Nous n’avons donc pas affaire à un simple tueur, mais à un véritable psychopathe.

V – La Tempête

Paris, 12 Quai des Gesvres, 5 janvier 1933

Quinze jours passèrent. Mis à part la lettre de l’assassin, il n’y avait eu aucun autre indice de découvert. L’enquête était au point mort.

M. Picard, Joseph et le lieutenant passaient leurs nuits à essayer de relier des pistes ou à dévoiler des indices cachés mais à chaque fois ils n’en retiraient aucune avancée.

La lettre, quant à elle, passa d’experts en experts mais aucun ne put en donner une analyse valide, le seul indice restait donc l’unique clef du mystère…

Le commissariat était normalement vide à cette heure de la nuit, mais ces derniers jours M. Piccart, Joseph et le lieutenant avaient pris l’habitude de rester tard pour essayer malgré tout de faire avancer l’enquête.

Cette nuit-là, M. Picard était seul, le lieutenant était rentré chez lui depuis environ une heure. Il se força à se creuser la tête mais rien n’y faisait, il n’y arrivait pas : la fatigue l’empêchait de réfléchir. Cela faisait

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plus de deux semaines qu’il ne dormait pas plus de quatre heures par nuit, il était obsédé par cette fichue enquête…

Finalement, c’est accablé par la fatigue, qu’il décida de rentrer chez lui pour se reposer. À l’extérieur, un violent blizzard faisait rage dans la nuit sombre. L’inspecteur se hâta de rejoindre sa voiture garée dans la rue du Goéland située à quelques pas du poste.

La neige rendait les déplacements difficiles et le vent glacé l’empêchait de relever la tête. Il longea donc les trottoirs pendant plusieurs minutes pendant lesquelles le blizzard semblait s’être changé en une véritable tempête de glace. Enfin, il réussit à atteindre la ruelle où sa voiture recouverte de neige l’attendait.

Il se hâta de monter à l’intérieur de celle-ci et non sans effort, réussit à faire démarrer le moteur. La voiture avançait doucement lorsqu’une chose attira sa curiosité. Sur un mur, figuraient des traces qu’il distinguait mal à travers l’obscurité mais qui semblaient bien réelles. Il redescendit de sa voiture pour observer la chose de plus près et c’est ainsi qu’il le vit, rougeoyant d’un éclat écarlate sur le mur de pierre : le rictus sanglant formé de deux yeux et d’un sourire macabre qui semblait s’adresser à l’inspecteur lui-même. À l’extrémité du sourire se tenait une flèche peinte : elle indiquait le fond de la ruelle. M. Piccart savait déjà ce qu’il y trouverait.

Il marcha alors dans la direction indiquée et vit se confirmer ses soupçons : dans le fond de la ruelle, était étendu le corps livide du lieutenant. M. Piccart accourut mais il savait bien qu’il n’y avait rien à faire : le Rictus avait encore frappé laissant en guise de signature une entaille sanglante sur le visage du lieutenant.

En s’approchant du corps, l’inspecteur s’aperçut qu’une enveloppe avait été déposée sur la dépouille. Pour la seconde fois il ouvrit le message laissé à son attention par l’assassin et se mit à lire la lettre rougeoyante.

« Bonsoir Achille,Sachez que je suis bien heureux de vous rencontrer une nouvelle fois,En cette douce nuit où je l’espère vous ne serez pris d’effroi,Devant la pâleur hivernale de votre cher lieutenantPour lequel je le crains, vous n’arrivez point à temps,Car la marque dont il est orné,Ne peut être effacéeAinsi mon œuvre ne fait que commencer,

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Et dans la mort ma marque subsistera à jamaisC’est donc à l’image de ma signatureQue je poursuivrai mon œuvre pureSans personne pour m’arrêterSans personne pour me stopperLe Rictus. »

M. Piccart s’était figé. Il était comme paralysé par toute la colère et la haine qui l’envahissaient.

Cette fois-ci l’assassin ne s’était pas attaqué à n’importe qui… M. Piccart savait qu’il s’en prenait à lui dans un but précis, mais lequel ? Que lui voulait donc Le Rictus ? Pourquoi ces lettres lui étaient-elles adressées ? Toutes ces questions sans réponse se transformaient en une fureur incandescente qui consumait l’inspecteur. Désormais rien ne comptait plus à ses yeux : anéantir Le Rictus.

VI – Joseph

Paris, Rue du Goéland, 6 janvier 1933

Suite à la découverte du corps du lieutenant, M. Piccart partit alerter les membres du commissariat qui étaient restés de garde. Plusieurs heures passèrent pendant lesquelles des dizaines de policiers s’affairaient à étudier la scène de crime en pleine tempête.

Ainsi c’est finalement à l’aube que l’inspecteur décida de retourner pour la seconde fois sur les lieux du crime.

- Vous l’avez donc trouvé allongé dans la ruelle ? questionna timidement le sous-officier chargé d’interroger M. Piccart.

- Oui, mais il était déjà trop tard quand je suis arrivé… Est-ce donc vraiment nécessaire de me poser toutes ces questions ?

- C’est la procédure inspecteur, vous êtes le seul témoin de ce crime et de ce fait nous sommes contraints de vous interroger…

- Vous ne pensez quand même pas que c’est moi qui ai fait cela ?! s’indigna M. Piccart dont le teint commençait à virer au rouge

- Oh non ! Pas du tout, comme je vous l’ai dit la procédure exige que…- Oui c’est cela, dites-moi plutôt où est Joseph, cela fait déjà une

heure qu’il devrait être là.

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- Pardonnez-moi monsieur, mais je n’ai aucune idée de la raison de son absence, peut être devriez-vous aller voir dans son bureau ?

- C’est précisément ce que je comptais faire, je reviendrais d’ici une demi-heure.

M. Piccart prit donc la direction du commissariat en quête de Joseph. Après quelques minutes de marche, il arriva au poste. Tout le monde avait été mobilisé sur la scène de crime, le commissariat était donc totalement vide. Après avoir traversé hall, corridors et escaliers il arriva devant la porte du bureau de Joseph.

- Joseph, tu es là ?Il n’y eut aucune réponse. M. Piccart décida d’entrer. Il tourna

la poignée, la porte était ouverte. Le bureau, vide et toujours aucune trace de Joseph. M. Piccart traversa le bureau de part en part mais rien ne laissait penser que Joseph avait disparu : son manteau était encore accroché au mur et une cigarette fumait, posée dans le cendrier. En inspectant le bureau, M. Piccart ne découvrit rien, rien, sauf une enveloppe posée en évidence.

M. Piccart comprit. Il saisit l’enveloppe, en sortit la lettre qu’elle contenait et vit ses pires cauchemars se confirmer.

VII – Le Dernier Acte

Paris, 12 Quai de Gesvres, 6 janvier 1933

“ M. Piccart,Ainsi nous arrivons ensemble à l’Acte Final,Cela fait déjà bien longtemps que nous nous connaissons,Que nous nous haïssons.Je vous propose donc de faire enfin tomber le masque,Et ainsi de mettre fin à cette histoire,Rejoignez-moi donc cette nuit,Si vous souhaitez revoir votre ami en vie...Quais de Seine, Hangar N°12Le Rictus.”

Alors c’était ainsi. C’était ainsi que tout se terminerait. Après le lieutenant, Le Rictus s’en prenait désormais à Joseph et cela, M. Piccart ne pouvait le supporter.

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Déterminé, il se dirigea vers son bureau, poussa la porte et prit son arme qu’il chargea de six balles. Désormais rien ne l’arrêterait, il n’y aurait plus de droit ni de loi car il était décidé à tuer Le Rictus.

VIII – Le masque tombe

Paris, Quais de Seine, 6 janvier 1933

Après quelques minutes de route, M. Piccart arriva sur les lieux. L’endroit semblait désert et une succession de hangars en taules se dressait sur les quais jonchés de cordages moisis et de caisses en bois abandonnées. Seules quelques dizaines de goélands semblaient avoir trouvé un intérêt à cet endroit sans vie.

L’inspecteur regarda autour de lui les hangars ornés de leurs numéros respectifs et avança le long des quais, l’arme au poing. Il avançait prudemment… Numéro 10... Numéro 11… Il n’était désormais plus qu’à quelques mètres… Numéro 12.

Il savait déjà que c’était ici que tout se terminerait d’une façon ou d’une autre mais il ne voulait qu’une seule chose : sauver Joseph. Pendant toutes ses enquêtes, il avait été son acolyte, son coéquipier, son ami et il ne permettrait pas qu’un artiste fou mette fin à la vie de son ami.

Un artiste fou dont jusque-là il ignorait totalement l’identité, de toute manière cela ne l’intéressait pas, à ses yeux l’identité et la vie de ce monstre lui importait peu car désormais il en faisait une affaire personnelle.

Il poussa alors les grandes portes du hangar qui lui faisaient face et entra. Il fit quelques pas quand tout à coup les grandes portes se refermèrent dans son dos. Il se retrouva dans l’obscurité totale, il était piégé. Alors que tout espoir semblait perdu, des ampoules s’allumèrent.

M. Piccart aperçut alors l’intérieur du hangar. Des morceaux de ferrailles rouillées jonchaient le sol et diverses armatures métalliques tordues composaient le plafond de l’entrepôt abandonné, alors il vit un homme s’avancer dans l’ombre, il ne pouvait pas voir son visage mais il savait très bien qui c’était...

- Me voici, Rictus, comme tu l’avais demandé, je suis seul. Maintenant dis-moi où est Joseph.

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- Je ne suis pas sûr que tu souhaites connaître la réponse...M. Piccart sortit le revolver de sa ceinture et le pointa sur l’homme.- Répondez sérieusement, ma patience a des limites…- Comme tu voudras.L’homme sortit alors de l’ombre. C’était un homme de couleur

d’une taille impressionnante, il adressa à l’inspecteur un sourire morbide et glacial.

- Joseph… non c’est impossible !- Et pourtant c’est le cas depuis le début, c’est moi Achille... Je suis

Le Rictus !Joseph éclata d’un rire fou, tout en contemplant le désespoir de

M.Piccart. C’était impossible il n’y croyait pas…- Mais… Pourquoi Joseph ?- Pour la reconnaissance que je n’ai jamais eue Achille ! Pendant

toutes ces années, mon art n’a jamais su trouver sa place, j’étais comme invisible à leurs yeux, alors j’ai décidé de réagir, de les faire réagir ! J’ai ainsi pris la décision de sortir de l’ordinaire, les gens souhaitaient être surpris alors je les ai surpris. J’ai décidé de m’attaquer à tous ceux qui s’étaient opposés à mon art. Je me suis rendu une nuit au musée prétendant que je venais pour une enquête, j’ai attendu le bon moment et je les ai tous éliminés, un par un. Je n’avais juste qu’à imbiber mon chiffon d’éther et le tour était joué, alors j’ai décidé de signer mon œuvre comme le font les grands artistes de ce monde. Après cela, je me devais d’attirer ton attention, j’ai donc eu l’idée de te laisser un indice : une lettre, écrite avec le sang de mon œuvre et qui t’était destinée personnellement comme tu as pu le remarquer. J’ai d’ailleurs essayé dès le départ de t’orienter sur une piste en scellant l’enveloppe par le sceau de la police de Paris.

À partir de ce moment j’espérais que tu parviendrais à percer le secret de la lettre mais tu as préféré la laisser à des experts incapables, je t’ai vu passer des nuits entières à essayer de percer le secret de la lettre mais tu m’as obligé à changer mon plan. C’est là que le lieutenant entre en jeu car au départ je ne pensais pas devoir m’en prendre à lui jusqu’à ce que je réalise qu’il était une cible de choix pour attirer ton attention. Je l’ai donc suivi discrètement alors qu’il rentrait chez lui, puis je l’ai tué lui aussi, comme les autres, sans oublier de laisser ma signature ainsi qu’une deuxième lettre à ton attention. Mais rien n’y faisait : consumé par ta haine, tu n’arrivais plus à user de réflexion pour résoudre l’énigme dans

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la première lettre «L’oiseau vole tout près, dans l’attente de sa proie, et quand le moment se fera venir, il ouvrira alors sa gueule béante et fondra sur son ennemi.». Cela t’aurait permis de sauver le lieutenant assassiné dans la rue du Goéland... Et où trouve-t-on des goélands à Paris, Achille ? Tu aurais aussi pu te donner la peine de compter le nombre de lignes dans la seconde lettre... ce qui t’aurait mené ici avant que je ne t’y force par le biais d’une troisième et dernière lettre… Mais l’essentiel est que tu sois là pour le dernier acte de mon œuvre.

- Tu es complètement fou...- Ce n’est pas moi qui suis fou mais l’art ! C’est l’art qui m’a obligé

à commettre ces crimes sans lesquels je serais encore méconnu de tous. Maintenant tout est arrangé, car tout le monde se souviendra de mon nom Achille, ils se souviendront tous du Rictus !

- Personne ne se souviendra de toi si tu venais à disparaître…M. Piccart continuait de pointer son arme en direction de Joseph,

le doigt sur la gâchette.- Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu comptes faire Achille ?- Je suis désolé Joseph mais je ne peux pas te laisser t’en tirer en

beauté…- Alors tu veux me faire subir le même sort que celui que tu as

réservé au criminel de ta dernière enquête ? Tu comptes m’abattre comme un chien, me vider le chargeur de ton revolver dans le crâne ? Tu sais très bien qu’un nouveau dérapage te conduirait au trou jusqu’à la fin de tes jours, ils te l’ont dit Achille : tu n’auras pas droit à une seconde chance…

- Pardonne-moi mais tu ne me laisses pas le choix...

IX – Le Bon Choix ?

Paris, Quais de Seine, 7 janvier 1933

L’inspecteur rattacha solidement la corde à une grosse pierre qu’il avait trouvée sur les quais, puis la jeta dans la Seine. Achille sortit une cigarette de sa poche et l’alluma tout en contemplant les berges. C’était enfin fini comme il le souhaitait, Le Rictus n’était plus personne et il était le seul à connaître son identité.

Ainsi dans les mois qui suivirent, l’affaire fut abandonnée faute d’indices. Joseph était porté disparu. Quant à l’inspecteur Achille Picard, il continua sa vie en se répétant qu’il avait fait le bon choix...

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Quand la mort danseLycée Vaclav Havel - Bègles - 2nde 5

«Bienvenue sur WIT FM, il est 8 h 40. Voici votre flash info : Ce mardi 1er novembre, de nombreuses personnes se sont regroupées devant l’Opéra de Bordeaux pour contempler une toile un peu particulière. Nous retrouvons sur place notre envoyée spéciale Anne-Pascale Lemay.

- Oui, bonjour David, je me trouve actuellement devant l’Opéra de Bordeaux où nous pouvons voir une toile tendue sur la façade du bâtiment. Celle-ci représente le danseur ensanglanté du ballet Roméo et Juliette. La même question est sur toutes les lèvres : Est-ce une affiche publicitaire, et si c’est le cas, qui a commandité cette opération marketing ?

- Merci Anne-Pascale, nous vous retrouverons plus tard pour de plus amples détails.»

Au même moment, Jean Dubois, directeur de l’Opéra de Bordeaux téléphona à son ami le commandant Dupond. Son inquiétude était grande : non seulement aucune opération publicitaire n’avait été commandée pour ce ballet, mais de surcroît, il craignait que la réaction offusquée des nombreux passants devant la violence de la photographie ne porte préjudice au ballet qui devait se donner en première dans quelques jours. Il n’avait pas besoin d’une mauvaise presse ! Il avait déjà pris beaucoup de risques dans la distribution des rôles et dans la chorégraphie, pour se dispenser des commentaires acides de la bourgeoisie bien-pensante bordelaise. Sa réélection au poste de directeur de la danse aurait lieu dans quelques semaines et il se savait sur un siège éjectable. Trop d’audace, trop de modernité, pas assez de respect pour le répertoire classique… Les critiques ne manquaient pas, il n’avait vraiment pas besoin de cela ! Dubois avait décidé de faire jouer ses contacts pour que son ami d’enfance prenne l’affaire en main.

Patrick Dupond, cigarette au bec et tête des mauvais jours, regardait d’un air maussade la pile des rapports qui faisait de son bureau une forteresse de papiers. La sonnerie du portable le fit tressaillir et son

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geste pour répondre fit s’écrouler la première tourelle de son château. C’est en grommelant qu’il décrocha ….

«Allô ?- Oui Patrick, c’est Jean. Il faudrait que tu m’aides.- Oui dis-moi ?- Une toile a été affichée sur la façade de l’Opéra. Tout le monde

pense que c’est une affiche publicitaire pour mon ballet Roméo et Juliette parce que c’est Titouan Londar, le danseur principal qui y est mis en scène.

- Et alors, c’est quoi le problème ?- Le problème, c’est que je n’ai rien commandé du tout ! Tu verrais

l’affiche, elle est choquante ! Il est allongé par terre comme un poisson mort !!

- Ok, je vais voir si je peux faire quelque chose et je te tiens au courant.»

Après avoir raccroché et écrasé son énième cigarette, Dupond décida aussitôt de partir sur place avec une équipe réduite. Tout était prétexte pour se défiler devant la pile de dossiers en attente sur son bureau… Il prit son véhicule et sortit du commissariat de Castéja, où il officiait depuis presque vingt ans.

Arrivé à destination, il resta figé une fraction de seconde devant cette image hors du commun en plein Bordeaux. Une gigantesque photographie recouvrait la façade de l’Opéra et représentait Titouan Londar, le célèbre danseur étoile et danseur principal du prochain ballet, Roméo et Juliette. Il gisait sur le sol dans une mare de sang, une dague dans le ventre. Un malaise l’envahit mais il se ressaisit et distribua les différentes taches à ses coéquipiers : mesurer la toile, relever tout ce qui pouvait être anormal et suspect dans les alentours, interroger les différents témoins. De nouveau seul, chacun vaquant à ses fonctions, il leva les yeux vers la façade majestueuse de ce bâtiment qui participait à la renommée architecturale et culturelle de sa ville. Il sut à ce moment précis que l’enquête était beaucoup plus importante qu’il ne l’avait pensé. Rien de précis pourtant, mais quelque chose le gênait dans la pose du jeune homme. Le relâchement de ses bras, le visage figé, comme sans vie, mimaient à la perfection la mort. Bien plus que le sang et la dague, c’est la fixité du regard sans vie du danseur qui l’inquiétait…

Avant même d’obtenir les renseignements glanés pas ses hommes, Dupond se saisit de son téléphone et composa de mémoire un numéro.

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«Jean, c’est Patrick. Dis-moi, ton gus là, celui qui joue Roméo, tu connais son adresse ? Ouais…, je note ouais. Bon je te tiens au courant, je vais passer jeter un œil.»

Sans plus d’explication, il raccrocha. Hors de question qu’il partage ses inquiétudes... Jean était déjà affolé à l’idée de voir sa chorégraphie mise en avant de si mauvais goût, et sa théorie du complot n’arrangeait pas les choses ! Dupond, bien que familier de Dubois avec qui il entretenait des rapports amicaux depuis les bancs du lycée Montaigne qu’ils avaient fréquentés tous deux, ne connaissait rien au milieu de la danse dans lequel évoluait son ami. Jamais il n’avait éprouvé la curiosité de découvrir les coulisses d’un spectacle ou même d’y assister. Entrechats et tutus n’étaient pas vraiment sa tasse de thé, il préférait grandement, la bière et les clameurs du stade lorsque Bègles-Bordeaux affrontait Brive ou Toulouse. Le Rugby c’était simple, carré, et viril. Rien de subjectif et d’intellectuel : tu cours, tu passes, tu percutes, tu marques. Simple, net.

Sans même s’en rendre compte, il était arrivé au coin de la galerie bordelaise, à deux pas de l’opéra. Un immeuble 19ème de quatre étages, bourgeois comme il se devait au centre-ville, se dressait en lieu et place de l’adresse donnée par Dubois. Oh ! Belle baraque ! Quartiers chics ! En voilà un qui n’était pas à plaindre ! Plissant les yeux, il chercha le nom de Titouan Londar sur l’interphone. La fumée de sa cigarette et le soleil du matin, rendait sa tâche difficile. Son doigt taché de nicotine s’enfonça sans ménagement… Rien. Après un ultime essai, Il renonça, il était quitte pour faire demi-tour. Deux fois dix minutes de marche dans la même journée !! C’était suffisant pour le mettre en rogne. De retour à son véhicule, il fit le point avec ses hommes.

«Alors, qu’est-ce qu’on a ?- Pas grand-chose, La toile est légère, elle a été fixée par des filins

aux statues qui surmontent les colonnes. L’accès au toit est assez facile, le plus dur est peut-être de ne pas se faire repérer à cause de l’éclairage public. Mais à mon avis, un mec tout seul peut faire ça. J’ai demandé de faire des recherches sur les boites de pub qui offrent ce genre de promotion, histoire de voir si quelqu’un a commandé une toile récemment. J’ai aussi demandé que les gars de la scientifique examine la toile quand on l’aura décrochée, avec du pot on aura peut-être des empreintes.

- Et toi Cathy, l’enquête de voisinage ?- Ben… Pas mieux. Personne n’a rien vu ni entendu ! Au Grand

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Hôtel, en face, tous dormaient déjà. Les SDF que j’ai interrogés, étaient trop saouls pour avoir vu quoi que ce soit. Même le petit bar du coin n’a rien donné.»

Voilà où en étaient Dupond et son équipe après deux heures d’enquête : aucune information qui puisse les faire avancer. Ils étaient au point mort.

«Bon, on se rentre, on fera pas mieux aujourd’hui. On attend les résultats du labo et on essaiera d’interroger le Titouan Londar demain. De toute façon, on ne sait pas encore de quoi il s’agit… Ce truc peut se dégonfler très vite. On fait un point demain en fin de matinée.»

Pendant qu’ils parlaient, la toile avait été décrochée par les services de la mairie et pliée soigneusement pour être apportée au labo. L’Opéra avait retrouvé son allure et tout semblait être rentré dans l’ordre. Les apparences étaient sauves et trompeuses…

Le lendemain, avant la réunion de débriefing de douze heures, Dupond sirotait un café âcre en lisant en diagonale les titres de la presse. Aux pages locales, un titre lui sauta aux yeux.

Affaire à suivre donc...

C’est avec inquiétude qu’hier matin, les passants ont découvert la fameuse toile dite de «l’Opéra» et qui est le centre de toutes les discussions de ces dernières 24 heures. Cette représentation d’un danseur visiblement mort a suffi pour choquer l’ensemble de la ville. On y voit Titouan Londard gisant dans une mare de sang. Serait-ce une opération marketing de mauvais goût de la part de J.Dubois ? N’aurait-il pas agi en oubliant ses responsabilités ? C’est ce qui se murmure… Nous

avons donc tenus à recueillir son témoignage:«Je n’ai jamais commandé une quelconque campagne de promotion pour mon ballet. Je trouve cela choquant d’utiliser mon spectacle à des fins mercantiles. C’est de très mauvais goût et inutilement provocateur. On n’aurait pas agi autrement si on avait voulu me déstabiliser et me discréditer ! Nous sommes à quelques semaines de l’élection au poste de directeur de la danse… et je suis candidat à ma propre succession…»

QUI VEUT «TUER» JEAN DUBOIS ?

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Son café fumait encore lorsque son téléphone bourdonna comme une grosse mouche en colère.

«Patrick ? C’est Jean.- Oui ? Du nouveau ?- Titouan n’était pas à la répétition de onze heures, j’ai dû le faire

remplacer…. Ce n’est pas dans ses habitudes et il ne répond pas non plus au téléphone…

- Ça devient inquiétant cette histoire, je suis allé chez Titouan hier après-midi et il n’y avait personne

- Peut-être que tu pourrais interroger les danseurs et recueillir plus d’informations, la générale se fait ce soir….

- OK je vais faire un saut, je te laisse, j’ai une réunion avec mes gars dans cinq minutes.»

Les hommes de la brigade étaient rassemblés dans la pièce, la réunion commença. Le commandant fit un point rapide sur la situation à ses collègues.

«Bon, cela fait maintenant plus de 24h que l’on est sans nouvelle de … Titouan machin chose là, le danseur de Dubois. Personne à son domicile, injoignable et Dubois m’a informé que cette après-midi, il a manqué sa répétition alors qu’ils sont à quelques jours du spectacle. Bref, c’est inquiétant. J’aime autant vous dire que sa disparition probable fait tache ! Le proc ouvre officiellement une enquête pour disparition. La presse va rappliquer très vite, ce type est populaire et médiatique. On va pas tarder à devoir répondre à tous les journaleux du coin alors on s’organise : Thierry, tu cherches les amis, la famille et tu enquêtes. Cathy, tu demandes à la scientifique de borner son portable et puis tu fais le tour des admissions hospitalières, on sait jamais… Vous me tenez au courant. Moi je vais prendre la température chez les danseurs de Dubois, histoire de voir s’il avait des casseroles… On fait le point en fin de journée, on mange Chez Aziz aux capus et on voit ce qu’on a.»

Les hommes se dispersèrent et Dupond resta seul. Il plaçait peu d’espoir en ces recherches, son instinct le poussait à redouter la mort du danseur.

Dans la soirée, Dupond se prépara à assister à la répétition. Il avait eu ses gars au téléphone. La journée d’investigation n’avait rien donné de probant : les amis et la famille n’avaient aucune nouvelle, les hôpitaux n’avaient rien donné non plus, quant au portable, il restait

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obstinément éteint depuis plus de deux jours. Chou blanc sur toute la ligne ! Au rythme de ses pensées moroses, Dupond était parvenu devant l’Opéra. Le bâtiment était grandiose, le hall s’étendait sur plusieurs mètres et un grand escalier de marbre surplombait l’entrée et donnait un grand charme à ce lieu du XVIIIème. En rentrant dans la grande salle de spectacle, il fut stupéfait de voir des hommes maquillés. Il prit place cependant au milieu des rangées, et posa une cigarette sur ses lèvres sachant bien qu’il ne pourrait pas l’allumer.

La répétition débuta. La première demi-heure fut la plus longue de sa vie. Mais comment pouvait-on aimer cet art ! C’était tellement superficiel ! C’était trop... trop féminin ! L’univers était trop coquet à son goût et tout était une question d’apparence. Faisant fi de sa morosité, son instinct de policier reprit le dessus. Il se mit à observer chaque danseur, chaque mouvement et chaque regard. Il se rendit compte que seule l’animosité régnait entre les danseurs et non l’esprit d’équipe qui était si important pour lui. Tous étaient là dans le même but : montrer qu’ils étaient les meilleurs et atteindre la perfection tant convoitée. Ensuite vint la fin de la séance et c’est un policier exténué qui se rendit en coulisse. Il repéra tout de suite le remplaçant qu’il interpella.

«Bonsoir Raphaël Vincent ? J’aurais quelques questions à vous poser au sujet de Titouan.

- Euh...oui…. mais ça peut pas attendre là, je voudrais m’étirer et prendre ma douche, et puis j’ai pas beaucoup de temps, faut que j’dorme.

- Écoutez, il s’agit pas de prendre le thé, il s’agit de votre ami Titouan qui a disparu ! Ça vous intéresse pas ou quoi !? On peut aller quelque part où on sera plus tranquille ?

- Bon d’accord, j’ai ma loge par là.»La conversation s’annonçait laborieuse et c’était un curieux tandem

qui déambula en silence dans les couloirs désormais silencieux du temple de la danse. Raphaël précédait le policier, les épaules en arrière, le port de tête hautain, la démarche souple et silencieuse. Derrière lui, Dupond suivait, le regard fixé sur ses chaussures, égrenant des miettes de tabac de ses doigts jaunis. Seule une volonté sourde réunissait ces hommes : atteindre la perfection du geste, du corps, rendre la parole inutile pour l’un, faire parler, chercher, trouver la vérité sordide pour l’autre. Raphaël pénétra dans une pièce exiguë où l’odeur de transpiration se disputait celle des cosmétiques et du camphre. Il s’enroula dans un vaste

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peignoir, s’assit sur une chaise et toisa le policier sans l’inviter à s’asseoir.«Alors, qu’est-ce que vous voulez ?- Depuis quand vous connaissez Titouan ?- Depuis le conservatoire, on a fait nos classes ensemble et on a

présenté le concours de l’opéra la même année.- Depuis quand êtes-vous danseur professionnel ?- Depuis 8 ans.- Et vous allez rester à Bordeaux ?- Si je peux passer étoile oui. J’ai de la famille ici et je préférerais

rester prés d’eux.- Étoile ? Qu’est-ce que c’est exactement ? Une promotion ? Une

meilleure paye ? - C’est la consécration, la reconnaissance des professionnels,

tout danseur veut devenir étoile, ceux qui vous disent le contraire sont des hypocrites….

- Et Titouan ? Il était étoile ?- Pourquoi était ? Il n’est pas mort que je sache ! Ouais, il est étoile.Une grimace déforma le visage du jeune danseur, un sourire

d’amertume qui trahissait combien cela lui était douloureux,- Qui nomme les étoiles ?- C’est Dubois avec l’accord des membres de direction.- C’est lui qui a nommé Titouan ?- Tu m’étonnes, il est pote avec son père, ils étaient tous les deux

danseurs à Garnier, Titouan c’est un fils du milieu, c’était couru d’avance que ce serait lui….

- Vous voulez dire que cette promotion n’était pas méritée ?- J’veux rien dire du tout, des gars comme Titouan, qui dansent

comme lui, y’en a dix par ballet ! Son atout à lui c’est pas son talent, c’est son père…..

- Et vous alors ? Aucune chance de devenir Étoile ?- Moi ? J’suis pas du milieu, personne pour me pistonner ! J’vais

vous dire, Titouan, il m’arrive pas à la cheville, et j’ai une occasion unique de leur montrer, alors vous comprendrez que je verse pas une larme ! Bon, ça suffit maintenant, j’suis fatigué.

- Une dernière question : qu’avez-vous fait hier ?- Vous m’soupçonnez ??? La bonne blague ! J’ai dormi, j’ai dansé,

j’ai mangé et puis j’ai dormi j’ai dansé…. Vous n’avez pas l’air de bien comprendre ce que c’est qu’un danseur ! »

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En se dirigeant vers le restaurant où il devait retrouver son équipe, Dupond se repassait en boucle les paroles du jeune homme. Quelle injustice pouvait représenter cette nomination en tant qu’étoile ? Titouan en était-il digne ? Dubois avait-il fait preuve de favoritisme ? Cela justifiait-il la disparition du jeune homme ? Les lumières de la façade d’Aziz mirent un terme à son questionnement, il poussa la porte, vaguement réconforté à l’idée d’avaler le couscous du maître de maison :

«Salut patron- Salut les gars, salut Cathy,C’est au milieu des bouchées fumantes et des graines de couscous

qu’ils firent le point.- Alors du neuf ?- Quelques trucs qu’il faudra vérifier mais qui peuvent déboucher…

Vous vous souvenez, j’avais fait une enquête auprès des grosses boites de com pour savoir si l’une d’entre elles avait commandé ce type de support et ben il y en a deux : la première bosse pour une ligne de vêtements espagnols, et utilise cette toile pour des affichages géants de leur mannequin vedette. La deuxième, fait du lobbying pour les grosses boites d’aéronautique. Rien à voir avec le monde de la danse, mais ces boites m’ont confirmé que l’achat de ce type de support ne se fait que par internet et sur commande exclusivement. J’ai donc contacté le fabricant en lui demandant la liste de ses clients pour les trente derniers jours, il doit me la faxer demain.

- Et le labo, les analyses ?- Rien, aucune empreinte.- Bon demain, on demande la fouille de l’opéra, on est forcément

passé à côté d’un truc. Cathy, je veux que tu me passes au peigne fin la bio de Raphaël Vincent, les amis, la famille, la carrière… Ce môme est hargneux au possible et pas du tout affecté par la disparition de Titouan, en plus il a tout à y gagner. Il faut creuser.»

Il faisait nuit noire quand Dupond s’effondra sur le fauteuil club usé de son salon, il avait une dernière chose à faire avant de tenter de trouver le sommeil pour quelques heures,

«Dubois, c’est Dupond, dis-moi, j’aimerais bien fouiner à l’opéra demain, histoire de voir si on n’est pas passé à côté de quelque chose, cela t’embête si je viens avec quelques hommes ?

La fumée de la cigarette, s’allongeait paresseusement vers le plafond, entourant le commandant d’un brouillard artificiel et mortifère.

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- Non, non je reste discret, tes danseurs seront sur scène, ils ne se rendront pas compte de grand-chose… Je compte sur ta discrétion. Oui, toi aussi, à demain.»

Longtemps après avoir raccroché, les yeux du commandant restèrent ouverts à fixer le vide devant lui.

Le lendemain Dupond, accompagné de quelques hommes, fouilla l’opéra au son de l’orchestre symphonique et des imprécations de Dubois sur ses danseurs. Ils s’étaient glissés discrètement dans les loges, avaient fouillé rapidement le foyer sans que cela ne donne quoi que ce soit. Ils étaient sur le point de renoncer quand la voix surexcitée et aiguë de Cathy retentit dans ses oreilles.

«Patrick, viens, on l’a trouvé !!! Il est au sous-sol, c’est là qu’on range les décors !»

Il la suivit, essoufflé par cette cavalcade improvisée, impatient et inquiet à la fois. Lorsqu’il pénétra dans cet espèce d’entrepôt, il fut frappé par la température fraîche de l’immense cave qui se situait sous la scène même. Il entendait, le son des pieds des danseurs qui frappaient et rebondissaient sur le plancher qui servait de plafond à ce lieu. Le corps de Raphaël Vincent gisait exactement de la même manière que sur la toile qui avait tout déclenché. Seule la teinte de son visage était plus blanche que dans son souvenir, les traits figés par la mort, le danseur semblait le fixer avec incompréhension.

«Le légiste est prévenu ?- Oui, il sera là dans quelques minutes…- On boucle le périmètre, on empêche les danseurs de quitter les

lieux dans l’immédiat.»Dupond put alors s’imprégner de la scène de crime, calmement

avec méthode avant de laisser la place aux membres de son groupe maintenant au grand complet. Les trois techniciens de l’identité judiciaire procédèrent aux relevés, à la prise de photographies et à la recherche de traces et d’indices. Manu Camps, le légiste arriva peu après sur les lieux. Petit, toujours souriant, sa joie de vivre tranchait avec le sordide des situations qu’il devait vivre au quotidien. Pour Dupond, il restait un mystère. Les flics compensaient souvent la tension de leur travail par l’adrénaline de la « chasse » et le sentiment de victoire quand une affaire était résolue. Manu, lui, semblait animé par un calme et un détachement que rien n’affectait. Il considérait avec bienveillance, les cadavres qui s’offraient à lui comme autant d’énigmes à résoudre, sans jamais manifester de colère ou de découragement.

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«Les lividités cadavériques sont toutes situées sur le côté, en raison de la position du corps en chien de fusil. Elles ne disparaissent pas à la pression des doigts.

- Ce qui fait remonter la mort à .. ?- Plus de vingt-quatre heures, ça c’est indiscutable. Mais la rigidité

cadavérique a complètement disparu.- Et .. ?- Ça rallonge l’intervalle entre la mort et la découverte d’une durée

comprise entre vingt-quatre et trente-six heures.- En clair, cela fait deux jours qu’il est là.- Oui en gros, je pourrai être plus précis après l’autopsie, il faut

aussi tenir compte de la température basse de cette pièce…- Tu peux faire vite ? J’ai un suspect au feu et je voudrais vérifier son

alibi tant que la mort n’est pas encore sur la place publique… Après tout va être beaucoup plus compliqué.

- Vous êtes toujours pressés… Je te tiens au courant dès que je peux te donner une fourchette d’heures.»

Dupond rejoignit ses gars, ils étaient dans la dernière ligne, il le sentait mais il fallait faire vite. Ses hommes allaient encore devoir faire une croix sur leur soirée en famille ou entre potes. Le corps évacué, il décida d’informer Dubois et l’ensemble des danseurs. Tant pis pour la répétition ! De toute façon, le calme et la discrétion du début de la fouille avaient cédé la place à une effervescence qui damait le pion au drame shakespearien qui se dansait au-dessus de sa tête. Puisque tous les danseurs étaient là, il prit le pari de les interroger sur leur emploi du temps en se basant sur les premières constatations de Manu. On verrait bien. Seul, le jeune Raphaël était dans sa ligne de mire, et lui, il se le réservait…

«Encore vous ! Avec la grosse artillerie cette fois…- Pouvez-vous me donner votre emploi du temps pour les dernières

quarante-huit heures ?- Comment ça mon emploi du temps ? Je sais pas moi… ce que

je peux vous dire c’est les répétitions auxquelles j’ai assistées. Quant à savoir ce que j’ai fait hier soir et avant hier, ben rien… Je suis rentré, j’ai regardé la télé et j’ai dormi.

- Rien que l’on puisse vérifier quoi ?- Vous croyez quoi ? Qu’on fait sa vie en pensant qu’on devra

répondre un jour de son emploi du temps devant un flic ?- Vous m’excusez un moment ?

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Le téléphone de Dupond vibrait au fond de sa poche.- Oui Laurent.- Les résultats sur l’achat de la toile viennent de tomber, on a

l’adresse IP de l’ordinateur et le numéro de la carte bleue qui a été utilisée. Elle est au nom d’un certain René Hiot, inconnu au bataillon, pas de casier. Qu’est-ce qu’on fait ?

- Aucun moyen de remonter jusqu’à l’ordi ?- Non, par contre si on l’a on peut savoir si c’est celui qui a été utilisé.- Ok, je te rappelle.Dupond oscillait entre l’excitation et l’abattement. Il prit une

profonde inspiration et retourna auprès de Raphaël Vincent.- Vous avez un ordinateur ?- Ben oui comme tout le monde.- Il est à votre domicile ?- Oui, où voulez-vous qu’il soit ?- Monsieur Vincent, vous allez me suivre jusqu’au commissariat,

où je vous notifierai votre mise en garde à vue pour le meurtre de Titouan Londar.

- Quoi ? Mais vous délirez, j’ai rien à voir avec sa disparition !!!- Vous ne pouvez justifier votre emploi du temps et vous êtes le seul

qui bénéficie de sa mort, nous allons donc prendre le temps d’éclaircir tout cela, suivez-moi je vous prie.»

Sous les yeux ébahis du corps de ballet et de Dubois, Vincent quitta l’opéra pour le commissariat de Castéja. Dupond sur le chemin, informa le proc des dernières avancées de l’enquête. Ils devaient faire vite : établir de façon certaine la culpabilité de Vincent où le relâcher sans avoir qui que ce soit d’autre à se mettre sous la dent ! Au poste, la tension était palpable, tous les membres du groupe, visages fatigués et tendus, s’activaient pour établir les preuves. Vincent et Cathy se chargèrent de la perquisition du domicile. Deux heures plus tard, un magnifique Mac trônait dans les services techniques pour analyse. La conclusion arriva comme un tonnerre : c’était bien l’ordinateur qui avait servi à l’achat de la toile !

Dans la salle des interrogatoires, Raphaêl Vincent accusait le coup, sa morgue avait disparu, sous ses traits enfantins se lisait pour la première fois, la peur.

«M. Vincent, nous sommes allés à votre domicile, votre ordinateur est celui qui a permis l’achat de la toile posée sur la façade de l’opéra et représentant Titouan mort.

Le danseur s’affaissa sur sa chaise, les larmes lui montèrent aux

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yeux. Dupond fut surpris de le voir affaibli si vite.- Je ne comprends pas… je n’ai rien acheté du tout….- Connaissez-vous un certain René Hiot ?Le visage du danseur blanchit encore.- Oui…. C’est mon père.- Votre père ?? Je ne comprends pas, vous ne portez pas le même

nom ?- J’ai toujours porté le nom de ma mère, mes parents n’étaient pas

mariés.- Où sont vos parents actuellement ?- Mais… Qu’est-ce qu’ils ont à voir avec ça ? Cela n’a pas de sens !!!- Je vous en prie, répondez à la question.- Ma mère est morte, il y a dix ans, j’étais encore au conservatoire.

C’était l’artiste de la famille. C’est elle qui m’a initié à la danse. Mon père doit être à son travail, il est chroniqueur à Sud-Ouest.»

Dupond interrompit l’interrogatoire, le temps de demander à ses hommes d’aller chercher ce René Hiot. Il n’y avait pas de coïncidence, le père avait utilisé sa carte pour acheter la toile. Restait à vérifier son alibi et comprendre son mobile. De retour dans la salle, il laissa passer quelques minutes dans le plus grand silence. Le jeune homme, bras ballants, attendait, le visage marqué. Il avait repris sa posture de danseur, menton droit, épaules baissées, port de tête orgueilleux. Les années de dressage de son corps avaient repris le dessus, son désarroi était encore visible mais son attitude transpirait l’orgueil et le refus de se laisser vaincre si facilement.

«M. Vincent, savez-vous pourquoi votre père a acheté cette toile ? Savez-vous s’il connaissait Titouan ?

- Bien sûr qu’il le connaissait, il a fait un article sur son dernier ballet et sur sa nomination d’étoile ! Mon père est en charge de l’actualité culturelle !!! Mais il n’a aucune raison de faire du mal à Titouan !!

- Mais c’est bien sa disparition qui vous a permis d’être le danseur principal de ce ballet, c’est une grosse opportunité pour vous…»

Lorsque la nuit tomba sur Bordeaux, René Hiot avait été arrêté et avait reconnu sa culpabilité. Son fils était son « étoile », celui que l’on devait admirer pour son talent, celui qui avait pris sa revanche et sans doute rendu hommage à sa mère. Dupond se retourna vers la façade de l’opéra dont il sortait. Son entrevue avec Dubois ne l’avait guère éclairé, il ne comprenait toujours pas que l’on puisse tuer au nom

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de l’art. Le bâtiment respirait la tranquillité, tout y était harmonieux et serein. Comment de telles beautés pouvaient-elles cacher tant de noirceur humaine ?

«Il faut avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse»,Nietzsche.

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Découpe, des coups, des clins d’oeilLycée Philadelphe De Gerde - Pessac

Petit village de 4000 âmes, bordé par la forêt des Landes, Belin-Beliet avait la particularité de posséder deux églises nées de la réunification de Belin et de Beliet.

En cet hiver glacial de l’année 2015, le village laissait entendre le raclement des feuilles mortes sur les routes désertiques.

Malgré le froid, le capitaine de Gendarmerie Carole Lavardin, jeune et grande femme rousse, athlétique et souriante, terminait son footing. Elle avait l’habitude de partir de la gendarmerie, passait devant le gymnase d’un triste beige, de longer le stade de foot pour entrer dans la sombre forêt de chênes. En arrivant derrière l’église de Beliet, le souffle court, elle se rinça le visage à la fontaine sise devant celle-ci.

Une boîte étonnamment façonnée attira son attention. Elle la saisit dans sa main et curieuse, elle décida de l’ouvrir. Stupéfaite, elle resta bouche bée. Une main découpée grossièrement reposait sur son dos et la paume ouverte était mouchetée de taches noires qu’un examen plus approfondi identifia comme étant des fourmis.

Elle reposa délicatement la boîte à sa place initiale et prit son portable pour appeler son supérieur.

De son côté, le Commandant de Police Jacques Lafontaine profitait de sa journée de repos pour savourer un cigare de bon matin tout en buvant un café noir, serré. Il écoutait un album de Nick Cave, les «Murder Ballads». Il pensait à son ex-femme avec tristesse ne lâchant pas du regard des photographies de celle-ci décédée et dont les traits du visage qu’il avait tant aimé, s’effaçaient inexorablement avec le temps. Soudain, un appel téléphonique le sortit de ses pensées lugubres :

- Vous êtes attendu devant l’église de Belin-Beliet. C’est un meurtre... Seule, la main a été retrouvée,... vous allez aider Carole Lavardin sur cette enquête. C’était son supérieur qui venait de troubler sa tranquillité.

Avec un soupir désabusé, Jacques Lafontaine écrasa son cigare dans la tasse de café et se passa de l’eau sur le visage afin de faire disparaître les traces de fatigue de la veille. Il jeta un coup d’œil dans le miroir,

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rajusta son nœud de cravate proche de la perfection. Ses yeux étaient cernés et ses cheveux un peu longs commençaient à grisonner.

Attrapant ses clés de voiture, sa vieille DB5, il prit la route sans précipitation ni conviction... Néanmoins, durant le trajet, il ne put s’empêcher de se demander à qui appartenait cette main.

- Commandant Lafontaine. Enchanté de faire votre connaissance, commença le Commandant.

- Capitaine Lavardin, de même, répliqua Carole. C’est moi qui ai découvert la main. Venez voir, c’est la gauche, celle d’un homme d’une trentaine d’années. D’après le légiste, cette main a été coupée ante mortem. L’absence de sang sur les lieux indique que le meurtre a été perpétré ailleurs.

- Y a-t-il d’autres indices ?- Oui, la main a été découverte dans une boîte bleutée avec des

ornements en métal doré. Elle semble rare d’autant qu’il y a des inscriptions en grec dessus.

- A-t-on une idée de l’identité de la victime?- Une disparition a été signalée, c’est celle de Francis Maigret, un

brocanteur du village ayant eu son heure de gloire après avoir trouvé un cèpe de plusieurs kilogrammes.

- Allons donc chez notre star locale, répliqua vivement Jacques Lafontaine. Connaissez- vous la route ?

- Oui, je vous emmène.Jacques Lafontaine et Carole Lavardin prirent la route sinueuse,

pleine d’ornières et arrivèrent jusqu’au domicile de Francis Maigret situé à quelques centaines de mètres de la fontaine, à l’orée du village.

Sa maison, qui faisait aussi office de boutique, se présentait sous la forme d’une vieille bâtisse landaise avec ses antiques poutres en bois apparentes. Le jardin était rempli d’un bric-à-brac d’objets hétéroclites.

Ils frappèrent à la porte. La maison semblait inhabitée. Carole Lavardin jeta un œil à travers la vitre de la fenêtre et vit des traces de lutte. Ils décidèrent de s’introduire après avoir sorti leur Sig Sauer. La porte s’ouvrit sans problème, elle n’était pas verrouillée. Ils pénétrèrent précautionneusement dans le vestibule, sombre, poussiéreux. Une odeur nauséabonde avait envahi la demeure et leur retourna l’estomac. Ils entrèrent dans le salon désordonné qui montrait que l’empoignade avait dû être rude. Ils enjambèrent des cartons éventrés, des statues cassées, des vases émiettés, des lampes brisées... L’odeur se faisait de plus en plus forte et le regard de Carole fut attiré par un pied déchaussé. Elle adressa

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un signe au Commandant Lafontaine, ils s’approchèrent, contournèrent le canapé, puis découvrirent un corps sans vie baignant dans une mare de sang.

Francis Maigret était mort. Son corps tuméfié montrait qu’il s’était défendu, mais qu’il avait aussi reçu de nombreux coups de couteau. L’absence de sa main gauche coïncidait avec la découverte morbide de la matinée. Le Commandant Lafontaine sortit pour demander au médecin légiste et aux experts de la police scientifique d’Enzo Ratio de les rejoindre sur les lieux.

- Cette affaire s’annonce difficile, dit Carole. Je vous laisse vous occuper du corps pendant que je vais mener une enquête de voisinage. Je vous retrouve en fin de journée au commissariat.

- Je suis d’accord, acquiesça Jacques Lafontaine qui trouvait sa collègue de gendarmerie compétente. Après tout, elle n’avait pas flanché sur la scène de ce crime particulièrement odieux.

En fin de journée, les deux enquêteurs se retrouvèrent à Bordeaux. La nuit était tombée, froide. Il était déjà 22 heures.

Carole Lavardin entra dans le bureau du Commandant Lafontaine. Tout était ordonné, aucun objet, aucune trace de la personnalité du policier. L’atmosphère était pesante.

- L’enquête de voisinage n’a rien donné, excepté le voisin de droite qui a cru entendre du bruit la nuit dernière. Le couple d’en face est rentré tard d’une soirée et a vu stationner une Renault Mégane rouge. Et de votre côté ?

- La maison a été passée au peigne fin: aucun indice, aucune trace, hormis celles de la victime. Celle-ci sera autopsiée à la morgue dans la journée de demain. Nous aurons le rapport dans la foulée. Dehors, dans le jardin, on a découvert des empreintes de chaussures pointure 44, a priori de la marque Palladium.

- Avez-vous eu le temps de fouiller dans le passé de la victime ?- Notre homme s’appelait Francis Maigret, il était âgé de 32 ans et

menait une vie de célibataire endurci, il était peu sociable. Il avait repris la boutique de brocante de son père à la mort de ce dernier, il y a sept ans. Il arrivait à peine à payer son loyer. Malgré sa vie peu trépidante, ses seules occupations étaient la chasse et la cueillette des champignons. C’est à cette occasion que le journal «Sud-Ouest» a fait un article sur lui, après qu’il ait découvert, un cèpe de 3,2 kilogrammes.

- Des indices concernant la boîte retrouvée près de la fontaine ?- Nos scientifiques n’ont pas fini de l’examiner, mais d’après eux,

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les inscriptions renvoient au mythe de la boîte de Pandore. Demain, j’irai interroger le professeur Corentin Chebois à ce sujet, c’est un spécialiste en mythologie, il pourra nous être utile.

- Pour ma part, j’irai rencontrer la journaliste Jeanne Poirot pour lui demander son sentiment sur la victime. C’est une amie de longue date. Je continuerai à fouiller dans le passé de Maigret. J’ai du mal à comprendre les raisons de ce crime. Ce type semblait sans histoire.

- Oui et la brutalité de ce meurtre ne laisse rien présager de bon...Le lendemain matin sous une lumière blafarde, le Commandant

Lafontaine se rendit à l’université afin de rencontrer le professeur Chebois. Ce dernier était un vieux monsieur d’une soixantaine d’années, ventripotent, aux cheveux poivre et sel. Il était vêtu d’un pantalon de toile beige et d’un pull bleu marine. Corentin Chebois lui serra la main avec chaleur.

- Votre coup de téléphone m’a intrigué, dit-il d’une voix rauque. J’ai commencé à faire des recherches sur les inscriptions de la boîte, suite à votre mail. Manifestement, elle renvoie au mythe de la boîte de Pandore. Celle-ci a été fabriquée par Zeus et confiée à Pandore qui ne devait pas l’ouvrir. Curieuse comme toutes les femmes, elle a désobéi et elle a libéré son contenu. Cela a provoqué un désastre parmi les hommes puisqu’elle contenait tous les maux de l’humanité comme le vice, l’envie, la famine, la guerre...

- Aucun lien apparent avec une main coupée dans ce récit ?Avant que l’éminent spécialiste ne puisse répondre, un jeune

homme fit irruption dans le bureau :- Monsieur Chebois, excusez-moi de vous déranger mais je vous

apporte en retard mon analyse du Chien Andalou. Veuillez encore m’excuser pour ce retard ...

- Un Chien Andalou ? ! s’exclama le professeur.Un silence s’installa, le jeune homme semblait interloqué et

gêné d’avoir interrompu sans le vouloir la conversation entre le Commandant et le professeur. Il comprit néanmoins que l’instant était important voire solennel, que les deux hommes muettement pensaient à une seule et même chose.

A ce moment-là, le Commandant intervint :- Mais bien sûr ! Le Chien Andalou ! Tout est lié, la boîte de

Pandore, la main, les fourmis ! Nous avons affaire à un fan de ce film ! Du moins, le meurtrier semble s’être inspiré de ce vieux court métrage pour sa mise en scène.

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Il remercia le professeur et son étudiant puis retourna au commissariat avec l’espoir que le Capitaine Lavardin ait également avancé sur l’enquête.

Celle-ci au même moment garait sa voiture de fonction Quai de Queyries devant les bureaux de Sud-Ouest. Elle avait rendez-vous avec Jeanne Poirot, une amie d’enfance avec qui elle avait gardé le contact. Elle poussa la porte vitrée et elle fût rapidement accueillie par une des secrétaires de l’agence. Celle-ci lui fournit un badge en l’informant de la salle où elle pourrait trouver Jeanne. Elle traversa les bureaux de la rédaction. Le sol était recouvert d’une épaisse moquette prune qui étouffait ses pas. Elle remarqua un bureau à la porte ouverte et passa la tête. Son regard fut d’emblée attiré par une reproduction qui ne lui était pas inconnue, c’était un Dali, «Femme à tête de rose». Un homme était absorbé dans son travail, il était de taille et de corpulence moyenne. Il n’avait pas ôté son long manteau vert kaki de ses épaules. Sur son bureau, une petite plaquette indiquait qu’il s’appelle Gilles Calvizi :

- Vous désirez ? demanda-t-il, tout en continuant à travailler.- Bonjour, je cherche madame Poirot, vous savez où je peux la trouver ?- Le bureau d’en face, répond négligemment le journaliste.Carole Lavardin se retourna et alla frapper à la porte indiquée par

Gilles Calvizi.Jeanne Poirot l’accueillit chaleureusement. Elle était petite, brune

avec des cheveux gras à faire frémir Franck Provost, et portait une chemise à carreaux rouge et noir.

- Bonjour Jeanne ! Comment vas-tu ? Désolée de te déranger en plein travail mais cela concerne l’enquête sur la mort de Francis Maigret.

- Effectivement je l’ai rencontré il y a trois semaines de cela, répondit Jeanne.

- Comment semblait-il ? Avait-il l’air inquiet ?- Non... plutôt indifférent à tout, il semblait juste ravi d’avoir son

heure de gloire, c’était une fierté pour lui. Son existence était si morne.- A-t-il évoqué quelque chose en particulier... sur sa vie, ses

occupations ?- Non. En revanche il m’a dit qu’il aimait beaucoup se promener,

seul, dans la campagne, notamment aux alentours de la Chapelle de Mons.

Dépitée du peu de renseignements récoltés, Carole Lavardin prit congé de son amie avec la promesse de la revoir vite autour d’un verre.

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Elle se dit également qu’une promenade en forêt pouvait être utile. L’assassin avait peut-être épié sa victime ? Laissé des traces ?

Dans l’après-midi, le Capitaine Lavardin et le Commandant Lafontaine, après s’être tenus au courant de leurs investigations de la matinée, se rendirent sur les lieux où la victime aimait prendre l’air. Le sentier était longé d’un ruisseau étique et tortueux. Les arbres ne laissaient passer aucun rayon de soleil. La température hivernale et l’humidité donnaient l’impression d’être dans un espace clos. Ils approchèrent à grands pas de la petite chapelle avec une certaine appréhension. L’atmosphère était inquiétante. Ils poussèrent la porte en bois. Les murs étaient ornés d’inscriptions gravées dans la pierre. À l’intérieur, il faisait encore plus froid et le petit autel semblait abandonné. Sur celui-ci, une boîte bleutée attira leur attention car elle était en tout point semblable à celle retrouvée la veille. Le Commandant Lafontaine l’ouvrit avec prudence. À l’intérieur, un œil montrait qu’il y avait un lien avec la victime de la veille et le film de Buñuel.

Tout à coup, le Commandant Lafontaine se retourna. Un jeune homme à la peau noire, vêtu d’un survêtement noir, la capuche rabattue sur le visage, les observait. Se voyant repéré, il se mit à courir mais maladroit, s’entrava dans une racine et s’étala de tout son long. Rapidement, Lafontaine se jeta sur lui et le menotta.

- Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ?- Ne me faites pas de mal, implora le jeune homme, je m’appelle

Titouan Goisse, je suis ici par hasard, j’ai vu un homme étrange rôder autour de la chapelle il y a plus d’une heure et y poser une boîte. Je l’ai suivi car il m’intriguait.

- Comment était cet homme ?- J’ai cru distinguer un long manteau vert et de sa ceinture dépasser

une arme, j’ai eu peur et je me suis caché, vous êtes arrivés peu après, je ne savais pas qui vous étiez.

Les deux policiers se regardèrent longuement. Manifestement, le meurtrier avait fait une nouvelle victime qu’il allait falloir identifier et il continuait à semer des indices macabres. Le jeu de pistes devait cesser rapidement sinon la population allait prendre peur.

Le capitaine Lavardin prit son téléphone. De nouveau, le légiste et les experts allaient devoir se déplacer pour collecter des indices. De son côté, le Commandant lançait un appel pour savoir si d’autres disparitions avaient été signalées ou du moins des incidents sortant de l’ordinaire.

- Commandant Lafontaine ! Veuillez faire des recherches sur des

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affaires de mutilations. Profitez-en pour jeter un œil sur les rapports de décès par mort violente.

- Jeter un œil est bien de circonstance...Le lendemain, la matinée s’annonçait brumeuse malgré un rayon

de soleil hâve. Le commandant Lafontaine et le capitaine Lavardin se retrouvèrent au commissariat central. Ils se rendirent dans la salle des archives, accueillis par un technicien scientifique : Hugo Palmier. Ce dernier, de grande taille avait la caractéristique d’avoir une voix forte, tonitruante que n’arrangeait pas un flot ininterrompu de paroles à contretemps qu’il assénait avec une conviction sans faille derrière ses lunettes à double foyer. Ils lui demandèrent de taper les mots clefs suivants : Mutilation - Énucléation - Amputation. L’ordinateur livra 12 réponses pour la France entière. Ils décidèrent de se répartir les dossiers et de les étudier en détail.

Hugo Palmier leur imprima chaque affaire et ils se mirent au travail. Pendant un long moment, les deux enquêteurs donnèrent leur maximum. Ils étaient concentrés et ils travaillaient sérieusement, minutieusement, en buvant des cafés dans des gobelets en plastique dont la fonction n’est pas seulement de conserver le café mais aussi de brûler les doigts.

Brusquement, un hoquet de surprise leur fit lever la tête de leurs documents. Le capitaine Lavardin venait de s’apercevoir qu’un indice révélateur était présent dans l’une des procédures.

Dans le Var, une femme, Madame Troquet avait été retrouvée la gorge tranchée par une lame apparentée à un rasoir droit, communément appelée coupe-chou. Elle était allongée sous un grenadier. Elle avait été aussi énuclée et l’œil droit n’avait pas été retrouvé.

En examinant les photographies de la victime, ils remarquèrent que l’œil gauche était de la même couleur que celui retrouvé la veille. Il était vert tacheté d’or.

- J’ai peut-être une piste...- Il nous faut la confirmation du laboratoire.Dans l’après-midi, le commandant Lafontaine avait eu au téléphone

le médecin légiste responsable de l’autopsie de madame Troquet. Le meurtre de celle-ci avait eu lieu sept jours auparavant. La victime avait remporté une course amateur de vélos reliant Bordeaux à Nice, elle était première de sa catégorie vétéran. Des articles dans le journal «Sud-Ouest» mais aussi dans «Nice matin» avaient été écrits sur elle mais elle avait été assassinée avant même de pouvoir profiter pleinement de son triomphe.

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La victime avait tenté de se défendre en vain, des résidus de peau sous ses ongles avaient été trouvés. Manifestement, c’était l’ADN du meurtrier, ce dernier n’était cependant pas répertorié dans la base de données.

- Je crois que c’est le même meurtrier pour nos deux affaires, dit Lafontaine.

- Il faut peut-être comparer les deux enquêtes pour trouver des similitudes.

- Nos deux victimes n’ont pourtant aucun point commun : elles ne sont pas du même sexe et n’habitent pas au même endroit.

- Oui mais elles ont été toutes les deux sauvagement assassinées, brutalisées, mutilées par un meurtrier sanguinaire et sans pitié. Ce n’est pas anodin, c’est forcément un homme avec des antécédents psychologiques ou du moins de violence.

- Je vais vérifier dans les données des hôpitaux de la région.- Un œil tranché, une main coupée, un grenadier, des boîtes, des

mouches, nous savons que ce meurtrier s’inspire du film de Buñuel. Ce film a été controversé à sa sortie. Le public n’a pas compris l’histoire écrite par Dali...

- Dali ! J’ai vu un tableau de lui il y a peu de temps, mais où... ? Ah oui ! C’était hier dans les locaux de Sud-Ouest lors de ma visite à Jeanne Poirot.

- Et d’ailleurs nos deux victimes ont eu leur instant de gloire dans ce journal local... C’est un détail troublant.

- Peut-être serait-il judicieux de vérifier si notre meurtrier n’a pas un lien avec ce journal. Lavardin et Lafontaine se sentaient envahis par une émotion. Ils avaient l’impression d’avoir fait un grand pas dans la résolution de leur enquête. Ils prirent des renseignements sur le personnel travaillant pour le quotidien. Nul doute que l’assassin était un membre, au pire un proche du journal et qu’il avait un lien avec les événements troubles qui venaient de perturber Belin-Beliet et ses environs. Un nom se distingua, un homme au passé psychiatrique compliqué.

Ils décidèrent tous deux de demander la permission de perquisitionner le bureau et le domicile du journaliste Gilles Calvizi.

Accompagnés de la spécialiste en informatique Mme Deupize, les enquêteurs fouillèrent le bureau de Calvizi. Au bout d’une heure de recherches actives mais infructueuses, l’informaticienne finit par découvrir un étrange dossier daté.

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Sirène hurlante, dépassant les limites de vitesse autorisées, Lavardin et Lafontaine étaient fébriles. Ils se rendaient à l’adresse du meurtrier présumé. L’ordinateur avait craché un nom et une adresse non loin de la place de la Bourse à Bordeaux. Dans le rétroviseur, on pouvait voir la voiture de soutien. Ils s’arrêtèrent devant le domicile de celui qui serait sans doute surnommé par la presse toujours friande de sensations «le découpeur».

Ils sécurisèrent la rue. Ils pénétrèrent dans l’immeuble avec deux jeunes policiers de la BAC : les lieutenants Mesko et Hatchitcho, prêts à entrer les premiers. Ils frappèrent fermement à la porte en criant «Police ! Ouvrez !».

Après quelques longues secondes, ils décidèrent de pénétrer de force, tout en faisant attention car le meurtrier possédait sûrement une arme. Le lieutenant Mesko entra le premier suivi de Hatchitcho. L’appartement semblait vide et d’une propreté obsessionnelle. Le couloir aux murs blancs immaculés était décoré de gravures méticuleusement alignées de Dali. Un rai de lumière éclairait partiellement ce corridor. Ils ouvrirent la porte d’un coup de pied, l’arme au poing. Assis dans un fauteuil club, le suspect était là, calme et impassible. Il semblait attendre sans surprise son interpellation. Il se laissa facilement menotter par le lieutenant Mesko et emmener pour être interrogé. Lavardin et Lafontaine commencèrent leur deuxième perquisition de la journée. Les recherches étaient stériles mais ils ne voulaient pas se décourager trop vite. Dans le salon, au milieu des œuvres de Dali, un tableau attira alors l’attention de Lafontaine. Ce tableau semblait incongru, déplacé car il était de Vermeer. C’était une reproduction de «La Liseuse». S’approchant, le Commandant le décrocha pour un examen plus méticuleux et le retourna. Il découvrit une clé USB scotchée derrière le cadre. Elle recelait un fichier appelé «Voyage à Figueras». Le mobile des meurtres allait sans nul doute être découvert.

Dans une ambiance pesante, Lavardin et Lafontaine faisaient face à Gilles Calvizi assisté de son avocat, Maître Pierre-Marie Guydon ténor du barreau bordelais. Le suspect semblait paisible et serein. Il avait un sourire presque goguenard se délectant manifestement de la situation. Pourtant, il avait l’air banal, avec son physique de monsieur tout-le-monde et sa calvitie naissante.

- Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes assis ici, commença Lafontaine.

Gilles Calvizi le regardait dans les yeux avec un grand sourire. Il ne semblait pas disposé à répondre.

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- Vous êtes soupçonné du meurtre de deux personnes, continua Lavardin.

Le silence prit place à nouveau.- Pour quelle raison avez-vous commis ces meurtres ?- Nous avons découvert dans votre ordinateur au journal des articles

décrivant précisément les meurtres... avant la date de leur exécution.- Chez vous, une clef cachée contenait des photos des victimes.- Pourquoi Dali ? Pourquoi ces mutilations ?- Pourquoi avoir choisi ces victimes ?- Est-ce votre fascination pour Dali qui vous a conduit à faire du

meurtre une œuvre d’art ?Lavardin et Lafontaine enchaînaient les questions rapidement mais

Calvizi continuait à les ignorer avec son sourire narquois et son regard amusé. Les policiers se firent un signe et se levèrent pour quitter la salle. Depuis trois heures que le suspect avait été placé en garde à vue, il n’avait pas prononcé un seul mot, muré dans son silence, seul un rictus méprisant se lisait sur son visage. Au moment d’ouvrir la porte, une voix inquiétante de douceur interrompit le frottement de la porte sur le linoléum. Les policiers stoppèrent leur geste, surpris :

- Ce n’est pas parce que je ne joue plus que la partie s’arrête. À chaque Dali, sa Gala...

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Le crime au tableauLycée Henri Brulle - Libourne - 2 Bac Pro AF

IEn 1566, dans une ruelle sombre, des passants ont découvert le

corps d’un homme. Un homme vêtu tel un noble était étendu au sol : il ne bougeait pas. Les villageois, inquiets et terrifiés, coururent vers des brigadiers ; ils se précipitèrent vers le corps de l’homme pour voir s’il était mort. Voyant les blessures sur son corps, ils comprirent que ce n’était pas une légère bagarre, que cet homme avait dû être roué de coups. Une enquête criminelle fut donc ouverte. Dans ces vêtements, ils découvrirent une veille clef, puis ils commencèrent à examiner le corps de l’homme. Ils virent que ses blessures, au niveau du buste, avait été causées par un couteau. Elles étaient profondes, nettes et étaient responsables, sans doute, de la mort de l’homme. Celles des membres étaient plus légères ; elles montraient qu’il s’était débattu.

Cet homme ne leur était pas inconnu. Depuis tout jeune, il volait, avait commis des petits délits, des vols surtout. Et sa tenue vestimentaire ne semblait pas suggérer qu’il était dans le besoin. Il volait par plaisir ou par ennui. Orphelin à cinq ans, il avait été élevé par un grand oncle paternel. Et, à sa majorité, il avait touché son héritage.

C’est donc tout logiquement que les brigadiers se rendirent au domicile de M. de Brémont ; La porte d’entrée était ouverte. Les affaires dans la maison étaient sens dessus dessous. Ils en conclurent que la maison avait été cambriolée. Comme d’habitude, ils fouillèrent minutieusement la maison. C’est ce sens de l’observation qui faisait d’eux des agents hors pair. C’est ce qui explique sans doute que Ferdinand Masson, le plus jeune des deux, fut interpellé par la bibliothèque. Elle n’était pas collée au mur. Il la poussa et découvrit une pièce cachée qu’il ouvrit grâce à la clef. Le jeune agent appela son supérieur pour lui montrer la pièce secrète, cette pièce était petite, sombre et avait peu de bibelots. Seule la trace rectangulaire les avait interpellés. On aurait dit la trace d’un tableau. Les agents firent une enquête de voisinage pour savoir si les voisins n’avaient pas vu quelque chose de suspect. Ils commencèrent par la voisine

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d’en face, une personne âgée. Elle répondit aux questions des agents mais elle ne savait rien. Ils continuèrent avec les voisins d’à côté mais ceux-ci étaient absents le jour du cambriolage. N’ayant pas eu plus d’informations avec les témoignages des voisins, ils se focalisèrent sur la trace rectangulaire. Ils demandèrent l’aide d’un expert pour savoir si leur première idée était la bonne. Celui-ci confirma. Ayant cette information importante, ils commencèrent à s’intéresser au vol récent du tableau dans les différentes villes des alentours. Après un mois de recherche et n’ayant aucun indice en plus, ils décidèrent d’abandonner l’enquête. L’enquête ne s’arrêta pas vraiment. Des gradés ont continué à chercher pendant des siècles et des siècles sans trouver un seul indice, mais jusqu’au jour où le tueur et le voleur refirent surface…

IIC’était un matin d’hiver, un jour d’orage, un jeudi 17 février

2015 précisément dans la belle ville d’Orléans. Près de quatre cent cinquante ans plus tard, ce mystérieux tableau refit surface d’une drôle de manière. Le ciel annonçait la couleur ; il était sombre et triste, le tonnerre craquait et faisait froid dans le dos. Des éclairs zigzaguaient dans tous les sens. Les officiers de gendarmerie Robert et Borniche furent appelés au 3ème étage de l’immeuble du 18 rue Grimoire. C’est un immeuble un peu triste et vieux avec de la mousse et des fissures sur les murs, des tags, des fenêtres cassées, des volets mal fixés. On peut voir quelques pièces éclairées et d’autres non. Cela ne donne vraiment pas envie de passer dans cette rue même en plein jour. En la regardant, on a juste la sensation d’être dans un film sur Halloween. Cet immeuble parait hanté. Dans la rue pas nettoyée, on peut y voir des voitures sur des cales. La nuit, nul ne s’y aventure, effrayé par ces bandes de jeunes, cachés par leur capuche.

IIILes deux gendarmes nommés sur l’enquête se connaissent bien ;

ils sont collègues et ont résolu de nombreuses enquêtes. Mais ils sont avant tout comme deux frères. En effet ils se connaissent par cœur. Par exemple, lors des enquêtes, ils n’ont pas besoin de se parler. Chacun a sa spécialité : le lieutenant Robert est doué pour repérer les détails tandis que le lieutenant Borniche est meilleur avec les témoins. Il forme un bon binôme. Ils ont aussi leurs habitudes. Tous les soirs ils vont faire du sport ensemble, même si le lieutenant Robert n’est pas très sportif.

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Le lieutenant Borniche se moquait toujours de lui parce qu’il n’arrivait pas faire plus de deux pompes. À leur arrivée sur la scène de crime, ils découvrent un couple mort dans leur chambre. La femme est allongée sur le lit et peut-être a-t-elle été tuée par un pistolet, elle a un trou au milieu du front. Le mari est allongé, tout nu, sur la moquette, avec des plaies sur tout son ventre et deux sur son cou ; on peut supposer que celui-ci a été tué à coups de couteau. Dans une chambre, allongés dans leur lit, ils ont vu deux enfants, couverts de sang. Leurs corps est plein de balafres. Ce spectacle d’horreur est indescriptible. D’après les voisins, ce couple était sympa, ils s’aimaient fort, ils étaient heureux. Leur nom de famille est Favraux. Michel, le père, travaillait dans une banque à Orléans et Catherine était au chômage.

IVPour cette scène de crime, ils ont dû appeler Jean Paul Cancal alias

le médecin légiste. Après ses premières observations où il confirme les causes criminelles, il emporte les corps à l’institut médico-légal pour une analyse plus complète. Sur son lieu de travail, il s’équipe avec une tenue appropriée : long tablier plastifié, casaque chirurgicale, pyjama de bloc opératoire, sur chaussures, deux paires de gants superposés, l’un stérile l’autre métallique pour éviter les coupures, masque et lunettes anti projection…fada, on dirait le grand Schtroumpf. Il est originaire du sud, il avait donc des expressions un peu rigolotes.

Dans cette salle de la mort, cela ne sent pas la rose, c’était comme si toute la joie de ce monde avait disparu. Devant lui, quatre tables avec quatre corps dessus. Les corps des enfants semblent minuscules. Pour l’autopsie des quatre corps, il procède toujours de la même manière. Il commence par déshabiller la victime, Michel Favraux et prend en photo toutes les lésions apparentes. Il repèra des hématomes au niveau des côtes et vit que l’homme avait été blessé par balle : cette dernière avait sectionné l’artère sous-clavière. La balle était même ressortie de l’autre côté.

En regardant de plus près, il aperçut sous les ongles des fragments de peau. La victime avait dû se débattre. À portée de sa main, sont alignés sur plusieurs rangées, des instruments parfaitement nettoyés et stérilisés. Il continue donc en découpant le corps, du menton jusqu’au pubis ainsi que la section des côtes pour pouvoir avoir accès au thorax et à l’abdomen. Il sort tous les organes du corps et les pose dans des sortes de haricots pour ensuite les analyser minutieusement (peser,

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mesurer). L’odeur est loin d’être agréable ; c’est celle de dizaine d’œufs pourris. Malgré son expérience, Jean Paul Cancal n’a jamais pu se faire à cette odeur. Il en est même arrivé à détester les œufs, sauf ceux en chocolat ! Il énumère toutes ses observations et les anomalies sur un dictaphone.

Il termine toujours par la boîte crânienne. Il la découpe à l’aide d’un instrument qui ressemble fortement à une scie pour découper les plâtres. Elle fait un bruit strident comme celui de la fraise chez le dentiste. Aucun bruit, hormis celui des instruments, ne se fait entendre pendant les autopsies. On pouvait entendre une mouche voler et peu de personnes avaient envie de tenir compagnie au légiste. Il répéta ces mêmes gestes trois fois. Toutes ses observations et analyses lui permirent de donner aux gendarmes le mode opératoire du tueur et surtout son ADN.

VLe tueur, justement les gendarmes découvrirent assez rapidement son

identité. En effet, cet homme est connu des services de gendarmerie. Il a fait de la prison pendant 5 ans pour détention et commerce de résine de cannabis. Il est sorti de prison il y a maintenant 4 mois. Antonio Fransci est donc un homme de 39 ans, il mesure 1,91 mètres, brun le regard sombre son physique est très imposant. Antonio s’habille souvent en noir. Il est marié avec une femme de 34 ans et a 3 enfants qui se nomment Guillaume, Lisa et Bernard. Cependant on les surnommait, Guillaunuche pour Guillaume, Lisouille pour Lisa et Bébère pour Bernard. Il ne voyait plus ses enfants car il n’est plus souvent à la maison. Il est « dans les affaires », part très tôt de chez lui et rentre aussi très tard. Antonio Fransci est connu aussi sous le nom de Nicolas Débarts. Cet homme a voyagé, à Paris notamment. En effet, au cours de leur enquête, les gendarmes remontèrent la piste jusqu’au braquage d’une banque à Paris. L’un de leurs collègues, le brigadier Pool, un gendarme réputé pour son travail parfait, enquêtait sur un vol. Fan de technologie, il avait enregistré sur son téléphone portable tout l’historique du suspect.

Le lieutenant Pool est plutôt musclé, grand et mat de peau. Il a résolu beaucoup d’enquêtes avec succès. Il est respecté par ses coéquipiers. En ce moment, il était donc sur une affaire de cambriolage assez compliquée concernant le braquage d’une banque, à Paris. Parmi les braqueurs, l’un était professionnel dans l’informatique. Il a réussi à pirater les caméras de l’entrée et celles à l’intérieur. Un deuxième braqueur, «doigts d’or»,

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est capable de crocheter n’importe quelle serrure. Équipé de son matériel technologique spécial pour le code de la chambre forte, c’est lui qui a ouvert. Chacun portait un sac de sport pour transporter l’argent. Ils disposaient de soixante secondes pour récupérer un maximum d’argent avant que l’alarme ne s’allume. Ils réussirent à récupérer les 500 000 euros. Ils n’ont laissé aucun indice, personne ne les a vus ni entendus. Mais leur mode opératoire était facilement identifiable. Cependant, trois mois plus tard, l’enquête n’avance pas vraiment. Il avait juste le nom du premier braqueur, Nicolas Débarts mais impossible de le localiser alors il abandonna...jusqu’au jour où il reçut un appel d’Orléans...

VIIl prit l’avion et pendant le temps de vol, il relut le dossier de

l’affaire afin de voir si un détail ne lui avait pas échappé. Il rejoignit ses collègues sur la scène de crime. Un scientifique nommé Jackson Lopez était aussi présent. Il était vêtu d’une blouse blanche qui recouvrait tout son corps, d’une charlotte, d’une paire de lunettes, d’un masque, de gants en latex et de couvre chaussures. Il était en train d’utiliser un produit appelé le Luminol qu’il appliquait partout sur les poignées de la baie vitrée et sur les verres ainsi que sur tous les couteaux de la maison. Le but était de relever des empreintes.

Ces analyses et celles du médecin légiste permirent aux trois gendarmes d’avancer dans leur enquête et de combler les trous. Ainsi, près d’une semaine après la découverte des corps, ils arrêtèrent, avec facilité, celui qui se nommait, à ce moment-là, Antonio Fransci. Ils l’interpellèrent à la sortie d’un bar où il se rendait souvent.

VIILe gendarme entra dans la pièce, tenant à la main la saisine de la

scène de crime du 18 rue Grimoire et commença à interroger le suspect :«Où étais-tu la nuit du 16 au 17 janvier 2015 ?- J’étais au cinéma avec des amis jusqu’à 23h puis je suis allé en

boîte de nuit directement après.Je peux vous le prouver avec le ticket de cinéma et le ticket du

vestiaire de la boîte de nuit.- D’après mes témoins, ils t’ont vu devant le Musée et t’ont

clairement identifié. Comment peux-tu justifier cela ?- Ils ont dû me confondre avec quelqu’un d’autre. Que voulez-vous

que je vous dise ?!!

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- Ce que je ne comprends pas, c’est que, d’après ta déposition, tu dis être allé au cinéma à 20h30 et être sorti à 23h mais pendant ce créneau horaire, deux témoins t’ont vu en train de courir avec un sac de sport, habillé tout en noir. Tu portais aussi des gants. Tu as donc la capacité de te dédoubler !

Et le gendarme, en haussant le ton, ajouta : «Arrête de mentir ! Et balance plutôt la vérité ! Un couple a été tué, un mois plus tard, et devine quel est leur nom, Favraux ! Cela te dit quelque chose ?!! Ou «doigts d’or» ! Tu es le principal suspect, tu vas tomber pour cambriolage et meurtre.

- Vos témoins devraient s’acheter des yeux, moi je n’ai rien fait ! Je n’ai rien à me reprocher ! Je veux un avocat !

- Comme tu veux», lui répondit le lieutenant Robert.Antonio Fransci n’en menait pas large ; il avait tiqué à la mention

du nom de Favraux.L’avocat arrive une demi-heure après et se présente :«Maitre Abdel Harime, avocat de la défense, j’aimerais m’entretenir

avec mon client, merci.- Allez y vous avez 30 minutes.» L’avocat s’assoit et commence à

analyser le dossier de son client.«Vous êtes suspecté dans une affaire de vol du musée d’Orléans

et du meurtre d’un couple et de ses enfants. Je vais être franc avec vous, vous risquez gros, une peine de 10 ans d’emprisonnement ferme minimum.

- Je ne peux pas faire de la prison, j’ai une femme, des enfants, une maison à payer, si j’vais en prison je perds tout. S’il vous plaît, faites quelque chose pour me sortir de là.

- Ne vous inquiétez pas, je vais faire tout mon possible mais pour cela il va falloir que vous me fassiez confiance et que vous me racontiez tout ce qui s’est passé.

- D’accord. Je suis allé cambrioler le musée. Mais je n’ai rien à voir dans la mort de ces personnes. Et puis je n’ai pas l’impression d’enfreindre la loi, juste de voler un plus gros voleur que moi mais tuer je ne pourrais pas !

- Je vous conseille d’avouer tout au gendarme car il a assez de preuves contre vous pour vous incarcérer à la prison d’Orléans-Saran. Niez ne vous évitera pas les problèmes. Après c’est à vous de décider. Les preuves ne mentent pas, l’être humain si !»

Le gendarme entre alors dans la salle d’interrogatoire et d’une voix ferme demande au suspect :

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«As-tu bien réfléchi et vas-tu enfin avouer ce que tu as fait ?- J’avoue avoir cambriolé le musée, sans complice et être parti en

courant. Mais je n’ai jamais tué ces personnes. Vous voulez juste me faire tomber pour un meurtre que je n’ai pas commis, pour avoir un coupable, et non ce n’est pas comme ça que ça marche !

- Enfin on y arrive ! Je suis sûr que tu es coupable de ce crime, vu ton casier pour possession d’armes, trafic de stupéfiants, vols. Tu n’es pas un ange ! Quatre ans de prison avec sursis, puis récidive et après de la prison ferme ! Je ne comprends pas, Fransci, comment tu peux tuer un couple tranquille qui ne cherche aucun problème, qui veut vivre en paix ? Et où est le tableau que tu as dérobé ? Il n’a pas pu disparaître comme par magie ! Et comment expliques -tu qu’une photo du tableau a été retrouvée chez Michel Favraux ?

- Je n’ai pas tué Michel Favraux !- Ah mais tu ne nies pas le connaître ! répliqua le gendarme.»Le visage d’Antonio Fransci se décomposa et il sut qu’il avait perdu

la partie. Et il raconta son histoire..

VIII«Cette histoire, c’est l’histoire d’un tableau peu connu et d’une

femme célèbre...La Joconde !La Joconde, tellement célèbre, que tout le monde connaît son

Histoire mais nul ne sait vraiment son histoire. Elle était une personne très aimée par sa famille ; elle était belle et gentille. Son grand-père, juste avant de décéder lui avait donné une bague d’une grande valeur. Cette bague lui était donc très précieuse. Elle a été fabriquée uniquement pour elle. Elle était tout en pierres précieuses, montée sur un anneau d’or. Elle devait symboliser sa beauté et surtout ses qualités humaines.

Lors d’une réception organisée en son honneur par son époux, Mona Lisa a fait une grosse erreur : elle a perdu sa bague. En effet, son index s’est affiné et sa bague glissait. Mais elle ne voulait pas l’ôter. Et ce qui devait arriver, arriva. Elle l’a perdue ! Malgré les moyens mis en œuvre par son mari pour retrouver l’objet précieux, impossible de la retrouver. On dit que La Joconde fut inconsolable !

Ce n’est que 400 ans plus tard que cette histoire refit surface, par hasard car Michel Favraux est un des descendants de M. de Brémont. Et dans les archives familiales, on mentionnait cette bague, un trésor que nul n’avait vu mais que Léonard de Vinci avait peint dans un tableau, pas vraiment un bon tableau, peu connu mais rempli d’indices

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pour localiser la bague. On disait même que l’illustre peintre avait peint cette bague dans son tableau, cachée dans le paysage. Et «doigts d’or», alias Michel Favraux pensait qu’au XVIème siècle, M. de Brémont avait été tué car il était en possession du tableau.

Favraux et moi, on se connaît depuis l’enfance et donc quand il a eu besoin d’aide, il est venu me voir ; il savait que j’avais une vie un peu «floue». Il savait où étaient les indices pour trouver le tableau : dans la chambre forte d’une banque à Paris... Lui et moi, on a donc monté un cambriolage. Favraux connaissait la banque, c’était la même agence que celle dans laquelle il travaillait à Orléans. Ce fut un jeu d’enfant. Et puis, nous avons organisé le vol du tableau dans le musée à Orléans. Cependant, je sentais que Favraux devenait nerveux, qu’il ne voulait plus faire analyser le tableau afin de découvrir les indices qui nous mèneraient à la bague. Alors, je l’ai tué ! Sa famille aussi ! Je pensais que sa femme et ses enfants seraient absents car tous les mercredis, ils allaient manger chez la mère de Catherine Favraux. Mais, un des enfants est tombé malade, donc pas de repas chez mamie ! C’est la faute à pas de chance !

- Et après ?» Demande le gendarme.Antonio Fransci sursaute, regarde le gendarme d’un air absent et

répète :«Et après ? Je suis rentré chez moi, sans le tableau. Je ne l’ai pas

trouvé, ni la bague. Mais vous, une semaine après, vous m’avez trouvé.»

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Sanglante peintureLycée Elie Faure - Lormont - 2nde13

Le soleil irradie le domaine du Loret devenu fournaise. Le pourpre, l’écarlate, le carmin, le vermillon écrasent tout, abolissant toute autre couleur. Ce parc de Cenon va être le lieu d’un tournage cinématographique. Sophie y incarne pour la première fois un rôle principal dans l’adaptation du roman Le Cadavre renvoie l’ascenseur. Ses parents, Anémone et Philippe, doivent venir l’encourager. Ils descendent du tram. Des gyrophares crépitent, des sirènes retentissent, un vacarme étourdissant, le vide. Puis cette cacophonie reprend de plus belle. Des policiers en uniforme et d’autres personnes en tenue blanche, ce tournage paraît plus vrai que nature.

«Le film est un polar ? demande Philippe.- Oui, il me semble », répond son épouse.Ils s’approchent lentement d’un figurant vêtu comme un véritable

officier de police. Ce dernier est assis aux limites de la scène inaccessible au public. Ils ne comprennent pas, le tournage ne devait pourtant commencer que dans quarante-huit heures.

« Monsieur ? Excusez-nous de vous déranger, mais savez-vous où se trouve notre fille, Sophie Lissac ? Elle doit jouer le rôle principal mais nous ne la voyons pas.

- Je ne suis pas autorisé à communiquer pour le moment, pourriez-vous me présenter une pièce d’identité Messieurs-dame ?», répond-il d’un ton très calme.

Après avoir méticuleusement délimité le périmètre avec de la rubalise, un grand homme en uniforme arrive vers eux, costaud, solide et pourtant le visage ébranlé :

«Vous êtes bien les parents de Sophie Lissac ? murmure-t-il en les regardant avec recul.

- Oui, c’est nous. Pourquoi ? Où est-elle ? bredouille le mari.- Venez avec moi, asseyez-vous. Il est arrivé quelque chose de très

grave.»

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Les parents de Sophie, maintenant en dehors de la zone balisée, essayent de comprendre ce qui se passe. Tant d’agitation dans le domaine du Loret d’ordinaire si calme. Quelqu’un bouscule Philippe, un de ces hommes en blanc leur ordonne de s’écarter. Les parents n’ont toujours pas aperçu leur fille. Cela les inquiète énormément. Les enquêteurs les encerclent. Les véhicules de secours se rapprochent de la scène. Un brancard vide passe, un ambulancier à chaque extrémité. Le brouhaha provoqué par les officiers de police, le bruit des véhicules de secours, la puanteur, tout cela est bien réel.

Les médecins légistes touchent ce corps nu, l’analysent. La putréfaction, les lividités, la rigidité, le refroidissement du cadavre laissent supposer que le corps est là depuis plusieurs heures, seule l’autopsie pourra le confirmer. Les spécialistes sont méticuleux et très minutieux afin d’éviter la destruction de preuves susceptibles de les mener sur des pistes… C’est une femme âgée d’une trentaine d’années, aux cheveux longs, un mélange de blond et de châtain clair, la peau très pâle, trop pâle, même pour un cadavre. Elle est allongée près d’un arbre, les mains ligotées. Le plus effrayant, ce sont ses yeux : on y lit encore la peur, la souffrance. Ils sont vitreux, presque retournés mais pourtant encore grands ouverts. Une seule question, qui a commis ce crime ? Cet acte est tout simplement inhumain. Les hommes en blouse blanche déposent avec le plus de soin possible le corps sur le brancard. Quelques cheveux de la jeune femme tentent de s’échapper de la housse mortuaire. Tout fait écho, les sirènes résonnent, le vacarme est assourdissant. Dans cette immense fourmilière, les uniformes et les blouses blanches grouillent dans tous les sens. Pourtant dans ce désordre apparent, chacun sait ce qu’il a à faire. Malgré l’horreur de la scène, le professionnalisme l’emporte. Les officiers de police le savent, il ne faut pas se laisser submerger par les émotions. Le plus difficile, c’est d’annoncer le drame aux proches : malgré l’expérience, impossible de rester de marbre face à des parents qui viennent de perdre leur enfant.

Anémone jette un regard effrayé au policier qui vient de lui parler. Un officier s’avance :

«Madame, Monsieur, je me présente, lieutenant Franck Lafon, annonce-t-il en leur serrant la main, pouvez-vous venir avec moi ?

- Nous vous suivons…Où est ma fille ?- Mademoiselle Lissac a été retrouvée inanimée ici, ce matin-

même, mais les causes de son décès nous sont encore inconnues. Je

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vous présente mes condoléances. Notre équipe fait le maximum pour retrouver le coupable. »

Les parents de la défunte s’effondrent. Anémone pleure. Philippe ne réalise pas. Il tente de retenir sa femme qui vacille. Mais lui aussi ne tient plus debout. Ses jambes le lâchent, tout son corps le lâche. Ils sont tous deux abattus. Toute cette scène est irréelle, comme dans un film. Leur fille ne peut pas être morte. Tout cela fait partie du scénario ! Anémone ne peut se ressaisir, le lieutenant reste à ses côtés de peur qu’elle ne perde connaissance. Philippe ne réagit pas. Pour lui, c’est le vide, le néant.

Dès le lendemain matin, les médecins légistes procèderont à l’autopsie. Malheureusement, aucun indice. Un corps vidé de son sang, une trace de piqûre, pas de blessures apparentes. Seul un poil de blaireau sur le visage. Le lieutenant Lafon a beau questionner. Les scientifiques ne lui donnent aucune piste. Un poil de blaireau ! À part un pinceau de maquillage…

Anémone est hantée par les images de cette chaude après-midi : un cauchemar dont elle n’arrive pas à se réveiller. Voici une semaine que Sophie est décédée. Sa mère a passé ces derniers jours à pleurer, incapable de faire quoi que ce soit d’autre. La vie n’a plus aucun sens. La photo de sa fille entre les mains, elle n’est plus que le fantôme d’elle-même. Impossible de se nourrir, de dormir. On peut lire dans son regard rougi et vide toute la peine qu’elle éprouve. Depuis l’annonce de l’horrible nouvelle, elle semble avoir pris dix ans. La perte de sa petite Sophie, une blessure inguérissable, elle ne s’en remettra jamais. Philippe gère sa peine différemment. Il est révolté, plein de haine et de rancœur Il n’en peut plus d’attendre un appel de la police. Il veut que justice soit faite. Il veut que ce salopard paye ! Si la police ne le trouve pas, il s’en chargera lui-même. Soudain, le téléphone sonne :

«Allô ! s’exclame Monsieur Lissac.- Bonjour, lieutenant Lafon à l’appareil.- Bonjour lieutenant. Du nouveau, j’espère ?- Pas encore malheureusement. Mais l’affaire suit son cours. Nous

avons perquisitionné chez votre fille. Je ne peux pas vous en dire plus maintenant monsieur, j’en suis navré, nous attendons encore les résultats de la scientifique.»

Philippe en a assez entendu. Il coupe court à la discussion et

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raccroche. Il est anéanti. Évidemment, suite aux attentats qui ont eu lieu la veille, le meurtre de leur fille passe à la trappe ! Beaucoup de policiers ont dû être réquisitionnés pour monter sur Paris. Philippe est en colère. Anémone, toute tremblante, s’écroule sur le canapé. Voyant sa femme dans un tel état, Philippe lâche prise. Lui aussi s’écroule et se met à pleurer. Après avoir séché ses larmes, c’est la haine qui l’envahit à nouveau. Il est stressé, énervé, il ne peut pas attendre plus longtemps, il est décidé. Si les forces de l’ordre ne peuvent pas s’occuper de cette affaire, il va s’en charger lui-même. Impossible pour lui de fermer l’œil, il passe toute la nuit à faire les cent pas dans sa chambre et à réfléchir : comment retrouver celui qui a tué sa fille ? Il repense aux menaces de l’ex petit ami de Sophie. C’est sûrement lui. Cet Alex, ce sale type, ce looser ! Tout ce qu’il sait faire, c’est voler, dealer, boire… Il promettait souvent à Sophie qu’il arrêterait ses conneries mais à chaque fois, il replongeait. C’était pourtant quelqu’un de brillant. Du moins, Sophie en était persuadée. Avec un doctorat d’anthropologie, il n’était même pas capable d’avoir un boulot. Leur histoire ne pouvait pas durer. Quand Sophie l’a quitté, il lui a juré que leur histoire ne pouvait pas se finir ainsi. C’est forcément lui !

Dès le lendemain matin, persuadé qu’Alex n’est pas étranger à ce qui est arrivé à sa fille, Philippe se rend devant l’immeuble où il vit, un squat de la rue des Acacias. Sur le palier, la puanteur est insoutenable. La porte est entrouverte. Philippe se faufile à l’intérieur. Il est immédiatement saisi par l’odeur nauséabonde. Des mouches pullulent partout à l’intérieur. Elles semblent venir de la cuisine. Saisi de nausées, Philippe hésite. La main sur le visage, il retient sa respiration. Intrigué, il avance lentement et pénètre dans la pièce. Au sol, Alex, l’ex de Sophie. La scène est atroce. Des insectes partout, attirées par le sang et la chair en décomposition. Le délinquant semble décédé depuis plusieurs jours déjà. Une seringue vide traîne près du corps. Un sachet de stupéfiant, trois boîtes de somnifères et une bouteille d’alcool. Philippe imagine très vite une overdose. Les idées se bousculent. Il se sent mal. Il a besoin d’air. Il sort en trombe de l’appartement. Plusieurs jours qu’il ne mange rien. Il ne rend que de la bile dans le couloir de l’immeuble. Adossé au mur, il reprend peu à peu ses esprits. Quand il est rentré, il avait d’abord pensé à un suicide. Alex avait peut-être eu des remords après le meurtre de Sophie. Ou alors un accident dû à un mélange entre plusieurs produits ? Mais quelque chose clochait.

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Philippe ne savait pas exactement quoi. Une intuition. Cependant, les trois boîtes de somnifères, la bouteille d’alcool, tout cela ressemblait à une mise en scène. Aucun message d’adieu. Philippe en a la certitude. Il s’agit d’un meurtre. La vraie question : qui a tué Alex ?

Philippe appelle les secours.«Bonjour, Monsieur Lissac à l’appareil, j’ai trouvé Alex Balet dans

son appartement. J’aurais besoin de votre aide, s’il vous plaît.- Dites-nous où vous vous trouvez précisément.- À Cenon, rue des Acacias, la tour blanche désaffectée, je suis au

second étage.- Nous arrivons, surtout ne touchez à rien. »Il raccroche. Malgré les recommandations des secours, la tentation est

trop forte. Il fouille l’appartement. Posé sur une table, un cadre suscite son intérêt. Une photo de Sophie. Il décide cependant de ne pas s’attarder dessus. Après tout, il ne s’agit sûrement que d’une vieille photo, du genre que l’on garde après une séparation. Il se retourne et pose les yeux sur une caisse de plastique pleine de babioles. Peut-être contient-elle des indices ? Au fond de la caisse, un carton d’invitation à un vernissage. Un musée ? Pas vraiment… une galerie d’art. Pourquoi Alex s’intéresserait-il à ce genre d’endroit ? Lui ? Un drogué ? Étrange. Même du temps où il était étudiant en anthropologie, l’art était loin d’être l’une de ses passions. Philippe s’en souvient. Sophie qui adorait aller au musée ou à des expositions, se plaignait parfois lorsqu’il refusait de l’accompagner à un vernissage. Quoi qu’il en soit, il s’agit du passé. Une époque révolue. Cela fait bien longtemps que cet homme a plongé dans des histoires louches. Philippe parcourt la carte des yeux. Il cherche l’adresse : « Rue Pomme d’Or », c’est ce qui est inscrit. Il continue ses recherches. Dans la chambre, il trouve à même le sol, un billet de train. Comment a-t-il pu payer sa place ? Et la destination ? Barcelone ? Mais pourquoi ? Qu’y a-t-il d’intéressant là-bas ? Confus, Philippe se pose des milliards de questions. Pourquoi Alex chercherait-il à aller dans une galerie d’art ? L’art ne l’a jamais intéressé… un homme comme lui… un braquage ? Non il n’est pas assez courageux… et, pourquoi aller à Barcelone ? Qu’est ce qui l’intéresse ? Que cherche-t-il ? Y a-t-il un lien entre les deux meurtres ? Alex a-t-il tué Sophie ? Il ne peut s’agir que de lui. Pourtant, aucune preuve ne montre qu’il est coupable… où sont les preuves ? Qui est derrière tout cela ? Et puis, Sophie n’avait plus rien à voir avec cet homme ! Il la surveillait ? Si oui, pourquoi ? L’arrivée des pompiers l’arrache à ses pensées. La police

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rapplique quelques minutes plus tard. Le lieutenant Lafon, après avoir posé quelques questions, autorise Philippe à rentrer chez lui.

L’après-midi, Philippe et Anémone sont convoqués au commissariat. Ils sont interrogés séparément.

«Monsieur Lissac, connaissez-vous un certain Karl ? Que pouvez-vous nous dire sur lui ?

- Le nouveau petit ami de ma fille, il me semble. Mais je n’en sais pas plus. Ma femme est sûrement plus au courant que moi car Sophie lui racontait tout…»

En effet, le lieutenant Lafon qui questionne Anémone va obtenir des réponses plus précises :

«Sophie me parlait beaucoup de Karl mais je n’ai jamais eu le plaisir de le rencontrer. Ils étaient ensemble depuis quelques mois. D’après elle, c’est une personne exceptionnelle, un amateur d’art. Il possède toutes les qualités requises d’un gendre idéal, contrairement à Alex.

- Savez-vous si Karl est allé à Barcelone ?- Oui, répond Madame Lissac. Ils y sont allés avec Sophie, pour

une exposition de Tàpies le mois dernier. Ma fille admirait cet artiste car il peignait avec toutes les matières. Même celles non picturales. Ah ! Ça me fait penser à cet artiste… Damien Hirst. Un britannique. Il a acheté un vrai crâne d’un homme ayant vécu au XVIIIème siècle. Après, il l’a recouvert entièrement de diamants. Je me demande d’ailleurs ce qui impressionnait Sophie devant ce genre d’œuvres ! Ah ! L’art contemporain ! Rien de mieux qu’un bon De Champaigne. Le classicisme, ça au moins c’est de l’art ! Pas comme l’art contemporain ! Mais Sophie était heureuse d’avoir enfin trouvé quelqu’un avec qui partager sa passion.

- Est-ce que vous savez s’il a une galerie d’art ?- Oui, rue Pomme d’or, ma fille s’y rendait souvent.- Savez-vous autre chose sur lui ? Comment s’étaient-ils rencontrés ?- Lors d’un vernissage, dans sa galerie. Mais où voulez-vous en

venir ? Vous pensez qu’il a quelque chose à voir avec ce qui est arrivé à ma fille ?

- Nous allons bientôt le savoir. En ce moment même, mes collègues perquisitionnent chez lui.»

Les forces de l’ordre cagoulées, en colonne d’assaut, sont en place rue Pomme d’Or. Devant l’immeuble de Karl, ils bloquent chaque issue. Karl ne leur échappera pas. La tension est à son maximum. Ils

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attendent le signal. Un policier enfonce la porte avec deux coups de bélier. Dans la galerie d’art, tout semble calme. Des toiles sont exposées au mur. Toutes ont quelque chose en commun : monochromes d’une étrange teinte. Des nuances de rouille et d’ocre. Le luminol : c’est du sang. Personne, pas âme qui vive. Au fond de la pièce, des toiles posées sur le sol, le long du mur, attirent le regard des policiers. L’un d’eux remarque un miroir. Il le décale et y découvre un passage. La porte dérobée donne sur un petit atelier. L’agent s’y faufile discrètement. Karl est là, il n’a rien remarqué. Des écouteurs dans les oreilles, il peint dos à la porte. Du matériel médical, des objets de perfusion, des tubes et des seringues, des poches remplies d’un liquide pourpre. Il n’y a plus aucun doute. Le policier pointe son arme sur le suspect. «Les mains en l’air ! Vous êtes en état d’arrestation». Le suspect se retourne calmement. Un second policier lui passe les menottes. Karl ne paraît pas surpris. Aucune émotion ne transparaît sur son visage. Il reste froid et impassible.

Le lieutenant Lafon convoque Monsieur et Madame Lissac. Le laboratoire a confirmé. Le sang retrouvé sur les toiles est bien celui de leur fille. Le poil de blaireau était finalement celui d’un pinceau. Maintenant ils en sont sûrs, c’est bien Karl, ce malade mental, qui a vidé Sophie de son sang. Alex avait découvert la vérité et ça lui a coûté la vie.

Plus tard, lors du procès, Karl expliquera qu’il a toujours été subjugué par les créations de Vincent Castéglia. Ce peintre new-yorkais utilise son propre sang pour réaliser ses toiles. Karl est fasciné par ces peintures cauchemardesques et métaphoriques. Et Sophie, elle était si belle ce soir-là, avec ses joues roses et ses lèvres carmin. Il n’a pas pu résister, il devait l’immortaliser. Sa plus somptueuse œuvre d’art… Comme l’a écrit son maître, «un sacrifice de sang sur l’autel de l’art».

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Une plume en suspensLycée Odilon Redon - Pauillac - 2nde

Les marins dépliaient les voiles de l’Hermione que le vent avait gonflées. Le grand drapeau français à l’arrière du bateau se balançait dans le vent. La foule pauillacaise et des villages alentours se pressaient sur les quais de Pauillac pour admirer l’arrivée de la frégate qui se dirigeait vers Bordeaux ce Jeudi 20 Août 2015. Il y avait une atmosphère joyeuse, de nombreuses familles étaient présentes ainsi que de nombreux gendarmes dont ceux de la brigade de Margaux, Gendarme Villier et son équipier Gendarme Oddax, nommés en renfort par le préfet de Gironde pour encadrer l’événement. L’Hermione, frégate de la liberté, partie aider à l’indépendance américaine s’approcha du quai puis la foule salua les passagers à bord du bateau. C’était la première mission officielle pour Thomas, tout juste diplômé, accompagné de Villier, aguerri et expérimenté.

Paul Villier et son collègue étaient devant le restaurant la Salamandre lorsque Thomas reçut un appel :

- Bonjour, Gendarme Oddax, j’écoute…. un cambriolage, où ça ? Si j’ai bien compris à Margaux… 5 Impasse des lilas… d’accord, je note… Oui, bien, nous arrivons.

Son collègue semblait interrogatif :- Que se passe-t-il ?- Monte dans la voiture, je t’expliquerai pendant le trajet… Loic

Bejoux, un résident de Margaux, a été cambriolé cet après-midi.- Il me semble que j’ai déjà entendu parler de lui, c’est un musicien

de l’opéra de Bordeaux, il est collectionneur ! Je l’ai rencontré lorsque j’assurais la surveillance d’un concert en plein air sur les quais de Pauillac !

Quelques minutes plus tard, les gendarmes se présentèrent devant la porte de M. Bejoux.

- Gendarme Villier, dit le premier en tendant la main.- Gendarme Oddax, dit le second.- Nous sommes les gendarmes chargés de l’enquête, Monsieur

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Bejoux. Pouvez-vous me dire combien de temps vous étiez absent?- Deux ou trois heures je pense, plus ou moins. J’étais parti me

promener.- Étiez-vous accompagné ? dit Paul habitué à ce genre

d’interrogatoire.- Non, j’étais dans la forêt en direction d’Hourtin.- Avez-vous rencontré des personnes sur votre chemin, des

promeneurs ?- Oh ben non…. vous savez, aujourd’hui, tout le monde est parti à

Pauillac pour le passage de l’Hermione !Paul griffonna quelques notes sur un petit carnet tout en poursuivant

l’entretien. Thomas Oddax revint quelques minutes après :- J’ai fait un état des lieux, il n’y a pas beaucoup de désordre, juste

une trace d’effraction dans la dépendance de la maison, le coupable s’est introduit en cassant un carreau d’une fenêtre, il a ensuite traversé la cour intérieure et il est entré par la porte de derrière qui n’était pas verrouillée. Il faut faire un GDL.

Thomas, tout juste diplômé, employait le jargon du métier sans même s’en rendre compte, ce qui amusait beaucoup son collègue. Devant l’incompréhension de la victime, Paul expliqua en quoi consistait un « Gel Des Lieux », la préservation des indices, des traces et des preuves. Il demanda également à Loïc s’il pouvait lui faire une liste des objets manquants. Il fut étonné quand celui-ci lui présenta immédiatement la liste déjà préparée : un tableau rectangulaire, une huile sur cuivre représentant une scène de jardin avec des femmes musiciennes -Loïc insista sur le fait que cette œuvre coûtait cher-, un bénitier en émail de Limoges représentant la Sainte Famille, une bague en or sertie d’un grenat.

- Merci…ça ira plus vite maintenant… dit-il en prenant la liste.Puis les deux gendarmes commencèrent le relevé des empreintes.

Au bout d’une demi-heure, Loïc les vit plier bagage, il les remercia. Paul lui tendit un bout de papier avec son numéro pour pouvoir le joindre, « au cas où il se souviendrait de quelque chose ».

Ils quittèrent donc la propriété pour la brigade.«T’as une piste ? demanda Thomas, aussitôt monté dans la voiture.- Fraude à l’assurance, répondit Paul sans la moindre hésitation.- FAA ? Ah bon, mais pourquoi ?- Eh bien tu ne trouves pas cela louche que personne ne puisse

prouver son absence, qu’il ait déjà fait une liste des objets volés, et

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qu’il insiste autant sur la somme de ces objets ! Il est d’ailleurs bien au courant que tout le monde est à Pauillac aujourd’hui, mais lui n’y était pas ! Et toi as-tu relevé des indices ?

- Non pas grand-chose… il devait avoir des gants… j’ai juste trouvé une plume d’oiseau, je l’envoie au labo mais je ne pense pas que cela va nous aider. Il y a tellement d’oiseaux dans la région ! Et la fenêtre était cassée…»

Pendant ce temps-là, Loïc Bejoux était parti à la recherche d’une de ses partitions. A l’opéra national de Bordeaux, on avait débuté une répétition de Hamlet de Liszt, et le musicien s’était souvenu qu’il possédait un fac-similé de ce compositeur qu’il avait acquis sur une brocante. Il partit donc en direction de l’étagère où la partition était rangée.

Après avoir retourné tous les coins de la pièce, il constata avec stupeur que la partition avait disparue. Il décida alors d’appeler les gendarmes :

- Gendarme Oddax ? Paul Bejoux à l’appareil !... je viens de découvrir que ma partition m’a été dérobée. Je ne m’en étais pas rendu compte avant, elle était soigneusement rangée sur mon étagère ! Cela me contrarie car nous jouons ce morceau avec mon orchestre.

Paul Villier se demanda s’il n’y avait pas un rapport avec le vol. Cela le troublait. Il demanda alors:

«Monsieur avez-vous montré cette partition à quelqu’un ? Loïc répondit :

- Oui, lors d’un dîner où j’avais convié trois musiciens de l’orchestre  ! Mais ce sont des amis proches ! Je ne pense pas qu’ils auraient pu me faire cela !

- Leurs noms s’il vous plaît !- Oui... mais tout de même... Il y avait Gauthier Verchavre,

organiste, le trompettiste Benoît Stambouli et la harpiste Elisabeth Delalist.»

Paul appela un collègue à la brigade et lui demanda de faire une enquête rapide sur les trois musiciens, les trois convives présents lors du diner chez Loïc. Il lui demanda également de les convoquer à la gendarmerie dès que possible. Les interrogatoires commencèrent le lendemain, en début d’après-midi. Quelques heures plus tard, les gendarmes se retrouvèrent pour faire le point.

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Le premier suspect, Gauthier Verchavre, avait de gros problèmes financiers et paraissait louche aux yeux des gendarmes. Il laissait transparaître une sorte d’inquiétude et se triturait les mains sans cesse ; chaque question de l’officier qui abordait de près ou de loin la victime semblait le déranger. L’organiste serrait les poings et les dents et on décelait facilement dans son discours une certaine animosité envers Loïc, un homme cupide selon lui. Le deuxième, Benoit Stambouli, n’avait absolument pas besoin d’argent, de plus son alibi était confirmé. La dernière suspecte Elizabeth Delalist, entra en trombe dans la brigade en s’excusant de son retard. C’était une jeune femme brune, d’une vingtaine d’années, cheveux bouclés, très chic et élégante, au look décalé ; elle semblait appartenir à une autre époque. Elle fut accueillie par Thomas.

L’entretien se déroula sans encombre et l’interrogée resta naturelle tout au long de l’interrogatoire, sans montrer de signes d’anxiété ou d’inquiétude. Elle restait calme et fixait le gendarme dans les yeux, en ne détournant jamais le regard. Une fois que l’échange fut terminé, l’officier salua Elizabeth d’une poignée de main et il remarqua un bandage sur son poignet droit.

«Vous vous êtes blessée ? lui demanda-t-il.- Oui, mais ce n’est rien ! C’est simplement mon chien qui m’a

mordu la semaine dernière ! répondit-elle, presque automatiquement.- Les animaux sont parfois agressifs mais ce sont de parfaits

compagnons ! Vous aimez les bêtes ?- Oui, j’aime beaucoup les animaux, j’ai d’ailleurs un perroquet...

enfin... j’avais un perroquet, Franz... il est mort la semaine dernière.- Je vous transmets ma sympathie, Mme Delalist.Elizabeth tourna les talons et quitta la pièce suivie du gendarme.Paul rejoignit Thomas dans le hall de la gendarmerie :- Alors ?- Elle est un peu louche mais pas plus que le premier...- En plus je viens de consulter son compte bancaire : il vient de

recevoir un gros virement ce matin. » Thomas était fier d’avoir eu ce réflexe.

Ils débattirent un moment sur le sujet sans réellement savoir que faire ; ils avaient maintenant abandonné la piste de la fraude à l’assurance, ils envisageaient une perquisition chez Gauthier Verchavre mais avaient en somme bien peu d’éléments... Mais quelques heures

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plus tard, une information parvînt aux gendarmes : le laboratoire les informa que la plume retrouvée chez Loïc Béjou était celle d’un perroquet, elle ne pouvait pas appartenir à un oiseau quelconque et présent dans la nature… c’était celle d’un animal domestique. Les gendarmes firent instantanément le lien avec Elisabeth et ils décidèrent de mener une perquisition. Le gendarme Oddax consulta les archives de son ordinateur et ils prirent la direction de Saint-Laurent, où vivait la harpiste.

Trop tard, les volets étaient clos lorsqu’ils arrivèrent devant la maison d’Elisabeth. Thomas Oddax remarqua alors que la porte était mal fermée, il souhaita entrer, mais son collègue Paul Villier lui rappela qu’en l’absence de témoin, il ne pouvait entrer seul. Thomas partit alors en quête des voisins et revint accompagné d’un couple âgé d’une cinquantaine d’années, habitant la propriété voisine. Ils venaient précisément de voir Elisabeth quitter les lieux en voiture, elle semblait pressée, elle était partie en trombe ! Tous ensemble, ils pénétrèrent dans la maison. L’entrée propre et rangée ne montrait aucun indice. Ils pénétrèrent jusqu’au salon. La pièce était décorée avec style, mélangeant meubles anciens et modernes. Au mur, des photographies encadrées montrait notre suspecte lors de ses concerts à différents endroits, et dans un coin du salon se trouvait une cage. A l’intérieur et à l’extérieur de celle-ci, se trouvaient de nombreuses plumes semblables à celle prélevée sur le lieu du vol… mais aucun perroquet ! Sur la table basse, plusieurs papiers étaient éparpillés et les gendarmes découvrirent parmi eux la fameuse partition de Liszt, celle qui avait été dérobée chez Loïc Bejoux ! Juste à côté, sur un bout de papier déchiré, les gendarmes trouvèrent écrits quelques mots : «Ma lumière éclaire les visages des anges». Ils se demandèrent ce que cela voulait dire.

Un papier glissa de la table et tomba à terre, en se penchant pour le ramasser, Thomas Oddax vit, posé sur le sol, un livre spécialisé consacré au Grand théâtre de Bordeaux.

«Elle parle sûrement d’un projecteur qui doit éclairer un tableau représentant des anges sur un mur du Grand théâtre, dit Paul.

- Oui tu as sûrement raison ! C’est ça à coup sûr ! Elle est peut-être déjà sur place…. En route !

Le gendarme Oddax était au volant, Villier ajouta : - Ça pourrait être une fenêtre qui éclaire un tableau…»Le reste du trajet se déroula dans un silence pesant malgré le bruit

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de la sirène. Au loin, parmi les immeubles haussmanniens et les rues piétonnes de Bordeaux, se dessinait la silhouette du Grand théâtre.

Arrivés sur place, ils montèrent les marches quatre à quatre en bousculant les badauds et les danseurs de rue, ils n’avaient pas une seule seconde à perdre ! Ils avaient prévenu le concierge qui leur ouvrit immédiatement les portes du bâtiment.

Ils couraient dans tous les sens à la recherche de la harpiste… finalement, ils ne s’étaient pas trompés, ils la trouvèrent dans la grande salle de spectacle. Au parterre, entre les sièges rouges, se trouvait Elisabeth Delalist qui fixait étrangement le lustre de la grande salle. Les deux gendarmes l’observaient depuis les loges, agenouillés derrière le mur du balcon. Paul chuchota :

- Cachons-nous et observons-la, le lustre semble l’intéresser !Elle paraissait pressée, elle partit en courant et quitta la grande

salle. Paul décida de la suivre pendant que Thomas restait à proximité du lustre.

Quelques minutes plus tard, Thomas stupéfait vit l’énorme lustre descendre lentement. Il était majestueux, les centaines de cristaux de bohème qui le composent scintillaient, le mécanisme rendait un grondement menaçant. Le spectacle était impressionnant et Thomas frissonnait en entendant le grincement du rouage. Elisabeth fit de nouveau apparition dans la salle et s’avança vers le lustre imposant, qui atteignait presque le sol maintenant. Elle saisit délicatement la rosette qu’elle détacha de la coupelle supérieure du lustre. Paul était revenu dans la loge, les deux gendarmes, bouche bée, épiaient la harpiste, lorsqu’ ils la virent extraire un papier jauni de l’intérieur du luminaire. C’est alors que la cinquième symphonie de Beethoven se mit à résonner dans la grande salle de l’opéra… c’était le téléphone de Thomas ! Elisabeth aperçut alors les deux gendarmes et elle prit immédiatement la fuite. Elle s’engouffra donc dans la fosse puis escalada la scène afin de s’échapper par les coulisses.

Derrière le rideau, on entendit un grand bruit suivi d’un hurlement strident : quand les gendarmes arrivèrent sur les lieux, ils trouvèrent Elisabeth semi-inconsciente, allongée sur le plancher au beau milieu d’une flaque d’eau savonneuse. A côté d’elle se trouvait la femme de ménage qui tentait de la ranimer !

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Paul, après avoir mis les menottes à Elisabeth, ramassa le papier prélevé dans le lustre.

«Qu’est-ce que c’est que ce papier? dit-il d’un air intrigué.- Attendez ! Je vais vous expliquer… je ne suis pas une voleuse !- En effet, je pense que des explications s’imposent !- Tout a commencé mardi dernier… J’étais à un repas chez Loic

Bejoux... A la fin du dîner, nous parlions des morceaux que nous allions travailler au Grand Théâtre. Parmi ces morceaux, il y avait Hamlet de Liszt. Loïc alla puiser dans sa collection et nous montra alors une partition authentique, écrite par la main de mon ancêtre lui-même ! Comment pouvait t-il se permettre de se vanter d’avoir une partition de Liszt ! Cette partition appartient à ma famille et je me devais de la récupérer ! Dès le lendemain, sachant que Loïc serait absent d’une à deux heures pour aller courir, comme à son habitude, je me suis introduite chez lui. Je savais très bien où trouver la partition puisqu’il les range par ordre chronologique ! Je venais de trouver la partition, j’étais toute émue mais je me rendis compte que les enquêteurs feraient le lien entre la partition et mes ascendants, mon nom de famille ne vous a-t-il pas mis la puce à l’oreille ?... Mes yeux se posèrent alors sur un magnifique bénitier, je ne voyais pas d’autre solution que de voler d’autres objets pour brouiller les pistes. C’est ainsi que je dérobai le bénitier, un tableau, une petite statuette…»

En rentrant chez moi, j’étais toute tremblante et je ne pus dormir de la nuit. Le lendemain matin, j’étais complètement perdue lors des répétitions si bien que les autres musiciens s’inquiétaient pour moi. Heureusement que le chef d’orchestre est un homme compréhensif, m’a demandé de rentrer me reposer.

Une fois rentrée, j’étais dans mon salon, il y a deux fenêtres qui donnent sur la ville, la vue est magnifique, en face, il y a la porte par laquelle j’étais entrée, sur la droite, une très belle bibliothèque. Sur l’autre mur, il y a un petit secrétaire avec au-dessus, la photographie de mes parents. Tous les deux décédés lorsque j’avais 12 ans. Je pris la partition que j’avais volée la veille dans le secrétaire et je m’installai à ma harpe et mon pupitre derrière l’une des deux fenêtres. Je m’étais assise dos au soleil qui me chauffait la peau à travers ma robe.

Je me mis à la jouer... la mélodie me semblait familière mais ou l’avais-je entendue ? Soudain, j’étais dans la même pièce, mais la lumière n’était plus la même ! J’étais dans un berceau, une belle femme

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me regardait, elle avait de grands cheveux bruns, bouclés, les yeux marrons. Elle souriait, c’était ma mère ! Elle me chantait une chanson, la musique était la même que celle sur la partition, mais il y avait des paroles. Elle racontait l’histoire d’un trésor, un trésor caché par un grand musicien !

Sortie de mon rêve, je me rappelai de tout. Ma mère me chantant cette mélodie le trésor et…le message ! J’étais toute abasourdie, des souvenirs de mon enfance étaient revenus lorsque j’avais joué cette mélodie ! Je pris la partition, la posai contre la vitre afin de l’exposer aux dernier rayons de soleil de la journée. On pouvait lire des inscriptions que je n’avais pas vues auparavant ! « Ma lumière éclaire les visages des anges »… Je compris de suite ! Saviez-vous que Liszt était présent au Grand Théâtre de Bordeaux en 1845 pour donner un concert ? Voici la suite de la partition… ce morceau était si moderne… ce bon vieux Franz savait qu’il n’aurait aucun succès en 1845, il a préféré le cacher pour les générations à venir…

- Et ce pauvre perroquet, qu’est-il donc devenu ?- Franz... mon perroquet…résidait dans ma famille depuis

longtemps, 80 ans, j’étais très attachée à lui car il me rappelait ma grande tante, je l’avais adopté lors de sa mort. Il répétait depuis toujours, sans cesse, « Retrouve la partition ! », une phrase que lui avait enseigné ma vieille tante... Mardi soir, chez Loïc, je compris cette phrase qui jusqu’à ce jour n’avait pour moi aucune signification ! Avant même de commettre le vol, je décidai d’effacer les preuves : je devais le tuer. Je le fis venir grâce à une friandise, je commençais à le caresser comme nous en avions l’habitude, il avait confiance en moi… et quand le moment fut opportun, je serai avec mes mains sa petite gorge douce et pleine de belles plumes bleu azur…. le perroquet se débâtit, il agita ses ailes pour essayer de partir, des plumes volaient en tout sens, c’est alors qu’il me griffa. Je fus touchée à la main, du sang coulait mais je ne le remarquai pas immédiatement, trop concentrée à essayer de mettre fin à ses jours… Je le vis s’éteindre entre mes mains, je vis ses yeux sans vie, je commençai à pleurer sans pouvoir m’arrêter, je me demandai si ce que j’avais fait en valait la peine… Trop tard, le mal était fait...

- Le crime était presque parfait…. Une plume a alors dû s’accrocher à vos vêtements, c’est elle qui vous a trahie !

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Coup de théâtreLycée des Iris - Lormont - 2ig2 – Bac Pro RPIP

I«Tu me prends pour qui ? Tu penses que je ne savais pas que la

mallette était à toi ? Roland, sûr de lui, lança la mallette qui glissa en direction de Franck.

- Impossible… - Tu n’es plus rien ! Tu finiras comme les autres Stéphane ! - Non. La tension était insoutenable, la sueur ruisselait le long de mes

joues. Franck sortit son colt de son long manteau sombre. - Je ne suis pas rien pour elle Samuel.» Il me semble que c’était

cette réplique. Dans la maîtrise parfaite de ses mouvements il pointa le canon en

direction de Roland, illuminé tout à coup d’une lumière soudaine et puissante. Une minute, un quart d’heure, peut-être quelques secondes.

Le coup de feu retentit. La lumière se tut.Les rideaux se baissèrent accompagnés d’une vague

d’applaudissements venant engloutir le théâtre. Je ne peux pas décrire ce que je ressens à ce moment-là, mélange de mélancolie ou de joie avec un soupçon d’anxiété.

Les rideaux fermés, le public continuait d’applaudir, tandis que je sortis des coulisses pour rejoindre Franck, Roland et le reste de la troupe. Seulement voilà, Roland gisait encore sur les planches poussiéreuses. On pensait d’abord à une plaisanterie. La panique prenait les comédiens, les applaudissements continuaient. Tout le monde était autour de Roland, certains couraient. Le rideau se leva malgré tout, dans un tonnerre d’applaudissements, tel des marteaux frappant le sol, entrainant mon cœur sur un rythme lourd et incertain.

Le public ne voyant pas l’habituel salut des comédiens, baissa lentement le volume pour laisser place aux cris de Franck appelant une ambulance, les larmes sautant de son visage venant s’écraser sur le sol, impuissant.

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Les fausses poches de sang n’avaient même pas éclaté, on pouvait à présent comparer le vrai du faux. Ce qui est réel ou pas, cette scène ne devait pas l’être. Pourtant le public n’était pas silencieux pour écouter les comédiens, certains se levaient, téléphonaient ou couraient en direction de la sortie. J’étais alors témoin d’une scène où je ne maitrisais plus rien, j’étais la seule spectatrice, le seul public.

Le cadavre était étendu là sur le sol, un trou béant dans la poitrine, les entrailles sur le sol. Ses yeux étaient injectés de sang et une goutte de sang sortait de sa trompe lacrymale.

Ses veines sortaient de son corps, plus on attendait plus les veines gonflaient, on voyait du sang couler du trou formé par la balle. Sur les bords de sa blessure les tissus étaient comme brûlés par l’entrée du projectile en son thorax, la peau pendait des deux cotés du corps, son cœur brulé en partie par l’impact de la balle avait encore des spasmes.

Puis son corps devint pâle, ses muscles se liquéfièrent jusqu’à la dernière particule de son sang.

Mes pieds nagent alors dans le sang de mon Roland, cette scène était digne des mes pires cauchemars. Mes émotions ont pris le dessus, je suis apeurée du sang qui couvre mes mains, je m’effondre sur son corps froid.

Ma colère prend le dessus, je n’hésite pas à frapper Franck et hurle «Comment t’as pu faire ça à ton ami ? Salaud !»

Les bruits de mes coups s’entendaient sur toute la scène, et Franck souffrait en silence…

Je ne savais plus ce que je vivais, je ne savais plus ce que je disais : «Ma vie, sans Roland, n’est plus rien»

Sans réfléchir, je pointe le pistolet qui a assassiné Roland contre ma tempe. Le public était plus qu’effrayé, les enfants pleuraient tandis que leurs mères leur cachaient cette horrible scène. Mes rires hystériques résonnent dans la salle ainsi que les cris de la troupe pour empêcher mon suicide. Ma tension monte tandis que mon index s’approche de la gâchette. Mes camarades, Franck et Fréderic, courent vers moi pour me désarmer mais il est trop tard. J’ai finalement pu appuyer sur la gâchette mais l’arme ne fit qu’un clic : il n’y avait plus de balles.

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Alors, je commence à pleurer.

Une fois la salle évacuée et la tension retombée, on entendit de l’extérieur des sirènes retentir ; à l’instant où la sirène se tut, la porte s’ouvrit et trois policiers apparurent suivis de deux hommes blancs, on aurait dit des fantômes. Le premier policier ressemblait à une sorte de cow-boy, du moins c’est ce qu’il voulait montrer, tout était là, les lunettes de soleil rondes et noires, le chapeau bien droit sur sa tête, la main à la ceinture posée sur son pistolet, le cure-dents au bord des lèvres et une démarche pitoyable, tout le monde vit qu’il n’allait pas faire avancer l’enquête à lui tout seul, j’en eus même un léger sourire. Le deuxième était un jeune homme pas très sûr de lui mais avec un air malin, on aurait plus dit un stagiaire qu’un flic. Ils étaient suivis d’un monstre… ah non… d’une femme, elle avait le physique d’un catcheur mexicain, elle était aussi souriante et agréable qu’une porte de prison. Les deux autres se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, ils avaient chacun une mallette à la main, les posèrent à côté du corps et commencèrent à examiner la dépouille.

Dès lors, des questions, une multitude de questions policières nous assaillent : quels étaient nos rapports ? Qui lui en aurait voulu ? Comment s’était montée notre troupe ? Qui s’occupait des révolvers ? Qui ? Quoi ? Comment ? Quand ? Où ? Nous répondons mécaniquement, mais, en pleine crise, je lâche un mot sur la dispute récente entre Roland et Franck. Il est alors plus étroitement interrogé et les flics l’embarquent.

II«Oui, c’est vrai, nous nous sommes encore disputés cet après-midi ;

nous quatre, on est attachés par ce théâtre : Frédéric et moi, on n’en peut plus, financièrement, on tient pas la route. Roland et Marie, c’est autre chose. Eux, ils ont du pognon. Enfin plutôt lui.

- Et pourquoi vous n’êtes pas parti ?- Ce sont des amis. On fait du théâtre ensemble depuis plus de vingt

ans, on s’est connu les quatre au collège. On s’est toujours disputé : pour Marie, pour la distribution des rôles ; seul Frédéric a préféré s’isoler et ne s’occuper que de l’écriture, de la mise en scène, des décors et accessoires.

- Quel était l’objet de la dispute ?- Un investissement de plus pour ce théâtre. Mais nous on peut plus.»

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Je réponds naïvement aux questions des policiers ; j’ai vu l’avocat commis d’office, mais je n’en ai pas besoin : qu’ai-je à cacher ?

«Cette scène, on l’a jouée des dizaines de fois : j’ai tiré et il est tombé, comme c’était prévu dans la pièce.

- Mais le problème c’est que c’est du vrai sang et non du faux. Le problème, c’est qu’il y a un mort et non un comédien qui se relève. Le problème, c’est que c’est un meurtre et non du théâtre».

Dès le lendemain, on me réveille, si tant est que j’ai dormi, et le maton m’annonce qu’on va chez moi pour une perquisition.

Les flics fouillent, retournent mon intimité, prennent mes papiers, mon ordinateur qu’ils veulent analyser. Je retourne au mitard.

Quarante-huit heures après l’accident, on me laisse partir après avoir signé tout un tas de documents. Je récupère mes lacets, ma ceinture, mon portefeuille et mon téléphone. En revanche, je garde sur moi l’odeur pestilentielle de la garde à vue, mélange de merde et de gerbe, ainsi que les cris des gars alcoolisés en dégrisement et petits dealers camés qui cognent leur tête contre les vitres des cellules. J’ai probablement rapporté des puces de ce cloaque. Je me sens sale après cette expérience.

Et les flics, dans leur rapport sur la perquisition, qui ont noté que c’était désordonné chez moi…

Comme il n’habite pas très loin du commissariat, j’appelle Frédéric pour qu’il vienne me chercher. J’ai besoin de me laver, je ne peux pas monter dans le tram comme ça. Je tombe directement sur la messagerie.

J’appelle un taxi : je ne peux pas demander à Marie de me voir comme ça.

Je rappelle Frédéric le lendemain. Toujours sur messagerie.Marie, elle, répond à mon appel mais elle veut rester seule ; elle n’a

pas envie de parler. Je la comprends.

Je suis à nouveau convoqué au commissariat : on m’interroge à nouveau. Cette fois-ci, beaucoup de questions autour de Frédéric. Des questions simples sur son rôle d’accessoiriste au théâtre. Des questions plus insidieuses sur son amour pour Marie. À nouveau des questions sur le fait que nous soyons enchaînés les uns aux autres, enchaînés au

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théâtre. Des questions sur les armes et sur les balles que nous utilisons. Des questions sur le métier du père de Frédéric : armurier. Je vois où ils veulent en venir mais je ne peux pas croire que Frédéric soit le coupable.

Une fois sorti, je cherche à le contacter : toujours cette messagerie.

Je rappelle Marie. Elle semble bouleversée : Frédéric s’est servi de mon bras pour éliminer Roland. Frédéric est amoureux d’elle depuis toujours et ne supportait plus de la voir avec Roland. Frédéric n’aime pas le théâtre, il n’a joué ce jeu que pour la comédienne.

Il aurait tout nié pendant sa garde à vue, mais la police aurait trouvé chez lui les mêmes balles que celle qui a tué son mari, ainsi que les balles à blanc qui auraient dû être au théâtre. De nombreuses photos de Marie traînaient chez lui.

Il aurait été placé en préventive en attendant son procès.

Le procès se passe mal, même si Frédéric plaide son innocence.

«Je m’en souviens très bien, Franck sort sa dernière réplique, ensuite son pistolet qui crache une balle, Roland s’écroule au sol, Roland n’a jamais aussi bien joué ce passage. Les rideaux s’abaissèrent dans ce qui paraissait être le plus grand applaudissement que le théâtre ait connu, mais le plus court. Devinez qui est le principal suspect ? Moi, l’accessoiriste.»

- Vous étiez placé où exactement ? - Je regardais la pièce depuis les coulisses, à gauche. » Le greffier notait tout ce que qu’il disait.Pour eux pas le moindre doute, Frédéric était le connard de

meurtrier. Les preuves sont irréfutables me direz-vous ? Mais je suis persuadé qu’il est innocent.

- Ne m’obligez pas à reposer la question. Je sentais la voix de cet enfoiré augmenter de volume, fallait-il encore trouver le bouton pour le baisser.

- Votre mobile est parfait, vous vous servez de Franck en changeant les balles à blanc contre des vraies, tout le monde pense que Franck est le tueur, la conséquence est la suivante : Roland tué, Franck en prison, vous pouvez quitter le théâtre et vous consolez Marie.»

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IIICela faisait deux mois, deux longs mois que j’étais enfermé derrière

ces barreaux.

Je ne pensais plus qu’à une seule chose, Marie. Cette femme hantait mes pensées, plus les jours passent et plus je prends conscience à quel point je tiens à elle. C’était ça le plus difficile, être sans elle. J’aurais espéré qu’elle vienne me voir mais elle était trop attristée par la mort de Roland. Être enfermé dans cette prison était un enfer. J’avais hâte que le jugement passe et que je sois innocenté pour que je puisse enfin lui révéler mes sentiments. C’est vrai, j’ai toujours voulu, en quelque sorte, que Roland disparaisse pour que je puisse me rapprocher de Marie, mais jamais je ne l’aurais tué. Mais dans ces conditions elle ne voudra jamais me parler, elle voudra sans doute rester seule pour faire son deuil. Je suis de plus en plus amoureux d’elle…

Malheureusement, on connaît la suite, je suis déclaré coupable !

Quelques temps plus tard, Franck vient me rendre une visite : Marie et lui souhaitent se débarrasser du théâtre. Eux deux ne s’en tirent plus pour le gérer. Et même si nous l’avons créé pour notre passion du théâtre et non pour le profit, ils en ont moins envie maintenant. Franck ne s’est pas remis de ce que nous appelons l’accident. Marie ne voudrait plus monter sur les planches.

Je leur donne mon accord pour vendre ma part : l’affaire de Roland est liquidée.

J’en profite pour demander à Franck des nouvelles de Marie. Il reste évasif. Elle semble vouloir poursuivre sa carrière mais à plus grande échelle, ailleurs que dans un petit théâtre de province.

L’idée de Marie me poursuit durant toute ma captivité, et elle, poursuit sa carrière. Elle commence à être connue et enchaîne les longs métrages. Elle a eu un César dernièrement : je regarde souvent la vidéo de cette cérémonie. Elle y est tellement resplendissante.

Resplendissante, mais quelque chose a changé : elle me semble froide et calculatrice. Ce n’est plus la Marie que j’ai tant aimée. Mais elle reste si belle, peut-être plus encore que quand elle avait vingt ans, si belle… Je ne peux pas me décrocher de son sourire, de son regard, d’elle.

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Insidieusement une idée fait son chemin : À qui profite le crime ? Pas à moi. Mais à Marie ? Débarrassée de Roland, la voilà riche et libre. La chaîne qui l’empêchait de mener une carrière est brisée. Nous étions proches, elle pouvait venir chez moi et changer les balles. Nous étions proches, elle savait combien je l’aimais. Elle sait combien je l’aime.

Après treize ans de prison, je suis enfin libre. Ma liberté, je suis prêt à nouveau à la perdre pour cette femme. Je cours chez Marie.

Elle m’accueille froidement. Au fil de la discussion, elle sait que je sais. Elle devient moins froide. Elle est devenue calculatrice. Je ne la reconnais plus : auparavant je la trouvais parfaite ; aujourd’hui, je lui vois plein de défauts : ses beaux yeux bleus remplis de bonheur sont devenus si tristes et remplis de malheur, l’ovale de son visage si parfait s’est figé sous les effets du botox.

Je n’aime pas la femme que je vois face à moi. Je ne vois plus qu’une araignée qui a su me piéger dans sa toile.

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Dernier instant...Lycée Condorcet - Arcachon - 1ère Bac Pro hôtellerie

«Ici Julien Plisson, il est 7 heures ! Nous sommes en direct du CAPC… Pour la cinquième année, le championnat de «l’Assiette d’Or 2016» se déroule à Bordeaux. Au CAPC. Musée d’art contemporain.Ce concours réunit six grands chefs de France et le jury se compose de quatre jurés, renommés dans le monde entier.

Le trophée de l’Assiette d’Or est un titre à renommée mondiale qui met en valeur l’art culinaire « à la française ». C’est un événement dédié à l’Art, sous deux formes différentes : art culinaire et art contemporain ! Original, non ?

Artistes, Chefs et médias sont là, dans la capitale du vin, dans ce vieil entrepôt du temps des colonies, lieu idéal, vaste, vestige du temps où Bordeaux accueillait les denrées venues du monde entier avant d’être redistribuées dans toute la vieille Europe. Avec un peu d’imagination, on peut encore humer les senteurs des épices.

Depuis les années 1970, ce hangar a été transformé et dédié à l’art contemporain. Rappelons à nos chers auditeurs qu’il a été mis en valeur par Andrée Putman, célèbre designer qui a su faire des assiettes alors… Art culinaire et arts plastiques se retrouvent à l’occasion de ce concours.

Dans cet espace sont exposées des œuvres ayant pour thème « la cuisine».Art pictural, conceptuel et art gastronomique sont ainsi magnifiquement réunis dans un même lieu !

Mais revenons au concours. L’épreuve se déroule dans la nef centrale du musée. Les candidats vont être jugés sur une seule assiette. En trois heures, les six chefs vont devoir montrer leur talent créatif et artistique autour du thème « le monde de la mer ». Deux sont en rivalité permanente, ils se disputent chaque trophée aux différents concours les plus prestigieux. La pression est énorme sur tous.»

Il était 7 heures. Paul, le commis du grand chef Andréas de Montaigut, était arrivé de bonne heure pour la mise en place. Il coupa son transistor et s’en fut récupérer ses produits dans le camion de livraison. Comme le soulignait l’animateur de la radio locale, la

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pression était énorme. Chaque erreur de préparation, un taillage, une découpe mal réalisés pouvaient coûter la victoire à son chef, son mentor. Après avoir réceptionné les caisses, Paul se dirigea vers les frigos pour y stocker la marchandise et notamment le poisson qui nécessite toujours une attention toute particulière. Surtout ne pas briser la chaîne du froid pour ne pas nuire à la qualité du produit … Alors qu’il était en pleine action, Paul trouva sous une poche, une enveloppe à son nom. Intrigué, il l’ouvrit et découvrit avec stupeur une photo de Sarah, sa fille ! Il n’y avait pas de doute à avoir, même si elle était de dos. Elle était dans la pénombre d’une chambre du Mama Schelter.

Que se passait-il ?Pourquoi cette lettre dans ce panier ?Pourquoi cette photo ? En la retournant, Paul lut un message qui ne laissait aucun doute ;

cette journée allait être mouvementée. :«On a ta fille, si tu veux la revoir suis nos instructions : Juste avant le

concours, tu vas aller au poste du chef n°6. Tu vas verser deux gouttes de la petite bouteille dans l’assiette de ton chef. Regarde au fond de la poche verte… Si tu informes les flics, tu ne retrouveras pas ta fille.»

On avait donc enlevé sa fille adorée, elle qui avait commencé son stage la veille même… Et lui qui attendait depuis hier au soir un message de sa part !

Sarah était en seconde année de bac pro hôtellerie restauration. Chaque année elle devait effectuer deux périodes en entreprise pour découvrir différents secteurs professionnels. Grâce à son implication dans ses études, elle avait pu obtenir le stage qu’elle désirait tant au Mama Shelter. La jeune fille avait pour tâche le service de midi et le room service du soir… Elle finissait vers 21h30-22h. Elle était logée sur place. C’était la première fois qu’elle quittait son père. Pour compenser cet éloignement, le père et la fille avaient l’habitude de s’appeler le matin avant de commencer à travailler et Sarah lui envoyait un SMS avant de se coucher. Ce qu’elle n’avait pas fait hier au soir. Il avait mal dormi…Et là cette photo, ce message abracadabrant... Affolé, Paul saisit son portable en tremblant et cliqua sur la photo de sa fille chérie. Sarah allait répondre, c’était certain. Les sonneries se faisaient stridentes, pour finir, il tomba sur la messagerie…

« Sarah je suis plus qu’inquiet, que se passe-t-il ? Rappelle-moi vite ma puce. »

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Impossible. Il devait faire un mauvais rêve. Il allait se réveiller.Pourquoi Sa fille ? Qui pouvait bien lui en vouloir à ce point ?

Sarah, sa fille adorée, kidnappée.Car c’était bien de cela qu’il s’agissait. Un rapt, un chantage odieux.

Ou alors, c’était une blague de mauvais goût ?Sarah, sa fille bien-aimée… C’est vrai que depuis la mort de sa

femme il y avait six ans de cela, déjà, leurs liens s’étaient resserrés, Sarah était devenue très proche de son père depuis la disparition de sa mère. Ne pouvant se confier à des amis car elle en avait très peu, il ne restait que son père pour l’écouter et lui parler. C’est ainsi que leur relation était devenue fusionnelle. Paul convenait qu’il était devenu de plus en plus protecteur, le duo père-fille se refermant sur lui-même.

Sarah, aujourd’hui, était une jeune fille de seize ans, toute jolie et très discrète. Pas très grande, elle avait gardé un air d’enfant boudeur surtout quand elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait. Brune aux cheveux longs et lisses, aux yeux marron foncé, elle ressemblait beaucoup à sa mère. Comme elle, elle aimait l’art contemporain, tout ce qui touchait au design et c’est pour cela qu’elle avait choisi le Mama Shelter. Décoration moderne, bouées au-dessus du bar, et l’esprit jeune de l’équipe lui plaisait. C’était aussi un lieu à la mode, son rêve de travailler dans un endroit comme celui-ci, décoré par Philippe Stark himself ! Elle admirait ce créateur depuis qu’elle était allée avec ses parents à la Co(o)rniche pour ses 10 ans. Elle avait aimé le lieu, la mer, l’ambiance. Sa mère lui avait expliqué qu’un décorateur connu dans le monde entier avait complètement refait l’endroit. Elles avaient visité le restaurant, l’hôtel. C’était juste avant son décès. Et en souvenir de ce dernier moment heureux, elle avait fait des recherches sur cet homme dont sa maman lui avait tant parlé. Et c’est comme ça qu’elle avait découvert le Mama Shelter, s’était mise en tête d’y travailler, son Bac Pro en poche. Elle était une élève impliquée et studieuse.

Elle travaillait tellement qu’elle n’avait pas le temps de sortir avec des amis ou de trouver un copain. Elle accordait tout son temps à ses études en hôtellerie-restauration et elle voulait vivre dans le même monde que son père. Le milieu de la restauration l’intriguait, elle aimait la relation avec la clientèle, le plaisir de découvrir les plats venant de différents pays. Oui Paul l’avait compris : Sarah voulait suivre le parcours de son père, lui faire honneur… Il était tellement fier d’elle.

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Aujourd’hui, pour la première fois depuis sa naissance, il ne savait pas où se trouvait sa fille, on l’utilisait comme moyen de chantage pour faire perdre un chef, c’était odieux, de la folie. Il essaya de se remémorer tous les conflits possibles et inimaginables avec les chefs invités au concours.

Tout se bousculait dans sa tête, un vrai cauchemar.

Toujours sous le choc et après avoir tenté à maintes reprises de joindre sa fille sans résultat, Paul se décida à appeler son ami de toujours. David. Lui seul pouvait l’aider et le conseiller. Bien sûr David était Lieutenant à la PJ, bien sûr que la lettre anonyme lui ordonnait de ne pas avertir la police mais il savait qu’il pouvait lui faire entièrement confiance. Il n’y avait que lui pour l’aider.

- Allo David, c’est Paul.- Ah tiens ! Salut, ça va ?- Tout ce que je vais te dire, tu dois le garder pour toi.- De quoi parles-tu ? Que t’arrive-t-il ? Raconte…- On a enlevé Sarah…- Qu’est-ce que tu racontes ?- Je te dis qu’on a enlevé Sarah ! J’ai reçu une enveloppe avec une

photo d’elle et un message la menaçant de mort si je ne suivais pas leurs instructions !

- Où était-elle ?- Au Mama Shelter.- Ok, calme-toi, respire. On se donne rendez-vous dans une heure,

au Jardin Public.- Non, je ne peux pas, je suis au CAPC pour un concours. J’ai ma

pause d’ici trente minutes.- Très bien, je serai là. Surtout reste calme, j’arrive.- Facile à dire ! Je veux que tout ça reste entre nous, personne,

même pas tes collègues ne doivent être au courant. Il ne faut pas que ça s’ébruite, sinon ils risquent de la tuer !

T’as bien compris ?- Oui, compte sur moi. Je m’occupe de tout et je te promets qu’on

retrouvera ta fille et qu’on mettra la main sur ces fumiers !- Merci.- A de suite !

Sarah regardait autour d’elle, elle venait d’ouvrir les yeux. Elle se trouvait dans une pièce sombre. Elle s’aperçut qu’elle était attachée

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au niveau des mains par des colliers serre-flex en plastique noir. Elle était assise à côté d’une chaudière. Pourtant elle frissonnait… elle était encore dans les vapes. La tête lui tournait, ses mains étaient moites, la langue pâteuse, elle avait la nausée. Elle essaya de crier mais aucun son ne sortit de sa bouche. A présent des flashes lui revenaient… Il était environ 21 heures lorsqu’on l’avait appelée pour le room service. Elle était montée livrer le repas chambre 203. Quand la porte s’était ouverte, elle avait découvert un homme assez attirant, la trentaine, blond, plutôt grand, les yeux verts. Mais ce qui l’avait marquée, c’était surtout son tatouage, un dragon vert et rouge.

En entrant, elle avait déposé le plateau sur le lit comme le client lui avait demandé. Mais à peine s’était-elle retournée, elle l’avait vu s’approcher, un tissu à la main. Avant d’avoir eu le temps de crier, il lui avait plaqué sur le visage un tissu humide duquel se dégageait une odeur nauséabonde. Elle n’avait pas eu le temps de crier, elle était effrayée par ce produit qui sentait si fort, elle s’était sentie partir. Elle était en bad trip. Ensuite c’était le trou noir.

David arriva au CAPC et gara sa Ford Mondéo à cheval sur le trottoir. Avant d’en sortir il enfila son imper tout en prêtant attention à l’émission de radio qu’il avait captée sur France Bleu Gironde. L’animateur décrivait le fameux championnat « L’assiette d’or » auquel participait son ami, Paul.

David réussit à rentrer en se faisant passer pour un agent d’entretien pour les cuisines. Vêtu de sa tenue civile, jeans baskets, t-shirt. Il alla directement sur la terrasse du musée. Il chercha Paul du regard, tout en s’assurant que personne ne le suivait et ne risquait de les espionner lors de leur conversation. Il trouva enfin son ami, en tenue de cuisinier, pantalon gris et blouse blanche à son nom, assis sur la terrasse l’air tourmenté, poings sous le menton, coudes sur les genoux et le regard vide.

- Paul, murmura DavidLorsque Paul se retourna face à lui, David lut dans les yeux de son

ami toute la détresse qui le submergeait.- David, s’il arrive quoi que ce soit à ma fille, je ne m’en remettrai

jamais. Depuis la mort de sa mère, nous sommes inséparables. J’ai déjà perdu Nathalie, je ne supporterai pas la disparition de ma fille…

Paul tomba en larmes.- J’ai bien compris Paul, je sais très bien tout ça, j’ai été là et je

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suis là Paul. Nous la retrouverons, je te le promets, je ferai tout mon possible, tu me connais !

- Je n’ai plus qu’elle David je ne veux pas la perdre, je compte sur toi.

Après s’être calmé, Paul raconta à David les détails sur l’enveloppe trouvée contenant la photo de sa fille et le mot rempli de menaces.

- Promets-moi d’être discret et de ne parler à personne, ni à ton entourage, ni à tes collègues de la brigade. Tu dois être l’unique personne à t’occuper de cette affaire sinon je perdrai ma seule raison de vivre, arriva-t-il à articuler en sanglotant. Il reste très peu de temps avant le début du concours. Si tu échoues il faudra alors que je passe à l’action

- J’ai pigé Paul. Je te promets de travailler en solitaire quitte à mettre ma carrière en jeu. Retourne aux fourneaux, essaie encore et encore d’appeler Sarah. Je te tiens au courant…

Paul agrippa fermement la manche d’imperméable de David

Alors que Paul rejoignait son poste de travail, David retourna avec empressement à sa voiture. Il fallait faire vite, le concours se terminait dans quelques heures, le temps était compté.

Après l’entretien avec Paul, David avait assez d’informations pour débuter une enquête. La priorité était d’établir la provenance de l’enveloppe. Il fallait d’abord se rendre au marché des Capucins pour retrouver le livreur.

Une fois sur place, retrouver le premier suspect, la description de Paul était claire et précise. Paul avait peu de temps devant lui, il ne fallait donc pas traîner. Paul lui avait transmis le nom de l’enseigne. Après avoir traversé quelques stands, Il mit rapidement la main sur celui qui l’intéressait réellement. L’homme en question était là, à quelques mètres. Il le reconnut immédiatement.

- Excuse-moi, garçon, j’ai deux trois questions à te poser, amène-moi à ton camion.

Impressionné par la carte de police exhibée par son interlocuteur, le jeune garçon obtempéra.

- Ce matin, lorsque tu as livré le CAPC pour le concours de l’Assiette d ‘or, il y avait une enveloppe, d’où vient-elle ? ».

D’un air innocent, le jeune garçon rétorqua :- Je n’ai vu aucune enveloppe, il n’y avait rien dans les cageots, je

l’aurais vu.

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Fort de son expérience David savait très bien que ce garçon mentait, il décida alors de lui mettre un peu la pression en l’attrapant par le col

- Comment est arrivée cette lettre ? - Ok, ok, un gars est passé ce matin. Il m’a donné la lettre et m’a

demandé de la déposer dans le cageot des légumes, en échange il m’a filé 50€ ».

Par la suite, David demanda une description physique de l’individu qui lui avait transmis l’enveloppe.

- Il mesurait environ 1,85-90m, blond, des yeux verts, la petite trentaine.

- Il n’avait pas un signe distinctif ?- Humm… Ouais ! Je me rappelle d’un tatouage dessiné le long de

son cou, c’était une sorte de dragon vert et rouge.- Merci pour les renseignements, l’ami, mais j’espère ne pas te

revoir.- Moi non plus, m’sieur !David reprit la photo pour poursuivre son enquête.

Le Lieutenant arriva au Mama. En rentrant dans l’hôtel, il observa la salle et l’équipe du restaurant puis se dirigea vers l’accueil où une hôtesse était affairée.

- Excusez-moi Madame. Il lui montra son insigne. Auriez-vous vu un homme d’une trentaine d’années, grand, blond, yeux verts avec un tatouage dans le cou ?

La jeune femme, intriguée, lui confirma qu’elle avait bien des informations sur ce suspect, car pour elle, il ne pouvait être que suspect !

- J’ai aperçu un homme perturbé cette nuit. Il était avec une fille qui semblait mal en point. Je suis allée les voir pour leur proposer mon aide mais il m’a répondu très froidement qu’il n’avait besoin de rien. La fille, elle, n’a pas réagi.

- Pouvez-vous me donner plus de détails sur cet homme ? Vers quelle heure cela s’est-il déroulé ? Le temps joue contre moi, il me faut plus d’informations. Un détail, quel qu’il soit pourrait me mettre sur une piste

- Je ne sais vraiment plus. Cet homme ne m’inspirait pas confiance, j’ai préféré prendre mes distances et regarder ailleurs.

C’était une des dernières pistes de David et soudain, ses espoirs de retrouver Sarah s’envolaient…

Alors qu’il regagnait sa voiture le policier marqua un temps d’arrêt.

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Son visage s’éclaircit. Il fit demi-tour et courut rejoindre la jeune femme.

- Désolé de vous déranger à nouveau. Des caméras ? L’hôtel est-il équipé de caméras de surveillance ?

C’était sa dernière chance. La fille lui répondit qu’effectivement, le hall de l’hôtel était truffé de caméras. Elle appela aussitôt la gérante pour avoir accès aux informations vidéo.

Une fois la gérante sur place, ils se dirigèrent tous trois vers la salle des caméras de surveillance. Aussitôt installé David lança l’enregistrement afin d’identifier clairement le suspect.

Durant le visionnage, l’hôtesse était certaine, cet homme qui ne lui avait pas inspiré confiance, c’était bien lui, qui marchait près de Sarah.

- C’est lui, j’en suis sûr ! Je reconnais son tatouage, tout concorde ! fit l’hôtesse d’un ton péremptoire. Suite à cette remarque la gérante rétorqua :

- Si c’est bien votre homme, je le connais, c’est Joe Natten. Il travaille au «Contramar», un restau spécialisé dans les produits de la mer. C’est à quelques rues d’ici...

- Où c’est ?- Rue des Trois-Conils...- OK. Merci du tuyau...

En entendant son téléphone sonner encore une fois sans pouvoir l’atteindre, Sarah craqua et se mit à hurler de toutes ses forces. Ligotée, elle essaya de se libérer, en vain, ses poignets lui faisaient mal. Epuisée, mais pas désespérée, elle ne lâcha pas et tenta de trouver une solution.

Son téléphone sonna à nouveau. Tout à coup son ravisseur dévala les escaliers et la sonnerie s’interrompit. Elle entendit alors derrière la porte la conversation entre cet homme et son père. Elle n’en crut pas ses oreilles. Cet homme menaçait de la tuer si son père ne gâchait pas un plat… C’était quoi cette histoire ? Elle était choquée, elle savait son père capable de tout pour la sauver.

Il était à présent 8h30. Les serveurs réalisaient la mise en place pour les quatre membres du jury, en veillant à disposer sur chaque table six paires de couverts à poisson pour la dégustation. Un manager intervint auprès des serveurs en leur expliquant le processus de ce service très spécial

- Pour le service vous allez devoir respecter scrupuleusement

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l’ordre de passage que je vais vous définir car chaque dégustation est chronométrée.

Chaque serveur doit s’occuper de son propre juré.Porter vos assiettes à deux mains.Prenez votre temps.Souriez.Souhaitez une bonne dégustation à chaque assiette posée et si par

malheur vous faites tomber un élément de l’assiette prévenez-moi ainsi que votre juré en le servant.

Du côté de la cuisine, Paul angoissé et se sentant hésitant ne savait pas quoi faire. La peur l’envahit, perdre son être cher, sa seule famille.

Déconcentré, il réfléchit à quels moyens opter pour saboter le plat de son chef. Perturbé, il finit par s’entailler le doigt. Il se rendit à son casier pour accéder à la trousse de secours...

En revenant à son poste, il passa par l’économat. Il pensa aux ingrédients de sa préparation, il regarda les étagères et vit une petite bouteille d’Angostura. Il connaissait ce produit : quelques gouttes de cet exhausteur d’amertume le plat serait raté. Ces quelques gouttes passeraient inaperçues dans la préparation de la sauce pour accompagner la création de son chef.

Andréa de Montaigut avait imaginé un plat délicieux, des noix de Saint-Jacques sautées accompagnées d’un riz noir vénéré ! Andréa aimait raconter l’histoire de ses plats... Le riz noir vénéré ! Le riz «interdit» ! Un riz réservé exclusivement aux Empereurs de Chine ! Difficile à trouver ! Une saveur infinie ! Des arômes de noisettes ! Voilà ce qu’il allait offrir au jury !

L’astuce consistait à napper le tout d’une onctueuse sauce à base du jus de cuisson des coquilles et de truffe fraîche râpée.

Andréa voyait l’assiette : une création d’art pur ! L’orange du corail contrastant avec le sombre du riz... Le blanc des noix s’opposant au vert fluo de l’algue wakamé... Une composition esthétique infiniment raffinée...

David arriva au «Contramar». Il regarda sa montre. 9H25 ! L’établissement était fermé. Vu l’heure déjà avancée c’était plutôt surprenant... Il essaya d’ouvrir la porte d’entrée... Peine perdue ! Il frappa une fois. Deux fois... Pas de réponse. Il essaya de faire le tour par l’arrière mais l’immeuble n’avait pas d’autres accès. Il revint sur la rue.

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Il avisa un soupirail situé en bas de la façade sur la gauche. Il se pencha mais ne put voir à l’intérieur. Trop sombre...

Sarah vit une ombre en haut de la fenêtre qui donnait sur la rue. Elle devait attirer l’attention de la silhouette qui venait d’apparaître. Elle vit les bouteilles qui se trouvaient en haut d’une étagère . A bout de nerfs dans un ultime effort elle parvint à s’arque bouter sur ses jambes et, d’un coup d’épaule elle envoya valdinguer les bouteilles qui se fracassèrent au sol. Elle se mit à espérer... Tout à coup, la silhouette réapparut...

David comprit que quelque chose venait de se passer à l’intérieur. Ce bruit n’était pas une coïncidence... Il essaya de frapper aux carreaux.... Il cria : «Y a quelqu’un ? Tout va bien ?» Il se sentait un peu idiot mais il recommença d’un ton plus convaincant:

«Y a quelqu’un là-dessous ? Répondez !»Personne ne bougeait en bas... Il fallait faire quelque chose... Il cria

à nouveau :- Sarah, c’est toi ? Réponds bon dieu !La jeune fille mordait dans son bâillon. Aucun son ne sortait de sa

bouche. Elle donna des coups de pieds dans les tessons de bouteilles, comme une furie, avec l’énergie du désespoir. Cette fois David était sûr. Il cria à nouveau :

- Sarah, je t’entends, c’est moi... T’inquiète, j’arrive !

Sarah reconnut la voix qui lui était familière. Cette voix, oui, elle la connaissait depuis son enfance. C’était celle de son parrain, David le meilleur ami de son père… La voix de la liberté !

David recula d’un pas et de toutes ses forces il explosa la vitre du soupirail...

Paul, à deux doigts de verser les deux gouttes d’Angostura dans le mets, releva la tête, prit une bouffée d’air frais et vit au loin Sarah au bras de David ! Il n’y croyait pas : sa fille, ici, au concours, accompagnée de David ! Alors que quelques heures auparavant on ne savait où la chercher...

Emu, son cœur se mit à palpiter, mais de joie, cette fois-ci. Professionnel, il ne devait rien laissait paraître. Il remit rapidement la petite bouteille dans sa poche de pantalon. Et c’est avec soulagement et un grand sourire intérieur qu’il finit la présentation de son plat.

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Le concours pouvait continuer en toute conformité.

Et que le meilleur gagne !

EpilogueLa gérante du Mama Shelter relut l’article de «Sud-Ouest» : elle n’en

croyait pas ses yeux !La police avait arrêté Joë Natten, le commis du grand chef du restaurant

le «Contramar». Le scandale était complet ! Le patron du «Contramar» sous les verrous ! Il avait commandité l’enlèvement de la fille de Paul Bénétier, le second du grand Andréa de Montaigut ! Le plan était machiavélique : le sabotage de l’assiette d’Or avait été déjoué à la dernière minute grâce à l’intervention de la police et les informations cruciales fournies par... l’équipe du Mama Shelter !

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FlashéesLycée Jean Renou - La Réole - 2nde2

IElle se réveille en sursaut. Un bruit. Elle sort de son lit et cherche

l’interrupteur à tâtons. Elle commence à explorer sa maison et cherche la provenance de ce bruit suspect. Puis, dans son salon, elle découvre la porte entrouverte. Quelqu’un s’est introduit chez elle ! Prise de panique, elle court en direction de la chambre des enfants craignant pour leur sécurité. Une fois rassurée, elle entend le parquet de sa chambre grincer. Elle saisit le premier objet à sa portée.

Le souffle court, elle découvre qu’auprès de son lit, la fenêtre ouverte laisse s’échapper le vent glacial de la nuit. Elle s’enfonce prudemment dans la pièce, éclairée par un rayon de lune. Elle remarque alors sur le sol une feuille blanche. Elle la prend, la retourne et découvre avec stupéfaction, une photo d’elle endormie avec une inscription au dos : « Vita brevis ». D’effroi, elle la lâche et tombe assise sur son lit. Qui a fait ça ? Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi cette citation ? Toutes ces questions tournent dans sa tête. Le temps de reprendre ses esprits, elle se rue sur le téléphone et appelle la gendarmerie.

IIIl est 7 h 55 et les enfants ne sont pas encore entrés dans la cour.

Lisa arrive à ce moment dans la rue. Au bout de chaque main, elle tient l’un de ses enfants : Maëlle, sa petite fille de 7 ans, et Léon, son fils de 9 ans. Elle porte sous sa veste son uniforme de la gendarmerie. Elle se faufile jusqu’à l’entrée en évitant soigneusement les personnes qu’elle connait. Ce n’est pas un jour à taper la causette et arriver en retard !

Elle arrive enfin au portail et se baisse au niveau de ses petits diables.- Vous restez manger à la cantine aujourd’hui. Je ne peux pas venir

vous chercher ce midi à cause du travail. Maëlle, tu fais attention à ne pas oublier ton manteau une nouvelle fois, d’accord ? Léon, tu n’oublies pas d’aller chercher ta sœur pour aller à l’arrêt de bus ensemble ce soir ? La voisine sera à votre arrêt pour vous raccompagner. Vous n’oublierez pas ?

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- Non. Ne t’inquiète pas Maman... Mickaël m’appelle… je peux y aller ? demande Léon avant de partir sans trop écouter la réponse.

- Bien. Allez ! Ouste ! Bonne journée !Elle reste quelques minutes pour être sûre qu’ils entrent puis repart

vers sa voiture stationnée une rue plus loin. Elle s’attache rapidement, démarre et jette un rapide coup d’œil à l’horloge du tableau de bord : 8 h 07. Aïe ! La journée commence bien !

Elle ouvre le portail et pénètre dans la gendarmerie. En retard, elle court jusqu’à son bureau et s’installe. Elle est de nouveau dans son élément. Elle allume son ordinateur et attrape la pile des papiers à étudier. Son regard se pose au passage sur une photographie. Un voile de tristesse et de nostalgie s’empare d’elle. L’image représente une famille heureuse, unie mais surtout complète : Maëlle, Léon, chacun dans les bras de leur père et de leur mère. Cela fait maintenant deux ans que son mari, Elliot, est mort lors d’une intervention.

- Bonjour Lisa ! Alors, encore arrivée en retard ! Tu sais que ma femme t’a déjà proposé d’emmener tes enfants à l’école le temps que tu te prépares calmement ?

- Bonjour à toi aussi, Ludo. Oui, je le sais. Par contre je ne sais pas combien de fois tu me l’as répété ! On est tous deux PAMI* aujourd’hui, c’est ça ?

- Et oui !Ludovic est un très bon collègue. Il agit vite et bien lors

d’interventions et remonte le moral de tout le monde. Les mois qui ont suivi le décès d’Elliot, il a été très présent pour Lisa, ce qui les a rapprochés. Tous deux se tournent vers le planton**. Il est au téléphone, sûrement avec une victime d’un cambriolage vu l’heure.

- Madame. S’il vous plaît, calmez-vous et expliquez-vous plus clairement.

À tous les coups, ils vont les envoyer...- Très bien. Surtout ne touchez à rien, je vous envoie quelqu’un.Gagné ! Lisa se tourne vers Ludovic qui vient à peine d’allumer son

ordinateur. Le planton s’avance vers eux.- Tenez, il faut vous rendre au numéro 10 de la rue Armand Caduc.

Quelqu’un serait entré par effraction dans la maison de la victime, Isabelle Corbens, et l’aurait prise en photo lorsqu’elle dormait. Un cliché polaroïd a été laissé sur place.

- On y va ! répond immédiatement Ludovic.

*PAMI : gendarme de garde envoyé en intervention sur le terrain(Premier A Marcher d’Intervention)

**planton : gendarme qui reçoit les appels, accueille les personnes à la gendarmerie

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IIILes gendarmes arrivent chez Isabelle. Elle va à leur rencontre et les

mène jusqu’à la porte qui a été forcée.Lisa et Ludovic se présentent puis interrogent la victime sur le

déroulement de l’histoire. Elle explique son réveil, les bruits qu’elle a entendus, la porte forcée, son inquiétude pour ses enfants, et enfin la photo avec la citation. Elle dit aussi que rien n’a été volé. Tout a l’air à sa place. Mais elle n’est pas rassurée, elle se sent perdue.

Les deux PAMI font le tour du logement pour trouver d’éventuels indices laissés par l’intrus. Ludovic photographie la serrure forcée tandis que Lisa met le polaroïd sous scellé. On y voit la femme à moitié dénudée, dans son lit. Le faible éclairage met en valeur son visage harmonieux. La gendarme explique à la victime que cette photo va être analysée pour trouver des empreintes mais que cela risque de prendre du temps et qu’en la touchant, elle y a rajouté les siennes. Elle ajoute que le modèle de l’appareil peut être identifié et qu’une enquête de voisinage sera faite.

En fin d’intervention, les agents font donc part de leurs observations à Mme Corbens. Du point de vue de Ludovic, il est tout à fait normal qu’elle n’ait rien entendu lors de l’effraction puisque cette porte en PVC est très facile à forcer. Le but de l’auteur des faits n’était sûrement pas de dérober quelque chose mais de faire peur à Isabelle. Et en effet, depuis quelques temps elle se sent oppressée, c’est comme si une présence malsaine la suivait. Pourtant, elle ne voit pas qui pourrait lui vouloir du mal. Elle leur parle tout de même d’un ancien compagnon qui a été très marqué par leur rupture il y a quelques semaines… Cependant, elle ne le croit pas capable d’un tel acte… ils sont restés en bons termes.

Lisa reste perplexe, les apparences sont parfois trompeuses : il ne faut rien négliger.

Maintenant Mme Corbens devra se rendre à la brigade pour faire enregistrer sa déposition.

- Restez très vigilante. N’hésitez pas à nous contacter si vous remarquez quelque chose ou si vous vous sentez de nouveau en danger.

IVQuelques jours plus tard, le planton reçoit un appel d’une certaine

Mélanie Dubuisson. Quelqu’un est entré chez elle et y a laissé un polaroïd où elle apparaît endormie. Au dos : la même inscription que sur le cliché trouvé chez Mme Corbens. «Vita brevis».

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Les deux PAMI se déplacent à cette nouvelle adresse. La porte a là aussi, été forcée. La victime terrifiée est sous le choc. Célibataire, elle ne se sent plus en sécurité et a peur pour ses enfants. Ils l’incitent donc à déposer plainte.

Le lendemain matin, Lisa discute avec ses collègues devant un café, des affaires en cours de chacun. Il y a un lien évident entre leurs deux dossiers. Ils décident de les regrouper. Ces effractions les inquiètent de plus en plus.

Une semaine plus tard, ils reçoivent deux appels : Caroline Nérat et Fabienne Tignon ont elles aussi été victimes du même type d’effraction à trois jours d’intervalle. Ces fois-là, aucune empreinte n’a été laissée. Pour Caroline, l’auteur des faits est entré par le garage qui avait malencontreusement été laissé ouvert tandis que chez Fabienne, la serrure a été forcée.

Le surlendemain, Lisa qui a laissé ses enfants chez une nounou, arrive plus tôt au bureau. Lors de la réunion de service, ils mettent en commun ce qu’ils savent : toutes ces femmes ont déposé plaintes, toutes sont très belles, toutes sont célibataires ou veuves et ont des enfants.

Lisa se pose sérieusement des questions. Cela devient de plus en plus étrange.

- Qui a fait ça ? Ces affaires sont clairement liées, il n’y a aucun doute...

Ludovic soupire et pose le dossier sur la table :- Bon. Récapitulons. Nous avons quatre plaintes de femmes qui,

à leur réveil, ont découvert un polaroïd d’elles endormies avec une inscription latine menaçante signifiant « la vie est courte ». Pour la plupart, la porte de leur domicile a été fracturée. Pour le moment l’enquête de voisinage n’a rien donné. Ce sont des femmes qui n’ont rien à se reprocher et qui sont a priori sans histoires. Nous n’avons pas de suspect et les analyses du polaroïd sont en cours. Ça ne nous fait pas grand-chose...

- Nous pouvons toujours faire le lien entre les victimes.- Hum… Elles sont plutôt belles et séduisantes…- Un pervers sexuel ?- Peut-être…- Elles sont aussi mères d’un ou plusieurs enfants... et d’après

leur dossier chacune d’elle a un enfant suivi dans la même structure psychiatrique.

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- Elles s’y rendent souvent ?- Ça dépend, lui répond Lisa en consultant les dépositions. Ça

varie : entre une fois par semaine et une fois par mois...- Elles se connaissent ?- D’après ce qu’elles nous ont dit, juste de vue, au centre. Elles ne

se sont jamais adressé la parole. Nous n’allons pas écarter les autres pistes mais la plus probable pour le moment serait celle du pervers sexuel. Peut-être quelqu’un du centre hospitalier qui les aurait vues quand elles rendaient visite à leur enfant.

- C’est une idée… On peut toujours s’y rendre pour voir ce qu’on y trouve.

Ils appellent rapidement le directeur, lui expliquent la situation et se donnent rendez-vous dans son bureau.

VLisa et son collègue passent les portes de l’établissement avec une

certaine appréhension. En effet, entrer dans un hôpital psychiatrique n’a rien d’anodin. Ils sont accueillis par une jeune femme qui les entraîne à sa suite dans le dédale des couloirs jusqu’au bureau du directeur.

Ce dernier est un homme assez grand et mince. Une expression inquiète s’affiche sur son visage lorsqu’il voit arriver les deux gendarmes. Il les invite à s’installer et l’entretien commence immédiatement…

- Monsieur le directeur, toutes les victimes ont un enfant hospitalisé dans votre structure, c’est un point commun sérieux qu’on ne peut négliger. C’est également pour cette raison que nous devons parler à votre personnel. Pourriez-vous nous fournir une liste de vos employés ainsi que de vos patients ? Cela ferait vraiment avancer l’enquête, explique Ludovic.

- Je comprends parfaitement, déclare le directeur. Je vous imprime la liste tout de suite, seulement vous devez savoir que je ne peux vous fournir que les noms de mes patients ; leurs pathologies ne seront pas communiquées à cause du secret médical.

- Je vois… Pouvons-nous accéder à l’emploi du temps de vos employés ? questionne Lisa.

- Tenez, le voilà.- Merci de votre aide, monsieur. Nous serons certainement amenés

à nous revoir. Pouvez-vous rester à notre disposition, s’il vous plait ?- Bien évidemment. Je me permets de vous demander de rester

discrets au sein de la structure. Je préfèrerais que les entretiens

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s’effectuent loin du regard des patients et des visiteurs, pour éviter de susciter la curiosité…

- Nous ferons de notre mieux. Bonne fin de journée.

Les deux gendarmes sortent du bureau du directeur. Et quelques heures plus tard, ils ont interrogé presque tous les employés et ont pu ainsi rayer de la liste des suspects certains patients bien incapables de forcer une porte ou même de prendre une photo.

Ils apprennent en parlant à des médecins que certains patients en revanche aiment particulièrement la photographie, qu’ils pratiquent avec une infirmière du nom de Patricia Lougard. Cette dernière est très proche des personnes dont elle s’occupe. Alors que les gendarmes se dirigent vers elle, un patient lui saute dans les bras pour lui montrer son dernier cliché.

- Regarde ! Regarde ! Ça te plait ?- C’est magnifique, Stéphane…- J’ai suivi tes conseils pour l’éclairage… c’est grâce à toi ! Tu es

fantastique, Patricia !- N’en fais pas tant… tu as beaucoup progressé par toi-même.Le patient s’éloigne et l’infirmière ajoute :- C’est un brave garçon. Il n’a pas eu une enfance facile… Il est attachant.Elle leur parle ensuite de trois ou quatre personnes mais ne croit

pas qu’ils aient pu commettre de tels actes.Les entretiens terminés, les gendarmes montent en voiture et

rentrent analyser la liste des suspects. À peine installé, Ludovic reçoit un appel. Le type d’appareil photo a pu être déterminé : c’est un polaroïd 600 Impulse, un modèle assez répandu.

Ils peuvent enfin souffler un peu, la visite au centre hospitalier a été assez éprouvante. Ils se penchent sur la liste et entrent les noms dans la base de données, le FNAEG*, dans le but de trouver d’éventuels antécédents judiciaires ce qui créerait de nouvelles pistes

Ludovic propose de commencer par les patients qui aiment la photographie. Un des noms retient leur attention : Stéphane Lee.

- C’est le type qu’on a croisé tout à l’heure, non ?Il est dans les fichiers ! Il a par le passé, suivi des femmes jusqu’à

leur domicile et leur a fait des avances, apparemment de manière parfois violente, à la limite de l’agression. D’un commun accord, Lisa et Ludovic décident de commencer à s’intéresser sérieusement à lui.

*FNAEG : Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques qui conserve(pendant 25 à 40 ans) les empreintes génétiques des personnes impliquées dans des affaires

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VISuite à l’accord du procureur, le suspect est convoqué à la gendarmerie. Une

psychologue doit être présente. M. Lee semble paisible, il n’a pas l’air apeuré. C’est comme s’il les attendait. Lisa est surprise et débute l’interrogatoire :

- Bonjour, M. Lee.- Bonjour, répond Stéphane.- Nous vous avons convoqué suite à une affaire d’atteinte à la vie privée

et d’effraction.- Ah bon ? Quoi comme affaire ?Stéphane détourne le regard. Il contemple les photos accrochées au

tableau de liège.- Vous semblez être interpellé par ses clichés. Est-ce que vous les

reconnaissez ? demande Lisa.- Oh non pas nécessairement, mais je me dis que ces photos sont bien

prises, elles sont artistiques.- Que voulez-vous dire par là ? demande alors Ludovic.- Je les trouve plutôt belles, je suis moi-même un photographe amateur… vous

savez que je fais partie du club de photographie à la clinique ? C’est une passion.- Quel genre d’appareil utilisez-vous ? demande Lisa.- Un polaroïd.- Quel modèle ?- Un polaroïd Impulse 600.- D’accord… Et depuis combien de temps avez-vous cet appareil ?

demande Ludo.- C’est Patricia qui me l’a offert quand je suis rentré au club. On en a

chacun un différent.- Pouvez-vous nous le donner ?- Bien sûr, je le garde toujours avec moi.- Pourquoi ?- Je photographie tout ce que je peux photographier. Dans chaque chose

se cache de la beauté, je la recherche partout et essaie de la capturer.- Qu’est-ce qui vous pousse à faire cela ?- La beauté. C’est à cause d’elle que je suis à l’hôpital. La beauté des

femmes. Elle me donnait des pulsions. Et je ne pouvais pas me contrôler. Et je faisais du mal… Mais maintenant que je suis suivi, je veux la capturer autrement. La vie est courte… et éphémère.

- Quelle est votre relation avec les femmes aujourd’hui ?- À l’hôpital, toutes les femmes sont formidables. J’ai une relation douce

avec elles.

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Lisa regarde Ludovic, ils se comprennent.- Merci de votre coopération M. Lee... Mais nous n’avons pas fini de vous

questionner.- D’accord, allez-y !

L’interrogatoire se poursuit. Les soupçons s’intensifient. M. Lee avoue qu’il rôde parfois dans la ville la nuit et que ses pulsions l’ont repris dernièrement. Or, des témoins l’ont reconnu aux abords des quartiers des victimes. Il est donc placé en garde à vue.

Stéphane Lee, atteint de lourds problèmes psychologiques, à savoir de bipolarité et d’un syndrome maniaco-dépressif, incriminé pour avoir pénétré chez quatre femmes la nuit pour les photographier, a été disculpée grâce aux aveux déroutants de l’infirmière Patricia Lougard. Événement pour le moins inhabituel à ce stade de l’affaire. Tout pourtant accusait le jeune homme. Son appareil photo était celui qui avait servi à prendre les clichés. Le jeune homme avait également de conséquents antécédents judiciaires : il avait notamment été accusé d’avoir suivi et harcelé des femmes à plusieurs reprises.C’est lors de la sentence de Stéphane Lee que l’infirmière a interrompu le verdict, s’écriant «Stop ! Il n’est pas coupable ! C’est moi !» à la surprise

générale de la Cour.En effet, cette dernière paraissait totalement insoupçonnable, il était tout à fait inimaginable qu’une femme si attentive et si douce puisse commettre de tels faits.Elle se justifie aujourd’hui par le sentiment maternel qu’elle éprouve envers ses patients, filles et fils des victimes désignées. En effet, elle accuse ces dernières de ne pas s’être occupées de leurs enfants, et d’être à l’origine de leurs problèmes psychiatriques. Elle se dit également fragilisée par la perte de son nouveau-né il y a une dizaine d’années. Cela aurait entraîné un besoin de surprotection qu’elle aurait reporté sur ses patients.Elle a donc été appelée à comparaître, au tribunal correctionnel de Bordeaux lundi prochain.

COUP DE THÉÂTRE AU TRIBUNALAccusé de violation de domicile et d’atteinte à la vie privée à plusieurs reprises, Stéphane Lee a finalement été innocenté à son audience grâce à l’intervention déconcertante de Patricia Lougard, infirmière au centre psychiatrique où est interné M. Lee. Cette femme s’est en effet désignée comme auteure des faits.

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Je n’avais que deux solutionsLycée des Iris - Lormont - 2nde GT5

Circonscription de Bordeaux23 rue Ducau, 33000 BordeauxTéléphone: 05 56 52 43 28

DECLARATION DE MAIN COURANTERegistre de main courante numéro : 407

Déclaration effectuée le 18/04/2014 à 13h46

Rédacteur : Vincent Garnier Service : police nationaleObjet : disparitionAdresse des faits dénoncés : 81 rue Notre Dame, quartier des Chartrons, Bordeaux 33000

Déclaration :- Étant au service-- Recevons et entendons la personne précitée qui nous déclare :- Le 11 avril, vers 19h, je me trouvais au vernissage organisé par mon compagnon qui est sculpteurLieu : rue Notre Dame, quartier des Chartrons, Bordeaux 33000- Mon compagnon M. Olssön Gustav disparaît aux environs de 19h10- Depuis j’ai reçu un MMS de sa part à 19h51, le jour de sa disparition, le montrant dans la position de la sculpture qu’il était en train de créer- Ne l’ayant pas revu depuis cette date, je me résous à faire cette déposition.- Gustav Olssön est de taille moyenne (1m75), brun aux yeux bleus et barbu. Il était vêtu d’un costume élégant et d’un nœud papillon noir. Il a un accent car il est d’origine suédoise.- Signe particulier : il a une tâche de naissance sur l’épaule droite.- La veille de sa disparition il était distant et un peu stressé mais j’ai mis cela sur le compte du vernissage qu’il organisait le lendemain.- Déclaration à toutes fins utiles- Lu avec nous, persiste dans ses déclarationsPersonnes concernées :

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Déclarant : Estelle Verdier Née le 8 juin 1980 à Paris Nationalité française: oui Demeurant : 29 rue Meste Verdier Bordeaux Bacalan Téléphone : 06 00 06 60 17

Estelle face au policier

- Donc madame Verdier, si j’en crois cette déposition vous étiez présente lors de la disparition de votre futur mari ?

- Oui, c’est cela …- Une dernière chose, il vous semblait distant, inquiet ou peut-être

paniqué ?- Je ne me souviens plus... Tout se mélange dans ma tête...- Alors je récapitule une dernière fois : le sculpteur, Gustav Olssön,

né en 1980, d’origine suédoise, est venu en France à l’âge de 15 ans. Vous vous êtes rencontrés en classe de Seconde au Lycée Montesquieu à Bordeaux. Il a 34 ans aujourd’hui, et c’est un homme d’un naturel très sympathique, doux et attentionné, et il a aussi une tâche de naissance sur l’épaule droite. Il a disparu le 11 avril 2014 sans raison apparente et n’a pas réapparu depuis cette date.

- Oui, c’est cela...- Avez-vous quelque chose à ajouter ?- Non, c’est tout.Un peu plus tard, Estelle seule ...

Estelle Verdier, compagne de Gustav Olssön

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C’était le soir du vernissage organisé par mon futur mari Gustav ; je regardais l’une de ses œuvres quand j’ai vu qu’il était au téléphone, avec un air soucieux...Je me suis demandée si tout allait bien, mais j’ai été sollicitée ailleurs par l’un de nos invités. Peu après, me tournant vers l’endroit où se trouvait Gustav, j’ai constaté qu’il n’y était plus. Tout naturellement, je l’ai donc cherché un peu partout, hélas, sans résultat. Je me suis dit qu’il était peut-être sorti fumer une cigarette puisqu’il fumait beaucoup ces derniers temps.

Au bout de quelques minutes, j’ai remarqué qu’il n’était toujours pas revenu... Je suis donc partie à sa recherche avec quelques amis mais nous ne l’avons pas retrouvé... Nous avons regardé rue Notre-Dame, rue Saint Joseph, rue Pomme D’or. Nos recherches sont restées vaines.

Tout à coup, j’ai reçu un MMS dont l’identité était masquée, et à ma plus grande surprise, Gustav était présenté dans la position de la statue qu’il était en train de terminer : il était attaché à une chaise, le bras gauche en l’air et le poignet ligoté à une barre.

J’ai commencé à m’affoler, et j’ai tout de suite appelé mon père.

Jacques Verdier, le père d’Estelle

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Ce soir-là, j’étais de garde au commissariat. Mon téléphone a sonné et c’est le nom d’Estelle qui s’est affiché. Surpris, j’ai décroché car je savais qu’elle assistait au vernissage de Gustav, événement très important pour eux qu’ils préparaient depuis des mois. En décrochant, j’ai entendu des sanglots dans sa voix et les propos qu’elle tenait étaient confus. Elle était dans un état d’angoisse et de panique. Je me souviens de notre conversation :

- Papa, il a disparu. Il est attaché, il faut faire quelque chose.- Ma chérie, que se passe-t-il ? De quoi parles-tu ?- De Gustav papa, je crois qu’il a été enlevé. J’ai reçu un MMS envoyé

avec son téléphone. C’est horrible, ils l’ont attaché, ils vont le tuer.- Estelle calme-toi, je t’en prie. Respire et recommence depuis le début

car je ne comprends rien.

J’ai tenté de la rassurer et de la ramener au calme. Au fur et à mesure de ses explications, j’ai réalisé la gravité de la situation et le caractère inattendu de ce MMS ; même si de prime abord, j’avais pensé à un simple canular de la part de Gustav qui était plutôt farceur et excentrique. Je me suis abstenu de le dire à Estelle pour ne pas la vexer.

Dès le lendemain, je me suis rendu à leur domicile pour voir si Gustav était rentré. J’ai trouvé Estelle seule, en larmes dans sa cuisine alors qu’elle préparait le plat préféré de Gustav dans l’espoir de le voir revenir. Elle avait les traits tirés, de grandes cernes qui marquaient son visage. J’en ai profité pour l’interroger et prendre des renseignements sur leur couple. Je n’avais pas pour habitude de m’immiscer dans leur intimité mais j’y étais obligé par la force des choses, des circonstances. Sans que ma fille s’en doute, je commençais mon enquête personnelle.

Alors qu’Estelle était allée se reposer, car les dernières heures avaient été difficiles pour elle, j’ai découvert sur la table du salon une enveloppe ouverte dans laquelle on devinait un relevé bancaire. Je me suis permis de l’ouvrir, le parcourant rapidement des yeux pour ne pas qu’elle me surprenne. J’ai vu un virement de 25 000 euros provenant de leur banque. J’étais intrigué et j’ai décidé d’en toucher deux mots à Estelle lorsqu’elle se réveillerait.

À son réveil, je l’ai questionnée. Elle m’a rassuré sur le virement : ils avaient emprunté cette somme pour couvrir les frais du vernissage de Gustav. Ses réponses m’ont laissé un peu perplexe et ont fait naître d’autres soupçons. Où en était-elle véritablement avec Gustav ? Rencontrait-elle quelques difficultés dans sa vie de couple ?

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La disparition de Gustav me touchant de trop près, je ne pouvais être chargé de l’enquête. J’ai appris que Jean-Pierre Bergovitz avait été désigné pour résoudre cette affaire puisque que nous n’avions toujours aucun signe de vie de Gustav.

Bergovitz et moi, c’était de l’histoire ancienne. Nous nous étions rencontrés à Paris il y a 14 ans de cela, lors du concours pour devenir commissaire. Nous avions suivi pendant un an la même formation et nous avions sympathisé. Malheureusement, contrairement à lui, je n’ai pas réussi ce concours. Après son succès, il a été muté à Bordeaux où il a pris ses fonctions à la brigade criminelle.

Il doit avoir aujourd’hui dans les 55 ans. Physiquement, il était grand et mince, très sportif et musclé, pratiquant le judo. Je me souviens qu’il était passionné de littérature policière et qu’il était écrivain à ses heures. Dernièrement, en librairie, je suis tombé sur un de ses romans Ne regarde pas l’ombre. Il affirme dans la préface s’inspirer de ses propres enquêtes pour « combler le fossé existant entre fiction et réalité ». On dit de lui que c’est un homme curieux, épris de justice, courageux, qui applique les règles à la lettre. Organisé, perspicace et intuitif je suis rassuré qu’il soit en charge de l’affaire. En aucun cas il ne fera le lien entre moi et Gustav car nous n’avons pas le même nom. Je vais donc le contacter pour l’informer de la situation et lui livrer les indices que j’ai découverts. Va-t-il se souvenir de moi, comme moi, je me souviens de lui ? Je ne peux laisser ma fille dans l’incertitude. Je ne sais pas comment il recevra les indices que j’envisage de lui livrer et quelle importance il leur accordera.

Un mois plus tard …Le commissaire Bergovitz s’adresse aux policiers qui ont travaillé

sur l’enquête concernant la disparition de Gustav Olssön.

Le commissaire Bergovitz

« Je vous ai tous rassemblés ici ce jour pour faire le point sur l’affaire Olssön. Cela fait déjà plus d’un mois qu’il a disparu. Voici ce que nous savons :

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Ce sculpteur a emprunté avec l’accord de sa future épouse Estelle Verdier la somme de 25000 euros à leur banque pour couvrir les frais de son vernissage et de ses créations à venir. Suite aux éléments communiqués par notre collègue Jacques Verdier, en particulier la possible existence d’une maîtresse, nous avons découvert de nouveaux éléments. Les soupçons du père de mademoiselle Verdier se sont révélés exacts. En fouillant dans le passé de monsieur Olssön, j’ai appris que ce dernier avait renoué une relation avec une ancienne camarade de lycée nommée Céline d’Hoiry. Elle était en seconde au lycée Montesquieu dans la même classe que Gustav Olssön et Estelle Verdier. Tous les trois étaient inséparables jusqu’à ce qu’Estelle et Gustav se mettent en couple. Leurs retrouvailles ont eu lieu le 09 juin 2013 lorsque monsieur Olssön, voulant acheter du vin dans le Médoc pour fêter l’anniversaire de sa future femme, s’est rendu dans la propriété de monsieur d’Hoiry. Ce dernier m’a contacté suite à l’article publié dans le journal Sud-Ouest.

Je l’ai reçu au commissariat et il m’a livré des informations intéressantes sur Gustav Olssön et la relation qu’il entretenait avec sa fille. Pour résumer, Céline d’Hoiry est architecte. Elle est âgée de 34 ans. Elle est née le 21 septembre 1980. Elle mesure environ 1m70, ses cheveux sont longs et roux. C’est une jeune femme séduisante et cultivée avec une vie sociale bien remplie mais elle souffre depuis son enfance de troubles bipolaires. Elle est d’ailleurs suivie régulièrement par un psychiatre depuis son adolescence selon les affirmations de son père. Ce dernier nous a révélé cette fragilité. Robert et Catherine

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d’Hoiry, ses parents, se sont séparés au cours de sa dixième année. Catherine d’Hoiry et sa fille sont parties habiter dans le quartier des Chartrons, cours de la Martinique plus exactement, pour les études de Céline mais aussi parce que les conflits familiaux étaient fréquents.

Monsieur Robert d’Hoiry, est le propriétaire du Château du Taillan, domaine de 150 hectares, situé dans le Vignoble du Médoc au nord-Ouest de Bordeaux. Lorsque Gustav Olssön est venu au château, Céline d’Hoiry le lui a présenté. Monsieur d’Hoiry se rappelait vaguement ce camarade de classe suédois. Il nous a confié que ses impressions ce jour-là n’ont pas été positives malgré l’enthousiasme affiché par sa fille, euphorique par ces retrouvailles. Il m’a également rapporté, que dans les semaines qui ont suivi, le comportement de sa fille s’est notablement modifié. Elle lui a emprunté la somme de 20 000 euros sans lui donner de motif précis. Robert d’Hoiry qui adore sa fille unique et ne peut rien lui refuser, a accepté sans poser trop de questions. D’autre part, lors de notre entrevue, je lui ai montré le MMS reçu par Estelle Verdier le soir de la disparition, que nous n’avions pu localiser précisément. Monsieur d’Hoiry a immédiatement reconnu son appartement des Chartrons. C’est un détail qui a retenu toute son attention : Gustav Olssön était ligoté au milieu d’une pièce, dans laquelle on pouvait apercevoir sur le mur du fond, un mobile brillant, en forme de perle, souvenir d’un voyage en Polynésie qu’il avait offert à sa fille. J’ai aussitôt adressé une convocation à Céline d’Hoiry afin d’entendre sa version des faits. Elle n’a pas répondu à cette convocation. Sans plus attendre, j’ai envoyé une équipe à son domicile cours de la Martinique car je pense que Gustav Olssön s’y est peut-être réfugié. »

Pendant ce temps, dans l’appartement cours de la Martinique...

Céline d’Hoiry

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Nous étions tous deux dans cette petite chambre de bonne dans le quartier des Chartrons, devant un verre de whisky. Nous en avions besoin après ces derniers jours mouvementés et avant notre fuite en Suède. Tout ce que nous avions planifié depuis des mois allait enfin se réaliser. J’allais enfin pouvoir avoir Gustav pour moi toute seule. J’attendais ce moment depuis si longtemps ; j’étais si heureuse et si excitée ! Gustav de son côté était stressé, distant et quelque peu désagréable. Je ne comprenais pas son attitude. Après plusieurs verres, il s’est enfin détendu. Sous l’effet de l’alcool, il m’a fait des confidences que je n’aurais jamais pu imaginer : il m’a avoué qu’il n’avait jamais eu l’intention de m’emmener dans sa fuite en Suède et qu’il m’avait utilisée depuis le début, pour mon argent. Horrifiée par ses révélations, je me suis mise à hurler de toutes mes forces. Tout ce que nous avions imaginé s’effondrait, tout ce que j’avais fait et tout ce que j’étais prête à faire, l’argent que j’avais emprunté à mon père pour lui, pour partir en cavale avec lui en Suède, tout cela tombait à l’eau. Ce n’était pas possible, je ne pouvais l’accepter.

Gustav, ivre, ne s’est pas rendu compte de ce qu’il m’avait avoué. Folle de rage, j’ai attrapé la première chose qui se présentait : la bouteille de whisky. Je l’ai frappé à la tête de toutes mes forces ; la bouteille a volé en éclats et la tête de Gustav a heurté violemment l’accoudoir du canapé. Du sang a ruisselé le long de sa tempe. Mes larmes de tristesse sont devenues des larmes de colère, de fureur. Après l’avoir attendu depuis tant d’années, il était hors de question qu’Estelle le récupère une fois de plus. Gustav devait être à moi et à moi seule, pour toujours, pour l’éternité. Mon cœur s’est emballé, mes mains étaient moites, j’ai pris un coussin et l’ai posé sur son visage inanimé. J’ai retenu ma respiration et appuyé de toutes mes forces. Je ne me contrôlais plus, j’ai étouffé Gustav.

Quelques minutes plus tard, des sirènes ont retenti, des portes de voitures ont claqué, j’ai entendu des hommes monter en courant dans la cage d’escalier de l’immeuble et frapper violemment à ma porte. Je suis montée sur le toit. Je n’avais que deux solutions.

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Céline d’Hoiry au bord du toit

Pendant que son équipe s’introduit dans l’immeuble des Chartrons, le commissaire resté en bas, assiste à la scène. Il voit Céline d’Hoiry immobile sur le toit, prête à se jeter dans le vide. Il attrape un mégaphone et s’adressant à elle, lui dit : « Ne bougez pas, ne faites pas ça ! Reculez, on vient vous chercher !»

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L’art de tuerLycée Montesquieu - Bordeaux - 2ndeet MPS

PrologueLe vendredi 13 Janvier, dans le Lycée Montesquieu, Didier Durand

avait rendez-vous avec lui à dix-huit heures trente dans sa salle d’histoire des arts. Didier avait peur, il n’avait toujours pas l’argent qu’il était censé lui rendre ce soir-là. Il avait fait une faute, acheter toutes ces œuvres était une erreur, mais il ne pouvait plus faire marche arrière. C’était trop tard.

Il avait voulu fuir avant que son créancier n’arrive mais se ravisa, effrayé des conséquences qu’il pourrait subir. Il l’attendit donc, ravagé par la peur.

Quand l’homme arriva, il prit Didier par le col et le menaça :«Où est l’argent ? demanda-t-il d’une voix imposante.- Je vous l’apporterai dans quelques jours, j’ai simplement besoin

d’un peu plus de temps, c’est promis ! répondit Didier apeuré.- Non, lui rétorqua-t-il, tu as déjà eu un mois de plus, le temps est

écoulé. Donne-moi l’argent maintenant ou meurs.- S’il vous plaît, une semaine de plus et je vous rembourserai mes

dettes ! supplia le professeur en reculant.»L’individu le relâcha, s’approcha férocement, et lui annonça :«C’est l’heure de mourir.»

L’homme prit sa victime par surprise, sortit une dague et la poignarda dans le ventre...

Etonné, Didier porta sa main à son estomac, il reprit ses esprits et trouva la force de s’échapper de la salle pour se réfugier dans la salle de théâtre laissant sur son chemin des traces de sang.

L’assassin le rattrapa, prenant un malin plaisir à suivre, non pas sa victime, mais son sillage sanglant, tout en prenant son temps. Le tueur n’était pas pressé, il s’amusait à chasser sa proie. Didier, désemparé, cherchait une issue, malheureusement il était pris au piège. Le malheureux chercha vainement une solution mais abandonna rapidement.

Le prédateur s’approcha lentement de sa proie qui, de ses yeux le supplia une dernière fois de la laisser vivante mais avant qu’elle puisse

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ouvrir la bouche, le criminel l’acheva d’un nouveau coup de dague dans le cou qui lui fut fatal.

Le bourreau s’approcha du professeur, et ressentit une sensation de pure satisfaction, de fierté malsaine. Ce corps, effondré à ses pieds, lui donnait un sentiment de supériorité. Il voulait montrer son œuvre d’art au monde entier. Il trouvait la scène magnifique. Il décida de lui attacher les pieds et les mains, puis de le pendre par les jambes, laissant se déverser sur la scène la flaque de son sang tout juste frais.

Mike Taylor, 29 ans, jeune lieutenant de la Brigade Criminelle de Bordeaux, faisait son jogging ce lundi 15 Mars, comme à son habitude, vers les six heures du matin au Jardin Public. Il pensait que sa journée allait se passer tranquillement, même si depuis la mort de son père, cela était difficile. Il avait eu du mal à s’en remettre. D’abord son père, et maintenant, sa mère était mourante. Il ignorait s’il était capable de supporter la mort de son second parent.

Pendant qu’il traversait le pont, sa musique se coupa, et il sentit son téléphone vibrer. C’était le commissariat de Bordeaux qui l’appelait. Il décrocha.

«Allô ?- Oui bonjour monsieur Taylor, dit la voix. Je suis monsieur

Bouldain, le chef du district 3 de Bordeaux, je vous appelle pour vous signaler un meurtre au lycée Montesquieu près du Jardin Public et il me semble que vous n’habitez pas loin.

- En effet, il se trouve que je suis actuellement au Jardin Public.- Parfait ! Rendez-vous sur la scène de crime pour interroger

les témoins présents. Il faudrait boucler le périmètre et annoncer la fermeture du lycée avant l’arrivée des élèves à huit heures.

- Je peux m’en occuper tout de suite, dans une heure ce sera réglé.- Merci monsieur Taylor, je vous tiens au courant de l’avancée de

nos actions.- Je ferai de même.»

Lorsqu’il arriva sur la scène de crime, une sensation de malaise l’envahit, de vide inconfortable.

Il descendit jusqu’au rez-de-chaussée et découvrit le massacre. Une corde pendait le long d’une poutre, une flaque de sang gisant en dessous. Le corps avait été redescendu et recouvert d’une bâche qui nous épargnait l’horreur du cadavre émacié. Avant d’entrer dans la salle de

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théâtre, Mike aperçut une empreinte digitale pleine de sang sur le battant de la porte. Il ne s’attarda pas longtemps sur cette scène abominable et alla directement interroger le médecin légiste.

Le Docteur Karim annonça à Mike :« La victime a entre 35 et 40 ans, environ 1m80, de type européen,

selon un élève, ce serait un de ses professeurs d’histoire des arts, nommé Didier Durand. Nous avons appelé sa femme, elle va bientôt arriver. D’après mes observations, la victime a en premier lieu, reçu un coup de couteau qui lui a perforé le poumon sur quatre centimètres, il aurait titubé jusque dans la salle de théâtre, d’où l’empreinte laissée sur la porte et les traces de sang dans le couloir. Sa plaie était grave mais il aurait pu survivre un certain temps avec cette blessure. Il a sans doute essayé de faire demi-tour mais le tueur l’a devancé. Ils se sont brièvement débattus, l’assassin a dû prendre le dessus et l’a achevé d’un second coup de poignard sur la jugulaire. Avec une décomposition du corps dans une pièce à 18,5°C, des larves se sont rapidement développées, je les ai envoyées au laboratoire. Je vous apporterai plus d’informations après l’autopsie du corps.

- Merci beaucoup, répondit Mike.».Après sa discussion avec le médecin, Mike alla jeter un œil dans

la salle d’histoire des arts. Des traces de sang nettoyé se trouvaient sur la table, le meurtrier pour une quelconque raison avait voulu faire disparaître ce sang. Des résidus de terre étaient en évidence à proximité de la porte, un pot de crayons gisait sur le sol, une tache d’encre bleue coulant sur bord de la table. Dans ce silence pesant, la pièce paraissait sinistre. Les techniciens de laboratoire avaient prélevé les traces de sang avec les résidus de terre. Ils avaient également découvert des traces de poudre blanche sur le digicode permettant de désactiver le système d’alarme et repéré des mèches de cheveux avec du sang du tueur sous les ongles de la victime. Un mégot de cigarette se trouvait à proximité de la victime, la salive du mégot permettrait de trouver le fumeur, peut-être même le tueur.

Après sa visite abrégée de la scène de crime, le lieutenant alla annoncer le meurtre de Didier Durand à sa femme Suzanne.

«Bonjour madame Durand, je suis le lieutenant Taylor. Savez-vous pourquoi on vous a demandé de venir dans le Lycée Montesquieu ?

- Bonjour monsieur, vendredi soir je suis allée au commissariat pour

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annoncer la disparition de mon mari mais ils n’ont rien voulu entendre, ils disaient que c’étaient beaucoup trop tôt pour lancer des recherches mais je connais mon mari, si il n’était pas rentré c’est qu’il avait des problèmes. Nous sommes dans le lycée où travaille mon mari, l’avez-vous retrouvé ? demanda l’épouse inquiète

- Allons-nous installer dans une salle pour parler plus tranquillement, proposa Mike de sa voix la plus douce.»

Quand Suzanne fut assise, il lui annonça délicatement la nouvelle. Son visage se décomposa ; elle était sous le choc. Après un long moment de silence hébété, elle s’effondra et pleura toutes les larmes de son corps. Cette vision d’une femme pleurant son défunt époux ébranla Mike, il avait l’impression d’être entouré par la mort. Lorsque les larmes de Suzanne se tarirent, le policier l’interrogea :

«Je suis vraiment désolé de vous déranger en période de deuil mais votre mari a été assassiné et je dois savoir si son comportement était différent ces temps-ci.

- En effet, depuis quelques temps il était distant, il rentrait tard le soir et s’enfermait dans le bureau pour parler au téléphone avec quelqu’un. Je l’entendais souvent crier au téléphone et quand je le questionnais, il se refermait comme une huître et ne m’adressait plus la parole pendant plusieurs jours, sanglota-t-elle.

- Lui connaissiez-vous des ennemis ?- Aucun à ma connaissance.- Etait-il inquiet ?- Enormément, je ne sais vraiment pas ce qu’il avait, je pensais qu’il

avait une maîtresse et qu’il voulait divorcer !»Cette phrase acheva complètement la récente veuve et son désespoir

redoubla. Mike la remercia et partit interroger les témoins.

Il commença par un élève du Lycée Montesquieu«Des témoins t’ont vu dans le Jardin Public vendredi dernier à 18h

: que faisais-tu ?- Je sortais des cours à 18 heures, je suis passé par le Jardin Public

pour prendre le tram et rentrer chez moi.- Et tu as vu quelqu’un ou quelque chose de suspect ?- J’ai vu William, un lycéen de ma classe qui était au Jardin Public,

il est resté assez longtemps et je sais qu’il s’est accroché avec monsieur Durand.

- Et est-ce que tu as remarqué si monsieur Durand avait des

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problèmes avec des professeurs ?- Les professeurs non mais une fois je l’ai vu se disputer avec le CPE.- Merci de ta coopération, bonne journée»

Mike établit une liste des suspects. Il y avait William Rodriguez, le lycéen qui rôdait dans le Jardin Public et Khévin Hernandez, le Conseiller Principal d’Education.

«William, que faisais-tu le vendredi 13 janvier dernier vers 18 heures ?»

Ce dernier sourit et ne répondit rien. Le moment de silence dura de longues minutes. Mike demanda alors une prise de sang, mais le suspect refusa la demande du lieutenant qui lui proposa alors un marché où il s’engageait à nettoyer le casier judiciaire du suspect, William accepta. Le lycéen lui annonça donc qu’au moment du meurtre il était à un concours de jeux-vidéo. Plusieurs centaines de personnes l’avaient vu.

Un collègue arriva pour interrompre les interrogatoires. Une équipe d’analystes avait fouillé le bureau de Didier et trouvé un message codé. Mike observa attentivement le message mais il ne trouva aucune signification à tous ces lettres et chiffres alignés à la suite.

Finalement, Mike interrogea le CPE.«On vous a vu avec monsieur Durand peu de temps avant sa mort

et vous étiez en train de vous disputer. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

- Je suis innocent, vous faites une terrible erreur !» Fut tout ce que le conseiller répéta durant tout l’interrogatoire.

Après avoir interrogé les témoins et quelques suspects, Mike reçut un appel du laboratoire. Le médecin légiste le contactait pour apporter plus d’informations sur l’enquête :

«Je vous appelle pour vous indiquer des détails au sujet du meurtre de M. Durand, informa le docteur. Avec mon équipe au laboratoire, nous avons fait des découvertes intéressantes. Grâce au sang découvert sous les ongles de M. Durand, nous savons que le groupe sanguin du tueur est O négatif, il a également la drépanocytose. Les larves prélevées sur le corps nous indiquent que la victime a été tuée 74 heures plus tôt c’est-à-dire vendredi 13 janvier dans les environs de 18h30. La salive du

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mégot de cigarette appartiendrait à Khevin Hernandez, le Conseiller Principal d’Education du Lycée Montesquieu. Avec ceci je pense que vous pourrez établir une liste de suspects.

- Merci beaucoup, avec vos découvertes, je vais pouvoir faire une réquisition pour procéder à une prise de sang, clarifia monsieur Taylor.»

Mike raccrocha et se mit à réfléchir. Il était frustré et tournait en rond dans son bureau.

La piste sur l’élève du lycée, William Rodriguez avait rapidement été écartée. Ce garçon avait bien évidemment des problèmes de comportements, il était également un hacker très doué mais il avait un alibi solide : il avait participé à un concours de jeux-vidéos où des centaines de personnes l’avaient vu. De plus, il était jeune et n’avait aucune raison de tuer Didier mis à part une brève confrontation durant un cours.

Ensuite, nous avions Khévin Hernandez, le CPE, sa salive se trouvait sur le mégot de cigarette trouvé sur les lieux du crime, des élèves avaient parlé d’une discorde entre le CPE et le professeur.

Il n’avait aucun alibi : tout seul, il avait regardé un match de foot. Tous les indices nous indiquaient qu’il était le tueur, sauf un : il n’avait pas la drépanocytose et son groupe sanguin était B négatif.

Khévin Hernandez était innocent.

Le lieutenant, n’ayant plus aucune piste, se remit à examiner le message codé. Il le regarda sous toutes les coutures et eut une idée : il prit le papier, alluma sa lampe et regarda. Des lettres et des chiffres étaient mis en avant. Après un petit moment de réflexion, Mike réussit à déchiffrer le message :

«RDV dans la salle d’histoire des arts à 18H30».Il fonça jusqu’au laboratoire d’analyse pour se renseigner sur l’encre

du papier. On l’informa que l’encre provenait d’un des stylos trouvés sur la scène de crime et que des empreintes y avaient été prélevées, celle de Stephen Cétoix, un professeur d’italien dans le lycée.

Mike s’étant déplacé rapidement au domicile de Stéphen, procéda à son interpellation, tandis que d’autres policiers commençaient une minucieuse perquisition. Ils découvrirent un coffre-fort avec plus d’un million d’euros en cash et dans la cave ils trouvèrent des centaines d’œuvres d’art antique d’origine égyptienne. Didier Durand, un passionné de l’Orient, avait de nombreuses pièces de valeur de ce type. Tout

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s’assemblait enfin. La victime avait acheté plusieurs œuvres à Stephen, mais le professeur d’histoire des arts n’avait pas été assez prudent et il s’était endetté, repoussant perpétuellement le remboursement de son collègue. Monsieur Cétoix, ne voyant toujours pas son argent arriver, le tua cruellement.

Mike avait assez de preuves pour le procès mais il lui manquait un petit élément : son sang.

L’heure de l’interrogatoire avait sonné. Mike entra dans la salle. Stephen était assis sur une chaise. Menotté, il attendait, tête baissée. Il leva lentement ses yeux vides et regarda la vitre sans tain avec supériorité ; il se mit à rire d’un rire narquois.

Il ne prit même pas la peine de regarder Mike et dit avec un sourire méprisant : «Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat.»

L’inspecteur perdit son sang-froid, il balança le dossier sur la table et s’écria :

«Le vendredi 13 Janvier à 18h30, vous aviez rendez-vous avec Didier Durand. Il vous avait acheté de nombreuses pièces égyptiennes et n’avait plus assez d’argent pour vous rembourser. Donc vous avez éteint le système d’alarme, puis vous l’avez tué, tout simplement, et, pour votre plaisir personnel vous l’avez poignardé avec cette dague égyptienne que l’on a retrouvée chez vous bien évidemment. Ensuite vous l’avez pendu par les pieds pour je ne sais quelle raison malsaine. Confessez, nous savons que vous êtes le tueur. Toutes les preuves que nous avons l’indiquent. La prochaine fois que je vais revenir, ce sera pour vous faire une prise de sang, votre groupe sanguin sera O négatif et vous aurez la drépanocytose ; alors arrêtez de vous condamner dans ce silence et confessez.»

Stephen leva la tête, regarda Mike droit dans les yeux, et rétorqua d’une voix détimbrée:

«Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat».Mike désespéré, s’en alla et claqua la porte. Cet homme était

complètement fou, il n’accordait aucune importance à son arrestation et n’essayait même pas de plaider sa cause ou de clamer son innocence.

Quelques heures plus tard un médecin lui fit une prise de sang, ce qui confirma les soupçons de tout le monde. On apprendrait ensuite qu’il était suivi à l’hôpital psychiatrique pour une schizophrénie sévère et qu’il avait arrêté de prendre ses médicaments. Stephen Cétoix était bien le tueur. Tout concordait, plus rien ne pouvait le disculper. Il allait passer le reste de sa vie en prison.

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L’autre voleurLycée Sud Médoc La Boétie - Taillan Médoc - 2nde51

La solitude est un sentiment atroce. Certaines personnes préfèrent rester seules mais moi, je ne l’ai pas choisi. Ça me désespère de voir toutes ces familles heureuses qui profitent de la vie et ces bandes d’amis qui rigolent entre eux. Moi, je suis seul, seul au monde dans mon pauvre appartement, isolé de tout. Je peux seulement apercevoir, de ma fenêtre, mes collègues prendre l’air devant le commissariat. Je suis misérable… Je ne peux plus vivre dans ce monde après ce que j’ai fait… Je me dégoûte… Je ne suis plus ce que j’étais…

Pour me changer les idées, je décide de partir marcher dans Paris, seul, encore une fois. C’est l’unique moyen pour moi de m’évader et d’oublier cette misérable vie qui me donne envie d’en finir. J’admire la beauté de Paris. Je lève la tête et me retrouve en face du musée Picasso. Quelque chose n’arrête pas de me hanter. Chaque jour, chaque nuit j’y repense et je me dis que j’avais tout pour réussir mais j’ai tout gâché, je ne peux plus rien faire et je m’en veux terriblement. Je cherche sans cesse une solution pour mettre fin à ce désastre.

Un après-midi calme, personne sur les quais, personne sur la Seine, les ponts sont vides. Personne pour me voir mettre fin à ma vie. Enfin, je peux me libérer de ce terrible poids que j’ai sur les épaules. Un poids que je n’ai jamais voulu porter mais qui m’était destiné. Je respirais, à ce moment précis, une dernière fois. Je me mets ensuite debout sur la balustrade du pont, et laisse le vent me pousser dans le vide. Celui-ci s’empara de moi.

***

Je sens la froideur des pavés sous mon corps engourdi, j’essaie de bouger tant bien que mal, j’ai encore les yeux mi-clos.

J’essaie de les ouvrir un peu plus mais le froid me fouette le visage. J’entends pleins de cris venant de tous les côtés. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils disent. Peu de temps après, j’arrive enfin à ouvrir les yeux ; Au-dessus de moi, j’aperçois plusieurs visages inconnus, certains ont des casques de pompier.

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C’est alors que tout me revient. Pendant un instant, j’étais debout sur la balustrade du pont, et l’instant d’après, j’étais entre la vie et la mort. J’essaie de me relever avec l’aide des sauveteurs, qui m’amènent à l’arrière d’une ambulance, où m’attendait une couverture. Frigorifié, je me glisse sous la couverture, et commence à fermer les yeux.

Quelques heures plus tard, je ne saurais être plus précis, je me retrouve dans une chambre d’hôpital presque vide.

***

Que se passe-t-il ?Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Beaucoup de questions se

chevauchent dans ma tête, nombreuses sans réponses. Je ne suis pas étouffé par les souvenirs, au contraire, je n’en ai aucun. Trou noir. J’ouvre les yeux ou je reste dans le noir? Je décide de prendre mon courage à deux mains et ouvre les yeux. Je me réveille sur ce lit, entouré de personnes inconnues, les bras perfusés et plusieurs blouses blanches qui passent. Une chambre. Blanche. Numéro 513. Pas d’autre meuble qu’une chaise, pour les proches, mais je n’ai pas de proche. Du moins plus maintenant. Je suis seul. À ma gauche, les moniteurs dont le bruit sonne pour moi comme une symphonie de Mozart. Seule information à ma vue, une horloge qui indique 12h12.

Machinalement, j’allume la télé et découvre la date du jour: samedi 5 mars 2016. Mais tout cela est impossible. Est-ce un rêve ? Un film ? Il est impossible que je me trouve dans la vie réelle. Je me rendormis, avec comme seul espoir de me réveiller chez moi, dans mon lit et d’oublier cet horrible cauchemar.

Après quelques jours, je m’étais familiarisé avec le personnel et pourtant je ne me sentais pas mieux. J’avais peur, comme l’impression d’être épié. J’étais tel un fantôme dans les couloirs de l’hôpital. Bientôt de toute façon, je ne ferai plus partie de ce monde, du moins je l’espérais.

***

J’entends des bruits. Je tourne la tête. J’ai l’impression qu’il y a des personnes qui m’observent, mais je ne les vois pas. Une porte s’entrouvre lentement, elle grince. Des gouttes de sueur dégoulinent de mon visage. Je tremble. J’ai peur. Une ombre noire se dessine sur le mur en face duquel je me trouve. Qui est-ce ? Veut-on me tuer ? M’arrêter ? Soudain

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une voix inconnue m’adresse la parole, une jeune femme, habillée d’une blouse blanche arrive avec son chariot de soin sur lequel j’aperçois une multitude d’instruments de torture. Elle prend l’un d’eux chargé d’un liquide incolore puis me l’injecte dans le bras droit. Quelques secondes plus tard, je ressens une profonde douleur à la tête, comme si on m’avait assommé. Je plonge dans un profond sommeil.

Vous savez, l’inconvénient d’être une personne seule, c’est que vous n’avez personne. Personne à qui parler, personne à qui raconter ses petits tracas. Pas même le policier qui surveille ma chambre depuis quelques jours. Depuis que je suis ici, j’ai l’impression d’être comme un lion en cage. Je ne peux pas me lever, je suis trop faible encore. Je suis condamné à regarder chaque jour le même paysage insipide que je peux voir depuis ma fenêtre. Je vais bientôt devenir fou.

Je n’en peux plus de voir les médecins avec leurs blouses blanches si fades. Tous les gens ici me font peur. J’ai peur qu’ils me jugent. Habituellement, un hôpital est fait pour sauver des vies. Mais dans cette bâtisse, il n’y avait que des gens faibles, qui attendaient leur fin patiemment, les yeux fermés. Ils veulent me tuer, j’en suis persuadé. Pourquoi ? Je ne sais pas.

J’ai l’impression d’en savoir trop. Mais à propos de quoi ?

***

Je me retrouve dans l’un des nombreux salons du musée Picasso, je regarde dans le miroir à ma droite : j’y vois un jeune homme, grand, beau, athlétique, au physique parfait, bref l’homme qui a tout pour plaire. Je venais alors de sortir de l’école de police, mais je faisais déjà grand bruit. Qu’est-ce qu’un homme comme moi venait faire dans la police ? se demandaient les personnes qui me croisaient. Je ne sais pas moi-même.

Je me suis retrouvé sur cette affaire en or un peu par hasard, je ne pensais pas qu’elle était à ce point complexe, un bon coup pour ma carrière naissante. Me voici dans la pièce maîtresse de l’action, rien d’autre que le tableau n’a été volé, rien de déplacé, rien de cassé. Un vrai travail de maître. Même moi je n’en revenais pas. Je commence alors à chercher des indices, des preuves. Un rien qui pourrait trahir le voleur. Peu après, je fais quelques relevés me paraissant importants, afin de les envoyer au laboratoire pour les faire examiner. Soudain, on m’interrompt dans mon élan. Un de mes coéquipiers m’appelle dans

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une des salles adjacentes. Ecœuré de ne pas avoir pu finir ma tâche, je pars le rejoindre en claquant fortement la porte.

***

Ce matin commença comme tous les autres, je sortis de mon appartement, pris ma voiture et me dirigeai vers mon travail. La route fut longue et les embouteillages m’occupèrent une bonne partie de la matinée. Arrivé au commissariat, avec plus d’une heure de retard, je rejoignis rapidement mon bureau et eus la surprise de découvrir les résultats de l’enquête dont j’étais chargé, ils venaient du laboratoire. J’ai ouvert le dossier et l’ai étudié toute l’après-midi.

Vers 18 heures, je décidai de rentrer chez moi avec mon dossier sous le bras. À nouveau dans les embouteillages, j’étais à ce point énervé qu’en rentrant chez moi, je claquai la porte si fort que le miroir de l’entrée tomba sur le sol et se brisa en morceaux. Exténué par cette journée, je décidai de me coucher plutôt que de ramasser les bris de verre. Cela pouvait attendre. Le lendemain, alors que je finissais de ramasser les morceaux du miroir brisé, je me coupai un doigt. Sans trop y prêter attention, et alors que je me remettais au travail, j’aperçus l’empreinte de mon doigt ensanglanté sur une des pages de mon dossier. Une pensée irrépressible me poussa alors à comparer mon empreinte de pouce avec celle du voleur présente dans mon dossier. Elles étaient identiques !

***

“Mais enfin … cela n’a pas de sens ! Je n’ai rien fait, je n’ai rien à voir avec ce crime !”

Un rire nerveux m’envahit. “Ah oui ça doit être une blague des gars du labo ! Ils se croient drôles, hein ?”

Un long silence s’installa. Après de longues minutes de réflexion et de silence, je m’aperçus que ma théorie n’avait pas de sens, enfin pas plus que celle qui faisait de moi le coupable.

Un sentiment de peur m’envahit. Il est vrai que depuis plusieurs semaines je me sentais différent. Il y avait comme un vide en moi. L’idée selon laquelle j’étais coupable paraissait de plus en plus probable. Cela expliquerait tout... mais non ! Je dormais la nuit du vol.

On a tenté de me piéger, je suis sûr que c’est mon boss, il se ligue contre moi !

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J’étais seul chez moi et pourtant je ne m’arrêtais pas de crier, de hurler.

Je commençais à avoir des sueurs froides, j’avais mal à la tête. Je n’étais plus moi-même.

La possibilité que je sois coupable me rendait nerveux, en colèreEt d’un coup, dans un violent accès de rage, je frappai contre mon

armoire. S’en suivit une horrible douleur qui inhibât cette colère. J’étais fatigué, la nuit avait été longue et je ne pensais plus qu’à quitter cet endroit rempli de haine et de douleur.

***

Je me réveille angoissé. Ce cauchemar paraissait si réel. Que s’était-il passé ? J’étais policier mais aussi voleur, tout cela n’a aucun sens. Je suis seul. Le calme présent de ma chambre commence petit à petit à me rassurer. Aucun bruit, le silence règne. Seul le “bip” régulier des machines sur ma respiration est présent. Je m’apaise, désormais, je me sens mieux. En revanche, je suis très fatigué et je me remets au lit après avoir bu un verre d’eau. Je recommence à m’endormir, le sommeil vient en moi.

J’aperçois soudainement et vaguement un garde à l’entrée de ma chambre. Est-ce pour me protéger ? Suis-je menacé par quelqu’un ? Ou bien me surveille-t-il ?

Serais-je un danger pour les autres ?...Cette nuit j’ai fait un rêve très intriguant : c’est bien moi qui ai volé

ce fameux tableau.

***

Je venais d’arriver au commissariat. Sur mon bureau vide, j’aperçus une lettre venant du laboratoire. J’attendis un peu avant de l’ouvrir. Je partis me chercher un café afin de bien commencer ma journée. Un peu plus tard dans la matinée, je revins à mon bureau, et, apercevant l’enveloppe du laboratoire sur un coin, je me décidai enfin à l’ouvrir. A ce moment, un infime cheveu manqua de tomber par terre. Je le récupérai soigneusement avec un gant afin de ne pas rajouter d’ADN, puis le reposai à côté de la pile d’indices que contenait l’enveloppe. Je commençai alors à regarder les résultats trouvés sur le cheveu. La personne à qui il appartenait n’était pas connue de nos services. Je ne pouvais donc pas travailler avec cet indice.

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Le mettant de côté, je commençai à regarder un autre indice, un ticket venant du cinéma du coin, pas très loin de mon appartement d’ailleurs. J’y vais souvent, il est très fréquenté par des gens de tous horizons, personne n’y a plus une tête de voleur qu’une autre. C’était un cinéma familial, tout le monde se connaissait. Mais plus d’une centaine de personne passait chaque jour dans ce cinéma, comment pourrait-on savoir qui est le voleur ? Regardant plus attentivement, je remarquai que la date et le film projeté correspondaient à ma dernière sortie, le nouveau film de Spielberg, une bombe. Cela voudrait donc dire que j’ai croisé le voleur… Mais je n’aurais pu retenir tous les visages que j’ai aperçus… Il va falloir que je cherche plus exactement dans cette voie.

***

C’est terminé. Enfin je reprends mes esprits. Je me redresse et m’assois sur mon lit, ma vue est encore embrouillée par mes rêves... enfin, par mes souvenirs. Je ne sais pas trop .... Autour de mon lit, j’aperçois beaucoup de monde autour de moi. Des médecins mais aussi des policiers.

Le chef que je reconnais à son insigne dorée s’approche, prend de mes nouvelles puis commence à me poser des questions :

- Alors mon Nanard, comment vas-tu? dit-il en engageant la conversation.

- Euh… Désolé monsieur mais je ne me rappelle plus de vous si l’on se connaît, comme beaucoup d’autres choses d’ailleurs, soupirais-je.

- Te souviens-tu de toi au moins ? De qui tu es ?- Oui, je suis Bernard. »Un policier que je n’avais pas remarquée auparavant s’approcha.

C’était Jérôme, mon ami ! Le bonheur ressurgit en moi. A l’intérieur de cet hôpital dans lequel je me trouvais depuis quelques jours. Voir Jérôme me donnait une sensation de résurrection. Ce dernier, avec sa mèche blonde qu’il ne cessait de replacer prit la parole :

« Nanard, te souviens-tu de moi ? me dit-il en souriant.- Oui, tu es mon ami et on travaille ensemble à la police !Au moment où je dis le mot « police », je vis son sourire s’assombrir.

Pourquoi ? Le chef qui était aussi sûrement le mien reprit :“ Te souviens-tu du vol de tableau ? Celui ayant eu lieu au musée

Picasso ?- Au musée Picasso ? Quand a-t-il eu lieu ?” L’idée que mes rêves

étaient réels me mit mal à l’aise.

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“ Mardi dernier, il y a une semaine très exactement.- Ce… Ce n’était pas un rêve !?” M’écriais-je spontanément à haute

voix.- Quoi ? Qu’est-ce qui pourrait être un rêve ? Me demanda le chef.A l’intérieur de moi, je m’effondrai. Je comprends maintenant

pourquoi les policiers étaient aussi nombreux à venir me voir. Mais pourquoi j’avais fait ça !?

“J’ai enquêté sur ce vol ?” Une sueur froide me traversa.- Oui, me répondit le chef.- Je vous ai donc remis un dossier ?- Malheureusement, dit soudain Jérôme avant que le chef n’ait eu le

temps de répondre.- J’ai volé le tableau ? Demandais-je. J’étais désespéré.- Oui et hormis le dossier que tu nous as rapporté, nous avons

d’autres preuves.- Lesquelles?” La colère montait en moi, une colère qui ne venait

pas de moi. C’est ma voix qui avait crié mais mon cerveau me disait le contraire. Qui étais-je ??

- La femme de ménage nous a racontés qu’un tableau, en l’occurrence le tableau volé, était dans votre salon, utilisé en guise de décoration. »

Ma femme de ménage ?... Non ! Enfin si (en réalité je ne voyais que vaguement le visage de cette femme habitant au même étage). Chaque nuit je découvrais peu à peu la vérité, nuit après nuit, rêve après rêve. Les pièces du puzzle s’assemblaient. La nuit du vol je n’étais pas chez moi, je n’étais pas en train de dormir. J’étais déconnecté de la réalité.

Une personne tapie dans l’ombre avait pour la première fois refait surface. Elle possédait le même corps que moi avait la même voix. J’étais l’enquêteur, le voleur et la victime …

Le policier me coupa dans ma pensée et me demanda :« Pourquoi, pourquoi as-tu volé ce tableau Nanard ? Quel était ton

but ?

***

Je me suis réveillé il y a plus de deux semaines maintenant.Il faut que je parte, même si je dois quitter tous ceux que j’aime, je

dois le faire je ne veux pas être la risée de la police, rester enfermé dans une cellule jour et nuit et être maltraité par les matons. Non je ne suis pas fait pour cette vie

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Le soleil filtre par l’unique fenêtre de ma chambre d’hôpital ou plutôt de ma cellule. “Interdit de sortir de la chambre” m’avait sermonné le docteur. De toute façon la porte était fermée et je n’en n’avais pas la clé.

Que faire ? Fuir ou Assumer ? J’entendis mon cœur battre à une vitesse extraordinaire, la porte, le sol, tout devint de plus en plus flou, tout s’assombrissait, le noir total…

Je rouvre les yeux, tout va très vite, je me vis attraper le lit à deux mains. J’étais comme spectateur de mes actes. Le lit entre mes mains, j’enfonçai la porte. Là, le médecin à ma droite surpris et apeuré leva les mains, il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que je...enfin mon autre moi... lui décocha un crochet du droit à une vitesse phénoménale. Second grand noir, cette fois ci quand je me réveillai, il faisait sombre, je saignais abondamment, je me levai et commençai à marcher avec le plus grand mal, chaque pas était un exploit. Il me fallait trouver de quoi bander ma blessure. Là, à quelques mètres, une voiture, elle avait la porte ouverte et le pare-chocs écrasé contre un arbre. J’y voyais flou, trop flou pour distinguer ce qu’il y avait écrit sur la plaque d’immatriculation. J’entrai dans la voiture. Sur le siège passager, tombé par terre je découvris un pistolet et une blouse un peu grande pour moi.

Où étais-je ? Qu’est-ce-que j’avais fait ? Pourquoi y avait-il un magnum dans une voiture écrasé à deux pas de moi ?

Je commençais à peine à comprendre, cette voiture écrasée, ce magnum... Tout venait de moi. Il y avait un autre moi infiniment plus obscur…

Je m’assis, me calmai quand soudain des lumières!Des lumières bleues, rouges partout autour de moi ! Des bruits de

voiture! Un bruit fort, un bruit d’hélicoptère! Son projecteur dans la nuit noir éclairait tour à tour les arbres.. Tout ce petit monde ne venait pas pour rien. Il venait pour moi...

Je n’avais pas le choix, il fallait fuir!J’allais faire la première foulée quand le projecteur m’atteignit,

je fus ébloui ! Un policier s’accrocha à une rambarde extérieur de l’hélicoptère et me cria : “RENDEZ VOUS ! C’EST UN ORDRE OU NOUS TIRONS !!!!”

Allez-vous faire, foutre soufflais-je. Je sentis la colère et l’adrénaline me parcourir le corps et puis … plus rien.

Je redevins spectateur de mes actes.

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Je vis ma main se lever à une vitesse presque imperceptible, comme au ralenti.

Je me vis aussi viser, cet homme qui me criait de me rendre.Enfin je me vis lui tirer une balle entre les deux yeux avec la

précision d’un professionnel. Cette fois ci, j’étais présent quand mon autre personnalité se dévoilait au grand jour. Je venais de découvrir en plus du voleur, le meurtrier qui sommeillait en moi. Une balle m’atteignit, je tombai dans la Seine.

Cette fois personne ne viendra me chercher.

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1 + 2 = 3 Enquête préliminaireLycée de l’Estuaire - Blaye - 1 CAP A

Mardi 17 février 2015 à 09 heures 00 minute.PROCÈS-VERBAL DE TRANSPORT, CONSTATATIONS, ET MESURES PRISES

Nous soussignée gendarme Patricia Félix Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19, 21 1° bis, 21-1 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.Nous trouvant au bureau de notre unité à BERTILLON rapportons les opérations suivantes :

SAISINELe 16/02/15 2015 à 20 heures 30 minutes, notre intervention est requise Rue Loquart à Bertillon où un vol aurait été commis, dans un pavillon d’habitation.

SITUATION À L’ARRIVÉE DES ENQUÊTEURSNous arrivons sur les lieux le16/02/15 2015 à 20 heures 45 minutes.Nous sommes reçus par Guillaume Dupernoy Des premiers éléments, il s’avère que le ou les auteurs des faits aient cassé le carreau d’une fenêtre de la dépendance servant de garage de cette propriété.Les auteurs ont pénétré dans la résidence par la porte d’entrée qui n’était pas verrouillée.Le vol porterait sur divers objets d’art de type tableau, statues, émaux…

MERSURES PRISES

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Nous prenons des photos des objets volés pour établir un dossierNous procédons aux constations de police technique : empruntes, traces de pas.SITUATION DES LIEUXL’habitation visée fait partie d’un ensemble de 10 propriétés. Il s’agit d’une construction indépendante, clôt de murs. Une dépendance sert de garage. Elle donne sur la rue Loquart d’un côté et sur le jardin de la propriété de l’autre côté. Elle est séparée de la maison d’habitation par une cour.CORPS DU DÉLITLa seule fenêtre de cette dépendance a été brisée et en a permis l’ouverture.Le ou les auteurs des faits ont ouvert de l’intérieur la porte de la dépendance donnant accès à la cour puis à la partie habitation. On ne relève aucune effraction sur cette porte.À l’intérieur, des pièces du rez-de-chaussée (salle à manger, salon, chambre) ont été visitées.Des objets ont été brisés dans la salle à manger, du mobilier a été retourné.Les opérations de police technique réalisées ne nous ont pas permis de découvrir de trace ou indice exploitable.MESURES DIVERSESLa victime est invitée à se présenter à notre unité pour y déposer plainte.L’enquête de voisinage réalisée dans la résidence ne nous a pas permis de recueillir d’élément de nature à orienter nos investigations. Nos constatations prennent fin le 16/02/2015 à 23h30Dont procès-verbal fait et clos à BERTILLON le 17/02/2015

L’officier de police judiciairePatricia Félix

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Mardi 17 février 2015 à 13h00.PROCÈS VERBAL D’AUDITIONDe DUPERNOY GUILLAUME né le 01/04/1995

Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.

Entendons la personne dénommée ci-dessus qui nous déclare :J’avais une analyse de tableau à rendre pour mon cours de Théories des Arts à la fac, c’était assez difficile. J’ai travaillé toute la journée, j’étais épuisé. Puis je suis allé prendre une douche vers 18h45 pour me relaxer. Ça a duré un bon moment. Il me semble avoir entendu du bruit mais je n’étais pas inquiet car je pensais que c’était ma mère qui rentrait. C’est logique car elle arrive toujours à cette heure-là, alors je ne me suis pas affolé, j’ai continué ma douche. Quand je suis sorti de la salle de bain, j’ai appelé ma mère. J’ai voulu grignoter quelque chose et j’ai vu la porte ouverte, mais neuf fois sur dix elle laisse la porte ouverte. Je l’ai refermée. J’ai appelé ma mère à nouveau, deux fois. Elle ne répondait pas. Je me suis dit qu’elle était retournée à la voiture, dans le garage. Je me suis dirigé vers la cuisine et j’ai vu une statue de porcelaine cassée sur le sol. C’est à ce moment-là que j’ai eu un doute. Je me suis rappelé des cambriolages à répétition des maisons du quartier. J’ai commencé à me poser des questions. J’ai eu peur d’avancer, peur de découvrir… J’ai cherché ma mère dans la maison mais elle n’était pas là. J’ai découvert alors dans la salle à manger, sans dessus-dessous, le divan retourné, des pots de fleurs par terre etc. Et j’ai compris que ma mère n’était pas là. J’ai compris qu’il y avait eu un vol. J’avais peur qu’il y ait encore les voleurs dans la maison. En regardant de plus près, j’ai vu qu’ils n’étaient plus là. J’ai regardé ce qui manquait : des objets d’art surtout. Ensuite je vous ai appelé.Lecture faite par moi des renseignements d’état civil et de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à changer, à y ajouter ou à y retrancher.A BERTILLON, le 17 février 2015 à 13 heures 55 minutes.La personne entendue l’Officier de Police JudiciaireGuillaume Dupernoy Patricia Félix

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Mardi 17 février 2015 à 15 heures 00 minutes.PROCÈS VERBAL D’AUDITIONde DUPERNOY AGNÈS née le 13/12/1967

Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.

Entendons la personne dénommée ci-dessus qui nous déclare :Je n’étais pas là pendant les faits. Mon pauvre fils était seul à la maison ! Je n’avais plus rien dans le réfrigérateur donc je suis allée faire des courses. Et j’ai rencontré une vieille amie, Josiane de la Royole, la femme du maire, vous connaissez. Elle est bénévole dans la même association que mon fils, je vous expliquerai. On a discuté, je n’ai pas vu l’heure passer ! Oh, je regrette de l’avoir laissé tout seul ! Quand je suis rentrée, vous étiez là, mon fils était paniqué et il m’a tout raconté. Voilà. Je suis écœurée ! Ces bijoux étaient tellement importants ! Ils sont dans la famille depuis longtemps. Il y avait la montre à gousset de mon arrière-grand-père qui est si importante à mes yeux. Je tenais fort à cette montre, j’ai dû la faire réparer pour plus de 500 euros car elle ne fonctionnait plus. Mais maintenant des petits voyous me l’ont volée ! J’espère que vous allez la retrouver. Il faut qu’ils payent pour ce qu’ils ont fait ! Si jamais vous la retrouvez, il y a les initiales de mon aïeul dessus, F/R. Vous y penserez ? On m’a aussi volé une bague que ma grand-tante m’avait offerte quand j’étais jeune… J’avais seize ans quand elle est décédée. Moi, je la considérais comme ma vraie mère qui elle, n’était pas beaucoup chez nous. Je tenais beaucoup à ma grand-tante. Cette bague, je ne la portais plus car…enfin bref, j’y tenais beaucoup. J’ai été si triste de ne plus la voir quand j’ai ouvert ma boîte à bijoux. Il y avait aussi une montre en or de mon arrière-grand-père…heu mais je vous l’ai déjà dit. Ah et il y avait ce tableau… Ce tableau est très important malgré sa laideur ! Personne ne l’a jamais trouvé beau, c’est vrai mais bon, on comptait le vendre…heu…on avait trouvé un acheteur qui nous en donnait vraiment un bon prix. Guillaume était contre, vraiment…vraiment ça m’a étonné de voir comme il était furieux qu’on vende ce tableau. Il faut dire qu’il est dans la famille depuis longtemps mais…et puis il fait des études d’arts,

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il est en troisième année aux Beaux-Arts, c’est pour ça sans doute…enfin… Mais Guillaume est un garçon formidable vous savez, il fait beaucoup de choses pour les autres…Lecture faite par moi des renseignements d’état civil et de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à changer, à y ajouter ou à y retrancher.A BERTILLON, le 17 février 2015 à 15 heure 45 minutes.La personne entendue l’Officier de Police JudiciaireAgnès Dupernoy Patricia Félix

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Le mercredi 18 février 2015 vers 9h…Bureau de la gendarmerie, Patricia Félix et son adjoint passent en revue les procès-verbaux des différents vols commis dans le quartier des Dupernoy.Vol par effractionSaisineDates : 15/01/15 entre 8h30 et 9h30Lieu : 5 rue du Vidocq à Bertillon (22)Les faits : les auteurs sont entrés par la porte qu’ils ont fracturée. Ils ont volé des bijoux, de l’argent et un téléphone. Les faits se sont produits quand la maison était vide.Objets volés : - Un téléphone portable de marque Samapplesni, de type Samapplesni 7, couleur or. - Une parure en or composée d’un bracelet large sur lequel est gravé une fleur ; d’un collier lui aussi gravé de fleurs et monté en serti clos d’un diamant ; - Une montre de la marque Fossi d’une valeur de 3000 euros, bracelet acier, couleur noir, affichage analogique ;Inventaire terminé. Estimation : 7 000€Vol par effractionSaisineDates : 28/01/15 entre 7h20 et 9h00Lieu : 20 rue du préfet Lépine à Bertillon (22)

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Les faits : les auteurs sont entrés par la fenêtre de la chambre (maison de plain-pied). Ils ont brisé la fenêtre. Ils ont volés des bijoux, un ordinateur, une tablette. Les faits se sont produits quand la maison était vide.Objets volés : - Un bracelet large en or type gourmette, prénom de marguerite gravé dessus ; - Une chaîne en or avec une médaille montée en sertie de diamants. Deux prénoms gravés au dos ; - Un ordinateur de marque Smapple, d’une valeur de 3050 euros, couleur rose et acier ; - Une tablette de marque samson d’une valeur de 1000€ de couleurs marron.Inventaire terminé. Estimation : 6 000€Vol par effractionSaisineDates : 02/02/15 entre 08h00 et 08h45Lieu : 10 rue Arsène Lupin à Bertillon (22)Les faits : les auteurs sont entrés par la porte du garage qui était restée ouverte. Ils ont volés une télévision, de l’argent. Les faits se sont produits quand la maison était vide.Objets volés : - Une télévision de marque Philson d’une valeur de 2000€ et de couleur blanche ; - De l’argent pour une somme de 3000€.Inventaire terminé. Estimation : 5000€Vol par effractionSaisine : Date : le 16/02/15 entre 19h00 et 20h00Lieu : 45 rue Edmond Loquart à Bertillon(22)Les faits : les auteurs se sont introduits dans la dépendance de la résidence en cassant le carreau d’une fenêtre afin de l’ouvrir. Ils ont ensuite traversé la cour intérieure et ont pénétré dans l’habitation principale par la porte d’entrée non verrouillée. Ils ont dérobé divers objets d’art de type tableau, statue, émaux, … et également des bijoux en or. Les faits se sont produits alors que le fils de la victime se trouvait sous la douche de la salle de bain. Il a entendu du bruit mais a pensé que c’était sa mère qui était rentrée.

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Objets volés : - Bénitier en émail de LIMOGES représentant la sainte famille 23*12cm ;

- Tableau rectangulaire vertical huile sur cuivre représentant une scène de jardin avec des femmes musiciennes dans unmédaillon entouré de fleurs tulipes rose etc. 23X19cm - Un pendentif en forme de trèfle couleur or avec de petites pierres incrustées couleur bleue marine ;

- Une bague or sertie d’un grenat ; - Une montre gousset or avec à l’intérieur les initiales F/R ; Inventaire avec le propriétaire toujours en cours.Estimation préjudice à venir--------------------------------------------

Jeudi 19 février, bureau de la gendarmerie de Bertillon, vers 17h

Objet Affaire DupernoyMarc Martinez< [email protected]À Patricia FelixMadame,J’ai trouvé le numéro des Dupernoy dans le journal d’appel d’une personne mise en cause dans une transaction de stupéfiants. Faut-il le convoquer demain ?Cordialement,Marc Martinez

--------------------------------------------Le vendredi 20 février 2015 à 08 heures 45 minutes.PROCÈS VERBAL D’AUDITIONDUPUIS SULLIVAN né le 22/10/1989

Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.Vous êtes entendu ce jour en qualité de témoin dans le cadre d’un vol au domicile de la famille Dupernoy. Consentez-vous à être entendu ?

???

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Réponse de S. Dupuis : qu’est-ce que vous me voulez, j’ai rien fait ! J’suis pas un voleur quoi ! J’ai rien avoir avec votre affaire de merde. Allez-y balancez vos questions que je me casse d’ici Question de l’OPJ Félix : que faisiez-vous le soir du 16 janvier dernier entre 19h00 et 20h00 ?Réponse : j’sais pas moi ! J’étais chez moi, j’crois... j’regardais la télé !Question : tout seul ?Réponse : Bah oui.Question : connaissez-vous Guillaume Dupernoy ?Réponse : non !Question : non ?Pas de réponse.Question : les Dupernoy ? Agnès ? Gilbert ?Réponse : connais pas. Question : Comment expliquez-vous qu’on ait retrouvé le numéro de leur domicile dans le journal d’appel de votre téléphone…Réponse : ah oui, j’ai prêté mon phone à un type dans la rue qui en avait besoin…ça doit être ça.Question : que faisiez-vous le 15 janvier dernier ?Pas de réponse Question : le 28 janvier ?Pas de réponseQuestion : le 2 février dernier ?Réponse : j’ai fait une cure à l’hosto…tout le mois de janvier.Question : d’habitude vous n’achetez pas votre drogue en si grande quantité, vous avez eu une rentrée d’argent ? Réponse : j’ai gagné au PMU.

Lecture faite par moi des renseignements d’état civil et de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à changer, à y ajouter ou à y retrancher.A BERTILLON, le 20 février 2015 à 9 heures 45 minutes.La personne entendue l’Officier de Police JudiciaireSullivan Dupuis Patricia Félix

------------------------------------------

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Le lundi 23 février 2015 à 12heures 30 minutes.PROCÈS VERBAL D’AUDITIONDUPERNOY CHARLES né le 06/08/1965DUPERNOY AGNÈS née le 13/12/1967

Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.Entendons les personnes dénommées ci-dessus qui nous déclarent :Question de l’officier Felix à madame Dupernoy : je vais vous montrer une photo d’un jeune homme, dites-moi si vous avez déjà vu cette personne et si vous le connaissez.Réponse de madame Dupernoy : ha non je ne pense pas avoir déjà vu cette personne !Question de l’officier Felix à madame Dupernoy : je vous montre également la photo. Dites-moi si vous le connaissez ou si vous l’avez déjà vu.Réponse de monsieur Dupernoy : ha non je ne l’ai jamais vu ! Mais pourquoi cette question.Réponse de l’officier Félix : ce jeune homme détenait, dans le journal d’appel de son téléphone, votre numéro. Il prétend l’avoir prêté à quelqu’un dans la rue qui voulait appeler chez lui.Madame Dupernoy ajoute : ha attendez, je crois que j’ai déjà vu cette personne … Refaites-moi voir cette photo s’il vous plait…C’est bon je me souviens, il est dans la même association que mon fils mais je m’en souviens plus laquelle. Peut-être celle pour les personnes en réinsertion…

Lecture faite par nous des renseignements d’état civil et de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à changer, à y ajouter ou à y retrancher.A BERTILLON, le 23 février 2015 à 13 heures 15 minutes.Les personnes entendues L’Officier de Police JudiciaireCharles Dupernoy et Agnès Dupernoy Patricia Félix

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Le mercredi 25 2015 à 15 heures 15 minutes.PROCÈS VERBAL D’AUDITIONCARIS ALBERT né le 30/07/1950Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22)Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.

Monsieur Caris vous êtes président de l’association « Réinsère-toi ». Vous êtes entendu ce jour en qualité de témoin dans l’affaire de vol par effraction du domicile de M. et Mme Dupernoy. Consentez-vous à répondre. Albert Caris consent à répondre.Question de l’OPJ Felix : connaissez-vous Guillaume Dupernoy et Sullivan Dupuis ? Réponse de M.Caris : bien sûr que je les connais. Ils sont dans notre association. Ils travaillent souvent ensemble. Guillaume aide Sullivan à faire ses C.V., des lettres de motivation. Ils sont tout le temps sur l’ordinateur et ils ont l’air de toujours bien s’entendre. Il me semble qu’il y a eu un problème entre eux il y a quelques temps.Question : quelle sorte de problème ?Réponse : J’ai cru comprendre que Sullivan avait volé le portefeuille de Guillaume. Apparemment ça s’est réglé, mais j’en suis pas sûr.L’OPJ Felix demand à M. Caris s’il a quelque chose à ajouter.Réponse : Non… Pendant que j’y pense, mais je ne sais pas si ça peut intéresser votre enquête, on a trouvé une clé USB à l’association. On ne sait pas à qui elle est. Il y avait des plans et des photos d’objets d’art.Question : Pourriez-vous nous la remettre ?Réponse : je vous l’amènerai demain.

Lecture faite par moi des renseignements d’état civil et de la déclaration ci-dessus, j’y persiste et n’ai rien à changer, à y ajouter ou à y retrancher.A BERTILLON, le 25 février 2015 à 16 heures 00 minute.La personne entendue L’officier de Police JudiciaireAlbert Caris Patricia Félix

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Le vendredi 27 février 2015 à 09heures 00 minute.PROCÈS VERBAL DE MISE EN PRESENCE DUPERNOY GUILLAUME né le 01/04/1995DUPUIS SULLIVAN né le 22/10/1989Nous soussignée Gendarme Patricia FELIX Officier de Police Judiciaire en résidence à BERTILLON (22) Assisté du gendarme adjoint Marc Matinez Agent de Police Judiciaire Adjoint.Vu les articles 16 à 19 et 75 à 78 du Code de Procédure Pénale.

Entendons les personnes dénommées ci-dessus qui nous déclarent :Question à G. Dupernoy : vous avez affirmé ne pas connaître Sullivan Dupuis ici présent, confirmez-vous cette déclaration ?Réponse de G.Dupernoy : tout à fait.Déclaration de S. Dupuis : comment ça on se connaît pas !Question à G.Dupernoy : apparemment vous vous connaissez. Monsieur Dupernoy, où avez-vous rencontré M. Dupuis ?Réponse de G. Dupernoy : à l’association « Réinsère-toi », quelques fois, on s’est croisé.Question à MM Dupernoy et Dupuis : Je voudrais savoir ce qui s’est passé entre vous au sujet d’un certain portefeuille.Réponse simultanée de G. Dupernoy et de S. Dupuis : quel portefeuille ?Question à S. Dupuis : monsieur Dupuis, n’auriez-vous pas volé le portefeuille à Guillaume Dupernoy ?Réponse de G.Dupernoy : je l’ai retrouvé. En fait, je l’avais perdu.Remarque à G.Dupernoy : j’espère que vous n’essayez pas de me prendre pour une imbécile.Question à S. Dupuis : Et cette clé USB, monsieur Dupuis, que pouvez-vous m’en dire ? On a retrouvé vos empruntes, des plans de maison et des photos d’objets d’art.Réponse de S. Dupuis : La clé ! La clé c’est celle de Guillaume ! Il me l’a confiée pour aller voler les objets d’art chez lui !Question à G.Dupernoy : excellent ! Monsieur Dupuis a avoué, et vous monsieur Dupernoy, qu’avez-vous à dire ?Réponse de G. Dupernoy : d’accord, je vais tout expliquer. En fait j’ai menti pour le portefeuille, c’est bien Sullivan qui me l’avait volé. Je n’ai pas porté plainte et je lui ai laissé l’argent car je voulais qu’il m’aide à voler chez moi. Ce qui m’intéressait vraiment c’était le tableau. Mes parents voulaient le vendre mais j’ai su qu’il avait une valeur autre que

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financière. C’est inestimable pour moi ! Il appartient à un triptyque ! Réuni à deux autres tableaux, ils n’en forment plus qu’un, magnifique ! Pas question de le laisser s’en aller et d’abandonner l’idée de rassembler ces trois œuvres. Mes parents n’auraient jamais compris. Alors j’ai commis ce vol, par amour pour l’art.Question à G.Dupernoy : Vous avez avoué, mais j’ai une dernière question, qu’avez-vous fait du tableau ?Réponse de G.Dupernoy : à vous de chercher…

A BERTILLON, le 27 février 2015 à 10 heures 45 minutes.La personne entendue L’officier de Police JudiciaireGuillaume Dupernoy Patricia FélixSullivan Dupuis

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Affiche de CAP APRLycée de l’Estuaire

Blaye

Affiche de Bac Pro RPIPLycée des Iris

Lormont

1 2

4 5

3

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Dernier

instant …

Les élèves de 1 CSR Lycée des métiers Condorcet Arcachon

Affiche de 1ère BP hôtellerieLycée Condorcet

Arcachon

Affiche de 2nde GT5 Lycée des Iris

Lormont

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Affiche du LycéePhiladelphe De Gerde

Pessac

Affiche de 2nde 511 Lycée Sud Médoc La Boétie

Taillan Médoc

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Affiche de 2nde

Lycée des GravesGradignan

Affiche de 1ère SEN Lycée Jacques Brel

Lormont

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Quand la mort danse

« Il faut avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse » Nietzsche

Affiche duLycée Sud Médoc La Boétie

Taillan Médoc

Affiche de 2nde 5 Lycée Vaclav Havel

Bègles-

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En quête de Nouvelles Policières

Concours Lycéen 2015-2016

Affiche de 2nde 13 Lycée Elie Faure

Lormont-

Affiche de 2nde ASSPLycée la Morlette

Cenon

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Affiche de 2nde 513 Lycée Sud Médoc La Boétie

Taillan Médoc-

Affiche de 2 BP AFLycée Henri Brulle

Libourne-

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Affiche de 2nde

Lycée Odilon RedonPauillac

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MILLE MERCIS À :

L’ÉQUIPE DE LA LIBRAIRIE MOLLAT L’ÉQUIPE DU ROCHER PALMERL’ASSOCIATION ALIFSMarion CHINETTE-PAILHÉ, médiatrice culturelle, chargée de communication

ÉDUCATION NATIONALEJean-Marie SARPOULET, Inspecteur d’académie, Rectorat de l’Académie de Bordeaux

Catherine DARROUZET, inspectrice académique

Nelly TURONNET, conseiller académique patrimoine-musées à la DAAC

Catherine MATARRANZ, professeur relais lecture-écriture à la DAAC et professeur de Lettres au lycée Élie Faure à Lormont, pilotage technique du projet

LYCÉE CONDORCET à Arcachon

Christine GORIN, documentaliste

Béatrice ROBICQUET, professeur Lettres-EGLS

LYCÉE ELIE FAURE à Lormont

Catherine MATARRANZ, professeur de lettres

Emmanuelle HAYET, professeur documentaliste

Leila MIMOUN, professeur de physique-chimie

Patricia FOURNIER, professeur de SVT

Guylène MESSAC, professeur d’histoire - géographie

Jean GUARINO, CPE

LYCÉE DE L ‘ESTUAIRE à Blaye

Angéline JOYET, professeur de français, histoire géographie

Lila GOUACHET, professeur d’arts appliqués

LYCÉE DES GRAVES à Gradignan

Sylvie BARBAZO, professeur d’histoire - géographie

Etienne GERME, professeur de Lettres

LYCÉE HENRI BRULLE à Libourne

Geneviève Buffo, documentaliste

Discamps Delphine, professeur lettres, histoire - géographie

LYCÉE DES IRIS à Lormont

Julie BLANCARD, professeur documentaliste

Charlène KLOTZ, professeur de français

Simon ETCHAMENDY, assistant d’éducation.

LYCÉE PHILADELPHE DE GERDE à Pessac

Audine TAVERNE, professeur de français

Gilles BERAZI, professeur

Eric GUILLON, PLP Génie Thermique

Marie-Claude DUBOS, CPE

Marie-Pierre PEYTOUR, Proviseure Adjointe

LYCÉE JACQUES BREL à Lormont

Hélène FOURNET, professeur

Sylvie EL KHAFFAFI, professeur

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LYCÉE JEAN RENOU à La Réole

Camille ESTOURNES, professeur

LYCÉE LA MORLETTE à Cenon

Maryline DURAND, professeur de STMS

Mohamed NOURY, professeur de Sciences - Physiques

Céline MERILOT, professeur d’Arts Appliqués

Caroline HARDY, professeur de Lettres - Histoire

LYCÉE MONTESQUIEU à Bordeaux

Béatrice GOULET, professeur de français,

Delphine DUCRET, professeur de S.E.S.

Pour l’enseignement d’exploration M.P.S. : scène de crime et analyse des indices contenus dans la nouvelle pour déterminer le coupable :

Catherine BERTHELOT, professeur de mathématiques

Christophe PLAS, professeur de mathématiques

Philippe SERRES, professeur de mathématiques

Sophie LEBRUN, professeur de sciences de la vie et de la terre

Arnaud BLIN, professeur de sciences de la vie et de la terre

Richard EBELLE, professeur de physique - chimie

Françoise CHRISTOL, professeur de physique - chimie

LYCÉE ODILON REDON à Pauillac

Vanessa BENAZET, professeur d’histoire géographie

Julia CARPENE, professeur de lettres modernes

Marion DOPPLER, professeur documentaliste

LYCÉE SUD MÉDOC LA BOÉTIE au Taillan Médoc

Assouane AIT, professeur documentaliste

Ghislaine TOULY, professeur documentaliste

Régis MERCIER, professeur de Lettres

LYCÉE VACLAV HAVEL à Bègles

Annie HEREDIA, professeur de lettres

Stéphane DAEMS, professeur d’arts plastiques

POLICE NATIONALE (Direction Départementale de la Sécurité Publique de la Gironde)

Véronique LAFARGUE, Céline LAUTRETTE, Emilie MARIN et Christine TOCOUA, conseillers techniques ;

Gilles LARGEAIS, Frédéric FRISCOURT et Mylène BAMBRZAK, pôle communication DDSP 33

GENDARMERIE NATIONALEconseillers techniques :

Maréchal de logis chef Raphaël FERRERO et gendarme François DUBOIS Brigade territoriale autonome -Paulliac

Adjudant chef Jean François DECOUDIER et Maréchal de logis chef Franck GOLOUBKOFF de la Communauté de brigades - La Réole

Adjudant chef Olivier DEBAUCHEZ de la Brigade territoriale autonome - Blaye

Adjudant Sonia RICROT de la Brigade territoriale autonome - Blanquefort

Adjudant Nicolas KERGOSZIEN et Maréchal de logis chef Laura SEGUY de la Brigade territoriale autonome - Libourne

Adjudant Alexa CAMY, CGD 33

Commandant José CAUREZ, CGD 33

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ASSISTANTS À L’ÉCRITUREDominique DAYAU, écrivain et conseiller de l’écriture

Emilie FORT-ORTET, écrivain et conseiller de l’écriture

Laurent PHILIPPARIE, écrivain et conseiller de l’écriture

MEMBRES DU COMITÉ DE LECTUREJosé CAUREZ, Commandant Gendarmerie Nalionale CGD 33

Valérie MOULHERAT, Commissaire divisionnaire

Monique BOIS, Mairie de Bassens

Mamadou KOUMA, Directeur Association CISE

Stéphane FUSEAU, Politique de la ville, Région ALPC

Béatrice CHEVALIER, Greffier en chef

Guy HENGEN, Directeur adjoint, coordonnateur du CLSPD

Pascale LAMBERT, Parent d’élève

Sandrine GABAIX, Greffier- Directrice de la MJD Lormont

Maria GONCALVES, CREPI Gironde

Fadila KELLALA, Médiatrice - membre du conseil citoyen de Cenon

Alicia MONTERO, étudiante

Fabienne BARBON, Chargée de mission politique de la ville, préfecture de la Gironde

MEMBRES DU JURYMonique LAFON - chargée de mission préfet de Gironde, habitat, urbanisme, foncier. Présidente du jury

Sylvie MINVIELLE et Marie-Hélène ROUAUX - DRAC

Jean-Marie SARPOULET, Inspecteur d’académie, Rectorat de l’Académie de Bordeaux

Yasmina BOULTAM, élue au conseil régional ALPC

Nathalie LACUEY, élue au conseil départemental

L’ÉQUIPE DE L’IMPRIMERIE - PRÉFECTURE DE GIRONDEL’ÉQUIPE DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE (SGCIPD)L’ÉQUIPE DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL À L’ÉGALITÉ DES TERRITOIRES (CGET)

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DLMM - Service imprimerieSecrétariat Général - Politique de la ville

2, esplanade Charles-de-Gaulle - CS 4139733077 Bordeaux cedexwww.gironde.gouv.fr

PRÉFET DE LA GIRONDE

PRÉFETDE LA GIRONDE

MINISTÈREDE L’ÉDUCATION NATIONALE,

DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURET DE LA RECHERCHE

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«En quête de nouvelles policières en lycées» est une initiative portée par le délégué du Préfet chargé de la politique de la ville sur les communes de la rive droite de Bordeaux, Ludovic ARMOET ; il s’agit d’un concours de nouvelles policières, sous forme de projet de classe, en écriture collective et durant toute l’année scolaire, chaque classe étant accompagnée par un policier véritable conseiller technique. Le rôle de ce policier est de présenter la police, ses missions, ses métiers, ses joies et difficultés de terrain, son expertise procédurale devant également aider à assurer le réalisme de la narration.Une belle manière de créer les conditions de la rencontre, de l’échange et d’une meilleure connaissance mutuelle pour créer ou renforcer le lien de confiance entre les jeunes, la population et leur police et gendarmerie.Le partenariat avec les professeurs de l’Education Nationale en sort également renforcé et cette deuxième édition confirme l’intérêt particulier des élèves pour ce travail collectif. Lire et écrire devient un réel plaisir pour les élèves de seize classes de seconde générale et professionnelle de Gironde engagées dans l’aventure.

Quelques impressionsCATHERINE MATARRANZ Professeur relais lecture-écriture DAAC de l’académie de Bordeaux / Professeur de Lettres au lycée Elie Faure – Lormont «Quelle belle aventure policière pour tous les lycéens qui ont la chance de mener ce projet d’écriture avec la complicité des intervenants policiers et gendarmes dans les classes ! Les élèves sont enthousiasmés par la richesse de ces échanges et par toutes les activités relatives à l’action. Ainsi la conférence avec Olivier Noreck et Sébastien Gendron a été un succès. Le thème annuel de l’art a aussi été l’occasion de sorties au musée. Toutes ces activités culturelles donnent sens aux apprentissages et motivent nos jeunes écrivains.»

PASCALE LAMBERT parent d’élève«Dans le cadre de l’observatoire territorial des relations police-population, j’ai été invitée, en tant que représentante des parents d’élèves, à être membre du jury du concours de nouvelles policières : cet exercice est destiné aux lycéens de classe de seconde. Il rassemble des professeurs et leurs classes, des policiers écrivains et différents intervenants du monde de la littérature , de la police et du spectacle. Les 18 classes partantes pour l’aventure ont été brillantes d’invention et j’ai beaucoup aimé lire toutes ces nouvelles, toutes passionnantes et pleines de bonnes idées.Cette expérience très positive pourrait s’appliquer à d’autres métiers, inspirant de manière dynamique nos enfants dans la recherche de leur futur professionnel.Je vous remercie de m’avoir permis de participer à cette belle aventure littéraire.»

LAURENT PHILIPPARIE policier, écrivain«Une expérience constructive et fort enrichissante, dans laquelle la timidité, les préjugés et autres barrières, cèdent sous le poids de la curiosité et de l’effervescence créatrice. Cette initiative matérialise une passerelle, un espace de réflexion et d’inventivité, dans lequel s’est cultivé, au delà du travail littéraire, une relation de confiance entre élèves et policiers. J’ai même eu, sur la voie publique, dans le cadre de mes missions habituelles, plusieurs témoignages de ce lien privilégié.»

DOMINIQUE DAYAU policier, écrivain«Malgré de précédentes interventions du même type, j’ai trouvé dans le projet En Quête de Nouvelles Policières une aventure exaltante et fort enrichissante, un plaisir jubilatoire de voir des jeunes gens se prendre peu à peu au jeu de l’écriture et relever le challenge qui leur était proposé voire au départ, imposé ! Ainsi, j’ai pu vivre sur quelques mois une aventure humaine et collective, réunissant plusieurs acteurs sociaux (enseignants, policiers, écrivains, associations culturelles) mêlant leurs expériences et mettant à profit leurs savoirs pour aider ces lycéens à élaborer, puis à construire, puis à écrire une histoire policière dans le genre littéraire le plus exigeant : la nouvelle. Le matériau a été difficile à travailler mais le résultat est surprenant et dépasse toutes nos espérances. Et au final, un succès garanti !»

LYCÉE DES IRIS-LORMONT-2NDGT5Le projet «En quête de nouvelles policères» m’intéresse car j’aime beaucoup les livres policiers. C’est intéressant d’écrire une nouvelle collective car cela permet de mettre en commun les idées de chacun. C’est un très bon projet, qui pourra aider la diversification de la classe. J’ai eu peur que ce projet n’aboutisse pas et qu’il stagne, par manque de volonté.Je voulais impérativement que le projet aboutisse et je suis fier du travail que l’on a fourni tous ensemble. Evidemment l’idée d’une nouvelle collective me plaîsait plus , cela est mieux de se répartir les tâches que de créer une nouvelle tout seul, bien sûr il faut du sérieux et de la rigueur pour réussir cette nouvelle.Jawad, Fabien, Oussama.