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Prévenir l’illettrisme durant la scolarité obligatoire Académie de Nancy-Metz, 2 décembre 2010 Viviane BOUYSSE Inspectrice générale de l’Education nationale

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Prévenir l’illettrisme durant la scolarité obligatoire

Académie de Nancy-Metz, 2 décembre 2010

Viviane BOUYSSE

Inspectrice générale de l’Education nationale

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1. De quoi parle-t-on ?

1.1. Illettrisme : Diagnostic postérieur à la sortie du système scolaire. Mais les

difficultés observables à l’école peuvent être des précurseurs de l’illettrisme.

Conception plus ou moins extensive : limitation dans les usages du langage écrit vs limitation de toutes les compétences de base.

Conception qualitative complexe : limitation de l’autonomie dans la vie quotidienne vs limitation de l’autonomie dans la société de la connaissance (voir doc. ANLCI « degrés 1 à 4 » du cadre de référence ; à relier à nos référentiels Socle commun).

1.2. Prévention Scolarité obligatoire = période longue de prévention de

l’illettrisme (prévention primaire, secondaire, tertiaire) par la prévention des difficultés d’apprentissage et la remédiation pour celles qui n’ont pu être évitées.

Première prévention à rechercher dans la qualité des pratiques ordinaires (enseignement et aides). Objectif = assurer une forme d’irréversibilité des acquis de base (sur-apprentissage).

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2. Des obstacles potentiels aux apprentissages ; la vulnérabilité spécifique de certains élèves

2.1. Pour faire de la prévention, nécessité de connaître les obstacles potentiels, les difficultés à déjouer.

Les difficultés peuvent résulter : de troubles ou de déficiences : déficience intellectuelle, troubles

sensoriels, troubles spécifiques du langage et des apprentissages ; de perturbations des fonctions dites supérieures (attention -

mémoire - raisonnement) fortement liées à l'apprentissage, affectées par des problèmes congénitaux ou dégradées par des conditions éducatives défectueuses ;

de conséquences de situations de fait extérieures à l’école : langue, culture, rapport à la langue et à la culture écrites ;

de faiblesses dans les pratiques d’enseignement : obstacles épis-témologiques et didactiques non pris en compte ; ajustements défectueux des progressions ; lacunes ; rythme inadapté (zapping).

Aggravation avec la combinaison des facteurs. Question centrale dans la prévention de l’illettrisme :

relation entre échec scolaire et origine socio-culturelle (cf. Ministre en 2008 : enjeu de réduction du « poids des déterminismes sociaux »).

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2. Des obstacles potentiels aux apprentissages ; la vulnérabilité spécifique de certains élèves

2.2. Les différences entre élèves : effets cognitifs, langagiers et sociaux de la socialisation familiale.

Les effets de vécus extrascolaires différents, rès prégnnats en début de parcours, se marquent

… dans la familiarité acquise pour certains et pas du tout pour d’autres avec les usages du langage, le rapport au langage propres à l’école, réflexifs et distanciés ; problèmes = ancrage dans l’expérience et la quotidienneté, manque d’habitude de l’objectivation et de la prise de distance, éloignement des usages du langage relevant de l’élaboration et de la culture écrite, cumul d’approxima-tions linguistiques (lexique et syntaxe) ;

… dans l’acculturation à l’écrit : familiarité ou non avec des objets culturels ; compréhension ou non des fonctions de l’écrit (productrice d’une motivation pour se les approprier) ;

. … dans la connivence entre maison / famille et Ecole : «  double solitude » de certains élèves (B. Lahire).

Vulnérabilité particulière des élèves issus des milieux dits défavorisés.

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.1. Faire de l’oral un objet de travail Trop souvent, on pratique l’oral, on ne le travaille pas.

En maternelle : enjeu essentiel = l’accès à l’oral scolairement efficace

Communication : échanger par le langage. Premier niveau d’oral : le langage en accompagnement de

l’action/en situation : un parler bref, efficace même s’il comporte beaucoup d’implicite (sens encapsulé aussi dans la situation partagée).

Second niveau d’oral : l’oral scriptural (langage d’évocation, langage décontextualisé, récit, oral continu, registre académique, parler comme un livre). Maîtrise déterminante pour la suite de la scolarité. Accès difficile car trois composantes complexes sont à gérer simultanément (représentation mentale structurée, moyens linguistiques, décentration).

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.1. Faire de l’oral un objet de travail – suite A l’école élémentaire et au collège : des pratiques orales de

la langue réfléchies, contrôlées au cycle 2, maîtrise du « récit » à parfaire pour de nombreux

élèves. Fort enjeu car base de la compréhension en lecture et de la production écrite et fondement pour l’étude de la langue ;

pour tous, langage de plus en plus précis (lexique) et de mieux en mieux structuré (syntaxe) ; capacité croissante à participer de manière active et positive à des interactions jusqu’à savoir tenir compte des propos d’autrui (C3) ;

au cycle 3, usages variés de l’oral, intégrés aux activités scolaires : reformuler, résumer, raconter, décrire, expliciter, justifier…

au collège : échanges, débats, expression personnelle, reformulation de la pensée des autres ; « les élèves prennent la parole fréquemment, avec mesure et de façon organisée ».

Rappel : validation d’acquis en matière d’oral dans le cadre du socle commun (plusieurs compétences concernées).

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.2. La lecture En maternelle : des précurseurs essentiels S ’acculturer : approche patrimoniale et culturelle mais

aussi approche linguistique : entendre et comprendre le français écrit (langue du récit).

Comprendre des textes : au-delà de l’imprégnation, des échanges (PARLER AVEC en parlant SUR). Matrice du travail ultérieur : effectuer collectivement et oralement ce qui sera intériorisé ensuite.

Accéder à une des caractéristiques de l’écrit : sa stabilité, et en comprendre les ressorts : un code que tout le monde utilise de la même manière.

Entrer dans l’étude du code : DE LA MESURE Le programme (tout mais pas plus) ; une progressivité respectée.

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.2. La lecture – suite - A l’école élémentaire : la GRANDE prioritéCycle 2 : objectif : savoir lire pour comprendre et apprendre à

comprendre lire : identification de mots ; enseignement du code grapho-

phono. pour parvenir à une aisance du déchiffrage ; comprendre : des mots au texte (intégration sémantique des

informations) ; une démarche méthodique à acquérir.Cycle 3 : objectif : lire/comprendre pour apprendre et pour

satisfaire d’autres besoins acquisition des compétences du "lecteur expert" : automatisation

du déchiffrage ; compréhension fine : inférences, interprétation ; acquisition des attitudes et des stratégies du "lecteur

polyvalent" : lecture fonctionnelle, documentaire et littéraire (lecture dans toutes les disciplines).

De manière longitudinale (et depuis la maternelle) Lecture à haute voix du maître (textes « difficiles ») - Travail de la

compréhension - Elaboration d'un parcours de lecteur.

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

Lecture /Littérature : progressions à piloter pour aller vers un comportement de lecteur polyvalent, actif et auto-régulé ; besoin d’un enseignement explicite.

des textes de plus en plus longs et complexes ; des expériences de lecture variées, collectives et

personnelles ; un répertoire étendu de stratégies de lecture et une

aptitude à les utiliser de manière autonome ; une prise en compte améliorée des implicites ; la capacité à aborder les textes de manière critique et

personnelle (vers une position plus esthétique qu’utilitaire /mise en jeu des aspects « privés » de la signification) ;

la capacité à réfléchir sur sa lecture : savoir « évaluer sa compréhension » (pluralité de critères) et remédier aux pertes de compréhension.

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.3. L’écriture, une pratique à développer En maternelle : objectif : comprendre qu’on n’écrit pas comme

on parle Ecrire avant de savoir lire ? Production de phrases et de textes destinés à être lus : importance

de la prise de distance, de la prise de conscience (passage de l’oral à l’écrit).

Travail du geste graphique modeste mais rigoureux (conscience du rapport forme / sens).

Au cycle 2 : objectif : apprendre à écrire Acquisition des « codes » gestuels (importance de l’aisance

graphique) et orthographiques (on n’écrit pas seulement « comme ça se prononce »).

Débuts de la production de textes de manière autonome ; privilégier des textes courts permettant un travail méthodique (concevoir le texte, le mettre en mots, réviser-corriger son écrit) en atelier dirigé et/ou en dictée à l’adulte.

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3.3. L’écriture, une pratique à développer – suite Au cycle 3 : objectif : (savoir) écrire pour apprendre et pour

satisfaire d’autres besoins Ecrire … (notes et idées ; récits, descriptions, explications,

justifications, etc.) pour … (destinataires et finalités variés). Ecrire en s’appuyant sur des outils bien repérés. Cohérence et

cohésion des textes ; « révision » des textes. Besoin persistant de guidage pour certains élèves

(enseignement explicite) De manière longitudinale, faire vivre les usages et fonctions

de l’écriture Communiquer / s’exprimer Essayer/ s’essayer (écritures intermédiaires, brouillons)/ penser Structurer / Mettre en mémoire

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3. Prévention de l’illettrisme et maîtrise de la langue (compétence 1 du socle commun)

3.4. L’étude de la langue en interaction avec la lecture et l’écriture Se référer aux compétences à valider : l’étude de la langue fournit

des ressources linguistiques et méthodologiques pour la réussite des activités langagières complexes

Etude de la langue : vocabulaire, grammaire, orthographe « Un enseignement raisonné et systématique qui écarte les

approches accidentelles » (E. Calaque). Importance de l’enrichissement du lexique dès l’école

maternelle. Extension et structuration = objectif permanent De l’approche implicite à l’étude explicite (structuration,

mémorisation, applications). Grammaire/orthographe : visées = des connaissances sûres et

des raisonnements adéquats. Les « raisonnements » sont à enseigner explicitement. Les élèves les maîtrisent grâce à un entraînement en situation. Les raisonnements s’automatisent par la pratique régulière, guidée puis autonome, dans des situations variées. La mobilisation adéquate des raisonnements utiles suppose l’intelligence de la situation. Sens et automatismes ne sont jamais disjoints.

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4. Prévention de l’illettrisme et personnalisation des parcours scolaires Prévention : penser BESOINS avant de penser DIFFICULTES.

Besoins de stimulations langagières très tôt en maternelle : oral et entrée dans la culture de l’écrit.

Intervenir dès les premiers signes de difficultés (attention aux écarts qui se creusent vite – impuissance à les combler ensuite).

Aide personnalisée : Ne pas penser le temps d’aide personnalisée comme radicalement

différent des ateliers de langage ou des activités qui se déroulent pour tous en classe. (aide personnalisée vs aide spécialisée). Format identique : intéressant pour stabiliser, pour sécuriser, pour entraîner sans perturber ni surcharger.Nécessité d’une autre forme, d’une autre voie quand blocage de la compréhension.

Temps en PLUS : plus de stimulations, plus d’interactions avec l’enseignant (bienveillant et exigeant) ; plus de guidage, d’explicitation, de disponibilité (plus de tâtonnements possibles), d’attention personnalisée de sa part…

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4. Prévention de l’illettrisme et personnalisation des parcours scolaires

PPRE : une formule pour organiser les aides dans la durée : le PPRE hiérarchise, ordonne et coordonne, suit dans la durée les actions entreprises pour aider tout élève qui se trouve en situation de difficultés résistantes et/ou multiples, non sectorielles.

PPRE et + : de l’école au collège, nécessité d’une poursuite de la formation de base pour les élèves dont les acquis n’ont pas permis de valider le palier 2 du socle : ne pas cesser l’aide dans le moment de fragilisation constitué par l’accès au collège (PPRE ou autre forme).

Elèves en grande difficulté (CFG vs Brevet) : aller vers une mutualisation dans la résolution de problèmes, un partage des ressources.

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5. Prévention de l’illettrisme et travail en équipe et décloisonné

Travail en équipe interdegrés et interspécialités : importance de la continuité et de la cohérence tout au long du parcours (de la maternelle à la fin du collège et au-delà) ; urgence du travail conjoint Premier/Second degré.

Coopération avec les parents (d’autant plus que les enfants sont jeunes) Informer les parents sur l’importance des échanges

langagiers avec leurs enfants : susciter certaines attitudes, certaines pratiques rares dans certains milieux ; montrer (ouverture des classes, usage de vidéos de la classe en situation) ; expliquer l’importance du soutien, du témoignage d’intérêt pour le travail scolaire (combattre la « double solitude », prévenir ou réduire les « conflits de loyauté »).

S’appuyer, le cas échéant, sur des médiations (associations).

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5. Prévention de l’illettrisme et travail en équipe et décloisonné

Coopération avec des partenaires sans externaliser le traitement des difficultés d’apprentissage

Le langage, les savoirs encyclopédiques et culturels sont des objets scolaires sur lesquels il ne saurait y avoir de réduction d’ambition ; les élèves des milieux défavorisés n’ont pas moins de capacités d’apprentissage que les autres. Cependant tout ne peut être fait en classe.

L’action pédagogique doit parfois être complétée et soutenue par des soins, de la rééducation, etc.

Des médiateurs des savoirs et de la culture autres que les enseignants permettent de faire comprendre que ce que transmet l’école vaut aussi hors l’école, ce qui n’est pas évident pour ceux qui n’en ont aucune preuve dans leur univers familial ou proche.

Se situer dans une stratégie de résolution de problèmes pour travailler avec les partenaires et non remonter de l’existence de ressources à la recherche de pseudo-justifications pour y recourir.

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La prévention de l’illettrisme,

… un vrai chantier d’application pour le pilotage par les résultats : nécessité d’une stratégie de ciblage ;

… un beau chantier pour travailler sans frontières de niveaux ni de spécialités sur les apprentissages, l’évaluation et la validation (paliers du socle, brevet, CFG) tout au long des parcours scolaires ;

… un dossier essentiel parce que ce qui est en jeu concerne l’égalité entre les élèves, l’estime de soi ici et maintenant, la dignité des adultes qu’ils deviendront, la revalorisation possible de leurs parents (rompre la spirale intergénérationnelle de l’échec).