Prévenir les chutes chez les personnes âgées
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■ Les cahiers quaTrième TrimesTre 2012
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Les chutes chez les seniors sont fréquentes, invalidanteset coûteuses pour les organismes sociaux et les familles.Les causes sont multifactorielles mais les troubles de statiquedes pieds, le port de chaussures mal adaptées sont des causesà ne pas oublier.
Prévention des chuteschez les seniors :n’oubliez pas de regarderles pieds !
De récentes
recherches
soutiennent
qu’une ap-
proche multidisciplinaire
pour la prévention des chutes
et l’implication des
différents acteurs
de santé peuvent
jouer un rôle impor-
tant. Chez les seniors,
les chutes sont un
problème majeur de
santé publique. Une
personne sur trois âgées
de plus de 65 ans tombe
chaque année, une sur
deux après 85 ans. On estime que les chutes
chez les personnes âgées sont responsables
de 9000 décès par an après 65 ans [1]. Quarante
pour cent des sujets âgés hospitalisés
pour chute sont orientés ensuite vers une
institution [2].
Si la plupart des chutes entraînent des bles-
sures mineures : plaies minimes, ecchymoses,
hématomes, entorses, il faut savoir que 15 %
des chutes entraînent des traumatismes crâ-
niens, des fractures et des luxations. Les
chutes représentent la principale cause
d’hospitalisation chez les seniors.
Les chutes coûtent cher ! En France, on estime
que le coût médical direct est de 1 milliard
340 millions d’euros. Bien que considé-
rables, ces chiffres sont probablement
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>>> sous-estimés car il n’est pas tenu compte
de l’impact financier pour le conjoint et les
autres membres de la famille.
Les causes des chuteschez les seniors
Les causes des chutes sont complexes et
multifactorielles liées à des facteurs intrin-
sèques et des facteurs extrinsèques.
Des études prospectives ont parfaitement
identifié les principaux facteurs de risque
intrinsèques de chute chez les personnes
âgées (schéma 1). Ils sont souvent associés
entre eux.
Citons :
• altérations des fonctions supérieures,
• déficits sensoriels (déficit visuel, troubles
vestibulaires),
• déficits neurologiques,
• malaises et pertes de connaissance de
diverses origines,
• altérations musculaires et ostéo-articulaires.
Il convient également de mettre l’accent sur
les antécédents de chutes (Qui a chuté, chu-
tera !) et l’utilisation larga manu de médica-
ments en particulier psychotropes (le « net-
toyage » des ordonnances est sans doute un
mal nécessaire).
Il ne faut pas négliger les facteurs
extrinsèques :
• habillement (chaussures inadaptées, vête-
ments trop longs),
• mobilier (fauteuil, lit trop haut ou trop
bas),
• obstacles au sol (tapis, fils électriques,
carrelage, revêtement de sol irrégulier ou
décollé),
• conditions locales dangereuses ou ina-
daptées (mauvais éclairage, baignoire glis-
sante, sol humide ou glissant, toilettes
inadaptées),
• aménagement de la ville (surface irrégulière
des trottoirs, passages protégés mal conçus,
absence de bancs…) [3].
Il est maintenant bien admis que les risques
environnementaux seuls ne sont pas la cause
principale de la plupart des chutes.
Ainsi, l’interaction entre les risques environ-
nementaux et les capacités physiques d’une
personne âgée joue un rôle-clé. Par exemple,
une personne âgée avec un bon niveau de
« forme » physique peut être en mesure de
faire face dans un environnement dangereux,
sans tomber, alors qu’une personne âgée avec
une déficience physique importante peut
tomber dans un environnement relativement
sûr.
En outre, la perception d’une personne âgée
de ses propres capacités et le risque de chutes,
en particulier la peur de tomber, influent sur
l’incidence des chutes [4]. schéma 1
Facteurs de risque intrinsèques
• Altérations des fonctionssupérieures
• Déficits sensoriels (déficit visuel,troubles vestibulaires)
• Déficits neurologiques
• Malaises et pertesde connaissance
• Altérations musculaireset ostéo-articulaires
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Le pied et les chutes
Le pied est la zone de contact direct avec le
sol lors de la marche, et contribue à la fois à
l’absorption de l’impact après le contact du
talon et la production d’énergie nécessaire à
l’élan vers l’avant.
Une anomalie au niveau du pied peut perturber
la marche et être un facteur contribuant à la
chute chez les seniors [5].
En plus d’une douleur au niveau du pied, des
anomalies anatomiques comme l’hallux valgus,
un pied creux, un pied plat, une limitation de
l’articulation tibio-tarsienne peuvent nuire à
la performance dans les tests de vitesse de
marche, l’équilibre et la réalisation de tâches
simples, comme se lever d’une chaise.
Deux études ont montré que ces anomalies
isolées peuvent à elles seules, être cause de
chutes chez les seniors.
Menz et coll. [6] ont suivi durant 12 mois dans
une étude prospective 176 seniors vivant en
maison de retraite et ont étudié l’incidence
des chutes. Ils ont constaté que, par rapport
aux sujets qui ne sont pas tombés, les « chu-
teurs » se plaignaient plus souvent d’avoir
des douleurs au niveau des pieds. Les auteurs
ont constaté également une diminution de
la mobilité de la cheville, de la force des
fléchisseurs plantaires des orteils, de la sen-
sibilité tactile plantaire et des hallux valgus
plus importants. Après un ajustement sta-
tistique en fonction de l’âge et d’autres fac-
teurs pouvant entraîner des chutes, l’existence
de douleurs au niveau des pieds et la dimi-
nution de force des fléchisseurs plantaires
des orteils restent significativement associées
aux chutes.
Plus récemment, Mickle et coll. [7] au cours
d’une étude prospective de 12 mois portant
sur 312 personnes âgées vivant en ville ont
montré que par rapport à des sujets « non
chuteurs », les « chuteurs » avaient une force
de flexion plantaire du gros orteil, diminuée
et des déformations des orteils de manière
plus fréquente (en particulier des hallux
valgus).
Les chaussureset les chutes
En modifiant l’interface entre le corps et
l’environnement, les chaussures ont le potentiel
d’influencer la stabilité posturale, de manière
positive ou négative. Plusieurs études ont
rapporté que le fait de porter des chaussures
non adaptées pourrait augmenter le risque
de chutes chez la personne âgée.
Barbieri [8] a interviewé des personnes âgées
qui étaient tombées lors d’une hospitalisation,
et a constaté chez ces patients que des chaus-
sures mal adaptées avaient joué un rôle dans
51 % des cas. De même, Hourihan et coll. [9]
ont montré que 33 % de sujets hospitalisés
pour une fracture de la hanche liée à une
chute portaient des pantoufles au moment
de la chute. hallux Valgus© Shutterstock
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Des études en laboratoire ont depuis confirmé
des notions évidentes :
• les chaussures avec talons hauts et étroits
et des semelles trop épaisses sont préjudi-
ciables à l’équilibre de tous les adultes,
• les chaussures avec un talon large et bas
et une semelle fine sont bénéfiques à
l’équilibre.
Cependant, l’extrapolation des résultats de
laboratoire à ceux des études cliniques sur
la chute est discutable car de nombreux fac-
teurs interviennent lors d’une chute chez un
senior. Néanmoins, des recommandations
générales concernant les chaussures ont été
développées pour les personnes âgées à risque
de chutes.
Quelle prévention ?
Au cours des trois dernières décennies, il y
a eu un effort de recherche soutenu pour
évaluer l’efficacité d’une prévention des chutes
chez les personnes âgées. Une revue de
111 essais publiée par la base de données
Cochrane [9] indique que l’exercice physique
en groupe ou seul, le « toilettage » progressif
des ordonnances contenant des médicaments
en particulier les psychotropes, la prescription
de vitamine D, la pose de pacemakers et la
chirurgie de la cataracte sont des moyens
efficaces pour réduire l’incidence des chutes.
Un examen des pieds et des chaussures s’avère
indispensable dans le cadre de cette préven-
tion bien que la littérature soit peu importante
sur ce sujet.
Une étude podologiqueimportante : 36 % de chutesen moins…
Dans une étude contrôlée randomisée [10],
305 personnes âgées d’âge moyen 74 +/– 6 ans
vivant en ville se plaignant de douleurs
chaussures : recommandations pour les personnes âgées à risque de chute.
© Shutterstock
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invalidantes au niveau des pieds et ayant un
risque accru de chutes ont été randomisées
dans 2 groupes :
• un groupe avec des soins podologiques
« basiques » (soins des ongles et traitement
des cors et des zones d’hyperkératose) ;
• un groupe avec une prise en charge plus
globale avec des soins podologiques
comprenant :
– des soins « basiques »,
– des orthèses plantaires,
– des conseils sur le choix de chaussures
adaptées,
– un bon d’achat de 74 Euros pour aider
à l’achat de nouvelles chaussures si
les chaussures avaient été jugées
inappropriées,
– un programme de mobilisation à domicile
de la cheville et du pied,
– et un livret de formation à la prévention
des chutes.
Après 12 mois de suivi, les auteurs ont enre-
gistré 264 chutes. Chez les sujets du groupe
avec une prise en charge globale, il a été noté
36 % de chutes en moins que chez les parti-
cipants du groupe traité par des soins
« basiques » (OR = 0.64, IC 0.45 à 0.91,
p = 0.01). De plus, dans le groupe avec une
prise en charge globale, il a été noté des
améliorations significatives par rapport au
groupe ayant reçu des soins « basiques »,
de :
• la force lors de l’extension de la cheville,
• l’amplitude des mouvements lors de la
flexion/extension de la cheville,
• l’équilibre pieds nus sur le sol et lors du
porter des chaussures.
L’observance de la prise en charge globale
était bonne, avec 52 % des sujets effectuant
75 % ou plus des trois séances d’exercices
hebdomadaires demandées, et 55 % portant
les orthèses la plupart du temps [11]. Étant
donné que cette prise en charge est peu coû-
teuse et relativement simple à mettre en œuvre,
ce programme pourrait être intégré dans la
prise en charge clinique de la prévention des
chutes en particulier en ville.
Conclusion
Les chutes chez les seniors sont fréquentes,
invalidantes et coûteuses pour le système de
santé. Les troubles podologiques et le port
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de chaussures inappropriées semblent aug-
menter le risque de chutes. Des recherches
récentes indiquent qu’une intervention podo-
logique plurifactorielle peu coûteuse semble
réduire le taux de chute de 36 %. Ces résultats
plaident fortement pour l’intégration de soins
des pieds dans l’effort multidisciplinaire pour
prévenir les chutes chez les personnes âgées
en particulier en ville. ■
Par Jean-Patrick Benigni
Références
1. Prévention des chutes accidentelles chez lapersonne âgée. Novembre 2005.www.has-sante.fr/portail/jcms/c_269958/prévention-des-chutes
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