Épreuves anticipées du baccalauréat - Séries générales ......NOM, Prénom de l'élève : _____...

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NOM, Prénom de l'élève : ____________________________ Épreuves anticipées du baccalauréat - Séries générales Oral de français Descriptif du travail de l'année 2019-2020 1G2 et 1G6 du lycée Paul Langevin Aucun manuel n'a été utilisé. Les élèves ont été invités à réaliser un carnet de lecture. Suresnes, mai 2020 Le professeur : Le chef d'établissement : M. MONTOURCY

Transcript of Épreuves anticipées du baccalauréat - Séries générales ......NOM, Prénom de l'élève : _____...

NOM, Prénom de l'élève : ____________________________

Épreuves anticipées du baccalauréat - Séries générales

Oral de français

Descriptif du travail de l'année 2019-2020

1G2 et 1G6 du lycée Paul Langevin

Aucun manuel n'a été utilisé.

Les élèves ont été invités à réaliser un carnet de lecture.

Suresnes, mai 2020

Le professeur : Le chef d'établissement :

M. MONTOURCY

SEQUENCE 1 : Les Contemplations de Victor Hugo – Les Mémoires d’une âme

Objet d'étude :La poésie du XIXe au XXIe siècle

Œuvre intégrale étudiée :Les Contemplations, de Victor Hugo (édition au choix)

Lectures analytiques :• Texte n°1 : Victor HUGO, Les Contemplations, « A propos d’Horace », v.1-28 (jusqu’à « les

vagues violons de la mère Saguet »• Texte n°2 : Victor HUGO, Les Contemplations, « J’aime l’araignée et j’aime l’ortie »• Texte n° 3 (pour les 1G2 uniquement) : Victor HUGO, Les Contemplations, « A quoi

songeaient les deux cavaliers dans la forêt »• Texte n°3 (pour les 1G6 uniquement) : Victor HUGO, Les Contemplations, « Mors »• Texte n°4 : Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, « Correspondances » • Texte n°5 : Andrée CHEDID, Rythmes, « Multiple »• Texte n°6 : Léon-Gontran DAMAS, Pigments, « Solde »

Lecture cursive - un recueil au choix parmi la liste suivante :➢ Renée VIVIEN, Poèmes choisis, « Points » Seuil ;➢ ARAGON, Elsa, « Poésie » Gallimard ;➢ Andrée CHEDID, Rythmes, « Poésie » Gallimard ;➢ Christian BOBIN, La Présence pure, « Poésie » Gallimard ;➢ René DEPESTRE, Anthologie personnelle, « Points » Seuil ;➢ Fernando PESSOA, Le livre de l’intranquillité ;➢ Anna de NOAILLES, Anthologie poétique et romanesque, Le livre de poche ;➢ André VELTER, L’amour extrême, « Poésie » Gallimard.

Rappel de la structure du cours : ➢ chapitre 0 : définitions de « mémoires » et « âme » ➢ problématique : Comment la poésie permet-elle de transcrire « les Mémoires d'une

âme ? »➢ chapitre 1 : la poésie comme « écho sonore » du bruit du monde (et de sa colère)

✔ biographie de Hugo : la naissance. « Ce siècle avait deux ans », de Victor HUGO, Les Feuilles d’automne, 1831 ;

✔ carnet de lecture : impressions sur les premiers poèmes ;✔ Corpus autour de la poésie engagée :

LAMARTINE, « A Némésis », extraits, 1830 ; DESBORDES-VALMORE, « Dans la rue », 1834 ; APOLLINAIRE, « Si je mourais là-bas », Poèmes à Lou, 1915 et « La colombe

poignardée et le jet d'eau », Caligrammes, 1918 ; CESAIRE, Cahier d'un retour en pays natal, 1939 ; ARAGON, « Ce que dit Elsa » dans Les yeux d'Elsa, 1943.

✔ figures d'insistance ;✔ textes 1 et 6.

➢ chapitre 2 : la poésie comme musique de l'harmonie des choses et des états d'âme✔ carnet de lecture : les oiseaux et la nature dans Les Contemplations ;✔ carnet de lecture : composition d'un poème à la manière de Hugo ;✔ étude des sonorités → fiche ;✔ observation et imitation d'alexandrins classiques ;✔ Histoire de l'art : Bedrich SMETANA, La Moldau (extrait) ;✔ enregistrement d'un poème ;✔ texte antique de la poétesse Sappho où les mouvements de l'âme sont comparés à

la nature ;✔ texte 2.

➢ chapitre 3 : la poésie comme lien unifiant le Grand et le petit ✔ extraits de poèmes supports du cours ;✔ fiche sur les figures d'opposition ;✔ fiche sur les figures d'analogie ;✔ texte théorique complémentaire : « La reine de facultés », de BAUDELAIRE, Salon de

1859 ;✔ biographie de Victor Hugo : la maison de Guernesey « Hauteville House » et les

objets décorés de symboles par Victor Hugo.✔ Texte 4.

➢ chapitre 4 : la poésie comme construction d'un sens, d'une identité✔ activité autour des dates dans Les Contemplations ;✔ corpus de poèmes sur l'identité (Baudelaire, Rimbaud : « Lettre du voyant » et « Le

bateau ivre » ; Lautréamont « Les poux me rongent » dans Les Chants de Maldoror ; Larbaud « Le masque » et Pessoa « Autopsychographie ») ;

✔ dissertation sur l'identité : I. Les Contemplations se fondent sur la vie de Hugo / II. Cependant cette histoire est mise à distance / III. En effet c'est en effaçant les frontières du « moi » que Victor Hugo dépasse la notion d'identité et devient lui-même ;

✔ carnet de lecture : relevé de citations et commentaires personnels sur 15 poèmes ;✔ texte 3 (DST1).

➢ chapitre 5/6 : la poésie comme exploration de l'ineffable, de l'Inconnu, et comme affirmation du doute

✔ Histoire de l'art : écoute de Franz SCHUBERT, La jeune fille et la mort ;✔ biographie : Victor Hugo mystique ;✔ relevé de citations dans Les Contemplations ;✔ interrogations rhétoriques et métaphysiques dans Les Contemplations ;✔ réalisation d'une frise comme bilan de la séquence ;✔ fiche-lexique bilan de la séquence ;✔ choix d'un texte parmi plusieurs dans Rythmes d'Andrée Chédid ;✔ texte 5 ;✔ méthode de l'introduction d'une explication de texte ;✔ dissertation (DST2) : solidité et fragilité de Hugo ; la force dans la fêlure.✔ Histoire de l'art : Fracta Juventus, de Hugo ;✔ Histoire de l'art : paysages classiques (Poussain, Lorrain) vs sublime romantique, qui

montre l'homme face à l'infini (Cole, Friedrich, Wolf)

SEQUENCE 2 : Le Rouge et le Noir de STENDHAL – Le personnage de roman, esthétiques et valeurs

Objet d'étude :Le roman et le récit du Moyen-Age au XXIe siècle

Œuvre intégrale étudiée :Le Rouge et le Noir, de STENDHAL (édition au choix)

Lectures analytiques :• Texte n°7 : Chrétien DE TROYES, Perceval ou le Conte du Graal, vers 4096 à 4140, traduction

Charles Méla, de « Au matin la neige était bien tombée » à « Ils crurent qu'il sommeillait » ;• Texte n°8 : STENDHAL, Le Rouge et le Noir, chapitre 12, « Un voyage », de « Enfin il atteignit

le sommet » à « mériter d'en être encore plus aimé » ;• Texte n° 9 : STENDHAL, Le Rouge et le Noir, chapitre 46, « Une heure du matin », de « En

l'écoutant parler » à « C'est moi qui manque de caractère » ;• Texte n°10 : BALZAC, Le Père Goriot, de « Cette pièce est dans tout son lustre au moment

où » à « tout ce qu'il est possible de souffrir » ;• Texte n°11 : pas de texte n°11 pour l'instant

Lecture cursive demandée - un roman au choix parmi :• pour les 1G2 : une large sélection de « romans du crime » (ex. de livres choisis : Chanson

douce de Leila Slimani, Laetitia, d'Ivan Jablonka, La cité des jarres, d'Arnaldur Idrioason)• pour les 1G6 : une large sélection de romans présents en plusieurs exemplaires au CDI

(ex de livres choisis par plusieurs élèves : Tropique de la violence, de Natacha Appanah, L'attentat de Yasmina Khadra, Les mots qu'on ne me dit pas, de Véronique Poulain)

Rappel de la structure du cours : ➢ chapitre 0 : lecture à la maison d'un article du Monde de Pascale Robert-Diard racontant un

meurtre récent se revendicant de « Julien Sorel ». Définition et petite histoire littéraire du « personnage ». Définitions de « esthétique » et « valeurs ».

➢ problématique : En quoi Le Rouge et le Noir est-il un roman où se mêlent des principes esthétiques et des valeurs contraires ?

➢ chapitre 1 : personnages héroïques vs personnages médiocres◦ dissertation ;◦ carnet de lecture : fiches sur les personnages ;◦ tentative de compréhension du texte 7 à partir du texte en ancien français ;◦ comparaison de deux versions de Julien sur la montagne (textes 8a et 8b) et choix de

l'une des versions ;◦ textes 7 et 8 ;

➢ chapitre 2 : l'amour et la mort dans Le Rouge et le Noir◦ dissertation ;◦ comparaison de plusieurs portraits de Mathilde ;◦ texte 9.

➢ chapitre 3 : romantisme et réalisme

◦ Histoire de l'Art : comparaison de tableaux représentant des enterrements, à classer du moins réaliste au plus réaliste (Le Gréco, L'Enterrement du Comte d'Orgaz ; Girodet, Attala au tombeau ; Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans)

◦ Histoire de l'Art : comparaison de deux films : Bright Star de Jane Campion, et Une Vie de Stéphane Brizé.

◦ dissertation sur le roman comme miroir de la réalité ;◦ présentation de la Comédie humaine de Balzac ;◦ texte 10.

Activités sur le cahier de lecture : • fiche sur les personnages ;• deux sujets au choix parmi plusieurs (rédactions de changement de points de vue, ou à la

manière de ; storyboard...)

SEQUENCE 3 : Le Mariage de Figaro, de BEAUMARCHAIS

– La comédie du valet

Objet d'étude :Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle

Œuvre intégrale étudiée :Le Mariage de Figaro, de BEAUMARCHAIS (édition au choix)

Lectures analytiques :• Texte n°12 : MARIVAUX, Le jeu de l'amour et du hasard, Acte I, scène 5, de « Je cherche

monsieur Orgon » à « Vous voilà débarassés des cérémonies »• Texte n°13 : BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro, Acte III, scène 5, de « Et voyons ce que

nous ferons de la jeune » à « mais toutes réflexions faites »

Lecture cursive demandée : • liste à déterminer

Rappel de la structure du cours : ➢ chapitre 0 : présentation de la vie de Beaumarchais, proche de celle de Figaro ; analyse de

la tension entre « comédie » et « valet » ;➢ problématiques : question du plaisir et du rire (plaisir odieux des nobles / plaisir désiré

des classes populaires) ; question de la hiérarchie sociale (faut-il en rire ou en pleurer?) ; question du jeu (« jouer » le valet, « jouer la comédie » : la fausseté, l'hypocrisie).

➢ fiche sur l'étude des rapports de force dans un texte théâtral ;➢ grammaire : la négation (lexicale, syntaxique et pragmatique) ;➢ grammaire : l'interrogation (sa portée, sa syntaxe, sa pragmatique) ;➢ comparaison de mises en scène de l'acte III, scène 5.

Texte n°1 : Victor HUGO, Les Contemplations, « A propos d'Horace » (début)

A PROPOS D’HORACE

Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues !

Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !

Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,

Vous niez l’idéal, la grâce et la beauté !

Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !

Car, avec l’air profond, vous êtes imbéciles !

Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !

Car vous êtes mauvais et méchants ! — Mon sang bout

Rien qu’à songer au temps où, rêveuse bourrique,

Grand diable de seize ans, j’étais en rhétorique !

Que d’ennuis ! de fureurs ! de bêtises ! — gredins ! —

Que de froids châtiments et que de chocs soudains !

— Dimanche en retenue et cinq cents vers d’Horace ! —

Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,

Et je balbutiais : — Monsieur… — Pas de raisons !

Vingt fois l’ode à Plancus et l’épître aux Pisons ! —

Or j’avais justement, ce jour-là, — douce idée

Qui me faisait rêver d’Armide et d’Haÿdée, —

Un rendez-vous avec la fille du portier.

Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !

Je devais, en parlant d’amour, extase pure !

En l’enivrant avec le ciel et la nature,

La mener, si le temps n’était pas trop mauvais,

Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !

Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,

Tout cet éden, congé, les lilas, la banlieue,

Et j’entendais, parmi le thym et le muguet,

Les vagues violons de la mère Saguet !

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Texte n°2 : « J'aime l'araignée et j'aime l'ortie... » de Victor HUGO (Les Contemplations, III, 27)

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie, Parce qu’on les hait ;

Et que rien n’exauce et que tout châtieLeur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives, Noirs êtres rampants ;

Parce qu’elles sont les tristes captivesDe leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre ;Ô sort ! fatals nœuds !

Parce que l’ortie est une couleuvre, L’araignée un gueux ;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes, Parce qu’on les fuit,

Parce qu’elles sont toutes deux victimesDe la sombre nuit.

Passants, faites grâce à la plante obscure, Au pauvre animal.

Plaignez la laideur, plaignez la piqûre, Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;Tout veut un baiser.

Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublieDe les écraser,

Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe, Tout bas, loin du jour,

La vilaine bête et la mauvaise herbeMurmurent : Amour !

Juillet 1842.

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Texte n°3 (1G2 uniquement) : Victor HUGO, Les Contemplations, livre IV, 12

À QUOI SONGEAIENT LES DEUX CAVALIERS DANS LA FORÊT

La nuit était fort noire et la forêt très sombre.Hermann à mes côtés me paraissait une ombre.Nos chevaux galopaient. À la garde de Dieu !Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres.Les étoiles volaient dans les branches des arbresComme un essaim d’oiseaux de feu.

Je suis plein de regrets. Brisé par la souffrance, L’esprit profond d’Hermann est vide d’espérance.Je suis plein de regrets. Ô mes amours, dormez !Or, tout en traversant ces solitudes vertes, Hermann me dit : « Je songe aux tombes entr’ouvertes ! »Et je lui dis : « Je pense aux tombeaux refermés ! »

Lui regarde en avant : je regarde en arrière. Nos chevaux galopaient à travers la clairière ;Le vent nous apportait de lointains angelus ;Il dit : « Je songe à ceux que l’existence afflige, À ceux qui sont, à ceux qui vivent. — Moi, lui dis-je, Je pense à ceux qui ne sont plus ! »

Les fontaines chantaient. Que disaient les fontaines ?Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ?Les buissons chuchotaient comme d’anciens amis.Hermann me dit : « Jamais les vivants ne sommeillent.En ce moment, des yeux pleurent, d’autres yeux veillent. »Et je lui dis : « Hélas ! d’autres sont endormis ! »

Hermann reprit alors : « Le malheur, c’est la vie.Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! J’envieLeur fosse où l’herbe pousse, où s’effeuillent les bois.Car la nuit les caresse avec ses douces flammes ;Car le ciel rayonnant calme toutes les âmesDans tous les tombeaux à la fois ! »

Et je lui dis : « Tais-toi ! respect au noir mystère !Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre.Les morts, ce sont les cœurs qui t’aimaient autrefois !C’est ton ange expiré ! c’est ton père et ta mère !Ne les attristons point par l’ironie amère.Comme à travers un rêve ils entendent nos voix. »

Octobre 1853.

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Texte n°3 (1G6 uniquement): Victor HUGO, Les Contemplations, IV, 16

Mors

Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.

Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,

Noir squelette laissant passer le crépuscule.

Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,

L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.

Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux

Tombaient ; elle changeait en désert Babylone,

Le trône en échafaud et l'échafaud en trône,

Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,

L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.

Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit être.

Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? -

Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ;

Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ;

Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;

Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre

Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ;

Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.

Derrière elle, le front baigné de douces flammes,

Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.

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Texte n°4 : BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, « CORRESPONDANCES »

La Nature est un temple où de vivants piliersLaissent parfois sortir de confuses paroles ;L’homme y passe à travers des forêts de symbolesQui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent, Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, — Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

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Texte n°5 : Andrée CHEDID, Rythmes (2003)

Multiple

Je fonce vers l’horizon Qui s’écarte Je m’empare du temps Qui me fuit

J’épouse mes visages D’enfance J’adopte mes corps D’aujourd’hui

Je me grave Dans mes turbulences Je pénètre Mes embellies

Je suis multiple Je ne suis personne Je suis d’ailleurs Je suis d’ici

Sans me hâter Je m’acclimate À l’immanence De la nuit

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Texte n°6 : Léon-Gontran DAMAS, « Solde » dans Pigments (1937)

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« Solde »

Pour Aimé Césaire.

J’ai l’impression d’être ridiculedans leurs souliersdans leurs smokingdans leur plastrondans leur faux-coldans leur monocledans leur melon

J’ai l’impression d’être ridiculeavec mes orteils qui ne sont pas faitspour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabilleavec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membreset enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe

J’ai l’impression d’être ridiculeavec mon cou en cheminée d’usineavec ces maux de tête qui cessentchaque fois que je salue quelqu’un

J’ai l’impression d’être ridiculedans leurs salonsdans leurs manièresdans leurs courbettesdans leur multiple besoin de singeries

J’ai l’impression d’être ridiculeavec tout ce qu’ils racontentjusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midiun peu d’eau chaudeet des gâteaux enrhumés

J’ai l’impression d’être ridiculeavec les théories qu’ils assaisonnentau goût de leurs besoinsde leurs passionsde leurs instincts ouverts la nuiten forme de paillasson

J’ai l’impression d’être ridiculeparmi eux compliceparmi eux souteneurparmi eux égorgeurles mains effroyablement rougesdu sang de leur ci-vi-li-sa-tion

Texte n°7 : CHRETIEN DE TROYES, Le Conte du Graal ou le roman de Perceval

Au matin la neige était bien tombée, car la contrée était très froide. Perceval, au petit jour,

s'était levé comme à son habitude, car il était en quête et en attente d'aventures et d'exploits

chevaleresques. Il vint droit à la prairie gelée et enneigée où campait l'armée du roi.

Mais avant qu'il n'arrive aux tentes, voici venir un vol groupé d'oies sauvages que la neige

avait éblouies. Il les a vues et entendues, car elles fuyaient à grand bruit devant un faucon qui

fondait sur elles d'un seul trait. Il atteignit à toute vitesse l'une d'elles, qui s'était détachée des autres.

Il l'a heurtée et frappée si fort qu'il l'a abattue au sol. Mais il était trop matin, et il repartit sans plus

daigner se joindre ni s'attacher à elle.

Perceval cependant pique des deux, dans la direction où il avait vu le vol. L'oie était blessée

au col. Elle saigna trois gouttes de sang, qui se répandirent sur le blanc. On eût dit une couleur

naturelle. L'oie n'avait pas tant de douleur ni de mal qu'il lui fallût rester à terre. Le temps qu'il y

soit parvenu, elle s'était déjà envolée.

Quand Perceval vit la neige qui était foulée, là où s'était couchée l'oie, et le sang qui

apparaissait autour, il s'appuya dessus sa lance pour regarder cette semblance. Car le sang et la

neige ensemble sont à la ressemblance de la couleur fraîche qui est au visage de son amie. Tout à

cette pensée, il s'en oublie lui-même. Pareille était sur son visage cette touche de vermeil, disposée

sur le blanc, à ce qu'étaient ces trois gouttes de sang, apparues sur la neige blanche. Il n'était plus

que regard. Il lui apparaissait, tant il y prenait plaisir, que ce qu'il voyait, c'était la couleur toute

nouvelle du visage de son amie, si belle. Sur les gouttes rêve Perceval, tandis que passe l'aube.

À ce moment sortirent des tentes des écuyers qui l'ont vu tout à son rêve. Ils crurent qu'il

sommeillait.

Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal ou le roman de Perceval, vers 4096 à 4140, traduction Charles Méla,

Librairie Générale Française, « Livre de Poche »

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Texte n°8 : STENDHAL, Le Rouge et le Noir, chapitre 12, « Un voyage »

Enfin il atteignit le sommet de la grande montagne, près duquel il fallait passer pour arriver,

par cette route de traverse, à la vallée solitaire qu’habitait Fouqué, le jeune marchand de bois son

ami. Julien n’était point pressé de le voir, lui ni aucun autre être humain. Caché comme un oiseau de

proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne, il pouvait apercevoir de bien

loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite grotte au milieu de la pente

presque verticale d’un des rochers. Il prit sa course, et bientôt fut établi dans cette retraite. Ici, dit-il

avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me faire de mal. Il eut l’idée de se livrer au

plaisir d’écrire ses pensées, partout ailleurs si dangereux pour lui. Une pierre carrée lui servait de

pupitre. Sa plume volait : il ne voyait rien de ce qui l’entourait. Il remarqua enfin que le soleil se

couchait derrière les montagnes éloignées du Beaujolais.

Pourquoi ne passerais-je pas la nuit ici ? se dit-il, j’ai du pain, et je suis libre ! au son de ce

grand mot son âme s’exalta, son hypocrisie faisait qu’il n’était pas libre même chez Fouqué. La tête

appuyée sur les deux mains, Julien resta dans cette grotte plus heureux qu’il ne l’avait été de la vie,

agité par ses rêveries et par son bonheur de liberté. Sans y songer il vit s’éteindre, l’un après l’autre,

tous les rayons du crépuscule. Au milieu de cette obscurité immense, son âme s’égarait dans la

contemplation de ce qu’il s’imaginait rencontrer un jour à Paris. C’était d’abord une femme bien

plus belle et d’un génie bien plus élevé que tout ce qu’il avait pu voir en province. Il aimait avec

passion, il était aimé. S’il se séparait d’elle pour quelques instants, c’était pour aller se couvrir de

gloire, et mériter d’en être encore plus aimé.

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Texte n°9 : Stendhal, Le Rouge et le Noir, extrait du chapitre 46, « Une heure du matin »

En l’écoutant parler, Mathilde était choquée de cet air de triomphe. Il est donc mon maître !

se dit-elle. Déjà elle était en proie au remords. Sa raison avait horreur de l’insigne folie qu’elle

venait de commettre. Si elle l’eût pu, elle eût anéanti elle et Julien. Quand par instants la force de sa

volonté faisait taire les remords, des sentiments de timidité et de pudeur souffrante la rendaient fort

malheureuse. Elle n’avait nullement prévu l’état affreux où elle se trouvait.

Il faut cependant que je lui parle, se dit-elle à la fin, cela est dans les convenances, on parle à

son amant. Et alors pour accomplir un devoir, et avec une tendresse qui était bien plus dans les

paroles dont elle se servait que dans le son de sa voix, elle raconta les diverses résolutions qu’elle

avait prises à son égard pendant ces derniers jours.

Elle avait décidé que s’il osait arriver chez elle avec le secours de l’échelle du jardinier, ainsi

qu’il lui était prescrit, elle serait toute à lui. Mais jamais l’on ne dit d’un ton plus froid et plus poli

des choses aussi tendres. Jusque-là ce rendez-vous était glacé. C’était à faire prendre l’amour en

haine. Quelle leçon de morale pour une jeune imprudente ! Vaut-il la peine de perdre son avenir

pour un tel moment ?

Après de longues incertitudes, qui eussent pu paraître à un observateur superficiel l’effet de

la haine la plus décidée, tant les sentiments qu’une femme se doit à elle-même avaient de peine à

céder à une volonté aussi ferme, Mathilde finit par être pour lui une maîtresse aimable.

À la vérité, ces transports étaient un peu voulus. L’amour passionné était encore plutôt un

modèle qu’on imitait qu’une réalité.

Mademoiselle de La Mole croyait remplir un devoir envers elle-même et envers son amant.

Le pauvre garçon, se disait-elle, a été d’une bravoure achevée, il doit être heureux, ou bien c’est

moi qui manque de caractère.

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Texte n°10 : BALZAC, Le Père Goriot, 1842

Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de

madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs

jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son ronron matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée

de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en

traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un

nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son

corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est

blottie la spéculation, et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide, sans en être

écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression

passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa

personne explique la pension, comme la pension implique la personne. Le bagne ne va pas sans

l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est

le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon

de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe

par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine

et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Âgée d’environ

cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l’œil

vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais

d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru

étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme disent les pensionnaires, qui la croient sans

fortune en l’entendant geindre et tousser comme eux. Qu’avait été M. Vauquer ? Elle ne s’expliquait

jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune ? « Dans les malheurs, » répondait-elle. Il

s’était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre,

et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il

est possible de souffrir.

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Texte n°11 : non déterminé à ce jour

Texte 12 : MARIVAUX, Le Jeu de l'amour et du hasard

Acte I, Scène 5

DORANTE, en valet, MONSIEUR ORGON,

SILVIA, MARIO.

DORANTE.

Je cherche monsieur Orgon ; n’est-ce pas à lui

que j’ai l’honneur de faire la révérence ?

MONSIEUR ORGON.

Oui, mon ami, c’est à lui-même.

DORANTE.

Monsieur, vous avez sans doute reçu de nos

nouvelles ; j’appartiens à monsieur Dorante qui

me suit, et qui m’envoie toujours devant, vous

assurer de ses respects, en attendant qu’il vous

en assure lui-même.

MONSIEUR ORGON.

Tu fais ta commission de fort bonne grâce.

Lisette, que dis-tu de ce garçon-là ?

SILVIA.

Moi, monsieur, je dis qu’il est le bienvenu, et qu’il

promet.

DORANTE.

Vous avez bien de la bonté ; je fais du mieux qu’il

m’est possible.

MARIO.

Il n’est pas mal tourné, au moins ; ton cœur n’a

qu’à se bien tenir, Lisette.

SILVIA.

Mon cœur ! c’est bien des affaires.

DORANTE.

Ne vous fâchez pas, mademoiselle ; ce que dit

monsieur ne m’en fait point accroire.

SILVIA.

Cette modestie-là me plaît ; continuez de même.

MARIO.

Fort bien ! Mais il me semble que ce nom de

mademoiselle qu’il te donne est bien sérieux.

Entre gens comme vous, le style des compliments

ne doit pas être si grave ; vous seriez toujours

sur le qui-vive ; allons traitez-vous plus

commodément. Tu as nom Lisette ; et toi, mon

garçon, comment t’appelles-tu ?

DORANTE.

Bourguignon, monsieur, pour vous servir.

SILVIA.

Eh bien, Bourguignon, soit !

DORANTE.

Va donc pour Lisette ; je n’en serai pas moins

votre serviteur.

MARIO.

Votre serviteur ! ce n’est point encore là votre

jargon ; c’est ton serviteur qu’il faut dire.

MONSIEUR ORGON.

Ah ! ah ! ah ! ah !

SILVIA, bas à Mario

Vous me jouez, mon frère.

DORANTE.

À l’égard du tutoiement, j’attends les ordres de

Lisette.

SILVIA.

Voilà la glace rompue ! Fais comme tu voudras,

Bourguignon, puisque cela divertit ces messieurs.

DORANTE.

Je t’en remercie, Lisette, et je réponds sur-le-

champ à l’honneur que tu me fais.

MONSIEUR ORGON.

Courage, mes enfants ; si vous commencez à

vous aimer, vous voilà débarrassés des

cérémonies.

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Texte n°13 : BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro, Acte III, Scène 5

LE COMTE, FIGARO.

[...] LE COMTE. … Et voyons ce que nous ferons de la jeune.

FIGARO, à part. Ah ! ma femme, s’il vous plaît.

LE COMTE se retourne. Hein ? quoi ? qu’est-ce que c’est ?

FIGARO s’avance. Moi, qui me rends à vos ordres.

LE COMTE. Et pourquoi ces mots ?…

FIGARO. Je n’ai rien dit.

LE COMTE répète. Ma femme, s’il vous plaît ?

FIGARO. C’est… la fin d’une réponse que je faisais : Allez le dire à ma femme, s’il vous plaît.

LE COMTE se promène. Sa femme !… Je voudrais bien savoir quelle affaire peut arrêter monsieur, quand je le fais appeler ?

FIGARO, feignant d’assurer son habillement. Je m’étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.

LE COMTE. Faut-il une heure ?

FIGARO. Il faut le temps. FIA

LE COMTE. Les domestiques ici… sont plus longs à s’habiller que les maîtres !

FIGARO. C’est qu’ils n’ont point de valets pour les y aider.

LE COMTE. …Je n’ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…

FIGARO. Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant…

LE COMTE. Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! Vous entendez fort bien que ce n’est pas le danger qui m’inquiète, mais le motif.

FIGARO. Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme, il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! Je me trouve là par hasard : qui sait, dans votre emportement si…

LE COMTE, interrompant. Vous pouviez fuir par l’escalier.

FIGARO. Et vous, me prendre au corridor.

LE COMTE, en colère. Au corridor ! (À part.) Je m’emporte, et nuis à ce que je veux savoir.

FIGARO, à part. Voyons-le venir, et jouons serré.

LE COMTE, radouci. Ce n’est pas ce que je voulais dire ; laissons cela. J’avais… oui, j’avais quelque envie de t’emmener à Londres, courrier de dépêches… mais, toutes réflexions faites…

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