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PRESS BOOK (Ceci n’est pas un livre)

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PRESS BOOK(Ceci n’est pas un livre)

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©Erreur Système, 2009Dépôt légal: mars 2009ISBN: 978-2-9532800-0-5

En application de la loi du 11 mars 1957, toute représentation ou reproduction intégrale ou partiellefaite par quelque procédé que ce soit,sans le consentement de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie est illicite etconstitue une contrefaçon sanctionnéepar les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

www.erreursysteme.fr

Erreur Systèmeprésente

PRESS BOOK(Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel

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54DU MEME AUTEUR

.Déjà parus aux Editions Terre de Brume.

.Dans la collection Granit Noir.

.Danger public ! (mars 2003).

.Roulez jeunesse ! (mars 2004).

.Délivre-moi du mal ! (septembre 2005).

Plus d’informations sur www.erreursysteme.fr

Merci à tous ceux qui m’ont aidéà écrire ce livre –si tant estque cela en soit un: FrançoiseBen Zenou, Thierry Brun, Alix

Delamarre, Fabrice Del Taglia,Esope le chat, Cécile Etienne,

Isabelle Fiemeyer, Stéphane Fougère,

Jean-Christophe Lépissier,Pierre Méon, Christophe Parat,

Rachel Pfleger, DominiquePoisson, Assia Quetin, FrançoisRaoul-Duval, Sébastien Ripari.

Mention particulièreà ma première lectrice,

Sophie Ruch-Henné, sans l’aidede laquelle je ne serais jamaisarrivé au bout de ce projet sans

fin, ainsi qu’à pour lacréation graphique de cet

ouvrage qui va bien au delà demes rêves les plusfous.

À FRANÇOIS CORCKET ,VINCENT GEANTY,JEAN-BAPTISTE LE HUCHER & PASCAL SAVINI,FONDATEURS D’AVANCENET

EN TEMOIGNAGE DE MA GRATITUDE

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This is the endBeautiful friendThis is the endMy only friend,

the endOf our elaborate plans, the end

Of everything that stands, the endNo safety or surprise, the end

I’ll never look into your eyes... again

Un auteur discute avec son double.

L’auteur : Qu’est-ce qui est mieux qu’un livre ?

Son double :

Deux livres ?

L’auteur :

Non, un livre qui fait parler de lui.

Et qu’est-ce qui est mieux qu’un livre qui fait parler de lui ?Son double :

Deux livres qui font parler d’eux ?

L’auteur : Non, un seul, mais qui ferait parler de nousjusqu’à la fin des temps.

THE END

AVANT-

PROPOS67)(The Doors, 19

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9

8

Auteur Anonyme - Collection privée – Reproduction interdite

ESPRIT LIMINAIRE

.

.

..

.

L’Auteur Néant (19 )

Au commencementIl n’y avait rienNi Dieu, ni maîtreZéro avant l’heureRien que le verbeD’un avenir radieuxPas encore écritMais envisagéPar le tout-PuissantQui le précédaitAu fond du trou noirDe ses origines

Signé

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1110

R écemmentnommé à la têtedes EditionsAlpha,Pierre-Alain Desrives n’aurapas attendu longtemps pourréaliser l’un de ces «coupséditoriaux» dont il a le secret.Alors qu’on pensait sa marge de manoeuvre réduite par lamauvaise situation financière dela maison, l’éditeur parisienvient de prendre tous lesobservateurs à contre-pied

en reconnaissant avoir investi«une somme d’argent à plusieurs zéros dansl’acquisition d’un manuscritexplosif signé par un auteurprometteur», dont il entendcependant préserver l’anonymatjusqu’à la sortie de son livre, programmée à la prochaine rentrée.Un message fort adressé aux marchés qui n’a cependantpas suscité l’enthousiasme du personnel de la maison,apparemment échaudé parla drastique réduction des coûtsopérée par le nouveau directeurd’Alpha depuis son arrivée.

L’iNCONNU(E) de la rentrée

Divine surprise ! Bienrangé dans sa boîte, l’égojaillit comme un beaudiable !

Entre être.

et ne paraître,.

c’est le choix..

d’une vie qui.

nous échappe !.

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De quelle matière inédite est constitué le manuscrit dont les Editions Alphaviennent d’acquérir les droits ?Et pourquoi un tel mystèreautour de l’identité de sonauteur ? Le montant de l’à-valoir consenti à ce dernierserait si élevé (on parle d’unesomme à cinq zéros) que lessuppositions vont bon train, y compris au sein de lamaison Alpha où le secret est soigneusement gardé.S’agit-il d’un écrivain réputé,important transfuge d’unemaison concurrente, d’une ex-star de la téléréalité ou,comme certaines mauvaiseslangues l’affirment,

d’un jeune romancierdébutant, intime du nouveaudirecteur des Editions Alpha ?Nommé il y a quelques mois àla tête de la maison d’édition,Pierre-Alain Desrives sembleaujourd’hui cristalliser sur lui toutes les inquiétudes de ses salariés qui lui reprochent,par l’intermédiaire de leurssyndicats, sa stratégieéditoriale à haut risque.«Compte tenu de la sommeversée», commente l’un de leurs représentants,fataliste, «il n’y a plus qu’unprix littéraire qui puisse nousaider à rentabiliserl’investissement ! Et encore,seulement si le livre est bon !»

BETE A

GONCOURT

?

DDee ll’’aarrttoouu dduuccoocchhoonn ??

13

Un livre qui faitparler de luiplusieurs moisavant sa sortiepeut-il êtreaussi mauvais qu’attendu

?

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1514

UN ZERO DETR P?Interrogé hier par nos confrères de BuzzFM, Pierre-Alain Desrives adressé un premier bilan positif de son action à la têtedes Editions Alpha. «Nous avons mangé notre pain noir»,a-t-il notamment déclaré pour justifier les mauvais résul-tats de l’année écoulée, imputables selon lui aux choix mal-heureux de ses prédécesseurs, à une mauvaise conjonctureéconomique ainsi qu’à l’important effort de restructura-tion entrepris dès son arrivée. Convaincu que «ses nou-velles méthodes ne tarderont pas à porter leurs fruits»,Pierre-Alain Desrives affiche un grand optimisme pourl’année à venir, dont il annonce qu’elle sera «l’annéed’un nouveau départ» et verra «la maison Alpha innover àplus d’un titre». Une petite phrase sibylline derrièrelaquelle personne n’aura manqué de discerner l’ombre dumystérieux manuscrit à 100.000 euros qui lui a valud’être qualifié en privé de «zéro de trop» par l’un de sesactionnaires. A peine arrivé, aussitôt débarqué? Une menacevoilée d’éviction qui n’a pas empêché l’éditeur parisien,plus déterminé que jamais à faire entendre sa voix, dedonner rendez-vous à tous les amateurs de littérature àla prochaine rentrée littéraire, «où l’on pourra jugersur pièce de la pertinence de son investissement».

0SI 100%DES AUTEURSONT TENTELEURCHANCE,RARES SONTCEUX QUIONT GAGNÉUN PRIXUn manuscrit qui

n’a pas de prix !

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.0 0..+..=.

1716

Ni plus, ni moins que zér ! Juste lui-même !

Coup de théâtre aux EditionsAlpha ! Bien que fraichementnommé à la tête de la presti-gieuse maison d’édition, Pierre-Alain Desrives a surpris tous lesobservateurs en démissionnantde ses fonctions à l’occasiondu conseil d’administration quise tenait hier à Paris. S’estimantincapable de redresser une mai-son contre le gré de ses action-naires et de ses syndicats unisdans le même refus du chan-gement, l’éditeur parisien a jugéqu’Alpha n’était plus le cadreidéal pour accomplir son destinde «passeur de mots» et a faitjouer l’une des clauses libératoi-res de son contrat. À l’origine dela discorde, le coûteux inves-tissement réalisé en catiminidans le manuscrit jugé invenda-ble d’un auteur inconnu qui

aurait paru à certains incom-patible avec la réalisation de sesobjectifs de rentabilité. S’il n’apas demandé à toucher de primede départ, Pierre-Alain Desrivesne part pas pour autant les mainsvides de la maison Alphapuisqu’il emporte dans ses baga-ges le fameux manuscrit-mys-tère qui lui a tant coûté. Décidéà offrir sa chance à ce texteautant qu’à son auteur, il serait,d’après nos sources, sur le pointde monter sa propre structured’édition, baptisée Erreur Sys-tème en référence aux condi-tions de sa création. C’est souscette nouvelle appellationcontrôlée que les deux hommesdevraient effectuer la prochainerenrée littéraire… sauf erreur sys-tème ou autre bug administra-tif bien entendu.

Erreur Système ?Vaste programme !AAtttteennttiioonn !! FFrraaggiillee !!

MMaannuussccrriitt àà ssuussppeennssee

ééjjeeccttaabbllee !! ÀÀ mmaanniieerr

aavveecc pprrééccaauuttiioonn !!

o

Page 10: Press Book

1918

SECRET-DEFENSED’EN PARLERÀ un mois de sa publication, le mystère le plus complet conti-nue de régner autour du fameux et coûteux manuscrit qui aamené Pierre-Alain Desrives à quitter les Éditions Alpha pourmonter sa propre maison d’édition, baptisée Erreur Système.Qualifié «d’ultra-sensible», le projet fait l’objet en interne demesures de sécurité draconiennes. Un seul mot d’ordre : «Rienne doit filtrer à l’extérieur !». Un black-out total sur l’informa-tion justifié, selon son éditeur, par le «contenu du livre, qui auraitbeaucoup à perdre si le moindre extrait était publié en avant-première dans la presse». Un silence radio qui «devrait mêmese poursuivre au-delà de sa sortie», nous prévient Pierre-AlainDesrives, son auteur ayant d’ores et déjà décrété – et faitspécifier dans son contrat d’édition – qu’il «ne se prêterait àaucune interview afin de ne pas tomber dans la démagogie àlaquelle la teneur de son propos littéraire pourrait facilement leconduire s’il était tenté de l’expliquer en détail» (sic). Restedonc à savoir de quoi il parlera pour exprimer une telle crainteque l’on déforme ses propos.

Livre enimpression/// Éditeur souspression ///Auteur sous tension

Un auteur qui gagne autant à être connu

peut-il se permettre de rester caché dans

l’ombre de son livre ?

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CHERCHEZ L’ERREUR ! Trouvez le système !Est-il possible de parler d’un livre dont lesujet n’est autre que l’accueil réservé par la critique à un livre dont le

sujet n’est autre que l’accueil réservé par la critiqueà un livre dont le sujet n’est autre que l’accueil

réservé par la critique à un livre dont le sujet n’est autre que l’accueilréservé par la critique à un livre dont le sujet n’est autre que l’accueilréservé par la critique à un livre dont le sujet n’est autre que l’accueil

réservé par la critique à un livre dont le sujet n’est autre quel’accueil réservé par la critique à un livre dont le sujet n’est autre

que l’accueil réservé par la critique à un livre… sans se répé-ter ? «Absolument ! Et même plutôt deux fois qu’une !», nous affirme

Mathieu Goguel dans son quatrièmeouvrage intitulé Press Book (Ceci n’est pas un livre)

dont le sujet n’estautre que l’accueil réservé par la criti-

que à son livre dont le sujet n’est autre que l’accueilréservé par la critique à son livre

dont le sujet n’est autre que l’accueil réservépar la critique à son livre dont le sujet n’est autre quel’accueil réservé par la critique à son livre dont le sujet n’est autre que l’accueil réservé par la critique à son livredont le sujet n’est autre que l’accueil réservé par la critique à son livre… que vient de publier Erreur Système, lanouvelle - et bien nommée -maison d’édition de Pierre-Alain Desrives. Prix public : 19,68 euros

2120

Anticipez sur la rentréelittéraire !

Prenez la critique de court !

Lui !Henri !Encore !

Tirez

sur la corderaide et

la bobinettecherra!

Page 12: Press Book

Il est...

absurdeaiséautoriséchoquantdangereuxdéfendudélicatdifficileétrangefacileillogiqueimpossibleinterditinutilelégitimelogiquemarrantmensongerpossibleprématurérigolotolérétrompeurutile

de parler...

du sujet de l’accueil d’un livre par la critiqued’un livre dont l’accueil de la critique est le sujetde la critique d’un sujet dont l’accueil est le livredu sujet de la critique de l’accueil d’un livred’un livre dont la critique de l’accueil est le sujetde la critique d’un livre dont l’accueil est le sujetd’un livre dont le sujet est l’accueil de la critiqued’un livre dont le sujet est la critique de l’accueilde l’accueil du sujet dont la critique est le livred’un livre dont l’accueil est le sujet de la critiquede l’accueil du sujet dont le livre est la critiqued’un livre sur la critique dont le sujet est l’accueilde la critique d’un livre dont le sujet est l’accueilde l’accueil de la critique dont un livre est le sujetdu sujet de la critique d’un livre est l’accueilde l’accueil d’un livre dont la critique est le sujetde la critique de l’accueil du sujet d’un livredu sujet d’un livre dont la critique porte sur l’accueildu sujet de l’accueil par la critique d’un livrede l’accueil de la critique dont le sujet est le livrede la critique de l’accueil d’un livre dont c’est le sujetde la critique d’un sujet du livre dont c’est l’accueildu sujet d’un livre dont l’accueil est la critiquede l’accueil d’un livre dont le sujet est la critique

Réponse dans Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel à paraître chez Erreur Système ou sur www.erreursysteme.fr

LECON DE CRITIQUE SOMMAIREJouons avec les mots!

Saurez-vous relier chacun des 24 adjectifs suivantsà sa proposition d’origine sans commettre de contresens?

Exercice de rentrée

Nouvel avis dedécès prématuré ou essaiprématuré d’unevie nouvelle ?

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25

LE NON-EVENEMENT DE LA RENTREECeux qui étaient venus assister à la conférence depresse de rentrée de Pierre-Alain Desrives pour enapprendre plus sur le fameux manuscrit acheté àprix d’or qu’il s’apprête à publier, en ont été pourleurs frais. Intitulé Press Book (Ceci n’est pas unlivre) en hommage à la célèbre formule de RenéMagritte «Ceci n’est pas une pipe», l’ouvrage sesituerait, d’après son éditeur, «à mi-chemin entreune fiction réalité, une autobiographie imaginaire,un essai romancé et un témoignage fantasmé». Unprogramme vaste et flou que l’ancien directeur desÉditions Alpha et fondateur de la nouvelle maisonErreur Système a sagement choisi de ne pas com-menter, préférant renvoyer chacun des journalistesprésents à la lecture de l’ouvrage. «Press Book vousparlera bien mieux de lui que je ne saurais le faire», a-t-il du reste conclu, énigmatique, sa conférence depresse, laissant l’assemblée méditer seule sur le mystérieux – et désormais illustre – inconnu de larentrée : Mathieu Goguel.

ATTENTION, UN DOUBLE PEUTEN CACHER UN AUTRE !

Un auteur qui n’a pas fini de commencer à essayer de faire parler de lui !

Un livre qui neressemble à aucun

autre? Pas très originalcomme concept ! Espérons

que son auteur semontrera plus inspiré

lors de sa sortie !

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2726

C SSE P I P E

Mathieu Goguel avait-il toute sa tête lorsqu’il a décidé de sous-titrer son quatrième ouvrage «Ceci n’est pas un livre »? Si elleest prise au pied de la lettre, la formule risque en effet fortde se retourner contre lui en détournant les lecteurs de sonouvrage. Parce «qu’un livre est un suicide différé» (Cioran),il n’y a que deux façons d’interpréter son double titre : soit ils’agit d’un suicide littéraire en bonne et due forme de sonauteur, soit celui-ci n’a aucun avenir dans le métier.Car, que son texte révèle la moindre inexactitude ouapproximation et la foudre de la critique s’abattra aussitôt surlui. Déjà, dans l’ombre, échaudés par le bal médiatique artificiel-lement créé autour du livre avant même sa sortie, les gardiens dutemple surréaliste aiguisent leur plume, se préparant à croquertout cru cet auteur inconnu qui s’apprête à vampiriserla pensée du maître pour alimenter la veine de son propos. Espérons qu’il se montrera à la hauteur, sans quoi c’est un lynchage médiatique en règle qui attend Mathieu Goguel.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros.

APRÈSGOOGLE /FACEBOOK, VOICIGOGUEL /PRESSBOOK !Si cela n’est pas de la récupération, je ne sais pas comment il faut l’appeler !

GOGOL PREMIER LE SECOND OU GOGOL SECOND LE PREMIER ?

JOURNAL D’UN FOU REVISITE PAR SON AUTEUR

OU JOURNAL D’UN AUTEUR REVISITE PAR SON FOU?

Page 15: Press Book

28 PU

LICITESUBLIMINABLE

AVIS 2 TOLERANCE 0Décidément, Mathieu Goguel sait parler aux consommateurs,

qui a choisi de préciser sur la couverture de son quatrième

ouvrage intitulé Press Book l’avertissement suivant : «Ceci n’est

pas un livre». Une formule qui a de quoi rassurer les lecteurs de

ses trois premiers polars de motards parus chez Terre de

Brume, modeste éditeur breton, plus habitués à déchiffrer des

panneaux de signalisation qu’à se risquer dans des livres sans

image. Reste à savoir comment ceux-ci interpréteront les

19,68 ¤ qui constituent le prix-programme de son oeuvre.

Car, si l’intention affichée est de célébrer le quarantième

anniversaire de la révolte étudiante et ouvrière, le prix-

matraque de son ouvrage serait plutôt de nature à desservir

son propos. Goguel commencerait-il à se prendre au sérieux

qui appelle à un nouveau soulèvement populaire par l’achat

de son livre ? Si oui, c’est faire bien peu de cas du peuple et

de son pouvoir d’achat déclinant. Ce ne sont pourtant pas

les références historiques qui manquent dans l’histoire

récente du prolétariat qui auraient pu lui inspirer un tarif

plus citoyen pour son livre. Car, à 19,68 ¤, il n’est pas sûr

que les clients se précipitent en masse au comptoir pour

l’acheter alors qu’à 18,91 ¤, 17,89 ¤ ou -mieux encore -

16,64 ¤, c’était le carton assuré! On a la culture qu’on peut!

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

zéro absolu... ment

Surtout, ne jamaislaisser passer uneoccasion de diredu mal de soi-même. Sinon, lesjournalistes s’enchargeront à votreplace.

Surtout, ne jamaislaisser passer uneoccasion de diredu bien de soi-même. Sinon, per-sonne n’y pen-sera.

29°

Page 16: Press Book

30

CECI N’EST PAS UNE PLAISANTERIESigné Mathieu Goguel, auteur confidentiel de romanspoliciers, Press Book (Ceci n’est pas un livre) que s’apprêteà publier Erreur Système pourrait bien venir jouer lesoutsiders de la rentrée littéraire et de sa traditionnellecourse aux prix. Telle semble en tout cas être l’ambition de son éditeur Pierre-Alain Desrives qui n’a pas hésité àprésenter l’œuvre de son nouveau protégé comme une«véritable performance artistique qui dépasse le simplecadre de la littérature et fait voler en éclat le formattraditionnel du roman contemporain». En témoigne laformule choisie par son auteur, directement inspirée ducélèbre «Ceci n’est pas une pipe» du peintre surréalisteRené Magritte (La trahison des images, 1928-29) pour offrirun étonnant et contradictoire double titre à son ambitieux–et coûteux – projet littéraire.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68€ Attention, terrain

glissant !Risque de dérapage

incontrôléAccès réservé

aux auteurs confirmés

De la lecture qui va vite !

Tropvite?

Déjà, ça commence mal, le

livre ne démarre pas

au quart de page !

Page 17: Press Book

32

«Non, Monsieur l’auteur,

tous les cadavres ne sont pas

exquis ! Même réchauffés au

feu nourri de la critique ! »

Dites33

Du Café duCommerceau Café de Flore, il y a plus d’unebarrière culturelledifficile à franchir sil’on ne dispose pasdu passeport adéquat.Gare auxsensinterdits !

Contrôle

d’identité!

Vous pouvez

me présenter

vos polices,

s’il vous plaît

?

LATRAHISONDESMOTSOn n’arrête plus le ridicule! Deux titres pour

un seul livre ! Et quels titres ! René Magritte

a dû se retourner dans sa tombe en appre-

nant que sa célèbre formule «Ceci n’est pas

une pipe» serait adaptée pour servir de sous-

titre à un ouvrage intitulé Press Book (Ceci

n’est pas un livre) qui vient de paraître chez

Erreur Système. Peut-être le peintre surréa-

liste aurait-il apprécié le côté provocateur

d’une telle association qui renvoie au déca-

lage entre l’objet et sa représentation qu’il

n’a cessé de décliner à travers son œuvre.

En revanche, il n’est pas certain qu’il aurait

approuvé la douteuse exploitation commer-

ciale que semble décidé à en effectuer son

éditeur – avant même sa sortie– en se ser-

vant de ce prétexte littéraire pour vanter les

mérites de son «produit» à la façon d’un

vulgaire publicitaire.

Press Book (Ceci n’est pas unlivre) de Mathieu Goguel,Erreur Système, 19,68 euros

Page 18: Press Book

35

INQUALI-FIA-BLE !

Press Book(Ceci

n’est pas un livre), lequatrième opus de MathieuGoguel, à paraître chezErreur Système, n’est pasencore sorti en librairiequ’il suscite déjà lapolémique. En cause, lerefus de son éditeur decataloguer l’œuvre dansl’une des deux catégoriesde classement existantes–«romans&fictions» ou«essais & documents»– auprétexte que «Press Bookne saurait se réduire à ungenre en particulierpuisqu’il emprunte àchacun». Un non-choix

à l’or igine du buginformatique

qui a entraîné de nombreuxdysfonctionnements dansle référencement du livreauprès du réseau deslibraires. «Déjà qu’il y après de 800 livres quisortent à chaque rentréelittéraire», se plaint l’und’entre eux, confronté àd’importants problèmes destockage, «si en plus, ils semettent tous à porter deuxtitres et que leurs éditeursnous les envoientsystématiquement endouble exemplaire pourqu’on les expose dansplusieurs rayons à la fois, le métier va vite devenirimpossible !».«Heureusement», tente de relativiser avec humourl’un de ses collègues,

«la demande sur cetteréférence est déjà trèsforte ! Tout le monde veutsavoir à quoi correspond un tel engouement».

Mathieu Goguel ?

Il n’a rien d’un

littéraire... sauf les

traits de caractère

écrits d’avance !

Page 19: Press Book

3736

Magritte ne méritait

pas cela !

36

Arnaquecaractérisée

manifesteSi les mots sont le fluide de

la vie, Mathieu Gogueldonne un coût sacrilège au

prix de la sienne, dont lequatrième ouvrage

autobiographique qui estsur le point de paraître chezErreur Système porte celui

d’une révolution, et pasn’importe laquelle: 19,68

euros, s’il vous plaît!!!Provocation gratuite ou

emprunt déplacé? Certes,l’étiquette est bien

pratique, surtoutlorsqu’elle est associée à un

double titre aussiprovocateur que nihilistepour former un contre-

slogan publicitaire denature à capter l’attention

des consommateurs deculture confrontés à un

hyper-choix en inversantles codes promotionnels

habituellement utilisés dansles grandes surfaces.

Mais réduire la révolteétudiante et ouvrière à un

simple prix, tel unBeigbeder de seconde

main, relève de la publicitéabusive, voire quasimentmensongère. Car, s’il est

vrai que «l’aboutissementde toute forme de pensée,

c’est le pavé» (slogan del’époque), l’inverse n’est

malheureusement plus aussivrai depuis que les auteurs

se font rémunérer aufeuillet rédigé, et non plus

à l’idée exprimée. Restequ’en annonçant la couleur

d’entrée de jeu et enprêtant aussi facilement le

flanc à la critique par ladémesure annoncée de sonpropos, l’individu pourrait

bien faire l’unanimitécontre lui dès la sortie de

son livre et donnernaissance à une nouvelle

forme de contre-pensée demasse à son endroit,

susceptible de dérangerl’ordre établi. A surveiller

de près au cas où il serévélerait trop encombrant.

Press Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

PLAISIRSOLITAIREA PARTAGERENTRE AMIS«Le monde se divise en deux catégories

de lecteurs», écrivait il y a quelques

années le romancier Bernard Werber,

roi incontesté du box-office,régulièrement éreinté par la critique

littéraire : «ceux qui lisent des livres

et ceux qui écoutent ceux qui ont lu

des livres». Deux catégories de lecteurs

aujourd’hui susceptibles de se rassembler

autour du quatrième ouvrage de Mathieu

Goguel, ironiquement intitulé Press Book

(Ceci n’est pas un livre) pour ce qu’il utilise le format de la revue

de presse pour développer son propos. Un

choix narratif visant à n’exclure aucun

lecteur, mais qui pourrait bien –à force

de ratisser large– se retourner contre son

auteur en n’étant lu par personne. Ne

serait-ce d’ailleurs pas le plus bel

hommage que l’on puisse rendre à la

pensée de René Magritte, lequel affirmait

à propos de sa célèbre formule : «La

fameuse pipe, me l’a-t-on assez

reprochée! Et pourtant, pouvez-vous la

bourrer, ma pipe? Non, n’est-ce pas, elle

n’est qu’une représentation. Donc si

j’avais écrit sous mon tableau "ceci est

une pipe", j’aurais menti !» ? Et si ne pas

lire l’ouvrage de Goguel était le meilleur

moyen de donner raison au peintre

surréaliste, ce serait un vrai gachis que

de s’en priver. Après tout, ce n’est pas

tous les jours que de tels plaisirs à 19,68

euros s’offrent gratuitement à nous!

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu

Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Si vous avez compris le début dece livre,refermez-le,sinon tournezla page !

Page 20: Press Book

38

Press Book (Ceci n’est pas un livre) deMathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

S’il s’agit d’une manipulation,elle est franchementmaladroite. Son éditeur croit-il les journalistes suffisammentnaïfs pour tomber dansle piège manifeste queconstitue le choix du doubletitre d’inspiration surréalistedu livre de son auteur ? Pierre-Alain Desrives devraitpourtant savoir que ce ne sont pas les titres qui font les

livres, mais les livres qui font les titres lorsque leur qualitéest reconnue par les critiqueslittéraires, ce qui n’estprécisément pas encore le casdu premier ouvrage de sanouvelle maison d’édition. Et pour cause, une erreursemble s’être glissée dans saliste d’envois presse qui nous a privés –ainsi que nombre de nos confrères– du plaisirde sa découverte. Faut-il doncpour le critiquer,

LE SECRET D’UN LANCEMENT

RÉUSSI : NE JAMAIS LAISSER

PASSER UNEOCCASIOND’IGNORER LES MÉDIAS,IL Y AURATOUJOURS UNJOURNALISTE POUR S’ENOFFUSQUER !

PRESSE CITRON

VAUT-IL MIEUX ACHETER UN BOUQUIN DE CET AUTEUR DE PRESSE CONNUINCO

NNU?que nous soyons obligés de l’acheter en librairie ? Ce serait certes une excellente façond’expérimenter son prixrédhibitoire en conditionsréelles, mais faut-il pourautant céder à une telleprovocation gratuite de la part d’un éditeur qui semble prêt à tout pour faire parler de lui ?

OU DEUX PRESS BOOK DE CET AUTEUR

Page 21: Press Book

4141

CECI N’ESTPAS UN POLARDE MOTARDComment Mathieu Goguel peut-il se permettre de critiquer le livrequ’il est en train d’écrire dans la revue de presse qui le constitue ?Non seulement il ne dispose ni du recul, ni de la distance nécessai-res à l’analyse objective de son œuvre, mais il jette également le dis-crédit sur notre profession en laissant croire que si aucun journa-liste n’a trouvé le temps de parler de ses trois premiers romans,c’est parce qu’ils étaient trop occupés à écrire les leurs et à chroni-quer ceux de leurs confrères. Pure calomnie qui n’incite guère àla clémence de la critique de son quatrième ouvrage intitulé PressBook (Ceci n’est pas un livre), ni même d’ailleurs à sa critique toutcourt. Reste qu’il nous était difficile de vous mettre en garde contrela tentation de l’acheter sans vous informer de sa présence sour-noise dans les rayons de vos librairies. Vous ne pouvez pas le rater !Sur son élégante couverture grise figure l’inscription «Ceci n’est pasun livre». Surtout, ne vous laissez pas abuser par cette affirmationmensongère ! Non seulement Press Book est bel et bien un livre,mais il est aussi et surtout le résultat d’une incroyable opérationde promotion des trois «polars de motards» de son auteur, pas-sés inaperçus lors de leur parution.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

«Ni lu, ni connu» ?Rien que du déjà vu !«Ni paru, ni vendu»

aurait été moins attendu !

S’il croit que c’est avec le titre passe-partout de son livre générique qu’il vas’ouvrir les portes de la gloire littéraire et se faire un nom, alors Mathieu Goguels’est trompé de vocation !

C’est bien connu, rien ne se perd, rien ne se crée,

tout se recycle,

surtout le publicitaire!

Page 22: Press Book

43

RAISON DE LACRITIQUE PUREComment parler d’un livre que l’on n’a pas écrit soi-même ? Tel est

le pain quotidien du critique littéraire. Plus qu’un métier, un artdifficile, délicat… et risqué tant les réactions des auteurs concer-

nés sont parfois vives. Dès lors, comment ne pas être reconnais-sant à Mathieu Goguel de jeter dans son quatrième ouvrage

une passerelle entre ces deux mondes qui, souvent, ne se com-prennent pas ? Car, auteur se faisant critique, Goguel ne

se contente pas de parler d’un livre qu’il n’a pas écrit,non, il va plus loin en osant parler d’un livre qui

n’existe pas. Un exercice de style à haut risque, dontle résultat final –un livre– rappelle l’absolue néces-

sité de la critique en nous démontrant à quel pointelle peut être constructive pour son auteur

lorsqu’elle est maîtrisée.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

EST-CE POUR MULTIPLIER SES LECTEURS QUE CE LIVRE DIVISE LES CRITIQUES?

OU P

OUR

DIVIS

ER LE

S CRIT

IQUE

S QUE

SON

AUTE

UR EN

MUL

TIPLIE

LES L

ECTU

RES?Il ne faut pas

confondre

un livredélire

avec

deslivres

à lire

MIEUXQU’UNLIVRE,SA POSSIBILITÉ *H

ouellebecq peut aller se rhabiller!

Page 23: Press Book

44

CONTRE-PIED-

DE-NEZDécidément, Mathieu Goguel, cet illustre

inconnu, semble aimer la culture des paradoxes,

qui les accumule à l’occasion de la parution chez

Erreur Système de son quatrième livre… Qui n’en

est pas un, comme en atteste son double titre en

forme d’oxymore : Press Book (Ceci n’est pas un

livre). Coup médiatique ? Imposture littéraire ? Ou

simple provocation d’un auteur en manque de noto-

riété ? Un débat que son auteur ne semble visiblement

pas décidé à trancher, préférant rester caché dans

l’ombre de son œuvre afin d’inciter les journalistes à

aller chercher eux-mêmes les questions à leurs répon-

ses dans la revue de presse qu’ils lui consacrent. Vous

l’aurez compris ! S’il s’était absenté, le surréalisme

semble bel et bien de retour en la personne de Mathieu

Goguel, ce qui – pour le coup – n’a rien d’un paradoxe,

mais tout d’une pensée à contre-courant qui pourrait

bien emporter l’adhésion de la critique et raser les

lecteurs sur son passage.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

press book ? Vous m’en direz des nouvelles !

Un l ivre qui devrait réconci l ier

intel lectuels et journal istes !

Un livre surgi de nulle part : jamaisaucun auteur n’avaitsongé à l’écrireauparavant !

AUTOPORTRAITD’UN LIVRE ENCREUX`

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤.

Que diable raconte ce livre à peine sorti pour susci-ter autant de réactions indignées ? Peut-on d’ail-leurs, au vu de son double titre provocateur, lequalifier de livre ? Tandis que la polémique gonfle,l’auteur, lui, compte les points et fait de l’accueilréservé par les critiques à son livre l’objet même deson récit. Faisant office de miroir, la revue de pressequ’il en tire lui permet de s’interroger sur lui-mêmeautant que sur les dérives de notre société d’hyper-information.

AUTOPORTRAITD’UN LIVRE ENCREUX`

Page 24: Press Book

4746

Press the ejectand give me

the tape !

Sur le fil du rasoir C’est à l’impossible défi de

critiquer un livre en même

temps qu’il l’écrit que Mathieu Goguel s’attaque dans son quatrième ouvrage intitulé

Press Book (Ceci n’est pas un livre) qui vient de paraître chez Erreur Système (19,68

euros). Tel un funambule évoluant sans filet au dessus du vide de son postulat initial,

l’auteur fait progresser son récit pas à page, sur le fil ténu que lui procure son improbable

concept narratif. Bien que risquant à tout moment de perdre l’équilibre et de sombrer

dans le ridicule, il nous livre en temps réel le récit de sa périlleuse traversée, dont la

chute finale pourrait bien ne pas être celle prévue par la plupart des spécialistes qui

l’attendent de pied ferme au tournant.

«Ah, s’il avait eu la sagesse de ne pas écrire son livre, nous aurions pu continuer à ne pas en dire de mal. Hélas…»

unauteur

dans sabulle

péni

blem

ent,

vers

les

som

met

s

de la

cha

nson

fran

çais

etente

de s’élever

sur son

trapèze,

com

me

un le

go

avec

du

sang

sur le fil durasoir

CHUT !

NUMÉRO LITTÉRAIRE EN

COURS D’EXÉCUTION !

MERCI DE RESPECTER

UNE MINUTE

DE

SILENCE

Page 25: Press Book

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THIS IS A BOOK

THIS IS A PRESS BOOK

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17,21 £

EXTRAIT DE PRESS BOOK

(CECI N’EST PAS UN LIVRE)

DE MATHIEU GOGUEL, ERREUR SYSTÈME

En vente sur www.erreursysteme.fr

19,68 euros

Bientôt disponible dans votre librairie préférée

Ceci n’est pas un livre

Ceci est un livre

Nouvel avisd’être parfait oufaire-part d’unevie nouvelle ?

Leçon d’anglaissommaireTRADUISEZ...

Page 26: Press Book

5150

C’est à la quadrature ducercle que Mathieu Goguels’attaque dans sonquatrième ouvrage intituléPress Book (Ceci n’est pas unlivre), paru chez ErreurSystème. Un auteur solitairepeut-il dénoncer dans sonlivre la toute puissanceprescriptrice des médias etdes journalistes littérairessans risquer de se prendreun sévère retour de bâton deleur part ? La qualité d’unecritique étant directementreliée à celle de l’œuvrequ’elle traite, il s’avère eneffet impossible del’analyser pour ce qu’elle estsans rentrer dans le débatsur la qualité de l’œuvre. Et quand bien même serisquerait-on à un telexercice que se poseraitalors un problème delégitimité ou, tout du moinsd’objectivité.

Un auteur dont l’œuvre vient d’être descendue enflammes par la critique est-ilcrédible lorsqu’il s’insurgecontre le traitement reçu ettente de décrédibiliser sesdétracteurs? Pour autant,c’est aussi le seul momentoù son avis sur le sujet est susceptible d’intéresserles médias, trop heureuxd’alimenter la polémique au nom du sacro-saint droit à l’information. Seulesolution pour dénoncer ladérive d’un système danslequel l’auteur prétends’inscrire : avancer masquéet développer plusieursniveaux de lecture enmettant son proprepersonnage en scène dansune imposture littérairecensée le discréditer.

Un prétexte qui permet à Goguel d’illustrer la formidable capacité des journalistes à s’écouterécrire sans réaliser que leurscritiques meurtrières ne fontjamais que servir la causedes oeuvres qu’ellesprétendent assassiner enleur offrant une formidablevitrine. Une technique quin’est pas sans rappeler leconcept de hold-up mental,jadis théorisé et mis enoeuvre par le groupe de rapmarseillais IAM pour investirle monde de la musique afinde le changer de l’intérieur.Tentative d’effractioncaractérisée à l’intérieur denos cerveaux contre laquelleil n’existe qu’une seuleparade possible – maisheureusement efficace : en dire le plus grand bien.

Press Book (Ceci n’est pas un livre)de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Braquage de la critique

Ce

n’est pas

parce qu’il s

’agit

d’un livre

à tiroirs q

ue

Press Book es

t commode à

ouvrir! Heure

usement,

l’OUvroir de

LIttérature

POtentielle

a été inve

nté qui

permet de se

jouer d’une

telle contrainte

!

L’OuLiPo? L’e

ssayer, c’es

t l’adopter !

AUTOCRITIQUES

EN STOCK

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de

Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤.

Si l’art est difficile et la critique

aisée, que dire de l’art de la

critique ? Telle est la réflexion que

Mathieu Goguel cherche à initier

dans son quatrième roman en se

mettant dans la peau de

journalistes chargés de critiquer le

livre qu’il est précisément en train

d’écrire. Une mise en abîme

rendue possible par le choix du

format de la revue de presse

comme structure narrative,

laquelle justifie le double – et

improbable – titre de l’ouvrage qui

paraît ces jours prochains chez

Erreur Système.

Press Book (Ceci n’est pas un livre). Prix public : 19,68 ¤

Peut-on légitimement affirmer,lorsqu’on referme un livre sans l’avoir terminé, qu’on ne l’a pas aimé ? D’un autre côté, pourquoi le commencer si on ne l’aime pas ?

Enfin un livre qui justifiesa critique !

Page 27: Press Book

5352

L’excellent accueil réservé à ses trois premiers romans policiers par la communauté motarde n’a visible- ment pas suffi à leur auteur pour se faire un nom en dehors de son milieu d’origine. N’ayant pas fait l’objet du moindre commentaire –négatif ou positif– de la presse généraliste, culturelle et littéraire, les trois polars de motards de Mathieu Goguel sont passés totalement ina- perçus du grand public, compteur

resté irrémédiablement bloqué à 4.000 exemplaires vendus/livre. Un score plus qu’honorable dans notre pays, mais qui s’avère malheureu- sement insuffisant pour un auteur indépendant qui envisage de vivre de sa plume. Dès lors, on comprend mieux les raisons qui ont amené Mathieu Goguel à choisir le format de la revue de presse comme cadre narratif de son quatrième ouvrage. Laquelle n’est sans doute guère

éloignée –par la forme et l’inten- sité– du battage médiatique dont il a secrètement rêvé pour ses trois premiers romans… sans jamais l’ob- tenir. Un format-refuge qui se trans- forme malheureusement en paradis artificiel pour son auteur et le fait passer à côté de son quatrième roman. Car à force de se croire déjà parvenu, Goguel finit par se perdre en chemin et, trop occupé à nous faire la démonstration de son talent

d’auteur publié, oublie de nous en apporter l’indispensable preuve matérielle. Une absence de livre qui le condamne –de facto– à végéter quelques années de plus au purga- toire des auteurs inconnus de leur vivant, tombés au champ d’honneur de la critique anonyme. A moins - bien entendu - que son cinquième livre ne lui permette de corriger le tir.

PETITES COUPURES DE PRESSEPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

L’h

omm

e q

ui

mu

rmu

rait

à l’

orei

lle

des

Esprit.es-tu là ?.m

otar

d,

L’écriture, c’est un peu comme

la moto, ça permet de s’évader

des embouteillages

en faisant «pouet, pouet»

Page 28: Press Book

5554

Bande Originale d’un air de livre

This is the first verse

This is the first verse

This is the first verse

This is the first verse...

And this is the chorus

Or perhaps it’s a bridge

Or just another part of

the song that I’m singing

This is the second verse

Or it may the last verse

This is the second verse

Or it may the last one

And this is the chorus

Or perhaps it’s a bridge

Or just another key change

Never mind It doesn’t hurt

It only means that I

lost faith in this song

’Cause it won’t help me reach you...

Plusshow qu’unlivre, sacouverturepresse !

ANONYMATH GARANTI PAR L’AUTEURPress Book (Ceci n’est pas un livre) de MathieuGoguel, Erreur Système,19,68 €. Imaginez un livredont le sujet ne seraitautre que les réactionsqu’il suscite dans lapresse. Se glissant dans la peau des journalisteschargés de le chroniquer,l’auteur, un certainMathieu Goguel, s’amuse à reproduire

leur style, si aisémentreconnaissable, pour évoquer l’accueilréservé à un livre qui n’existe pas encorepuisque c’est del’agrégation même de ces articles que va naître sa revue de presse (en anglais,press book) qui vient de paraître chez Erreur Système.

À la fois contre – et méta –livre, mais aussi etsurtout, authentique workin progress d’un auteurqui tente de forcer son destin en déclinant son talent sur le mode de la critique littérairedans l’espoir– évidemment déçu – de se voir offrir unecouverture presse dignede ce nom en retour.

AUTOSATISFECIT,mode d’emploiPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Ne cherchez pas le livre de l’auteur, il n’existe pas. Tout ce que vous trouverez, c’est la revue de presse(Press Book) que Mathieu Goguel a patiemmentconstituée en imaginant les réactions critiques qu’au-raient pu avoir les journalistes à la lecture de sonlivre… s’il avait pris la peine de l’écrire. Mais, à quoibon perdre son temps à pondre un pavé de plusieurscentaines de pages quand on sait que les journa-listes n’en retiendront, dans le meilleur des cas, quela petite et unique phrase maladroite pour appâ-ter leurs lecteurs. Tant qu’à être lu, analysé, déchif-fré, évalué, autant donc s’en charger soi-même, cequi préserve de toute mauvaise surprise et garan-tit une certaine profondeur à la critique qui ensera faite. Après tout, le créateur n’est-il pas le mieuxplacé pour parler de son œuvre ?

«Personnellement, je ne l’ai pas lu, mais j’ai adoré !»Il y a ceux qui font les succès littéraires et ceux, quiles défont, il y a ceux qui les obtiennent et ceux quiles envient et il y a Mathieu Goguel qui fait tout celaà la fois dans ses rêves de gloire sans éclat.

Signed Curtain (Matching Mole, 1972)

Paroles et musique de Robert Wyatt

Page 29: Press Book

57

Les critiques ne lui..

disent pas merci !..QUESTION SANSREPONSEU n écrivain peut-il encore aujourd’hui envisager lapratique de son art sans tenir compte de la toutepuissance prescriptrice des médias et de leurscritiques littéraires ? Évidemment, non ! Mais quedirait-on si le même auteur s’avisait d’écrire un livredans le seul et unique but d’intéresser les journalistesou, tout du moins, de ne pas leur déplaire? Sans doutesa manœuvre serait-elle aussitôt dénoncée par lacritique vigilante qui ne déteste rien tant que lesauteurs qui n’écrivent que pour séduire un public. D’oùla troublante question posée par Mathieu Goguel dansson quatrième ouvrage : «Que doit écrire un auteur quiaspire naturellement et sincèrement à faire de lacritique de la critique le sujet central de sa réflexion ?»Vous le saurez en découvrant Press Book (Ceci n’est pasun livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros.

Le critiquelittéraireétant,

commechacunsait,

unécrivainraté qui

passe sesfrustrationsdans

seschroniquesde livres,

commentinterpréterle fait

qu’unécrivainveuille

se fairecritiquelittéraire

le tempsd’unroman ?

LE PORTRAITCRACHÉ DE SON

AUTEUR !

is it a BOOK ?Press Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système,

19,68 euros.

Derrière le double jeu de mots

que recèle son titre se cache

un objet littéraire étonnant, sorte

de revue de presse fantasmée par

son auteur des critiques reçues

par un livre qui n’a jamais existé

ailleurs que dans son

imagination. Cela ne l’empêche

nullement de broder sur le sujet

– qui lui tient visiblement à

coeur –, tant et si bien que les

coupures de presse s’accumulent

dans son book qui finissent par

former un récit dont la forme et le

style journalistiques employés

sont inédits, tout du moins dans

un livre. Ce que le dossier de

presse de Mathieu Goguel finit

par devenir... à l’insu de son plein

gré. Acte manqué, livre raté ?

56

Page 30: Press Book

5958

Mais comment acquérir la

connaissance partielle de l’ouvrage

s’il n’existe pas ? Comment se faire

l’écho d’un livre qui ne peut encore

en avoir le moindre puisqu’il n’a

été lu par personne auparavant ?

En l’écrivant, tout simplement,

nous répond Mathieu Goguel dans

son ouvrage intitulé Press Book

(Ceci n’est pas un livre) publié chez

Erreur Système ou plutôt,

en projetant de l’écrire, la caisse

de résonance médiatique choisie

comme mode narratif de son

ouvrage se chargeant d’amplifier

son intention de départ jusqu’à en

faire un livre comme les autres

dans nos esprits.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,

Erreur Système, 19,68 euros

Peut-on parler d’un livre que l’on

n’a pas lu ? «Oui», nous affirme

Pierre Bayard qui a consacré un

livre entier – paru en 2004 aux

Editions de Minuit – à cette

épineuse question inspirée par la

célèbre citation d’Oscar Wilde :

«Je ne lis jamais un livre dont je

dois écrire la critique ;

on se laisse tellement influencer.»

D’après Bayard, il serait possible,

contrairement aux idées reçues,

d’avoir un échange passionnant

à propos d’un livre que l’on

n’a pas lu, y compris, et peut-être

surtout, avec quelqu’un

qui ne l’a pas lu non plus.

MOTEUR A REACTIONS

Cet auteur a un grain > grain de sable > sable mouvant > vent dela critique > critique impuissant >sang pour sang > cent à l’heure >l’heure du thé > thé ou café ? > caféfrappé > frappez avant d’entrer >entrez dans son livre > livre de fou > fou de mots > maux d’égo > égauxface à la mort > mort de la culture >culture en stock>stock en baisse > baisse ta garde > garde à vue >

vu à la télévision > vision trouble >trouble du moi > moi et pas toi >

toi, t’es nul > nul à chier > chier des bulles > bulles de savon > savongras > gras du bide > bide public >public chéri, mon amour > monamour, c’est toi>toi sous mon toit >toit, toit, mon moi > moi, je > je suiscet auteur > cet auteur a un grain >grain de sable > sable mouvant > > > > > > > > >> > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >> > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >> > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >> > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >> > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > > >

EN CHAINE

MOT DITSOIT-IL !

Page 31: Press Book
Page 32: Press Book

6362

FASTBOO KTellement mauvais qu’on n’a

qu’une seule hâte : le

terminer au plus vite

QU’EN DIRA-T-ON ?Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Quand un auteur en mal de reconnaissance et un éditeur sur la brèche s’as-

socient, cela donne Press Book /Ceci n’est pas un livre. Deux titres qui tra-

duisent bien la duplicité de l’entreprise. Revue de presse que son auteur

imagine pour le livre qu’il est en train d’écrire, Press Book se nourrit de

ses propres critiques. Une mise en abyme qui permet à son auteur de cor-

riger et d’améliorer son oeuvre au fur et à mesure – et peut-être aussi – en

même temps qu’il l’écrit, jusqu’à atteindre une sorte de froide perfection

technique, mais l’oblige également à s’autocensurer jusqu’à le vider de sa

substance d’auteur et lui enlever toute saveur. Car, s’il convient de saluer

l’exercice de style, comment ne pas relever la terrible faille qui mine son

propos d’entrée de jeu? Noircir des pages de jeux de mots et de billets bien

sentis ne suffit pas à faire de vous un écrivain. Pour vivre, un livre a besoin

d’une âme et Goguel semble bien incapable d’en offrir une au sien, qui fonde

son projet littéraire sur le fantasme de son passage à l’acte et attend visible-

ment des critiques qu’ils légitiment a posteriori son projet de devenir écrivain.

Or, ce n’est pas ainsi qu’on le devient. On s’affirme écrivain ou on ne l’est

pas.Tout le reste – le qu’en dira-t-on– n’est que pure littérature.

Press Book, c’est un peu la sauce

aux câpres sans les câpres de Pierre

Dac transposée à la littérature.

Pas de quoi en faire un plat !

Du jamais vu en littérature !

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Après le roman de gare cher à San Antonio, l’humour de prétoiredéfendu par le procureur de la république Pierre Desproges et laphilosophie de comptoir distillée par son pilier Jean-Marie Gourio, larestauration rapide semble avoir trouvé en Mathieu Goguel son dignereprésentant littéraire, dont la revue de presse prémâchée s’inscrit dansla même logique de consommation au pied levé. Un nouvel avatar de lalittérature jetable, genre périssable immortalisé par le regretté Jean-Edern Hallier, qui paraîtra sans doute pesant, voire indigeste, auxtenants de la tradition littéraire, mais pourrait bien attirer à la lecturegrâce à sa structure narrative morcelée un nouveau public affamé deconnaissances et trop intimidé par le support livre pour oser enconsommer de vrais. Formé d’une compilation d’articles légers, faciles etrapides à picorer indépendamment les uns des autres, Press Book n’enconstitue pas moins dans son ensemble un objet textuel fini, dense etcompact dont l’épaisseur rendra jaloux plus d’un hamburger américain.Gare cependant à ne pas dépasser la dose de lecture quotidienne soulevéepar son auteur, faute de quoi ses choux gras pourraient bien vous pressersur l’estomac jusqu’à la nausée !

Page 33: Press Book

de vue !

6564

je est un autre sujetPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Aide-toi et le ciel t’aidera. Voilà ce qu’a du se direMathieu Goguel, auteur de trois polars dont la noto-riété n’a jamais dépassé le cercle étroit de la com-munauté motarde. Victime de l’indifférence desmédias généralistes, Mathieu Goguel décide deprendre son destin médiatique en main en se livrantlui-même à l’analyse et au commentaire de son qua-trième livre en même temps qu’il l’écrit. D’où le for-mat de la critique littéraire qui lui permet de sedémultiplier en autant de journalistes que sa revuede presse comporte d’articles et de porter sur sonlivre autant de regards qu’il trouve de dimensions àson oeuvre en construction. Un exercice de dédou-blement de la personnalité répété tant de fois qu’onfinit cependant par craindre qu’il se retourne contreson auteur, lui faisant perdre toute lucidité, et parrendre Mathieu Goguel totalement schizophrèneavant la fin de son livre.

L’égo est un je de construction

dangereux pour l’équilibre des barons de la presse

perchés en auteur

L’objet d’unlivre sansmatièrePrêt à tout pour se faire remarquer par les médias, un jeune auteur, apprenti alchi-miste, se lance le défi insensé de parler – par journalistes interposés – d’un livre quin’existe pas encore, jusqu’à ce qu’il finisse par s’incarner, bien réel, sous nos yeuxébahis, et même, objet concret entre nos mains incrédules. Privé de matière pre-mière, Goguel parviendra-t-il à donner suffisamment de volume à sa revue de presseartificielle ? Saura-t-il éviter le piège de l’extrême platitude qui caractérise ce typede livre-concept ? Réussira-t-il enfin, comme il l’annonce dès les premières pagesde son ouvrage, à transformer le souffle de la critique en pure énergie littéraire ?Vous le saurez en achetant Press Book (Ceci n’est pas un livre) qui vient de paraî-tre chez Erreur Système, un livre qui, comme son titre l’indique n’en est pas vraiment un, mais dont la lecture pourrait bien – si la magie de ses mots opère –vous amener à revoir votre rapport à notre société matérialiste.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

De deux choses l’une, Soit ce livre est bon et lire ses cri-tiques nous privera du plaisir de sa découverte, soitil est mauvais et dans ce cas, rien ne sert de l’acheter.

© C. Parat

sans auteur

Point de hauteur de vue

Page 34: Press Book

INTELLIGENCEARTIFICIELLEDELA CRITIQUEPress Book (Ceci n’est pas un livre) Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Composer son livre à partir de critiques imaginaires évoquant son propre contenun’avait jusqu’à présent jamais été tenté en littérature, tout du moins pas sous la forme d’unerevue de presse. Formulée comme cela, l’idée paraît pourtant aussi simple que le cadre narratif choisi

par son auteur pour développer son propos. Mais ne vous fiez pas aux apparences de cette revue de

presse! L’exercice auquel se livre Goguel en imaginant l’accueil réservé à son livre fantasmé par la

critique littéraire est bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Car, si l’on considère que

son ouvrage a été rédigé progressivement, au même rythme que chacune de ses chroniques voyait le jour,

plusieurs questions se posent.Premièrement, comment l’auteur a-t-il pu écrire la première critique de

son ouvrage alors que celui-ci n’existait pas encore, même de façon embryonnaire? Se serait-il fait la

courte échelle à lui-même pour franchir le premier obstacle? Et que dire de la deuxième critique émise

par l’auteur ? Ne porte-t-elle que sur la première déjà écrite ou ouvre-t-elle une nouvelle piste de

réflexion, au risque de rendre la première obsolète ? Autrement dit, si l’on admet que les cent criti-

ques qui composent l’ouvrage ont été ajoutées successivement et que chacune le constitue également à

hauteur de 1/100ème, cela signifie nécessairement que chacun des 99 ajouts auxquels s’est livré l’auteur

a modifié l’équilibre général de l’ensemble, l’obligeant à réécrire ou ajuster 99 fois chacune des cri-

tiques précédemment rédigées, chaque mise à jour de l’une d’entre elles entraînant évidemment une nou-

velle révision de l’ensemble. D’où la question qui rend fou: combien de versions différentes de ces cent

critiques l’auteur a-t-il dû écrire pour parvenir au résultat final que vous avez sous les yeux ? Pro-

blème ardu, certes, mais qui a le mérite d’expliquer pourquoi il s’est limité au nombre de cent arti-

cles. Car, logiquement, faire du commentaire du livre qu’il est en train d’écrire le sujet de son

livre aurait dû s’avérer être une tâche sans fin, le 100ème article constitutif de Press Book en appe-

lant naturellement un 101ème, chargé de le commenter à son tour et ainsi de suite jusqu’à la fin des

temps. Son ouvrage se trouvant présentement entre nos mains à l’état de livre, on peut donc supposer

que quelqu’un, probablement son éditeur, a mis fin à cette spirale infernale en jugeant l’objet suffisam-

ment abouti pour être publié en l’état. À moins qu’il se soit agi d’une décision strictement médicale,

destinée à préserver la santé de son auteur. Reste qu’on se demande bien comment l’un et l’autre ont

pu offrir, sans trahir l’esprit de l’œuvre, une conclusion digne de ce nom à cette revue de presse, par

essence interminable?

«Livre : quelqu’il soit,toujours troplong», disaitGustaveFlaubert qui n’avaitpourtant pas luPress Book.

Dès le début,.on n’en voit pas la fin !.

PRESS BOOK ?

CE SONT LES JOURNALISTES QUI

EN PARLENT LE MIEUX !

Page 35: Press Book

6968 6968

Il ne faut pas dire :Ceci est un sous-livreCeci n’est pas son titreIl faut dire :Ceci n’est pas un livreCeci est son sous-titre

LISEZ-LE JUSQu’AU BOUT! VOUS n’EN REVIENDREZ PAS!

Coup d’éclat d’un auteursans éthique ou échomédiatique d’un auteursans éclat ?

E = MG2Press Book (Ceci n’est pas un livre) de MathieuGoguel, Erreur Système, 19,68 euros

Le quatrième ouvrage de Mathieu Goguel intituléPress Book (Ceci n’est pasun livre) et récemment paruchez Erreur Système serait-il la première déclinaisonlittéraire de la célèbrethéorie de la relativitéd’Einstein ? Jamais livren’aura en tout cas autantmérité le qualificatif d’OLNI(Objet Littéraire NonIdentifié) dont l’écho nousparvient après un longvoyage dans l’espace-temps. Telle l’étoilelointaine qui a disparudepuis quelques millionsd’années lorsque nouscaptons son éclat, le livre deMathieu Goguel est invisibleà l’œil nu. Aussi nepouvons-nousl’appréhender que de façonindirecte à travers lerayonnement médiatique

qui nous parvient longtemps après qu’il ait cesséd’exister dans le cerveau deson auteur. Ce qui en fait àla fois le témoignage d’unpassé non avéré et lecompte-rendu d’un futurpas encore publié, c’est-à-dire un livre d’une brûlanteactualité pour ce que laquestion centrale en est :«Mathieu Goguel est-il unauteur dépassé par sonépoque ou un artiste enavance sur son temps ?»

Page 36: Press Book

7170

Bienvenue au

GOGOLANDDe la critique de l’exercice de la critique à l’exercice illégal de la critique, il n’y aqu’une frontière étroite que MathieuGoguel franchit allégrement en faisantl’autopromotion de son livre dans sespropres pages. Une pratique douteuse quia cependant le mérite de justifier le titre deson ouvrage en forme de catalogueexhaustif de ses savoirs-faires éditoriaux :Press Book, le support habituellementutilisé par les professionnels de l’imagepour vendre leurs services. Mais Goguelcherche-t-il vraiment à vendre les siensqui profite également des pages de sonPress Book pour effectuer sonautocritique ? Chercherait-il à nousdissuader de le lire ? En vérité, il est bientrop tard pour réagir lorsque le pot-aux-roses nous est dévoilé puisque son livre setrouve alors déjà ouvert entre nos mainsqui ne nous laisse que deux options, aussirisquées l’une que l’autre. Soit le refermerséance tenante, sans même chercher à ensavoir plus sur lui, au risque de passer à côté d’un grand livre. Soit assumer notreachat et poursuivre sa lecture jusqu’aubout dans l’espoir d’y trouver quelquesraisons de l’aimer avant de mourir d’ennui.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,Erreur Système, 19,68 euros

Prétendre rédigerlui-même la revue de presse de son proprelivre en même temps qu’ill’écrit témoigne bien del’immense prétention de son auteur: ne devientpas journaliste qui veut !

PASSÉ LE SEUIL, LA CRITIQUE

N’A PLUS DELIMITE

!

Page 37: Press Book

7372

nouvelle STAR

ACADEMY ?

Après la télévision, la l ittérature serait-el le en train de se lais-

ser gagner à son tour par la tentation de mettre en scène sa pro-

pre réal ité ? Après Marcel Duchamp, remis au goût du jour en

2007 par la grâce du tatouage de Ju l i en Doré, va inqueur de

l’émission de téléréal ité «À la recherche de la Nouvelle Star» sur

M6, c’est René Magritte qui se voit offrir une seconde jeunesse

par la parution chez Erreur Système d’un ouvrage intitulé Press

Book (Ceci n’est pas un l ivre) en hommage à sa célèbre formule

«Ceci n’est pas une p ipe». Inconnu du grand publ ic, son auteur

en herbe tente de convaincre le grand publ ic de sa capacité à

devenir écrivain. Dans un exercice imposé visant à proposer dans

son book une centaine d’interprétations personnelles et origina-

les de la fameuse «critique l ittéra i re à la frança ise», Math ieu

Goguel s’efforce de tenir ses lecteurs en haleine jusqu’à la der-

nière afin ne pas être él iminé prématurément de la compétition.

À la c lé, i l y a la promotion gratuite de son l ivre à décrocher.

Press Book (Ceci n’est pas un l ivre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

NEVER SAY NEVERHAS BEEN AGAIN !

24 CRITIQUES/JOUR SUFFISENT-ELLES À DONNERL’IMPRESSIOND’UN LIVRE ENCOURS?

Cent

papiers

font-ils

une

identité ?

Parce que l’écrit

ne suffit pas toujours

pour se faire entendre des médias,

rien ne vaut un air de livre

entraînant pour faire

chanter la critique !

Page 38: Press Book

75

RREEVVUUEE &&CCOORRRRII--GGEEEES’inspirant des méthodes de Ségolène Royal pour

vaincre le poids des traditions et se faire sa place

au soleil dans le palmarès des ventes de livres,

un jeune romancier invente le premier livre

participatif, un mode de narration inédit qui lui

permet de faire écrire son livre par journalistes

interposés. De la compilation de leurs chroniques

contradictoires émane le programme de son livre,

aussi incohérent qu’inapplicable, mais l’important

est-il là pour un auteur qui a fait de la recon-

naissance de son talent l’objectif principal de son

oeuvre et a parfaitement intégré que l’important

n’est pas tant ce qu’il écrit que l’appropriation

que s’en feront ses (é)lecteurs ?

Press Book (Ceci n’est pas un livre), Erreur Système, 19,68 euros

Un livre que tous les

politiques devraient lire !Press Book? Beaucoup l’ont commencé, peu l’ont terminé. Et vous, ferez-vous partiedes zélés lecteurs de Goguel ?

74

L’IDEFIX DESON MAITR

E

IZNOGOUDDans le monde de Mathieu Goguel, tout le monde, il esttrès méchant, surtout les méchants journalistes qui ne par-lent jamais de ses livres et l’empêchent de réaliser son rêve.«Je veux devenir n°1 des ventes de livres à la place du n°1des ventes de livres, je veux devenir n°1 des ventes de livresà la place du n°1 des ventes de ventes», ne cesse pourtant demarmonner dans sa barbe naissante le jeune auteur ambi-tieux à qui veut l’entendre. Hélas, personne ne le prend ausérieux, à part son fidèle homme de main chargé de recueil-lir ses pensées les plus illustres, Ink’Allah, personnageinculte, mou et ignorant, mais dévoué et toujours prêt à s’ef-facer sur le passage de son maître pour mieux servir sacause perdue d’avance. Et c’est ainsi que, croyant écrire unlivre qui lui permettrait de devenir n°1 des ventes de livresà la place du n°1 des ventes de livres, Mathieu Goguel nefit malheureusement qu’offrir à son fidèle serviteur l’occa-sion de s’illustrer en effaçant son livre au fur et à mesurequ’il l’écrivait et qu’il perdit tous ses lecteurs. Une bévuequi l’empêcha certes de devenir n°1 des ventes de livres à laplace du nouveau n°1 des ventes de livres, mais confortanéanmoins son ambition à le devenir un jour tant le livrede ce dernier déçut ses lecteurs quand celui qui aurait puêtre le sien continuait à faire rêver ceux qui auraient pudevenir les siens. Mais comment devenir n°1 des ventes delivres à la place du n°1 des ventes de livres lorsque l’on n’arien d’autre que son livre à raconter ? Un livre peut-il seule-ment se raconter lui-même ?Press Book (Ceci n’est pas un livre), Erreur Système, 19,68 euros

Page 39: Press Book

76

GRILLEDE LECTUREPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68€

Présenté comme l’analyse critique de l’ouvrage qui est entrain de s’écrire, Press Book constitue une nouvelle illustra-tion de la grande porosité qui existe aujourd’hui entre lesdeux métiers d’écrivain et de critique littéraire. Alors qu’onne compte plus les romans publiés par des journalistes, niles écrivains qui arrondissent leurs fins de mois en s’im-provisant chroniqueurs littéraires pour le compte de jour-naux, il n’est guère surprenant de voir un auteur s’appro-prier les formats de la critique littéraire et de la revue depresse pour développer son propos. À plus forte raison sicelui-ci se veut critique à l’encontre de la… critique. Cen’est après tout qu’un juste retour à l’envoyeur en mêmetemps qu’un moyen détourné pour l’auteur d’adresser unmessage à ses confrères adeptes d’un tel mélange desgenres. Comprenez par là que le travail qu’il effectue sur lui-même à l’occasion de cette revue de presse artificielle estaussi emblématique de la littérature alimentaire qu’il cher-che à dénoncer que du journalisme réducteur qui pourraitbien s’abattre sur les livres de ses confrères s’il se laissaità son tour emporter par la tentation de la critique et del’argent faciles. A bon entendeur...

Croiser le fer, c’est bien.

Attention, lirePress Book d’uneseule traite peutprovoquer des

effets secondairesindésirables

prolongés

Croiser les mots, c’est mieux !

CRCELSNAS T

EI QI EU

QI R ELE

LLLI

LTU

R

L

EC OÉRASER

OP E U T

-O N L

AFTE C R I R E

EUET

R

REV E R

MINER

EHCER N ENER

AER

Page 40: Press Book

7978 79

HORIZON PAPIER ZERO

Parce que Goguel y imagine toutes les critiques que son livre aurait pu

recevoir s’il avait réellement existé, son press book en constitue le por-

trait en creux. De cette somme des possibles finit pourtant par se déga-

ger une œuvre littéraire à part entière, véritable réflexion sur la matière

du livre dont la publication sur support papier interpelle notre rapport

à l’objet autant qu’elle illustre son propos. Dans quelle catégorie clas-

ser le «livre» ? À quel genre littéraire le rattacher ? Est-il suffisam-

ment hors-norme pour être rangé au rayon des «inclassables»? Autre-

ment dit, quelle est la norme? Et qui la fixe? Et que représente-t-elle?

Autant de questions que le non-livre de Goguel prend un malin plai-

sir à démonter l’une après l’autre en se refusant successivement à tou-

tes les étiquettes envisagées par les critiques qui le constituent. Façon

pour l’auteur de nous forcer à considérer l’œuvre dans son ensemble

en nous empêchant de la réduire. Un propos anti-commercial voulu

par son auteur pour ce qu’il oblige le lecteur et le critique à faire un

effort de lecture prolongé afin de se faire une idée de son contenu,

autrement dit à prendre le temps de lire que notre société de l’hyper-

information ne leur accorde plus. Acte politique autant que geste lit-

téraire qui nous interroge sur le recours de plus en plus fréquent aux

comptes-rendus de lecture pour se fabriquer une culture et l’inévita-

ble désinformation qui s’ensuit. Bientôt privés d’esprit critique, les

lecteurs seront-ils encore capables de distinguer les vrais livres des

faux ? Bientôt sevrés d’œuvres originales, les critiques écriront-ils eux-

mêmes les livres qui justifient leur emploi ? Si tel est le cas, la liberté

d’expression a du souci à se faire. Une hypothèse glaçante que Mathieu

Goguel cherche cependant à conjurer dans son quatrième ouvrage,

Press Book (Ceci n’est pas un livre), Erreur Système, 19,68 euros,dont

la lecture critique vous est vivement recommandée

A bon portfolio,

terminus du livre !

À LA FOLIE... PAS DU TOUT

Press Book (C

eci n’est pas un liv

re) de Mathieu Goguel, Erre

ur Système, 19,68 $

«Accroche-toi au book, j’e

nlève le livre !» Tel aurait p

u être le titre

unique de cet ouvrage paru chez Erreur S

ystème tant il rappelle la

célèbre blague du type qui repeint so

n plafond quand un fou lui dit :

«Accroche-toi au pinceau, j’e

nlève l’échelle !» Car, en vérité

, cette revue

de presse sur le

fantasme de son liv

re fait long feu et ne parvient ja

mais

vraiment à décoller, alourdie par la

prétention de son propos. Aussi

ne

tarde-t-elle

pas à s’écraser

au sol, la

issant so

n auteur su

spendu au dessu

s

du vide, accroché par sa se

ule plume aux sommets l

ittéraires q

u’il

prétendait côtoyer. C

ontemplant de là-haut le

morne plancher d

es

vaches à l’attraction duquel il

n’a pas su échapper, c

elui-ci commence à

se demander comment il

va bien pouvoir retomber su

r ses p

attes

lorsque la dure loi d

e la gravité Þnira par avoir r

aison de sa

faible

accroche. Le retour à la réalité s’annonce dur pour ce jeune auteur qui

vivait jusque alors l

a tête d

ans les ét

oiles. Un échec qu’il p

ourra toujours

ruminer en se la tapant contre les murs q

u’il s’échine à dresse

r autour

de lui afin de satisf

aire son penchant affirmé pour l’a

utodestruction.

Vive la presseéphémère!

A bas le sommaire organisé !

Page 41: Press Book

8180

Révolution ès prixC’est parce que toute révolution a un prix que le quatrième ouvrage de Mathieu Goguel,

Press Book (Ceci n’est pas un livre), est mis en vente au tarif de 19,68euros. Un tarif qui

fait autant allusion à la marchandisation de notre culture dénoncée par Frédéric Beig-

beder dans son célèbre 99 F que référence à la révolte étudiante et ouvrière dont nous

célébrons cette année le quarantième anniversaire.19,68euros: le symbole des contradictions d’une génération, capable d’appeler à la révo-

lution communiste sur les barricades pour, une fois le calme revenu, construire la société

libérale qu’ils critiquent aujourd’hui par médias interposés. Quarante ans après, une

nouvelle révolution des idées serait-elle nécessaire? «Il est interdit d’interdire !», pro-

clamait un célèbre slogan de 1968. «Peut-on critiquer la critique?», s’interroge Mathieu

Goguel en 2008 dans les pages de Press Book (Ceci n’est pas un livre) afin de nous invi-

ter à nous libérer de la pensée unique de ces intellectuels devenus patrons qui ont

construit le système médiatique à leur image de penseurs girouettes -dans le sens du

vent dominant - pour arriver au triste résultat que l’on sait ! Une question doublement

révolutionnaire pour ce qu’elle oblige à penser par soi-même pour tenter d’y répondre

sans pour autant nécessiter l’achat, ni même la lecture préalable de son texte. Non pas

tant refus de la société marchande que refus de son systématisme. Preuve que tout

n’est pas bon à vendre, ni à acheter, surtout lorsqu’il s’agit d’idées ! Reste que si l’achat

de son livre-programme pour la modique somme de 19,68euros chez le libraire de votre

choix permet d’éviter de verser du sang et d’épargner les retraites de nos ancêtres

soixante-huitards, convenez que la révolte à laquelle il nous appelle dans son livre n’aura

pas été cher payée !

COMING OUT D’UN POSTERIEUREN MARCHEOU COMING BACKD’UN PASSÉRECOMPOSÉ?

Sachez aller au-delà desapparencesde ce livre entrompe-l’œil !

Ce qu’on appelle utiliser une

doublure : sous couvert de tailler

un costume à la critique,

son auteur se met

à nu !

AGIT-PROPSANSCOLORANT

Page 42: Press Book

8382

Chroniquede la presseordinairePress Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Qu’importe l’orientation de la critique, le plusimportant est que l’on parle du livre, libreensuite au public de ne pas l’acheter pour vérifier qu’il est bien aussi mauvais,scandaleux et sulfureux qu’annoncé. Telle est la dérive médiatique que cherche à dénoncer l’auteur de Press Book (Ceci n’est pas un livre) en recréant de toutes pièces un phénomène d’emballementmédiatique sur un livre qui n’existe qu’àtravers les articles que lui consacrent lesmédias. Nous posant ainsi la question :«qu’est-ce qui aujourd’hui est le plusimportant? Les livres qui sortent ou ce que lapresse nous en dit ?» Une question quis’avère évidemment incongrue pour sonlivre-objet dont le contenu n’est composéque de coupures de presse imaginaires, maispermet à l’auteur de nous mettre en gardecontre leur discours. La forme aboutie qu’ildonne à son Press Book se veut en effet ladémonstration concrète qu’il est possible denous faire croire à l’existence d’un livre àpartir de quelques articles bien sentis.

Un

livre

pl

at e

t sa

ns

relie

f:

idéa

l pou

rca

ler s

onar

moi

re!

CE QUI S’APPELLE FAIRE LA

PROMOTION DE SON LIVRE EN

ARTICLE... ET INVERSEMENT !

le point

de la critique

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 $.

Non, ceci n’est pas un livre n’a rien d’un sous-titre

mensonger car l’auteur de Press Book ne cherche

en vérité qu’à nous débarrasser de cette notion

encombrante de livre-objet pour nous permettre

de nous concentrer sur sa seule lecture-plaisir. Au

fond, cela importe-t-il de savoir ce qu’on a lu si on a

passé un bon moment ? Pourquoi s’embêter à

définir, nommer, qualifier, étiqueter, ranger, classer,

cataloguer l’objet littéraire et courir le risque de

déformer, transformer, simplifier, réduire la pensée

de son auteur alors qu’il suffit de lire la revue de

presse idéale de son livre rêvé pour s’en faire une

idée juste ? Quoi de mieux pour appréhender les

multiples dimensions de son texte que de se

laisser aller à ressentir pleinement son action

littéraire en notre for intérieur ? Encore faut-il pour

apprécier la plume de Goguel à sa vraie mesure et

éprouver certain plaisir intime à l’exploration

qu’elle effectue de notre âme savoir oublier tous

nos préjugés et oser abaisser nos barrières de

protection. Nulle obligation, juste la proposition

amicale et bienveillante que vous fait un auteur

amateur de belles lettres d’exercer votre esprit

critique sur son livre en creux sans jamais cesser

de faire évoluer votre position à son endroit.

Succomberez-vous à sa tentation ? Saurez-vous

dire pire que lui ou l’aimerez-vous mieux après qu’il

vous ait initiée à sa séduisante liberté de penser ?

gCe m

anuel

ne vous pr

ocurera jamais

qu’un plaisi

r artificiel

.

Et pour cau

se,

il est en

tièrement

écrit

à la main

!

Page 43: Press Book

8584

Avec la récente publication de Press Book, le «non-livre» préten-

dument inclassable de Mathieu Goguel, Erreur Système a réussi

à susciter un véritable mouvement de curiosité qui dépasse le sim-

ple cadre des amateurs de littérature. Tout le monde veut voir à

quoi l’objet ressemble. Le comble pour un ouvrage dont le

contenu évoquerait plutôt le vide intersidéral des pages d ’un

magazine de presse bon marché consacré à un seul et unique sujet,

le «moi, je» d’un auteur narcissique qui semble prêt à tout pour

assouvir son besoin de reconnaissance médiatique, y compris à

adapter le format de la revue de presse à la littérature pour se pla-

cer au centre de l’actualité et à mettre en scène son propre anony-

mat pour illustrer son propos. Une posture artificielle qui contri-

bue malheureusement à renforcer la paranoia aigüe de son auteur

vis-à-vis des médias et lui fait négliger l’essentiel pour son livre :

une histoire digne d’intérêt. C’est le début d’un cercle vicieux

qui voit le vide grandissant de son livre et la paradie de journa-

lisme critique qui en découle entretenir un dialogue toujours plus

fructueux.Tant et si bien qu’on ne sait plus à la fin si c’est le livre qui

est absent, l’auteur qui est creux ou la presse qui est transparente.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

MY FACEIN A BOOK

Un livre qui tourneautanten

rondautourdelui-mêmenepeutêtr

el’o

euvr

eque

d’un

aute

urqui se regarde écrire le

no mbrildanslagl

ace.

Jeest un autrePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

É tonnant exercice de styleauquel se prête Mathieu

Goguel dans son quatrième livre,dont le thème principal semble être le vide ou plutôt la meilleurefaçon de l’occuper puisque, en réalité, son livre n’existe pas, qui a été remplacé par ce que lesjournalistes auraient pu en dire s’ils avaient eu à en rendre comptedans leurs journaux respectifs. D’où les nombreux qualificatifs qui lui sont successivement accolés par l’auteur en personnecomme s’il cherchait à s’auto-analyser à travers ses écrits. «Au fond, qu’est-ce que ce livre ?»,ne cesse-t-il jamais de nousinterroger au fur et à mesure qu’il avance dans l’écriture du sien.Lequel semble prendre un malin

plaisir à changer de registre à chacune de ses pages comme pour mieux faire courir son auteurderrière sa propre pensée, obligé de commenter a posterioriles revirements de sonœuvre d’un point de vue extérieur commesi elle avait échappé à son contrôle.De fait, on sent bien que la prose de Goguel n’aspire qu’à se libérerdéfinitivement de la tutelle de son créateur et à s’affranchir au passage de toutes lesconventions de la narrationclassique. Hélas, obsédé par son désir de plaire et de vendre,Goguel finit par la brider et l’enfermer dans un schémaconnu, qui le condamne à larépétition éternelle de la mêmecritique. Un tel objet ne s’était peut-être jamais vu en littérature,mais l’effet de répétition suscité par la lecture de la revue de presseimaginée par son auteur estmalheureusement tel qu’on a vite la désagréable impression de l’avoir déjà lu quelque part.

Vous adorerez le détester !

Page 44: Press Book

87

JEUX DE MOTSMAUX D’EGOPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Chaque époque a les livres qu’elle mérite. Com-ment reprocher à Mathieu Goguel de ne pasavoir écrit le sien alors que chacun saitqu’il vaut mieux aujourd’hui faire savoirque savoir faire pour en tirer quelque bénéfice?Au reste, sa revue de presse ne le rem-place-t-elle pas avantageusement qui nousen esquisse les grandes lignes tout en nous

épargnant ses grandes longueurs ? Il aura fallu 38 ans et trois polars demotards, restés confidentiels jusqu’à ce jour, à Mathieu Goguel pour enfinse mettre en phase avec son époque et produire une littérature à sonimage. Mieux vaut tard que jamais, diront probablement ceux qui le décou-vrent aujourd’hui. Vieux motard que j’aimais, semblent pourtant déjà leregretter ses lecteurs historiques, issus du milieu motard. Il est vrai queGoguel aura perdu au passage la naïveté et le romantisme qui faisaient lecharme de ses premiers livres. Faut-il voir là l’une des conséquences de sonrécent passage au scooter ?

Tellement mauvais

qu’il ne mérite pas

qu’on lui consacre

plus d’un mot !

Hide in your sHELLPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

C’est sur le double et improbable postulat de son titre, un

press book en forme de livre et un livre qui n’en serait pas

vraiment un, que l’auteur déclenche la réaction en chaîne

qui va lui permettre d’alimenter son récit en forme de

revue de presse. Mais qui dit réaction en chaîne dit

production illimitée d’articles, qui transforme peu à peu

la rédaction de son livre en un véritable chemin de croix.

Obligé de poursuivre le combat alors que la cause est

entendue depuis longtemps, forcé de continuer à tracer

le même sillon alors que son sujet est épuisé, Goguel se

vide peu à peu de son sens. Déjà pas bien épais au début

de son livre, ses articles imaginaires ne cessent de

perdre en consistance au fil des pages, qui nécessitent

de la part de l’auteur un travail d’habillage toujours plus

éreintant. Mais si Goguel entend rester digne jusqu’au

bout, il ne peut non plus renier le concept narratif qui l’a

porté jusque là tant il sait combien il lui doit. Aussi se voit-

il obligé de boire la coupe jusqu’à la lie et de nous faire le

récit de

sa propre décrépitude sans trahir l’esprit journalistique

de sa revue de presse. Obligé de se débarrasser de toute

pudeur, il nous apparaît alors dans sa vérité la plus crue,

celle d’un homme qui souffre d’écrire, mais a trop de

fierté pour s’arrêter après nous avoir bassinés avec son

rêve de devenir écrivain. Et c’est alors qu’on se met à

craindre pour son avenir qu’on réalise brusquement que son

livre a peut-être trouvé son auteur. Car c’est paradoxalement

en s’égarant qu’il finit par trouver son sujet : lui-même.

Attention, Press Book est un livre piège qui ne présente

aucune chute finale et se termine en cul de sac. Évitez

de vous engager dans cette impasse littéraire !

Press Book est au livre

ce que la presse people

est à la presse d’information,

ce que le fooding est à la gastronomie,

ce que le making of est au cinéma,

ce que le stand-up

est au spectacle comique :

une évolution contestable

de la discipline associée

à un recul de la langue française !

Page 45: Press Book

88

Starmaniaque«J’aurais voulu être un artiste / pour pouvoir faire mon numéro» Souvenez-vous, c’était en 1978. Claude Dubois chantait «Le Blues du Business Man» dansla comédie musicale Starmania. Une chanson que Mathieu Goguel a sansdoute trop écoutée étant jeune, qui lui donne trente ans plus tard l’idée de pas-ser à l’acte. Déjà trois romans policiers à son actif, parus chez Terre de BrumeÉditions, dont personne n’a entendu parler en dehors de quelques motards à quiils semblaient s’adresser. Et maintenant cet ambitieux projet de vouloir écrire,sous l’influence de Magritte, un livre surréaliste (?) qui n’en serait pas un afinde dénoncer les dérives médiatiques et journalistiques de notre société deconsommation. Le problème, c’est que, derrière la posture désintéressée del’artiste, on ne perd pas de vue un seul instant le «business man» – qu’il a jadisété. Trop distant de son œuvre pour nous faire croire un seul instant que sonpersonnage et lui partagent le même «blues». Trop ancré dans la réalité maté-rielle de notre monde pour nous faire gober qu’il n’espère pas pour lui-mêmele succès qu’il rejette par moments pour son œuvre. Et pas assez cultivé pourse souvenir que le projet qu’il cherche à développer en livre existe déjà enchanson, dont l’évocation constitue de fait la meilleure description que l’onpuisse en faire et l’écoute vous épargnera une bien fastidieuse lecture. Souve-nez-vous, c’était en 1978 (décidément !) et Daniel Balavoine chantait : «Je m’pré-sente, je m’appelle Henri / J’voudrais bien réussir ma vie, être aimé / Être beau,gagner de l’argent / Puis surtout être intelligent / Mais pour tout ça, il faudraitque j’bosse à plein temps». On connait la suite.«Le chanteur» Paroles et Musique : Daniel Balavoine (1978) © Editions Barclay-Morris / Editions musicales Paledi. Press Book(Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Rêver d’unecritique pour son

livre sur lacritique, c’est

prendre sesrêves pour laréalité de son

livre !

Qui n’a jamais

rêvé d’écrireun livre

d’auteur àsuccès?

ALREADY- MADE-IN- PROGRESS

Page 46: Press Book

91

MATHIEUGOGUEL

EST-ILANTI

WARHOL?

ANTEMEMOIRESD’OUTRE-TOMBEC’était l’un des outsiders de la rentrée littéraire : le quatrième roman prétendument novateur de MathieuGoguel, auteur de trois premiers polars de motards passés complètement inaperçus lors de leur sortie.Mais voilà que Press Book (Ceci n’est pas un livre), livre-concept tentant d’assembler les articles dejournaux de façon à créer une histoire, finit par exclure le lecteur à force de s’afficher expérimental.Rarement, campagne de presse aura été aussi bien orchestrée qui avait presque fini par nousconvaincre qu’il y avait derrière Press Book un vrai livre-concept jouant à la fois sur le fond et laforme, les polices de caractère, la mise en page, comparable au génial La Maison des Feuilles deMark Z. Danielewski, paru voici quelques années, labyrinthe conceptuel au service d’un proposexistentiel, sensible et profond, bref incarné, sorte d’encyclopédie de tous les délires littérairesde Borges à Lawrence Sterne, parfaitement digérés. On avait beau se dire que ce type de miracle nese produit guère plus d’une fois par décennie dans la vie d’un critique, on s’était pris à rêver pouréchapper au morne quotidien d’une rentrée qui se répète, année après année. Son éditeur semblaitsi sûr de lui. La déception n’en est que plus importante. Sans doute Mathieu Goguel a-t-il surestiméses capacités d’écrivain, aveuglé par la terrible soif de succès et de reconnaissance médiatique, etécrit au dessus de ses moyens. Si «La faim fait sortir le loup du bois et l’écrivain de l’art», ellen’excuse cependant pas la prétention qui transpire de chacune de ses lignes. Quelle mouche a doncpiqué ce modeste auteur de trois romans policiers de médiocre qualité pour qu’il perde tout sensdes réalités et se croie subitement devenu l’héritier de Magritte, le successeur de Debord etBaudrillard et tombe dans tous les écueils de la performance pour la performance ?

Press Book n’est qu’une carcasse conceptuelle vide, avec force jeux de mots, contrepèteries,allitérations, aphorismes, syllogismes, contradictions, contresens et autres figures de style quiobligent en permanence le lecteur à se demander qui «parle». Est-ce l’auteur ou l’homme, celuiqui écrit ou celui qui se met en scène, l’écrivain qui rédige son livre ou le critique qui l’assassine?À moins bien entendu qu’il ne faille voir la patte de son éditeur venu cautionner la dérivedémagogique de son auteur en l’habillant d’un concept marketing. N’est hélas pas Andy Warhol quiveut qui savait intégrer en les sublimant ces deux disciplines antinomiques que sont l’art et lemarketing dans ses créations.De son oeuvre majeure, Goguel n’aura finalement assimilé que laportion congrue qui l’amène à revendiquer pour son livre le fameux quart d’heure de célébrité jadispromis par le Maître à chacun d’entre nous, ce qui constitue ni plus, ni moins que la négation deson livre, en tant qu’oeuvre d’art censée s’adresser à la postérité, mais aussi et surtout à lui-même.A trop jouer sur les mots et multiplier les niveaux de lecture pour jouer au livre qui se mord la queueet n’existe qu’à travers le regard des autres, Press Book finit par exclure le lecteur et, pire encore,par se recroqueviller sur lui-même, broyant son auteur qui a le malheur de se placer en son centrejusqu’à le ramener à un état d’intention qu’il n’aurait jamais du quitter. Dans un pays, le notre, oùune vraie tradition expérimentale s’est établie depuis des décennies à travers le roman ou la poésiecontemporaine (Perec, Roubaud, Heidsieck, Cadiot, et beaucoup d’autres…), il rejoindra bientôtle long cortège des auteurs oubliés, égarés sur le chemin de leur connaissance avant de tomber auchamp d’honneur de la critique. Car comment imaginer que Goguel survive à un tel massacre ? Queléditeur pourra encore le prendre au sérieux après la sortie de son ouvrage aux allures de testamentlittéraire ? N’est-il pas l’erreur système qui a généré un tel chaos ? Ne l’incarne-t-il d’ailleurs pasà merveille qui mérite d’être encouragé dans ce rôle qui lui sied comme un gant ?

Page 47: Press Book

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,

Erreur Système, 19,68 €

Ceci n’est pas une critique de livre / ceci n’est

pas une critique de livre / ceci n’est pas une

critique de livre / ceci n’est pas une critique

de livre / mais la simple chronique / d’un livre

de critiques / écrit par un auteur / imitant un

chanteur / du siècle dernier / quelque peu

démodé / mais encore présent / sur l’enregis-

trement / qu’il en a effectué / et continue

d’écouter / pour rompre le silence / lorsqu’il

veut se rappeler / le temps de l’innocence / de

sa splendeur passée / de son joli minois / et de

sa très belle voix / C’était en 1983 / Bientôt,

l’enfant ne serait plus roi / Ceci n’est pas une

critique de livre / ceci n’est pas une critique

de livre / ceci n’est pas une critique de livre /

ceci n’est pas une critique de livre / juste

l’adaptation / d’une chanson à paroles / et quel-

ques répétitions / en hommage au leader des

Sex Pistols / dont les chansons firent son édu-

cation / et accompagnèrent sa mutation / petit

pistolet devenu grand / s’ébranlant d’abord

gentiment / pour se mettre en mouvement /

puis accélérant gentiment / pour devenir pis-

ton / clash dans le pantalon / Ceci n’est pas

une critique de livre / ceci n’est pas une criti-

que de livre / ceci n’est pas une critique de

livre / ceci n’est pas une critique de livre /

je sais, cet article est limité / son texte n’est

pas très chic / mais il est à l’image / du contenu

de l’ouvrage / que l’auteur souhaite offrir /

à ce qui lui reste de public / Ceci n’est pas une

critique de livre / ceci n’est pas une critique

de livre / ceci n’est pas une critique de livre /

ceci n’est pas une critique de livreCECI N’EST PAS UNE CRITIQUE DE LIVRE

aute

ur e

n to

urné

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Le reviva

l du «no futu

re».

ou l’aveni

r radieux.

d’un éter

nel espoir.

de la cha

nson.

française.

WHiT E LiGHTWHiT E HEAT

Page 48: Press Book

95

Aspirant à la reconnaissance média-tique, un jeune écrivain ambi-tieux décide de monter un dispo-sitif littéraire, dont l’unique but

semble être de faire parler de lui.Misant sur la propension desmédias à s’emballer et à se préci-piter, Mathieu Goguel a l’ingénieuseidée de faire parler de son livrepar journalistes interposés avantde commencer à l’écrire. Cette étin-celle suffit à déclencher une réac-tion en chaîne qui vient aussitôtl’approvisionner en matière tex-tuelle illimitée. Devenu spectateurdu projet littéraire qu’il a initié, l’au-teur n’a plus qu’à se baisser pourcollecter les feuillets qui se ramas-sent à la pelle, si nombreux qu’ilsfinissent par offrir à sonœuvre uneexistence réelle tout en satisfaisantson désir initial de reconnais-sance médiatique. Dès lors, pour-

quoi s’embêter à écrire son livre ?Puisque ses contours nous sont clai-rement apparus au travers des ins-tantanés que nous en révélaient lesjournaux, l’auteur n’a aucune rai-son d’exposer leurs négatifs, ce quil’obligerait à se dévoiler. D’où le sous-titre de l’ouvrage : Ceci n’est pasun livre pour ce que son auteurne l’a effectivement pas développé,se contentant de sa simple pro-jection médiatique dans la presse.Ce qu’on appelle un simple effetd’affichage.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

illusion d’optique

Del’oombre à lalumièrePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Après le speed-dating, voici le speed-booking,nouveau mode de rencontres organisées, rapi-des et en série entre un livre et ses lecteurs parl’intermédiaire des journalistes chargés d’enfaire la critique. Présenté sous la forme d’unerevue de presse, l’ouvrage intitulé Press Book(Ceci n’est pas un livre) incite autant au papil-lonnage de sa lecture qu’il en dénonce les limi-tes en reproduisant sur lui-même un phéno-mène d’emballement médiatique tel qu’il s’enproduit régulièrement autour de certains évé-nements, lorsque tous les médias, obnubiléspar la crainte de se faire doubler par leursconcurrents, braquent leurs projecteurs sur lemême sujet d’actualité qui a le malheur de pas-ser sous leurs fenêtres tandis que tout le restede la ville reste plongé dans le noir. Mais, de laville sombre, Mathieu Goguel n’a visiblementplus rien à faire, lassé par l’écriture de ses troispremiers polars de motards qui la sillonnaientde nuit en long, en large et en travers. Seul luiimporte désormais d’apparaître en pleinelumière et d’exercer le métier d’écrivain augrand jour. Un cadre narratif qui permet certesà son auteur de jeter un regard sans concessionsur son propos au fur et à mesure qu’il le déve-loppe et de multiplier les angles d’analyse surson travail en même temps qu’il l’approfondit,ce qui en fait un authentique work in progress,mais voue aussi par la même occasion sonentreprise de séduction des lecteurs à l’échecen nous offrant l’image trouble d’un auteursecret et lunatique qui semble prêt à tout pourrester caché derrière son oeuvre, y compris ànégliger le fond au profit de la forme au nomdu réalisme de son écriture journalistique.

Qu’il rêve de son livre en l’écrivant ou qu’il l’écrive en rêvant, ce n’est pas avec ces paradoxes artificiels qu’il va se faire un nom

!

Page 49: Press Book

9796

Le long film d’un livreen cours… toujoursOn comprend mieux après l’avoir lu les difficultés rencontrées par son éditeurpour qualifier le quatrième ouvrage de Mathieu Goguel. Non seulement PressBook (Ceci n’est pas un livre) n’est assimilable à aucun genre littéraireactuellement connu, mais il se dérobe à toute analyse approfondie enchangeant régulièrement de registre et de point de vue. Une prouesse renduepossible par le format de la revue de presse choisi par l’auteur pourdévelopper son propos qui lui permet d’exprimer autant d’avis sur son livrequ’il invente de journalistes chargés de le chroniquer – dont il limiteheureusement le nombre – et nous oblige – au-delà de tout suspense – à lireson ouvrage jusqu’à la dernière page si l’on veut s’en faire une premièrereprésentation, et même à le relire plusieurs fois d’affilée et dans le désordrepour prendre la mesure de ses contours mouvants. La diversité de ton etd’approche qui en résulte est en effet poussée si loin par son auteur qu’ellefinit par devenir la matrice principale de son ouvrage ainsi que son principalélément d’identification et de différenciation. Livre inclassable, parexcellence. Archétype de l’OLNI (Objet Littéraire Non Identifié). Projetlittéraire qui ne ressemble à aucun autre. Véritable défi lancé aux critiqueslittéraires chargés d’en renvoyer une image la plus fidèle possible à leurslecteurs… s’il s’agit seulement d’un livre.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Stand up avenir en marche

Making of

livre inachevé

Coming out futur in

connu

Best of

auteur prometteurd’un

forten math, nul en theme

Si Goguel possède un talent, c’estcelui de s’en prêter de multiples etvariés, qui justifient qu’autant dejournalistes s’intéressent à sonquatrième livre en forme de revue depresse à lui-même consacrée et en fontun succès médiatique avant même sasortie en librairie. Malheureusement,cette bulle de crédit gratuit est tropartificielle pour durer, qui ne tarde pasà éclater et le laisse sans ressource,incapable de subvenir de façon pérenneaux forts besoins médiatiques quenécessite la poursuite de son activitéd’auteur de best-sellers à venir. À quoibon écrire qu’on écrit si personne ne vouschronique ? À quoi bon promettre, lemeilleur comme le pire, si personne nevous publie, ni ne vous lit jamais ? Sil’espoir fait vivre, les promesses, elles,n’engagent que ceux qui les écoutent. Privéde lecteurs dès ses premiers romans par laseule force de son talent, on comprend malpour quelle obscure raison – autre que lemasochisme, s’entend –, Goguel s’entête àvouloir écrire des livres qui le rémunèrent si

malen droits d’auteurs. Que

n’envisage-t-il une reconversionprofessionnelle dans un secteur qui

reconnaitrait à sa juste mesure sacapacité à se répandre en logorrhée surn’importe quel sujet et alignerait lemontant de sa paie sur le nombre designes produits. Vivre libre et délirer sanspenser au lendemain fait certes de lui unécrivain maudit, mais incapabled’assurer son quotidien, alors qu’il luisuffirait de lire des livres et de vibrerpour retourner la situation à sonavantage et faire fortune dans lacritique. Chacun en conviendra : tant qu’à écrire pour ne pas être lu, ni pris au sérieux, mieux vaut lemot-dire en étant bien payé que le bien-dire en étant mal payé.

Goguel ne se contente pas de cracher dans

la soupe, il essaie aussi de nous refourguer

la sienne en l’accomodantà toutes les sauces, ce qui la rend aussi

indigeste qu’il estimbuvable.

ou

?Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Page 50: Press Book

9998

Un livre qui ne repose

sur rien à part

l’imagination de son

auteur, c’est vous

dire son fragile

équilibre !

L’occupationillégale d’un livrevide par cent papiersd’un auteur en quêted’identité

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

u début, on n’y croit, on se dit que l’auteur ne va pas tenir sur la longueur.Pensez ! Ecrire un livre sur rien qui n’aurait ni histoire, ni suspense etpour personnage central qu’un écrivain falot se mettant lui-même en

scène dans une tentative désespérée d’attirer sur lui l’œil des médias.Pas de quoi captiver les foules, mais page après page, force est de

reconnaître que l’auteur parvient progressivement à combler le vide de sa pensée et deson existence en brodant dans un style journalistique élémentaire qui satisfera le plus

grand nombre. Plus press book se remplit, plus ses articles s’allongent. Comme si l’auteurprenait peu à peu confiance dans sa capacité à habiter le vide, à l’incarner même par son

discours. On est alors obligés de penser, toutes proportions gardées bien entendu, à cemonument de la littérature française qu’est L’Éducation Sentimentale de Gustave Flaubert.

Immense roman sur le rien à travers le récit de l’échec d’une vie, dont Goguel nous offre

Un livre aussi parfaitement inutileque nécessairement génial

puisqu’il parvient à sublimer la médiocrité de sonpropos pour en faire la matière de ses critiques les plussubtiles et justifie pleinement la couverture médiatique

dont il est l’objet ainsi que la formule d’inspirationsurréaliste qui lui tient lieu de sous-titre «Ceci n’est pas un

livre». Une affirmation négative qu’il convient de «lire»autrement en la détachant de son titre –dont elle constitue de

fait un doublon inutile– pour appréhender les multiplesdimensions de la démarche littéraire en creux de Mathieu

Goguel. Imaginez seulement que l’existence et le contenu sonouvrage n’aient pas été évoquées dans ses propres colonnes.

Certes, il ne fait aucun doute que personne n’en aurait jamaisentendu parler, mais que n’aurait-on alors pas dit pour justifier un

tel silence médiatique? Combien d’hypothèses fantaisistesn’aurions-nous pas été amenés à formuler pour identifier les causes

d’un tel échec? Simple oubli ou ignorance délibérée des médias?Renoncement de l’auteur à écrire un livre qu’aucun éditeur n’accepte

de publier ? Refus du libraire à vendre un livre dont personne ne parle?Incapacité du lecteur à acheter un livre qu’aucun libraire ne vend?

Frilosité du critique à lire un livre qu’aucun lecteur n’achète? Etc., etc.En vérité Goguel aurait-il voulu attirer notre attention sur les innombrables

livres géniaux qui sortent chaque année et dont la presse ne parle jamais, fauted’espace disponible, qu’il n’aurait pas procédé autrement. Quelle meilleure

illustration pouvait-il en effet offrir à cette regrettable sous-exposition médiatiqueque la surexposition artificielle dont bénéficie le sien? Au-delà des vases

communicants, c’est toute la question de la représentation de l’absence qui est iciposée par l’auteur. Comment parler de tous ces livres passés sous silence?

Comment rendre dignement hommage à leurs auteurs oubliés par la critique? Tout simplement en nous invitant à ne pas tenir compte de ce que nous en disent

ou pas les médias et à les aller les découvrir par nous-mêmes dans les bibliothèques où ils nous attendent depuis quelques dizaines, voire

centaines d’années ou –pour les plus récents– dans les librairies.Non, Mathieu Goguel a bien raison de l’affirmer

sur la couverture de son ouvrage, Press Book n’est bel et bien pas un livre parce que tous

les objets qui sont vendus autour de lui

Unesortede pendant,

moinslittéraire certes, mais tout aussi abyssal, qui vise à

faire réfléchir les lecteurs sur leur rapport àl’information. Ce que cherche à dénoncer

Goguel, ce n’est pas tant l’exercice de lacritique littéraire, certes extrêmement

facile à émettre au regard de ladifficulté de la création, que

l’importance démesurée que notresociété lui accorde, faute de

trouver le temps de s’intéresserauxœuvres originales. Parce

qu’il ne s’agit pas de décrireune situation établie, mais

un dysfonctionnementstructurel, son ouvrageprend la forme d’une

démonstration réelle etabsurde de sa propremécanique de livre

qui n’existe qu’àtravers les critiquesqui en sont faites.

Adans

les rayons de votre libraire

préféré en sont, eux, de vrais.Pour autant, c’est aussi le plus

bel hymne à la littérature que celle-ci a produit depuis longtemps.

Page 51: Press Book

101100

Pavé de cultureÀ l’heure où le marché semble s’imposer comme le mode d’organisation absolu

de la rencontre entre l’offre et la demande, l’auteur de ce livre-concept se pro-

pose de faire rentrer sa vie dans un Press Book afin de nous «vendre» son

talent et sa prose… qu’on vient pourtant d’acheter. Un paradoxe qui nous

amène à réfléchir sur les raisons qui nous ont conduits à débourser 19,68

euros pour en faire l’acquisition. Avons-nous pensé à tester ce livre avant de

l’acheter, à l’essayer en conditions réelles pour vérifier que sa lecture nous

convenait bien? Et quel rôle la critique a-t-elle bien pu jouer pour nous don-

ner une telle envie de le lire ? Une réflexion que l’auteur nous aide à initier

en développant lui-même l’argumentaire produit de son propre livre par

journalistes interposés. En imaginant la couverture presse dont celui-ci aurait

bénéficié s’il l’avait écrit, Mathieu Goguel ne produit pas seulement un second

paradoxe, il commet également un véritable acte de création littéraire qui

nous interroge sur les rapports de plus en plus ambigus qu’entretient le monde

de l’art avec celui du commerce et de l’industrie. Comment en effet qualifier son

ouvrage, qui se veut à la fois objet-livre, simple marchandise conçue, pro-

duite et vendue en série, et création artistique originale et personnelle de son

auteur, et nous interpelle sur notre rapport à la société de consommation ?

Œuvre si complexe qu’il faudrait un livre entier pour en décrire les multiples

facettes. Et dont le titre officiel choisi par l’auteur est finalement le meilleur

résumé que le critique objectif puisse en proposer sans risquer de le dénaturer :

«Press Book», tout simplement. Un «non-livre» si innovant qu’il invente et

constitue un nouveau genre littéraire à lui tout seul, genre dont on peut néan-

moins souhaiter qu’il reste l’unique représentant, l’exception qui confirme la

règle, pour ce que sa multiplication sonnerait le glas de la critique indépendante.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

«C’est triste à dire, maisMathieu Goguel se réduit

dans Press Book à ce simpleaxiome “je critique, donc

j’existe”. Pas très constructifpour un auteur qui prétend

apporter sa pierre au grandoeuvre littéraire».

Si la qualité d’unlivre se mesure aunombre d’articles quilui sont consacrés,alors Press Booksera sans contesteélu produit del’année.

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Page 52: Press Book

Avec Press Book, Goguel invente le succèsà crédit ! Leasing garanti !

JUST-DO-IT-

YOURSELFOR DIE !

Comment s’écrit GOGUELPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

C’est sur l’improbable postulat de départ qui découle de son doubletitre, un Press Book en forme de livre et un livre qui n’en serait pas un,que l’auteur déclenche la réaction en chaîne qui sert de fil conducteuret de trame à sa narration. Une fois le concept amorcé, Mathieu Goguelpeut se laisser porter par la polémique et se glisser dans la peau deceux qui ont le pouvoir de faire et défaire les livres. Ayant revêtu leursmasques, il s’approprie leurs personnages et leurs modes de pensée pourévaluer les multiples composantes de son oeuvre avec une certaine objec-tivité. Bien sûr, chaque avis est porteur d’une déformation, mais leurmultiplication induite par le concept de la revue de presse oblige Goguelà envisager toutes les hypothèses, de la pire à la meilleure. De ce largeéventail de points de vue finit par se dégager une oeuvre complexe auxallures aussi changeantes que les humeurs de son auteur désincarné, dontles nombreuses contradictions finissent cependant par faire ressortir l’humanité enfouie.

Mathieu Goguel

est un ours à lui tout

seul qui singe

la totalité des

articles de son

pseudo-magazine

de littérature.

NO BOOK,NO GOOD,ONE GODPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €S’inscrivant dans la continuité de l’Internationale Situa-

tionniste de Guy Debord (1957), des écrits de Noam

Chomsky et de la bible altermondialiste No Logo : La

Tyrannie des Marques de Naomi Klein, un auteur

décide de s’attaquer à l’influence grandissante de la presse

dans un non-livre, véritable brûlot politique et appel à

la réflexion collective sur la nature même de son propos.

Intitulé Press Book (Ceci n’est pas un livre), son projet

artistique s’inspire des actions médiatiques récemment

menées par une poignée d’associations (RAP, la Brigade

anti-pub) pour résister à l’invasion de tout ce qui pollue

notre environnement mental et physique (No Music

Day, Buy Nothing Day, No Sarkozy Day). Consacrée au

livre qu’il est précisément en train d’écrire, la revue de

presse qu’il en tire se veut en effet l’illustration vivante

d’un système médiatique qui tourne si bien à vide qu’il

finit par donner l’illusion de produire de la richesse. Et

vous, quel crédit accorderez-vous à son propos ?

Page 53: Press Book

Commentparler efficacement en

quelques lignes d’un livre qui necesse de parler de lui-même tout au long

de ses cent quatre-vingt douze pages ? Et quedire sur lui qui n’a pas déjà été écrit par sonauteur ? Bien que ce dernier ne soit pas journaliste,

son choix d’évoquer le contenu de son livre aumoyen de critiques littéraires imaginées de

toutes pièces n’est pas contestable. Iln’empêche que cela complique singulièrement

la tâche du critique chargé d’en rendrecompte à son tour à ses lecteurs, obligé de

le lire in extenso pour trouver un angled’analyse original qui n’a pas été utilisé

par l’auteur lui-même et de s’intéresseraux articles que lui ont déjà consacrés

ses confrères pour ne pas risquer laredite. Après tout, pourquoi pas ?

L’auteur a bien le droit d’exigerdes journalistes qu’ils étudientson œuvre en profondeur avantd’en rédiger la chronique.C’est pourtant là quele bât blesse.

Carsi notre déontologie nous

impose de lire les livres que noussommes chargés de critiquer, elle nous commandeaussi d’en faire l’analyse la plus objective possible,c’est à dire d’évaluer la qualité de l’œuvre pour cequ’elle est et non en fonction des commentairesqu’elle a déjà inspirés à nos confrères, tâcheévidemment impossible dans le cas présent. Mais que faire pour résoudre cette contradiction ? Le critique littéraire doit-il seulement parler de Press Book à ses lecteurs ? L’ignorer ne serait-il pasla meilleure façon de résoudre son conflit intérieur ?Évidemment non, puisque cela reviendrait à exercerun non-journalisme sous influence tout en donnantraison à son auteur paranoïaque, déjà convaincu del’existence d’un complot médiatique dirigé contre lui.

En vérité, il n’existe aucune issue, ni aucune pirouette qui permette au critique de se sortir indemne dece traquenard littéraire. Aussi lecritique n’a-t-il d’autre choixque de s’avouer vaincu et des’effacer devant l’auteur afin delaisser la parole à son oeuvre qui, si ellen’est pas livre, en possède néanmoins l’étrangeet fascinant pouvoir : celui de faire parler les hommes quand bien même ilsn’auraient rien d’intéressant, ni denouveau à en dire. La preuve !

Press Book (Ceci n

’est pas u

n livre) d

e Mathieu Goguel, E

rreur Systè

me, 19,68euros

Etendard haut encouleurs d’un livrenoir à étendre

L’ART ET LA BANNIERE DE

NE RIEN DIRE

Un

livregaranti 100%

polémique, ni prix

littéraire WORK HARD ! WORK ART !ARTWORK

Page 54: Press Book

106suicide d’unlivre par sonauteur

Jamais rentrée n’aura été aussi chargée pour les critiqueslittéraires. Dès cette semaine, ce sont près de 500 nouveautésqui vont inonder les rayons des librairies. Un nouveau chiffrerecord dont on ne sait toujours pas s’il témoigne de la vitalitéde la création littéraire dans notre pays ou de la fébrilité deséditeurs français, prêts à tout pour se voir décerner l’un dessacro-saints prix qui clôturent la saison. Y a-t-il trop ou pasassez de livres qui sont publiés ? Éternel débat qui ressurgitchaque automne, aussi sûrement que les marronniers perdentleurs marrons et que les journalistes s’en servent pourrécompenser les auteurs les plus méritants. Parmi eux figureun illustre inconnu qui mériterait de se voir décerner àl’unanimité le gland d’or de la critique pour son ouvrage dontle propos illustre malheureusement à merveille une thèseinquiétante récemment développée par un universitaireaméricain dans un court et cinglant essai (L’Éclipse du Savoir,Éditions Allia, 2008). Selon Lindsay Waters, ce seraientl’accroissement de l’exigence de productivité et de rentabilitédans le secteur de l’édition et l’inflationde mauvais livres qui en découle– parmi lesquels se noient les bons – qui seraient directement à l’origine de la disparition de la pensée critique. Un proposalarmiste que Mathieu Goguel ne fait paradoxalement queconforter au fil des pages utilitaires de son Press Book, quisemblent uniquement destinées à nous «prouver» son talentd’auteur au lieu de nous en faire la démonstration par lesfaits. Comme si le talent se décrétait par journalistesinterposés. Comme si les livres s’affirmaient au lieu des’écrire. Comme si la révolution se programmait à l’avance. En vérité, il ne manque qu’une seule chose à Press Book (Cecin’est pas un livre) pour prétendre au statut de livre réussi que Mathieu Goguel revendique pour lui dans chacune de sespages : un auteur conscient, tout simplement. Alors, peut-être,ses propos seront-ils entendus pour ce qu’ils disent et nonpour ce qu’ils sont, à savoir de simples effets de manchette.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Edouardm’a tuer

107

Press Book? Pourquoi lire aujourd’hui

un livre dont l’auteur n’aspire

qu’à l’éternité? Qu’ilcommence parmourir, on aura toujours

le temps de s’y mettre!

Ce press book est une

véritable escroquerie!

Ne vous y trompez pas,

Mathieu Goguel n’a rien

d’un journaliste ! Aucun

des

prétendus articles affichés

dans sa revue

de presse n’a jamais été

publié dans le moindre

journal! Tous so

nt de simples

extraits de son livre!

Page 55: Press Book

109

108

Le feu de la critiqueQuel meilleur cobaye Mathieu Goguel pou-vait-il trouver pour mener son expérimenta-tion que lui-même, dont les trois premiersromans policiers n’ont fait l’objet d’aucunecouverture presse lors de leur sortie, et quiaspirait, pour son quatrième ouvrage, à unmeilleur destin ? Il lui suffit d’une étincellepour déclencher le feu nourri de la critique,celle née de la rencontre choc entre les deuxtitres de son ouvrage qui constituent unpoint de départ si improbable pour sonouvrage que les médias s’en emparent aus-

sitôt. Une fois la polémique amorcée,Mathieu Goguel n’a plus qu’à l’alimenter dequelques provocations bien senties et defragments de sa personne qu’il offre enpâture aux journalistes chargés de le lire etde le critiquer. Épousant leur cause, s’appro-priant leur mode de pensée, imitant leurstyle, il imagine et s’auto-administre le trai-tement de choc que ceux-ci lui auraient cer-tainement fait subir s’il avait commis l’im-prudence de signer un livre au programmeaussi ambitieux que Ceci n’est pas un livre.Bien que descendu en flammes par la criti-que, Goguel continue néanmoins de soufflersur les braises et de jeter de l’huile sur le feuqui le consume, tant et si bien qu’il ne reste

bientôt plus de lui que ses intentions artisti-ques. Le piège se referme alors sur les jour-nalistes, rendus complices d’un emballementayant dégénéré en lynchage médiatique, quise voient condamnés en pénitence à érigereux-mêmes un autel littéraire à la gloire decelui qu’ils ont contribué à tuer : Press Book.Enfin reconnu pour ce qu’il est, l’auteurfumeux peut alors renaître de ses cendreset parader en arborant fièrement son œuvreet sa certification officielle. Le voici devenuécrivain puisqu’un livre porte son nom et –mieux encore – artiste à part entière puis-que «c’est écrit dans le journal». Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Sys-

tème, 19,68 euros

Tel le phénixqui renait deses cendres,Goguel écrit enfumant clopesur clope !

Un livre stupéfiant dont on abeaucoup de mal à décrocher !

Page 56: Press Book

111110

écrit de la rentrée !

Un livre illisible de la première à la dernière page !

Excusez du peu !

le meilleur roman jamais

Livre dans lelivreÀ la recherche du livre qui luiouvrira en grand les portes dusuccès et de la renommée, unjeune auteur décide d’adapter à la littérature un concept qui a fait ses preuves au cinéma, lui procurant quelques uns deses plus grands chefs d’œuvre,le film dans le film. Maiscomment procéder à une tellemise en abîme lorsqu’on n’estpas un romancier célèbre etqu’on n’a qu’une confiancelimitée dans sa plume ?

Narrer la lente et difficilegenèse de son livre ? Raconterle doute grandissant del’écrivain face aux mursinfranchissables qui se dressentdevant lui ? Pragmatique,Goguel opte pour une solutionnettement plus simple à mettreen œuvre. En décidant de nepas écrire son livre, Goguellaisse au lecteur le soind’imaginer ce qu’il aurait puêtre à partir des commentairesdes journalistes chargés de lecritiquer. Autrement dit, Cecin’est pas un livre

parce qu’il ne s’agit que de sarevue de presse hypothétique.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,

Erreur Système, 19,68 ¤

Livre d’un

auteur sans

histoire ou

histoire

d’un livre

sansauteur?

Page 57: Press Book

113112

113

Notice de lecturePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,

Erreur Système, 19,68 euros

Ce n’est pas parce que son livre n’existe plus

et a été supplanté par la multitude de comptes-

rendus qui en sont faits tout au long de sa

revue de presse fantasmée que la pensée de

l’auteur a disparu. Elle reste présente et est

véhiculée, probablement déformée, par les

journalistes qui en parlent. Si l’auteur avait

l’intention d’interroger ses lecteurs, la

disparition de son livre au profit de son press

book n’annule pas ce projet. Les journalistes

s’en font le relais naturel. Mieux, ils la

diffusent à un plus grand nombre de personnes

encore en fragmentant –et ce faisant,

simplifiant– son propos en une centaine

d’articles qu’il suffit de lire pour en reconstituer

l’image, ce qui en fait le premier livre en kit

jamais publié. Réservé aux lecteurs rêveurs

et autres amateurs de paradoxes littéraires,

donc. Esprits étroits, s’abstenir.

Entrelignes de viePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €En n’écrivant que le compte-rendu de son livre par journalistesinterposés, Mathieu Goguel n’en produit pas moins œuvre littéraire quia l’immense mérite de rester accessible à tous. Son livre est à la fois uneode à la lecture instructive et un reniement de la littérature pompeusecar l’essentiel se trouve précisément entre ses articles, dans ce qu’il n’a pasécrit. Libre au lecteur d’imaginer à partir des informations qu’il nouslivre au compte-gouttes dans la revue de presse de son livre virtuel à quoicelui-ci aurait bien pu ressembler s’il avait réellement existé. À chacundonc de s’écrire son propre livre à partir de ce que les propos de l’auteuréveillent en lui de la même façon qu’on se fait parfois un Þlm à partir defaits, paroles et autres événements plus ou moins avérés.

EST-CE LE DRMABUSE QUI AIME LE MOT DIT ?

OU M LE MAUDIT QUI ABUSE LE DOCTEUR M?

EST-CE LE MOT DIT QUI ABUSE LE DOCTEUR

M?

OU LE DOCTEUR MAUDIT QUI AIME LES ABUS ?

Page 58: Press Book

The soundof silencePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Où s’arrête la fiction ? Où commence la réalité ? Quelle est la part réellement auto-biographique de cette revue de presse fantasmée que l’auteur consacre à son livre quin’existe prétendûment pas? L’exercice d’autocritique auquel il se livre dans ses pagesest-il aussi sincère qu’il le prétend? Ne s’autocensure-t-il pas inconsciemment à forced’autosuggestion et d’autopersuasion? Quelle part de spontané peut-il rester dansun exercice d’autoévaluation aussi systématique? Pourquoi se livrer à une autopro-motion aussi forcée et outrancière de son propre ouvrage si ce n’est pour masquer cer-tains aspects de sa personnalité, socialement mal acceptés, tels que son attirancepour certaines substances illicites et sa forte proprension à sortir des pistes tropbien tracées? Entre CV travesti et vérité masquée, tout semble bon pour dresser l’au-toportrait d’un homme sans défaut et dissimuler les conséquences de ses erreurspassées. Son auteur chercherait-il à se voiler la face afin d’échapper à ses respon-sabilités ? Combien de temps l’artifice sera-t-il efficace ? À force de rester aussi cen-tré sur lui-même, ne risque-t-il pas de lasser ses lecteurs qui assistent impuissantsà la lente et longue déliquescence de son cerveau ? Face à ce qui ressemble fort àun processus d’autodestruction lente, son esprit finira-t-il par avoir le dessus et parconduire son auteur à l’auto-psy de son oeuvre? Ou ce dernier choisira-t-il au contrairede rester passif, sous assistance artificielle jusqu’à son dernier souffle afin de pou-voir autocélébrer en toute innocence son prétendu parcours sans faute? Tant d’excèsen auto-, convenez que cela devrait normalement l’amener à se prononcer sur la ques-tion, voire à définir sa position officielle. Hélas pour ses lecteurs, celui-ci ne semble paspressé de remonter jusqu’à la source de ses ennuis qui se contente de soulever tou-tes ces questions relatives à son sujet sans leur apporter de réponse, trop occupéqu’il est à effectuer d’incessants allers-retours entre lui-même et son double pourcréer sa légende en même qu’il l’écrit. Point n’est cependant besoin d’être un grandexpert de la psychanalyse pour remarquer qu’après la moto, mode de locomotionauquel il a consacré trois romans policiers, l’auteur semble avoir fait une fixette sursa grande soeur à quatre roues motrices. Ce que certains considéreront comme unpassage à l’âge adulte quand d’autres y verront au contraire une fermeture au mondeextérieur, voire un repli sur soi dans la grande tradition de l’auteur français souffre-teux qui expulse son mal-être dans le paraître (au sens d’être publié). Auto-moto,une constante néanmoins : le mouvement en avant d’un homme qui semble mettre lacritique littéraire au défi de le rattraper dans son échappée belle hors des sentiersbattus de la littérature : «catch me if you can !» Chiche ?

du moment où ils sont avérés dans son propre récit que l’auteur peut les

contrecarrer et changer de registre et en nous offrant un éclairage

nouveau sur son oeuvre. Une méthode qui ne laisse aucun répit au

lecteur, l’obligeant à effectuer une lecture critique et donc active de

l’ouvrage, tandis qu’elle procure à son auteur une source d’inspi-

ration quasi-illimitée. D’où l’étrange impression ressentie de ne

jamais apercevoir le bout de son livre alors que ses pages

défilent à grande vitesse sous nos yeux éberlués. Serait-il

sans fin ? Ou Goguel nous aurait-il condamnés au com-

mentaire perpétuel de son oeuvre ? Dans les deux

cas, on peut malheureusement craindre que

ce ne soit que le début d’un cauche-

mar de livre à lire éveillé.

Automath

sans arrêt

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Si rendre hommage à René Magritte est une intention louable, prétendre prolon-

ger sa réflexion artistique et, ce faisant, d

ialoguer d’égal à égal avec le Maître

revient à s’aventurer sur un terrain miné. Déjà auteur de trois romans policiers

publiés chez Terre de Brume Editions, Mathieu Goguel a beau être encore un jeune

auteur, il ne peut ig

norer la menace qui pèse sur son quatrième et ambitieux ouvrage.

C’est sans doute ce qui explique la justification excessive – car répétitive – qu’il n

e cesse

de faire de sa démarche créative qui pollue au début de son ouvrage. Rapidement, cette

autocélébration systématique de son idée et de son talent nous fait craindre le pire

pour la suite. Heureusement, le

texte ne tarde pas à devenir médiocre, ce qui

permet à l’auteur de nous faire la démonstration de son talent pour l’autocritique,

lequel est néanmoins si flagrant qu’il l’

oblige de nouveau à s’auto-complimenter…

pour aussitôt se le reprocher dans un pur et brillant style journalistique. Et

ainsi de suite jusqu’à épuisement de l’auteur. On l’aura compris, Press Book

est fait de hauts et de bas, de plus et de moins et il

faut, pour avancer avec

plaisir dans sa lecture, ne jamais considérer ses nombreux travers

comme rédhibitoires et définitifs, puisque c’est seulement à partir

Mieux quel’écritureautomatique,l’inspirationautomatique ?

Press Book ? Plus on en parle et plus il y a

de choses à en dire ! Son auteur ne

cessera-t-il donc jamais ?

Page 59: Press Book

116

À l’in

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livre

à 14

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euro

s.

ça plane pour moiPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68€

Si Press Book donne parfois l’impression de tourner en rond sur lui-

même, ce n’est que pour mieux éclairer le lecteur sur le propos de son

auteur, qui s’en sert comme d’une boule à facettes réfléchissantes telle

qu’on en trouve dans toutes les boîtes de nuit. En braquant les feux de

l’actualité sur son livre, Goguel ne cherche pas tant en effet à le mettre en

lumière qu’à nous renvoyer –en les fragmentant – les rayons de lumière que

projettent sur lui les projecteurs médiatiques. Tel le patron de boîte de nuit

qui transforme la nuit venue sa cave sombre et humide en cadre scintillant

et féérique qui stimule notre envie de faire la fête, Goguel se fait

marchand de rêves qui nous offre une atmosphère de livre sans nous

contraindre à sa lecture grâce à sa revue de presse imaginaire.

Un artifice en forme de jeu de lumière qui ne manquera

évidemment pas de scandaliser les défenseurs de l’objet-

livre quand tous les amateurs de pures sensations

littéraires se laisseront au contraire enivrer

par sa prose répétitive jusqu’au

petit matin.

Variations critiques sur le même livrePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel. Deux titres pour le prix d’un. On sesouvient de la polémique suscitée par la révélation de ce second titre d’inspiration surréaliste.Leur cohabitation sur la couverture du même ouvrage s’avère pourtant largement justifiée parson contenu et se révèle même indispensable à sa construction. Car c’est de la confrontationentre ces deux concepts antinomiques – livre et (press) book – que jaillit la réflexion centralede l’ouvrage «Qu’est-ce qu’un livre ?» dont les multiples déclinaisons servent de fil rouge à sanarration. De fait, qu’est-ce que c’est que ce livre qui ne ressemble à rien de connu et se cherchelui-même en même temps qu’il s’écrit. S’agit-il...

D’un recueil de chroniques littéraires sans livre, ni objet ?De la négation par sa critique de l’existence d’un livre ?Du récit de la genèse d’un livre impossible à écrire ?De l’auto-apprentissage par son auteur d’un livre en cours ?Du récit-vérité par lui-même d’un livre qui échappe à son auteur ?D’un vide médiatique masqué par la couverture de son livre ?De la confession éclairée d’un écrivain qui cherche la lumière ?D’un récit mort-né dans le cerveau de son auteur stérile ?D’une illustration avortée de la méthode Coué ?D’un traité détaillé sur les limites de l’autosuggestion ?De la multi-représentation d’un livre à sens unique ?De la représentation unique d’un livre multi-usages ?D’un reportage impartial sur lui-même par un auteur intéressé ?De la démonstration de force d’un auteur impuissant ?D’une publicité mensongère pour une manipulation littéraire ?Du récit bidonné par les médias d’un livre n’ayant jamais existé ?D’un trafic de faux-papiers organisé sous couvert de livre ?D’un pamphlet réactionnaire contre l’ordre médiatique établi ?D’un contre-manuel engagé de journalisme indépendant ?D’un épanchement sans livre de son auteur âpre au gain ?D’un méchant penchant pour le livre de son auteur sanguin ?Du sombre autoportrait que dresse de lui-même un auteur illuminé ?D’un exercice d’autocritique à vocation commerciale ?D’un catalogue publicitaire d’autopromotion critique ?De l’autobiographie d’un livre fantasmé par son auteur ?De la vaine quête d’identité d’un roman autobiographique ?De l’autofiction réaliste d’un délire d’auteur ?Du CV travesti de son auteur en livre d’autopromotion ?De l’autofiction-vérité d’un auteur qui se ment à lui-même ?De l’autopromotion déguisée de son livre par son guignol d’auteur ?D’une incarnation littéraire des bienfaits de l’autodestruction ?D’un avis de savoir-faire pour valoir ce que de droit ?D’un manifeste de faire-savoir adressé à qui de droit ?

Je de lumière noire tue le vide de la page blanche

Page 60: Press Book

118

Le Masque et la PlumePress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68€

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel est un livre renversant àplus d’un titre. Son auteur n’ayant pas jugé utile de l’écrire pour en parler, ce sontles commentaires des journalistes qui lui offrent toute sa matière. Pour autant, iln’en reste pas moins le livre de son auteur puisqu’il en reflète tous les rêves, délireset autres fantasmes littéraires. À ce titre, Press Book nous en apprendprobablement autant, si ce n’est plus, sur la personnalité et la démarche de sonauteur que si celui-ci l’avait réellement écrit. Car, au sein des articles quiconstituent son book imaginaire, l’auteur s’ausculte jusqu’à l’os, un peu plusprofond à chaque page, chaque article, prenant soin de fractionner son propospour ne s’offrir qu’aux plus attentifs de ses lecteurs qui auront la patience de le lirejusqu’au bout. Certes, le point de vue de Goguel est ici véhiculé à travers le prismedéformant des journalistes fictifs qu’il charge d’analyser le livre qu’il est en traind’écrire, mais au moins le biais est-il affiché au grand jour et la règle de décryptageconnue de tous, qui permettra à chacun de redresser ses propos à l’aune de sapropre perception des médias pour en extraire ce qu’il pense être sa penséevéritable. En cela, Press Book s’approche beaucoup plus près des vérités deGoguel que ne l’aurait fait une autobiographie – au reste, prématurée pour unauteur, certes prometteur, mais encore jeune et surtout totalement inconnu. Ungenre qu’il contribue cependant à renouveler, son récit personnel en modejournalistique pouvant même être considéré comme l’autofiction absolue pour cequ’elle ne semble destinée qu’à le convaincre lui-même de son propre talent et quisait, peut-être aussi, quelques lecteurs compatissants.

«L’autoplagiat,

c’est le

style !»,

disait Hitch

cock

«L’autosco

pie,

c’est la

santé!»,

prétendent

les chin

ois

«L’autoficti

on,

c’est m

a réalité

!»,

ajouteGoguel

119

ABSURDUSDELIRIUMRarement auteur aura confessé aussi humblement son irrépressible et vitalbesoin d’être lu et reconnu. Une dépendance forte à ses hypothétiqueslecteurs qu’il trouve heureusement le moyen d’assouvir artificiellement sansheurter personne par le récit de son propre livre par journalistesinterposés. Entre être et paraître, Mathieu Goguel n’aura donc finalementpas eu à choisir. Et pour cause. Press Book (Ceci n’est pas un livre) luipermet d’unifier ses nombreuses parts et aspirations contradictoires, quise situe à mi-chemin entre pur exercice de style journalistique etautopromotion de son talent d’auteur, entre parodie de notre systèmemédiatique et revanche personnelle d’un homme qui n’a pas su y trouver saplace, entre quête éperdue de reconnaissance et exercice d’autocritique auvitriol, entre performance artistique d’inspiration situationniste et cataloguecommercial de ses savoirs-faires, et sans doute, plein d’autres possiblesencore que ne manqueront pas de relever les spécialistes qui s’emparerontbientôt du sujet. Car développer plus avant l’analyse de ce projet globalserait présomptueux tant il semble que ses multiples composantes nesauraient être appréhendées justement par un seul individu et dans unnombre de mots limité. En vérité, l’oeuvre de Mathieu Goguel joue sur tantde registres, fait appel à tant de notions qu’il faudrait un livre entier etplusieurs fins connaisseurs pour les identifier, disséquer et approfondir sansrisque de se tromper. En attendant qu’un éditeur soit assez fou pourfinancer un tel projet littéraire, je ne peux qu’inviter ceux d’entre vous quidésirent en savoir plus sur Press Book (Ceci n’est pas un livre) à la lecturede son texte original qui vaudra toujours mieux que cent interprétationsjournalistiques mises bout à bout.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Un livre hors-sujet du début à la fin !

Page 61: Press Book

121120

Peu d’auteursvous l’avoueront,mais beaucoupont secrètementrêvé de ce livrepour eux-mêmessans jamais oser

l’écrire.

Moi, je

+je est un autre+

je critique, donc je suis=c’est çui qui dit qui y est !

la recette du succèsFormé d’une compilation de parodies de critiques littéraires assemblées dans unobjet au nom porteur de rêve pour ce qu’il fait explicitement référence à l’universde la mode, Press Book (Ceci n’est pas un livre) constitue, d’après son éditeur, laperformance littéraire d’inspiration surréaliste d’un auteur situationniste qui tirede l’autocritique de son livre en cours d’écriture une réflexion en boucle –sortede work in progress– censée incarner –jusqu’à la matérialiser– la formidable capa-cité de notre système médiatique à tourner à vide et interroger notre époque. Conve-nez que cela fait beaucoup d’ingrédients pour un seul livre, dont la recette nousferait plutôt penser au cahier des charges d’une application marketing. Entre livre-concept – idéal pour les cadeaux de Noël–, confession intime qui vire au règle-ment de compte personnel et délire d’auteur paranoïaque sur fond de complotmédiatique. D’où la désagréable impression qui ne nous quitte jamais durant salecture de ne pas nous trouver en présence d’un livre, mais plutôt face à une entre-prise d’édition à caractère commercial menée de façon consciente et réfléchie parun auteur calculateur et démagogue, dont le contenu ne semble avoir été conçuque pour répondre aux besoins et attentes d’un marché ausculté sous toutes lescoutures afin d’en conquérir la part la plus importante. Envisagé froidement commeune fin en soi, le succès envisagé de Press Book ne saurait donc être interprétécomme un gage de sa qualité littéraire –si tant est que l’on puisse encore parler delittérature à ce stade avancé de stratégie éditoriale–, mais plutôt comme un nouveausigne inquiétant de l’appauvrissement de la réflexion collective et de la dispari-tion de la pensée critique qui en découle. Comme si la fiction avait définitivementrenoncé à combattre –ou sublimer– la triste et dure réalité telle que nous la retrans-crivent les médias dans leurs journaux d’actualité. Comme si l’auteur avait d’oreset déjà accepté l’échec de son entreprise et abandonné tout espoir d’élever les mas-ses laborieuses par la hauteur de son propos. C’est à ce double titre que Press Book(Ceci n’est pas un livre) incarne –mieux que tout autre– la disparition programméede la littérature par non-lecteurs interposés. Et c’est pourquoi il est –aujourd’hui plusque jamais– indispensable de l’acheter ! Car demain, il sera trop tard!

Page 62: Press Book

à tout mettre surle dos sur lamaladie dusommeil quisemble l’affecter,il y a un pas quebeaucoup serefuseront àfranchir, faute delui reconnaître lemoindre intérêtlittéraire. Carn’est-ce pas leseul résultat finalqui compte auxyeux du lecteur?Qui se soucie desavoir sousl’emprise dequelles boissonset autres droguesles Baudelaire,Balzac et autresGourio ontcommis leursforfaitslittéraires, ni leprix qu’ils ontpayé, du momentque leur oeuvrenous resteaccessible sansrien laissertransparaître dumal qui leur adonné naissance?À quoi bons’attarder sur lessouffrancesintimes que ces

auteurs torturésont cherché àexorciser àtravers leursdérives littérairessi c’est pour ensouffrir à notretour ? À chacunson métier, àchacun sesennuis qu’ilconvient mieuxde ne paspartager pourvivre caché etrester heureuxjusqu’à la mort.Une posture de«père tranquille»que semblepourtant décidé àremettre en causeGoguel en étalantses rêves degloire sur la placepublique aumépris des règlesde décence lesplusélémentaires.Qu’imagine-t-ildonc ? Que laseule forceévocatrice de soncauchemar delivre éveillésuffira à nous lefaire préférer ausilence de plombde nos sommeils

sans rêve ? Quenous nousvoilerons la facesur l’ineptie deson propos afinde ne pas assisterà sa chute finale ?Que nousl’aimerons mieuxaprès l’échecprogrammé deson entreprise ?C’est tropdemander aulecteur qui aaujourd’hui, plusque jamais,besoin de sechanger les idéesplutôt que derevivre parprocuration seséchecs passés. Lesuccès, pas plusque l’amour ou lerespect, ne sedécrète, il segagne à la forcedu poignet, semérite, s’obtient.Il n’est certes pasune fin en soi,mais il faut undébut à tout sil’on souhaite unjour être pris ausérieux. C’estmalheureusementce que n’a pascompris Goguelqui imagine dansses rêves celui deson quatrièmeouvrage avantmême de l’avoirécrit et alors queses trois premiersromans ont été

des échecs avérés.Car, à force de secroire déjàparvenu ausommet sansavoir pris letemps de gravirla montagne, ilfinitinévitablementpar se perdre – etnous avec – enchemin dans savaine et dérisoiretentative derattraper le tempsperdu dans lesbras de Morphéeen se dépouillantpar écrit dusuperflu de sesrêves.Press Book (Ceci n’est

pas un livre) de Mathieu

Goguel Erreur Système,

19,68 euros,

Comme cesimagestridimensionnelles qui nousrévèlent desmotifs cachés dèslors que l’onaccepte de lesregarder

autrement, PressBook (Ceci n’estpas un livre)laisse apparaîtresous son doublevernis de revue depresse d’un livrequi n’existe pas etde parodie d’unsystèmemédiatique quitourne à vide lapersonnalitéattachante d’unauteur sensiblequi se sert autantdes mots pourtenter d’inverserle cours de sa vieprogramméed’avance qu’il seréfugie dans sesrêves de grandeurpour échapper àce triste etinéluctable destinqui ne cesse devouloir le

rattraper. Ledouble commeéchappatoire desa paranoïa aigüe,qu’il multiplie àl’infini, se créantautant demasques quenécessaire pourfuir l’oppressanteréalité de cemondematérialiste qui l’épuise à necesser de luicourir après.Comme dans ceshallucinationshypnagogiquesdans lesquelles onse rêve en train dedormir sansentendre lasonnerie– pourtant bienréelle – du réveilqui sonne,l’auteur se sertdonc de sonsommeilparadoxal, aveclequel il sembleentretenir unerelationprivilégiée, pourjustifier sonretard àl’allumage qui l’avu passer à côté,et dans ledésordre, dusuccès, de lagloire et de lareconnaissancemédiatique. Est-ceà dire qu’il dorttrop ? Sans doute,mais de là

OREILLER «CECI N’EST PAS UN LIVRE»

Ceci est un oreiller. Si vous vousêtes déjà réveillé avec l’empreinte

d’un livre sur le visage, vousaimerez sûrement un de ces oreillers

qui ressemblent comme deuxgouttes d’eau à un gros livre bien

épais. Mettez un de ceslivres/oreillers sur votre bureau etvotre patron pensera sûrement que

vous être trop lettré et il vouspardonnera de vous être endormi

sur le lieu de travail.

pêché sur le net

LA VIE RÊVÉE EN LIVRE D’UNAUTEURPARADOXAL

123

Page 63: Press Book

124

Sous-livre ?Personnellement,

j’aurais plutôt évoqué un problème de surbooking

qui voit le livre démarrer en laissant 95% de

ses lecteurs sur le carreau

!

Et unEt deux,Et trois-zéroPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Un livre, deux titres, trois bonnes raisons de s’énerver car de livre, il n’y en

a pas, malgré tous les efforts de son auteur et de son éditeur pour nous le

faire croire. Au-delà des apparences, il n’y a rien. Strictement rien. Nada.

Zéro. Le vide absolu. Le néant incarné. Le rien raconté. Et le pire, c’est

que ça se lit aussi facilement qu’un bon vieux magazine people alors qu’il

n’y a pas une seule photo croustillante à se mettre sous la dent. Reste qu’au

prix-choc de 19,68 €, cela fait cher le kilo de lecture. Ce qu’on appelle le

poids des mots ?

S’il s’agit d’une

provocation,

elle n’a

rien d

e gratuit !

19,68 euros

pour un liv

re truffé

de contre

sens,

c’est ch

er payé !

AUTOFICTION MOBILE

OU FICTION AUTOMOBILE ?

Un

coup

mar

ketin

g qu

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ait P

AS

fair

e lo

ng F

EU!

Chroniques de tranches de viehachée pressées en chroniques de tranchesde vie hachée pressées en chroniques de tranches de vie ha

ECHEC ET MATHAU JE DE GOÀ quoi bon émettre une nième critique de Press Book (Ceci n’est pasun livre) puisque toutes les raisons d’aimer et de détester son livrefigurent déjà dans la revue de presse que son auteur a la bon goût denous en offrir? À chacun donc d’établir son propre palmarès parmi lacentaine de critiques qui la composent pour tenter d’établir une cor-respondance avec l’oeuvre dans son ensemble. Une mission évidem-ment vouée à l’échec puisque celle-ci n’est composée que la somme deces critiques et ne saurait donc en contredire, ni favoriser aucune,mais piège définitivement le lecteur. Parce qu’il est obligé de le lirejusqu’à la dernière page pour en arriver à la même conclusion, celui-ci ne peut en effet que constater à ce stade que la manipulation lit-téraire a parfaitement fonctionné en dépit du double avertissementaffiché en gros sur sa couverture. S’il ne s’agit pas d’un livre, il estpourtant en train de le lire et connait désormais son auteur, MathieuGoguel. Une entourloupe qu’il n’est pas près d’oublier, ne serait-ceque pour ne pas se faire piéger par ses prochains forfaits littéraires.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

LE MAL DE VIVRE +LA VIE D’UN LIVRE

=LE LIVRE D’UNE VIE ?

Page 64: Press Book

DÉSORDREORGANISÉTous ceux qui prétendent que Press Book (Ceci n’est pas unlivre) n’est qu’uneœuvre simpliste, simple revue de pressefantasmée par son auteur sur le livre qu’il n’a pas réussià écrire ne semblent pas l’avoir lu jusqu’au bout. Que PressBook ne soit qu’un collage désordonné d’articles hétéro-clites ne semble pas contestable. De même qu’il est impos-sible de nier que la multiplicité des points de vue qui ysont exprimés rend souvent le décryptage du propos deson auteur difficile. Difficulté accrue par le grand nombrede masques derrière lesquels il s’abrite pour exprimer sesidées. Pour autant, ce qui semble de prime abord n’êtrequ’un pur exercice de style sans âme finit par se transfor-mer en un véritable récit personnel lorsque, ayant tournéautour du pot pendant la première moitié du livre, l’au-teur commence à mettre en relation la forme de l’objet etson contenu. On réalise alors que ce pêle-mêle hétéroclited’articles pour le moins disparates obéit à une logiquesupérieure, que ce qu’on croyait être les pièces éparpilléesd’un puzzle sont en réalité les pièces déjà assemblées dupatchwork de sa personnalité. Non pas «livre-caméléon»qui changerait de couleur pour se fondre dans le décor etéchapper à ses prédateurs, mais portrait-kaléidoscope delui-même par son auteur multiple qui rendra fou le pre-mier critique qui se risquera à le cataloguer pour en offrirune image précise à ses lecteurs. Car comment rendre jus-tement compte d’une pensée en mouvement permanentdans un texte écrit et –par définition– figé ? En vérité, ils’agit là d’une tâche proprement impossible… sauf àremonter à l’image originelle qui a marqué l’auteur defaçon indélébile.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68euros

1968critique

de la matraque

2008matraque

de la critique

Et après ?

Livre noirpour nuitblanche oulivre blancpour écrannoir ?

Page 65: Press Book

129128

ANTI-MATIERE ÀREFLEXIONÀ force de nous parler de son livre-conceptdans les articles qu’il imagine à son propos,Mathieu Goguel finirait presque par nousfaire croire qu’il l’a réellement écrit. Car enfin,toutes ces critiques, tous ces commentairessont bien issus d’une réflexion, qui se sui-vent, se complètent, se superposent et finis-sent par former un véritable propos. Le foi-sonnement d’idées et de concepts est mêmetel qu’il semble impossible que l’auteur n’aitpas cherché à les consigner dans un pre-mier livre qu’il aurait pris soin d’effacer pourne nous en offrir que le seul commentaire.Tel n’est pourtant pas le cas. Et pour cause :

le texte de Goguel et son analyse ne fontqu’un. Comprenez que de livre originel, il n’ya pas, lequel a été remplacé par les brouil-lons successifs que son auteur a sans nuldoute été obligé de noircir pour parvenir aurésultat que vous avez sous les yeux. Fragileédifice intellectuel qui ne repose que sur unsimple agencement de mots et qu’un simplecoup de vent pourrait certainement mettreà bas si son bâtisseur n’avait intégré cettedonnée physique dans ses plans, lui offrantune base tournante à l’image de l’œuvre évo-lutive de ces fameux penseurs girouettes quiont marqué le débat intellectuel de cestrente dernières années. Objectif de l’auteur :dénoncer le mécanisme d’emballementmédiatique qui se concentre régulièrementsur quelques ouvrages littéraires «en vue»(sans que l’on sache exactement définir cettenotion) et ignore nombre d’ouvrages pour-tant fort recommandables d’auteurs plus rigides. Tel le roseau, son press book se plie à toutes les exigences du critique, maisne rompt pas grâce à son propos en creux.

Et si le meilleur moyen d’avoir raisonaujourd’hui n’était pas d’avoir raison, maisde ne jamais cesser d’avoir tort tout en pre-nant soin de le faire savoir ? Après tout, tantqu’il y aura des médias assez idiots pourrelayer ces propos vides de sens et des lec-teurs assez naïfs pour les gober, pourquoile débat s’ouvrirait-il à d’autres qui n’ont pasl’expérience des erreurs de leurs aînés? s’in-terroge Mathieu Goguel dans son livre-démonstration afin de nous mettre en facede notre responsabilité de lecteurs, consom-mateurs et citoyens. Puisque lui a été capa-ble de donner de la consistance à un pro-pos vide de sens en l’enrobant dans undiscours journalistique plus vrai que nature,comment interpréter l’information officielleque nous délivrent chaque jour les médias ?Une invitation au décryptage de leur dis-cours qui passe évidemment par l’examencritique de son livre-manuel de désinforma-tion-en creux pour la modique somme de19,68 euros dont l’intérêt réel est volontai-rement laissé à votre libre interprétation.

©Rachel Pfleger©Rachel Pfleger

Page 66: Press Book

130

Après la société du spectacle de Guy Debord

Après la société de consommation de Jean BaudrillardVoici

la société de l’information

vue par Mathieu

Goguel

«Surtout, n’allez pasl’acheter!,

aurait dit Laurent Baffie s’il avait écrit

ce livre.Heureusement

pour l’auteur, tel n’est pas

le cas!

TROIS FOISRIENPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros.

Difficile de reprocher à l’auteur le creuxde son oeuvre puisqu’il place la questiondu vide au centre de se réflexion, préten-dant apporter un regard critique surnotre société de l’information et la for-midable capacité de ses médias à bras-ser de l’air. Avec Press Book, il entendnous démontrer que l’on peut, avec unpeu de talent et beaucoup de mauvaisefoi, créer un tout à partir de trois foisrien. Raymond Devos en avait tiré enson temps un sketch absurde, léger ethilarant. Vingt ans plus tard, MathieuGoguel en tire une revue de presse quitourne à vide, aussi creuse et dénuée desens que notre époque.

131

Rêvedecritique oucritique derêve ?

LEPIRE DUMEILLEUR

Press Book

(Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel,

Erreur Système,

19,68€

Frappé de mégalomanie, un auteurimagine l’accueil critique réservé

à un livre imaginaire qu’il n’a jamaisécrit et utilise le format de la revuede presse pour nous livrer un récit

morcelé en mode journalistique à la gloire de son propre talent,injustement reconnu à ses yeuxpar les médias. En témoigneson Press Book, recueil

de ses meilleures chroniqueslittéraires, qui n’a cependant rien d’un best of tant le pire

y côtoie régulièrement le meilleur.Autant Goguel est brillant lorsqu’ils’agit de dénigrer son propre travail,autant les compliments qu’il s’adresse

sonnent creux, parfois même faux, ce qui décrédibilise fortement

son propos en remettant sa postured’auteur mégalo en doute. Mathieu

Goguel croit-il seulement à l’histoireimprobable qu’il nous raconte articleaprès article? On aimerait le croire.

Car, si tel n’est pas le cas, alors son livre n’est absolument

pas drôle.

-

Page 67: Press Book

132

DELIVRE-MOI DE LA CRITIQUE

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 $

Mathieu Goguel aspirerait-il à se délivrer de la cri-tique, lui dont le quatrième ouvrage se présente sousla forme d’un long réquisitoire à charge contre lesjournalistes littéraires, coupables d’avoir unanime-ment ignoré son troisième et dernier polar motardintitulé… Délivre-moi du mal ? Cela pourrait expli-quer pourquoi son nouvel opus suit un itinéraire aussitortueux que la journée du coursier parisien qui étaitle héros de son précédent. Si on est loin de la fulgu-rance de ses trois premiers polars de motards, Goguelne donne pourtant jamais l’impression de forcer lacadence, ni de rouler trop vite. Cela ne l’empêche pasde délivrer avant la fin de son livre tous les messagesvoulus aux destinataires de son choix, amis, proches,famille, relations, auteurs, journalistes, critiques etlecteurs. Une efficacité nouvelle que l’on sent direc-tement issue de son expérience dans ce métier de durlabeur. Où il faut savoir s’affranchir du critère de lavitesse pure et faire confiance à son analyse desconditions de circulation et à ses choix d’itinéraire.Car seuls compteront en fin de journée le fait d’êtreencore en vie et le nombre de plis délivrés. Au fond,nous dit Goguel dans son livre, que m’importe d’êtrecritiqué en cours de livre pourvu qu’à la fin, je soisrécompensé de mes efforts. Une récompense quiprend la forme d’un statut d’auteur, sûr de sa penséeet de son écriture, qui n’a désormais que faire de ceque la critique peut dire de lui puisqu’il a déjà envi-sagé toutes les possibilités, y compris les pires. Ettant pis si elles étaient avérées. Au moins aura-t-il puse décharger au passage de quelques lourds fardeauxet continuer de progresser sur le chemin de la vie...En attendant le jugement dernier.Douteux

commerce de perles d’unégo chiantdéfroqué

Unauteur

qui se

la pète

grave !

L’HOMME À LA TÊTEDE FEUILLE DE CHOUÉtonnant portrait en forme de chou que dresse de lui-mêmel’auteur de ces petits papiers, comme autant de feuilles depresse qui le constituent et qu’il convient d’arracher une àune pour parvenir jusqu’à son cœur. Lequel s’avère au boutdu compte ne pas exister ou, tout du moins, pas sous la formeconcrète attendue, qui n’est que la dernière feuille repliée surelle-même. En dessous, il n’y a rien, le vide, le néant. Fin dela matière et retour à l’antimatière qui lui a donné naissance.Du livre effeuillé, il ne subsiste que l’âme de son auteurvaporeux, le souvenir ballonné de son propos nauséabond, le ventre gonflé de son propos en creux, les relents de sonodeur à venir, mais n’est-ce pas précisément là tout ce qu’ondemande à un livre que l’on vient de dévorer ? Demande-t-onà un chou que l’on vient de manger de réapparaître dansnotre assiette pour nous offrir l’image de ce qu’il était avantde nous importuner l’estomac avec ses gaz? Cycle naturel de la digestion qui symbolise parfaitement le message queMathieu Goguel cherche à nous délivrer dans son quatrièmeouvrage intitulé Press Book (Ceci n’est pas un livre). Dont ce n’est pas tant l’inéluctable résidu final qui importe le plus, vents plus ou moins favorables selon les organismes,que son cheminement dans notre corps et la matière critiquedont il aura alimenté notre intellect endormi au passage. Un caractère «chiant» auto revendiqué par l’auteur qui nemanquera pas de déplaire aux pisse-froids de la critique, plus habitués à décréter les tendances qu’à les suivre, maisfait indubitablement souffler un air nouveau sur la littératurecontemporaine, dont ne devrait pas tarder à s’emparer la presse de caniveau par l’odeur du scandale alléchée pour ce que cela ne fait que verser de l’eau à son moulin.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Page 68: Press Book

SELONGOGUEL

LADISPARUTION

134

ceci étaitune pageblanche

Non pas un livre de Mathieu Goguel, mais

un livre d’après Mathieu Goguel. Comprenne qui

pourra !

«Au fond, qu’est-ce qu’un livre?», nous

interroge l’auteur par la voie de sa

dématérialisation. Si sa fonction est d’être

lu, ne conviendrait-il pas d’établir une

distinction entre les livres lus, objets

essentiels à notre civilisation, et les livres

non lus, rebuts de notre société de

consommation? À partir de quel stade

peut-on d’ailleurs ranger un ouvrage dans

la catégorie des «livres non lus»? Certains

livres cachés dans les bibliothèques de nos

grands-mères ne nous ont-ils pas interpellés

par surprise quelques dizaines, voire

centaines d’années après leur publication

alors que personne ne les avait encore

jamais ouverts ? Et que dire de ces milliers

d’invendus envoyés au pilon moins

de trois mois après leur

sortie en librairiefaute

d’avoir trouvé

lecteur? Sont-ce encore

des livres que l’on détruit ainsi ou

ne sont-ils déjà plus que de simples feuilles

de papier à recycler ?

Et que penser de ces innombrables livres de

plage, best-sellers vides de contenu que

nous avons tous achetés un jour pour

occuper nos longues journées de farniente

sous le soleil ? Impossible de nous en

souvenir alors que nous les avons pourtant

lus, non? Au reste, qu’est-ce que lire un

livre? Suffit-il de le commencer ou faut-il

nécessairement le terminer pour prétendre

l’avoir lu?

Et peut-on dire qu’on a lu un livre lorsque,

le refermant à la dernière page, on réalise

qu’on n’a strictement rien compris à ce qu’il

racontait ? À l’inverse, combien de livres

garderons-nous éternellement en mémoire

alors qu’ils ne sont plus en notre possession

depuis longtemps? Autant de questions

qui transparaissent du non-livre de

Mathieu Goguel pour ce que sa lecture

vous obligera à vous les poser à son propos.

Pour au final n’être que ce que vous

parviendrez à en faire et en dire.

Press Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros ¤

Page 69: Press Book

136

Un auteur surpris en

flagrant délire deplagiat !

MONAUTOFICTIONÀ MOIDe cette revue de pressefantasmée sur le livre qu’ilest en train d’écrire sedégagent à la fois le portraiten creux d’un auteur à lapoursuite de son œuvreet le récit de sa constructionen cours par journalistesinterposés. Un projetlittéraire global qui ne cessed’entremêler les rêves et la réalité et faitalternativement émergerl’œuvre de son auteur etl’auteur de son œuvre.Lesquels ne forment bientôtplus qu’un et un seul, êtrelittéraire autant que penséevivante, entreprise artistiqueet homme-catalogue,incarnés et rassemblés dansun même et unique objet-livre qui s’inscrit dans le prolongement du génial

et hallucinant Lunar Park deBret Easton dont il pousseencore plus loin le principede la manipulation dudouble. Une autofiction donc,à mi-chemin entre fiction et autobiographie, qui luipermet d’exprimer toutes ses vérités intimes – y compris les plusinavouables – sans tomberdans le didactismechronologique et justificatifqui caractérise de tropnombreux récitsautobiographiques. Nonseulement Goguel n’est pasmort, mais il est bien vivantqui s’inscrit parfaitementdans notre époque, dont ilreproduit parfaitement –sans même les caricaturer –les dérives journalistiques, à commencer par leur proseabsconse, si caractéristique.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

Lorsque Victor Hugo croise Gogol Premier,C’est le chantage affectif assuré

Sur un air de Gavroche et un ton de reproche.

Tous en choeur, reprenez avec moi ce couplet enchanteur

:Je n’ai aucun talent,

c’est la faute à Maman,Pas de science littéraire,c’est la faute à mon frère,

Si j’emmerde le lecteur,c’est la faute à ma soeur,Et que mon livre est plat,

c’est la faute à Papa.

À force de s’apitoyer sur

lui-même et de s’écouter

écrire, Mathieu Goguel

finit par transformer

ses lecteurs en voyeurs

de son livre-spectacle !

Page 70: Press Book

139

De Press Book son auteura pour l’instant refusé deparler, estimant que sonœuvre remplirait bienmieux cet office que lui.

Un argumentdifficilement contestableau vu de son conceptnarratif revendiquéjusque dans son titre.

Revue de pressefantasmée de son livreimaginaire, dont lesarticles constituentautant de fragmentséparpillés de son œuvre rêvée.

Un livre-puzzle que le lecteur est invité àrecomposer pour faire laconnaissance de l’auteur.

Une oeuvre complexe et exigeante qui réclameune lecture active tant le chemin qui mènejusqu’à lui est seméd’embûches, de chausse-trappes, de faussespistes, autant d’obstaclesqui, une fois franchis,vous donnerontl’impression d’avoir luune œuvre majeure…sans que son auteur l’ait écrite.

C’est sans doute là le plus beau tour de forceréussi par son auteur :avoir su créer par ce jeude miroirs une mise enabyme telle qu’ellerejaillit directement sur ses lecteurs.

Au fond, peut-être n’en apprendrez-vouspas beaucoup surMathieu Goguel en lisantson Press Book, mais nuldoute que vous vousconnaîtrez mieux en le refermant pour ce que sa lecture vous auraamené à réfléchir sur l’impossibilité– pourtant résolue –d’écrire un tel livre.

Press Book (Ceci n’estpas un livre) de MathieuGoguel, Erreur Système,19,68 ¤

Pa

tchwork

in

progress

Derrière ce double titre provocateur se cache un objet litté-raire étonnant, sorte de livre-caméléon dont la vocationsemble être de se conformer à tous les qualificatifs queson auteur lui accole page après page en se projetant dansla peau de journalistes chargés de le commenter au fur età mesure qu’il l’écrit. De tous ces avis contraires, antinomi-ques, voire contradictoires, on pourrait facilement déduireque l’auteur se cherche, qui ne tient pas en place et s’agitedésespérément à la recherche d’une échappatoire. Maispeut-on affirmer que le caméléon a bougé parce que, sou-dain, on ne le distingue plus? N’est-ce d’ailleurs pas en dis-paraissant de notre champ de vision qu’il affirme son iden-tité? Autrement dit, ce n’est pas parce que Press Book suit,page après page, le vent changeant de la critique et épouseses contours fluctuants que l’auteur s’égare. Bien aucontraire, c’est dans ces revirements permanents qu’il nousrévèle sa vraie nature, celle d’un auteur qui a aussi peur dela critique que son livre en a besoin pour exister. Une posturestatique bien craintive pour un auteur qui prétend venirbousculer la hiérarchie littéraire avec son méta-livre. Goguelaurait-il à ce point honte de ce qu’il écrit pour rougir ainsi dèsque le sang coule sous sa plume assassine?

LA HONTEDU CAMELEONPress Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Page 71: Press Book

des magazines culturels, ce dernier a en effet pu mesurer l’impact

de leur silence sur les ventes de ses livres. Une expérience doulou-

reuse qu’il cherche aujourd’hui à positiver en l’inscrivant au cœur de

sa démarche d’auteur.

C’est le grand paradoxe de notre époque. Où jamais la liberté d’infor-

mer n’a été autant revendiquée, affirmée, pratiquée, mais ne fait

qu’aboutir à des pensées de plus en plus «uniques», des compor-

tements de plus en plus grégaires, des «sélections» de plus en plus

réduites et sécurisées. Intermédiaires incontournables entre le pro-

duit et le marché, les médias et leurs représentants prescripteurs,

«les critiques», sont au centre du quatrième livre de Mathieu Goguel.

Une réflexion sur les rapports ambigus qu’entretient le monde de

l’art avec les médias que Goguel choisit de traiter à la mode situa-

tionniste en plaçant son propre livre au cœur du débat et son pro-

pre personnage au centre de son œuvre, observé et analysé à tra-

vers le regard des journalistes chargés de chroniquer le livre qu’il

est en train d’écrire. Une mise en abyme de son personnage d’au-

teur au travail qui ne l’empêche cependant pas de développer sa pro-

pre pensée et de jeter sur notre monde son regard critique et acéré

d’écrivain tout en récupérant – le temps de son livre – le contrôle de

son image publique. Un véritable numéro d’équilibriste en forme de

pied de nez adressé aux médias que n’aurait certainement pas renié

Magritte pour ce qu’il se situe dans la continuité de sa propre

réflexion sur l’action du peintre sur l’image, dont il rappelle au pas-

sage l’étonnante modernité.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

L’ACTION DE L’ARTISTE

SUR L’IMAGE

Même mort, René Magritte reste vivant qui continue de nous

parler à travers son œuvre. Quatre-vingt ans plus tard, la célè-

bre formule-programme du peintre surréaliste Ceci n’est pas une

pipe tirée de son tableau La trahison des images (1928-29) conti-

nue de fasciner, d’interroger et d’inspirer comme en témoigne

la parution chez Erreur Système d’un ouvrage signé Mathieu

Goguel qui revendique son influence jusque dans son titre: Press

Book (Ceci n’est pas un livre).

Lorsque le peintre surréaliste représentait une pipe accompa-

gnée de la formule Ceci n’est pas une pipe, il nous invitait à consi-

dérer l’objet comme une réalité concrète et non pas en fonction

d’un terme à la fois abstrait et arbitraire. Lorsque l’écrivain choi-

sit de sous-titrer son ouvrage Ceci n’est pas un livre, il nous invite

au contraire à ne pas considérer la fonction de l’objet, mais celle

–antinomique– de son titre principal, Press Book. En jouant sur le

décalage entre un objet et sa représentation, Magritte s’interro-

geait sur l’action du peintre sur l’image. Dans notre société de

communication et d’information, l’image devenue industrielle ne

peut plus être considérée qu’en flux. Pour Goguel, l’enjeu n’est

donc plus tant d’analyser la fabrication des images, aussi vite

remplacées qu’elles sont consommées, que de s’interroger sur

les raisons qui amènent certaines d’entre elles à bénéficier d’une

surexposition médiatique quand les autres tombent dans l’oubli.

Auteur de trois premiers romans, passés totalement inaperçus

Le syndrome de la page blanche enfin vaincu ?

Page 72: Press Book

Le début de la fin ?

143142

L’avenir du zéro pointépour qualifier la création de Mathieu Goguel tant sa définition

recouvre parfaitement son aspect matériel. «Assemblage de

feuilles reliées entre elles», nous dit le Petit Larousse. Alors quoi ?

Un livre se caractérise-t-il par sa seule réalité physique ou doit-on

aussi prendre en compte l’histoire qu’il raconte, les idées qu’il

exprime, les concepts qu’il véhicule, les émotions qu’il procure, les

sentiments qu’il fait ressentir, les réactions qu’il suscite ? Le

manuscrit devient-il livre lorsque l’éditeur décide de le publier,

lorsqu’il passe dans les mains d’un lecteur, lorsqu’il dépasse un

certain nombre de ventes ou lorsque le taux de satisfaction de

ses lecteurs dépasse un certain seuil ? Et qui est le mieux placé

pour le qualifier ? L’auteur, le lecteur ou le journaliste ? Autant de

questions auxquelles l’auteur s’efforce de ne pas répondre afin

de mieux nous interpeller. En nous obligeant à y apporter nos

propres réponses, c’est l’ensemble de notre rapport à la société

d’aujourd’hui – consommation, communication, information – que

Mathieu Goguel interroge à travers son livre, dont chaque article

incarne l’une de ses dérives, avérée ou hypothétique, jusqu’à ce

que se forme dans nos esprits l’image d’un monde en

décomposition régi par les seuls médias. Une vision aussi

fascinante que monstrueuse qui n’est heureusement pas le reflet

de la réalité, mais le portrait-robot en creux de la représentation

pour le moins pessimiste que s’en fait son auteur.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68€

No

fu

ture

fo

reve

r

!

Surréal isme is not dead !

Press

Book / Ceci

n’est pas un livre.

D’un côté, un objet utilitaire

à vocation commerciale. De l’autre,

une évidente référence au mouvement

artistique surréaliste à travers la transposition

à la littérature du célèbre «Ceci n’est pas une

pipe» de René Magritte. De l’union de ces deux

concepts à la fois proches et antinomiques émane

une oeuvre littéraire inédite, multi-facettes et

protéiforme qui emprunte successivement à chacun

des genres littéraires connus (roman, essai, fiction,

récit, témoignage, autobiographie, autocfiction,

correspondance) sans pouvoir être rattachée à aucun.

Défaite du critique confronté aux limites de son art ou

victoire d’un auteur prêt à tout pour ne pas être catalogué,

y compris à saborder son oeuvre en la privant d’identité ?

En choisissant la pirouette négative d’inspiration surréaliste

Ceci n’est pas un livre comme sous-titre de son press book,

l’auteur ne fait pas que créer un oxymore, il nous interpelle sur

le sens de ces deux mots. Puisque lui a été capable – au moyen

d’un procédé artistique – de les faire cohabiter dans une entité

unique, finie et cohérente, il place les critiques en face de leurs

responsabilités, les sommant de nommer le fruit de son travail. Si

Press Book n’est pas un livre, qu’est-ce que cela peut-il bien être ? Un

«non-livre», un «contre-livre», un «livre-objet», «un méta-livre»,

«un livre-caméléon», etc. ? En vérité, il est difficile

de ne pas faire allusion au mot livre

Page 73: Press Book

144D’abord, il y a l’humour motard, souvent noir, qui regarde la mort

en face pour la tenir à l’écart. Certes, ce n’est pas le Joe Bar Team

et on ne se gondole jamais vraiment en lisant Press Book, mais il y

a suffisamment d’autodérision dans ses pages pour qu’on se

souvienne que Goguel a débuté sa carrière d’écrivain avec des

«polars de motards». La faucheuse, inséparable compagnon du

motard, dont il nous offre une représentation aussi symbolique que

vivante en mettant son propre personnage en scène dans la revue

de presse qui constitue son livre, tour à tour auteur en train

d’écrire le livre qu’il critique et journaliste critiquant le livre

auquel il contribue. Un va-et-vient permanent qui permet non

seulement à Goguel de mettre en abîme la figure de l’écrivain au

travail, replié sur lui-même, rongé par le doute et – heureusement

parfois aussi – satisfait de son texte, mais aussi de s’y projeter

personnellement en nous livrant de ci, de là, au détour des

méandres de sa pensée tortueuse quelques vérités sur son

parcours. Il s’agit donc là d’une mécanique qui tourne à vide, sans

autre histoire que celle sans intérêt de sa vie d’auteur de polars de

motards telle que vous parviendrez peut-être à la reconstituer en

assemblant les bribes d’informations qu’il nous livre au compte-

goutte sur sa personne. Un choix de sujet qui s’avère pourtant fort

judicieux, non pas tant que Goguel soit le mieux placé pour parler

de lui-même, mais parce que le faible intérêt a priori de sa vie – à

nos yeux, s’entend – l’oblige à développer de multiples artifices

verbaux et rhétoriques pour piéger les lecteurs et les persuader de

le suivre jusqu’au bout de l’exploration toujours plus profonde qu’il

effectue de son univers mental au fil des pages de son Press Book.

Nous voici donc embarqués dans une course-poursuite d’un

nouveau genre, dont nous ne sommes plus – comme dans ses

romans précédents – les spectateurs passifs, pour ce que le

développement final n’en est pas plus connu à l’avance de l’auteur,

dont la pensée erratique tourne en boucle dans son cerveau à la

recherche de la lumière, que de ses lecteurs, qui lui collent au train

dans l’espoir qu’il finisse par trouver la sortie. Invitation d’autant

plus alléchante qu’en ces temps de crise économique et de

répression routière, un voyage à 19,68 euros, assurance comprise,

dans des contrées aussi vierges et lointaines que l’inconscient de

son auteur, c’est presque cadeau !

ROAD BOOK…TO NOWHEREPress Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Exit les bécanes, les motards, les meurtres et les flics de ses premiersromans noirs ! Pour son quatrième ouvrage, Goguel nous invite à lesuivre dans une exploration encore plus effrayante, celle de son propreunivers mental, torturé, angoissé, hanté par ses échecs, travaillé parson passé et sa terrible soif de reconnaissance, au travers de la revuede presse fantasmée de son livre en cours.

Pas facile de suivre Mathieu Goguel dans son parcours sinueux d’auteurtant l’homme – en bon motard qu’il est – semble vouer un culteparticulier aux virages, avec une préférence marquée pour les épinglesà cheveux, lui qui aime tant les couper en quatre. Trois ans après letroisième tome de sa trilogie motarde, le voici de retour en littératureavec un livre qui ne fait qu’effleurer – de très loin – le thème de lamoto, mais ne s’en éloigne paradoxalement jamais vraiment beaucouptant le sujet de la mort – de sa mort – y occupe une place centrale.

Le m

oins

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pui

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dire

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sui

vre !

Page 74: Press Book

147146

Comment ne pas se perdre dans un livre aussi déroutant ?

Est-ce en égarant son sujet que

l’auteur se trouve ou en trouvant son

sujet que l’auteur s’égare ? Si la

question se pose sérieusement à

propos du quatrième ouvrage de

Mathieu Goguel, c’est parce qu’il est

extrêmement difficile de distinguer la

part réellement autobiographique de

son récit conçu – et reconnu comme

tel – comme une pure manipulation

littéraire destinée à n’en révéler le

portrait en creux qu’à ceux de ses

lecteurs qui sauront lire entre les

lignes des articles imaginaires qui

peuplent la revue de presse de son

livre fantasmé. Stop ! N’en jetez plus !

Comprenez que l’auteur semble

décidé à jouer avec nos nerfs et ne

nous reste jamais aussi étranger que

lorsqu’il parle ouvertement de lui-

même en abordant des sujets aussi

graves que son rapport à l’écriture, à

la critique ou à l’art.

Ce n’est que pour mieux nous

apparaître aux détours de quelques

paragraphes anodins a priori

éloignés de son sujet central.

Attention cependant ! La règle n’est

pas systématique ! Insaisissable,

Goguel n’aime rien tant que de

surprendre son lecteur afin – sans

doute – de le conserver jusqu’à la fin

de son ouvrage. Une interprétation

qu’il est cependant difficile

d’argumenter en se basant sur son

propre récit puisqu’il semble

également tout faire pour nous en

tenir éloignés en le sous-titrant «Ceci

n’est pas un livre», puis pour nous en

éjecter en multipliant les critiques

incendiaires à son propos. Un esprit

de contradiction poussé à un tel

paroxysme qu’il débouche

inévitablement sur de nombreux

paradoxes dont il fait son miel, mais

interroge aussi sur sa construction

psychologique. Car enfin, ce type

n’est pas normal, qui ne cesse de

réclamer l’amour des autres tout en

les empêchant d’accéder jusqu’à lui

et parvient à produire une autofiction

par livre interposé dont il sous-traite

l’écriture aux journalistes qui seront

chargés de chroniquer son livre pour

mieux laisser ses lecteurs l’imaginer

par eux-mêmes. Comprenez que c’est

clinique et qu’une consultation

s’impose auprès de spécialistes

reconnus du genre.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu

Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

Scénario sans

issue

Quand un auteur

brasse de l’air,son livre partdirect enlive !

Il y a un

hic dansl’automath

Debord à Baudrillard en passantpar le centre de l’univers,Duchamp au contrechamp de sapensée en partant de son nombril,A dada sur son Queneau, à Dali sur son navet, Goguelaccumule les kilomètres au compteur de son scooteret fait le tour du monde sans faire le tour du problème.

Autoanalyse surprise par son auteur ?

Autobiographie par anticipation?

Autocritique par procuration?

Autoapprentissage d’un manuel ?

Autosuffisance sous dépendance?

Autodestruction avant l’heure ?

Automédication sous influence artificelle ?

Autovernissage d’une exposition littéraire ?

Autocensure sans saveur, ni sincérité ?

Autosuggestion déléguée à son propos ?

Autopersuasion sous assistance?

Autopromotion d’une publicité ?

Autoévaluation d’un inconscient ?

Autosatisfaction sans conviction?

Auto-école d’un livre en cours ?

Autoscopie sans concession?

Autoexpérimentation sous X?

Autoréaction à son propos?

Autodafé arrosé à sa santé ?

Audoédition mal assumée?

Autolivre sans conducteur ?

Autoexamen d’une leçon?

Autofiction sans artifice

Autoportrait sans sujet ?

Autoconfession en creux

Autocentre sans véhicule ?

Autoroute sans passager ?

Autostop à l’arrêt ?

Page 75: Press Book

149148

Ou l’autoconfessionexcessive d’undélinquanttextuelcaractériséMathieu Goguel encule lesmouches comme d’autresenfilent les perles, avec unnaturel désarmant et unefacilité déconcertante. Unetendance affirmée pour lamasturbation intellectuellequi n’est cependant que le symptôme le plusapparent – et pour cause – dumal qui le ronge de l’intérieur.Car enfin, la violence verbaledont l’auteur fait preuve – y compris contre lui-même – dans son quatrième ouvrage,ne peut être que l’expressiond’une véritable souffrance,dont les mots venimeux qu’ilexpulse en nous les crachant– littéralement – à la figuresont évidemment les porteurs.Faut-il que Mathieu Goguelait souffert du – ou par – lelangage pour aujourd’hui lemaltraiter avec un tel plaisir

sadique. Quand il ne vide pas purement et simplementles mots de leur sens à forcede les malaxer et triturercompulsivement, Goguel lesprend, les retourne et lesenfile jusqu’à leur faire direexactement ce qu’il veut.Puis, aussitôt son forfaitaccompli, recommence avecd’autres dont il noircit la pagesuivante sans se préoccuperde la continuité, ni de lavacuité de son discours. Seul compte le plaisirimmédiat que lui procurentles jeux douteux qu’il leur administre contreleur gré. Les mots ont beautenter de résister et d’opposerleur bon sens à ses tentativesrépétées de les détourner dudroit chemin, Goguel finittoujours par tromper leurvigilance, ne se privant pasd’utiliser nombre d’artificesverbaux et de figures derhétorique pour parvenir àses fins. Une pathologielourde qui exigemalheureusement un public – le lecteur – pour s’exprimertant il semble avoir un besoinmaladif d’être lu et écouté,autrement dit reconnu. Maisefface-t-on jamais pareillesouffrance ? Dans son corpsd’adulte, Mathieu Gogueln’est encore que ce petit

garçon en souffrance qui vient défier la critique sur sonpropre terrain avec ses jeuxde mots cruels et gratuits,espérant sans doute se voirfixer les limites qu’aucuneautorité n’a pu ou n’a su,jusqu’à présent, lui imposer. Est-ce à dire qu’il cherche une nouvelle famille de cœur ?Si oui, on peutmalheureusement douter de sa capacité à accepter lesrègles collectives qui régissentle milieu. Car, à 38 anspassés, l’auteur a eu le tempsde faire de ses failles un modede fonctionnement. En choisissant de devenirécrivain, ce n’est du reste pasen marge de la société qu’ils’est placé, mais au contrairedans le seul modèle qui lui estparfaitement naturel : celui del’auteur masqué solitaire, seulet contre tous. Même qu’à lafin, qu’il gagne ou qu’il perde,il demeure toujours pauvre etsolitaire.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de MathieuGoguel, Erreur Système, 19,68 euros

AUTO-PSY D’UNLIVRE VIVANT

Un livre à son image : plus négatif que son auteur tumeurs !

Inutile

de songer

à vous

résumer Press

Book !

Un journaliste

entier n’y

suffirait pas !

Page 76: Press Book

Comment ne pas établir de lien entre cette revue de presse imagi-naire d’un livre en cours d’écriture et la crainte ressentie par sonauteur de ne pas se montrer à la hauteur des attentes suscitées parl’annonce de son écriture? Une peur si présente dans le cerveau deMathieu Goguel qu’elle finit malheureusement par envahir l’ensem-ble de son ouvrage jusqu’à en devenir le sujet central et déteindresur ses lecteurs en les remplissant d’effroi à chacune de ses pagesjusqu’à dissuader nombre d’entre eux d’en achever la lecture. De là àaffirmer que l’auteur a réussi dans son entreprise d’intoxication lit-téraire, il n’y a qu’un pas d’autant moins difficile à franchir que l’on aviolemment rejeté son propos. Un argument convaincant mais qu’ilrevient cependant au critique d’étayer sur la base d’une lecture

exhaustive afin de prévenir ses acheteurs suivants du danger encouru.À quoi bon se laisser envahir par la peur et les doutes de Goguelquand tant d’auteurs connus suffisent à nous rassurer en nous confor-tant dans notre croyance d’un avenir meilleur? À quoi bon, du reste,se projeter dans un futur aussi sombre que celui de l’accueil réservéau livre de Goguel quand le présent de sa page blanche mobilise déjàtoute notre énergie de lecteurs et que sa peur du jugement à venirl’empêche de s’en construire un, personnel? Goguel souffre d’écrire,emprisonné qu’il est dans le schéma répétitif de la même critique deson livre impossible à terminer, et nous, nous souffrons de ne jamaisvoir de fin à la lecture de son ouvrage perpétuel qui le rend de factoimpossible à critiquer et à aimer. Une fois les grandes lignes de l’ou-vrage présentées à ses lecteurs, ne reste donc plus au critique impuis-sant qu’à s’interroger sur les raisons qui ont conduit l’auteur à choi-sir une contrainte aussi lourde pour développer son propos. Il faudrapourtant bien qu’un jour, Goguel se dépouille de ces masques encom-brants pour affronter ses démons en face et se libère de leur influencepour se mettre au service de la seule littérature. Alors, peut-être, oncommencera à s’intéresser à ses livres pour ce qu’on y sentira enfinl’auteur à succès percer sous l’homme avide.

151

Sous les pavés

que Goguel

balance à la

critique, il n’y a

malheureusement

qu’un livre de plage

pour esprits

en vacances.Livre noir d’unjournalisme

absent oulivre blancd ’un journalistetransparent ?

ANTIBIO SANSPRESCRIPTION

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152

«Deux en un», ont ironisécertains à la sortie du livre. Deuxtitres pour un seul livre, formantune sorte d’oxymore,effectivement, cela faisait troppour quelques esprits étroits.Car, en vérité, non seulement les deux titres ne se contredisentpas, quoi qu’aient pu en dire,mais ils se complètementharmonieusement pour offrir uneimage exacte de ce que sera lacréation : exercice dedédoublement de la personnalitéde son auteur, un livre (quin’existe pas) et son négatif (qui fait l’objet d’un press book),le tout inscrit dans une démarcheassurément artistique qui n’a decesse de renvoyer à d’illustresprédécesseurs, qu’ils soientpeintres ou écrivains, deMagritte à Duchamp en passantpar Queneau, Derrida et surtoutAndy Warhol, dont l’oeuvre 50%peinture, 50% littérature semblel’avoir particulièrementinfluencé. Si le premier réflexeest d’établir un parallèle entre laquête de renommée médiatiquequi amène Mathieu Goguel àrédiger lui-même les articles à sapropre gloire et le fameux quartd’heure de célébrité jadis promispar le maître à chacun d’entrenous, on ne peut en effet ignorerau vu de l’accumulation decoupures de presse qui constituesa revue de presse artificielle lapeinture sérielle de Warhol (sesboites de soupe Campbell, sesMarylin, etc…), pour ce qu’ellerelève de la même stratégieartistique consistant à détournerl’objet de sa fonction premièredans le but de faire passer unmessage à caractère politique(une protestation contre

la société d’information).Destiné à la simple lecture,fonction utilitaire, son livredevient press book, objetesthétique nous invitant à laréflexion sur le thème «qu’est-cequ’un livre ?» et, partant de là,«qu’est-ce qui fait la matière dulivre ?» et «qu’est-ce qui fait quenous pensons que c’est un livre?» lui offrant une secondefonction qui cohabite avec lapremière. Deux-en-un donc, à la fois oeuvre-marchandiseindustrialisée, composée depapiers recyclés, et collage-produit artistique constitué par son auteur afin d’interroger la fonction de la presse, objetvendu et service-après-venteassuré par l’auteur lui-mêmedans le cadre d’une relationfusionnelle avec ses lecteursqu’il semble vouloir étreindre enmasse, oeuvre et commentairede l’oeuvre. Entreprise littérairedéconstructiviste que n’auraitsans doute pas reniée AndyWarhol qui avait pour habitude de dire : «Parler est monmétier». Une phrase qui va bienplus loin qu’un simple acte decommunication destiné àsoutenir la commercialisation de ses tableaux comme entémoignent les huit livres dont ilest l’auteur et qu’un livre paru en2008 chez Grasset nous a permisde redécouvrir (Warhol spirit deCécile Guilbert). Il y a bien chezWarhol un propos, une vraieparole comme il y a bien chezGoguel une vraie volonté de nousreprésenter son livre, tantgraphiquement que mentalementau moyen d’«images littéraires»censées enterrer le «genre» du livre, afin de se faire à son

tour fossoyeur de la littérature et prolonger le geste littérairecontemporain fondé par sonaîné. Pour autant, il ne se laissepas envahir par son influencerevendiquée et sait rester à l’écoute de la qualité littéraire«journalistique» induite par sonsujet qui lui impose parfois de prendre la voie opposée. Là où Warhol avait évacuélyrisme, imagination,subjectivité et passé simple de son écriture, Goguel en fait unusage régulier dans ses textestravaillés au cordeau, n’hésitantpas à les charger de jeux de motset figures de style variées pournous donner l’impression delourdeur recherchée. Reste qu’il se dégage de l’ensemble,c’est à dire de la compilation detous ces articles en revue depresse, une sorte de littérature-enregistrement, encore plusobjectivante que le NouveauRoman, sans que l’on sachejamais – cadre narratif oblige – si Goguel adhère vraiment à sonpropos, s’il met son égo en avanten retrait, s’il se prend au sérieuxlorsqu’il décrit son livre parjournalistes interposés. Commesi les deux hommes étaientréunis par la même ironiecandide qui leur permet de direles choses sans se soucier d’avoirl’air idiot, ni mystique, et lamême absence de désir et d’égoqui permet de se laisser envahirpar le monde pour mieuxs’exprimer à travers lui. Commesi Andy Warhol avait trouvé enMathieu Goguel son disciple dedemain, le nouveau Pape de l’ArtPopulaire... de rien.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de MathieuGoguel, Erreur Système, 19,68 ¤

La représentation d’un livre

SECONDLIFEQui n’a jamais rêvé de devenir célèbre, ne serait-ce que la durée du fameux quart d’heure de gloirejadis promis à chacun d’entre nous par Andy War-hol ? Pas Mathieu Goguel en tout cas qui n’hé-site pas, pour parvenir à ses fins, à écrire en guisede livre une ode à la gloire de son génie d’écri-vain, passé inexplicablement inaperçu jusqu’à cejour. Un propos nombriliste dont l’excès assumén’est destiné qu’à attirer l’attention de quelquesjournalistes en quête d’un sujet de téléréalité biencorsé. A ce petit jeu là, le talent de compositiondont Goguel fait preuve, jouant successivement etcrescendo sur tous les registres de la dérivemégalo, parano et schizophrène jusqu’à refuserd’apparaître publiquement sur le petit écran poury parler de son livre, installe son personnage d’au-teur jusqu’au-boutiste dans une pseudo-myhto-logie de la résistance, qui fait de lui le candidatidéal de ce type d’émission racoleuse, celui qu’onbrûle de voir renier sa foi pour mieux le placer enface de ses contradictions.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €Si ce livre

n’est pas

espérons

au moins pour son

auteur qu’il sera

lu à la TV...

Page 78: Press Book

155154

L’HOMMEDE LAMAN-CHETTETout le monde connaissait L’Hommede la Mancha, célèbre personnage deCervantes, il faudra désormaiscompter avec l’homme de lamanchette, dont le combat perdud’avance contre les moulins à vent dela critique, dépositaires officiels de lapensée politiquement correcte,pourrait bien tourner à son avantagepour peu que les lecteurs suivent sonpropos jusqu’à la dernière ligne.Il est certaines défaites plus glorieusesque la victoire. Des morts héroïquesqui valent triomphe. Car au-delà dessiècles, c’est leur souvenir qui façonnel’histoire et nous reste en mémoire.Sans préjuger de la carrière de sonquatrième livre, souhaitons à MathieuGoguel d’entrer un jour au Panthéonde la littérature française. «Au moins,

j’aurai essayé !», pourra-t-on alorsécrire sur sa tombe d’auteur tombé auchamp d’honneur de la critique, dontle sacrifice prendra aussitôt valeurd’exemple pour la jeunesse de notrepays. Une reconnaissance dont onpeut malheureusement craindrequ’elle soit posthume au vu de lafrilosité intellectuelle qui caractérisenotre pays depuis une quarantained’années, soit approximativement l’âge de Mathieu Goguel, né en 1970.Lequel fait partie de cette générationsacrifiée qui a subi de plein fouet lesrépercussions de l’après 68 et vécuavant ses vingt ans les deux premierschocs pétroliers, la fin des trenteglorieuses, l’apparition du SIDA, la fin des idéaux communistes avec la chute du Mur de Berlin, le début de la déliquescence de la cinquièmerépublique ainsi que l’amorce dela dérive ultralibérale du modèlecapitaliste – auquel il a du reste versésa quote-part en commençant sacarrière comme chargé d’étudesmarketing. Pas étonnant que le garçonsoit resté bloqué au stade adolescent, à un âge où il n’avait pas encoreconscience du «monde de merde»dans lequel il allait devoir s’accompliret –pire encore– s’épanouir. Pasétonnant non plus qu’il s’en prenneaujourd’hui au symbole et plus fidèlereprésentant de la dérive de notresociété de consommation, dont

l’hypocrisie conjuguée au cynisme ontvisiblement eu sur lui un effettraumatisant : les médias. Coupablesnon pas tant de l’avoir bercéd’illusions à un âge où il était encorenaïf, ni d’avoir brisé ses rêves alorsqu’il s’apprêtait à les accomplir, maiscoupables à ses yeux de s’être voilés laface pour ne pas voir – et encoremoins analyser– la triste réalité dumonde qui se construisait sous leursfenêtres et d’avoir contribué nonseulement à ce que rien, ni personnene bouge, mais aussi – et c’est bien làle pire– à ce que personne ne puisseplus jamais le faire en nous isolantdans notre individualisme jusqu’àéradiquer en chacun de nous touteforme de croyance dans une éventuelleintelligence collective. Ce n’est pas un hasard si MathieuGoguel s’inspire ouvertement dupersonnage de Don Quichotte pourvéhiculer son propos rebelle, lequel n’asemble-t-il jamais été aussi actuelcomme en témoigne le récent combatmené par l’association de ses amispour reloger les sans-abri. A sa façon,Mathieu Goguel, auteur sans livre, enest un. Sans papier, également, qui netrouve pas sa place dans la société etn’a d’autre arme que son activismepour exister, quitte à forcer la main àceux qui ne veulent pas lui reconnaîtreson droit fondamental à la critique deson livre en utilisant les mêmes

stratagèmes qu’eux. Dans ce domaine-là, Mathieu Goguel ne semble avoir de leçon à recevoir de personne quimanie si adroitement le langagejournalistique qu’il parvient à lui fairedire tout et son contraire dans la même phrase élégante tout endonnant l’impression au lecteurd’avancer tandis que lui-même recule.Plus réaliste que cela, tu meurs ! Pourautant, conscient qu’il ne suffit pas de s’offrir en victime expiatoire d’unsystème à la dérive pour susciter sonintérêt, Goguel ne s’arrête pas là ets’attache à magnifier le vide de sonpropos afin d’offrir une nouvelledimension, plus artistique, à sonoeuvre en creux. Là encore le parallèleavec le personnage de Don Quichottes’impose qui a inspiré à Terry Gilliaml’un des plus beaux films… jamaisréalisé, L’homme de la Mancha, dontPress Book est une sorte de pendantlittéraire puisqu’il est le making of dulivre que Goguel n’a pas voulu écrireen hommage à son héros préféré. À quoi cela lui aurait-il d’ailleurs servialors que sa revue de presse nous enoffre une vision parfaitement clairequi suffit à l’inscrire dans la légendepopulaire ?

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

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L’ETERNITEAVANT L’HEURE...Au silence assourdissant des médias généralistes qui ont ignoré ses troispremiers romans, Mathieu Goguel répond par le vacarme silencieux queproduit l’emballement médiatique suscité par la sortie de son quatrième livre.Mais s’agit-il seulement d’un livre qui s’intitule Press Book (Ceci n’est pas unlivre) et se présente comme la revue de presse de son ouvrage inachevé ? Au delàdu work in progress se cache une réflexion sur l’art et ses liens de plus en plusétroits avec les médias. Comment se faire remarquer de la critique sans tomberdans les excès et provocations qu’elle prétend combattre, mais ne faitmalheureusement que relayer au plus grand nombre... si ce n’est en lesretournant contre soi-même pour les mettre au service d’un double langage.En se projetant personnellement dans son oeuvre, en y dévoilant de nombreuxaspects de sa vie intime, en s’y auscultant parfois jusqu’à l’os, l’auteur cherche-t-il à capter notre attention ou à susciter notre pitié ? A moins qu’il ne s’agisseque d’un simple habillage destiné à enrober les idées contestataires qu’ilcherche à nous faire avaler. La correspondance qu’il établit avec les oeuvresd’artistes aussi prestigieux que Magritte, Duchamp, Debord et Warhol est entout cas bien réelle qui débouche sur une performance situationniste quiréconcilie surréalisme et dadaïsme par la grâce du Pop Art et va bien au-delàdu simple processus d’écriture puisque, après avoir été l’auteur et le sujet de sonlivre, Mathieu Goguel n’hésite pas à en devenir l’objet même. Lorsque, parvenuau seuil de son propos, au lieu de nous abandonner avec les interrogations qu’iln’a pas manqué de soulever, il nous invite à poursuivre le débat à son«propos». Comme s’il nous demandait de continuer à lui prêter vie au-delàde sa dernière page. Comme s’il voulait prolonger son existence en nous, seslecteurs, et plus loin encore, dans toutes les personnes qui entendraient un jourparler de son livre, même succinctement. Car, vous l’aurez compris, point n’estbesoin de lire Press Book pour faire vivre son auteur. Parce que Goguel «est»son livre, l’acheter et en parler autour de vous suffiront à assurer son bonheurd’écrivain «vivant» et peut-être même au-delà…Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

et plus si affinités

Si, comme le disait

André Maurois, un livre

est «un durcissement d’un

moment de la pensée»,

alors Goguel bande mou,

ce qui explique qu’il n’en

fasse pas montre dans son

ouvrage de retardé mental.

«C’est en forgeant qu’on devientforgeron», affirme le dicton populaire. «C’est en écrivant qu’on devientécriveron», avait ajouté le populaire RaymondQueneau en son temps. «Et en dix ans qu’on devient dicton populaire?»,s’interroge aujourd’hui Mathieu Goguel.

Page 80: Press Book

159158

THE STORY OF MY BOOKou l’illustration vivante d’une légende en coursSi «ce sont ceux qui en parlent le plus qui en font le moins», commentinterpréter le fait qu’un auteur se contente de «dire» son livre aulieu de l’écrire et d’affirmer son talent d’auteur au lieu de nous enfaire la démonstration ? Si encore son livre n’existait pas, la réponseserait toute trouvée, mais que dire de ce livre qui n’existe pas et quenous venons pourtant de lire ? Car s’il s’agit vraiment de l’imposturelittéraire que son titre explicite laisse présager, que l’avons-nousouvert, puis lu jusqu’à la dernière page pour vous en faire la présentechronique alors qu’il suffit de lire les vingt premières pour décrypter lepiège dans lequel son auteur souhaite nous faire tomber ? Il faut donccroire que celui-ci a fonctionné ou alors qu’il s’en cache un autrederrière lui, plus subtil, qui établit peu à peu une relation de dépen-dance avec ses lecteurs en transformant sa lecture en un véritable jeuinteractif dont nous serions à la fois les acteurs principaux et les vic-times consentantes. Entre labyrinthe de miroirs, galerie des horreurset jeu de massacre, c’est à une véritable attraction de fête foraine quel’auteur nous convie à travers la lecture de son ouvrage en s’adres-sant à la part d’enfant – plus ou moins assumée – qui subsiste enchacun d’entre nous. Pour autant, son propos n’a rien d’enfantinqui trouve d’étonnantes correspondances avec une certaine actua-lité dite «sérieuse» de notre monde d’adultes. L’exercice de styleléger et aérien auquel Goguel se livre sur le format de la critique litté-raire finit en effet par se transformer en édifiante leçon de communi-cation politique moderne. Lorsque la multiplication de ses articlesde presse finit par atteindre, puis dépasser dans notre esprit critique

le «point endémique extérieur». Lorsque, à force de nous voir rabâ-cher le même discours sur son livre qui n’existe pas et le talent injus-tement reconnu de son auteur, nous entérinons de guerre lasse cespostulats pour nous intéresser aux suivants qui ne sont jamais queles mêmes, mais voient peu à peu, l’auteur affirmer avec un peu plusd’assurance l’existence de son talent et l’immensité de son livre. Tantet si bien qu’on ressort de la lecture de Press Book (Ceci n’est pas unlivre) totalement convaincu de leur existence à tous les deux. Démons-tration faite et illustrée d’une technique de communication récem-ment importée des Etats-Unis avec succès par quelques politiciensfrançais pour tisser leur propre légende d’homme d’état – le StoryTelling Management – qui permet à Goguel de se construire de tou-tes pièces un personnage d’écrivain contesté, dont le livre contestableinterroge autant notre époque que son avenir. Car si la chance sou-rit souvent aux audacieux, si le hasard favorise parfois l’éclosion dequelques artistes décalés, le succès, lui, ne s’offre qu’à ceux qui saventle saisir lorsqu’il passe à portée de main. Comprenez par là qu’il fauty penser du soir au matin – et pas seulement en se rasant – et qu’au-delà de la qualité intrinsèque d’un livre, c’est aussi la réussite de sacommunication qui fait la différence.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 eurosAu moins pendant que l’on parle dePress Book, on neparle pas deNicolas Sarkozy !

ou l’illustration en cours

d’une légende vivanteou l’illustration courante d’une légende en vie

ou l’illustration en vie

d’une légende courante

Page 81: Press Book

161 de

lui, Goguel

doit, lui, justifier son

propos dès les premières

pages de son ouvrage afin de

convaincre et conserver son lecteur, à

commencer par l’éditeur qui acceptera de publier son

manuscrit. Aussi crée-t-il, à l’inverse d’Ellis, son double

d’entrée de jeu, sorte de «monstre» avec lequel il n’aura de cesse

de se rapprocher et – peut-être – de se réconcilier. Alors que Lunar

Park commence comme une autobiographie classique, œuvre

d’introspection, pour se transformer en fiction d’épouvante,

véritable porte ouverte sur l’inconscient de son auteur, Press Book

débute par le récit journalistique fantasmé de sa propre réalité de

non-livre, qui finit par s’incarner à force d’être déclinée sur tous

les modes et dessiner le portrait en creux de son auteur. En

somme, on pourrait dire Goguel converge peu à peu vers lui-

même tandis que Ellis, lui, ne cesse jamais de diverger. Deux

faces opposées d’une même démarche littéraire consistant à

parler de soi sans rien dévoiler tout en jetant ses peurs et ses

obsessions en pâture au public afin d’apprendre à mieux se

connaître. Mais là où Ellis ne songe visiblement qu’à se perdre,

ce qui n’est jamais qu’une façon de se trouver, Goguel, lui, se

cherche réellement sans aucune garantie de résultat.

Comprenez par là que le projet littéraire qu’il évoque dans les

pages de son Press Book ne s’arrête pas à son texte, ni même

à son livre. Qu’au-delà de la reconnaissance hypothétique,

c’est l’ensemble de notre système médiatique qu’il interroge

en prenant le risque ultime, non pas tant d’être décrié et traité

de tous les noms que d’être – purement et simplement –

ignoré par celui-ci. Et qu’hormis la qualité de son texte, il ne

dispose dans sa folle entreprise littéraire d’aucun contrôle

des principaux leviers susceptibles d’en assurer le succès. Et

c’est précisément parce qu’il n’a que ses lecteurs sur qui

compter que cette autofiction est aussi un peu la vôtre.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

«Parions que l’on n’écrira plus jamais d’autofiction comme on le faisait avant Lunar

Park», écrivait en 2005 le magazine Lire à propos du livre de Bret Easton Ellis à

l’occasion de son élection au titre de meilleur livre de l’année. Trois ans plus tard, la

même phrase définitive pourrait bien s’appliquer au quatrième ouvrage d’un jeune

auteur français inconnu qui pousse le genre jusqu’à l’épure suprême en le

débarrassant de toute intrigue romanesque et lui offre une nouvelle dimension,

plus activiste, en faisant de son livre l’objet même l’accomplissement de ses

lecteurs.

À chaque auteur, son histoire. Mathieu Goguel n’est pas Brest Easton Ellis. Il

en est même l’exact opposé, dont les trois premiers romans policiers sont

restés confidentiels, y compris dans son propre pays, quand l’auteur

américain faisait déjà partie des stars mondiales de la littérature quand il a

publié Lunar Park. Pour autant, Goguel ne cache pas avoir été fortement

inspiré par la lecture du livre de son aîné, de la même façon qu’Ellis a

toujours revendiqué l’influence d’Operation Shylock de Philip Roth pour

l’utilisation – et la manipulation – qu’il y fait de son double. Mais du

double admiré au modèle que l’on veut dépasser, il n’y a qu’un pas.

Goguel n’hésite donc pas à reproduire à son tour la double et géniale

mise en abyme de Lunar Park – du livre et de son auteur –, mais en

s’efforçant de la pousser encore plus loin en se servant de sa propre

condition d’auteur inconnu pour lui rajouter une dimension

activiste. Là où Ellis part d’un lectorat acquis à sa cause

ou, tout du moins, attentif à sa prose et ouvert à

ses délires, qui lui offre une parfaite

légitimité pour parler de lui ainsi

qu’une totale liberté de

création, y compris dans

l’utilisation d’un

double pour

parler

AUTOFICTION COLLECTIVE

Page 82: Press Book

Ségolène Royal ne s’attendaitcertainement pas

à recevoir un tel hommagelittéraire. Il faut dire qu’engénéral, ce sont lesintellectuels qui inspirentaux politiciens leursméthodes decommunication et nonl’inverse. Mais qui aurait imaginé il y aquelques années encore une femme présente ausecond tour de l’électionprésidentielle ? C’est donc a posteriori que MathieuGoguel offre un pendantlittéraire au concept de débat participatif que

la candidate du PS a développé au cours de la campagne 2007.Comme son titre l’indique,Press Book (Ceci n’est pasun livre) s’inscrit au cœurde notre société del’information, dont il sesert des ressorts artificielspour exister. À l’instar deRoyal, Goguel n’écrit passon livre lui-même, mais lelaisse écrire par d’autres, enl’occurrence les journalisteschargés de le chroniquer, ceque nombre de critiqueslittéraires n’ont du reste pasmanqué de condamner, luireprochant en vrac le vide

de sa pensée, la démagogiede son propos, la lâcheté de sa posture et mêmel’absence de son livre. Lefait est Press Book prête leflanc à la critique. D’autantplus – en vérité– que lalittérature n’est pas ladémocratie et que l’auteurest censé être le maîtreabsolu de sonœuvre. C’estpourtant en se dépouillantde son livre que Goguelaccomplit l’acte fondateur de sa littérature, commet legeste ultime qui véhiculeson véritable propos. Lequel n’est rien moins quepolitique. Car quoi de plusrévolutionnaire en France

que de renoncer au statutd’auteur omniscient ? Quoi de plus provocateurque d’oser affirmer au paysde l’exception culturelleque l’auteur n’est et ne peutrien sans la participationactive de ses lecteurs ? Le livre est un objet figéqui réduit la pensée de sonauteur dès lors que celui-ciest en mouvement, nousdémontre Goguel à traversson livre, de la même façonqu’un programmeélectoral, dont chacun saitbien qu’il ne sera jamaisrespecté, ne sert qu’à faireélire son candidat.

Autrement dit, le livre en tant qu’objet n’a qu’une seule véritablefonction : être édité afin de permettre l’échange entre l’auteur et seslecteurs. Plus importantque l’objet final, réceptacleréducteur de sa pensée, estdonc le dialogue, faitd’écoute autant que de parole, que développe avec«l’autre» celui qui prétendexercer une responsabilitépublique. En cela, PressBook constitue une parfaiteillustration de la thèse surla communication littérairedéveloppée par Pierre

Bayard dans son livre paruen 2004 aux Éditions deMinuit «Comment parlerdes livres que l’on n’a paslus ?» Un essai qui justifieexemplairement les vertusdu paradoxe pour ce queson propos concerne au premier chef le livre dans son rapport à la paroledu lecteur et la lecture entant qu’objet d’unecommunication.Que nous dit Bayard ? Que le livre n’est pas tantl’objet de lacommunication littérairequ’il en est le résultat : «lelivre est moins le livre que

l’ensemble d’une situationde parole où il circule et se modifie». Et que, parconséquent, la littératurepeut se définir commel’ensemble des relations quel’on entretient avec les livres.Le livre, c’est donc le livre tel qu’on le parle, tel que les discours oraux ou écritslui donnent existence, et tel qu’on (se) le représente(pour les autres ou pournous-mêmes). Or lamultiplication de ces livresvirtuels dont on parle sansles avoir lus donne à voir la communication littérairesous un jour nouveau. De quoi parle-t-on quand on parle d’un livre si «ce quenous prenons pour des livreslus est un amoncellementhétéroclites de fragments detexte [ceux que la mémoire a retenu, ceux que notreculture a sélectionnés],remaniés par notreimaginaire et sans rapportavec les livres des autres» ? C’est ici que le livre deGoguel épouse les thèses de Bayard, auxquelles ilcontribue à prêter vie enmettant à mal nos modèlesde lecture et nos illusionsd’objectivité. Nous voiciinvités à repenser enprofondeur les conceptions et les modalités de lacommunication littéraireentendue comme rencontreavec les livres et dialogue avec autrui à propos deslivres. La communicationréussie et féconde sur unlivre tient en effet moins à la qualité de la lecture qu’à la qualité du discoursqu’il provoque. À l’inverse de la conceptionaujourd’hui admise selon laquelle seule laconnaissance approfondie

d’uneœuvre nous rendcapables d’en parler avecpertinence, Mathieu Goguelnous apporte la preuvematérielle de ce que PierreBayard ne faisait quedémontrer théoriquement, à savoir que la compétencerequise se développe aucontraire dans la pratique de la communication et que,de ce point de vue, poser

la lecture comme conditionde participation a pourconséquence d’appauvrir le dialogue. C’est sans doutece qui explique la formidableadhésion populairerencontrée par SégolèneRoyal lors de la récenteélection présidentielle, quien donnant la parole auxcitoyens quels que soientleur milieu, leur origine ou leur compétence a suréveiller l’envie collective de restaurer un lien social– aujourd’hui disparu– pour dessiner ensemble unavenir radieux. De sa défaiteau second tour de l’électionprésidentielle, Goguel neconclut d’ailleurs pas àl’échec de sa méthode, qui sel’approprie dans son ouvrageafin de nous inviter à transformer notre relationaux livres, à commencer par le sien, dans le but

de faire avancer la réflexion sur les deux sujets largement co-dépendantsque sont l’enseignement de la littérature et la place du livre dans la société. Plus importante que sonlivre est la communicationlittéraire qu’il tente d’établir avec ses lecteurs en les invitant à émettre à leur tour un avis

argumenté sur sonœuvre,mais aussi et surtout à aller le comparer avec celui de leurs voisins,proches et amis. Etantprécisé que personne n’aura jamais totalementraison, ni totalement tort, l’auteur lui-mêmen’excluant pas que son livre soit mauvais, voire carrément illisible, ni que Ségolène Royal ait été une mauvaisecandidate, mais rêvantouvertement que la paroleéchangée à leur proposcontribue à réveiller l’esprit critique qui faitaujourd’hui tant défaut à notre pays.Press Book (Ceci n’est pas un livre)

de Mathieu Goguel, Erreur Système,

19,68 euros

PARTICIPEZAU LIVRE !

«En vérité, en vérité, je vous le dis, Press

Book est un ouvrage si miraculeux qu’il devraitse vendre comme des petits pains.»

Page 83: Press Book

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C’est à un véritable acte derésistance individuelle enforme d’appel à l’intelligencecollective que se prêteMathieu Goguel qui fait de la revue de presse fantasméedu livre qu’il est en traind’écrire l’objet même de sonrécit. De la même façon queGoguel critique le livre qu’ildécrit et qu’il décrit le livrequ’il critique, il est impossiblepour le lecteur de dissocier la critique de l’ouvrage decelle de son auteur. Au-delàde la réflexion en boucle surnotre société de l’informationque son méta-livre constitue,Goguel se sert en effet de cette structure de narrationpour établir unecorrespondance avec sondestin personnel et se prêterau libre examen de sonparcours cahotique d’auteurnon reconnu par les médias.Une double expérimentationlittéraire qu’il cherchevisiblement à mener dans la plus grande transparencemalgré l’opacité de sonpropos, comme en témoignele double titre provocateur de son ouvrage, Press Book(Ceci n’est pas un livre), qui serévèle être le reflet exact de

son contenu. Non seulementl’auteur ne cherche pas à nous «survendre» son livre,comme beaucoup le lui ontreproché, mais il se fait undevoir de respecter la«promesse lecteur» induitepar ce titre controverséjusqu’à la dernière ligne deson propos. Non, Press Bookn’est effectivement pas un«vrai» livre parce qu’il n’en est que la couverture pressevirtuelle imaginée par sonauteur dans le but d’assurerla promotion de son talent.Certes, une approche aussipragmatique nous éloigne de la grande littérature, maisreproche-t-on à un guide de voyage de n’être qu’uneinterminable successiond’adresses, d’horaires et d’itinéraires ? Parce queGoguel ne s’offre qu’à ceux de ses lecteurs qui serontcapables de le lire jusqu’aubout sans rechigner, ce n’estdonc pas tant son livre qui se mérite que notre droit à sa critique qui se gagne,qu’il nous encourage au restevivement à émettre pour peuqu’elle soit personnellementressentie et argumentée,deux conditions sine qua non

de sa recevabilité. Car quoi de plus insignifiant, quoi de moins constructif pour un auteur qui ne cherche qu’à progresser sur le cheminde la vie que ces critiquessans âme, médiocresphotocopies de la pensée«originale» en vogue telle que nous la manufacturentquotidiennement les médiasbien-pensants de notreépoque ? Une domination de la pensée unique contrelaquelle Goguel s’élève eninstrumentalisant son propreouvrage, dont il multiplievolontairement les niveaux de lecture pour ne se dévoilerque partiellement à chacunde ses lecteurs et mieux lesinciter à faire eux-mêmesl’autre partie du chemin quiles sépare de leur frèresd’incompréhension. Dont lecombat n’est autre que celuijadis édicté par le ConseilNational de la Résistance :«Résister, c’est créer. Créer,c’est résister». Et s’y engagepleinement en nous obligeantà prendre parti à notre tour– pour ou contre lui – dans lalutte – désormais collective –pour la survie de son âme.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

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Page 84: Press Book

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est entre vos mains!

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Rédigez ci-dessous votre propre critique de ce livre en moins de100 mots, puis comparez-là avec celle de vos amis et relations.

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Extrait de Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel (19,68 euros, Erreur Système)En vente sur erreursysteme.fr

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169L’infiniment ZERAu-delà du pamphlet contre les dérives médiatiques de notresociété, Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguelest un ouvrage étonnant à plus d’un titre qui voit son auteurexpérimenter sur lui-même et en conditions réelles le déve-loppement de sa condition de créateur. Revue de presse ima-ginaire d’un livre qui se construit progressivement au fil deses articles, Press Book constitue à la fois le compte-rendujournalistique de son élaboration et l’autoportrait suivi deson auteur en cours de progression. Car l’expérience de sonécriture permet non seulement à ce dernier de s’étudier, dese découvrir, de s’analyser et de se comprendre, mais aussi– et surtout– de franchir la frontière qui le sépare de la réalitéafin de s’y accomplir. Ce n’est donc pas le simple récit fan-tasmé de sa propre histoire que Goguel nous livre à traversPress Book (Ceci n’est pas un livre) – quoi que son titre puisselaisse penser –, qui fait également de son press book l’instru-ment de sa reconnaissance littéraire en assurant lui-même lapromotion de son livre et son service après-vente. Une oeu-vre autobiographique parfaitement maîtrisée dont le doubletitre ne saurait être contesté pour ce qu’il témoigne de savolonté d’y afficher au grand jour ses contradictions. Commesi c’était par les seules qualité et cohérence de son œuvre qu’il entendait nous prouver qu’il avait réconcilié ses deuxparts contradictoires et trouvé son unité dans le métier d’écri-vain – qu’il revendique du reste largement dans ses pages.Autofiction devenant autoexpérimentation et réciproquementdans un va-et-vient permanent entre les deux notions qu’ilreviendra aux lecteurs de prolonger au delà du texte figéqu’ils ont sous les yeux en continuant d’imaginer l’ouvrageque l’auteur a projeté d’écrire à partir de l’interprétation etde l’analyse critique, non pas seulement des quelques centcritiques qui constituent l’oeuvre initiale, mais aussi de toutce que pourront en dire et écrire ses futurs lecteurs. Entretout et rien du tout jusqu’à la fin des temps, ultime autofictionqui ne racontera jamais à ces derniers que leur propre visionde l’histoire, autrement dit leur histoire et ne s’éteindra doncqu’avec leurs derniers descendants. En cela, on peut d’oreset déjà prédire qu’il fera date dans l’histoire de l’humanité. Ily aura désormais un avant et un après Press Book, le livrezéro par excellence.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

La nouvelle bibledu journalisme !La vérité si je mens !

Si vous ne trouvezpersonne autour de

vous à qui en parler,c’est que vous êtes

mal entouré

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Si l’un des principaux intérêts de cet ouvrage réside dans l’écriture qu’en effectue sonauteur, sa lecture, elle, est malheureusement plombée par l’incertitude qu’il laisseinvolontairement planer sur son issue finale. Car, passé le point critique de l’ou-vrage, seuil à partir duquel on décide de le lire jusqu’au bout, ce n’est plus tant lesort de Mathieu Goguel qui nous préoccupe que l’aggravation de notre propre santémentale à la lecture de sa folie communicative. Car comment interpréter la longuesuccession de paradoxes qui caractérise Press Book (Ceci n’est pas un livre) qui seprésente sous la forme d’une revue de presse virtuelle que celui-ci imagine pour sonlivre en même temps qu’il l’écrit ? Livre-concept qui voit l’auteur multiplier les com-

mentaires sur son oeuvre en construc-tion afin de nous guider sur le cheminde sa connaissance, mais aussi, de sonpropre aveu, «objet littéraire certifié

non identifiable» tant ilmélange les genres et s’emmêleles pinceaux dans ses innom-brables références auto-reven-diquées. Est-ce à dire que Mathieu Goguel n’était pas pleinement conscient de ce qu’ilétait, ni de ce qu’il faisait lorsqu’il écrivait ces lignes ou qu’il cherche au contraire àreproduire par les divagations de son récit en creux le cheminement de son incons-cient jusqu’à la lumière de son propos actuel ? Le texte lui-même peut-il seulementnous aider à répondre à cette question qui nous offre tout au long de son récit desindices contradictoires sur l’évolution de l’état de conscience de son auteur au fur età mesure qu’il se présente et se découvre sous sa plume enregistreuse? Certes, si l’onse réfère au principe fondateur de l’autofiction, genre dont il se revendique , laréponse ne fait guère de doute : Goguel est ce qu’il écrit qu’il est, ni plus, ni moins. Ilse définit par rapport à son écriture en mouvement. Au delà de sa nature chan-geante, c’est donc son rapport au langage que l’auteur interroge à travers l’écriturede son ouvrage qui décrit le livre qu’il constitue au fur et à mesure qu’il constitue le

L’écrit enprotestant

livre qu’il décrit. Une formule que n’aurait pas reniée Lionel Jospin pour cequ’elle traduit une transparence absolue vis-à-vis de ses lecteurs et un certainrigorisme intellectuel –certains appelleront cela de l’honnêteté– qui l’amènentà toujours privilégier la vérité crue dans ses propos, quand bien elle pourraits’avérer blessante pour son entourage et faire le vide autour de lui. A ce détailprès que Goguel choisit, lui, d’exorciser son mal avant qu’il ne finisse par l’iso-ler définitivement de la société des hommes. Une catharsis qu’il ne pouvaitcependant envisager, en bon protestant éduqué au travail et au mérite qu’il est,sans le mettre au service de la collectivité au prix d’une véritable réflexion poli-tique directement inspirée des valeurs de sa religion pour ce qu’elle nous prônele retour au libre examen de notre conscience comme déterminant principal denos actions et décisions. Mais plutôt que nous infliger un cours théorique surce libre examen, Goguel se contente de nous offrir la matière pour aiguisernotre esprit critique : son livre ou plutôt son non-livre qui se refuse à touteappellation, toute catégorisation et sur lequel il développe tant et tant d’argu-

ments contraires et absurdes par coupures de presse interposéesqu’aucun journaliste ne parviendra jamais à le résumer à seslecteurs et obligera tous ceux qui souhaitent en parler autourd’eux à trouver leur propre voie, sans pouvoir se référer à l’opi-nion générale formatée par les médias. Qu’on ne s’y trompe pascependant, bien qu’il ne se prive pas de le tourner en ridicule, cene sont pas tant les médias, ni les journalistes que Goguel criti-que dans sa parodie de revue de presse littéraire, que l’impor-tance que nous accordons à leurs propos, trop heureux de trou-

ver quelqu’un qui «pense» à notre place. Entre dire la pure, simple et strictevérité au peuple– quitte à tuer toute part de rêve en lui –et le bercer de faussesillusions en multipliant ouvertement les promesses non tenables, il est un justemilieu à trouver que Goguel nous aide à mieux cerner au travers du proposévolutif de son ouvrage.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 eurosos

!

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173172

Leretourdu zéromasquéou la résurrection d’un mort-vivantDe quel monde inconscient débarque cet auteurinconnu qui se permet de venir nous administrer une leçon de journalisme contemporain ? Comme si déjà il y avait un journalismecontemporain et un autre, plus ancien, peut-être même plusieurs qu’on ne sauraitd’ailleurs très bien identifier et encore moinsnommer. Le monopole du papier ? L’âge d’or de la radio ? TV on Hertz ? Vive la radio libre ?Fréquence Câble ? Planète Internet ? Explosion de la TNT ? Global World ? Allons, soyons sérieux ! S’il est vrai que les médias ont connu une spectaculaire évolution de leurs supports au cours des deux cent dernières années, s’il est vrai que l’information est devenue un bien de consommation comme un autre, le journalisme, lui, n’a rien perdu de ses valeursfondatrices, voire y a gagné en liberté et enindépendance, contribuant même fortement à l’avènement de la démocratie occidentale comme référence mondiale de la société-modèle.Allez dire après cela qu’un bon journaliste est un journaliste mort, comme le suggère

à demi-mot Goguel. Et passons sur la médiocrité de la formule pour nous intéresser à son propos en tant que tel puisque Monsieur veut des faits,rien que des faits. Dans la famille des livres-concepts, je demande donc le petit dernier. Mais s’agit-il seulement d’un livre qui s’intitulePress Book (Ceci n’est pas un livre) ?Si ce double titre est provocateur, convenons qu’il n’a rien de contradictoire. Reste que celainterroge sur l’identité exacte de celui qui prétends’y exprimer à l’intérieur de ses pages. Est-ce le professionnel de la plume qui cherche à vendreses services ? L’écrivain qui ne s’assume pas ? Le critique refoulé qui perce en lui ? L’homme troptimide pour exprimer ouvertement un avispersonnel ? L’auteur de la promotion de son livre ?Autant de points de vue si étroitement imbriquésles uns dans les autres, qu’il est parfois difficile deles rattacher à un seul personnage. Et pourtant… Il s’agit bien du même homme qui signe tous ces articles et du même sujet, lui-même. Lequel semble aussi mouvant que les contours de son press book. Soyez donc prévenus, amis lecteurs qui achèterezpeut-être cet ouvrage pour la seule beauté de sacouverture : il n’est jamais simple de s’y retrouverdans la pensée de son auteur qui progresse aussipéniblement dans l’écriture de son livre que nousdans sa lecture, ce qui n’est pas peu dire. Un pilotage à vue qui explique, mais n’excuse pas les nombreuses contradictions de sa penséeerratique. Car l’homme n’en est visiblement pas à son coup d’essai qui revendique la paternité de trois romans policiers passés inaperçus paruschez Terre de Brume, un petit éditeur pourtant fort recommandable, ainsi qu’un passé mal digérédans la presse, secteur dans lequel il avait pourtanttoutes les qualités requises pour s’imposer. On comprend alors que ce n’est pas tant Goguel qui est venu à la littérature que la littérature qui s’est imposée à lui à son corps défendant.

Que s’est-il passé pour qu’il renonce un jour à mettre sa plume bien pendue au service d’unmagazine grand public ? Pourquoi a-t-il cesséd’inventer les improbables concepts éditoriauxdont il a le secret et qui auraient pu lui assurergloire et fortune pour se reconvertir dans l’écritureavec le peu de succès que l’on sait ? Aussi pudiqueque discret, l’auteur n’évoque que fugitivement cet épisode – apparemment douloureux – dans sonquatrième ouvrage, et ne nous fournit comme seulindice que l’incroyable mépris dans lequel il tientles journalistes qu’il rend responsables de tous sesmaux d’auteur. Un jugement volontairementexcessif qu’il convient de ne pas prendre au pied dela lettre pour ce qu’il ne semble destiné qu’à lepriver de toute possibilité de revenir en arrière etde la tentation de renouer avec son ancien métier. Une politique de la terrebrûlée ou table rase (tabula rasa) qui entre enrésonance avec l’affirmation négative de son sous-titre, Ceci n’est pas un livre, et offre unéclairage nihiliste à son propos. C’est parce quemon livre repose sur du vide, nous dit-il ensubstance, que son absence de contenu trouvedans le format de l’article et du dossier de pressel’écrin idéal pour l’héberger et véhiculer son idée.Plus qu’à une moquerie sur les journalistes«pisseurs de copie» à la démagogie rampante, c’est donc à une critique de notre société d’hyper-information que l’auteur se livre. Où plus importantque le livre en lui-même, il y a ce que l’on en dit.Une démonstration par l’absurde de son propreouvrage dont l’objectif affiché est d’inciter ses lecteurs à redéfinir leurs rapports avec les médias, relais de l’information préfabriqué et du bonheur artificiel.

Mais aussi et surtout pour son auteur, la sublimation d’un traumatisme ancien qui lui permet enfin d’opérer la jonction entre ses deux vies sans en avoir trahi aucune et de se présenter la tête haute, le regard droit, devant ses lecteurs. Pas sûr que la nouvelle fasse plaisir à tous les prétendusjournalistes qui ont jadis croisé sa route, condamnés à vivre sous la menace d’une pique bien sentie de celui qu’il convient désormaisd’appeler Le Zéro Masqué.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

«Et enfin, pour donner envie à nos lecteurs de découvrir votre livre, pourriez-vous le résumeren un seul mot ?», demanda le journaliste à l’auteur, visiblement excédé par ses questions à répétition.«Impossible !», répondit ce dernier en se levant de son siège afin de prendre congé.Le message était clair. L’interview était terminée.Pas grand-chose à en tirer.«Et dire qu’il va falloir que je donne un sens à tout ça !», était déjà en train de maugréer le journaliste en remballant son matériel lorsquel’auteur le prit de court en quittant la pièce sans même lui adresser la parole.«Au revoir !», eut-il tout juste le temps de lui lanceralors qu’il franchissait la porte, n’obtenant qu’un vaguesigne de main en retour.Et ce fut tout.«Et la politesse, ducon !», ajouta-t-il pour lui-même en reportant son regard vers la place laissée vide.C’est alors qu’il remarqua, posé bien en évidence sur son siège, le petit bout de papier sur lequel l’auteur avait fait mine de prendre quelques notesdurant leur entretien.Le cœur fébrile, il s’en empara aussitôt, rêvant déjà d’y trouver de quoi alimenter sa chronique littéraire.Hélas, ce qu’il lut ne fit qu’épaissir un peu plus le mystère autour de l’identité de l’homme qu’il venait d’interroger.Une seule phrase y était griffonnée à la main d’une écriture tellement enfantine qu’il ne sut jamais si c’était l’auteur en personne qui l’avait écrite, ni si son énigme avait un quelconque rapport avec son livre.Sur le bout de papier était inscrit «Le zéro masqué a encore frappé !»

Page 88: Press Book

174Mathieu Goguel se prend-il pour le guideéclairé de l’humour noir de ses glorieuxaînés qui tente de capter dans sonquatrième ouvrage le fluide essentiel de leur vie passée ? Car dans ses rêves de gloire littéraire, Mathieu Goguel ne secontente pas de revisiter en les détournant les oeuvres de Pierre Dac, Raymond Devos,Pierre Desproges et Serge Gainsbourg,maîtres à penser de l’absurde de son«faux-parler de lui», qui se croitégalement – et dans le désordre – Astérix,le gaulois qui résiste à l’envahisseurmédiatique, le grand vizir Iznogoud,l’éternel second qui ne pense qu’à prendrela place du numéro un, Gaston Lagaffe, le tire-au-flanc narcoleptique inadapté aumonde du travail, Lucky Luke, le cow-boysolitaire qui dégaine sa plume plus viteque son ombre, le Petit Nicolas, le petitgarçon qui se croit différent des autres,mais n’est que le plus commun de sabande – à ce détail près que c’est lui le narrateur –, sans oublier la fameusecoccinelle de Gotlib pour le regard qu’elleporte sur l’oeuvre en cours de son père.Hommage inconscient aux bulles de riresilencieux qui ont marqué sa primeenfance ? Synthèse impossible dont il estpourtant le résultat avéré et improbable, à mi-chemin entre le Gros Dégueulasse de Reiser, dont il revendique l’humour bite-trou-poil de cabinet, et le Capitaine Flam,super-héros du début des années 80, plus connu pour la chanson de songénérique, devenu l’hymne officiel durevival «adulescent» dont il ne semble pas– de fait – encore totalement revenu. Maisn’est-ce pas précisément dans cette partd’enfant que Goguel ose aujourd’huiassumer publiquement pour lui-mêmedans son quatrième ouvrage que résideson humanité première ? «Peut-on encore– à 38 ans passés – se réfugier dans ses

rêves pour ne pas affronter la dure réalitédu monde qui nous entoure ?» Telle est aufond la question unique autour de laquelleGoguel ne cesse de tourner, en la déclinantsur tous les modes possibles etimaginables, tout au long des articles quiconstituent sa fausse revue de presse, etmême au-delà puisqu’il en revendiqueouvertement l’autoédition, façon pour luinon pas tant d’affirmer son propos que denous interroger au travers de son statutd’artiste sur la part que notre société doitlaisser au rire et à l’utopie comme porteursd’espoir et vecteurs de progrès. Bien que«le rire soit le propre de l’homme», dixitRabelais, ce n’est malheureusement pas à un «métier sérieux» que l’on puisseraisonnablement envisager de nos joursalors que le monde court à sa perte. Aureste, ne s’improvise pas humoriste lepremier drôle venu, quand bien même ilchercherait désespérément à l’être pourréveiller un rire enfoui depuis longtempsdans nos mémoires. Parce qu’un bon rireest forcément communicatif, un humoursans public doit à l’inverse interroger sonauteur sur sa vocation ratée au lieu del’encourager à persévérer dans sa «voix»de garage sans autre issue finale que lesilence poli de la critique. Car s’il est vraique le véritable humour noir prend racinedans la tombe qui nous attend, le comique,lui, doit s’inscrire dans le présent pourcontinuer à sévir. Entre insulter l’avenir ense référant systématiquement au passé– tellement mieux, comme chacun sait – etsacrifier aux règles simplifiées de l’humourtélévisé d’aujourd’hui, qui impose de fairerire à chaque réplique, de préférencecourte et lapidaire pour ne pas être zappédu paysage, il est donc un juste milieudifficile à trouver pour celui qui prétend enfaire son métier sans renoncer à sonidentité, ni trahir ses idéaux. Peut-on être

sombre et transparent à la fois ? Flou, clairet opaque en même temps ? Oui, àcondition d’être translucide, ce ques’attache précisément à devenir Goguel ense servant de la puissance évocatrice ducontrechamp pour nous faire ressentir laterrible noirceur de ses souvenirs et depensées d’enfant au travers de l’évocationde leurs conséquences sur sa vie d’adultequi constituent autant qu’elles justifient lamatière de son livre. Dis-moi ce que tuécris, je te dirai qui tu es, mais aussi ceque tu as été et, par voie de conséquence,ce que tu deviendras… ou plutôt ce que tuétais destiné à devenir avant que l’histoires’enraye et peut-être même ce que tu peuxencore espérer être, maintenant que tu enes parvenu à ce triste constat d’échecprofessionnel. Après tout, tant qu’il y a durire, il y a de la vie et tant qu’il y a de la vie,il y a de l’espoir, lesquels s’expriment chezGoguel par l’écrit de ses maux d’enfantdont il meuble et décore le vide intérieur de son existence. A défaut d’avoir étél’architecte de sa vie rêvée, le voici doncqui tente de lui donner un sens au traversde cette revue de presse plus creuse quenature, pâle reflet de sa réalité d’auteurqui s’est trompé d’époque pour pratiquerson humour et tente d’inverser le cours de l’histoire par ses contre-sens à deuxballes. Tellement mauvais qu’ils nousauraient sans doute fait rire aux éclatss’ils avaient écrits ou prononcés par des artistes plus renommés. Comprenezqu’au-delà de la prose – consternante – de Goguel, c’est sa posture naïve etenfantine qui doit retenir notre attentionpour ce qu’elle interroge notre acceptationcollective d’un humour toujours plus bas.De fait, la question est posée de savoirlesquels des deux est le plus enfantin.

Eh, dis, K.,pourquoi tant de haine?

Critiquesà gogo

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explorer la voie de celui qu’ilne parvient pas à êtrepleinement, incapabled’assumer son corps, sacorporalité qui se rabat sur lacorporéïté de substitution queconstitue ce livre qui parle delui. Une apparente solutionde continuité entre l ’écrit etle vécu qui l ’oblige cependantà effectuer un va-et-vientpermanent entre lui et lui-même, masturbationintellectuelle qui l ’épuiseautant qu’elle vide sasexualité. A quoi bonenfanter lorsqu’on n’est riendepuis l ’origine ? «S’il y a une transmigration desâmes», écrivait Kafka, «lamienne n’a pas encore atteint

le plus bas. Ma vie esthésitation devant lanaissance.»Peut-on être plusexplicite ? Mais qui est assez«singulier» pour l ’entendre ?Car naître rien, c’est n’êtrerien. Dès lors, pourquoi enparlerait-on dans leschaumières ? Si Goguelchoisit de ne pas nommerouvertement les forcesauxquelles il tente des’opposer dans son livre, lesenglobant dans le termegénérique de «critiqueslittéraires», on comprenddonc qu’il se bat par ses écritscontre le silence qui a entouréson existence et ne cherchepar ses propos excessifs à sa

propre gloire qu’à exorciserl ’absence de reconnaissancequ’un tel non-dit n’a jamaiscessé de lui faire ressentir defaçon aussi insidieuse quedouloureuse. Qu’à défautd’être écouté, il n’a eu d’autrechoix que de se mettre àécrire, presque contre son gré,comme si c’était par ce seulmoyen qu’il pouvaitatteindre ceux dont il auraittant aimé susciter l ’écoutejadis. Mais en a-t-il encorebesoin aujourd’hui qui s’estconstruit au travers del ’écriture de son livre unpersonnage capable desuppléer à leur présence etremédier à leur silence ?Peut-on seulement effacer sesproblèmes métaphysiquesavec l ’aide d’un alter-égo,d’une alter-héroïne ? C’estl ’illusion commune,largement partagée, ycompris par Kafka, quirêvait de résoudre sa vieimpossible dans un mondeimpossible dans et par unlivre, le livre qui serait entretous les livres, «Le Livre» quipourrait le soigner et par là-

même, pensait-il, soulagerl ’humanité entière. Quêteimpossible d’un livre panacéequ’il n’écrivit jamais, maisdont certains considèrent safameuse Lettre au Pèrecomme la version la plusaboutie. A ce détail prèsqu’elle ne parvint jamais àson destinataire – fauted’avoir été expédiée – et nefit qu’empoisonner un peuplus son auteur de sa propreinhibition à «tuer le père» ausens freudien et l ’amena àretourner sa violence retenuecontre lui-même en tentantd’instruire son propre Procès.Ce qui ne lui fut nonseulement d’aucune utilité,mais précipita aussi sa mort,un an avant sa publication.On ne peut pas en direautant de Goguel qui avisiblement étudié de prèsl ’oeuvre inachevée de sonaîné et s’attache à lui donnercorps pour s’offrir une secondenaissance par son bookinterposé. Une véritablemétamorphose qu’il accomplitcomme Joseph K. sans sortirde sa chambre d’auteur et levoit successivement régler sescomptes avec chacune desgrandes périodes de sa vie,depuis sa gestation mêmedans le ventre de sa mèrejusqu’à la catharsis queconstitue le difficileaccouchement de sa nouvelleidentité littéraire.

176

Est-ce Mathieu Goguel qui interroge notre

monde d’adultes avec son regard candide

d’enfant ? Ou le système qui se voile la

face pour ne pas voir le mur dans lequel

il s’apprête à se crasher à pleine vitesse ?

Mathieu Goguel est-il moins crédible qu’un

banquier pour pronostiquer l’avenir du

monde parce qu’il refuse de s’insérer

dans un système qu’il réprouve ou est-ce

le banquier qui assure désormais la

fonction officielle de comique essentielle

à toute société organisée ?

A vous d’en décider en fonction du niveau restant

de vos économies ou – à défaut – du rire en

pièces jaunes que vous parviendrez peut-être

à en tirer lorsque la fin sera venue et qu’il s’agira

de savoir lequel des deux est mort le plus heureux

d’avoir vécu sans compter.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Page 90: Press Book

Bien que sarevue de pressepuisse ressembler à un procèspar la multiplication destémoins qui se succèdent à la une pourdire ce qu’ils pensent de son oeuvre et de son auteurréunis, celui-ci est plustransparent que celui auquela droit Joseph K. dans Le Procès, et nettement plus équilibré, qui voit mêmecertains thuriféraires crier au génie incompris. Unpropos qui peut paraîtreexcessif de prime abord,mais s’avère parfaitementjustifié pour contrebalancerla violence dont Goguel fait parfois preuve contrelui-même et l ’empêcher de basculer du coté obscur de la force. L’autoéditionassumée et revendiquée qu’ileffectue de son ouvrage n’enconstitue pas pour autant ungeste moins «suicidaire» quecelui de son aîné, qui le voittenter un stupéfiant toutpour le tout professionnel et engager l ’ensemble de sacarrière d’écrivain, sans filet,ni possibilité de retour en arrière. Un risque quin’est cependant rien au vu du bénéfice escompté de lalibération de soi par l ’écriturede son livre. Laquelle revientni plus, ni moins à rejeter le système incarné par celui qui l ’a renié, dont il seprétend désormais

l ’erreur, c’est-à-direl ’incarnation des dérives et dysfonctionnements autantque l ’ange annonciateur de la dissolution anticipée.Une perte programmée desrepères fondateurs de notresociété capitaliste qui n’est passans rappeler la Mort desPères annoncée par Kafka en son temps car après Dieu,déclaré mort, ce futl ’Empereur qui mourut,puis les autres monarques quisuivirent pour laisser placeau temps des parâtres : celuides dictateurs. Certes, Gogueln’est pas Kafka et il n’a pas saréputation lorsqu’il écrit ceslignes. Mais précisément,

parce qu’il est condamné àrester aussi désincarné dansson propre corps qu’ignorépar les médias qui régissentdésormais notre monde, celafait de lui le réceptacle idéalde toutes les névroses de notreépoque, l ’éponge qui absorbetous les maux de notre société,et conf ère à son livre uncaractère universel qu’il semble urgent d’inscrire au coeur du questionnementhumain avant qu’il ne soittrop tard, pour lui commepour nous.

Et si la disparition de sonlivre au profit de son PressBook était le premier signeannonciateur de la fin dumonde ?

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

179178

PASSAGE amer à l’orangeEPHEMEREC’est bien connu ! Qui court deux lièvres à la fois risque bien de rentrer bre-douille à la maison ! C’est malheureusement ce qui arrive à Mathieu Goguel,jeune écrivain, dont le quatrième ouvrage fait les frais de son ambitiondévorante et de son énorme besoin de reconnaissance médiatique, projet si«global» qu’il finit, à force de vouloir ressembler à tout, par ne plus ressem-bler à rien. Les propos énigmatiques tenus par son éditeur fantoche à lasortie de son livre étaient pourtant sacrément alléchants. Vouloir remettreen cause la ligne de partage traditionnelle – et un peu simplette, reconnais-sons-le – entre «romans & fictions» d’un côté et «essais & témoignages» del’autre aux moyens d’un seul livre qui appartiendrait à chacun de ces gen-res à la fois nous avait tout d’un coup paru envisageable, mieux encore sou-haitable à une époque qui n’aime rien tant que le mélange des genres. C’esttout juste si on n’avait pas ressenti à l’annonce par son éditeur de l’inventionimminente de ce «nouveau genre» par un auteur totalement inconnu aubataillon le même enthousiasme teinté d’espoir qui avait saisi un grandnombre de français en 2007 lors de la campagne présidentielle lorsque Fran-çois Bayrou était parvenu à les convaincre que désormais il n’y avait plus nigauche, ni droite et que l’avenir politique de la France passait par lui. Bref,le programme avait du sens, ne restait plus qu’à l’incarner et à le mettreen pratique. Hélas, bien que Mathieu Goguel écrive aussi mal que FrançoisBayrou parle, ce qui n’est pas peu dire, sa tentative de putsch littéraire faitchou blanc qui ne parvient à nous offrir qu’une interminable successiond’articles et de manchettes de journaux ainsi que d’aphorismes et de figuresde style variées, dont la lecture nous fait rapidement perdre tout repère lit-téraire. On ne sait plus où on est, dans un roman réalité, dans un docu-fiction,dans un essai existentialiste ou un reportage situationniste. Impossible enrevanche d’oublier la teneur de l’ouvrage, dont le propos répétitif nous estmartelé en boucle par son auteur jusqu’à l’abrutissement et finit d’anesthé-sier en nous toute velléité de résistance et d’analyse critique vis-à-vis de sonouvrage. Que lui importent au reste nos commentaires négatifs puisque leurseule diffusion ne ferait que contribuer à légitimer un peu plus ce qu’il déclaredésormais être, un écrivain candidat au succès. Le fait est qu’il sera toujourstemps d’en devenir un bon lorsqu’il l’aura obtenu, une hypothèse qu’il convientde ne pas exclure afin de ne pas insulter l’avenir. Il y a, après tout, bien pireque lui sur la scène littéraire française contemporaine.Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 euros

Parce qu’on ne réforme pas la

religion du père sans se donn

er

en spectacle, l’enfant qui

proteste en riant est condamné à

l’écrire en pleurant jusqu’à l

a

fin des temps. Au nom du droit

du fils au saint-esprit, amen !

Page 91: Press Book

Cent papiers suffisent-ils à se créer une identité lorsque l’on les rédige soi-même ? Car alors ils sont faux et ne sauraient résister longtemps à l’analyseapprofondie qu’en feront les experts assermentés. Mais ces derniers dispo-sent-ils d’un pouvoir quelconque pour dénoncer efficacement l’imposturemanifeste que constitue l’autoédition suicidaire de cette revue de presseartificielle par son auteur issu de nulle part et inconnu au bataillon, obligéde recourir à des subterfuges littéraires pour se faire un nom? Que son livresoit nul et en parler ne ferait que servir sa cause. Mais qu’il soit bon et c’estl’ensemble de notre système qui serait alors interrogé pour ce qu’il n’a passu faire une place à son auteur. Vous l’aurez compris : le propos de Goguelest politique. Car qui produit les exclus toujours plus nombreux si ce n’estnotre société et l’individualisme croissant qui caractérise son évolutionrécente ? Auteur sans renommée et autre arme que sa force d’écriture,Goguel s’identifie à tous ces êtres en quête d’identité et de terre d’accueilpour nous sensibiliser à leur combat, mais a l’ingénieuse idée de transposerleur combat dans sa propre réalité pour ne pas nous encombrer de leur ter-rible détresse dont nous ne saurions pas quoi faire. À leur différence, MathieuGoguel a les moyens de mener son combat, si ce n’est à armes égales, avecles mêmes références culturelles. C’est ainsi qu’il base son système de pen-sée sur la révolution de 1968 dont il salue autant les apports qu’il dénonceles travers qu’elle a contribué à installer dans notre société en remarquantque la dérive libérale que connait actuellement notre pays n’a d’égale que laviolence des slogans anticapitalistes de l’époque. Et d’esquisser l’idée que sila victoire idéologique que continuent de proclamer en paradant dans lesmédias ses principaux acteurs aujourd’hui âgés de 60 ans est à ce prix, peut-être conviendrait-il aujourd’hui de leur en interdire l’accès afin d’entériner ladéfaite de leur pensée qui s’en est suivie. Sans prétendre renier, ni juger lepassé, ne serait-il pas judicieux, suggère Goguel au nom de sa génération detrentenaires, de prendre la parole afin de rabattre le caquet à nos glorieux

aînés qui ne cessent de nous donner la leçon ? Un propos quasi-suicidairedans un pays aussi conservateur que le notre. C’est pourquoi, afin de nepas être pris de court, ni suspecté de conflit d’intérêt, il organise sa propredisparution par livre interposé auquel il donne la mission de le représentertant auprès de ses lecteurs qu’auprès des médias qui daigneront relayerson propos. Lui a fait la moitié du chemin avec son livre-proposition, ànous, journalistes, de faire l’autre moitié… Ou pas, en sachant passer par-dessus ses propos extrêmement critiques sur notre profession, coupablede focaliser son attention sur quelques événements au détriment de ce quifait la vraie actualité. Ce qui revient à vous interroger directement par notreintermédiaire, vous, lecteurs de ces lignes et acheteurs de ces prétendusmagazines d’information auxquels nous collaborons, sur les raisons quinous amènent à continuellement simplifier notre propos pour continuerde trouver grâce à vos yeux. Car si tout le monde s’accorde à cracher, parexemple, sur la presse people, c’est bien vous, lecteurs-consommateurs, quil’achetez en masse! Certes victimes d’un marketing conçu pour exploiter vosfailles, mais encore libres, si ce n’est de vos comportements d’achat, toutdu moins de votre liberté de penser et de réfléchir. Laquelle, c’est bienconnu, «ne s’use que si l’on ne s’en sert pas». Qu’attendez-vous ? Réagis-sez ! Car demain il sera trop tard !

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 €

100% zéro papier

Parce qu’un lecteur

insatisfait en parle à dix

autour de lui, la prochaine

révolution médiatique sera

un succès impopulaire

ou ne sera pas !

Page 92: Press Book

183182

Ce n’est pas un hasard si l’auteur fonde son projet littéraire Press Booksur une affirmation négative (Ceci n’est pas un livre), dont la revuede presse relève d’une véritableentreprise déconstructiviste. Mais là où il avait fallu 52 aphorismes à Jacques Derrida pour produire son seul Avant-Propos, il ne faut qu’unepetite centaine d’articles à MathieuGoguel pour achever son livre.Curieux paradoxe en vérité que celuiqui fonde Press Book (Ceci n’est pas un livre) – un livre qui n’en est pas un tout en se présentant comme tel –que l’auteur ne cesse de décliner tout au long de ses pages pour aboutir à unincroyable final en forme de retour à la matière brute. Son livre est à lafois une marchandise manufacturée et uneœuvre originale, un bien de consommation et un objetdématérialisé, un texte figé et unepensée en mouvement, un livre de, maisaussi d’après son auteur, une créationlittéraire en même temps que sonanalyse critique, une mécaniqueintellectuelle qui ne semble pas avoir de fin. Véritable défi lancé aux lois de l’apesanteur comme aux tenants

de l’ordre littéraire, ce «texte suspendu»au-dessus de son postulat de départ nerepose en vérité sur rien d’autre que le mouvement permanent que cherche à lui insuffler son auteur en se servantdes médias pour créer cette bouclerépétitive d’un livre qui s’autoalimenteen même temps qu’il s’écrit. Et dont lalecture oblige à un tel mouvement de vaet vient qu’elle devient elle-mêmephilosophie à l’œuvre, travail d’écriturequi poursuit la lecture qui l’a initiée.Ici, point de système clos, mais unquestionnement permanent, aucuneconclusion, mais de multiples portes de réflexions ouvertes par l’auteur, qui nous livre un commentaireinterminable sur le texte, la langue et les notions de philosophie induitespar son sujet, qui finit par devenir son propre texte, sa propre langue et sa propre philosophie à force de voirson auteur multiplier les allers-retoursentre l’origine et la fin en s’intéressantaux causes profondes qui peuvent lesrelier et non aux seules fondationsvisibles de l’édifice, qui –du reste – n’en a pas. C’est précisément parce quePress Book est une critique, non pasnégative, mais productive de lui-même

qu’il peut être considéré comme une entreprise déconstructiviste. «La déconstruction est inventive ou ellen’est pas», écrivait Jacques Derrida,figure de proue de ce mouvementlittéraire, «sa démarche engage uneaffirmation.» Elle veut inventerl’impossible, «réinventer l’inventionmême, une autre, inventer ce qui neparaissait pas possible». Une méthoded’analyse et d’interprétation dudiscours, directement inspirée desrecherches sur le langage de Freud, que Goguel reprend à son compte en se servant de l’analyse de son proprediscours pour traquer et faire ressortirce que dissimulent ses propres écrits,idées réprimées, sujets occultés et toutautre élément qui aurait pu remettre en cause la cohérence générale de son propos. Procédant par couchessuccessives, il nous révèle peu à peu,sous les arguments lisses et bienconstruits de son discours, l’exigenced’une personnalité complexe et torturée.Un exercice de mise à nu poussé si loin par son auteur qu’il finitparadoxalement par le désincarnerpour n’en conserver que l’humanitécontradictoire, désormais affichée – et assumée– au grand jour. Ce n’estplus tant l’auteur qui nous intéresse entant que tel, mais ce que l’homme laisse– volontairement et involontairement–

transparaître de lui tout au long de son analyse littéraire qui va nouspermettre de recomposer sonœuvre,mais délivrée de son emprise et selonune nouvelle règle du jeu qu’il nousappartient de définir. Une perte de contrôle délibérée de la part deGoguel qui n’a cependant rien d’unrenoncement. Car c’est paradoxalementde son effacement volontaire d’auteurque Goguel tire la matière de sonœuvre. Comme s’il lui avait fallu selibérer du regard et du jugement desautres pour enfin oser être lui-même sur le papier et laisser sa juste place au lecteur. Comme s’il lui avait fallu se débarrasser de son immense etencombrant besoin de reconnaissancepour assumer sa pensée et nous laproposer – et non l’imposer– sans rienattendre en retour. Mathieu Goguel est désormais sûr de sa pensée et de sondiscours et s’avance sereinement versnous, pleinement conscient de ce qu’il est : la pensée en mouvementpermanent d’un libre esprit critique.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel,Erreur Système, 19,68€

LA NEGATION CONSTRUCTIVE

Page 93: Press Book

UN BOUCHE-À-OREILLEQUI SE TERMINE EN

TÊTE-À-QUEUE ! FAUT-ILÊTRE TORDU, CASSE-COU

OU SIMPLEMENT OBSÉDÉPOUR IMAGINER

PAREILLE CONCLUSION À SON ENTREPRISE DESÉDUCTION LITTÉRAIRE?

est mortdépassé!

Vive l’erreursystème !

185184

Où est passé le temps de la réflexion ? Peut-être dansl’erreur système qui interromptbrusquement le programme en cours et offre une pausebienvenue au travailleur pressé qui peut reprendre son souffle, le temps deréinitialiser la machine.Erreur Système, donc.Une signature en forme de marque-identité autant que de fonction-programme !Un nom d’artiste restécurieusement inutilisé et libre de droits jusqu’à lui Goguel.Comme un signe du destin.Car il est l’erreur système.Celui qui l’interrompt pourl’interroger.Celui qui interpelle séparément chacun de sescomposants afin de leurrappeler leur appartenance à un collectif ainsi que leurresponsabilité individuelle dans son évolution aléatoire.Car c’est le grand paradoxe de notre époque. Où jamais la liberté d’informer n’a été aussi grande.Où un nombre croissant decitoyens s’inquiète de l’évolutionde notre société. Sans que son développement effréné s’en trouve ralenti pour autant.

Ou alors si peu.Comme si le système avaitdéfinitivement échappé à toutcontrôle extérieur et n’était pluscapable d’écouter les mises engarde que lui adressent certainsobservateurs indépendants.Généralement taxés de«rétrogrades», de «passéistes»,«d’éternels pessimistes», de «frustrés» et aussitôtrenvoyés d’où ils viennent, c’est-dire hors-système, à l’isolement de leur réflexion. Le nombre n’a-t-il pas toujours raison ?Difficile, voire impossible,aujourd’hui de faire entendre sa voix lorsque celle-ci estcritique vis-à-vis du système.Une défaite de la pensée qu’il est difficile d’accepter tant elle constitue une insulte à l’intelligence de l’homme et constitue une grave menacepour l’avenir de l’humanité. Carc’est justement lorsqu’on penseavoir raison envers et contretous que l’on commencegénéralement à commettre des erreurs.Face à ce danger, il convientdonc de réinstaurer le doutepermanent comme socle de la réflexion collective.Autrement dit, l’écoute et le dialogue. «Le débatparticipatif», se risquerait-onpresque à dire si l’expressionavait du sens.Encore faut-il pour cela prendre le temps du recul et de l’analyse qui permettent de faire les bons choix.Erreur Système, donc.

Ou plutôt «Erreur 404», une interruption volontaire de votre programme de vie bien rangée que l’auteur se propose d’installer au coeur de votre quotidien afin deréinitialiser votre intellect.A défaut de livre, quelquesminutes de réflexion sur ce qui fait aujourd’hui le succèspopulaire d’un livre vide et creux dans une société de l’information qui ne jure plus que par l’image.Imaginez un livre qui n’existepas. Sauf que s’il n’existait pas, personne n’en parlerait... sSauf à commettre un terriblecontresens.

Press Book (Ceci n’est pas un livre) de Mathieu Goguel, Erreur Système, 19,68 ¤

erreur 404 -livre introuvable Dieu

Page 94: Press Book

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p. 7 : les paroles présentées en basde page sont le début de la chansonThe End des Doors qui figure surleur premier album éponyme paruchez Elektra en 1967.p. 51 & p. 176 : L’OuLiPo (acronymede OUvroir de LIttératurePOtentielle) est un atelier defabrication de littérature enquantité illimitée fondé en 1960 parRaymond Queneau et François LeLionnais. Plus d’informations sur lesite des Oulipiens : www.oulipo.netp. 54 : le morceau «SignedCurtains» figure sur le premieralbum éponyme (1972) de MatchingMole, le groupe fondé par Robert Wyatt après son départ de Soft Machine. Merci à Jean-Pierre Lentin de me l’avoir fait découvrir sur Radio Nova et à Stéphane Fougère de Traverses,Musiques nouvelles et progressives(http://www.rythmes-croises.org/traversesmag/) de m’avoir permis de retrouver ses références.pp. 92-93 : l’article intitulé «Cecin’est pas une critique de livre» estune pâle imitation de la chanson«(This is not a) Love Song» dePublic Image Limited – PIL pour lesintimes –, groupe de Johnny«Rotten» Lydon, ancien chanteurdes Sex Pistols. Paroles et musiquede Public Image Ltd – IPS Music /April Music ©1983 PiL Records Inc /Virgin Music Inc.pp. 122 : la représentation del’oreiller «Ceci n’est pas un livre»est la reproduction d’une gravured’Albrecht Dürer. Le véritableoreiller, lui, est disponible en troiscouleurs sur le site japonaiswww.bytrico.com. Vous pouvez lecommander pour la modique sommede 12.600 yen (110 euros !) àl’adressehttp://www.bytrico.com/onlineshop/item_html/ranchbox/ra01.htmlpp. 128-129 : le graphismeHateLove est une reproduction de

l'ambigramme imprimé sur T-shirt :"Psy-shirt". Création et conceptiongraphique originale : RachelPfleger. Editeur : Pa-Design. Merci de leur aimable et gracieuseautorisation. Pour acheter le «Psy-shirt», une seule adresse :http://www.pa-design.com/pp. 162-163 : l’article intitulé«Participez au livre !» est largementinspiré d’un article intitulé « Où l’onapprend que le compte-rendu d’unlivre (de P. Bayard) est plusimportant que le livre lui-même »publié par Dominique Vaugeois le 12avril 2007 dans le volume 8, numéro2 de la revue Acta Fabula(http://www.fabula.org/revue/document2982.php), dont il reprendquelques courts extraits sans lesguillemets nécessaires. Grâce soitdonc rendue à son auteur : lepompage assumé de son articlem’aura économisé la lecture d’unlivre aussi moins aussi fastidieuxque Press Book (Ceci n’est pas unlivre), le bien-nommé «Commentparler des livres que l’on n’a paslus ?» de Pierre Bayard, paru en2004 aux Editions de Minuit, dont leprésent ouvrage s’efforce d’illustreret de prolonger la réflexion. Parmiles autres livres ayant inspirél’écriture de Press Book (Ceci n’estpas un livre), citons en vrac : LunarPark de Bret Easton Ellis (RobertLaffont, Littérature Etrangère XXIe

siècle, 2005), Storytelling : Lamachine à fabriquer des histoires età formater les esprits de ChristianSalmon (Editions La Découverte,Cahiers Libres, 2007), Warhol Spiritde Cécile Guilbert (Grasset &Fasquelle, 2008), 99 F de FrédéricBeigbeder – précédemment intitulé14,99 ¤ – qui vient de retrouver sontitre original à l’occasion de sonpassage en poche (Gallimard, Folio,2004), L’éclipse du savoir de LindsayWaters (Editions Allia, 2008),

œuvres de Edouard Levé, dont jesalue la mémoire encore vive (POL,Fictions, 2002) et quelques autresque j’ai déjà oubliés (sans douteparce que je les ai lus).Pp. 180-181 : l’article intitulé«L’anti-procès de Kafka ou lamétamorphose de Goguel» estlargement inspiré, non pas tant del’œuvre de Kafka – que je n’ai passouvenir d’avoir lue de mon vivant,cf. point précédent – que de lalecture de deux articles pêchés surle net : «Franz Kafka & lespostmodernes» de Jean-Louis Cloët,publié le 10 septembre 2007 sur lesite de la revue polairehttp://www.revue-polaire.com/,l’article étant disponible à l’adressehttp://utopiktulkas.free.fr/polaire/spip.php?article35, et «L’énigme dela loi – Le paradoxe de l’écritureemprisonnée dans Le Procès deKafka» de Elisabeth Chalier-Visuvalingam, paru en avril 2007 auxCahiers de la Nouvelle Europe,Université de Paris III et disponiblesur son site à l’adresse suivante :http://www.svabhinava.org/French/ElizabethVisuvalingam/KafkaEnigmeLoi-frame.php.

Index des auteurs, artistes etpersonnalités cités à leur insu dans cet opus : Laurent Baffie, DanielBalavoine, Honoré de Balzac, AlainBashung, Charles Baudelaire, JeanBaudrillard, François Bayrou, FrédéricBeigbeder, Jorge Luis Borges, OlivierCadiot, Louis-Ferdinand Céline, EmileMichel Cioran, Pierre Dac, SalvadorDali, Mark Z. Danielewski, GuyDebord, Pierre Desproges, RaymondDevos, Julien Doré, Claude Dubois,Marcel Duchamp, Edika, Bret EastonEllis, Gustave Flaubert, Franquin,Serge Gainsbourg, René Gosciny,Gotlib, Jean-Marie Gourio, Jean-EdernHallier, Bernard Heidsieck, Hergé,Alfred Hitchcock, Michel Houellebecq,Lionel Jospin, Franz Kafka, René Magritte, Morris, Friedrich

Bulle de crédit gratuit

Nietzsche, Christophe Parat, GeorgesPerec, Raymond Queneau, Reiser,Jacques Roubaud, Gaëtan Roussel,Ségolène Royal, Sempé, LawrenceSterne, Tabary, Uderzo, Andy Warhol,Lindsay Waters, Bernard Werber,Robert Wyatt et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi, et moi,

Page 95: Press Book

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