Présentation de "Tara océans"

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CHRONIQUES D’UNE EXPéDITION SCIENTIFIQUE éric Karsenti & Dino Di Méo ACTES SUD | TARA EXPÉDITIONS OCEANS

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Présentation de "Tara océans" paru aux éditions Actes Sud en octobre 2012

Transcript of Présentation de "Tara océans"

chroniques d’une expédition scientifiqueéric Karsenti & dino di Méo

Actes sud | tArA expéditions

OCEANS

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CHRONIQUES D’UNE EXPÉDITION SCIENTIFIQUEÉric Karsenti & Dino Di Méo

ACTES SUD | TARA EXPÉDITIONS

OCEANS

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Autour de lA sortie du livre :

•  Venue de Tara à Paris, à quai pont Alexandre-III, de la fin d’octobre 2012 au 15 janvier 2013. Visites privées du bateau pour les libraires, scolaires et journalistes.

•  Exposition Tara à Paris, du 3 novembre 2012 au 15 janvier 2013, organisée en lien avec la mairie de Paris.

cAlendrier de tArA en frAnce :

•  Roscoff  13 au 15 septembre  •  Nice/Villefranche  4 au 8 mars

•  Londres  17 au 27 septembre  •  Monaco  8 au 12 mars

•  Le Havre  29 septembre au 12 octobre  •  Bordeaux  24 au 29 mars

•  Paris  17 octobre au 29 janvier  •  Nantes  30 mars au 10 avril

•  Le Havre  31 janvier au 4 février  •  Lorient  avril et mai

•  Marseille  23 février au 3 mars

Départ de Tara depuis Lorient pour sa prochaine expédition en Arctique en mai 2013.

Le livre complète la sortie en prime time sur France 2 de PLANÈTE OCÉAN, un document exceptionnel de 90 min réalisé par Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot, qui s’appuie sur le talent de certains des plus illustres spécialistes mondiaux de l’océanographie et de Tara Expéditions pour capturer des images extraordinaires de nos océans, source de vie pour notre planète.

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Hiver 1995, Heidelberg. Je termine la lecture du livre de Charles Darwin Le Voyage du Beagle, un ouvrage qui tient à la fois du récit d’aventures et du carnet naturaliste. Darwin, qui, à vingt-deux ans, sortait tout juste de Cambridge, nous fait partager son expérience de la vie en mer et de ses affres, puis sa découverte de la magie des tropiques, et enfin son étonnement face à la richesse du vivant, à cette diversité flamboyante qui se déploie sous ses yeux au fur et à mesure que le voyage se déroule. Il découvre les micro-organismes marins et leurs effets sur la coloration de l’océan, la sauvagerie de la Terre de Feu, l’étonnante diversité des Galapagos, les récifs coralliens et leur genèse mystérieuse, qu’il explique d’ailleurs de façon spectaculaire. Je suis captivé. On assiste véritablement à l’émergence de la théorie de l’évolution dans son esprit. Il n’en parle pas directement, car il ne voulait pas le faire à cette époque de sa vie, mais elle est là, bruissante, à chaque chapitre. On y découvre avec surprise comment ses observations sur l’évolution géologique de la Terre (il découvre des fossiles marins à 2000 m au-dessus du niveau de la mer) se mêlent au sentiment que la vie, aussi, s’est transformée, a évolué. Il acquiert la conviction qu’il existe une forte interdépendance entre un environnement physique donné et la nature des êtres vivants qu’on y trouve. Autrement dit que la géologie et la vie ont coévolué sur des millénaires : Darwin pensait déjà l’évolution en écologiste.

Le fait d’avoir beaucoup navigué et voyagé tout en passant le plus clair de mon temps à travailler sur les principes qui gouvernent l’organisation du monde vivant m’a donné envie de partir dans le sillage de ce voyage, pour essayer de retrouver cette force de suggestion qu’a eue, pour Darwin, la découverte de la diversité et de la beauté sauvage de notre planète. Évidemment, au XXIe siècle, en France, on peut avoir l’impression que ce genre de voyage ne présente plus beaucoup d’intérêt. On se déplace autour du globe en quelques heures de jet, et d’un clic on peut voir n’importe quelle partie du monde sur Google Earth. Et pourtant, il me semblait que la lenteur même d’un voilier progressant au fil de la vie océanique pourrait encore permettre à

La genèse et les enjeux scientifiques d’une expédition hors du commun

ExTrAITs Du TExTE InTroDucTIf D’ÉrIc KArsEnTI

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l’humanité nombre de découvertes scientifiques tout en fournissant un moyen de communication pour faire partager au plus grand nombre ce que l’observation scientifique de notre planète vivante peut nous apprendre. Au début, c’était une sorte de rêve, d’idée fragile et incertaine, un peu en l’air, comme notre cerveau en génère assez souvent pour se faire plaisir. […] C’est en 2000-2001 que j’ai recommencé à penser au voyage du Beagle. J’ai parlé de l’idée à quelques amis scientifiques. Ils ont tous été enthousiastes et m’ont fortement encouragé à tenter cette folle aventure. Soudain, le rêve un peu éthéré se transformait en “pourquoi pas ?”.

[…] En septembre 2007, nous avons rencontré Étienne Bourgois. Tara était encore “en glace”, terminant la dérive arctique. […] Le mandat de Tara Expéditions est d’organiser des missions avec la goélette d’exploration afin de mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes. Tara est un voilier engagé depuis 2003. […] Actif en mer, le voilier était aussi acteur à terre. Les équipes de Tara Expéditions agissant concrètement pour renforcer la conscience environnementale du grand public et des jeunes – il y avait donc des points de convergence forts entre nos approches, d’autant plus qu’Étienne Bourgois tenait à ce que la composante scientifique de ses expéditions soit sérieuse et importante. […]

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Dès que Tara est sorti de glace en janvier 2008, les choses ont commencé à aller très vite. Après un certain nombre de réunions, le projet scientifique et pédagogique a commencé à se structurer et Étienne Bourgois a pris la décision de se lancer dans l’aventure. Il s’agissait de faire un tour du monde passant par la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien, l’Atlantique Sud, l’Antarctique, le Pacifique Sud pour revenir par le Pacifique Nord, le passage du Nord-Ouest et l’Atlantique Nord. Le but était d’étudier les écosystèmes planctoniques, des virus au zooplancton, dans leur environnement physicochimique et océanographique, ainsi que certains récifs coralliens mal connus. […]

Mais pourquoi s’intéresser au plancton et aux récifs coralliens, et surtout pourquoi tenter d’étudier ces écosystèmes à l’échelle du globe ? Au cours des soixante dernières années, la population mondiale est passée de 2,5 à 7 milliards d’individus. L’humanité ne peut plus considérer qu’elle a un impact mineur sur l’environnement planétaire. L’une des causes principales de l’augmentation de la population est la découverte et l’exploitation de sources d’énergies fossiles. L’abondance et le faible coût de l’énergie ont été le moteur d’une révolution industrielle qui a pris son essor au XIXe siècle, protégeant les hommes des maladies, cataclysmes et famines, leur permettant de s’informer, s’instruire et voyager. Nous savons tous que cette explosion démographique, associée à un développement non maîtrisé et à une culture de la compétition et de la consommation, est en passe de modifier notre environnement de façon irréversible et qu’elle est probablement dangereuse pour notre espèce. Face aux changements inéluctables qui nous attendent, nous devrons bien sûr nous adapter, faire preuve de sagesse, de solidarité, et mobiliser nos ressources intellectuelles et morales pour canaliser les changements à venir. Mais il nous faut également mieux connaître notre environnement pour en utiliser les ressources énergétiques de façon plus équilibrée, pour éviter de faire des erreurs conduisant à des changements irréversibles et dangereux, et surtout pour que chaque citoyen apprenne à connaître les limites de l’écosystème terrestre.

Ce dernier aspect, qui a trait à la connaissance pure, est peut-être le plus important – à condition bien sûr que le public y ait accès. En effet, c’est cette connaissance qui permet aux citoyens de choisir la structure de leurs sociétés et les hommes politiques qui les gèrent. Or, il se trouve que le plancton est à l’origine de notre existence et continue à être le réacteur majeur de l’écosystème terrestre. […] Voilà pourquoi il est si important de comprendre l’évolution et l’écologie des écosystèmes planctoniques. Ils sont notre usine de transformation énergétique et une source de biodiversité colossale. Pas de plancton, pas d’humanité !

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DINOFLAGELLÉS collectés près des îles Galapagos, protistes phytoplanctoniques.

Photographie prise avec un microscope à flurorescence.

DINOFLAGELLÉ collecté près des îles Galapagos, protiste phytoplanctonique.

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DINOFLAGELLÉS collectés près des îles Galapagos, protistes phytoplanctoniques.

Photographie prise avec un microscope à flurorescence.

DINOFLAGELLÉ collecté près des îles Galapagos, protiste phytoplanctonique.

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MISSION CORAIL TERMINÉE !

Nous avons étudié la carte du lagon et discuté avec les habitants. Le but était de couvrir l’ensemble des types d’environnement pour avoir la plus grande diversité de coraux et tenter d’être le plus exhaustifs possible sur les espèces présentes. Après avoir observé l’état de santé du récif et récolté des échantillons des différentes espèces rencontrées, nous com-mençons les classifications pour préparer le gros travail qui nous attend à notre retour aux laboratoires. Chaque soir, j’identifie un maximum d’espèces récoltées la journée ; mais j’aurai besoin de vérifications à mon retour. Aujourd’hui, nous disposons d’outils très performants pour la classification des espèces grâce à la génétique et la micromorphologie. Et cette collec-tion devrait devenir une référence. Pour la première fois, en même temps que le travail sur les coraux, nous avons fait des stations de prélèvements biologiques avec Noan et Sarah. C’est très intéressant de coupler les deux approches et de croiser les résultats. Nous avions aussi à bord Claudio Stalder, qui étudiait en parallèle les foraminifaires, des protistes benthiques présents dans les sédiments que nous collections sur les sites de plongée. Ces micro-organismes sont de très bons indicateurs de la santé des eaux. Mais il est rare d’avoir une équipe aussi multidisciplinaire. Nous avons retrouvé toutes les espèces enregistrées par le biologiste J.-P. Chevalier, qui a étudié le site en 1974, sauf une ! Sept espèces n’avaient jamais été vues ici ; celle qu’on n’a pas trouvée est la Stylophora pistillata, un corail branchu qui existe aussi dans l’Océan Indien et qui est très sensible au blanchissement (stress thermique faisant suite à l’interruption de la symbiose entre le corail et des micro-algues).

le corailsous toutes ses coutures

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MISSION CORAIL TERMINÉE !

Nous avons étudié la carte du lagon et discuté avec les habitants. Le but était de couvrir l’ensemble des types d’environnement pour avoir la plus grande diversité de coraux et tenter d’être le plus exhaustifs possible sur les espèces présentes. Après avoir observé l’état de santé du récif et récolté des échantillons des différentes espèces rencontrées, nous com-mençons les classifications pour préparer le gros travail qui nous attend à notre retour aux laboratoires. Chaque soir, j’identifie un maximum d’espèces récoltées la journée ; mais j’aurai besoin de vérifications à mon retour. Aujourd’hui, nous disposons d’outils très performants pour la classification des espèces grâce à la génétique et la micromorphologie. Et cette collec-tion devrait devenir une référence. Pour la première fois, en même temps que le travail sur les coraux, nous avons fait des stations de prélèvements biologiques avec Noan et Sarah. C’est très intéressant de coupler les deux approches et de croiser les résultats. Nous avions aussi à bord Claudio Stalder, qui étudiait en parallèle les foraminifaires, des protistes benthiques présents dans les sédiments que nous collections sur les sites de plongée. Ces micro-organismes sont de très bons indicateurs de la santé des eaux. Mais il est rare d’avoir une équipe aussi multidisciplinaire. Nous avons retrouvé toutes les espèces enregistrées par le biologiste J.-P. Chevalier, qui a étudié le site en 1974, sauf une ! Sept espèces n’avaient jamais été vues ici ; celle qu’on n’a pas trouvée est la Stylophora pistillata, un corail branchu qui existe aussi dans l’Océan Indien et qui est très sensible au blanchissement (stress thermique faisant suite à l’interruption de la symbiose entre le corail et des micro-algues).

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VEILLÉE D’ARMES DE DJIBOUTI VERS ABU DHABI

Cette zone du globe est depuis très longtemps considérée comme dan-gereuse à cause de la présence des pirates somaliens qui n’hésitent pas à aborder les bateaux et prendre en otages les équipages pour monayer leur libération. Se rendre de Djibouti à Abu Dhabi signifie donc pour Tara une prise de risque importante. Depuis le début de l’expédition, Romain Troublé, le directeur des opérations de Tara Oceans, est plongé dans cette partie du voyage pour assurer la sécurité du bateau. Pour des raisons techniques, Tara, même au moteur, ne pouvait être intégré à un des nombreux convois qui sillonnent cette partie de l’Océan Indien. Un convoi navigue environ à 12 noeuds or Tara ne peut pas aller plus vite que 8 noeuds. Il faut trouver une autre solution. L’armée française avait, on peut le comprendre aisément, émis des réserves de protéger un voilier de cette taille, ne serait-ce que

pour ne pas créer un précédent. Après des mois de discussions, Tara obtient in fine le soutien de la Marine Nationale et une protection formée à Lorient, port d’attache de Tara. Les scientifiques sont donc débarqués à Djibouti et quelques membres de la Marine montent à bord, au vu de tous, sans doute dans un but de dissuasion. Le bateau va donc longer les côtes sud de la péninsule arabique, passer le détroit d’Ormuz et rejoindre Abu Dhabi sans faire un seul prélèvement. “Il y a eu deux alertes mais nous étions difficile-ment localisables car on tirait des bords et il y avait beaucoup de mer”, raconte Hervé Bourmaud. “Il y avait 25 noeuds de vent de face et des creux de 3 à 4 mètres”, explique Romain Troublé qui n’a pas perdu le moindre mille de ce convoyage très spécial. C’était presque une aubaine pour nous car aborder un bateau avec une telle houle reste très difficile. Dans le même temps, Tara participe au contrôle naval volontaire qui implique toute embar-cation naviguant dans la zone à rendre compte de sa position et de tout ce qu’il voit. “C’est un moyen de partager les informations et de les recouper. Les deux alertes ont en fait consisté à l’approche de boutres sans qu’on sache s’il s’agissait de pêcheurs ou de pirates”, continue Romain. A bord, l’équipage était tout aussi occupé à scruter l’horizon 24 heures sur 24. Et c’est sans encombre que le voilier arrive à Abu Dhabi après douze jours d’une traversée peu commune. Bien que protégé, l’équipage a vécu ces quelques jours non sans une certaine appréhension et toute l’équipe s’est trouvée soulagée d’arriver à bon port et fouler cette ville entièrement sortie du sable du désert.

92 Mer rouge/Nord Indien22.12.2009/6.04.2010

Alerte…pirates !

152 Buenos Aires/Ushuaia15.11.2010/30.12.2010

LA GROSSE TEMPÊTE DE MI-DÉCEMBRE

Averti de l’approche d’une dépression encore pire que les autres (Cruella la bien nommée et qui semble vraiment mauvaise), le capitaine décide de venir mouiller sous les falaises du Cabo Virgines (Le cap des Vierges), à l’entrée du Détroit de Magellan, pour s’abriter. Comme prévu, les vents se déchaînent pour atteindre 70 nœuds établis pendant deux jours. Vers 3 heures du matin, l’estrope qui retient la chaîne de l’ancre au taquet lâche. La chaîne se déroule dans sa totalité, sur 250 mètres. Hervé, le capitaine, maintient Tara face à ce vent de folie pendant que Vincent, Mike et Hubert tentent de resécuriser le mouillage. “Diffi cile de tenir debout sur le bateau, raconte Vincent. Tout autour, l’eau fumait. On ne distinguait plus, dans ce petit matin qui se précisait, sa couleur verte habituelle. Des tourbillons auréolés d’arc en ciel dévalaient cette surface de plus en plus informe. Un horizon trouble et laiteux à la limite de la visibilité. Des éléments en furie, dictant leurs lois”. Des rafales à 81 noeuds détruisent l’anémomètre, L’ancre dérape, une fois, deux fois. Tara recule puis se stabilise enfi n. L’une des scientifi ques commence à paniquer… Personne n’est bien fi er, mais le seul risque est de se retrouver en fuite vers les Malouines, ce qui n’est certes pas une perspective agréable avec ce temps là ! Même sur Tara.Dans la nuit, la tempête fi nit par se calmer. Un calme relatif à cette latitude puisque les vents atteignent toujours les 40 nœuds (le minimum syndical selon Eric Karsenti). Après cette mise à l’abri judicieuse, la goélette va pouvoir repar-tir cap au sud vers le détroit de Le Maire. Après une dernière station par 30 noeuds de vent juste au Nord du détroit, Tara embouque la passe avec un vent attenué par les montagnes de la Terre de Feu. Le lendemain matin, Sarah Searson tient à envoyer la rosette soit-disant pour calibrer les ins-truments. En fait, elle récupère de l’eau de la rosette et en offre une fi ole à chaque membre d’équipage avec pour tout code barre… la position exacte, la profondeur, et… “Eau du cape Horn” ! Tara en est effectivement très proche, prêt à embouquer le canal du Beagle. Le bateau mouille au milieu d’une crique complètement sauvage où le Beagle a très certainement fait escale aussi dans les années 1830, avec un certain Darwin à bord !

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168 Antactique/Cap Horn/Canaux de Patagonie/Puerto Montt/Valparaiso30.12.2010/27.02.2011

AU MOUILLAGE À L’ILE DÉCEPTION

“Nous voici donc au mouillage à l’Ile Déception. C’est un endroit magique, nous sommes à l’intérieur d’un ancien cratère envahi par la mer. Et sur la grève devant

Tara, on peut apercevoir des fumerolles témoignant d’une activité volcanique somnolant sous notre ancre. Nous sommes ici en attente de la bonne fenêtre météo pour traverser le passage du Drake, sur la route du retour vers la Terre de Feu (Amérique du Sud). Aujourd’hui, Tara émet des effl uves de fi n de voyage, bien que demain, à coup sûr, il bataillera dans la baston. Je relis Antarctide, le beau livre d’Yvon Le Corre qui relate le passage de notre navire, alors baptisé Antarctica, dans les mêmes lieux, l’île Déception, il y a presque 20 ans avec Jean-Louis Etienne. Yvon, le peintre, conte dans ses textes et ses aquarelles magnifi ques ce que nous avons sous les yeux. Rien n’a vrai-ment changé dans ces paysages aux ambiances de neige et de roc. La sil-houette stylisée de la goélette au mouillage nous est bien sûr familière. Au jeu des comparaisons cependant, on constate que les ruines de la base baleinière ont été nettoyées de tout objet contendant pour les touristes qui, aujourd’hui, débarquent depuis les paquebots. Même l’épave sympathique du petit avion orange a disparu, sans doute considérée comme extrêmement dangereuse pour les inconscients qui s’y faisaient photographier... J’ai l’âme nostalgique. A quand la prochaine fois ?”

HERVÉ LE GOFF, INGÉNIEUR DE RECHERCHE AU LABORATOIRE LOCEANS/CNRS-UPMC

UN GÉNÉRATEUR QUI POUSSE À EN VENIR AUX MAINS

Samedi 23 janvier, le réveil a sonné à 3h du matin. Cap sur le centre d’Antarc-tic Sound, pour la station scientifi que prévue depuis quelques jours. Vers 3h 30, Marc, chef de mission et l’ensemble de son équipe de six scientifi ques, Céline, Hervé, Roland, Thomas et Edouard sont à pied d’oeuvre. Faute de treuil tout se fait à “à l’ancienne”, c’est-à-dire à la main. Dix mises à l’eau ont quand même été réussies, une prouesse ! Six heures plus tard, Tara fait route vers Deception Island, une île volcanique dont le cratère s’est effondré. C’est là que le bateau attendra la bonne fenêtre météo pour repasser le passage de Drake, et rejoindre l’Amérique du Sud et Puerto Williams.

Baie des Baleiniers

IMPRESSIONS DU BORD AVANT L’ARRIVÉE

“Je me réjouis du retour de Tara à Lorient, ça clôture un long voyage. Je suis très satisfait de l’osmose qui règne entre l’équipe Tara et le “team science”, il ne faut pas que tout ça retombe. On va donc tout entreprendre pour que cette collaboration continue avec les laboratoires partenaires de Tara Oceans. Je tiens par ailleurs à féliciter l’équipe Tara. Le bateau est dans un super état, c’est un très grande satisfaction pour moi”.

étienne bourgois

“Tara Oceans, ça restera pour moi une histoire à la fois professionnelle et personnelle. Grâce à cette expédition, j’ai rencontré ma femme et nous avons aujourd’hui un petit Joseph. C’est donc un succès scientifique et personnel. J’ai aussi l’appréhension que ça s’arrête, cette expédition c’est trois ans de notre vie. En permanence, nous pensions à Tara et au travail. J’ai donc l’angoisse de la fin, mais on va rebondir sur la suite. Je regrette que Gaby Gorsky, l’un des concepteurs du projet avec Eric Karsenti et Christian Sardet, ne soit pas là. Mais il est retenu par ses fonctions de directeur de l’observatoire océanographique de Villefranche-sur-mer. Si l’arrivée de l’expédition dans deux jours est aussi grandiose que le départ, ça promet”.

colomban de vargas, biologiste, coordinateur de tara océans.

“J’ai passé 19 mois à bord. J’ai bénéficié d’une fenêtre extraor-dinaire sur le monde. Avant d’embarquer sur Tara, j’avais des doutes sur notre capacité à faire de la science de haut niveau à bord de Tara, à cause de son roulis, à cause de sa taille juste-

ment. Mais maintenant je suis très fière de ce que nous avons accompli avec Marc Picheral. Nous avons collecté le maximum de ce que nous pouvions imaginer, je suis très fière et surprise en même temps avec le recul de cette réussite. J’avais déjà travaillé sur une quarantaine de navires, tous beaucoup plus grands. Et au final, j’aime plus Tara que les autres pour cette raison. Nous y vivons plus en communauté, tout le monde aide et pas seulement quand ça concerne uniquement ton corps de métier. C’est bon de revoir les gens, ça permet de mieux les connaître peu à peu, et c’est comme ça que la communauté s’est créée”.

sarah searson, ingénieur océanographe.

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dernière nuit

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19,6 x 25,5 cm272 pages450 illustrations quadriOuvrage reliéisBN : 978-2-330-01239-7Coédition Tara Expéditions / Actes sudOctobre 2012Prix provisoire : 29 euros

Relations presse Actes sud:RÉGiNE LE [email protected]él. : 05 62 66 94 63Relations presse Tara expéditions :ÉLOïsE [email protected]él. : 01 42 01 38 57

18, rue Séguier,75006 ParisTél. : 01 55 42 63 00Fax : 01 55 42 63 01

www.actes-sud.fr

De septembre 2009 à mars 2012, chercheurs, océano-graphes et marins se sont relayés à bord de Tara, ce bateau unique au monde, dans le cadre de l’expédition Tara Oceans. Le but, très ambitieux, consistait à réaliser la première étude à l’échelle planétaire des récifs coralliens et du plancton marin – cette branche du vivant minuscule comprenant aussi bien des virus et des bactéries que de plus gros orga-nismes comme les méduses. Ces organismes marins absorbent 50 % du CO2 terrestre et sont considérés comme le ”poumon de notre planète”. Or, la population planctonique peut très rapidement être affectée par les variations climatiques. Elle peut alors, à son tour, influencer le climat en modifiant l’absorption du carbone. L’étudier, c’est donc prendre le pouls de notre Terre.

À cette fin, Tara a prélevé vingt-sept mille échantillons, collectés dans l’esprit non pas d’étudier les propriétés d’un royaume ou d’une espèce en particulier, mais de comprendre l’ensemble du système écologique de nos océans.

Le livre s’inscrit dans la démarche de pédagogie que la communauté scientifique internationale et Tara Expéditions ont mis en place lors de l’expédition Tara Oceans.

Tentant d’abandonner l’approche anxiogène qui consiste essentiellement à alarmer les collectivités et les individuali-tés sur la dégradation de l’environnement, cette aventure ouvre la voie à une démarche positive fondée sur la

mobilisation collective et solidaire de toutes nos énergies – et de tous nos savoirs sur le monde qui nous entoure ; or, c’est un panorama inconnu du plancton que Tara Oceans déroule sous nos yeux.

Dans la lignée des premières grandes expéditions océano-graphiques du xixe siècle, la goélette a exploré la biodiver-sité marine, combinant un grand nombre de méthodes développées depuis l’aventure mondiale fondatrice du Challenger en 1872. Au fil de la progression du voilier sondant la vie océanique, l’ouvrage nous montre comment la volonté de quelques individus a permis de dépasser les barrières du fonctionnement traditionnel des expéditions scientifiques pour aboutir à une démarche novatrice. Pendant ce tour du monde exceptionnel, deux cents personnes, aux spécialités, cultures et langues différentes, se sont relayées sur la goé-lette Tara. ils ont fait escale dans les ports mythiques de trente pays différents, sont allés à la rencontre de leurs populations et de leurs cultures ; dans des conditions météo-rologiques parfois difficiles, ils ont vécu des moments inouïs, qu’ils relatent au fil de leurs expériences et du journal de bord de l’expédition.

Les membres de l’expédition ont découvert un monde mystérieux et pourtant indispensable à la vie sur Terre. ils ont réalisé une véritable plongée dans l’inconnu et nous livrent en images la beauté et la diversité du monde planctonique.

Éric Karsenti a obtenu un doctorat en immunologie et biologie cellulaire à l’Institut Pasteur de Paris en 1979. Il est scientifique senior au Laboratoire européen de biologie moléculaire. Il est à l’origine de l’expédition. Il est le codirecteur de Tara oceans avec Étienne Bourgois et coordonne le consortium scientifique qui établit les protocoles et le projet d’analyse des échantillons et données de cette expédition.

Dino Di Meo est né en Italie en 1952. En 1987, il est engagé à la rédaction de Libération. Il suit les expéditions de Tara depuis près de dix ans.

Le Méjan,place Nina-Berberova,BP 9003813633 Arles CedexTél. : 04 90 49 86 91Fax : 04 90 96 95 25

chroniques d’une expédition scientifiqueéric Karsenti & dino di Méo

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AUTOUR DE LA SORTIE DU LIVRE :

• Venue de Tara à Paris, à quai pont Alexandre-III, de la fin d’octobre 2012 au 15 janvier 2013. Visites privées du bateau pour les libraires, scolaires et journalistes.

• Exposition Tara à Paris, du 3 novembre 2012 au 15 janvier 2013, organisée en lien avec la mairie de Paris.

CALENDRIER DE TARA EN FRANCE :

• Roscoff 13 au 15 septembre • Nice/Villefranche 4 au 8 mars

• Londres 17 au 27 septembre • Monaco 8 au 12 mars

• Le Havre 29 septembre au 12 octobre • Bordeaux 24 au 29 mars

• Paris 17 octobre au 29 janvier • Nantes 30 mars au 10 avril

• Le Havre 31 janvier au 4 février • Lorient avril et mai

• Marseille 23 février au 3 mars

Départ de Tara depuis Lorient pour sa prochaine expédition en Arctique en mai 2013.

Le livre complète la sortie en prime time sur France 2 de PLANÈTE OCÉAN, un document exceptionnel de 90 min réalisé par Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot, qui s’appuie sur le talent de certains des plus illustres spécialistes mondiaux de l’océanographie et de Tara Expéditions pour capturer des images extraordinaires de nos océans, source de vie pour notre planète.

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Hiver 1995, Heidelberg. Je termine la lecture du livre de Charles Darwin Le Voyage du Beagle, un ouvrage qui tient à la fois du récit d’aventures et du carnet naturaliste. Darwin, qui, à vingt-deux ans, sortait tout juste de Cambridge, nous fait partager son expérience de la vie en mer et de ses affres, puis sa découverte de la magie des tropiques, et enfin son étonnement face à la richesse du vivant, à cette diversité flamboyante qui se déploie sous ses yeux au fur et à mesure que le voyage se déroule. Il découvre les micro-organismes marins et leurs effets sur la coloration de l’océan, la sauvagerie de la Terre de Feu, l’étonnante diversité des Galapagos, les récifs coralliens et leur genèse mystérieuse, qu’il explique d’ailleurs de façon spectaculaire. Je suis captivé. On assiste véritablement à l’émergence de la théorie de l’évolution dans son esprit. Il n’en parle pas directement, car il ne voulait pas le faire à cette époque de sa vie, mais elle est là, bruissante, à chaque chapitre. On y découvre avec surprise comment ses observations sur l’évolution géologique de la Terre (il découvre des fossiles marins à 2000 m au-dessus du niveau de la mer) se mêlent au sentiment que la vie, aussi, s’est transformée, a évolué. Il acquiert la conviction qu’il existe une forte interdépendance entre un environnement physique donné et la nature des êtres vivants qu’on y trouve. Autrement dit que la géologie et la vie ont coévolué sur des millénaires : Darwin pensait déjà l’évolution en écologiste.

Le fait d’avoir beaucoup navigué et voyagé tout en passant le plus clair de mon temps à travailler sur les principes qui gouvernent l’organisation du monde vivant m’a donné envie de partir dans le sillage de ce voyage, pour essayer de retrouver cette force de suggestion qu’a eue, pour Darwin, la découverte de la diversité et de la beauté sauvage de notre planète. Évidemment, au XXIe siècle, en France, on peut avoir l’impression que ce genre de voyage ne présente plus beaucoup d’intérêt. On se déplace autour du globe en quelques heures de jet, et d’un clic on peut voir n’importe quelle partie du monde sur Google Earth. Et pourtant, il me semblait que la lenteur même d’un voilier progressant au fil de la vie océanique pourrait encore permettre à

La genèse et les enjeux scientifiques d’une expédition hors du commun

EXTRAITS DU TEXTE INTRODUCTIF D’ÉRIC KARSENTI

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l’humanité nombre de découvertes scientifiques tout en fournissant un moyen de communication pour faire partager au plus grand nombre ce que l’observation scientifique de notre planète vivante peut nous apprendre. Au début, c’était une sorte de rêve, d’idée fragile et incertaine, un peu en l’air, comme notre cerveau en génère assez souvent pour se faire plaisir. […] C’est en 2000-2001 que j’ai recommencé à penser au voyage du Beagle. J’ai parlé de l’idée à quelques amis scientifiques. Ils ont tous été enthousiastes et m’ont fortement encouragé à tenter cette folle aventure. Soudain, le rêve un peu éthéré se transformait en “pourquoi pas ?”.

[…] En septembre 2007, nous avons rencontré Étienne Bourgois. Tara était encore “en glace”, terminant la dérive arctique. […] Le mandat de Tara Expéditions est d’organiser des missions avec la goélette d’exploration afin de mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes. Tara est un voilier engagé depuis 2003. […] Actif en mer, le voilier était aussi acteur à terre. Les équipes de Tara Expéditions agissant concrètement pour renforcer la conscience environnementale du grand public et des jeunes – il y avait donc des points de convergence forts entre nos approches, d’autant plus qu’Étienne Bourgois tenait à ce que la composante scientifique de ses expéditions soit sérieuse et importante. […]

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Dès que Tara est sorti de glace en janvier 2008, les choses ont commencé à aller très vite. Après un certain nombre de réunions, le projet scientifique et pédagogique a commencé à se structurer et Étienne Bourgois a pris la décision de se lancer dans l’aventure. Il s’agissait de faire un tour du monde passant par la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien, l’Atlantique Sud, l’Antarctique, le Pacifique Sud pour revenir par le Pacifique Nord, le passage du Nord-Ouest et l’Atlantique Nord. Le but était d’étudier les écosystèmes planctoniques, des virus au zooplancton, dans leur environnement physicochimique et océanographique, ainsi que certains récifs coralliens mal connus. […]

Mais pourquoi s’intéresser au plancton et aux récifs coralliens, et surtout pourquoi tenter d’étudier ces écosystèmes à l’échelle du globe ? Au cours des soixante dernières années, la population mondiale est passée de 2,5 à 7 milliards d’individus. L’humanité ne peut plus considérer qu’elle a un impact mineur sur l’environnement planétaire. L’une des causes principales de l’augmentation de la population est la découverte et l’exploitation de sources d’énergies fossiles. L’abondance et le faible coût de l’énergie ont été le moteur d’une révolution industrielle qui a pris son essor au XIXe siècle, protégeant les hommes des maladies, cataclysmes et famines, leur permettant de s’informer, s’instruire et voyager. Nous savons tous que cette explosion démographique, associée à un développement non maîtrisé et à une culture de la compétition et de la consommation, est en passe de modifier notre environnement de façon irréversible et qu’elle est probablement dangereuse pour notre espèce. Face aux changements inéluctables qui nous attendent, nous devrons bien sûr nous adapter, faire preuve de sagesse, de solidarité, et mobiliser nos ressources intellectuelles et morales pour canaliser les changements à venir. Mais il nous faut également mieux connaître notre environnement pour en utiliser les ressources énergétiques de façon plus équilibrée, pour éviter de faire des erreurs conduisant à des changements irréversibles et dangereux, et surtout pour que chaque citoyen apprenne à connaître les limites de l’écosystème terrestre.

Ce dernier aspect, qui a trait à la connaissance pure, est peut-être le plus important – à condition bien sûr que le public y ait accès. En effet, c’est cette connaissance qui permet aux citoyens de choisir la structure de leurs sociétés et les hommes politiques qui les gèrent. Or, il se trouve que le plancton est à l’origine de notre existence et continue à être le réacteur majeur de l’écosystème terrestre. […] Voilà pourquoi il est si important de comprendre l’évolution et l’écologie des écosystèmes planctoniques. Ils sont notre usine de transformation énergétique et une source de biodiversité colossale. Pas de plancton, pas d’humanité !

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DINOFLAGELLÉS collectés près des îles Galapagos, protistes phytoplanctoniques.

Photographie prise avec un microscope à flurorescence.

DINOFLAGELLÉ collecté près des îles Galapagos, protiste phytoplanctonique.

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MISSION CORAIL TERMINÉE !

Nous avons étudié la carte du lagon et discuté avec les habitants. Le but était de couvrir l’ensemble des types d’environnement pour avoir la plus grande diversité de coraux et tenter d’être le plus exhaustifs possible sur les espèces présentes. Après avoir observé l’état de santé du récif et récolté des échantillons des différentes espèces rencontrées, nous com-mençons les classifications pour préparer le gros travail qui nous attend à notre retour aux laboratoires. Chaque soir, j’identifie un maximum d’espèces récoltées la journée ; mais j’aurai besoin de vérifications à mon retour. Aujourd’hui, nous disposons d’outils très performants pour la classification des espèces grâce à la génétique et la micromorphologie. Et cette collec-tion devrait devenir une référence. Pour la première fois, en même temps que le travail sur les coraux, nous avons fait des stations de prélèvements biologiques avec Noan et Sarah. C’est très intéressant de coupler les deux approches et de croiser les résultats. Nous avions aussi à bord Claudio Stalder, qui étudiait en parallèle les foraminifaires, des protistes benthiques présents dans les sédiments que nous collections sur les sites de plongée. Ces micro-organismes sont de très bons indicateurs de la santé des eaux. Mais il est rare d’avoir une équipe aussi multidisciplinaire. Nous avons retrouvé toutes les espèces enregistrées par le biologiste J.-P. Chevalier, qui a étudié le site en 1974, sauf une ! Sept espèces n’avaient jamais été vues ici ; celle qu’on n’a pas trouvée est la Stylophora pistillata, un corail branchu qui existe aussi dans l’Océan Indien et qui est très sensible au blanchissement (stress thermique faisant suite à l’interruption de la symbiose entre le corail et des micro-algues).

le corailsous toutes ses coutures

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MISSION CORAIL TERMINÉE !

Nous avons étudié la carte du lagon et discuté avec les habitants. Le but était de couvrir l’ensemble des types d’environnement pour avoir la plus grande diversité de coraux et tenter d’être le plus exhaustifs possible sur les espèces présentes. Après avoir observé l’état de santé du récif et récolté des échantillons des différentes espèces rencontrées, nous com-mençons les classifications pour préparer le gros travail qui nous attend à notre retour aux laboratoires. Chaque soir, j’identifie un maximum d’espèces récoltées la journée ; mais j’aurai besoin de vérifications à mon retour. Aujourd’hui, nous disposons d’outils très performants pour la classification des espèces grâce à la génétique et la micromorphologie. Et cette collec-tion devrait devenir une référence. Pour la première fois, en même temps que le travail sur les coraux, nous avons fait des stations de prélèvements biologiques avec Noan et Sarah. C’est très intéressant de coupler les deux approches et de croiser les résultats. Nous avions aussi à bord Claudio Stalder, qui étudiait en parallèle les foraminifaires, des protistes benthiques présents dans les sédiments que nous collections sur les sites de plongée. Ces micro-organismes sont de très bons indicateurs de la santé des eaux. Mais il est rare d’avoir une équipe aussi multidisciplinaire. Nous avons retrouvé toutes les espèces enregistrées par le biologiste J.-P. Chevalier, qui a étudié le site en 1974, sauf une ! Sept espèces n’avaient jamais été vues ici ; celle qu’on n’a pas trouvée est la Stylophora pistillata, un corail branchu qui existe aussi dans l’Océan Indien et qui est très sensible au blanchissement (stress thermique faisant suite à l’interruption de la symbiose entre le corail et des micro-algues).

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VEILLÉE D’ARMES DE DJIBOUTI VERS ABU DHABI

Cette zone du globe est depuis très longtemps considérée comme dan-gereuse à cause de la présence des pirates somaliens qui n’hésitent pas à aborder les bateaux et prendre en otages les équipages pour monayer leur libération. Se rendre de Djibouti à Abu Dhabi signifie donc pour Tara une prise de risque importante. Depuis le début de l’expédition, Romain Troublé, le directeur des opérations de Tara Oceans, est plongé dans cette partie du voyage pour assurer la sécurité du bateau. Pour des raisons techniques, Tara, même au moteur, ne pouvait être intégré à un des nombreux convois qui sillonnent cette partie de l’Océan Indien. Un convoi navigue environ à 12 noeuds or Tara ne peut pas aller plus vite que 8 noeuds. Il faut trouver une autre solution. L’armée française avait, on peut le comprendre aisément, émis des réserves de protéger un voilier de cette taille, ne serait-ce que

pour ne pas créer un précédent. Après des mois de discussions, Tara obtient in fine le soutien de la Marine Nationale et une protection formée à Lorient, port d’attache de Tara. Les scientifiques sont donc débarqués à Djibouti et quelques membres de la Marine montent à bord, au vu de tous, sans doute dans un but de dissuasion. Le bateau va donc longer les côtes sud de la péninsule arabique, passer le détroit d’Ormuz et rejoindre Abu Dhabi sans faire un seul prélèvement. “Il y a eu deux alertes mais nous étions difficile-ment localisables car on tirait des bords et il y avait beaucoup de mer”, raconte Hervé Bourmaud. “Il y avait 25 noeuds de vent de face et des creux de 3 à 4 mètres”, explique Romain Troublé qui n’a pas perdu le moindre mille de ce convoyage très spécial. C’était presque une aubaine pour nous car aborder un bateau avec une telle houle reste très difficile. Dans le même temps, Tara participe au contrôle naval volontaire qui implique toute embar-cation naviguant dans la zone à rendre compte de sa position et de tout ce qu’il voit. “C’est un moyen de partager les informations et de les recouper. Les deux alertes ont en fait consisté à l’approche de boutres sans qu’on sache s’il s’agissait de pêcheurs ou de pirates”, continue Romain. A bord, l’équipage était tout aussi occupé à scruter l’horizon 24 heures sur 24. Et c’est sans encombre que le voilier arrive à Abu Dhabi après douze jours d’une traversée peu commune. Bien que protégé, l’équipage a vécu ces quelques jours non sans une certaine appréhension et toute l’équipe s’est trouvée soulagée d’arriver à bon port et fouler cette ville entièrement sortie du sable du désert.

92 Mer rouge/Nord Indien22.12.2009/6.04.2010

Alerte…pirates !

152 Buenos Aires/Ushuaia15.11.2010/30.12.2010

LA GROSSE TEMPÊTE DE MI-DÉCEMBRE

Averti de l’approche d’une dépression encore pire que les autres (Cruella la bien nommée et qui semble vraiment mauvaise), le capitaine décide de venir mouiller sous les falaises du Cabo Virgines (Le cap des Vierges), à l’entrée du Détroit de Magellan, pour s’abriter. Comme prévu, les vents se déchaînent pour atteindre 70 nœuds établis pendant deux jours. Vers 3 heures du matin, l’estrope qui retient la chaîne de l’ancre au taquet lâche. La chaîne se déroule dans sa totalité, sur 250 mètres. Hervé, le capitaine, maintient Tara face à ce vent de folie pendant que Vincent, Mike et Hubert tentent de resécuriser le mouillage. “Diffi cile de tenir debout sur le bateau, raconte Vincent. Tout autour, l’eau fumait. On ne distinguait plus, dans ce petit matin qui se précisait, sa couleur verte habituelle. Des tourbillons auréolés d’arc en ciel dévalaient cette surface de plus en plus informe. Un horizon trouble et laiteux à la limite de la visibilité. Des éléments en furie, dictant leurs lois”. Des rafales à 81 noeuds détruisent l’anémomètre, L’ancre dérape, une fois, deux fois. Tara recule puis se stabilise enfi n. L’une des scientifi ques commence à paniquer… Personne n’est bien fi er, mais le seul risque est de se retrouver en fuite vers les Malouines, ce qui n’est certes pas une perspective agréable avec ce temps là ! Même sur Tara.Dans la nuit, la tempête fi nit par se calmer. Un calme relatif à cette latitude puisque les vents atteignent toujours les 40 nœuds (le minimum syndical selon Eric Karsenti). Après cette mise à l’abri judicieuse, la goélette va pouvoir repar-tir cap au sud vers le détroit de Le Maire. Après une dernière station par 30 noeuds de vent juste au Nord du détroit, Tara embouque la passe avec un vent attenué par les montagnes de la Terre de Feu. Le lendemain matin, Sarah Searson tient à envoyer la rosette soit-disant pour calibrer les ins-truments. En fait, elle récupère de l’eau de la rosette et en offre une fi ole à chaque membre d’équipage avec pour tout code barre… la position exacte, la profondeur, et… “Eau du cape Horn” ! Tara en est effectivement très proche, prêt à embouquer le canal du Beagle. Le bateau mouille au milieu d’une crique complètement sauvage où le Beagle a très certainement fait escale aussi dans les années 1830, avec un certain Darwin à bord !

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168 Antactique/Cap Horn/Canaux de Patagonie/Puerto Montt/Valparaiso30.12.2010/27.02.2011

AU MOUILLAGE À L’ILE DÉCEPTION

“Nous voici donc au mouillage à l’Ile Déception. C’est un endroit magique, nous sommes à l’intérieur d’un ancien cratère envahi par la mer. Et sur la grève devant

Tara, on peut apercevoir des fumerolles témoignant d’une activité volcanique somnolant sous notre ancre. Nous sommes ici en attente de la bonne fenêtre météo pour traverser le passage du Drake, sur la route du retour vers la Terre de Feu (Amérique du Sud). Aujourd’hui, Tara émet des effl uves de fi n de voyage, bien que demain, à coup sûr, il bataillera dans la baston. Je relis Antarctide, le beau livre d’Yvon Le Corre qui relate le passage de notre navire, alors baptisé Antarctica, dans les mêmes lieux, l’île Déception, il y a presque 20 ans avec Jean-Louis Etienne. Yvon, le peintre, conte dans ses textes et ses aquarelles magnifi ques ce que nous avons sous les yeux. Rien n’a vrai-ment changé dans ces paysages aux ambiances de neige et de roc. La sil-houette stylisée de la goélette au mouillage nous est bien sûr familière. Au jeu des comparaisons cependant, on constate que les ruines de la base baleinière ont été nettoyées de tout objet contendant pour les touristes qui, aujourd’hui, débarquent depuis les paquebots. Même l’épave sympathique du petit avion orange a disparu, sans doute considérée comme extrêmement dangereuse pour les inconscients qui s’y faisaient photographier... J’ai l’âme nostalgique. A quand la prochaine fois ?”

HERVÉ LE GOFF, INGÉNIEUR DE RECHERCHE AU LABORATOIRE LOCEANS/CNRS-UPMC

UN GÉNÉRATEUR QUI POUSSE À EN VENIR AUX MAINS

Samedi 23 janvier, le réveil a sonné à 3h du matin. Cap sur le centre d’Antarc-tic Sound, pour la station scientifi que prévue depuis quelques jours. Vers 3h 30, Marc, chef de mission et l’ensemble de son équipe de six scientifi ques, Céline, Hervé, Roland, Thomas et Edouard sont à pied d’oeuvre. Faute de treuil tout se fait à “à l’ancienne”, c’est-à-dire à la main. Dix mises à l’eau ont quand même été réussies, une prouesse ! Six heures plus tard, Tara fait route vers Deception Island, une île volcanique dont le cratère s’est effondré. C’est là que le bateau attendra la bonne fenêtre météo pour repasser le passage de Drake, et rejoindre l’Amérique du Sud et Puerto Williams.

Baie des Baleiniers

IMPRESSIONS DU BORD AVANT L’ARRIVÉE

“Je me réjouis du retour de Tara à Lorient, ça clôture un long voyage. Je suis très satisfait de l’osmose qui règne entre l’équipe Tara et le “team science”, il ne faut pas que tout ça retombe. On va donc tout entreprendre pour que cette collaboration continue avec les laboratoires partenaires de Tara Oceans. Je tiens par ailleurs à féliciter l’équipe Tara. Le bateau est dans un super état, c’est un très grande satisfaction pour moi”.

ÉTIENNE BOURGOIS

“Tara Oceans, ça restera pour moi une histoire à la fois professionnelle et personnelle. Grâce à cette expédition, j’ai rencontré ma femme et nous avons aujourd’hui un petit Joseph. C’est donc un succès scientifique et personnel. J’ai aussi l’appréhension que ça s’arrête, cette expédition c’est trois ans de notre vie. En permanence, nous pensions à Tara et au travail. J’ai donc l’angoisse de la fin, mais on va rebondir sur la suite. Je regrette que Gaby Gorsky, l’un des concepteurs du projet avec Eric Karsenti et Christian Sardet, ne soit pas là. Mais il est retenu par ses fonctions de directeur de l’observatoire océanographique de Villefranche-sur-mer. Si l’arrivée de l’expédition dans deux jours est aussi grandiose que le départ, ça promet”.

COLOMBAN DE VARGAS, BIOLOGISTE, COORDINATEUR DE TARA OCÉANS.

“J’ai passé 19 mois à bord. J’ai bénéficié d’une fenêtre extraor-dinaire sur le monde. Avant d’embarquer sur Tara, j’avais des doutes sur notre capacité à faire de la science de haut niveau à bord de Tara, à cause de son roulis, à cause de sa taille juste-

ment. Mais maintenant je suis très fière de ce que nous avons accompli avec Marc Picheral. Nous avons collecté le maximum de ce que nous pouvions imaginer, je suis très fière et surprise en même temps avec le recul de cette réussite. J’avais déjà travaillé sur une quarantaine de navires, tous beaucoup plus grands. Et au final, j’aime plus Tara que les autres pour cette raison. Nous y vivons plus en communauté, tout le monde aide et pas seulement quand ça concerne uniquement ton corps de métier. C’est bon de revoir les gens, ça permet de mieux les connaître peu à peu, et c’est comme ça que la communauté s’est créée”.

SARAH SEARSON, INGÉNIEUR OCÉANOGRAPHE.

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dernière nuit

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19,6 x 25,5 cm272 pages450 illustrations quadriOuvrage reliéISBN : 978-2-330-01239-7Coédition Tara Expéditions / Actes SudOctobre 2012Prix provisoire : 29 euros

Relations presse Actes Sud:RÉGINE LE [email protected]él. : 05 62 66 94 63Relations presse Tara expéditions :ÉLOÏSE [email protected]él. : 01 42 01 38 57

18, rue Séguier,75006 ParisTél. : 01 55 42 63 00Fax : 01 55 42 63 01

www.actes-sud.fr

De septembre 2009 à mars 2012, chercheurs, océano-graphes et marins se sont relayés à bord de Tara, ce bateau unique au monde, dans le cadre de l’expédition Tara Oceans. Le but, très ambitieux, consistait à réaliser la première étude à l’échelle planétaire des récifs coralliens et du plancton marin – cette branche du vivant minuscule comprenant aussi bien des virus et des bactéries que de plus gros orga-nismes comme les méduses. Ces organismes marins absorbent 50 % du CO2 terrestre et sont considérés comme le ”poumon de notre planète”. Or, la population planctonique peut très rapidement être affectée par les variations climatiques. Elle peut alors, à son tour, influencer le climat en modifiant l’absorption du carbone. L’étudier, c’est donc prendre le pouls de notre Terre.

À cette fin, Tara a prélevé vingt-sept mille échantillons, collectés dans l’esprit non pas d’étudier les propriétés d’un royaume ou d’une espèce en particulier, mais de comprendre l’ensemble du système écologique de nos océans.

Le livre s’inscrit dans la démarche de pédagogie que la communauté scientifique internationale et Tara Expéditions ont mis en place lors de l’expédition Tara Oceans.

Tentant d’abandonner l’approche anxiogène qui consiste essentiellement à alarmer les collectivités et les individuali-tés sur la dégradation de l’environnement, cette aventure ouvre la voie à une démarche positive fondée sur la

mobilisation collective et solidaire de toutes nos énergies – et de tous nos savoirs sur le monde qui nous entoure ; or, c’est un panorama inconnu du plancton que Tara Oceans déroule sous nos yeux.

Dans la lignée des premières grandes expéditions océano-graphiques du XIXe siècle, la goélette a exploré la biodiver-sité marine, combinant un grand nombre de méthodes développées depuis l’aventure mondiale fondatrice du Challenger en 1872. Au fil de la progression du voilier sondant la vie océanique, l’ouvrage nous montre comment la volonté de quelques individus a permis de dépasser les barrières du fonctionnement traditionnel des expéditions scientifiques pour aboutir à une démarche novatrice. Pendant ce tour du monde exceptionnel, deux cents personnes, aux spécialités, cultures et langues différentes, se sont relayées sur la goé-lette Tara. Ils ont fait escale dans les ports mythiques de trente pays différents, sont allés à la rencontre de leurs populations et de leurs cultures ; dans des conditions météo-rologiques parfois difficiles, ils ont vécu des moments inouïs, qu’ils relatent au fil de leurs expériences et du journal de bord de l’expédition.

Les membres de l’expédition ont découvert un monde mystérieux et pourtant indispensable à la vie sur Terre. Ils ont réalisé une véritable plongée dans l’inconnu et nous livrent en images la beauté et la diversité du monde planctonique.

Éric Karsenti a obtenu un doctorat en immunologie et biologie cellulaire à l’Institut Pasteur de Paris en 1979. Il est scientifique senior au Laboratoire européen de biologie moléculaire. Il est à l’origine de l’expédition. Il est le codirecteur de Tara Oceans avec Étienne Bourgois et coordonne le consortium scientifique qui établit les protocoles et le projet d’analyse des échantillons et données de cette expédition.

Dino Di Meo est né en Italie en 1952. En 1987, il est engagé à la rédaction de Libération. Il suit les expéditions de Tara depuis près de dix ans.

Le Méjan,place Nina-Berberova,BP 9003813633 Arles CedexTél. : 04 90 49 86 91Fax : 04 90 96 95 25

CHRONIQUES D’UNE EXPÉDITION SCIENTIFIQUEÉric Karsenti & Dino Di Méo

OCEANS

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