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1 PRÉSENTATION La prospective est devenue un outil banal de management et de gouvernement des grandes villes européennes. C’est du moins le constat qui se dégage de l’enquête 1 menée par Frédérique Parrad et Fabienne Goux-Baudiment dans dix-huit de ces métropoles – enquête qui constitue la “matière première” de ce numéro 64 de 2001 Plus, publié sous le titre “Quand les villes pensent leur futur”. Il ne s’agit pas – ajoutons-le – d’une ten- dance limitée à la seule Europe : à l’instar de Chicago ou Tokyo qui se sont fait récemment remarquer pour la qualité de leurs travaux ou visions à long terme, c’est en fait l’ensemble du monde développé qui est concerné. Cet intérêt récent des grandes agglomérations pour la prospecti- ve s’explique pour au moins deux raisons – à la fois interne et externe. La raison externe, c’est naturellement la mondialisation et les pressions de la compétitivité qui imposent désormais aux villes de définir de manière plus visible leur identité et leur stratégie de développement. La raison interne, c’est la prise de conscience de l’utilité et de l’efficacité d’un recours à la prospective comme outil de mobilisation sur des projets et de participation du public. Il y a effectivement une forte relation entre la moderni- sation des formes de gouvernance urbaine et l’usage des scénarios ou des “visions” qui sont au cœur des démarches de prospectives territoriales. Quand les villes pensent leur futur, à quoi pensent-elles ? Essentiellement à la compétitivité économique et au développe- ment de l’emploi. Mais Frédérique Parrad constate cependant que les préoccupations ont assez sensiblement évolué depuis 1995. Le thème de la “gouvernance” a pris une certaine ampleur dans la seconde moitié des années 90. Et il semble que depuis les années 2000, les préoccupations relatives à la quali- té de la vie, à la santé, aux risques et plus généralement au thème du développement durable aient pris, à leur tour, une place majeure dans les prospectives locales. Cette évolution, qu’il faut relativiser en fonction des situations locales, s’inscrit elle- même dans une tendance conduisant à privilégier des démarches prospectives de plus en plus globales. Légitime sur un plan purement méthodologique, cette dynamique d’extension et d’ouverture croissante n’en pose pas moins avec encore plus d’acuité la question de l’opérationalisation de la prospective : à force d’en élargir les ambitions, il y a aussi un risque non négli- geable de transformer celle-ci en un outil de communication “découplé” des politiques concrètes ou même des procédures de planification. L’échantillon des villes enquêtées excluait la France. C’est pour- quoi il nous a semblé intéressant de compléter l’analyse réalisée par PROGECTIVE, par un dossier qui comprend d’une part, la présentation de l’expérience lyonnaise “Millénaire 3” – qui reste aujourd’hui la démarche la plus aboutie de prospective urbaine en France – et d’autre part, les résultats d’une enquête réalisée par le CERTU sur les besoins des collectivités locales en matière de prospective. Comme le lecteur pourra le constater, les réponses à SOMMAIRE PRÉSENTATION 1 LA PROSPECTIVE DANS 18 VILLES EUROPÉENNES : RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE INTRODUCTION 5 PARTIE I : PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE 1. Esquisse d’une typologie 7 2. Les tendances d’évolution de la prospective territoriale dans les villes européennes 8 3. Conclusion : des tendances communes par-delà la diversité des situations 14 PARTIE II : RÔLE DE LA PROSPECTIVE DANS LES DÉMARCHES STRATÉGIQUES URBAINES 1. Les références invoquées pour penser le futur 15 2. Évolution des pratiques de prospective territoriale 15 3. Les méthodologies prospectives 16 PARTIE III : L’ARTICULATION DE LA PROSPECTIVE ET DE LA PARTICIPATION 1. L’ambition des démarches participatives 21 2. La nature de la participation 21 3. Les modalités de cette participation 23 PARTIE IV : LES ENJEUX ABORDÉS 1. La recherche de compétitivité économique 28 2. Une expression politique des villes 28 3. Une réponse aux conséquences de la croissance des villes 29 PARTIE V : QUELS IMPACTS DE LA PROSPEC- TIVE ? UNE PREMIÈRE ÉVALUATION 1. Les conséquences sur la politique des territoires 33 2. Évaluation de l’exercice 34 PARTIE VI : QUELQUES ÉTUDES DE CAS 1. Edimbourg 2020 : un exercice de construction de scénarios pour la région urbaine d’Edimbourg 41 2. Le plan stratégique de Turin pour la promotion internationale de la ville 46 Annexe : Les exemples de Göteborg 2050 et de Budapest 2020 51 CONCLUSION 55 BIBLIOGRAPHIE 57 DOSSIER COMPLÉMENTAIRE 1. La prospective urbaine et les élus locaux (J.-C. Gallety) 61 2. Millénaire 3, la démarche prospective et participative du Grand Lyon (P. Lusson) 79 3. “Ville 2030”, le plus grand projet de recherche urbaine du début des années 2000 en Allemagne 93 1 A l’initiative du Centre de Prospective et de Veille Scientifique. /2001-N°64(96pagesfinal) 29/10/04 12:28 Page 1

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PRÉSENTATION

La prospective est devenue un outil banal de management et degouvernement des grandes villes européennes. C’est du moins leconstat qui se dégage de l’enquête1 menée par FrédériqueParrad et Fabienne Goux-Baudiment dans dix-huit de cesmétropoles – enquête qui constitue la “matière première” de cenuméro 64 de 2001 Plus, publié sous le titre “Quand les villespensent leur futur”. Il ne s’agit pas – ajoutons-le – d’une ten-dance limitée à la seule Europe : à l’instar de Chicago ou Tokyoqui se sont fait récemment remarquer pour la qualité de leurstravaux ou visions à long terme, c’est en fait l’ensemble dumonde développé qui est concerné.

Cet intérêt récent des grandes agglomérations pour la prospecti-ve s’explique pour au moins deux raisons – à la fois interne etexterne. La raison externe, c’est naturellement la mondialisation et lespressions de la compétitivité qui imposent désormais aux villes dedéfinir de manière plus visible leur identité et leur stratégie dedéveloppement. La raison interne, c’est la prise de conscience del’utilité et de l’efficacité d’un recours à la prospective commeoutil de mobilisation sur des projets et de participation dupublic. Il y a effectivement une forte relation entre la moderni-sation des formes de gouvernance urbaine et l’usage des scénariosou des “visions” qui sont au cœur des démarches de prospectivesterritoriales.

Quand les villes pensent leur futur, à quoi pensent-elles ?Essentiellement à la compétitivité économique et au développe-ment de l’emploi. Mais Frédérique Parrad constate cependantque les préoccupations ont assez sensiblement évolué depuis1995. Le thème de la “gouvernance” a pris une certaineampleur dans la seconde moitié des années 90. Et il semble quedepuis les années 2000, les préoccupations relatives à la quali-té de la vie, à la santé, aux risques et plus généralement authème du développement durable aient pris, à leur tour, uneplace majeure dans les prospectives locales. Cette évolution, qu’ilfaut relativiser en fonction des situations locales, s’inscrit elle-même dans une tendance conduisant à privilégier desdémarches prospectives de plus en plus globales. Légitime sur unplan purement méthodologique, cette dynamique d’extension etd’ouverture croissante n’en pose pas moins avec encore plusd’acuité la question de l’opérationalisation de la prospective : àforce d’en élargir les ambitions, il y a aussi un risque non négli-geable de transformer celle-ci en un outil de communication“découplé” des politiques concrètes ou même des procédures deplanification.

L’échantillon des villes enquêtées excluait la France. C’est pour-quoi il nous a semblé intéressant de compléter l’analyse réaliséepar PROGECTIVE, par un dossier qui comprend d’une part, laprésentation de l’expérience lyonnaise “Millénaire 3” – qui resteaujourd’hui la démarche la plus aboutie de prospective urbaineen France – et d’autre part, les résultats d’une enquête réalisée parle CERTU sur les besoins des collectivités locales en matière deprospective. Comme le lecteur pourra le constater, les réponses à

SOMMAIRE

PRÉSENTATION 1

LA PROSPECTIVE DANS 18 VILLES EUROPÉENNES : RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE

INTRODUCTION 5

PARTIE I : PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE

1. Esquisse d’une typologie 72. Les tendances d’évolution de la prospective

territoriale dans les villes européennes 83. Conclusion : des tendances communes

par-delà la diversité des situations 14

PARTIE II : RÔLE DE LA PROSPECTIVE DANS LES DÉMARCHES STRATÉGIQUESURBAINES

1. Les références invoquées pour penser le futur 152. Évolution des pratiques de prospective territoriale 153. Les méthodologies prospectives 16

PARTIE III : L’ARTICULATION DE LA PROSPECTIVEET DE LA PARTICIPATION

1. L’ambition des démarches participatives 212. La nature de la participation 213. Les modalités de cette participation 23

PARTIE IV : LES ENJEUX ABORDÉS

1. La recherche de compétitivité économique 282. Une expression politique des villes 283. Une réponse aux conséquences de la croissance

des villes 29

PARTIE V : QUELS IMPACTS DE LA PROSPEC-TIVE ? UNE PREMIÈRE ÉVALUATION

1. Les conséquences sur la politique des territoires 332. Évaluation de l’exercice 34

PARTIE VI : QUELQUES ÉTUDES DE CAS

1. Edimbourg 2020 : un exercice de construction de scénarios pour la région urbaine d’Edimbourg 41

2. Le plan stratégique de Turin pour la promotion internationale de la ville 46

Annexe : Les exemples de Göteborg 2050 et de Budapest 2020 51

CONCLUSION 55

BIBLIOGRAPHIE 57

DOSSIER COMPLÉMENTAIRE1. La prospective urbaine et les élus locaux

(J.-C. Gallety) 61

2. Millénaire 3, la démarche prospective et participative du Grand Lyon (P. Lusson) 79

3. “Ville 2030”, le plus grand projet de recherche urbaine du début des années 2000 en Allemagne 93 1 A l’initiative du Centre de Prospective et de Veille Scientifique.

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cette seconde enquête du CERTU témoignent de l’impor-tance des attentes qui s’exprimaient déjà sur la prospectiveterritoriale il y a plusieurs années2. Le rapport3 publiérécemment par Claude Spohr et Guy Loinger, comme l’uni-versité d’été de la prospective territoriale organisée en sep-tembre dernier à Lille, laissent penser que, comme dans lesautres pays d’Europe, l’intérêt des villes françaises pour laprospective ne pourra que se renforcer dans le futur.Nous espérons que l’ensemble de ces documents contribue-ront à mieux comprendre les nouvelles dimensions et stra-

tégies d’agglomération qui se dessinent aujourd’hui un peupartout, et à conduire les mutations à l’œuvre dans les dif-férents territoires concernés.

Jacques TheysResponsable du Centre de Prospective et de Veille Scientifique

Claude SpohrChargé de mission au CGPC et à la DRAST (CPVS)

2 L’enquête date de 1999-2000.3 Claude Spohr et Guy Loinger, Note du CPVS n° 19, “Prospectiveet planification territoriales : état des lieux et propositions”, mars2004, 164 p.

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QUAND LES VILLES PENSENT LEURS FUTURSUNE ENQUÊTE SUR LES DÉMARCHES PROSPECTIVES DANS 18 VILLES EUROPÉENNES

FRÉDÉRIQUE PARRAD

SOUS LA DIRECTION DE FABIENNE GOUX-BAUDIMENT

PROGECTIVE

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À l’image de ce que l’on observe en France, les démarchesterritoriales des villes connaissent un renouveau enEurope. Alors que les espaces urbains sont en plein déve-loppement, faisant l’objet de pressions et de tensions crois-santes, les acteurs des villes prennent conscience de l’im-portance de penser leur futur afin de mieux le maîtriser.Partout, les villes affichent leurs ambitions, lancent desdémarches stratégiques, des plans de développement à2015, 2020 voire 2050. Ces différentes initiatives, quiémergent dans les villes européennes, méritent d’être exa-minées de plus près dans une perspective comparative. Eneffet, ces territoires et les acteurs qui les constituent, sontconfrontés à un contexte socio-économique très voisin de

celui que connaît la France, mais leur organisation insti-tutionnelle et leur environnement culturel sont différentsdes nôtres. On peut donc supposer qu’ils développent despratiques originales, différentes des nôtres, pour penser lefutur de leur territoire.Ce sont ces méthodes et ces approches de la prospectiveterritoriale dans les villes que ce document, issu d’unerecherche faite pour le Centre de Prospective et de VeilleScientifique de la DRAST, tente de dégager. L’objectifest d’identifier des tendances et des enseignements quipeuvent nous aider à mettre en perspective la situationfrançaise.

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INTRODUCTION

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Pour dresser un panorama comparatif des démarchesprospectives dans les villes européennes, le choix a été faitde lancer une enquête. La sélection des villes consultéesn’a pas été réalisée avec le souci d’obtenir un échantillonreprésentatif sur le plan statistique. Néanmoins, on peutconsidérer que les dix-huit démarches sélectionnées sontbien caractéristiques de la diversité des situations de laprospective territoriale dans les villes européennes. L’objectif recherché à travers cette enquête n’était pas deparvenir à une description exhaustive de chaque deman-de et encore moins à une évaluation. Il s’agissait, plusmodestement, de parvenir à quelques éléments de com-paraison. Les résultats obtenus permettent de dégager lesgrandes tendances qui se dessinent, et de tirer un certainnombre de conclusions sur les caractéristiques majeuresde la prospective territoriale dans les villes européennes.

I. ESQUISSE D’UNE TYPOLOGIELa typologie qui a été dégagée de cette enquête permetd’éclairer l’analyse : elle ne repose pas sur une descriptionexhaustive de projets qui sont avant tout singuliers,conditionnés par un contexte local particulier. À ce titre,il faut insister sur le fait que ces démarches ne peuventpas réellement être classées selon leur pays d’origine. Lecontexte national détermine le système institutionnel, ila donc une influence non négligeable sur la forme queprennent ces projets, mais il ne constitue pas un élémentdéterminant pour des démarches avant tout menées pardes acteurs locaux.Quatre orientations se dégagent de l’analyse des expé-riences ; elles représentent chacune des tendances rela-tives à la manière de penser le futur dans des démarchesterritoriales de villes européennes.

1) Les démarches de développement urbain

Ces démarches, également appelées “planification stra-tégique”, sont celles qui sont rencontrées le plus fré-quemment. Elles correspondent à un renouveau despratiques traditionnelles de la planification. Sur le planméthodologique, l’approche prospective adoptée estgénéralement bien formalisée et fondée sur lesméthodes de la planification, exploratoires et secto-rielles. Elle tend néanmoins à s’orienter désormais versune dimension plus normative et globale.En effet, la planification urbaine se base traditionnelle-ment sur des plans de type schéma directeur, ayant une

forte dimension spatiale et élaborés à partir d’élémentsquantitatifs et de projections statistiques. Or, les respon-sables locaux commencent à considérer que ces schémassont insuffisants pour permettre le développement de leurterritoire. Les villes sont confrontées à des processus dechangement rapide sous l’effet d’une urbanisation crois-sante et de l’essor de la compétition économique. Pourfaire face à ces changements, ces villes se dotent de plansde développement intégrés et ambitieux. L’objectif prin-cipal est de permettre une meilleure coordination des dif-férentes politiques publiques entre elles, et donc d’amenerles acteurs qui en ont la charge à travailler de façon pluscoopérative. Ces documents se concentrent sur les consé-quences spatiales, urbaines et sociales du développementdes villes, ils ont pour ambition d’accroître l’efficacité del’action publique. À ce titre, la démarche prospective enelle-même est intégrée dans un processus plus vaste qui vadu lancement de la réflexion, à l’élaboration d’un projetstratégique, puis à sa mise en œuvre dans des documentsde planification et de programmation. Alors que ces processus sont menés au sein des servicesmunicipaux, notamment de l’urbanisme et de l’aménage-ment, les territoires considérés portent majoritairementsur l’ensemble de l’agglomération, échelle où se posent laplupart des problèmes urbains. Les promoteurs de ces pro-jets souhaitent élargir la participation au-delà du cercle tra-ditionnel des praticiens de la planification. Généralementleurs démarches, d’ampleur moyenne (entre 200 et 500participants), s’adressent à des acteurs publics et privésimpliqués dans le développement de la ville. Néanmoinsl’essentiel de leurs efforts porte sur le dialogue à l’intérieurdu secteur public, entre services, niveaux de responsabilité,échelles territoriales et institutions.

2) Les expériences inspirées du développement durable

La promotion des idées du développement durable etleur application au niveau des villes, dans le cadrenotamment des Agendas 21 locaux, représentent unautre axe de développement pour les pratiques de pros-pective territoriale. Ces démarches mettent l’accent sur laprise en compte des évolutions de long terme, c’est-à-dire plus de vingt ans. Elles insistent sur les approchesnormatives, il ne s’agit pas de partir de la situation pré-sente, mais plutôt de fixer un objectif à atteindre, celuid’une société plus soutenable.Les démarches inspirées du développement durable sedoivent également d’être globales, elles ont pour vocation

PARTIE I : PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE

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d’intégrer dans une même réflexion les conséquences éco-nomiques, sociales et environnementales du développe-ment. Dans les faits, cette ambition est difficile à réaliser.Les promoteurs de ces projets ont tendance à se concen-trer sur les éléments environnementaux qui sont souventpris en compte de façon insuffisante dans les politiquespubliques. De plus, ces expériences bénéficient d’un sou-tien institutionnel limité. En effet, ces processus se dérou-lent généralement au sein de partenariats internes au sec-teur public, ils sont contrôlés par des techniciens et sedéroulent avec le soutien d’experts et d’associations. Lesélus sont peu impliqués dans ces démarches qu’ils consi-dèrent à la fois comme utopiques et trop techniques.C’est pourquoi ces dispositifs ont du mal à trouver leurplace dans le contexte institutionnel local. Ils s’adressenten priorité aux habitants qu’ils tentent de sensibiliser auxpréoccupations du développement durable. Les acteurséconomiques, d’un autre côté, semblent plus difficiles àmobiliser sur ces thématiques. Comme toutes démarchesinnovantes, ces projets ont des difficultés à trouver desrelais pour leur mise en œuvre sur le terrain et manquent,par exemple, de financements.

3) Les démarches de compétitivité stratégique

Ces processus s’appuient sur la volonté, unanimementpartagée, de développer la compétitivité économiquedes territoires. Ils s’inspirent donc des méthodes misesen œuvre dans les entreprises, celles du management,pour élaborer des dispositifs de réflexion stratégique, dedéfinition de priorités et de mise en œuvre opération-nelle. La prise en compte du futur est un élément indis-pensable de ces démarches, elle s’inscrit dans une pério-de de relatif court terme, moins de 10 ans, afin de res-ter appropriable. Les méthodes prospectives dévelop-pées sont formalisées, elles reposent sur des approchesnormatives et intégrées. En effet, la recherche de la com-pétitivité du territoire a des incidences sur tous les sec-teurs de la vie locale, de la construction des infrastruc-tures à l’offre de formation, des questions de qualité devie à celles des institutions politiques.Ces dispositifs sont d’ampleur modeste, ils ont uneoptique relativement élitiste, s’adressant en priorité auxdécideurs locaux, économiques et politiques. À ce titre,ils bénéficient d’un bon soutien des élus et de capacitésde financement importantes. Mais leur finalité principa-le ne réside pas dans la réalisation de projets précis, ilstendent plutôt à des activités de lobbying, d’influence surl’action publique, et de réseau.

4) Les projets de territoire

Ces projets sont certainement les plus ambitieux deceux qui ont été identifiés, ils ont pour vocation dedéfinir une vision pour l’avenir du territoire. Et ce fai-sant, de contribuer à la constitution de ce territoire, laville, comprise dans son sens large, une ville-centre etles communes de son agglomération. Il s’agit pour cesacteurs de positionner leur ville comme une métropole,active et reconnue au niveau national et international.Pour atteindre cet objectif, les élus, à l’origine des proces-sus de ce type, entendent mobiliser l’ensemble de la socié-té civile locale, les acteurs du secteur public, ceux de la

sphère économique, mais aussi les associations, les repré-sentants du monde culturel et social, qui sont autantd’atouts pour le développement de la ville. Les dispositifsde participation mis en œuvre sont donc de grandeampleur, ils touchent souvent plus de mille personnes. Enrevanche, les habitants ne sont pas conviés en tant quetels. Leur soutien est recherché afin de donner une légiti-mité démocratique à la démarche, mais cette implicationrepose plutôt sur des campagnes d’information à traversles médias et l’organisation de réunions publiques oud’expositions, que sur une réelle participation aux débats.La méthodologie prospective utilisée dans ces démarchesest généralement peu formalisée. Définie autour de lanotion de vision, qui insiste sur la dimension volontaris-te des propositions, elle privilégie les approches norma-tives et globales. Les dispositifs imaginés s’inspirent à lafois de la planification urbaine et de l’approche straté-gique du management. Ils n’ont pas d’effets contraignantsen tant que tels, mais ont vocation à inspirer l’action desacteurs publics et privés de la ville, et à ce titre dépendentdu renouvellement ou non du soutien politique dont ilsbénéficient.

II. LES TENDANCES D’ÉVOLUTION DE LA PROSPECTIVE TERRITORIALE DANS LES VILLES EUROPÉENNES

Ces tendances corroborent une impression de dynamis-me des réflexions de prospective urbaine. Les acteurs desvilles européennes s’approprient de façon croissante desdispositifs qu’ils considèrent comme innovants, maisqui sont parfois difficiles à maîtriser. Ils reconnaissentdans la prospective territoriale un outil qui peut les aiderà faire face aux changements rapides auxquels sont sou-mises les villes.

1) Une forte attente à l’égard de la prospective urbaine

Les acteurs sont demandeurs de réflexions et d’apportsdans ce domaine de la prise en compte du futur. Ils sontconscients que cette réflexion est essentielle, mais ils ontencore du mal à l’appréhender dans toute sa complexi-té. Des évolutions sont perceptibles, à la fois en ce quiconcerne les références utilisées pour penser le futur, eten termes de méthodologie utilisée.

a) Une prise de conscience réelle de la nécessité depenser le futur dans les démarches territoriales

Les approches utilisées pour la prise en compte du futurne sont pas toutes formalisées, mais elles tendent à favo-riser les dimensions normatives et globales, tandis que lesméthodes plus sectorielles et exploratoires sont en déclin,mais toujours présentes. Cette ambition assignée à laréflexion prospective s’actualise dans la notion de“vision”, qui insiste sur la dimension volontariste etvisionnaire des démarches mises en œuvre. Cette réfé-rence est peu structurée méthodologiquement, malgrécertaines tentatives (voir encadré n° 3), mais elle a lemérite de remettre la pensée du futur au centre desdébats, alors que ceux-ci sont souvent dominés par desenjeux de court terme. En raison de cet aspect concep-tuel un peu lâche des processus de constitution de vision,les démarches qui s’appuient sur des dispositifs métho-

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dologiques solides sont d’autant plus intéressantes à exa-miner. Ces dispositifs permettent de mieux structurer lesexercices et de leur donner une plus grande efficacité.

b) Une intégration de la prospective dans lesméthodes de management

Expérimentées dans les entreprises, les approches mana-gériales sont de plus en plus présentes dans les territoires,par là même identifiés à des organisations comme lesautres. Cette orientation était déjà présente dans l’ap-proche de la prospective stratégique qui relativise la spé-cificité de la prospective territoriale. Dans un contexte decompétitivité croissante entre les territoires, et s’ap-

puyant sur la volonté des élus de se positionner commedes décideurs, les pratiques du management publicjouent un rôle majeur dans la définition de cesdémarches territoriales.Sous cette influence, les processus insistent sur les notionsd’opérationnalité, de mobilisation, de travail en partena-riat. Ils se donnent pour objectif d’identifier des priorités,de définir des stratégies d’actions, puis des programmespour les mettre en œuvre. Les pratiques du managementcoexistent avec les méthodes plus traditionnelles de la pla-nification urbaine. Ces deux orientations s’articulent dansdes dispositifs pragmatiques soumis aux attentes et auxcontextes locaux.

La prospectiveLa prospective est une philosophie du changement, instrument d’exploration des possibles et outil de construction d’unfutur choisi. Elle exprime un regard critique, un esprit non conformiste, en quête de solutions alternatives. C’est avanttout un exercice collectif de la volonté humaine pour maîtriser son avenir (Fabienne Goux-Baudiment, Petit mémen-to de la prospective, proGective, 1998). Analyser et comprendre les forces à l’œuvre qui structurent l’avenir, repérer lestendances lourdes, les germes porteurs d’avenir. Anticiper les évolutions et agir pour façonner l’avenir (DATAR, DossierProspective et Territoires, La Documentation française, 1994).

La démarche prospective se subdivise en deux méthodes principales, l’une exploratoire et l’autre normative :

• La prospective exploratoire vise à explorer les futurs possibles, à partir d’une analyse du passé (rétrospective) pourrepérer les tendances lourdes d’évolution, et d’une analyse du présent pour identifier les facteurs de changement.

• La prospective normative vise à définir le cheminement permettant d’atteindre un objectif à venir voulu, soit àpartir du présent vers le futur, soit à partir du futur (date de réalisation de l’objectif ) vers le présent (méthodedite de backcasting).

La prospective territoriale est un champ particulier de la prospective qui obéit aux lois générales de celle-ci (indéter-minisme, pluralité des futurs, production d’alternatives, réduction de l’incertitude, etc.) mais développe ses propresparticularités : accent mis sur le rôle des acteurs locaux et sur la notion de projet (notamment projet de territoire),association de la population, concertation avec la société civile, élaboration d’un scénario souhaitable fondé sur leconsensus, etc.

Les démarches stratégiquesLa stratégie regroupe un ensemble de tactiques, c’est-à-dire de décisions conditionnelles déterminant pour chaque acteurles actes à accomplir dans chaque éventualité possible, relativement à son projet. Il y a souvent confusion entre scénarioset stratégies. Alors que les scénarios dépendent du type de vision adoptée (exploratoire, normative ou rétroprojective), lesstratégies dépendent des attitudes face aux avenirs possibles. (DATAR, Dossier Prospective et Territoires, LaDocumentation française, 1994).Les démarches stratégiques mises en œuvre dans les agglomérations délimitent un cheminement. Elles mettent enavant un certain nombre de procédures de coopérations et de hiérarchisation de priorités afin d’aboutir à un objec-tif. Mais elles ne permettent pas en elles-mêmes de construire cet objectif. Elles présupposent donc que ce processusd’élaboration et de concertation ait eu lieu en amont.

La planification urbaineLa planification est un processus qui fixe (pour un individu, une institution, une collectivité territoriale ou un État), aprèsétudes et réflexion prospective, les moyens nécessaires, les étapes de réalisation et les méthodes de suivi pour atteindre desobjectifs. La planification prend, en particulier, la forme de plans (Pierre Merlin, Françoise Choay, Dictionnaire de l’ur-banisme et de l’aménagement, PUF, Paris, 1988). Organisation de l’activité ou du développement économique selon unplan : planification du travail, économique, urbaine, de la recherche. La “planification du territoire” (regional ou terri-torial planning) se dit en français “aménagement” (Roger Brunet et alii, Les mots de la géographie, dictionnaire critique,Reclus-La Documentation française, Paris, 1993).Dans le cas des démarches urbaines, la planification est un outil pour la mise en œuvre des projets stratégiques.L’établissement d’un plan suppose que les acteurs parties prenantes se soient déjà mis d’accord sur une vision prospec-tive, et sur les moyens et les collaborations à développer pour y parvenir. Il s’agit de l’aboutissement d’un processus,processus qui peut d’ailleurs se prolonger sous d’autres formes. La planification n’étant qu’un des outils à la dispositiondes acteurs urbains, expression de la “souveraineté” des structures institutionnelles, ville ou intercommunalité.

Encadré n°1 : Définition des concepts utilisés

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2) Une orientation participative partout revendiquée

L’ouverture aux acteurs issus de la société civile, au-delàde la sphère politico-administrative traditionnelle, estpartout revendiquée. Elle est une condition nécessaire dela légitimité de processus qui ne peuvent plus se conten-ter d’une revendication d’expertise. Cette revendicationest difficile à mesurer car elle fait l’objet d’interprétationsvariées en fonction des acteurs ciblés sous cette notion departicipation. Il est néanmoins certain que ces processussont plus ouverts. Cette implication d’un nombre croissant de participantsest complexe à organiser, à la fois sur un plan techniqueet sur un plan politique. Elle suppose de rapprocher lespoints de vue d’acteurs qui sont parfois traversés par desdivisions profondes. C’est pourquoi la prospective peutêtre un atout dans ces conditions, car elle permet à cesacteurs de se projeter dans un long terme atténuant leursconflits.L’examen des modalités de participation des acteurs per-met de se rendre compte de la réalité de leur apport.L’organisation de procédures de consultation et deconcertation peut être enrichissante, elle permet d’ouvrirles perspectives et de prendre en compte des points de vueauparavant ignorés. L’idée de construire des processusd’intelligence collective, où les priorités sont définies dansun débat contradictoire d’où ressortent des points deconsensus, commence à se développer. Elle est essentiellepour permettre une mobilisation locale.

3) Des préoccupations communes entre compétitivité, coordinationet affirmation politique des villes

Les préoccupations des villes sont les mêmes partout :développement économique, promotion de la qualitéde vie, gestion de la progression de l’urbanisation et deses conséquences sur le logement et les transports,réduction des inégalités sociales, etc. Mais la compétiti-vité économique occupe une place prépondéranteparmi les justifications avancées pour lancer un proces-sus de prospective territoriale. La question de la cohé-sion sociale, souvent invoquée, ne semble pas au cœurde ces problématiques. Elle est prise en compte dans lamesure où elle peut handicaper le développement de laville sur la scène internationale. De la même façon, lesautres dimensions des politiques urbaines sont souventconsidérées à l’aune de cette exigence de compétitivité.L’orientation des démarches, plus ou moins technique,décide ensuite de l’implication des élus et de la naturedes objectifs assignés à l’ensemble de l’exercice. Cesdémarches peuvent prendre en effet deux typesd’orientations :

• dans certains cas, il s’agit d’exercices essentiellementtechniques, qui ont pour but de rendre l’actionpublique plus efficace. Ils misent sur la promotion dela coordination et la coopération entre acteurs ;

• dans d’autres cas, ces processus sont avant tout poli-tiques. Ils visent à l’affirmation de la ville commeacteur politique. L’objectif est de donner une visibilitéà la ville, de développer son image, en misant sur lamobilisation de la société civile locale.

Le problème principal rencontré par les villes qui se lan-cent dans ces démarches, réside dans l’absence de recon-naissance du fait urbain. Alors que les agglomérations necessent de croître, elles sont encore divisées en une mul-titude d’autorités locales. L’existence d’une institutionmétropolitaine capable d’offrir une visibilité à ces villes etune légitimité grâce à des élections au suffrage universel,est une question politique. Elle se heurte donc aux réti-cences des autres niveaux institutionnels, de l’État cen-tral aux régions et aux arrondissements.Pour pallier le manque d’institution métropolitaine,ces démarches stratégiques misent sur le partenariatentre acteurs publics et privés, et sur le lancementd’une réflexion au niveau de l’agglomération. À cetitre, elles inaugurent bien une nouvelle forme de gou-vernance locale. Néanmoins, ces dispositifs, s’ils ontl’avantage de la souplesse et de la réactivité, souffrentde leur manque d’institutionnalisation, de compé-tences et de reconnaissance. Ils sont donc fragiles, sou-mis à tous les conflits d’acteurs, et leur action peut s’entrouver handicapée.

4) Des dispositifs innovants mais fragiles

Bien souvent, ces démarches s’appuient sur des pra-tiques innovantes. Elles misent sur des optiques inter-sectorielles, en dehors des cadres traditionnels de l’ac-tion publique, une approche de projet, par-delà lesdélimitations sectorielles des politiques. Elles enten-dent promouvoir une culture prospective, du longterme, qui peut bousculer certaines appréhensions duterritoire fondées sur une connaissance immédiate etintuitive. De plus, ces exercices se développent sur labase de l’essor du partenariat. De façon croissante, lesdispositifs ne sont plus menés au sein d’une seule insti-tution, mais à partir d’une coopération entre plusieursorganisations qui se mettent d’accord sur des objectifsà atteindre et des responsabilités à partager. Ces parte-nariats permettent de favoriser la coordination et le tra-vail en commun, entre acteurs qui agissaient aupara-vant de façon isolée. Ils sont également l’occasion d’as-socier des acteurs privés à la définition des politiquespubliques. Ce partenariat public-privé est souventrecherché car il est gage de dynamisme pour le territoi-re, il recèle néanmoins un certain nombre de pièges quine sont pas toujours faciles à éviter.En effet, ces partenariats peuvent être complexes àgérer, ils supposent une attention constante des por-teurs de projets afin de garantir l’implication de cha-cun des partenaires et la prise en compte de leurs pré-occupations, parfois contradictoires. Il s’agit égale-ment de tenir compte des difficultés internes de cha-cune de ces structures qui peuvent subir des restructu-rations ou des réductions de financement, etc. C’estpourquoi, ces dispositifs sont généralement dépen-dants de l’implication des décideurs, et notammentdes élus. Les conflits de personnes et de structures sontfréquents, et ont souvent des conséquences domma-geables pour le déroulement des exercices. Ils sontnéanmoins inévitables et sont d’autant mieux dépassésque le processus bénéficie d’une bonne reconnaissanceet d’une forme d’institutionnalisation.

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5) Un effort d’opérationnalité

Ces projets se traduisent dans des documents de recom-mandation qui ne sont pas contraignants. Ils définissentdes futurs souhaitables, mais on leur reproche souventd’être peu opérationnels et de ne pas tenir compte desfuturs possibles. Cette critique est peu justifiée, car la plu-part de ces démarches s’attachent à définir des stratégiesde mise en œuvre réalistes pour les objectifs qu’elles sefixent.Ces stratégies se heurtent ensuite aux réalités locales,notamment l’existence (ou non) d’acteurs capables etdésireux de porter ces projets. On constate évidemmentque plus les projets sont ambitieux, plus ils sont diffi-ciles à réaliser. En revanche, les processus de planifica-tion stratégique réalisés à l’échelle des villes ont plus dechance d’être suivis d’effets. En effet, ils sont plus faci-lement contrôlables du fait de la compétence directe duporteur de projet (la ville) sur le territoire. Il est maintenant bien connu qu’une partie des apportsde ces exercices sont liés au processus en lui-même, sen-sibles en termes d’apprentissage de nouvelles pratiques et

de mobilisation d’acteurs. Ces conséquences sont diffici-lement mesurables et doivent être évaluées sur despériodes longues. Elles sont pourtant essentielles, car ledynamisme d’un territoire réside bien souvent dans celuides acteurs qui le constitue. À cet égard, les démarchesstratégiques étudiées mettent en branle des dispositifs derencontre et de mobilisation qui peuvent parfois avoirdes impacts très directs. Notamment pour la prise deconscience des enjeux à venir et des changements àmettre en œuvre pour y faire face.

En dépit de leur diversité, les démarches étudiées reflè-tent toutes, d’une manière ou d’une autre, les évolutionsidentifiées ci-dessous. Une analyse détaillée des résultatsde l’enquête permet de s’en rendre compte. Elle est sui-vie d’une description plus complète de deux expériencescaractéristiques : la définition d’un plan stratégique depromotion de la ville à Turin en Italie, relevant de la caté-gorie des projets de territoire, et un exercice d’élabora-tion de scénarios à Edimbourg en Ecosse, qui s’inscritdans le cadre des démarches de compétitivité stratégiqueidentifiées plus haut.

Origine géographiqueLes 18 projets sélectionnés sont situés dans 11 pays différents en Europe. Les pays les mieux représentés sontl’Espagne (députation de Gipuzkoa, province dont fait partie Saint-Sébastian, Barcelone, Bilbao et Malaga) et leRoyaume-Uni (Birmingham, Leeds, Edimbourg et Belfast), avec 4 expériences chacun, tandis que l’Italie encompte deux (Turin et Venise). Les autres expériences sont chacune situées dans un pays différent : Allemagne(Berlin), Autriche (Vienne), Pays-Bas (Utrecht), Finlande (Helsinki), Hongrie (Budapest), Irlande (Dublin),Suède (Göteborg) et Tchéquie (Brno).Cet échantillon est bien réparti sur le territoire européen, centré sur l’Union européenne, il compte deux pays can-didats, la Hongrie et la Tchéquie. Il recouvre à la fois le nord du continent (Suède, Finlande) et le sud (Italie,Espagne), les zones anglophones (Royaume-Uni, Irlande), et germanophones (Allemagne, Autriche), ainsi que leBenelux (Pays-Bas).Néanmoins, l’origine géographique de ces projets n’est pas leur caractéristique principale. Si le contexte institu-tionnel national joue un rôle non négligeable, les motivations des acteurs locaux à l’origine de ces projets sont plusimportantes. Ainsi, certains pays peuvent regrouper des projets de natures très différentes.Enfin, on peut remarquer que ces expériences sont situées dans des zones très peuplées, comptant plusieurs cen-taines de milliers voire plusieurs millions d’habitants. Cinq de ces métropoles étant des capitales nationales, ellesbénéficient d’une bonne visibilité internationale.

Ancienneté des projetsLa plupart de ces démarches sont très récentes, puisque cinq d’entre elles sont encore en cours : le processus doitse terminer en 2005 à Vienne, à Edimbourg et dans la députation de Gipuzkoa, et en 2006 à Birmingham etUtrecht.Dans dix autres cas, ces processus viennent à peine de se terminer, au cours de 2003 ou 2004. Ainsi Barcelone aadopté son plan l’année dernière, tout comme Belfast, Venise, Budapest, tandis que le document produit à Leedsdoit être approuvé au mois d’avril 2004.Certaines démarches sont plus anciennes, comme à Bilbao, à Turin où le plan date de 2000 et à Brno où il datede 2001, mais les processus de mise en œuvre sont toujours en cours. En effet, dans certains cas, les dates de lancement des démarches sont beaucoup plus anciennes. À Barcelone, le pro-cessus a commencé en 1988, à Bilbao en 1992, tandis que celui de Leeds date de 1990, celui de Malaga de 1992et celui de Turin de 1998. Les projets sont alors régulièrement actualisés, comme à Barcelone qui vient d’adopterson 4ème plan stratégique et à Turin où l’élaboration du 2ème plan doit débuter au cours de l’automne 2004.

Echelle géographiqueLes projets étudiés portent tous sur des espaces urbains, mais ceux-ci ne sont pas forcément délimités par des frontièresinstitutionnelles. Trois catégories ont été identifiées :

• La ville : espace compris dans les limites administratives de la commune centre. A noter que l’échelle des villes n’estpas la même partout. Des processus de fusion avec les communes environnantes ont déjà eu lieu dans certains pays.

Encadré n° 2 : Caractéristiques de l’échantillon analysé

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Ainsi, les communes britanniques comptent en moyenne 100 000 habitants. De même, Berlin est à la fois une villeet un état fédéré, disposant de compétences élargies sur une zone très vaste.

• L’aire métropolitaine ou agglomération : la zone urbaine comprenant la commune centre ainsi que les communesde sa banlieue.

• La région urbaine : une zone plus étendue autour de la commune centre, comprenant des espaces plus ou moinsurbanisés, toujours sous la dépendance du centre.

Les projets s’inscrivent en majorité dans le cadre de l’aire métropolitaine, échelle à laquelle se posent la plupart desquestions auxquelles sont confrontées les villes. De manière encore plus ambitieuse, le plan de Barcelone prend encompte l’ensemble de la région urbaine, soit 50 % de la population catalane. De la même façon, la région urbai-ne d’Edimbourg, Edinburg City Region, paraît déjà être une notion bien acceptée. Les démarches les pluscontraintes par les limites administratives et les questions de compétences restent dans le cadre de la ville-centre,comme à Brno, Budapest et Birmingham. Dans ces deux derniers cas, les recommandations des plans tendentcependant à élargir l’aire du projet vers l’agglomération.

Tableau n° 2 : Présentation des 18 cas étudiés

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CONCLUSION : PAR-DELÀ LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS, DES TENDANCES COMMUNES

L’objectif essentiel visé à travers l’enquête, est de caracté-riser les processus mis en œuvre pour penser le futur dansles villes européennes, leur insertion dans les mécanismesde décision et leurs effets.Il s’agit d’abord de mettre à jour des pratiques communesou des concepts suffisamment “stabilisés” pour apporterdes éclairages utiles aux acteurs locaux français. C’est danscette perspective que les expériences européennes sontanalysées dans les parties suivantes en privilégiant succes-sivement quatre approches ou questions majeures : quel

rôle joue la prospective dans les démarches lancés par lesdifférentes villes ? (1ère partie) ; comment s’articulentprospective et participation du public ? (2ème partie) ;quels sont les enjeux prioritaires abordés par cesdémarches à long terme ? (3ème partie) ; et enfin, quel estl’impact réel ? (4ème partie).On a déjà vu dans la typologie esquissée plus haut queles situations évoquées sont très diverses. Toutes cesdémarches ne sont pas spécifiquement engagées dansune optique prospective, bien que la nécessité de penserle futur devienne une préoccupation de mieux en mieuxpartagée par les acteurs locaux des territoires européens.On verra cependant que, malgré cette multiplicité descontextes, des références et des ambitions, des traitscommuns se dégagent.

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PARTIE II :RÔLE DE LA PROSPECTIVE DANS LES DÉMARCHES

STRATÉGIQUES URBAINES

Alors que les pratiques de la prospective territoriale àl’échelon régional semblent bien établies, on peut sedemander ce qu’il en est au niveau des villes. De nom-breuses agglomérations européennes se lancent dans desdémarches stratégiques, mais elles ne se définissent passpécifiquement comme prospectives. Il faut donc étudier dans quelle mesure les méthodes et lesconcepts de la prospective sont réellement présents dansces processus, et quel est alors le rôle qui leur est assignéau sein de cette démarche.

I. LES RÉFÉRENCES INVOQUÉES POUR PENSER LE FUTURLa nécessité de penser le futur lorsqu’on se lance dansune démarche territoriale, est largement partagée. Unemajorité de nos interlocuteurs revendiquent l’utilisationd’une méthodologie spécifique pour la prise en comptedu futur. Ils ne font pas spécifiquement référence à lanotion de prospective qui est peu connue à l’étranger, àpart en Espagne, en Italie et au Portugal. Dans les autrespays, on parle parfois de futures studies ou de foresight,mais ces notions sont encore confidentielles.Dans d’autres cas, cette dimension prospective ne fait pasl’objet d’une prise en compte en tant que telle. Elle estprésente de façon transversale dans l’ensemble des théma-tiques, mais aucune attention particulière ne lui est accor-dée. Les priorités portent plutôt sur la formulation derecommandations stratégiques à Barcelone, Venise etBilbao ou sur la coordination entre les différents acteurs àBudapest et Brno, tandis qu’à Berlin, les processus d’éla-boration d’Agendas 21 ont paradoxalement rarementrecours à la prospective, les méthodologies proposées yfaisant rarement référence.Les exercices analysés se présentent comme desdémarches pragmatiques qui combinent deux approchesdu futur, celle de la planification urbaine et celle de lapromotion économique. Ils empruntent la stratégie aumanagement, la planification à l’urbanisme, la prévisionà l’économie, et tentent d’articuler ces concepts en fonc-tion de leurs propres préoccupations et du contexte local.

• Les pratiques traditionnelles de la planification urbai-ne cherchent à explorer les différents futurs possibles,afin de mieux s’y préparer. Elles se caractérisent parune optique sectorielle et l’utilisation de projectionsstatistiques.

• Les méthodes du management et de la promotion éco-nomique se situent dans une optique plus volontariste.Il s’agit pour elles d’influer sur l’avenir et donc de l’an-ticiper. Rapprochant l’action territoriale de celle d’uneentreprise, elles misent sur l’action et la mobilisation.Leurs moyens d’action sont l’élaboration de visionspartagées et de stratégies pour les mettre en œuvre. Cesnotions bénéficient d’une image positive auprès desresponsables locaux, car elles mettent l’accent sur ledynamisme et l’efficacité des dirigeants.

II. ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE PROSPECTIVE TERRITORIALETraditionnellement, la prospective repose sur desapproches exploratoires et sectorielles. Un mouvementrécent tend à favoriser une évolution vers le normatif etle global. On constate en fait que les deux modèlescontinuent de coexister.

1) Le passage de l’exploratoire au normatif

Les méthodes exploratoires ont pour objectif d’éclairer lesfuturs possibles en analysant l’évolution des grandes ten-dances, cheminant du présent vers le futur. Elles sontencore largement utilisées à Barcelone, Budapest,Edimbourg, Gipuzkoa et Helsinki, mais on leur reproched’être technocratiques. Elles sont essentiellement descrip-tives et conviennent mieux à des démarches d’expertisequ’à des processus politiques. Ces méthodes sont caracté-ristiques des pratiques de la planification urbaine.

Dans un article publié par la revue Environmentand Planning en 2002, Robert Shipley se demanded’où vient cette notion de visionning qui est de plusen plus souvent utilisée par les urbanistes1. Il enconclut qu’il s’agit d’une pratique peu formalisée,structurée par un réseau d’affirmations implicites.La notion de vision, comme celle de stratégie, estissue des pratiques du management. Son applica-tion à l’action territoriale permet une évolution despratiques traditionnelles, mais elle n’est pas tou-jours appropriée à un contexte plus complexe quecelui d’une entreprise.

Encadré n° 3 : Visionning et planification

1 Robert Shipley, “Visionning in planning: is the practice based on sound theory?”, Environment and Planning, 2002, vol 34, pp. 7-22.

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L’approche normative utilise une perspective inverse, àpartir de la définition d’un futur souhaitable, en cher-chant à construire les moyens pour y parvenir. Cetteméthode est favorisée par les processus de constructionde vision et les démarches stratégiques, par exemple àBelfast, Utrecht, Dublin, Malaga et Turin. Mais ellenécessite l’appui d’une méthodologie bien structurée,pour éviter de produire des recommandations utopiqueset peu opérationnelles.Les exercices qui combinent les deux approches bénéfi-cient des avantages des deux systèmes. C’est le choixopéré à Birmingham, Leeds, Göteborg et Vienne. Cesdémarches permettent l’articulation d’une dimensionparticipative et volontariste, à la rigueur et au socle infor-mationnel d’une analyse quantitative. Elles permettent deconfronter les futurs possibles dégagés par les méthodesexploratoires, aux futurs souhaitables issus de l’approchenormative.

2) Le passage du sectoriel au global

Alors que les pratiques antérieures de planification secaractérisent par une approche sectorielle de la prospec-tive, une des évolutions pressenties était l’utilisationd’une approche globale et systémique, prenant en comp-te l’interaction des phénomènes les uns par rapport auxautres. Le recours à une perspective globale (comprehen-sive) et multidisciplinaire suppose de donner une ambi-tion à l’approche prospective. Il ne s’agit plus d’un outilponctuel censé apporter des éclairages sur un aspect oul’autre du projet, mais bien d’une méthode de structura-tion globale des enjeux et de la réflexion stratégiqueappliquée au territoire. À la lumière des résultats de l’enquête, on s’aperçoit quecette prospective sectorielle est présente dans un certainnombre de cas. Elle dépend pour une part des compé-tences des différents porteurs de projet qui n’ont pas for-cément les ressources et la légitimité pour se situer dansune perspective plus globale. Ainsi, à Belfast, les compé-tences du conseil municipal ne portent pas sur les ques-tions sociales, les infrastructures et les transports. Lavision produite se concentre donc sur les thèmes de lacoopération entre acteurs et institutions, sur l’action cul-turelle, touristique et internationale, et sur le développe-ment économique. De la même façon à Gipuzkoa, lescompétences de la province sont limitées au développe-ment économique (adaptation du système productif etformation professionnelle), à la planification spatiale etaux infrastructures. Le projet aborde également desenjeux transversaux comme la culture et la mobilisationde la société civile locale. À Helsinki, tout comme àBrno, les travaux se sont concentrés sur quelques thèmesspécifiques : évolutions démographiques, emplois, loge-ment, déplacements. À Birmingham, la démarche s’ins-crit dans une perspective de renouvellement urbain, dansles quartiers en difficulté et sur des thématiques socialeset spatiales, même si certains acteurs privés sont égale-ment impliqués. Enfin à Göteborg, les préoccupationsportent principalement sur la gestion des ressources enénergie, eau, espace, déchets et sur leurs conséquencespour les déplacements et l’urbanisation.Les autres démarches adoptent une perspective plusambitieuse. Leurs promoteurs mettent en avant l’élabo-

ration d’un projet, d’une vision partagée, par-delà lescompétences et frontières institutionnelles, conscientsque chaque domaine abordé a des conséquences sur lesautres secteurs de la vie locale. Le cas de Dublin est le pluscaractéristique, puisque la chambre de commerce a choi-si de donner son avis sur un sujet pour lequel elle n’aaucune compétence ni légitimité institutionnelle, celuidu développement urbain. À Leeds comme à Vienne,Venise ou Budapest, il s’agit justement de favoriser lesinteractions et complémentarités entre les différents sec-teurs de l’action publique et privée. De la même façon,les structures de partenariat mises en place à Barcelone,Bilbao, Turin et Malaga n’avaient aucune compétencepour se saisir des enjeux métropolitains. Mais leurs ini-tiateurs ont décidé de réunir des acteurs issus d’horizonsdifférents afin d’avoir une vision plus ouverte et contras-tée du développement de leur territoire. Ici la prospecti-ve rejoint les préceptes du développement durable : pen-ser de façon systémique les conséquences sociales, éco-nomiques et environnementales des politiques.

III. MÉTHODOLOGIES PROSPECTIVESIl est difficile de caractériser les méthodes utilisées parl’ensemble des démarches analysées, car elles nécessite-raient une étude plus approfondie. Les remarques quisuivent se basent sur les éléments disponibles.

1) La place de la prospective

La dimension prospective est présente dans la majoritéde ces démarches, même si elle n’est pas forcément for-malisée en tant que telle. Ces processus se présententrarement comme des exercices achevés de prospectiveterritoriale (mise à part l’expérience de Gipuzkoa qui res-semble à un exercice classique de prospective régionale).Parfois, un cadre formel de méthodologie prospectivestructure l’ensemble du processus. C’est le cas à Dublinet Edimbourg avec l’élaboration de scénarios, et àGöteborg pour définir une vision. Dans les autresdémarches, et notamment celles qui adoptent une pers-pective sectorielle, les méthodes prospectives sont unoutil destiné à apporter un éclairage ponctuel sur certainséléments. C’est notamment le cas à Helsinki, à Barceloneou Budapest pour l’évolution de variables statistiques(démographiques, économiques ou sociales).

2) L’importance de la méthodologie

Quel que soit le type de méthode utilisée, qu’elle s’inspi-re de la prospective, de la stratégie, de la planification oude tout autre référence, ce soutien méthodologique estindispensable. Ces différentes références doivent êtrecombinées dans une organisation ad hoc afin de coller aucontexte local.La présence de consultants, spécialistes en prospective,permet aux porteurs de projet de mieux structurer laméthodologie de leurs démarches. Ainsi, à Dublin, l’ex-pert, issu de la Futures Academy (Institut deTechnologies de Dublin), revendique spécifiquementl’aspect prospectif de sa méthode. De même, le cabinetProspektiker à Gipuzkoa a l’habitude des démarches deprospective territoriale. À Göteborg, l’université de

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technologie a fourni le soutien méthodologique del’exercice, et à Edimbourg, le département de manage-ment de l’université de Saint Andrews a encadré ladémarche, tandis que les services de développementurbain de Vienne et Helsinki disposent de leurs propresspécialistes en prospective.

3) Durée des exercices

En raison de leur complexité, du nombre importantd’acteurs qu’ils mobilisent et du volume d’informa-tions qu’ils doivent traiter, ces exercices s’étendent surde longues périodes. Seules des démarches plusmodestes, comme à Belfast et à Dublin, peuvent êtrebouclées en moins d’un an. Dans les autres cas, les pro-cessus s’étendent sur plusieurs années, deux trois voirequatre ans. À Budapest, la démarche devait durer unan, elle a été repoussée cinq années de suite avantd’être considérée comme terminée. Commencée en1997, elle s’est achevée en 2003.

4) Horizon temporel

Tous les projets sélectionnés sont fondés sur une volon-té de prendre en compte le long terme et d’influer surses évolutions futures. En règle générale, cet horizontemporel se situe à 10-15 ans. C’est un moyen termepermettant de faire des propositions ambitieuses, quisont en même temps suffisamment proches pour êtreappropriables.À Belfast, l’horizon est beaucoup plus proche, à trois ans,tandis qu’à Barcelone, il est situé à 5-7 ans, mais lesobjectifs sont constamment renouvelés depuis 1988 avecla mise en place d’une démarche en continu. Les projetsdont l’horizon temporel est le plus lointain sont ceuxconsacrés principalement aux questions environnemen-tales, notamment à Helsinki à 2025 et Göteborg à 2050.Les objectifs sont en effet particulièrement ambitieux etportent sur des évolutions qui sont ressenties sur despériodes longues.

5) Les outils utilisés

Les outils utilisés ne permettent pas de différencier cesdémarches de celles de planification urbaine mises enœuvre de façon traditionnelle, ou de celles utilisées enprospective régionale. Il s’agit d’une combinaisond’études en chambre et de travail collectif dans desgroupes de discussion rassemblant des acteurs et desexperts. Les seules spécificités résident dans l’importanceaccordée à la dimension intersectorielle et systémique, etau volume et à la nature des participants aux débats.Au moins neuf de nos interlocuteurs ont déclaré avoir uti-lisé des scénarios comme outil méthodologique, permet-tant de visualiser les différentes options possibles avant defaire un choix en toute connaissance de cause. L’utilisationde scénarios peut sembler typique d’une démarche explo-ratoire, mais leurs enseignements peuvent être intégrésdans un processus plus long, laissant la place à la réactiondes acteurs locaux. C’est le choix qui a été fait àEdimbourg et Gipuzkoa. Dans ces deux cas, le processusde l’élaboration des scénarios est la première phase d’unedémarche qui doit amener la société civile locale à réfléchirà son avenir. Ainsi, à Edimbourg, deux scénarios ont étéélaborés, l’un intitulé “Capital Punishement” (peine capita-le), l’autre “Capital Gain” (gain maximal), destinés à faireréagir les acteurs locaux. De même à Gipuzkoa, ce sontquatre scénarios contrastés qui sont sortis de l’analyseprospective : “Gipuzkoa repliée sur elle-même”,“Gipuzkoa à la traîne”, “Gipuzkoa paradoxale”, et“Gipuzkoa innovante”, représentant les quatre destinspossibles qui attendent ce territoire, en fonction des poli-tiques qui seront menées. À Dublin, l’élaboration d’un“scénario catastrophe” est issue des travaux d’un groupe detravail de responsables de grandes entreprises. Elle permetde justifier les cinq pistes d’action proposées dans la vision.Les autres outils les plus couramment utilisés sont lesanalyses quantitatives et les projections statistiquescomme à Helsinki, Göteborg et Budapest, notammentpour l’évolution de la population, des logements, desemplois ou de la situation économique. Les acteurs ontégalement largement recours à l’élaboration de dia-gnostics dynamiques, avec la méthode SWOT (forces,faiblesses, opportunités, menaces).

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Tableau n° 3 : Les types d’approche prospective adoptés

• trois catégories : court terme (moins de 10 ans), moyen terme (entre 10 et 20 ans), long terme (plus de 20 ans).

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Schéma n°2 : Croisement horizon/démarche

Schéma n° 1 : Croisement des approches prospectives et des contenus

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PARTIE III : L’ARTICULATION DE LA PROSPECTIVE ET DE LA PARTICIPATION

Les démarches territoriales analysées se présententcomme des processus politiques. Afin d’asseoir leur légi-timité, ses promoteurs insistent sur la dimension partici-pative de leur approche. Il s’agit de sortir des cercles tra-ditionnels de l’action publique et d’ouvrir le dialogue àl’ensemble de la société civile locale. Alors que tradition-nellement les exercices de prospective sont réservés auxexperts, cette nouvelle orientation bouscule les pratiques.On peut se demander comment la prospective territoria-le s’adapte à cette nouvelle situation. En fait, grâce à sacapacité à articuler les débats et les enjeux, l’utilisation dela prospective pourrait s’avérer être un atout majeur dansce contexte et contribuer à la constitution d’une nouvelleforme de gouvernance locale. On doit d’abord s’interroger sur la nature réellement par-ticipative ou non de ces démarches, et sur ce que cettenotion implique. Il faut ensuite savoir dans quelle mesureles contributions de ces différents participants sont prisesen considération.

I. L’AMBITION DES DÉMARCHES PARTICIPATIVESEn fonction du nombre de personnes impliquées, il estpossible de se faire une idée de l’ambition et de ladimension participative de ces projets. Ainsi, cinq de cesdémarches peuvent être qualifiées de relativementmodestes, elles ont touché moins de 200 personnes. Laplus confidentielle est celle qui a eu lieu à Dublin sousl’égide de la chambre de commerce, en rassemblant seizeparticipants dans un groupe de travail qui s’est réunipendant six mois. À Edimbourg, un peu plus d’une cen-taine d’acteurs ont été interrogés et invités à réagir à desanalyses d’experts. Un processus du même type a été misen œuvre à Belfast et Helsinki.D’autres démarches affichent une volonté de visibilité plusimportante. Ainsi à Birmingham, Budapest, Brno, Vienne etGipuzkoa, l’objectif était d’élargir le cercle des acteurs tradi-tionnellement associés aux démarches de planification. Autotal entre 200 et 500 personnes ont participé à diversforums et groupes de discussion organisés afin de recueillirleurs opinions. À Berlin et Göteborg en revanche, l’objectifétait plus ambitieux, il s’agissait de toucher la populationdans son ensemble. Néanmoins, en raison d’un certainmanque de moyens, on peut supposer que vraisemblable-ment, le nombre de participants actifs n’a pas excédé les 500.Des projets de nature plus ambitieuse sont en cours àBarcelone, Turin, Malaga, Bilbao et Leeds. Au-delà des

membres des structures de partenariats, de nombreuxautres acteurs ont été associés à l’élaboration de ces plans.Ces démarches sont spécialement ambitieuses et ellesbénéficient de moyens importants. À Leeds, une étude aété réalisée, pour évaluer quel avait été le volume de per-sonnes impliquées dans la démarche. Elle a conclu queplus de 6 000 personnes y avaient participé plus ou moinsactivement, assistant à des réunions et contribuant à desgroupes de discussion ou envoyant des contributionsécrites. Ces volumes ne sont peut-être pas aussi impor-tants dans les autres cas, mais ils sont supérieurs à 500participants actifs.

II. LA NATURE DE LA PARTICIPATIONSix catégories de participants ont été identifiées : dans lesecteur politico-administratif traditionnel, on trouve lesélus locaux, les techniciens ou fonctionnaires des institu-tions publiques, les différents experts ou chercheurs. Ducôté de la société civile, on retrouve les entreprises, leursreprésentants et les institutions socio-économiques, syn-dicats, chambres de commerce, etc. Les associations sontégalement présentes. Et puis se pose la question de lapopulation, les citoyens individuels.

1) Habitants ou société civile

Si les cinq premières catégories sont présentes, d’unemanière ou d’une autre, dans la plupart des projets (endehors de Dublin qui n’a rassemblé que des experts etdes entreprises), la présence des habitants en tant que telsn’est pas systématique. En effet, seuls 10 des 18 porteursde projet déclarent avoir associé des habitants à leurdémarche. Il est difficile d’instaurer ce que l’on appelleparfois des démarches participatives, en raison de laconnotation idéologique que cette notion recouvre.Dans les systèmes politiques européens, les citoyens sontinvités à se prononcer par l’intermédiaire des élections.La question de leur participation directe à la mise enplace des politiques publiques est plus délicate. De plus,à la différence des autres participants qui sont présents àtitre professionnel, les habitants sont conviés à titre per-sonnel. Ils ne sont pas forcément sensibilisés aux nécessi-tés des politiques de planification et de développement,donc difficiles à mobiliser. Ils sont également peu fami-liarisés avec la complexité de la gestion publique locale.Enfin, ils sont accusés de ne représenter qu’eux-mêmes,et à ce titre d’être peu légitimes.

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En règle générale, les processus à dimension participative,souhaitant s’adresser à la population, travaillent beaucoupavec le secteur associatif. Cette implication est suffisam-ment difficile à organiser car ce milieu recouvre des situa-tions très variées, et il n’est pas forcément institutionnali-sé. De plus, la notion d’association n’existe pas dans tousles pays. Elles n’ont pas toutes un statut défini. On parleparfois d’organisation non gouvernementale, à but nonlucratif. On retrouve ce cas de figure à Birmingham où leprocessus s’apparente aux démarches de politique de laville mises en œuvre en France. De même à Brno, les asso-ciations de quartiers se sont beaucoup impliquées dans ledispositif, relayant certaines informations auprès deshabitants.

2) Le rôle des élus

La nature de l’implication des élus est un autre élémentinfluençant la participation. Dans la moitié des cas, cetteimplication est forte tandis que dans l’autre moitié, elleest légère voire formelle. Lorsque des élus sont à l’originede ces démarches et qu’ils y ont des intérêts forts, ils s’yinvestissent. C’est le cas à Barcelone où le maire de laville est à l’origine du processus dans lequel il s’est iden-tifié. La situation est identique à Bilbao et Turin. ÀVenise, un adjoint au maire a lancé la procédure, qui aensuite été reprise par le maire. À Gipuzkoa, c’est égale-ment un élu qui l’a imposée à l’appareil administratif. ÀEdimbourg, les élus paraissent bien impliqués, sous l’im-pulsion de dirigeants de grandes entreprises. De même àLeeds et Malaga, les élus sont présents depuis l’origined’un projet qu’ils contrôlent de près. La situation est dif-férente dans les cas où le processus a été lancé sous l’im-pulsion des techniciens, soucieux de renouveler leurspratiques, comme à Budapest, Belfast, Vienne, Brno etHelsinki. On a déjà noté que les procédures de Berlin etGöteborg semblent bénéficier d’un faible soutien insti-tutionnel, tout comme celle de Dublin, développée enmarge des autorités locales. À Birmingham, l’initiativevient du gouvernement central, le processus semble assezcomplexe et contrôlé par la technocratie.

3) Des ambitions d’ordres différents

En termes d’implication d’acteurs, il semble possibled’identifier quatre types de démarches parmi celles quisont étudiées :

• Les démarches participatives en direction de lapopulation : dans deux cas, à Berlin et Göteborg,l’objectif des projets est de s’adresser aux habitants, deles sensibiliser aux problématiques de la protection del’environnement. Ces formes d’action, de type Agenda21, sont conformes aux principes du développementdurable. Il s’agit de favoriser une mobilisation citoyen-ne sous l’impulsion d’organisations militantes et d’in-dividus motivés, en marge de l’action politique à pro-prement parler. Les acteurs majeurs de ces projets sontdes associations, certains techniciens, des experts et deshabitants. En revanche, les élus et les entreprisesparaissent moins présents.

• Les démarches de mobilisation des acteurs écono-miques : ces démarches visent à rapprocher monde

politique et monde économique, à impliquer lesacteurs des entreprises au devenir des territoires sur les-quels ils produisent. Le présupposé étant que chacundes deux partenaires trouve un intérêt dans cette asso-ciation : les entreprises bénéficieront d’un environne-ment plus cohérent et dynamique. La société civilelocale, représentée par ses élus, pourra tirer parti dudynamisme des entreprises et les inciter à rester sur leterritoire. On trouve cette configuration à Barcelone etBilbao où les conseils stratégiques rassemblent essen-tiellement des acteurs économiques, outre les représen-tants publics. À Dublin, l’initiative vient du monde del’entreprise lui-même. Il s’agit pour les acteurs écono-miques de structurer une vision cohérente et de peserainsi sur les décisions politiques. À Edimbourg, l’initia-tive est conjointe entre le pouvoir local et certains res-ponsables de grandes entreprises, soucieux de conforterl’attractivité de leur territoire. Ces démarches sontdonc portées principalement par des élus et des acteurséconomiques.

• Les démarches de mobilisation de la société civilelocale : même s’ils comportent une certaine implicationde la population, ces processus s’adressent avant toutaux principaux acteurs de la société civile locale (écono-miques mais aussi culturels, sociaux et politico-adminis-tratifs), afin de développer une conscience territorialespécifique et favoriser l’élaboration de projets en com-mun. À Budapest et Brno, il s’agit d’encourager l’impli-cation de l’ensemble des secteurs socio-économiques audéveloppement de la ville. À Malaga et Gipuzkoa, ladimension identitaire est très présente, tout comme àLeeds qui affiche le slogan “The UK’s favourite city” (laville que le Royaume-Uni préfère). À Venise, les princi-paux acteurs publics et privés ont été invités à réagir auxpriorités thématiques proposées dans le plan. À Turin,les promoteurs du projet se sont rendu compte que laville recelait des ressources en matière sociale et cultu-relle susceptibles de contribuer au passage d’une écono-mie industrielle à une économie post-industrielle. Ilsont donc d’abord misé leur démarche sur le développe-ment du tourisme et l’internationalisation avant del’étendre à tous les secteurs. Les acteurs dominants de cetype de démarches sont bien sûr les élus, ainsi que l’en-semble des représentants de la société civile, expressionorganisée des milieux économiques, culturels et sociaux.

• Les démarches de coordination au sein du secteurpublic : ces démarches s’adressent en priorité auxtechniciens. Elles ont un but moins politique quetechnique d’amélioration de l’efficacité de l’actionpublique. À ce titre, elles favorisent la mise en relationentre les différents secteurs d’action et l’ouverture àdes acteurs autres que les spécialistes, afin de favoriserl’échange d’idées et de produire ainsi des décisionsmieux informées et plus cohérentes. À Vienne, le planstratégique doit chapeauter toutes les démarches deplanification de la ville. À Belfast, l’agenda de déve-loppement doit informer l’action économique del’ensemble des acteurs publics, tandis qu’à Helsinki, leprojet de Vision doit être décliné par les autresniveaux territoriaux. À Utrecht, les discussions ras-semblent les élus et les principaux responsables del’administration communale désireux de fixer une

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orientation commune aux politiques menées par laville. Enfin, à Birmingham, la thématique consiste àrassembler l’ensemble des agences et services publicsintervenant dans la politique de la ville. Les acteursprincipaux de ce type de projets sont, bien entendu,les techniciens, parfois des experts et des associations.

III. LES MODALITÉS DE CETTE PARTICIPATIONOn a vu que l’aspect participatif était un enjeu impor-tant de ces démarches, car il leur donne une légitimitédémocratique, et non plus technique comme c’était lecas auparavant. Alors que cette question est au centredes justifications des exercices, on peut se demanderdans quelle mesure elle est effectivement mise enœuvre. L’ouverture à d’autres acteurs a-t-elle une réelleincidence sur les processus, ou s’agit-il d’un alibi ?

1) L’atout de la prospective

Il est difficile de répondre à cette question à partir desdonnées disponibles de l’enquête. Tout au plus peut-ons’intéresser aux modalités utilisées pour la participationdes acteurs. On peut remarquer que si l’organisation decette participation est complexe et peut parfois se révé-ler problématique, elle peut être un atout important del’enrichissement de ces démarches.De la consultation à la concertation, puis au partena-riat, il existe différents degrés dans l’implication desacteurs. Ils se fondent sur le principe de l’intelligencecollective selon lequel la multiplication et le croise-ment de points de vue différents produisent un résul-tat plus riche que la juxtaposition d’opinions indivi-duelles. Dans cette optique, l’utilisation de la prospec-tive peut se révéler très fructueuse, car elle permet à lafois de mobiliser les participants sur la base de laconstruction d’un projet pour le futur et de structurerles débats, grâce à ses méthodes d’échange d’idées etd’élaboration collective. De plus, le recours de plus enplus fréquent aux méthodes normatives supposed’élargir le cercle des participants aux réflexions pros-pectives, pour pouvoir être à même de construire encommun des futurs souhaitables.

2) Les différents degrés de l’implication des acteurs

a) La consultationLa plupart des projets ont utilisé des outils d’informa-tion, pour avoir une meilleure connaissance de la sociétécivile locale. Il s’agit de l’analyse de données quantita-tives, de lecture d’études, de rapports, etc. Des méthodesd’enquête ont également été largement mises à contribu-tion : plusieurs milliers de questionnaires ont été envoyésà Leeds et à Turin ; à Edimbourg, une centaine d’acteursont été interrogés en entretien individuel. Les procéduresde consultation permettent une implication plus activedes participants. Les réunions publiques sont souventutilisées, car elles permettent d’informer la populationsur les projets en cours, de répondre à leurs questions, etéventuellement d’entendre leurs réactions. Mais rienn’oblige les porteurs de projets à tenir compte de cesinterventions.

b) La concertationDans les procédures de concertation, s’il n’y a aucuneobligation légale, les participants sont en droit d’attendreque leur travail soit d’avantage pris en compte. La métho-de des groupes de travail est plébiscitée. Elle permet à ungroupe d’individus de se rencontrer, d’échanger despoints de vue sur la base de leur expertise ou de leur expé-rience propre et d’élaborer des propositions en commun.Un dispositif de ce type suppose que les acteurs se ren-contrent suffisamment souvent, non pas une seule fois,pour apprendre à se connaître. Par exemple, le processusde Dublin a rassemblé 16 participants dans un atelier quis’est réuni une fois par mois pendant six mois. Cettedémarche a été enrichissante, elle a permis de produiredes recommandations en commun sur la base d’un pro-cessus d’intelligence collective. Ce phénomène commen-ce à être bien appréhendé, il suppose que les participantsse réunissent dans un esprit d’ouverture, pour faire avan-cer le débat, et non pour défendre des positions corpora-tistes. Les connaissances des uns et des autres s’addition-nent alors pour former une pensée originale qui n’auraitpas pu voir le jour dans un contexte différent. Selon lesméthodologies adoptées, ces groupes de travail s’articu-lent différemment les uns avec les autres. À Budapest,plusieurs forums ont été organisés autour de groupes thé-matiques, donnant lieu à des restitutions en séance plé-nière. À Leeds, il existe sept groupes stratégiques perma-nents consacrés à l’économie, à la connaissance, auxtransports, à l’environnement, aux relations de quartiers,aux technologies de l’information et de la communica-tion et à la culture. Cette méthode des groupes de travailest donc féconde et appréciée. Mais elle a des inconvé-nients, elle nécessite des moyens importants pour organi-ser et animer ces groupes, et elle ne permet de rassemblerqu’un nombre limité de personnes.Il existe plusieurs façons de recueillir les avis des habitants,la plus simple consiste à procéder par sondages etenquêtes d’opinion. Elle a cependant le défaut d’être coû-teuse et peu participative. C’est pourquoi, certains res-ponsables ont décidé de recourir à des groupes de travailconstitués exclusivement de citoyens volontaires. Ainsi,un groupe de panel citoyen a été créé à Edimbourg. Demême, les responsables de Leeds et de Birmingham sesont intéressés à certains groupes de population : lesjeunes, les enfants, les personnes âgées, les minorités eth-niques, etc. Des méthodes spécifiques ont été ainsi élabo-rées pour les faire participer. Néanmoins, l’évaluation del’influence de ces contributions sur le résultat final n’estpas évidente. Il faut toujours compter avec une dimensiond’affichage et de recherche de légitimité démocratique.

c) L’animation du débat publicDans un bon nombre de cas, les promoteurs des projetssouhaitent susciter et entretenir un débat public. Dans cecadre, l’utilisation de forums sur Internet est très appré-ciée. Un site destiné à recueillir des contributions a spé-cialement été ouvert à Göteborg, comme à Vienne et àBerlin. À Dublin, les responsables du projet envisagentde poursuivre les discussions par l’intermédiaire des jour-naux locaux. Par ailleurs, tous les projets disposent d’unsite Internet présentant leur démarche, sur lequel il estpossible de télécharger une partie de leurs travaux. Enfin,

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une partie de ces démarches a fait l’objet d’une cam-pagne de communication destinée à les faire connaître àun plus large public. Cet outil est coûteux et n’est pasutilisé systématiquement, mais il est indispensable pourdonner une ampleur plus large à la démarche.Une fois le débat installé dans le contexte local, il s’agit dele faire vivre, de lui donner une assise institutionnelle suf-fisante pour qu’il puisse se pérenniser. Ce mouvementbénéficie déjà d’une bonne implantation à Barcelone,Bilbao, Malaga, Turin et Leeds, où des organisations sontchargées de porter la démarche et le débat public qui lanourrit. Dans d’autres cas, alors que la démarche est lan-cée pour la première fois, ses promoteurs commencent àréfléchir à la pérennisation du débat et de la dynamiquequ’elle a créée au sein des participants. On trouve cetteproblématique à Göteborg et Berlin qui sont fondés surune mobilisation citoyenne. À Gipuzkoa, les promoteursdu projet réfléchissent à une structure qui permettrait depoursuivre le débat engagé avec les acteurs locaux. ÀDublin, où la démarche s’est déroulée en petit comité, sesorganisateurs souhaitent étendre la discussion à l’ensemblede la société civile locale.

3) Le partenariat : vers une nouvelle forme de gouvernance locale

Alors que ces exercices sont majoritairement lancés pardes acteurs locaux, ou relayés par eux de façon autono-me, la nature des porteurs de projets est plus complexe.Ces démarches ne sont pas uniquement issues de pro-cessus institutionnels reconnus, elles résultent parfoisde la coopération d’acteurs issus d’horizons divers, et àce titre peuvent inaugurer de nouvelles pratiques de lagouvernance locale.

a) La démarche doit être relayée au niveau localL’origine des projets peut venir d’une initiative locale, ouelle peut être le résultat d’une procédure décidée auniveau national. En Irlande par exemple, le ministère del’Environnement et des collectivités locales a lancé en2000 un programme pour développer des projets de ter-ritoire partagés dans chaque comté. Il s’agissait de pro-mouvoir le partenariat entre les différentes autoritéspubliques. C’est ainsi que la ville de Dublin a élaboré unprojet intitulé “Vision 2012”. De même aux Pays-Bas,l’État a adopté en 1998 un texte encourageant plusieursgrandes villes à se doter d’une vision territoriale intégrée.En Grande-Bretagne, le gouvernement a incité, en 1995,un certain nombre de grandes villes à se lancer dans ladémarche City Pride. Cette initiative a été prolongée parles Local Strategic Partnerships, institués par le LocalGovernment Act de 2000. La ville de Birmingham a béné-ficié de ces initiatives, en revanche à Leeds, la démarcheest plus ancienne même si elle est maintenant venue secaler dans ces dispositifs.Pour devenir effectives, ces démarches doivent êtreprises en charge par les acteurs locaux, sinon elles cou-rent le risque de n’être que des processus vides. Ainsi, ledocument élaboré par la ville de Dublin n’a fait l’objetd’aucune coordination avec les villes environnantes, ilest donc peu pertinent. À Birmingham, au contraire,les élus se sont saisi de cette opportunité pour dévelop-per leurs propres stratégies. La plupart des démarches,en effet, sont lancées par des acteurs locaux :

• Soit à l’initiative d’acteurs privés : les responsables dela chambre de commerce à Dublin, des individusmotivés qui ont réussi à convaincre autour d’eux àBerlin et Göteborg ;

• soit à l’initiative d’élus ou de responsables locaux, danstous les autres cas. Un grand nombre de démarchesportées par des structures de partenariat ont en fait étélancées par les élus de la ville centre de l’agglomération.On a déjà mentionné le rôle prépondérant joué par lesmaires de Barcelone, Turin, Leeds, Bilbao, etc. Parfois,ces élus ont été convaincus par leurs services de l’urba-nisme comme à Budapest, Vienne, Belfast, ou par desreprésentants de grandes entreprises, à Edimbourg parexemple.

b) Des porteurs de projets de plus en plus complexes Soucieuses d’ouvrir la participation au plus grandnombre, les administrations municipales tendent àdévelopper des structures de pilotage en partenariatavec des acteurs publics et privés, avec lesquels ellessont censées partager les responsabilités et les retombéesdes démarches.

Des structures institutionnelles de nature publique ouprivéeLa démarche de Dublin est la seule à être contrôlée parune organisation privée. La chambre de commerce deDublin rassemble plusieurs centaines d’entreprises, sansinteraction avec les autorités publiques.Alors que l’échelle des projets porte majoritairementsur l’agglomération, on est frappé de constater que lesporteurs de projet sont rarement des organisationsmétropolitaines. En effet, seuls les projets d’Helsinki etde Gipuzkoa sont menés par des institutions dont l’ai-re de compétence correspond exactement à l’échelle duprojet : le conseil de l’aire métropolitaine d’Helsinki(YTV), et la députation de Gipuzkoa, structure infra-régionale au sein de la province du Pays Basque, quicomprend l’aire métropolitaine de Saint-Sébastien. Les villes sont traditionnellement en charge de la planifi-cation urbaine, elles conservent ce rôle à Budapest,Belfast, Brno, Utrecht, Venise et Vienne, même sil’échelle tend à s’étendre à l’agglomération.

Vers un développement du partenariatUne autre configuration tend à se développer, celle desstructures partenariales. La notion de partenariat est sou-vent utilisée, il apparaît donc nécessaire de bien préciserce qu’elle recouvre. Elle implique un partage des responsabilités d’un projet,de son financement et de ses objectifs entre plusieursacteurs, ceux-ci pouvant être publics ou privés. Laconstitution d’un partenariat a plusieurs avantages, ellepeut permettre de contourner le manque d’institutionsmétropolitaines en rassemblant les différents acteursintervenant à cette échelle dans une structure souple etadaptable. Mais le partenariat permet surtout d’impli-quer un grand nombre d’acteurs à l’élaboration d’unprojet de territoire. Il offre notamment la possibilitéd’associer des acteurs publics et privés.Ces partenariats sont de deux ordres, soit ponctuels, soitpérennes. Les expériences d’Edimbourg, Berlin, Göteborg

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et Birmingham se situent dans ce premier cas. Birminghamet Göteborg rassemblent surtout des acteurs publics locauxet nationaux (villes, comtés, agences gouvernementales,entreprises publiques), tandis que les acteurs intervenant àEdimbourg et Berlin sont plus divers (associations et entre-prises), sous le contrôle des autorités publiques locales.À Leeds comme à Barcelone et dans les villes qui se récla-ment de son exemple, Bilbao, Malaga, et Turin, les struc-tures de partenariat se sont pérennisées. À Barcelone, ladémarche d’élaboration d’un plan stratégique a commencéen 1988. Elle a abouti en 1993 à la création d’une associa-tion pour animer ce plan. Présidée par le maire deBarcelone, l’association du plan stratégique métropolitainde Barcelone rassemble les acteurs principaux dans uncomité exécutif (la ville de Barcelone, la chambre de com-merce et d’industrie, le Port, le centre de foires et d’exposi-tions, les syndicats des employeurs et des employés, l’uni-

versité, etc.). Les acteurs secondaires, membres de l’associa-tion (entreprises, autorités locales), sont au nombre de 300et font partie de l’assemblée générale. Les expériences deBilbao, Malaga et Turin se sont inspirées de ce modèle pourcréer leurs propres associations : Bilbao Metropoli-30, lafondation CIEDES (fondation pour l’analyse socio-écono-mique et la planification stratégique de Malaga) et TorinoInternazionale. La situation est différente à Leeds où lastructure de partenariat, Leeds Initiative, lancée en 1990,préexiste à l’élaboration du premier plan stratégique, quis’est déroulée entre 1997 et 1998. Cette organisation cha-peaute un certain nombre de programmes de coopérationthématiques. Elle est dirigée par un conseil exécutif quicomprend la ville de Leeds, l’université, des services publics(police, développement économique, transports, etc.), desreprésentants de la chambre de commerce, de grandesentreprises, d’associations et de syndicats, etc.

Tableau n°4 : prospective et participation

* 3 catégories : modeste (moins de 200 participants), moyenne (de 200 à 500 participants), ambitieuse (plus de 500 participants).

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Schéma n°3 : Croisement “ambition de la participation” et “porteurs de la démarche prospective”

Schéma n°4 : Croisement typologie des projets / orientation participative

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2 Fabienne Goux-Baudiment, “La gouvernance locale”, in Caisse des Dépôts et Consignations (collectif ), Prospective et développement territorial. LaDocumentation française, 2003, pp.77-94

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PARTIE IV : LES ENJEUX ABORDÉS

Un regard attentif sur les contenus des exercices deprospective qui se sont déroulés depuis une décennie,montre une progression de la préoccupation des acteurslocaux vers un spectre de plus en plus élargi.Sommairement, on peut dire que la préoccupation laplus forte est :

– au cours des années 1990-1995 : le développementéconomique, notamment sous l’angle de la compéti-tivité des territoires ; préoccupation vraisemblable-ment inspirée de la création du Marché Unique et dela crise de 1992 ;

– au cours des années 1995-2000 : la gouvernance2,notamment urbaine (cf. les travaux de FrançoisAscher) et dans ses aspects relatifs à la participation(conseils de développement en France, processus par-ticipatifs à travers toute l’Europe) ; une inspirationpuisée dans le renouveau “démocratique” issu de lachute du Mur de Berlin ;

– depuis le début des années 2000 : la qualité de vie,sous ses multiples aspects ; motivés par un souci dedégradation de l’environnement, un sentiment d’in-sécurité généralisée (sécurité alimentaire, sanitaire,environnementale, etc.) et la montée en puissance dela notion de développement durable.

À cet élargissement des préoccupations (un processus nonpas substitutif mais cumulatif ) correspond un phénomè-ne concomitant et sans doute lié : le passage d’uneréflexion prospective sectorielle sur le territoire, se tradui-sant par une approche thématique (comme “le logement,les transports à tel horizon”), à une réflexion prospectiveglobale, toujours sur le territoire, mais se traduisant parune approche problématique (par exemple : “commentgérer la croissance urbaine ?”, “comment accroître la com-pétitivité ou l’attractivité de tel territoire ?”). Désormais, de grands enjeux globaux se dégagent. Ilssont trans-sectoriels, complexes et interdépendants, ettrans-échelles : ils peuvent couvrir tout à la fois la qua-lité des logements à l’échelon local, la gestion de l’envi-ronnement à l’échelon régional et la sécurité qui ressortde l’échelon national. Les projets de territoire adoptentcette vision globale, partageant des problématiquescommunes relatives à l’attractivité des territoires, la per-formance des services publics, la facilitation du déve-

loppement économique et notamment des activitéstouristiques, de services ou à haute valeur ajoutée. Face à ces enjeux globaux, les exercices de prospective ter-ritoriale dessinent des solutions globales. Une globalitéque les administrations territoriales (villes, départements,régions) ont bien du mal à mettre en œuvre à travers leurspolitiques publiques toujours sectorialisées…Les villes sont tout particulièrement sujettes à cette évo-lution générale. En effet, rassemblant la majorité de lapopulation européenne, elles font aujourd’hui face àune croissance continue lourde de conséquences sur lesconditions de vie de leurs habitants. Alors que lesespaces urbanisés s’étendent sur des surfaces de plus enplus étendues, les institutions chargées de les représen-ter et de les gouverner ont du mal à s’adapter à ces nou-velles configurations. Les démarches prospectives lesaident à faire face à ces phénomènes et à esquisser despistes de solutions. Avant d’appréhender la nature des enjeux résultant deces prospectives urbaines, il faut évoquer deux typesd’interrogations relatives à ces enjeux :

• Les contenus des projets sont-ils pré-dictés ou élaborés col-lectivement ?

Si l’on retrouve les mêmes préoccupations au début età la fin des démarches, il est possible de se dire que leprocessus a servi à confirmer ce qui était déjà connu, ils’agirait alors d’une action instrumentale. Il faut doncs’intéresser aux raisons qui ont motivé le lancement deces exercices.

• Les enjeux traités sont-ils plutôt de nature sociétale ouspatiale ?

Alors que les démarches de planification traitent tradi-tionnellement de thématiques spatiales, il est intéres-sant de savoir si les exercices de prospective leur per-mettent de s’intéresser de manière plus globale au fonc-tionnement des sociétés locales. On doit donc se pen-cher sur les enjeux identifiés à l’issue des démarches.La réponse à ces questions implique de s’intéresser aucontenu des projets, bien que l’essentiel de l’analysecomparative entreprise ici porte sur les méthodes utili-sées pour obtenir ces résultats. On peut toutefois remar-quer que ces démarches, issues de pays différents avecdes contextes à chaque fois spécifiques, ont des préoc-cupations communes : la compétitivité économique, la

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recherche d’une meilleure coordination entre acteurs,et, dans certains cas, une affirmation politique des villessur la scène institutionnelle locale et européenne.

I. LA RECHERCHE DE COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUEElle est au cœur de toutes les démarches, des motivationsinitiales à l’établissement des priorités.

1) Une motivation de marketing territorial

Depuis plusieurs années, le développement économiqueest devenu la préoccupation majeure des responsableslocaux. Face à l’augmentation et à l’internationalisationcroissante des échanges, les territoires se retrouvent deplus en plus en concurrence les uns avec les autres pourattirer capitaux, entreprises et nouveaux habitants. Lesvilles sont au cœur de cette compétition et doivent rivali-ser en termes d’image, de qualité de vie et d’attractivité.D’où l’intérêt pour ces villes de lancer des démarches stra-tégiques, qui leur donnent une visibilité internationale etune image de dynamisme. Le rôle des événements et deséquipements emblématiques est également primordial :jeux Olympiques à Barcelone en 1992, à Turin en 2006,musée Guggenheim à Bilbao, centre de conférences àBirmingham. C’est pourquoi la dimension marketing estsi présente. Il ne s’agit pas de simple politique d’affichageou de manipulation mais d’un aspect essentiel de cesdémarches.

2) Priorité à l’emploi et au développement économique

Ces priorités sont centrales dans toutes les démarches ter-ritoriales analysées, quelle que soit la situation objective deces territoires : en situation de prospérité comme àVienne, Dublin, Helsinki ou Edimbourg, ou dans desvilles plus fragilisées, en situation de transition d’une éco-nomie industrielle à un modèle fondé sur les services etl’économie de la connaissance, comme à Bilbao qui alancé un plan de revitalisation, à Turin et à Barcelone dontla prospérité était fondée sur un modèle industriel aujour-d’hui fragilisé, à Berlin où les élus ont dû gérer la réunifi-cation, ou à Budapest et Brno qui ont dû faire face à l’ou-verture au capitalisme. Confrontés à une compétitioncroissante, ces territoires misent sur l’ouverture à l’inter-national, le développement de la formation et de l’inno-vation, la promotion d’une économie de la connaissance.C’est pourquoi un grand nombre des enjeux identifiés ci-dessous s’inscrivent dans cette logique : l’amélioration dela qualité de vie, des transports, de la gouvernance locale,etc. doit permettre d’accroître la compétitivité territoriale.Ces enjeux ne sont cependant pas uniquement dévelop-pés dans cette perspective économique, mais aussi dansune approche plus politique et de justice sociale.

II. UNE EXPRESSION POLITIQUE DES VILLESLa ville, espace urbain homogène dépassant les fron-tières communales, est une réalité souvent ignorée parles systèmes institutionnels européens. C’est pourquoicertaines démarches sont entreprises dans le but de luidonner une visibilité et une légitimité.

1) Une volonté d’organisation et de visibilité

Il s’agit pour ces villes de mieux s’organiser et de mon-trer qu’elles existent.

a) Une affirmation des agglomérations dans lecontexte institutionnel local

Sous l’impulsion des communes-centres des aggloméra-tions, un certain nombre d’acteurs cherchent à s’organi-ser autour d’un espace métropolitain pertinent, l’objectifétant de constituer un acteur politique reconnu, interlo-cuteur des autres niveaux territoriaux. Dans ce cadre, cesdémarches peuvent se heurter au niveau central, commec’est le cas en Grande-Bretagne. Les élus de Birminghamcherchent à affirmer l’existence de leur ville par rapportau gouvernement central et à peser sur ses décisions, tan-dis que le gouvernement souhaite renforcer son implica-tion locale par-delà les élus. Mais les relations avec l’Étatne sont pas forcément conflictuelles, ainsi de nombreusesautorités locales ont peu de ressources propres, ellesdépendent des subventions nationales, notamment enItalie, aux Pays-Bas ou en République tchèque. Dans les pays moins centralisés, cette constitution desvilles est plutôt confrontée à l’existence des régions oudes provinces, c’est par exemple le cas en Espagne entreBarcelone et la région de Catalogne ou en Italie où lesrelations entre Turin et l’institution provinciale sontparfois conflictuelles. Ces agglomérations en voie deconstitution doivent également gérer leurs relations avecles niveaux inférieurs. En effet, les communes environ-nantes ne sont pas forcément pressées de rejoindre uneorganisation métropolitaine qu’elles peuvent estimercontrôlée par la ville centre. Ainsi l’association du plande Barcelone n’a pour l’instant convaincu que 9 des 35communes de la région urbaine de se joindre à ladémarche métropolitaine. À Birmingham, à force dedialogue, les élus des communes environnantes se lais-sent progressivement convaincre que les relations entrela ville-centre et son agglomération peuvent être baséessur un intérêt mutuel. A contrario, le maire de Bilbaoestime que l’existence de l’association métropolitaineregroupant des autorités locales de l’agglomération faitconcurrence à l’autonomie de sa propre commune. Le cas des villes capitales est un peu différent, Berlin etVienne s’étendent sur des espaces très vastes et bénéfi-cient de larges compétences. Elles sont à la fois villes etétats fédérés. Elles doivent alors s’entendre avec leursniveaux inférieurs, les districts. À Budapest, cette négo-ciation est délicate, car le gouvernement central de laville a peu de pouvoirs de coercition vis-à-vis des dis-tricts. Jusqu’à présent, la ville a réussi à convaincre lesdeux tiers d’entre eux de se joindre à sa démarche.

b) Une fonction de coordinationAlors que les sociétés se complexifient, les autoritéspubliques assurent toujours une part importante des ser-vices aux populations. En raison des différents processusde décentralisation, de privatisation et de partenariats, lenombre d’acteurs impliqués augmente considérablement.Les villes sont souvent responsables de la fourniture desservices sociaux, de la gestion urbaine, des transports, dela qualité de vie. Elles doivent articuler l’intervention dechacune des structures impliquées dans ces domaines et

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ne peuvent plus se contenter de gérer des services de façonsectorielle. C’est pourquoi la question de la coordinationentre les différents intervenants des politiques publiquesest devenue un enjeu majeur. En Grande-Bretagne parexemple, la multiplication des “quangos”3, agences gou-vernementales semi-autonomes, structures de partenariatpublic-privé, a complexifié le paysage institutionnel. Dans une optique différente, des services d’urbanismeà Vienne, Budapest, Utrecht et Brno, insistent sur lanécessité de sortir d’une approche sectorielle, de consi-dérer les problèmes dans toutes leurs dimensions, d’ap-prendre ainsi aux différents secteurs institutionnels àtravailler ensemble.

2) Des propositions sur le partage du pouvoir local

Elles portent sur des modifications institutionnelles etsur des évolutions de la culture et des pratiques locales.

a) Les questions de gouvernance métropolitaineChristian Lefèvre, cité dans le document de présentationdu projet INTERACT (voir ci-après), renvoie la gouver-nance territoriale “à l’intervention combinée d’acteurs deplus en plus divers sur un territoire de plus en plus vasteainsi qu’à la capacité de ce système d’acteurs de produire despolitiques publiques cohérentes sur l’espace métropolitain”4.Cette notion de gouvernance recouvre des enjeux divers,celui de la coordination qui est très présent en Grande-Bretagne, mais aussi la question du rapprochement entrecitoyens et décideurs. On retrouve cette préoccupation àGöteborg, Vienne et Berlin. Néanmoins, l’enjeu qui estressorti le plus fortement de l’enquête est celui del’institutionnalisation métropolitaine. Pour nombre de nos interlocuteurs, un des handicapsmajeurs de leur territoire est le manque de structurationde l’ensemble des acteurs, mais surtout des autoritéspubliques locales, au sein d’une organisation bien iden-tifiée. À Dublin par exemple, la ville est découpée entrequatre autorités locales qui font formellement partied’un même comté, mais qui dans la pratique ne tra-vaillent pas ensemble. Une des recommandations del’exercice prospectif consiste donc à promouvoir l’élec-tion d’un maire au suffrage universel direct sur l’en-semble de l’aire métropolitaine, pouvant ainsi la person-nifier. De la même façon, à Turin et Venise, la constitu-tion d’une institution métropolitaine est au cœur desdémarches. Les villes italiennes, conscientes de leur fra-gilité due à l’éclatement des agglomérations en plusieurscommunes, prennent l’initiative de ce mouvement enraison de l’échec du gouvernement central à réformer lesystème institutionnel. À Birmingham, la ville a décidéde se concerter avec les communes de sa périphérie afinde produire une stratégie de compétitivité à une échellesuffisamment large. L’objectif est de constituer une col-laboration stable et permanente entre les responsablesde la ville centre et ceux de son agglomération sur cesquestions. À Barcelone, alors que l’optique des premiersplans stratégiques était centrée sur la ville centre, l’échel-le s’est progressivement élargie vers l’ensemble de la

région urbaine. L’enjeu est alors pour les responsables del’association du plan stratégique de convaincre lesacteurs du reste de l’agglomération de se joindre à leurdémarche. Ce mouvement a déjà été accompli à Bilbaodont l’association regroupe à la fois les acteurs privés etles collectivités locales de l’agglomération.

b) Les enjeux culturels et identitairesCette dimension identitaire n’est pas revendiquée par-tout, on la trouve principalement en Espagne et auRoyaume-Uni. À Birmingham, la première initiativeCity Pride (“Fier de sa ville”) repose sur ce sentimentd’appartenance, levier potentiel de mobilisation. Demême à Barcelone et à Leeds, l’affirmation d’une identi-té culturelle spécifique est considérée comme une res-source, notamment sur le plan économique. Dans uncas, il s’agit de valoriser une identité régionale, catalane,dans l’autre, l’optique est de s’appuyer sur la présence denombreuses minorités ethniques et leur cohabitationharmonieuse. À Gipuzkoa (dans le pays basque) et àBelfast, l’enjeu identitaire est lié à l’existence de conflitsarmés. Il est alors d’autant plus important de valoriser cetélément et de lui permettre de s’exprimer de manièrepacifique.

III. UNE RÉPONSE AUX CONSÉQUENCES DE LA CROISSANCE DES VILLES

1) Une préoccupation de développement durable

À la suite du sommet de Rio en 1992 et de la montée dela préoccupation environnementale dans les popula-tions européennes, la question du développementdurable est au centre des justifications des politiquespubliques. Bien souvent cette référence produit deseffets limités, mais dans certains cas, elle peut être àl’origine de certaines initiatives. À Venise, l’enjeu est depermettre la préservation des ressources physiques etculturelles qui ont fondé la prospérité de la ville. ÀHelsinki, la préoccupation majeure semble être de gérerle développement de l’aire urbaine, limiter au maximumles nuisances provoquées par la hausse des déplace-ments, la progression de l’urbanisation et la diminutionconcomitante des espaces naturels. De même, l’un desobjectifs du processus de Göteborg est de sensibiliser lasociété civile locale au risque de détérioration des res-sources naturelles, eau, air, foncier, etc. Enfin à Berlin,l’élaboration d’un Agenda 21 doit permettre d’intégrerles préoccupations environnementales à l’ensemble despolitiques publiques, économiques et sociales.

2) Des orientations pour gérer le développement de l’urbanisation

Les propositions énoncées en vue de mieux contrôlerles conséquences du mouvement d’urbanisation sontde nature technique. Elles agissent sur les leviers tradi-tionnels de l’action publique urbaine, à la recherched’une meilleure qualité de vie et du renforcement de lacohésion sociale.

3 “quasi autonomous non governmental organization”4 Christian Lefèvre, “Dynamiques institutionnelles et politiques publiques”, in G. Saez, J.-P. Leresche, M. Bassand, Gouvernance métropolitaine et

transfrontalière, Action Publique territoriale, Paris, 1997.

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a) La promotion de la qualité de vieTous les interlocuteurs ont déclaré placer cette préoccu-pation de qualité de vie au centre de leurs projets. Ellerecouvre des thématiques spécifiquement urbainescomme les déplacements et les infrastructures de trans-port, le logement, la gestion du foncier. Ces thèmesreviennent de façon récurrente. Il s’agit de gérer le déve-loppement de ces zones, leur urbanisation et les consé-quences qu’elle entraîne sur la qualité de vie des habi-tants. Les préoccupations environnementales et de ges-tion des ressources naturelles ne sont pas réservées auxzones prospères comme à Helsinki et Göteborg, ellesconcernent également Berlin ou Brno confrontés à degraves problèmes de pollution.

b) La recherche d’une meilleure cohésion socialeLes villes connaissent un développement important, maisil s’accompagne d’une progression des inégalités au seinde la population entre ceux qui profitent de cette prospé-rité, et ceux dont la situation stagne voire se détériore.Cette tension est renforcée par la proximité géographique

dans un espace relativement réduit. Les villes se trouventdonc au cœur des contradictions du développement, c’estpourquoi elles se saisissent de ces problématiques, mêmesi les questions sociales sont rarement à l’origine desdémarches. Les inégalités sociales sont souvent considé-rées comme des facteurs de déstabilisation pour l’en-semble du système. À Birmingham, cette question est aucentre des préoccupations d’une démarche de type poli-tique de la ville. Mais dans d’autres grandes villes, la ques-tion des inégalités est également présente, abordée sousl’angle de la lutte contre la pauvreté et la précarité, souscelle de l’intégration des minorités ethniques, ou de lalutte contre la délinquance. Les questions de lutte contrel’insécurité semblent très présentes au Royaume-Uni, àBirmingham, Leeds et Belfast, tout comme celles de pro-motion des communautés ethniques qui sont égalementabordées à Vienne, Berlin et Barcelone. Les thèmes del’accès aux services publics pour la santé, l’aide aux per-sonnes âgés, l’éducation, sont traités à Leeds et Vienne.Celui de la promotion d’une meilleure mixité sociale etspatiale est mentionné à Barcelone et Malaga.

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Tableau n° 5 : Enjeux des démarches prospectives

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5 Voir le site Internet : www.interact-network.org

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PARTIE V : QUELS IMPACTS DE LA PROSPECTIVE ?

UNE PREMIÈRE ÉVALUATION

On reproche souvent à ces démarches de ne pas trouverde traductions concrètes, de s’en tenir au niveau desrecommandations. Pourtant, on peut voir que ce n’estpas forcément le cas. En fonction du contexte et de cer-taines circonstances, des acteurs peuvent relayer les pro-positions émises dans leurs actions. De plus, il est sou-vent vérifié que les résultats formels de ces exercices sontmoins intéressants que les processus qui les ont amenés,notamment en termes de mobilisation d’acteurs.[Consciente de ce manque d’opérationnalité des démar-ches stratégiques, la mission prospective et stratégie d’ag-glomération du Grand Lyon a lancé le projet INTER-ACT, afin d’aider les villes européennes à mettre en œuvreleurs stratégies de développement. Ce programme estfinancé par les fonds européens (5ème programme cadrerecherche et développement de l’Union européenne) sousl’égide du réseau Eurocités. Il rassemble 13 villes parte-naires et doit se terminer en novembre 20045].Une fois ces processus achevés, se pose ensuite la ques-tion de leur devenir et de leur éventuelle pérennisationdans une structure permanente. Quant à savoir si lesrésultats correspondent aux objectifs fixés, cette ques-tion pose le problème de l’évaluation de ces exercices.La réponse est délicate à donner dans le cadre de cetteenquête et mériterait une analyse plus détaillée. Nousavons demandé aux acteurs interrogés de nous éclairersur leur propre évaluation de ces projets, ce qui permetd’aboutir à des éléments riches d’enseignements.

I. LES CONSÉQUENCES SUR LA POLITIQUE DES TERRITOIRESCes conséquences sont de deux ordres, soit elles sontliées au contenu même de la réflexion, soit elles sontissues du processus que cette réflexion a déclenché.

1) Une mise en œuvre qui dépend du contexte local

La mise en œuvre des objectifs dégagés dans ces exer-cices de prospective territoriale est plus ou moinsimmédiate, elle va de l’énoncé de recommandations, àl’établissement de plans puis de programmes d’action.L’aboutissement de ces démarches est variable etdépend des relations entre acteurs locaux et de leurvolonté de relayer le processus déjà enclenché.

a) Des orientations stratégiquesDans tous les cas étudiés, les démarches ont abouti à l’éla-boration d’un projet de territoire, constitué d’une vision,d’un objectif à atteindre et de l’esquisse d’une stratégiepour y parvenir, sous forme de recommandations. Ainsi àBarcelone, Bilbao, Brno, Utrecht, Budapest, Malaga,Turin, Venise et Vienne, le résultat final se présente sousla forme d’un plan stratégique. À Dublin, Birmingham,Göteborg, Helsinki et Leeds, ce produit s’appelle “vision”,de même à Edimbourg et Gipuzkoa où l’élaboration dedifférents scénarios doit aboutir au choix d’une vision. ÀBerlin, il s’agit d’un Agenda 21 et à Belfast, d’un agendade développement. Ces documents établissent générale-ment une synthèse des différentes options offertes audéveloppement du territoire. Ils fixent un horizon plus oumoins ambitieux décliné dans un certain nombre d’axeset de priorités. Puis des recommandations et des pistesd’actions sont mises en avant afin de les réaliser.Généralement, ces documents ont un rôle d’affichage etn’ont pas de portée contraignante en tant que tels, maispeuvent être déclinés dans d’autres dispositifs et program-mes d’actions.

b) Des documents de planificationDans certain cas, notamment lorsque les porteurs deprojet en ont les compétences institutionnelles, cesdocuments stratégiques peuvent donner lieu à desdémarches de planification, avec un effet plus ou moinscontraignant sur les autres acteurs. Ainsi à Vienne, leplan de développement sert de cadre pour l’élaborationde toutes les politiques sectorielles de la ville, en matiè-re de déplacements, de logements, de politique foncière,de services publics, etc. À Birmingham, quand la visionsera adoptée, elle aura pour objectif d’éclairer l’actiondes pouvoirs publics en matière de politique de la villeet se traduira notamment par des documents de planifi-cation. De la même façon, les acteurs publics, partiesprenantes de ces démarches, ont tendance à s’inspirer deleurs conclusions pour définir leurs propres politiques.C’est le cas à Brno, Belfast, Budapest et Venise, où leplan stratégique doit servir de référence à l’action desautorités municipales. À Leeds et Malaga, bien que lesautorités publiques ne soient pas les seules initiatricesdes projets, elles vont s’en inspirer pour définir leurspolitiques.

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c) Des programmes d’actionsCette étape correspond à la mise en œuvre la plus immé-diate des recommandations émises dans les documentsstratégiques. Elle recouvre la réalisation d’actions concrètesayant un impact direct sur la situation des territoires consi-dérés. Ces programmes peuvent être soutenus et financéspar les autorités publiques à la suite d’une phase de plani-fication. On trouve ce cas de figure à Budapest, où le pro-gramme d’action à mi-mandat, contenant un certainnombre de projets et d’engagements précis est actuelle-ment en discussion. De même à Birmingham, des opéra-tions de renouvellement urbain sont en cours. Dans le cas des démarches coordonnées par un partena-riat, un certain nombre d’action parviennent à être lan-cées grâce à un financement public-privé. C’est notam-ment le cas à Leeds, où l’objectif de la vision était de four-nir un cadre pour la réalisation de projets en partenariats,comme la construction d’un centre de conférences, ou lagestion du programme Objectif 2 de l’Union européennepour le renouvellement urbain et la transition industriel-le du territoire. De la même façon à Bilbao, la mobilisa-tion de la société dans le cadre de l’association du planstratégique a permis d’attirer un équipement prestigieuxcomme le musée Guggenheim. À Turin et Barcelone, laréflexion prospective a été un élément parmi d’autresdans le lancement des grands travaux destinés à accueillirles jeux Olympiques. À Berlin, l’objectif de la démarcheétait de permettre la mise en place de projets individuelsou soutenus par des associations. Une agence spécifique adonc pour mission de soutenir les porteurs de projets etde les aider à trouver un financement. Jusqu’à présent,une soixantaine d’initiatives a été accompagnée. Demême à Göteborg, des projets expérimentaux pour lerecyclage des déchets et l’utilisation d’énergies renou-velables sont en cours d’élaboration.

2) Un rôle de coordination et de mobilisation

Les effets de ces démarches ne sont pas uniquement sen-sibles en termes de mise en œuvre des préconisations. Ilsont également un impact plus large sur les pratiques del’action publique et la structuration de réseaux d’échanges.

a) Un réseau d’échanges durablesÀ force de se côtoyer dans un processus qui s’étend surune durée relativement longue, d’échanger des idées et detravailler ensemble, les acteurs impliqués développent desrelations de connaissance et de proximité. La constitutionde ces réseaux n’est généralement pas l’objectif principalrecherché au moment du lancement de ces démarches,mais il est considéré comme un de ses résultats les plusfructueux. En effet, le dynamisme d’un territoire dépendavant tout de la mobilisation des acteurs qui le consti-tuent. Tous les acteurs ont déclaré que l’exercice avait per-mis la constitution de réseaux de ce type. La démarche aété à l’origine, soit de la rencontre entre des acteurs qui nese voyaient pas habituellement, soit du renforcement deliens déjà existants.

b) Pérennisation de la démarche dans une structurepermanente

Généralement lancée comme des initiatives ponctuelles,en dehors des cadres traditionnels de l’action publique,

ces exercices de prospective territoriale peuvent sepérenniser et instaurer une dynamique en continu.

– Quelle est la régularité des exercices ?Dans un peu plus de la moitié des cas, ces démarchesont lieu pour la première fois. Fruits des circonstancesou d’une volonté individuelle, ces projets sont lancéspour répondre à une situation particulière. ÀEdimbourg, il fallait se préparer à l’installation d’unegrande entreprise, à Gipuzkoa, un élu a décidé de réagirpour maintenir la compétitivité économique toutcomme à Venise. À Utrecht, les élus ont souhaité pro-mouvoir une action plus coordonnée au sein de lamunicipalité, à Göteborg il s’agissait de réfléchir au pro-blème de la raréfaction des ressources naturelles. À Brnoet Budapest, l’initiative vient des services de la ville quise sont aperçus que les schémas directeurs adoptés nepermettaient pas de traiter tous les problèmes auxquelsle territoire était confronté et qu’il fallait privilégier unedémarche plus ambitieuse.Dans certains cas, une démarche commencée grâce à uneinitiative individuelle est devenue une procédure réguliè-re. C’est le cas à Helsinki depuis 1970, à Vienne depuis1984, et à Budapest tout récemment, l’adoption d’unplan de développement stratégique est devenue obligatoi-re. De la même façon à Dublin, la chambre de commer-ce a lancé une première démarche en 1996 ; cette initia-tive ayant bien fonctionné, elle a été reprise en 2003.

– Vers une pérennisationLa pérennisation est un des gages de la réussite de l’exer-cice et de son implantation dans une société civile locale.On trouve ce phénomène à Barcelone, Bilbao, Malaga etTurin dans le cadre d’associations en charge du plan stra-tégique. Ces associations fonctionnent sur le principed’une assemblée générale comptant plusieurs centaines demembres, un comité de direction et différents groupes dediscussion. Ainsi Barcelone, qui en est à son 4ème plan stra-tégique, représente un exemple à suivre, imité par Bilbaoet Malaga en 1992, et Turin en 1998. Une structure dumême ordre est en place à Leeds, le Leeds Initiative Officequi regroupe une équipe permanente de huit personnes etun certain nombre de comités exécutifs et groupes de tra-vail thématiques rassemblant les principaux acteurs del’agglomération. Cette structure vient de terminer la réa-lisation du 2ème plan stratégique. Des dispositifs de ce typesont envisagés à Birmingham, où l’initiative des LocalStrategic Partnerships est fondée sur une possible pérenni-sation de la démarche. À Venise et Gipuzkoa, des discus-sions sont en cours pour s’inscrire dans des démarchessimilaires.L’objectif est de créer une prospective en continu, avec desressources, un socle informationnel, des participants for-més et sensibilisés à son intérêt. Il faut éviter de recom-mencer tout le processus à chaque fois qu’un nouveauplan est discuté mais capitaliser sur les acquis antérieurs.

II. ÉVALUATION DE L’EXERCICEDans une série de questions ouvertes, il a été demandéaux porteurs de projet de présenter leur propre évalua-tion de la démarche prospective. Ils mettent en avant les

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impacts opérationnels des exercices, mais égalementleurs effets plus diffus sur les changements de mentalitéset de pratiques.

1) Les apports de la démarche

a) L’élaboration d’une vision du futur cohérente etpartagée

Les exercices offrent la possibilité aux participants de semettre d’accord sur un objectif de long terme à atteindre.La définition d’un horizon de ce type permet d’afficherune ambition pour le territoire et de mobiliser les éner-gies autour de sa réalisation. Les interlocuteurs de Leeds,Turin et Vienne insistent sur cette notion d’objectifmobilisateur, tandis que ceux de Budapest, Utrecht etEdimbourg mettent en avant la mise en cohérence entreles différentes visions existantes. Les démarches deGöteborg et Helsinki ont également abouti à enrichir leniveau d’information disponible sur le territoire. ÀBarcelone et Birmingham, la création d’un consensusentre acteurs est mise en avant. Elle permet à Barcelonede se mettre d’accord sur des enjeux pour la métropole,tandis qu’à Birmingham, elle est à l’origine d’un rappro-chement entre la commune centre et les villes de sa péri-phérie. L’obtention de cet accord permet d’augmenterl’acceptation de la vision et de lui donner une légitimitéencore plus grande auprès des autres acteurs.

b) La définition d’un cadre de référence pour l’actionsur le territoire

Une fois l’objectif adopté, les exercices sont l’occasiond’élaborer des stratégies d’action et des priorités à mettreen œuvre. Les documents servent de modèle pour l’en-semble des politiques en constituant un cadre de référen-ce commun. À Belfast, l’exercice a permis d’articuler desprogrammes thématiques autour de la culture, du touris-me, de la coopération européenne. À Budapest et Vienne,le projet stratégique est relayé par l’ensemble des servicesde la ville dans leurs domaines d’action respectifs. ÀTurin, il permet de commencer à travailler à une échellemétropolitaine. À Leeds, le projet est décliné en 8 thèmesstratégiques et 12 programmes d’actions mis en œuvrepar l’ensemble des acteurs partenaires du processus.La prospective a un impact sur l’action des acteurs quin’est pas automatique car il dépend de la manière dontsont relayées ses conclusions. Mais cet impact est néan-moins très présent. Ainsi à Berlin, l’Agenda 21 a permis laréalisation de projets de développement durable portéspar des structures associatives. À Turin, la démarche a faci-lité la préparation de la ville pour accueillir les jeuxOlympiques d’hiver de 2006. À Birmingham, l’exercice afacilité le lancement de projets innovants fondés sur lepartenariat public-privé. À Leeds enfin, grâce à ladémarche, des acteurs ont incorporé de nouvelles prioritésà leur action en incluant des préoccupations de cohésionsociale à leurs politiques de transports et d’éducation.

c) Une prise de conscience de l’importance de pré-parer le futur et une évolution concomitante despratiques

Alors que les discussions sur le développement territo-rial sont souvent dominées par des enjeux de courtterme, une démarche prospective permet de faire

prendre conscience de l’importance de penser à longterme. À Budapest, Helsinki, Göteborg et Gipuzkoa, ungrand nombre d’acteurs partagent ces préoccupations. Les acteurs se sont rendu compte qu’il fallait réfléchir auxévolutions futures pour pouvoir mieux s’y préparer. ÀGöteborg, l’accent a été mis sur les changements clima-tiques, à Birmingham, comme à Budapest, la démarche afacilité le passage d’une planification urbaine tradition-nelle, à une approche moins sectorielle, moins stricte-ment spatiale, plus centrée sur le développement dans sonensemble par-delà les compétences institutionnelles.L’expérience de Göteborg a permis à ses promoteurs deprendre conscience de l’intérêt présenté par l’approchenormative (backasting) dans la planification territoriale,alors qu’auparavant seules les techniques exploratoiresétaient utilisées.Parallèlement, à Turin comme à Venise, les acteurs ontréalisé l’importance de travailler de façon plus coopéra-tive, d’échanger des informations et de discuterensemble. Le monde économique à Dublin a affirmé savolonté de s’impliquer dans les problématiques du déve-loppement territorial. La nécessité d’ouvrir un débatpublic ouvert à tous est ressortie de façon unanime.

d) Une mobilisation de la société localeConçues dans une optique participative, la plupart de cesdémarches ont réuni un nombre conséquent d’acteurs serencontrant parfois pour la première fois. Elles ont permisde sensibiliser ces acteurs aux enjeux du développementterritorial. Elles ont favorisé la prise de conscience del’existence d’une société civile locale, qui a pu alors semobiliser autour d’un projet. À Berlin et Göteborg, lesprojets ont bénéficié de l’implication des habitants, tandisqu’à Brno et Gipuzkoa, il s’agissait plutôt de celui desacteurs principaux de la scène locale, tout comme àMalaga et Venise. Les porteurs de projet de Gipuzkoa ontapprécié les discussions issues d’acteurs d’horizons diversqui ont appris à travailler ensemble, selon un processusd’intelligence collective. Ce phénomène se vérifie parti-culièrement pour la promotion des partenariats public-privé, à Bilbao notamment. C’est ainsi que des réseaux etdes coopérations ont pu se mettre en place, comme l’ontsouligné nos interlocuteurs d’Edimbourg, de Vienne etde Berlin.

2) Les limites de la démarche

a) Des incertitudes sur la mise en œuvreBien souvent, le portage du projet repose sur un parte-nariat. Le passage à l’action dépend donc de la volonté etde la capacité des différents acteurs à s’approprier les stra-tégies préconisées. La mise en œuvre des préconisationsest conditionnée par les compétences des partenairesimpliqués, comme le conseil municipal à Belfast. Ellerepose également sur la volonté des élus de soutenir leprojet et de le mener à son terme, comme le soulignentnos interlocuteurs à Budapest, Berlin et Gipuzkoa. ÀBarcelone comme à Leeds, la réalisation des projetsdépend de la volonté des partenaires publics et privés, carles recommandations ne sont qu’indicatives. À Dublin,la situation est encore plus délicate car le processus s’estdéroulé sous l’égide de la chambre de commerce, sansimplication des autorités publiques. La probabilité que

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les élus locaux se saisissent des conclusions de ladémarche alors que la ville est déjà en possession de sapropre stratégie de développement, Dublin 2012, estincertaine. C’est pourquoi le chef du projet de Göteborgremarque que le processus et la mobilisation qu’il aentraînée, sont à son sens plus importants que le résultat.

b) Les imperfections de la participationDans la majorité des cas, les porteurs de projet ont sou-haité que leurs démarches soient les plus participativespossibles, mais ils ont forcément été limités par lesmoyens disponibles et le contexte local. Ainsi à Budapestet Leeds, le volume d’acteurs impliqués est encore insuf-fisant malgré les efforts qui ont été faits dans ce sens, enraison d’un manque de temps et de ressources. À Venise,les habitants n’ont été associés que de manière formelle.À Brno, le projet a souffert d’un partenariat public-privéinsuffisant, tandis qu’à Dublin, il ne reflète que lesattentes du secteur des entreprises, les autres acteursn’ayant pas participé à la démarche.

c) Les problèmes de conduite du projetCes difficultés dans le pilotage de projet sont liées à desquestions de ressources, mais également à des problèmesd’organisation et de méthodologie. Ainsi, les acteurs deBirmingham, Edimbourg, Helsinki et Berlin regrettentla faiblesse des moyens disponibles qui limite l’ampleurde leurs travaux. Mais à Brno, ils reconnaissent que lastructure municipale n’est pas suffisamment bien orga-nisée pour mener ce type de démarche, dont elle n’a pasl’habitude. De même, les responsables de Birminghamcritiquent la présence trop envahissante de l’État centraldont les directives limitent leur marge de manœuvre.

3) Les moteurs de la démarche

Il s’agissait ici d’identifier les éléments qui ont facilitél’accomplissement de l’exercice.

a) L’intérêt général du territoireLorsque les acteurs ressentent fortement le besoin pourleur territoire de bénéficier d’une vision mobilisatrice,l’accomplissement de la démarche est facilité. ÀBarcelone et à Birmingham, la réalité métropolitainecommence à s’imposer aux acteurs, ce qui facilite laréflexion prospective à cette échelle. Les participants del’exercice de Barcelone sont motivés par la nécessitépour la ville de passer d’un modèle de développementindustriel à une ère post-industrielle.La mise en place d’un processus de réflexion sur le futurpermet de dépasser les conflits immédiats, c’est ce qui estconstaté à Bilbao. La projection dans le long terme susci-te la motivation des participants dans une optique d’inté-rêt général pour l’ensemble du territoire. À Göteborg, ladémarche a permis de dédramatiser les changements pro-posés et de les considérer dans une perspective de longterme.

b) L’utilisation d’une méthodologieCes processus de réflexion sur le futur étant souvent com-plexes, ils sont grandement facilités quand ses promoteurss’appuient sur une expérience précédente ou une métho-dologie solide. À Brno et Berlin, la démarche a bénéficié

de l’existence d’une coopération internationale, fournis-sant des soutiens méthodologiques et des exemples debonnes pratiques, pour la mise en place des Agendas 21notamment. À Leeds et Malaga, les acteurs ont pu s’ap-puyer sur l’existence des démarches antérieures qui leuront procuré un cadre de travail avec des partenariats et despratiques déjà bien établies, et des leçons à tirer d’erreursà ne pas commettre.

c) La mobilisation des acteursLes exercices ne peuvent pas fonctionner si les acteurschargés de les promouvoir et de les mettre en œuvre nesont pas fortement impliqués dans leur succès. Il s’agittout d’abord des élus. L’existence d’un leadership poli-tique fort a été saluée à Gipuzkoa et à Budapest. ÀBudapest encore, le projet a bénéficié de l’implicationdes techniciens de la ville et des consultants, tout commeà Dublin. À Göteborg, Belfast, Berlin, Brno et Turin, lesprojets ont profité de l’enthousiasme des habitants et/oudes associations, tandis qu’à Belfast et Birmingham,l’existence d’un partenariat solide et efficace a été unatout important.

4) Les freins à la démarche

Une multiplicité de freins peuvent expliquer les difficultésqu’ont pu rencontrer les approches de prospective urbaine.

a) Un manque de leadership politique L’implication des élus est essentielle pour la réussite de cesdémarches, ils sont les seuls à pouvoir réaliser la mobilisa-tion de la société civile locale et l’application des recom-mandations qui en sont issues. Dans un certain nombrede cas, ce leadership a fait défaut. C’est notamment lasituation de Barcelone où il n’a pas été suffisammentconstant malgré l’implication initiale du maire de la ville.De même à Belfast où il manque une autorité reconnue.À Utrecht, les élus ont hésité sur les priorités à donner àla démarche. À Brno et Berlin, les élus n’ont pas su s’in-téresser suffisamment au processus pour lui donner despriorités claires. Enfin à Gipuzkoa, les élus sont obsédéspar le court terme et ont du mal à se projeter dans desexercices de plus long terme.

b) Les conflits d’acteurs locauxLes rivalités entre individus, institutions et orientationspolitiques sont une des causes majeures des difficultésrencontrées par les démarches. Les conflits entre niveauxde collectivités sont récurrents, on les trouve entre l’Étatcentral et la ville à Birmingham, entre la ville et la pro-vince à Turin, entre la ville et les districts qui la consti-tuent à Budapest, entre la ville et les communes de l’ag-glomération à Bilbao et Barcelone. À Gipuzkoa, les ten-sions sont plutôt d’ordre politique entre les différentspartis de la province qui doivent négocier entre eux.

c) Un manque de coordination et de méthodologieLes administrations publiques ne sont pas encore habi-tuées à piloter ce type d’exercice, leurs modes de fonc-tionnement relativement cloisonnés et hiérarchiséspeuvent constituer des handicaps pour des projetsbasés sur l’approche transversale et la coopération.C’est l’un des reproches émis par les responsables de la

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démarche berlinoise. À Gipuzkoa, les interlocuteursregrettent le manque de culture et de pratique pros-pective de leurs partenaires. La fragmentation desacteurs à Belfast rend les conditions de travail diffi-ciles. Tout comme à Leeds, la difficulté de gérer unestructure complexe de partenariats, avec des interlocu-teurs inégalement impliqués dans les procédures et auxressources contrastées.

Même si les résultats de ces exercices ne sont pas forcé-ment là où on les attend, on voit donc qu’ils ont générale-ment un réel impact sur la situation des territoires consi-dérés. Ils mettent en œuvre des dispositifs complexes, maisles obstacles qu’ils rencontrent sont souvent des révélateursdes dysfonctionnements existant dans le système local. Onpeut vérifier cette hypothèse en s’intéressant de plus près àdeux exemples parmi les projets étudiés.

Tableau n° 6 : La mise en œuvre des démarches prospectives

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Tableau n° 7 : Un recensement (non exhaustif ) des démarches en Europe

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6 A noter que ces expériences ne sont pas décrites d’après des investigations de terrain, mais sur la base des résultats de l’enquête et à partir desdocuments de communication fournis par les porteurs de projets. Dans le cas italien, les documents consultés étaient en traduction anglaise, carje ne parle pas italien. Je me suis également servie des travaux du groupe de travail EDURC “Stratégies de développement des grandes villes euro-péennes” organisé entre 1998 et 2000 par le réseau Eurocités, sous l’égide du Grand Lyon.

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PARTIE VI : QUELQUES ÉTUDES DE CAS

Afin de donner un peu plus de réalité aux démarches ainsianalysées, cette section se propose de développer d’aborddeux exemples. Ceux-ci ont été choisis en fonction deleur intérêt, ils ne sont pas forcément des réussites danstous les domaines, mais présentent certains aspects dignesd’être mis en lumière. Ainsi, le cas d’Edimbourg repré-sente une démarche pragmatique, resserrée et contrôléede bout en bout, bien qu’elle soit toujours en cours. Enrevanche, le plan stratégique de Turin est plus ancienpuisqu’il date maintenant de quatre ans. Il est l’aboutisse-ment d’une démarche ambitieuse qui a rassemblé unnombre important d’acteurs autour d’objectifs volonta-ristes. Chacun d’entre eux représente une tendance dudéveloppement de la prospective territoriale en Europe6.Deux autres exemples de démarches à Göteborg et àBudapest prolongent cette réflexion.

I. EDIMBOURG 2020 : UN EXERCICE DE CONSTRUCTION DE SCÉNARIOS POUR LA RÉGION URBAINE D’EDIMBOURG

En mars 2003, la ville d’Edimbourg, accompagnée d’uncertain nombre de partenaires, lance un exercice deconstruction de scénarios pour le futur, à l’horizon 2020.Cet exercice, qui s’achève en janvier 2004, doit se pro-longer dans une nouvelle phase de consultation quiaboutira à l’élaboration d’une vision pour le développe-ment du territoire.

1) Le contexte et les motivations

En 1997, alors qu’un nouveau gouvernement travaillistearrive au pouvoir, un processus de décentralisation estlancé au profit du Pays-de-Galles et de l’Ecosse. Danschacune de ces régions, un parlement et un conseil exé-cutif sont mis en place. En Ecosse, le gouvernement local,Scottish Executive, est notamment chargé de l’aménage-ment et du développement régional. En 2002, ce conseilexécutif décide d’une réforme du système de planificationspatiale. L’ancien dispositif, fondé sur l’établissement deplans directeurs locaux (local structure plans) par les auto-rités locales (comtés ou councils) est abandonné au profitde la définition de quatre régions urbaines autour desquatre villes principales de la région : Aberdeen, Dundee,

Edimbourg et Glasgow. Chacune de ces régions urbaines,regroupant un certain nombre d’acteurs réunis en parte-nariat, est tenue d’élaborer un plan de développementstratégique traitant des principaux enjeux du territoiredans leur dimension spatiale. Ils doivent notammentaborder les questions du logement, des transports, del’emploi et de l’environnement dans une perspective dedéveloppement durable et de justice sociale, à court,moyen et long terme. L’enjeu de ces plans des régionsurbaines est très important car c’est lui qui va décider desinvestissements du gouvernement régional dans les infra-structures de transports, les équipements de service publicet les autres projets de développement. Capitale de l’Ecosse, Edimbourg est une ville prospère.Bénéficiant d’une renommée internationale grâce à uncentre-ville classé au patrimoine mondial de l’UNESCO,à l’organisation d’événements tels que le festival interna-tional de théâtre, elle attire des touristes et des investis-seurs en nombre croissant. Edimbourg est reconnue pourla qualité de ses universités et pour la quantité d’établisse-ments financiers qui s’y sont installés, profitant d’une fis-calité avantageuse. La ville est organisée comme un comtéurbain, Edinburgh City Council, dirigée par un comité dereprésentants élus qui eux-mêmes élisent le maire, le LordProvost. Mais ce dernier ne bénéficie pas d’une grandenotoriété car la ville a peu de pouvoirs propres. Elle anéanmoins une compétence de planification spatiale.Cette fonction est assurée au sein du service du dévelop-pement urbain, département pluridisciplinaire qui ras-semble quatre pôles de compétences : les transports, ledéveloppement économique, la planification et la straté-gie, la gestion des sols. C’est à l’occasion de la réalisationdu plan directeur de la ville que les autorités municipalesont décidé de se lancer dans un processus de réflexionstratégique plus ambitieux. À l’époque en 2001, labanque royale d’Ecosse souhaite étendre ses bureaux àEdimbourg. Les responsables du développement urbaindésirent tirer profit de cette opportunité. Ils conçoiventun programme de consultation en direction des princi-paux acteurs économiques de l’agglomération, dans lesentreprises et les institutions publiques, afin de cernerleurs attentes et leurs préoccupations. L’objectif est demieux comprendre les enjeux des secteurs-clés de l’éco-

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nomie de la ville. À l’issue de cette consultation, trois pré-occupations majeures se dégagent des entretiens : lestransports, la qualité de la main-d’œuvre et le logement,surtout privé. Dans l’esprit de leurs interlocuteurs, l’évo-lution de ces trois facteurs conditionnera la prospéritéfuture de la ville. La démarche rencontre un écho favorable de la part despersonnes qui y sont associées. Les élus s’y investissent etdécident de lancer un projet de plus grande ampleur afind’éclairer le futur de la ville. Ils souhaitent définir unevision pour l’avenir de la ville et de son agglomération. Ilsapprouvent donc la mise en œuvre d’un exercice d’élabo-ration de scénarios destinés à explorer les évolutionsfutures possibles du territoire, première étape avant de semettre d’accord sur une vision et un projet de développe-ment. Les services municipaux font appel à un consul-tant, professeur de gestion à l’université de Saint-Andrews, qui a déjà contribué à des exercices de ce typepour l’ensemble de l’Ecosse, “Scenarios for Scotland. Ajourney to 2015”, et dans des organisations publiques etprivées. Epaulé par une équipe d’étudiants et de cher-cheurs, il sera le garant de la solidité méthodologique dela démarche. Le projet débute en mars 2003. Cette initiative coïncide avec la définition des régionsurbaines par l’exécutif régional. Le texte précise que le par-tenariat pour l’élaboration du plan de la région urbained’Edimbourg (Edinburgh City Region, ECR) doit rassem-bler les comtés de la ville d’Edimbourg, d’East Lothian,Fife, Midlothian, Scottish Borders et West Lothian. Pour laville d’Edimbourg, il s’agit de peser dans l’élaboration de ceplan et donc de disposer de sa propre vision à cette mêmeéchelle, qui pourra être opposée à celle des autres parte-naires. De la ville d’Edimbourg et son agglomération, onpasse donc au périmètre de la région urbaine telle qu’elle estdéfinie dans le projet du gouvernement. Dans ce but, lesresponsables d’Edimbourg constituent un partenariatréunissant les trois comtés du Lothian, mais non ceux deFife et Scottish Borders. Des représentants du monde desentreprises s’y joignent, le Scottish Enterprise Edinburgh &Lothian et le Scottish Financial Enterprise, ainsi que ceux duLothian Health Board, agence publique privée consacrée àla santé. Ces différentes organisations parrainent ladémarche en compagnie d’Edimbourg. Leurs représentantsfont partie du comité de pilotage qui rassemble égalementsix autres acteurs : le comité du tourisme d’Edimbourg etdu Lothian, deux banques, la banque royale d’Ecosse etHBOS, et trois autres grandes entreprises. Enfin, un comi-té consultatif (advisory panel) est adjoint à ce dispositif, ilcomprend des personnalités qui soutiennent le processus,mais n’ont pas le loisir de s’y consacrer pleinement : desmembres de la chambre de commerce d’Edimbourg, dugouvernement écossais, du Port de Forth et de diversesorganisations associatives. En tout, comité de pilotage etcomité consultatif compris, une vingtaine de personnes ontété associées à l’élaboration de la démarche. Ces partici-pants constituent la colonne vertébrale du projet et définis-sent l’orientation des débats, de concert avec l’équipe tech-nique, consultants et techniciens de la ville.

2) Méthodologie et déroulement de l’exercice

La méthodologie utilisée pour mener à bien cet exerciceest formalisée, elle est explicitement prospective.

À partir de deux scénarios, l’un optimiste, l’autre pessi-miste, l’objectif est de dégager une vision à l’horizon 2020,c’est-à-dire à moyen terme, qui soit ambitieuse et partagée.Bien que la finalité de la démarche soit celle du dévelop-pement économique, l’orientation de la démarche est glo-bale. Elle consiste à examiner comment un certainnombre de grandes tendances (économie, organisationpolitique, environnement physique, développement tech-nologique, aspirations citoyennes, etc.) vont influer sur laprospérité de la région. On voit donc que la perspectiveadoptée est exploratoire, les scénarios devront aider àrépondre à la question suivante : comment la région urbai-ne d’Edimbourg va-t-elle évoluer au cours des vingt pro-chaines années ? Il ne s’agit pas de définir un objectif sou-haitable puis de se demander à quelles conditions il peutêtre atteint, mais au contraire d’explorer différents che-mins possibles au travers de l’évolution de ces grandes ten-dances, chemins résumés dans deux options, une pessi-miste et une optimiste. La réalité n’est bien souvent pasaussi tranchée que peut le faire croire cette distinction endeux scénarios, mais le but recherché est pédagogique. Ilpermet d’illustrer ces enjeux de façon concrète et de mettreen lumière les choix qui s’offrent aux décideurs, afin de lesfaire réagir. Le défi consiste ensuite à se rapprocher aumaximum du scénario le plus optimiste, tout en évitant lespièges mis en évidence dans l’option pessimiste. En iden-tifiant les décalages qui séparent les politiques actuelles decelles menant aux différentes options, positives et néga-tives, les promoteurs de ce projet espèrent faire évoluerl’action des acteurs dans le sens qu’ils jugent favorable.

Le processus d’élaboration des scénarios se déroule encinq phases : la collecte et l’analyse des données, la défi-nition et la hiérarchisation des enjeux, l’exploration de cesenjeux, l’écriture des scénarios et la présentation de cesscénarios. Au cours de la première phase, 150 personnes environsont consultées au travers d’entretiens et de groupes detravail. On leur demande leur évaluation de la situationprésente, des éléments susceptibles d’évoluer dans un senspositif ou négatif, leurs souhaits et leurs recommanda-tions pour parvenir au résultat le plus optimiste. Les par-ticipants à cette première étape sont principalement issusdu monde économique, dirigeants et responsables d’en-treprises dans tous les secteurs de l’économie de la ville.On compte également des interlocuteurs issus des servicespublics, en charge de l’éducation, des transports, de la jus-tice, de la culture, ainsi que des associations et des repré-sentants des cultes. De la même façon, un panel decitoyens d’une douzaine de personnes fait partie desgroupes de travail qui se réunissent à cette occasion.Parallèlement à cette consultation, une étude en chambreest menée par les étudiants de l’université de Saint-Andrews pour étudier l’évolution des grandes tendancesau niveau local et international. Dans un deuxième temps, ces différents résultats sontprésentés au comité de pilotage et au comité consultatifqui identifient dix priorités parmi les remarques et com-mentaires ainsi recueillis. Les voici classés par ordre d’im-portance : l’économie, la qualité de vie, les transports etcommunications, l’existence d’un leadership et d’unevision, l’éducation, la cohésion sociale, le marché du tra-

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Source : http://www.scotland.gov.uk/library3/localgov/fs12-02.asp

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Schéma n°5 : Carte des comtés de l’Ecosse

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vail, le logement, les coopérations locales et internatio-nales, la situation internationale. Ces enjeux ainsi hiérar-chisés sont ensuite croisés en fonction de leur degré d’in-certitude. On arrive à une figure divisée en quatre : lesdomaines de faible importance et de faible incertitude (lemarché du travail et le logement), ceux de grande impor-tance et de faible incertitude (la qualité de vie), ceux defaible importance et de forte incertitude (la cohésionsociale, les coopérations locales et internationales et lasituation internationale). Enfin, le dernier quart, auquelle comité de pilotage a choisi de se consacrer, les enjeuxde forte importance et de forte incertitude. Il s’agit del’économie, des transports et communications, de l’exis-tence d’un leadership et d’une vision, et de l’éducation. La troisième phase est donc consacrée à l’approfondisse-ment de ces thèmes dans quatre groupes de travail d’unedemi-journée chacun, au cours desquels les membres du

comité consultatif et du comité de pilotage sont confron-tés à des experts de chacun de ces domaines. Les groupesde travail permettent de définir les évolutions possibles deces thèmes au cours des vingt prochaines années, avantd’arriver à la quatrième étape, celle de l’écriture des scé-narios. Elle est précédée d’une nouvelle séance d’ateliers,deux d’une demi-journée chacun au cours desquels lesparticipants s’accordent sur des scénarios positifs et néga-tifs pour les transports et l’éducation d’un côté, et l’éco-nomie et le leadership de l’autre. Les scénarios proprementdits sont ensuite écrits par l’un des consultants et soumisà l’approbation des membres du groupe de travail.

3) Les scénarios

Les deux scénarios sont racontés par le Lord Provost (maired’Edimbourg), qui est un homme ou une femme élu(e) au

Schéma n°6 : La méthodologie de l’exercice à Edimbourg

Source : The City of Edinburgh Council, the University of Saint Andrews, “Edinburgh 2020. Scenarios Planning exercise for the Edinburgh CityRegion. Final Report”, The City of Edinburgh Council, January 2004, 35 pages, p. 25.

Note : This matrix was developed by the project Steering Group, itidentifies those 10 most important issues facing the ECR over the next20 Years, ranked first by order of importance and then by uncertainty ofoutcome. The Group’s decisions were based on the interviews workbook/summariesand ‘Feedback’ workshop.The purpose of this part of the process is to identify those few most important and uncertain issues(i.e. top right quadrant) which a) need more exploration/understanding in terms of how theymight evolve over the next 20 years and b) which will form the central themes of the scenarios.

UNCERTAINTY

IMPORTANCE

SOCIALCOHESIONANDEVOLUTION

GLOBAL EVENTS

LEADER-SHIPAND VISION

ALLIANCESLOCAL ANDINTERNATIONAL

EDUCATION

LABOURSUPPLY

HOUSING

ECONOMY

FIGURE 2 : ISSUES IMPORTANCE/UNCERTAINTY MATRIX

TRANSPORT AND COMMUNICATIONS

QUALITY OF LIFE

FOR ALL

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suffrage universel direct, afin d’illustrer la promotion de lafonction exécutive locale et l’accession des femmes à despostes de responsabilité.

Dans le scénario pessimiste intitulé “Peine Capitale”(Capital Punishment), Edimbourg est une ville en déclin,qui a vécu sur ses acquis et n’a pas su tirer parti de sa pros-périté des années 2000. Le système de transports, déjàcongestionné, atteint un stade de complète paralysie, laville connaît une dépopulation croissante alimentée par lecoût exponentiel des logements, les entreprises et leurssièges sociaux quittent progressivement la région, lesinfrastructures de la ville se dégradent, elle perd son statutau patrimoine mondial de l’UNESCO, la qualité de vierecule, les commerces de centre ville ferment progressive-ment leurs portes, les rivalités partisanes déchirent les élusincapables de s’entendre sur une vision commune, lessubventions du gouvernement régional se reportent versl’ouest de l’Ecosse. On entre dans une spirale du déclin. Dans l’autre scénario dit “Gain Maximal” (CapitalGain), Edimbourg est une ville en plein essor dont l’éco-nomie dynamique tire le développement social et envi-ronnemental du territoire. Dans une stratégie tournéevers l’international, elle s’affirme comme la capitale del’Europe du Nord et attire des événements sportifs pres-tigieux, ainsi que le siège d’organisations internationales.La congestion des transports est résolue grâce à l’amélio-ration du réseau existant financé par des taxes sur les usa-gers et la construction d’un nouveau réseau.L’amélioration des déplacements permet la mise envaleur de nouveaux terrains, facilitant une baisse des prixdu foncier, la construction de nouveaux logements,notamment des logements sociaux, et la densification dela ville avec la réduction de la spéculation immobilière.Ce mouvement est favorisé par l’essor des industries dela finance, de l’éducation, des biotechnologies et du tou-risme, dans lesquelles Edimbourg est leader. La popula-tion de l’agglomération recommence à augmenter, elledépasse le million d’habitants grâce à l’afflux de tra-vailleurs étrangers. La ville dispose d’une direction dignede ce nom, reposant sur une logique de partenariat entreélus et société civile, elle entre dans un “cercle vertueux”.

Ces scénarios sont volontairement écrits dans un style nar-ratif, afin d’être accessibles au plus grand nombre de lec-teurs et de les faire réagir. Publiés dans un document decommunication, ils sont largement diffusés auprès desprincipaux acteurs de la région urbaine. Ils seront présen-tés au cours d’une conférence qui se tiendra à Edimbourgau mois de mai 2004. Cette conférence est organisée parla ville d’Edimbourg et ses autres partenaires, rejoints parle Centre des politiques publiques de l’Ecosse, organismede recherche dépendant du gouvernement régional. Elles’adresse aux principaux élus au niveau local, régional etnational, ainsi qu’aux représentants des entreprises, de lasociété civile (associations, syndicats, etc.), aux chercheurset aux praticiens impliqués dans le développement de l’ag-glomération. Intitulé “The Edinburgh City Region in the21st century. Choices for Edinburgh and South-EastScotland”, cet événement marque le lancement d’une cam-pagne de consultation sur le futur de la région. Ses orga-nisateurs espèrent aboutir à l’élaboration d’une vision

ambitieuse et partagée pour l’ensemble de la région urbai-ne. Ils souhaitent créer une mobilisation locale favorableau développement économique de la ville d’où découleraselon eux une plus grande cohésion sociale. Les promo-teurs de cette démarche désirent également être en mesu-re de peser sur le processus de planification qui aboutira àla définition des plans stratégiques de développement desrégions urbaines, processus au cours duquel Edimbourg setrouvera en compétition avec Glasgow, l’autre grande villede l’Ecosse.

4) Évaluation

Ce projet est caractéristique des démarches de compétiti-vité stratégique. On le rencontre de plus en plus fré-quemment, notamment au Royaume-Uni, mais égale-ment dans un nombre croissant de pays européens. Toutd’abord, on peut noter qu’il s’adresse à un nombre limitéde participants, essentiellement issus du monde écono-mique et du secteur public. Même s’ils ont constitué unpanel d’habitants au moment de la collecte des informa-tions, les organisateurs ne revendiquent pas de dimensioncitoyenne à une démarche qui reste avant tout élitiste.L’origine de cette démarche est toujours institutionnelle,la ville d’Edimbourg, mais elle est menée par des per-sonnes fortement influencées par la logique du monde del’entreprise, dans lequel les préoccupations proprementurbaines et de cohésion sociale ont peu de place. Ellemarque aussi une forte mobilisation du secteur privé, avecl’implication de grandes entreprises dans une réflexionsur le devenir des territoires. Phénomène qui est rarementrencontré sous cette forme en France. On voit donc quela compétitivité économique est au cœur des préoccupa-tions, prisme au travers duquel tous les autres enjeux,urbains, sociaux ou environnementaux, sont considérés. Néanmoins, la dimension politique et identitaire n’est pasabsente de cette démarche. En effet, la ville d’Edimbourgse définit comme capitale de l’Ecosse, dont elle entendtirer le développement grâce à son dynamisme. Mais ellese définit également en opposition aux autres villes de larégion et notamment Glasgow, qui sont considéréescomme des concurrentes. De même, les acteurs de ce pro-cessus revendiquent leur identité écossaise, et donc leurdécalage vis-à-vis de l’Angleterre qui est pratiquement per-çue comme un pays étranger, mais ils entendent égale-ment se distinguer du gouvernement écossais qui est res-senti à la fois comme un partenaire et un adversaire. Dansle même ordre d’idées, les promoteurs de cet exercice insis-tent sur la question du leadership et en viennent à reven-diquer l’élection d’un maire au suffrage universel direct,capable de personnifier la ville aux yeux de l’extérieur. Cespréoccupations de nature politique et institutionnelle sontrécurrentes dans la plupart des démarches de prospectiveterritoriale de ce type. On peut noter que dans le cas pré-sent, la question métropolitaine n’a pas été abordée, leproblème se posant de façon moins aiguë que dansd’autres territoires grâce à l’existence des régions urbaines.L’impact immédiat de ce processus devrait être relative-ment limité, en raison des faibles compétences institu-tionnelles détenues par la ville d’Edimbourg. Les respon-sables municipaux attendent de cet exercice qu’il les aideà définir une stratégie de développement économiquepour la ville et qu’il leur permette d’affiner leur connais-

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sance sur la situation de ces territoires. Mais ils sont bienconscients que la ville a essentiellement un rôle d’anima-tion et de négociation auprès des acteurs de l’aggloméra-tion, ils n’ont pas les moyens de mener des politiquespropres. Les autorités municipales se trouvent dépen-dantes de ces acteurs privés et d’autres institutionscomme l’exécutif écossais et les agences de servicespublics. La ville se pose donc comme un facilitateur per-mettant la mobilisation locale, la mise en réseau desacteurs, et surtout la coordination entre les politiquespubliques, qui peuvent s’articuler dans une stratégiecohérente et partagée. À ce titre, des exercices tels quecelui-ci sont très utiles, le problème de la coordinationétant un enjeu majeur, présent dans la plupart des projets.Mais l’intérêt principal de cet exemple réside dans saméthodologie spécifique, qui lui garantit une certainerigueur dans la poursuite de ses objectifs prospectifs.Conçue par un consultant en gestion, cette méthode estdirectement inspirée des principes du management. Ellerepose sur une faible connaissance des particularités del’action publique et urbaine, dans lequel le territoire esttraité comme une organisation comme une autre. Cetteperspective peut conduire à une sous-estimation de lacomplexité de la situation et à un intérêt trop appuyépour la dimension économique des enjeux, au détrimentde leur aspect politique et social. Cette perspectiveméthodologique a néanmoins un intérêt primordial, ellepermet de structurer des échanges et de clarifier précisé-ment l’objectif recherché dans la démarche. Cette obser-vation peut sembler évidente, mais elle n’est pas forcé-ment aisée à réaliser. Dans bien des cas, les buts poursui-vis restent flous et les participants discutent sans cadreprécis, en ignorant l’usage qui sera fait de leurs débats. Laméthodologie mise au point par l’université de Saint-Andrews permet d’échapper à ce travers, les débats sontstructurés, ils ont une direction précise et s’inscriventdans un déroulement progressif. Le déroulement harmo-nieux du dispositif a été facilité par le nombre réduit departicipants, qui lui garantit en retour une meilleure effi-cacité. Les différentes remarques émises au court desdébats sont passées au crible d’une recherche exploratoi-re, avec la constitution d’un socle informationnel et lerecours à des experts, qui garantit leur pertinence et leuropérationnalité éventuelle. De même, les participants auxgroupes de travail, membres du comité de pilotage et ducomité consultatif, se sont réunis à de nombreusesreprises le long des dix mois de la démarche. Ils ont apprisà se connaître et à se faire confiance pour aboutir à unprocessus d’intelligence collective. Ce phénomène a étérendu possible grâce à la présence d’un accompagnementsuivi et rigoureux du déroulement de ces ateliers.Cet exercice est encore en cours, il est donc difficile dedresser un bilan définitif de son impact. On peut direqu’à bien des égards, il est caractéristique d’un certainnombre de phénomènes qui se développent dans la façondont les villes européennes pensent leur futur. Il reposesur une méthodologie structurée, issue du management,qui lui garantit une certaine rigueur, mais qui souffred’une approche trop partielle des problèmes urbains. Demême, cet exercice répond à des motivations écono-miques et aussi politiques qui, bien que rarement misesen avant, demeurent essentielles.

II. LE PLAN STRATÉGIQUE DE TURIN POUR LA PROMOTION INTERNATIONALE DE LA VILLE

Le projet Torino Internazionale, visant à l’élaborationd’un plan stratégique pour la promotion de la ville à l’ho-rizon 2010, débute au mois de mai 1998. Il s’achève enfévrier 2000 par la signature d’un pacte pour la mise enœuvre des projets. Il est toujours en application aujour-d’hui, piloté par une association spécialement créée à ceteffet, également appelée Torino Internazionale.

1) Contexte et motivations

Turin intra-muros compte 900 000 habitants. La popu-lation de la ville, qui a connu une explosion entre 1950et 1970, est en déclin régulier depuis cette époque auprofit des communes de la périphérie. En effet, l’agglo-mération de Turin est en augmentation constante etatteint aujourd’hui 1,7 million d’habitants. Cetensemble urbain est l’un des plus important d’Italie,mais reste divisé entre une cinquantaine de municipali-tés. À l’image des autres métropoles italiennes, il n’existepas de structure institutionnelle capable de représenterl’agglomération à l’extérieur et de permettre une mise encohérence des différentes politiques urbaines. L’État s’estsaisi de cette question dès le début des années 90, puistout au long de la décennie. Il a adopté une série detextes législatifs offrant aux acteurs locaux des instru-ments de coopération et d’institutionnalisation du pou-voir local. La loi engage un processus de décentralisationen direction des collectivités locales en leur transférantdes compétences importantes. En matière urbaine, ellepermet l’élection des maires au suffrage universel directet institue les cités métropolitaines (città metropolitane),institutions d’agglomération au statut reconnu. Mais l’É-tat central a peu de pouvoir en Italie et ne parvient pas àimposer ces réformes. Des grandes villes comme Rome,Bologne et Florence tentent de les appliquer, mais lesprocessus restent encore fragiles, soumis aux alternancespolitiques. Dans un contexte où le pouvoir central estfaible, le système local bénéficie d’une bonne dose d’au-tonomie. Il est divisé entre régions, provinces et munici-palités. Les régions ont un rôle prépondérant, elles sontentre autres dotées d’un pouvoir législatif, mais la répar-tition des compétences n’est pas claire et favorise les phé-nomènes de concurrence. Ainsi, Turin est à la fois la capi-tale de la région du Piémont et celle de la province deTurin dont les trois quarts de la population habitent l’ag-glomération turinoise, bien que la province s’étende surune superficie beaucoup plus vaste. Turin fait partie desvilles qui n’ont pas été capables d’utiliser cette opportu-nité pour créer un gouvernement métropolitain, essen-tiellement en raison de divergences entre acteurs locaux,notamment avec la province et avec les autres communesde l’agglomération. Pourtant la ville aurait particulière-ment besoin de pouvoir s’organiser à l’échelle métropoli-taine, notamment en raison de difficultés économiquespersistantes qui la frappent.En effet, Turin est touchée par la crise du modèle indus-triel qui a fondé sa prospérité. À l’image du constructeurautomobile Fiat, entreprise emblématique de la ville, lesentreprises de production ne sont plus le moteur du

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dynamisme des villes. Les élus municipaux souhaitentfonder un nouveau modèle de développement basé sur lesressources internes de la ville. Ces ressources proviennentd’un passé riche au cours duquel Turin a été la capitale del’Italie moderne. De même, la notoriété industrielle de laville a éclipsé son patrimoine culturel et architectural. Laville peut compter sur une identité bien ancrée, sur undynamisme social et culturel, sur une tradition de dyna-misme entrepreneurial et un savoir-faire technique recon-nu, notamment pour le design. Désireux de s’insérer dansla compétition européenne des villes, les élus souhaitentchanger l’image de Turin et faire connaître ses nouvellesambitions. C’est pourquoi la question de la promotion

internationale est si importante pour les responsablesmunicipaux. Il faut s’appuyer sur le potentiel interne dela ville pour attirer de nouvelles richesses, le modèle estdonc à la fois endogène et exogène. Il ne s’agit pas uni-quement d’une campagne de communication mais biend’un enjeu de développement pour l’ensemble de l’aireurbaine. Dans un contexte marqué par l’approfondisse-ment de la construction européenne et l’essor de la com-pétition entre les territoires, il devient indispensable de sepositionner au niveau international. Cette motivation est illustrée dans cette déclaration dumaire de Turin, Valentino Castellani, le 29 mai 1998, aumoment où il annonce son intention d’élaborer un planstratégique :

“Si les études concernant le Plan stratégique pour la promo-tion internationale de Turin commencent aujourd’hui, cen’est pas pour la seule raison qu’il est une conséquencelogique du programme de la municipalité, mais c’est aussipour affronter le risque réel, faute de décisions adéquates, derester en marge d’un renouveau qui voit les villes les plusactives lancer des programmes et des projets pour mieux sepositionner sur le plan international (…). La décision de lamunicipalité de préparer un Plan stratégique pour Turins’accorde parfaitement avec l’intérêt croissant des institutionsnationales et communautaires pour ce qui représente le plusgrand patrimoine de l’Europe : ses villes, riches non seule-ment de leurs problèmes mais aussi de leur histoire, de leurs

infrastructures et de leurs ressources (…). Les avantages queTurin et son territoire pourront offrir seront décisifs pour ledéveloppement de la ville et de tout le Piémont”.

Les autres villes européennes sont donc des concurrentes,mais également des partenaires, elles ont toutes le mêmeintérêt à promouvoir le rôle des villes en Europe. Pour lesélus de Turin, les plus dynamiques d’entre elles sont desexemples à imiter. Ils se sont inspirés des démarches deplanification stratégique mises en œuvre à Barcelone et àLyon. Dans cette perspective, on voit bien que la ville deTurin a tout intérêt à militer pour l’existence d’une insti-tution métropolitaine, car cette échelle lui permet de sepositionner au même niveau que ses partenaires euro-

Schéma n°7 : L’agglomération de Turin

Source : http://www.torino-internazionale.org/HomePage/Layout/Template/Home/

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péennes, déjà organisées sous cette forme, ou en train dela faire, à Lyon bien sûr, mais aussi à Barcelone,Manchester, Rotterdam et Stockholm, etc. C’est pour-quoi, l’élaboration d’un plan stratégique à l’échelle del’agglomération est considérée par ses promoteurs commeune première étape dans la mise en place d’une institutionmétropolitaine, rassemblant les communes de l’agglomé-ration dans une structure de décision et de dialogue. À cet égard, un gouvernement métropolitain permettraità la ville de Turin de remplir deux objectifs, une gestionplus cohérente des politiques urbaines et une meilleurevisibilité de la métropole vis-à-vis de l’extérieur. En effet,une partie des services publics locaux sont maintenantgérés au niveau de l’agglomération par des structures departenariat dans les domaines de l’eau, de la gestion desdéchets, de l’électricité ou même du tourisme. Mais cesdifférentes politiques publiques ne sont pas coordonnéesentre elles et ne couvrent pas toujours les mêmes péri-mètres. L’élaboration du schéma directeur de la ville en1995 a été l’occasion de réaliser ces insuffisances aux-quelles seule une structure de coordination stable et glo-bale pourrait remédier, afin d’améliorer la qualité de l’ac-tion publique. Le deuxième intérêt de cette structure rési-de dans son rôle d’affichage politique. On a vu plus hautque l’affirmation d’une identité métropolitaine est un élé-ment essentiel dans une stratégie de promotion interna-tionale, offrant un effet de seuil économique et démogra-phique. La candidature de Turin pour l’accueil des jeuxOlympiques d’hiver de 2006 participe de cette mêmestratégie. Les retombées de ce type d’événements sur lesvilles hôtes sont très bénéfiques, elles font connaître unterritoire, lui donnent une image de dynamisme et deréussite. C’est pourquoi la réponse positive du comitéolympique a eu un effet de catalyseur auprès des acteursurbains. Elle a permis de lancer des grands travaux derénovation et d’accélérer l’élaboration du plan stratégique.

2) Méthodologie et déroulement du processus

La méthode utilisée ne fait pas référence à la prospective,mais s’inspire des processus de planification stratégiquequi se sont déroulés dans des grandes villes européennes,et singulièrement à Barcelone. Centrée sur le développement de la ville, l’optique estbien évidemment globale et s’intéresse à tous les aspectsde la vie urbaine. Elle consiste à mobiliser tous les acteursde la ville dans les domaines économiques, sociaux etculturels afin d’élaborer une vision ambitieuse et parta-gée. L’accent est fortement volontariste, même si uneattention particulière est accordée à l’évaluation du réa-lisme des propositions. On peut donc qualifier cetteapproche de normative, consistant à imaginer des solu-tions pour parvenir à un objectif défini à l’avance, mêmesi la dimension prospective de la démarche est relative-ment limitée. Son horizon temporel est fixé à courtterme, moins de dix ans, et il n’y a pas eu d’analyse del’évolution éventuelle de tendances ou d’autres facteursdans les années à venir.Le processus s’étend sur une durée de vingt mois, il débu-te d’abord en mai 1998. Le projet d’élaborer un plan stra-tégique pour la promotion internationale de Turin estprésenté par le maire de la ville aux membres du forum dedéveloppement. Cet organisme créé en 1996 à l’arrivée dela nouvelle municipalité est un organisme de consultationchargé d’apporter un regard extérieur sur les décisions dela ville. Il est composé de trente personnalités de la socié-té civile issues des universités, de la chambre de commer-ce, de la chambre d’agriculture, du secteur industriel, dusecteur bancaire, des fondations d’entreprises, du mondeculturel et associatif. Il est chargé du pilotage de ladémarche en collaboration avec les équipes de la ville. Laméthodologie est élaborée par un comité scientifiqued’experts nationaux et internationaux de la planificationstratégique, présidé par Pasqual Maragall, ancien maire deBarcelone. Il doit également veiller au suivi de ladémarche. Elle débute par une première phase consacréeà l’établissement d’un diagnostic socio-économique,urbain et environnemental de l’agglomération. Un docu-ment de synthèse est établi par un comité de coordinationrassemblant différents acteurs publics et privés, aidé duconseil scientifique. Il est basé sur les contributions desprincipaux centres de recherche et universités de l’agglo-mération, consultés à cette occasion. Le diagnostic, inti-tulé “Verso il Piano” (“premier pas vers le plan”) est égale-ment enrichi des retours de quatre cents questionnairesenvoyés aux principales organisations intervenant dansl’agglomération. Ces éléments sont complétés par lesrésultats d’une enquête menée par un cabinet de conseilsur l’image de Turin à l’étranger. Ce document identifieneuf axes stratégiques. Il est présenté au forum de déve-loppement qui lance la deuxième phase de consultationauprès de la société civile, neuf groupes de travail sontconstitués sur chacun des axes. Ils se réunissent plusieursfois entre décembre 1998 et février 1999, présidés par undes participants, assisté d’un rapporteur qui fait le lienavec le comité de coordination, pour veiller à la cohéren-ce des propositions et au relatif consensus qu’elles ren-contrent. Au mois de février 1999, les propositions sontreformulées à la lumière des remarques ainsi recueillies etles axes stratégiques sont réduits à six. Ils donnent lieu à

Schéma n°8 : La méthodologie de l’exercice à Turin

Source : Torino Internazionale, “The strategic Plan”, TorinoInternazionale, 2000, 132 pages, p. 10.

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une seconde phase de consultation dans six groupes detravail, selon le même processus entre mars et mai 1999.Au total, plus de mille personnes sont associées à cesgroupes de travail. Leurs contributions sont examinéespar les partenaires au sein du forum de développement etdu comité de coordination. Le document final “Pianostrategico per la promozione della Città” est présenté aupublic en septembre 1999. Le 29 février 2000, les parte-naires impliqués dans la procédure signent un pacte parlequel ils s’engagent à mettre en œuvre les différentesactions préconisées dans le plan. Une association doit êtrecréée pour suivre son application.

3) Le contenu du plan et son application

La vision contenue dans le plan repose sur la nécessitéd’accompagner la transition de l’agglomération d’unmodèle de développement fondé sur l’industrie à unmodèle basé sur l’économie de la connaissance. Pour yaboutir, la ville doit compter sur ses ressources internes,culturelles, sociales et techniques, afin de se positionnercomme une métropole européenne. Ces intentions sontdéclinées en six axes stratégiques, vingt objectifs et quatre-vingt-quatre actions. Les axes stratégiques identifient lesorientations suivantes : l’intégration de l’aire métropoli-taine dans le système international, notamment au niveaudes transports, la constitution d’un gouvernement métro-politain avec la mise en place d’une conférence métropo-litaine entre les communes de l’agglomération, la promo-tion de l’emploi et des entreprises en s’appuyant sur leréseau local de PME et misant sur les districts technolo-giques, et l’accompagnement des nouvelles initiatives. Lequatrième axe concerne le développement de la forma-tion et de la recherche comme ressources stratégiques, enprévoyant entre autres l’augmentation des capacités desuniversités locales et le soutien à la formation profession-nelle. Le cinquième axe s’intéresse à la promotion deTurin comme ville de la culture, du sport et du tourisme.Les jeux Olympiques de 2006 vont bien évidemmentjouer un rôle fondamental pour la réalisation de cetobjectif, tant au niveau des infrastructures que de l’attrac-tivité touristique, le plan prévoit ainsi de développer lacapacité des musées et des centres artistiques de la ville.Enfin, le dernier axe stratégique traite de l’améliorationde la qualité urbaine de la ville, il s’appuie en grande par-tie sur les conclusions du schéma directeur adopté en1995, qui prévoit la restructuration de l’accès ferroviairede la ville, la construction d’une nouvelle bibliothèquepour la ville et le développement de centres périphériquesdans les communes de l’agglomération. Le plan s’engageégalement dans la réalisation d’un Agenda 21.Comme prévu, l’association Torino Internazionale pour lapromotion et la mise en œuvre du plan est créée le 9 mai2000. Elle doit suivre la progression des projets, les évaluerdans une perspective financière, sociale, environnementaleet culturelle. Elle doit adapter les propositions à l’évolutionde la situation et promouvoir le plan auprès d’un public leplus large possible. L’association est animée par une équiped’une dizaine de personnes et dispose d’un budget d’un mil-lion d’euros par an. Elle est co-présidée par le maire de Turinet le président de la province de Turin, et compte environ130 membres dont 21 des 54 municipalités que comptel’aire urbaine. Les autres membres sont les agences de ser-

vices publics, des grandes entreprises, leurs fondations,notamment celles des deux banques qui ont le siège social àTurin, la fondation Agnelli, des entreprises de technologiesnouvelles, la chambre de commerce, la chambre d’agricul-ture, les groupements d’employeurs, les syndicats de sala-riés, les universités et les centres de recherche, les institu-tions culturelles (musées, théâtres, organisateurs de festival,etc.), l’office de tourisme, des forums d’associations, etc.L’assemblée générale est l’organe décisionnaire qui se réunittous les deux mois en session plénière, puis en séances thé-matiques. Les décisions sont préparées par un comité decoordination qui rassemble onze personnes, le président (lemaire de Turin), le vice-président (un chef d’entreprise), unmaire représentant les communes de l’agglomérationmembres de l’association, le directeur de l’association et lessix membres en charge du suivi de chacun des axes straté-giques. L’association anime un site Internet, publie unelettre bimensuelle “Tam-Tam”, ainsi qu’un bulletin inter-national en anglais et en français. Elle organise des confé-rences avec les villes européennes sur la planification straté-gique, commissionne des recherches sur différents sujetsstratégiques pour la ville comme l’arrivée du TGV Lyon-Turin ou le développement de la formation dans le secteursocial. Mais son activité principale réside dans le suivi desprojets préconisés dans le plan. Aujourd’hui, l’associationanime dix groupes de travail impliqués dans la mise enœuvre de projets spécifiques. Parmi eux, on trouve la miseen place d’un salon international pour l’emploi, le déve-loppement d’un centre de congrès, l’organisation d’un dis-trict industriel autour du cinéma, ou la planification d’unnouveau site pour l’université.

4) Évaluation

À la mesure des espoirs qu’il pouvait susciter, ce projetapparaît largement comme une déception. Pourtant,même son échec relatif est intéressant, car il montre dansquelles conditions émerge un projet ambitieux de ce typeet dans quelle mesure il peut accomplir une partie de sesobjectifs. Ce projet faisait le pari d’amener l’aggloméra-tion turinoise à constituer un système de gouvernementmétropolitain, rassemblant les différentes communes quila composent dans une structure commune, la conféren-ce métropolitaine. Ce projet ne s’est pas réalisé, jusqu’àprésent seules 21 des 54 communes de l’agglomérationsont associées à la démarche. Il est possible que ce projetse réalise un jour, mais le plan stratégique ne l’a pas per-mis pour l’instant. Néanmoins, cette expérience a susci-té des vocations, car si Turin est la première ville italien-ne à avoir adopté un plan stratégique, elle est maintenantimitée par de nombreuses autres villes où les processussont encore en cours. On peut citer notamment Venise,où l’enjeu métropolitain est également présent, maisaussi Florence, Trente, Vérone, etc. De son côté, Turinenvisage de se lancer dans la réalisation d’un second planà l’horizon 2015, à partir de l’automne 2004. L’objectifde ce plan stratégique était bien de “faire territoire”,constituer un territoire pertinent à l’échelle de l’agglo-mération. À ce titre, son ambition n’était pas unique-ment institutionnelle, elle consistait également à insuf-fler une mobilisation à l’ensemble des acteurs de l’agglo-mération ; dans une certaine mesure, cet objectif peutêtre considéré comme atteint, grâce à l’instauration de

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l’association du plan stratégique qui permet de continuerà faire vivre le débat. Bien que cette mobilisation desacteurs soit toujours difficile à entretenir, on peut direque l’identité de l’agglomération, c’est-à-dire le sensd’appartenance commune des acteurs qui la composent,est sortie renforcée du processus.Comme bien des documents stratégiques, le plan straté-gique de Turin n’a pas d’effet contraignant, il repose surla bonne volonté des participants, bien que ces derniers sesoient engagés formellement en signant un accord solen-nel. Dans bien des cas, le plan s’est contenté de reprendredes idées et des projets déjà énoncés dans d’autrescontextes, comme celui du schéma directeur ou ceuxconcernant l’accueil des jeux Olympiques. Ce plan et leprocessus qui l’a amené ont pourtant eu le mérite deréunir dans un document unique des projets épars et desacteurs qui ne se connaissaient pas et de les articuler dansune stratégie commune. Il est donc difficile d’évaluer lerôle exact de cette démarche stratégique dans la réalisa-tion de tels ou tels projets, mais il est certain qu’elle areprésenté un apport bénéfique pour eux, même si tousles projets préconisés dans le document n’ont pas été réa-lisés. La ville de Turin a choisi de proposer des stratégieset des pistes d’action indépendantes de ses compétencespropres, elles sont donc plus difficiles à réaliser et suppo-sent une attention importante portée à l’animation et ausuivi des projets auprès des différents acteurs. C’est pour-quoi la création de l’association de suivi du plan est siimportante, puisqu’elle permet une institutionnalisationdu processus. En effet, la méthodologie suivie pour la réa-lisation du plan n’est pas très rigoureuse au niveau pros-pectif, il y a peu de leçon à tirer de ce côté, mais elle pré-voit une procédure de suivi et de mise en œuvre élaborée.Cette méthode repose sur une approche pragmatique, quis’inspire d’exemples similaires dans des villes euro-

péennes. Conformément à la démarche mise en œuvre àBarcelone, la ville de Turin a choisi d’organiser sa structu-re de suivi de la démarche de manière indépendante,contrairement à Lyon par exemple, où la mission pros-pective et stratégie d’agglomération appartient à l’institu-tion intercommunale. Cette externalisation confère uneplus grande autonomie à l’association et garantit sa neu-tralité vis-à-vis des différents partenaires, mais peut égale-ment la fragiliser en la privant d’un soutien institutionnel.Enfin, l’optique du plan en termes de contenu peut êtrequalifiée de marketing territorial, insistant sur l’importan-ce de la compétitivité territoriale. Mais il se différencie desdémarches de compétitivité stratégiques telles qu’étudiées àEdimbourg, car il permet une réelle combinaison des pro-blématiques du développement économique avec celles dudéveloppement urbain, articulation comprise dans uneperspective de promotion politique de l’agglomération :tels sont là les principaux éléments de son originalité. Deplus, la démarche, si elle n’est pas réellement participativedans le sens démocratique du terme, ouvre largement sesportes aux acteurs de la société civile. Pour terminer, on doit noter le rôle des événements dans lapromotion des villes, que ceux-ci soient sportifs ou cultu-rels (capitale européenne de la culture, exposition univer-selle, etc.). Ils sont les éléments indispensables d’un posi-tionnement sur la scène internationale, mise en avant dontles villes sont demandeuses car elles sentent que leur avenirse joue là.

À la lumière de ces deux exemples, on voit que les expé-riences sont très différentes, obéissant à des motivationset des contextes variés. Elles ont néanmoins des pointscommuns, en ce qui concerne leur volonté de promo-tion territoriale et l’importance que chacune accorde àson positionnement international, et surtout européen.

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ANNEXE : LES EXEMPLES DE GÖTEBORG 2050 ET DE BUDAPEST 2020 (TABLEAUX N° 8 ET 9)

Tableau n° 8 : Göteborg 2050 : construire une vision pour une société durable

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Tableau n° 9 : Le plan de développement stratégique de Budapest 2020

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7 Fabienne Goux-Baudiment, “Maximising and Measuring the Impact of Regional Foresight”, The IPTS Report, n° 59, November 2001, pp. 13-21 ;“Mesurer et maximiser l’impact de la prospective régionale”. IPTS n° 59, JRC-Séville, novembre 2001, pp. 14-23.

CONCLUSION

Quand les villes pensent leur futur… Elles se comportent comme des objets vivants, chacunedifférente des autres, en créant un foisonnement dediversité. Si les situations varient en fonction du contexte local,des éléments communs peuvent néanmoins être déga-gés et offrir des pistes de réflexion à la prospectiveurbaine française.

I. UN BESOIN MANIFESTE ET INSATISFAITIl est tout d’abord frappant de constater que cesdémarches – qui visent souvent à offrir une meilleure visi-bilité aux villes sur la scène internationale – se déroulentdans un relatif isolement. La plupart des acteurs urbains travaillent de façon indé-pendante, élaborant leur méthode en fonction d’élé-ments épars. Il existe pourtant une réelle demande derencontres et d’échanges de la part de ces acteurs. Ilssouhaitent pouvoir comparer leurs démarches les unesaux autres et identifier les bonnes pratiques. Il existe actuellement trois réseaux d’échanges auniveau européen :

– Le réseau animé par l’association CIDEU est structuréautour de Barcelone ; il est actif en Espagne et dans lespays latino-américains. Le réseau Interact est quant à luiconsacré à la mise en œuvre des stratégies de dévelop-pement dans les villes européennes ; il est animé par leGrand Lyon dans le cadre du groupe Eurocités. Cesdeux réseaux sont consacrés à la planification straté-gique : aucun d’entre eux ne s’intéresse spécifiquementà la prise en compte du futur, alors que c’est un élémentessentiel de ces démarches, leur justification principale.

– De son côté, le réseau FOREN (Foresight for regionaldevelopment), financé par la Commission européenne(DG Research), est spécifiquement centré sur les ques-tions prospectives. En raison des compétences spéci-fiques de la Direction Générale qui pilote ce program-me, il traite plutôt des actions régionales, le développe-ment local – et notamment urbain – relevant de la DGRegio. D’autre part, la notion de “foresight” demeureétroitement liée à l’aspect technologique du développe-ment (technology foresight, prospective technologique) ;c’est pourquoi les acteurs urbains apparaissent peu sen-

sibilisés à cette notion. Ce réseau ne peut donc pas êtreréellement identifié comme un lieu d’échanges pour laprospective territoriale menée par les villes.

Un espace semble donc exister pour développer un pro-gramme de partenariat consacré à la prise en compte dufutur dans les villes européennes. L’intérêt pour un tel lieua pu être mesuré au travers de cette enquête. Celle-ci a faitl’objet d’un taux de retour important, les praticienscontactés lui ont réservé un bon accueil et ont souhaitéêtre informés de ses résultats et de ses suites éventuelles.Une réaction similaire avait déjà été enregistrée lors d’uneprécédente enquête réalisée par l’auteur en 2000-2001pour la DATAR.

II. LA FORTE PRÉGNANCE DU POLITIQUECes démarches doivent être avant tout considéréescomme des processus politiques. Car elles sont fortement dépendantes du soutien des éluset des ressources financières et institutionnelles qui leursont consacrées. Elles souffrent donc d’une relative fragi-lité, dépendant de la façon dont elles sont acceptées parles acteurs locaux. À ce titre, le système institutionnellocal, et notamment l’existence ou non d’une structured’agglomération, joue un rôle non négligeable. De plus, ces exercices s’actualisent dans des processus demobilisation et de prise de conscience culturelle. Cesconstatations ont déjà été vérifiées en France7, elles peu-vent sembler procédurales et de peu d’intérêt, mais pourles acteurs elles représentent l’un des apports majeurs deces démarches. Elles correspondent à une évolution despratiques qui a des conséquences importantes sur la ges-tion de ces territoires en termes de gouvernance.

III. LE DÉVELOPPEMENT DE L’AUTONOMIE DES VILLESIl est également possible d’identifier un aspect qui estmoins souvent rencontré en France : une volonté d’au-tonomisation des villes. Deux éléments caractérisent plus particulièrement cettequestion : l’implication du secteur privé dans cesdémarches et la volonté de ces villes d’agir directement àl’échelle internationale sans passer par le relais des États.

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8 Bernard Cazes, Histoire des futurs. Les Figures de l’avenir de Saint Augustin au XXI e siècle, Seghers, Paris, 1986, 475 pages.9 La macro-histoire étudie les évolutions se produisant au cours des siècles, voire des millénaires, à des fins explicatives quant à la dynamique des

sociétés humaines. 10 Christian Thevenot, Foulque III Nerra, Éditions de la Nouvelle République, Tours, 1987, 160 pages.11 Saskia Sassen, La ville globale, Descartes et Cie, 1996, 530 pages.12 Gaston Berger, “Sciences humaines et prévision”, La Revue des deux mondes, 1er février 1957, pp. 3-12.

En effet, un bon nombre des expériences étudiées par-viennent à mobiliser des acteurs privés, non seulement entant que participants, mais également comme partenaireset co-financeurs. Cette implication du privé n’est pas tou-jours idéale, car elle implique parfois une re-discussiond’objectifs d’intérêt général. Mais dans de nombreux cas,elle est porteuse d’une modification des pratiques etd’une augmentation conséquente des moyens à mettre enœuvre. Elle suppose que les acteurs privés se sententconcernés et invités à participer à la réflexion sur le futurdes villes, et qu’ils ne soient pas considérés uniquementcomme de simples intervenants du marché. La deuxième remarque porte sur le positionnement inter-national de ces villes, qui se définissent comme desmétropoles européennes. Conscientes de la compétitioncroissante entre les territoires, elles cherchent à existercomme des espaces politiques et économiques à l’échelleinternationale. Dans ce cadre, elles développent deséchanges et des partenariats avec d’autres villes, identifiéesà la fois comme des concurrentes et des partenaires. Ellescherchent à développer leur image au-delà des frontièresnationales, en organisant des événements d’envergureinternationale. Il s’agit d’un embryon de politique étrangère indépendan-te des États, favorisé par l’existence de l’Union européen-ne. La rhétorique du futur et le recours aux instruments dela prospective sont considérés comme des outils impor-tants pour parvenir à ces objectifs, mais cette utilisationn’est pas sans risque, car elle doit être menée avec une cer-taine rigueur. En effet, l’appel au futur et à la mobilisationdes acteurs locaux suscite des attentes : si les processusmènent à des échecs ou apparaissent manipulés par les res-ponsables politiques, ces démarches seront déconsidérées,et avec elles, l’objectif de faire émerger les villes comme desentités autonomes et pensantes, capables de construireleur avenir.

IV. QUAND LA VILLE PENSE SON FUTUR Penser le futur est une activité particulière. Aussi ancien-ne que l’humanité8, elle est un objet tout à la fois derépulsion et d’attraction. Souvent déconsidérée, elle estassimilée à une activité dilettante pour ceux que le pré-sent ennuie. Intelligemment pratiquée, elle dévoile pour-tant des richesses insoupçonnées en ouvrant des horizonsqui ne seront jamais fermés. Car le futur fascine autantqu’il angoisse, reflétant nos dispositions profondes enfaveur d’un verre à moitié vide… ou à moitié plein.Mais penser le futur de la ville dépasse le simple exercicede psychologie ou de prévision. Il mobilise, exige desinformations précises, solides, pertinentes ; contraint à larigueur, à la rationalisation, à l’anticipation ; invite à laresponsabilité, à l’éthique, à l’humanisme. Cette dimension humaine de la prospective est au cœur del’objet urbain : un objet qui est en train de devenir sujet.La macro-histoire9 retrace une histoire de la ville distincte

des autres espaces de peuplement. La ville égyptienne, àl’époque pharaonique, est un trait d’union entre ses habi-tants et un dieu spécifique ; elle est d’abord une entité reli-gieuse. La ville deviendra un objet politique particulieravec la Cité-État grecque. Puis elle franchira un pas de plusdans l’échelle de l’évolution avec la création de l’Urbsromaine, la Ville, l’entité totale, la face humaine del’Empire et l’incarnation de la civilisation. Avec la chute deRome et les temps troublés qui s’ensuivent, l’évolution dela ville prend un tournant. Elle réapparaît au Moyen Âge,marchande, guerrière ou séculière. Bien avant que sonhabitant redevienne un “citoyen”, il obtiendra sa liberté(relative) comme “bourgeois”, “l’homme libre dubourg”10. Elle passera par différents états de spécialisationau cours de cette nouvelle évolution : politique, culturelleou universitaire… mais la lente constitution de l’État-nation lui a ravi son ancienne primauté. Il lui faudraattendre presque 2000 ans avant de redevenir “globale”11,susceptible d’accomplir des fonctions spécifiques et deretrouver l’autonomie dont elle disposait dans l’Antiquité.Malgré ces diverses expériences sur les voies de l’évolu-tion, le fait urbain semble aujourd’hui indissociable de lanotion de progrès, de civilisation. Tandis que l’État cen-tral apparaît s’affaiblir dans la plupart des pays européens,déléguant une partie de ses compétences au niveau supé-rieur (Europe) ou immédiatement inférieur (régions ouÉtats fédérés), les villes sont livrées à elles-mêmes et – par-tout – les métropoles cherchent à conquérir leur autono-mie. Elles redeviennent, lentement mais progressivement,des entités politiques fortes, des sujets qui se pensentcomme tels.

Maîtriser son destin c’est maîtriser son futur, ou – à toutle moins – s’en donner les moyens, matériels et intellec-tuels. C’est là que la pensée du futur prend tout son sens.C’est là qu’elle se révèle le puissant outil d’affirmationpolitique des entités urbaines en mutation.

Pays dont la longue histoire a constitué un terreau fertiled’expérimentations, la France a “inventé” la disciplineprospective12. Dès le début des années 70, elle l’a appli-quée aux territoires. Dès le milieu des années 80, ceux-cis’en sont emparée à leur propre bénéfice. Puis ils ont faitécole : la Catalogne, en 1988, réalisait son premier exer-cice de prospective territoriale, calqué sur la méthodolo-gie française… Depuis, le virus s’est répandu : des régionset des villes d’Europe explorent ou construisent leurfutur. Et depuis la fin des années 90, le mouvement estmanifeste aussi en Amérique du Sud, où les gouverne-ments urbains deviennent de plus en plus puissants, dufait sans doute de la carence de nombreux États centraux. Sur le chemin de l’évolution des villes, sujets urbainsautonomes, l’étape actuelle est caractéristique d’un nou-veau pas en avant. Car c’est en devenant capable de pen-ser son futur et de faire de celui-ci un projet partagé, quela Ville renaît de ses cendres millénaires.

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DOSSIER COMPLÉMENTAIRE

I) LA PROSPECTIVE URBAINE ET LES ÉLUS LOCAUX – J.-C. GALLETY

(ENQUÊTE AUPRÈS DES ÉLUS LOCAUX SUR LEURS ATTENTES

EN MATIÈRE DE PROSPECTIVE URBAINE)

II) “MILLÉNAIRE 3”, LA DÉMARCHE PROSPECTIVE ET PARTICIPATIVE

DU GRAND LYON – P. LUSSON

III) “VILLE 2030” : LE PLUS GRAND PROJET DE RECHERCHE

URBAINE DU DÉBUT DES ANNÉES 2000 EN ALLEMAGNE

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LA PROSPECTIVE URBAINE ET LES ÉLUS LOCAUX(ENQUÊTE AUPRÈS DES ÉLUS LOCAUX SUR LEURS ATTENTES

EN MATIÈRE DE PROSPECTIVE URBAINE)

INTRODUCTIONLe Certu a décidé en 1999 de s’engager dans la diffu-sion d’informations relatives à la prospective urbaine àdestination des collectivités locales. L’objectif était deproduire des éléments de débats sur l’avenir des villesafin de nourrir la réflexion au sein de celles-ci.Avant d’aborder ce thème de la prospective, il nous estapparu utile de mieux connaître la demande. Nousavons donc réalisé une enquête afin de mieux identifierles attentes. Cette enquête s’est déroulée sous formed’entretiens semi-directifs auprès d’un échantillond’élus locaux ou de leurs proches collaborateurs.L’échantillon était relativement restreint (31 personnes).Il n’est donc pas forcément représentatif de l’ensemblenational. Les personnes interviewées ont été choisies enfonction de leur action ou de leur engagement dans desassociations nationales d’élus. L’entretien était structuré en deux parties : la premièreportait sur les principales questions que les élus avaient àtraiter dans le court et le moyen terme, ainsi que sur lesprincipaux enjeux qu’ils identifiaient pour leur territoire.La seconde partie portait sur les sujets de prospectivequ’ils souhaitaient voir traiter, en leur demandant ensuitesous quel angle d’attaque ils désiraient que l’on aborde cessujets.

Le rapport ci-après est le résultat de l’exploitation decette enquête. Son plan reprend les deux parties quiorganisaient les entretiens.En outre, nous nous sommes aussi interrogés sur lesméthodes et vecteurs pour communiquer en matière deprospective auprès des élus locaux. Nous avons ainsi puvoir que si les écrits doivent être très courts, ils ne sontcependant pas forcément le moyen d’information le plusapprécié.Enfin, nous avons procédé, un peu comme une enquêteDELPHI, en soumettant les résultats aux enquêtés enleur demandant de réagir à nouveau. En plus du rapport,nous leur avons donc soumis un questionnaire, qui repre-nait les principales conclusions de l’enquête. Nous avonsobtenu un bon taux de réponses, où nous voyons très lar-gement confirmés les résultats de l’étude. Cependant cedeuxième passage a permis de recueillir des informationsavec des éclairages complémentaires que nous avonsintroduits au fil du texte. Ces informations figurent alorsen italique.

Les résultats de cette enquête seront utilisés pour lancerune série de produits (publications et séminaires) surl’avenir des villes. La cible visée par ces travaux est pré-férentiellement les élus locaux ou les membres de l’en-cadrement des collectivités locales, ou encore lesbureaux d’études et organismes qui travaillent avec elles.

I. ÉTUDE DES PRIORITÉS DANS L’ACTION DES ÉLUS LOCAUXPour engager cette enquête, et plutôt que de passer direc-tement à la prospective, il nous est apparu intéressantd’étudier en premier lieu les priorités que ces élus locauxse donnaient dans leur action, afin de voir comment ilshiérarchisaient les principaux enjeux sur l’espace qu’ilsont en charge. Cela fera donc l’objet de ce premier cha-pitre. La première question avait pour but d’identifier, deleur point de vue, les principaux enjeux pour le dévelop-pement de la commune ou de l’agglomération. Les résul-tats seront présentés dans les lignes qui suivent. Nousavons ensuite complété cette approche par des questionssur les décisions à prendre dans le court et le moyenterme qui nous permettaient de voir quelles était lesactions prioritaires pour les interviewés.

1. Les enjeux prioritaires pour le développement urbain selon les élus

Nous avons identifié huit grandes catégories dans lesréponses à la question sur le développement de la com-mune ou de l’agglomération. Celles-ci sont présentéesdans le graphique ci-après.L’ordre des réponses n’est pas très significatif, du fait quenous sommes sur un petit échantillon, qui plus est, unéchantillon de personnes ciblées. Ce qui est beaucoupplus significatif, ce sont les types de réponses qui sont pro-posées. Ce qui est intéressant ce sont les catégories quiémergent au détriment des sujets qui ne sont jamais abor-dés. Analysons maintenant en détail ce que cela représen-te au dire des enquêtés.

Développer l’intercommunalité

Le thème de l’intercommunalité est très fortement pré-sent. Il s’organise selon deux grandes idées.

• La première, et qui est majoritairement exprimée, estcelle de la conviction qu’il faut renforcer l’intercom-

Jean-Claude Galléty* – février 2000

* Jean-Claude Gallety est actuellement Délégué du Directeur aux collectivités locales, au Certu (Lyon).

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munalité pour passer d’une logique de gestion àune logique de projet de développement. L’un desinterviewés résume bien cela en soulignant qu’il s’agit“de faire passer [la structure intercommunale] d’unoutil destiné à réaliser de l’aménagement urbain à unoutil de développement global”. L’enjeu pour nosinterlocuteurs, c’est de monter d’un cran dans lacoopération entre les communes afin d’organiser ledialogue pour gouverner ces ensembles complexes quesont les agglomérations, pour harmoniser les actionsde développement dans une stratégie commune.

Le second questionnaire adressé aux personnes enquêtéesvient tout à fait confirmer ce point puisqu’elles acquiescenttoutes à cette déclaration. Il permet aussi d’apporter desprécisions. Certaines personnes relèvent notamment qu’il nefaut pas établir de coupure entre une intercommunalité destratégie et une intercommunalité de gestion ou de moyens.L’une et l’autre sont souvent complémentaires et sont imbri-quées. S’il est évident que le problème posé aujourd’hui estd’aller “vers une intercommunalité plus clairement poli-tique”, il n’en reste pas moins que l’intercommunalité deservices (administratifs et techniques) reste d’actualité.Mais nos interlocuteurs font aussi remarquer que le niveaude pertinence de la stratégie n’est pas forcément le même quecelui de la réalisation ou de l’action. Ils posent alors la ques-tion de la subsidiarité qu’ils jugent aujourd’hui négligée etqui est pour eux un enjeu important. La stratégie relève del’agglomération mais les réalisation relèvent de géométriesvariables en fonction des différents domaines d’intervention.Enfin, dans le retour du second questionnaire, plusieurs élusvont plus loin en posant maintenant la question de l’électiondu conseil communautaire au suffrage universel. Ils mettenten avant le manque de légitimité d’une structure élue pourconduire l’élaboration d’un projet d’agglomération et lanécessité du contrôle démocratique en retour.Dans ce contexte, la question des déséquilibres au seindes agglomérations apparaît aussitôt en filigrane. Deplus, l’approfondissement des relations avec les com-

munes hors du périmètre constitué de l’agglomérationest aussi considéré comme un enjeu dans le développe-ment. La région urbaine d’abord, les rapports avec lesautres pôles régionaux ensuite, ne peuvent plus êtreignorés dans une stratégie de développement. Ce der-nier thème doit être noté, car on le verra ressortir demanière récurrente dans le chapitre II sur la prospective

• La seconde idée qui vient ensuite, exprimée avecmoins de régularité toutefois, porte sur l’harmonisa-tion de la fiscalité locale. Il y a là un consensus pourdire que l’harmonisation des fiscalités est aujourd’huiune condition nécessaire pour la croissance desensembles urbains. Bien sûr, la taxe professionnelle estcitée. Mais il est à noter que les élus revendiquent aussifortement l’uniformisation de la taxe d’habitation, aumotif que c’est la seule manière d’harmoniser l’attrac-tivité des territoires et la coordination des politiquesimmobilières. Seraient-ils en avance sur la future “loiChevènement” sur l’intercommunalité qui n’abordepas ce sujet et se cantonne à la taxe professionnelle ?

Agir en matière de circulation, transports, déplacements

Ici les préoccupations se dispersent davantage dans plusieursthèmes. Il y en a deux qui sont cependant prépondérants.

• Le premier est celui du désenclavement des territoirespar les infrastructures routières. Ce sont presque tou-jours les liaisons autoroutières qui sont en cause. Soitqu’il manque une liaison dans un système d’itinéraire,soit que l’agglomération n’est pas encore assez à portéede l’autoroute. Ce qui est clair, c’est que lorsque ce sontdes problèmes de transport qui sont abordés, c’est cegenre d’équipement qui apparaît comme stratégiquepour le développement.

• Le second thème porte sur la nécessité de définir oude mettre en œuvre une politique collective pourgérer et “maîtriser les circulations et les déplace-

Graphique n° 1 : Les principales questions qui se posent pour le développement de la commune ou de l’agglomération (en abscisse, le nombre des répondants)

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ments”. Mais notons que ces enjeux de planificationdes déplacements sont souvent associés à une préoc-cupation d’extension du périmètre de visibilité.Beaucoup de personnes souhaitent pouvoir intégrerdans la démarche les espaces qui se trouvent au-delàde la première ou de la deuxième couronne, pourintégrer les phénomènes résidentiels lointains.

• Quelques déclarations portent encore sur la nécessi-té du développement de transports en commun“performants”, de type TCSP ou autres.

• Les transports sont aussi considérés dans leur dimen-sion nuisante, qu’il faut réduire : “nuisances auto-routières” d’une part, peu compatibles avec le milieuurbain, “nuisances et congestion des grandes voies decirculation” d’autre part.

• On notera que la question du désenclavement est unepriorité en matière de transport. Il faut aussi remarquerque dans cette catégorie “transport”, aucun des inter-viewés ne se place au niveau communal ; le bon niveaupour traiter ces problèmes, c’est l’agglomération.

S’entendre sur un modèle de développement :construire un projet d’agglomération

Cette catégorie porte sur les questions d’étalement urbainet sur le modèle de développement. Il s’agit parfois dedeux idées exprimées séparément, mais qui se rejoignent.

• Tout d’abord, la conscience des phénomènes “d’émiet-tement”, les inquiétudes sur la consommation de l’espa-ce, la nécessité de maîtriser l’étalement et d’éviter “laville américaine” sont des préoccupations récurrentes.

• Mais la question du modèle de développement vienttout de suite après. En fait, la question qui est souventexprimée porte sur le modèle de développement surlequel il faut s’entendre collectivement et qui doit servirensuite de référence pour l’action. Selon les élus, dans lasituation d’émiettement communal qui est celle de laplupart des agglomérations, il y a un déficit de visioncollective sur le devenir urbain. Il faut aussi rapprocherces propos de ceux classés dans la catégorie intitulée“projet d’agglomération”.

• En effet, la codification des items aurait pu aboutir àune catégorie unique. Si nous les avons individualisésdans le tableau, c’est essentiellement parce que le mot“projet d’agglomération” ressortait avec une fréquen-ce suffisamment élevée et cela mériterait d’être mis enévidence.

• En analysant ces déclarations, nous nous apercevonsqu’il y a une grande convergence de points de vue surl’idée qu’il faut “fédérer” les différents acteurs dans ladéfinition d’un “projet de développement global” oudoter les institutions intercommunales d’un “projetcommunautaire”.

L’analyse montre que ce qui émerge ici, c’est la nécessitéd’arriver à se mettre collectivement d’accord, c’est-à-direentre élus d’une même agglomération, sur un projet, sur“les principes d’une politique urbaine”. Arriver à “penserle développement”, tel est l’enjeu du projet d’agglomé-ration. N’est-ce pas aussi l’enjeu de la nouvelle intercom-munalité telle qu’elle se définit en filigrane au début de ce

chapitre ? Une intercommunalité dont le centre de gravi-té ne serait pas la mise en commun de moyens, mais seraitdorénavant le partage du projet de développement ? Nous avons dit plus haut qu’il y avait une proximitéd’idée entre le thème de l’étalement et celui du projetd’agglomération. Certes, l’analyse détaillée montre unepetite nuance entre les deux familles de propos. Dans lapremière, il s’agit souvent de partir des phénomènesd’étalement pour conceptualiser un modèle de dévelop-pement ; dans la seconde, nous sommes plus dans lalogique de bâtir un projet. Mais il s’agit toutefois dumême ensemble d’idées. Si l’on additionne les propostenus sur les deux sujets, nous voyons bien qu’il y a là unepréoccupation très forte chez nos interlocuteurs. L’art demettre en place des moyens pour construire une visioncommune entre les différentes collectivités qui consti-tuent une métropole, est un enjeu majeur pour lesélus “urbains” aujourd’hui.L’enquête complémentaire va confirmer ces résultats en met-tant l’accent sur deux points. Tout d’abord, tous sont unani-mement d’accord pour dire que le temps des modèles est révo-lu – chaque agglomération est le produit d’une histoire, decontextes différents et “chacune doit trouver sa voie” – ce quiconfirme l’idée de la collégialité entre élus pour définir oùl’on peut aller. Mais la seconde idée, plusieurs fois expriméeà cette occasion, est que cette collégialité aujourd’hui, si elleest nécessaire, n’est plus suffisante. Le projet de développementne peut se faire sans associer les citoyens dans une largeconcertation d’une part, sans mobiliser les acteurs sociauxdans une démarche participative d’autre part, et sans orga-niser le dialogue avec les autres institutions. Un interviewé acité à cette occasion le département, par exemple…Enfin, toujours dans cette idée d’une “large collégialité”, cer-tains élus ont alors souligné la nécessité de création d’un“espace de débat” en indiquant que “les instances statutairesou les différents organismes” assumaient très peu ce rôle.Nous voyons que la question de la mise au point d’un pro-jet d’agglomération passe pour beaucoup dans les méthodesrelationnelles à développer.

Garantir les équilibres sociaux des territoires

• Sur ce sujet, il existe une grande homogénéité dans lesréponses, mais aussi une certaine banalisation dans lesobjectifs. Il s’agit de la mixité sociale et de l’intégrationdes populations les plus marginales.

“Fonder le projet de ville sur un projet de société, lier lesquartiers, éviter le déchirement du tissu social”, tel pour-rait être le leitmotiv de cette catégorie, c’est-à-dire unsouhait général pour agir en préservant la mixité. Nousverrons plus loin, lorsque nous parlerons de prospective,que les attentes exprimées à cette occasion se font plusprécises.

Assurer le développement économique

Cette catégorie traduit le souci du développement éco-nomique pour les responsables politiques locaux.• Il y a une grande cohérence dans les items qui tournent

tous autour du concept de développement écono-mique à trouver. Soit il s’agit de développer des fonc-tions motrices (recherche, université…) pour tirer le

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développement, soit il s’agit de définir les axes d’unestratégie de développement économique. Ce sont desapproches qui se présentent souvent sous forme inter-rogative, marquant le doute chez les interviewés, tra-duisant parfois leur difficulté à avoir prise sur ce sujet.Nous verrons d’ailleurs dans le chapitre II que les élusconsidèrent parfois la prospective de l’économie localecomme un exercice difficile.

Notons cependant que la qualité de la vie (qualité ducadre de vie, de l’environnement et du logement) estconsidérée comme un facteur important pour ledéveloppement économique.Les interviewés soulignent dans leurs réactions par rapportaux premiers résultats qu’il ne faut pas sous-estimer la ques-tion économique dans les débats sur le devenir de l’agglomé-ration. Le projet de développement urbain ne peut êtredécouplé “du développement économique, lui-même dépen-dant de la mobilisation des acteurs sociaux dans unedémarche participative”. Les résultats des interviews avaientsans doute estompé cet aspect des choses, qu’il est nécessaire derectifier ici.

Aménager la ville, créer de l’urbanité

Enfin, le dernier thème porte précisément sur cettequalité du cadre de vie. Il est peut-être significatif qu’iln’apparaisse pas dans les premiers cités concernant ledéveloppement des communes.Les arguments avancés sur ce sujet se répartissent sui-vant deux logiques.

• La première rejoint ce qui vient d’être dit et indique lesouci d’agir pour conforter, voire améliorer les espacesde vie. La qualité du cadre de vie est considérée commeun facteur important, souvent pour maintenir la popu-lation dans la région urbaine. “Les villages doivent resterdes villages au sens de la qualité des modes de vie, il fautdévelopper la qualité de l’environnement et un certainart de vivre…”

• En contrepoint, la problématique de la centralitévient souligner que l’attractivité de la ville passe aussipar la notion de centralité qu’il faut préserver, voiredévelopper quand il s’agit de la banlieue. Le maintienou le renforcement des centralités est souhaité pour“renforcer l’identité” de ces communes.

Quelle interprétation en tirer ?

L’exploitation des réponses à cette première questionsur les enjeux pour le développement, nous permet déjàde mettre en évidence quelques faits significatifs.

� Pour les élus, l’agglomération apparaît comme l’échelleincontournable à prendre en compte pour assurer ledéveloppement. Par “agglomération”, il faut entendreautant l’art de travailler ensemble que l’harmonisa-tion des données locales, comme par exemple la fisca-lité. Le fait qu’une part non négligeable des personnesde notre échantillon ait des responsabilités intercom-munales joue probablement un effet amplificateur.Cependant, il nous paraît significatif que ce thème res-sorte avec autant d’intensité. Nous pouvons alors nousdemander si les élus locaux ne seraient pas plus fédéra-

teurs que ce que la rumeur politique leur prête commeintention. On dit qu’ils sont parfois frileux pourconstruire une logique d’agglomération ! Cette enquê-te montre au contraire qu’ils sont plutôt tout à faitconscients que cette notion doit franchir une étape.

Ou bien assistons-nous, en cette fin de siècle et dans uncontexte d’“européanisation”, voire d’internationalisa-tion, à une prise de conscience pour que l’ensembleintercommunal se construise sur de nouvelles bases ?En tout cas, l’image que nous donne cette enquêterompt un peu avec la décennie précédente. Dans lesannées 80, le développement était d’abord une affairecommunale, parfois en concurrence avec les communesvoisines. Aujourd’hui, en dehors de l’agglomération,“point de salut”, semble dire cette enquête.Mais, et les retours du deuxième questionnaire sont élo-quents sur ce point, cette intercommunalité ne doit pas tom-ber dans un nouveau “centralisme technocratique”. D’unepart, il faut maintenant penser à la légitimité et au contrô-le du suffrage universel pour mieux la fonder. D’autre part,il faut respecter les différences d’échelle. D’un côte, nous noussituons à l’échelle globale avec la stratégie, la planification etle projet de ville. De l’autre, au niveau de la réalisation etde l’action, les échelles sont variables, suivant la dimensionde l’aire d’intervention et au contact du terrain. Ce qui posela question de la subsidiarité. De nombreux élus trouventque cette question est négligée aujourd’hui. Nous nous sommes livrés à l’extraction des items quimettent en évidence ce souci de l’intercommunalité ou del’agglomération à travers toutes les réponses à la question“Quelles sont les principales questions qui se posent pourle développement de votre commune ? ou de votre agglo-mération ?” (Q111). Si l’on exclut la catégorie desréponses “autres”, dont les items sont trop imprécis pourêtre exploitables, nous constatons que la moitié desréponses (40 sur 81 arguments) parlent d’une manière oud’une autre de préoccupations intercommunales.Nous devons cependant rendre toute la nuance qui s’estexprimée dans le dire de beaucoup d’élus. Si la nécessitédu projet d’agglomération se fait jour, si la progression dela vision intercommunale est réclamée, il ne faut cepen-dant pas négliger la voie par laquelle il faut aboutir. Lesélus souhaitent mettre au point ce projet collectif par ledialogue entre eux. Ce projet doit être le fruit d’unenégociation ; il ne peut être ni imposé, ni construit apriori comme nous le verrons plus loin (chapitre II).Ce premier constat doit déjà nous ouvrir des voies enmatière de prospective urbaine.

� Le second constat montre que le développement nepeut pas se comptabiliser seulement en termes éco-nomiques. La qualité de la vie urbaine, au sens large,en incluant les espaces périurbains et le maintien deséquilibres sociaux dans la ville, sont aussi des facteursqui doivent être attachés à cette notion de dévelop-pement. Les élus sont sensibles au fait que la capaci-té du territoire à offrir des images positives en matiè-re de cadre de vie ou de mode de vie est un facteurtrès important pour le développement. L’exploitationdes questions de prospective qui portent sur l’habitat,la mixité sociale et la qualité du cadre de vie devraitnous orienter sur ce sujet.

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2. Les principales décisions à prendre dans le court ou le moyen terme

Après nous être intéressés aux enjeux généraux de déve-loppement, nous avons voulu voir comment les élus don-naient des priorités à leurs actions. Nous leur avons ainsiposé des questions sur les principales décisions qu’ilsavaient à prendre ou à faire prendre dans le court terme(à six mois) ou dans le moyen terme (à trois ans environ,c’est-à-dire d’ici la fin du mandat), sachant que les ques-tions sur la prospective nous permettront, par la suite,d’aborder la question du plus long terme.Pour classer les réponses aux deux questions, nous avonsutilisé les mêmes catégories. Nous avons obtenu169 réponses au total1. Le nombre important desréponses classées dans la catégorie “autres” (20 % desréponses, voir tableau ci-dessous) pouvait faire douter de

la pertinence des catégories. Nous verrons plus loin qu’iln’en est rien. En dehors de cette dernière, l’exploitationdes réponses nous donne huit catégories.

• Nous constatons que les décisions de planification oude programmation sur l’espace urbain sont forte-ment représentées. Ont été rangées dans cette catégoriedes réponses ayant trait aussi bien à l’urbanisme (POS,schéma directeur…), qu’au logement (PLH…) ou auxtransports (PDU, DVA, plan de circulation…).

Dans le court terme, les décisions se partagent égalemententre urbanisme et transport, alors que dans le moyenterme, ce sont surtout des sujets liés à l’urbanisme quisont cités. Ce qu’il faut noter, c’est que les décisions enmatière de planification ne passent pas forcément par lamise en œuvre d’outils réglementaires. Dans les décisionsà moyen terme, nous trouvons un nombre significatif de

1 Bien entendu, chaque interviewé pouvait donner autant de réponses qu’il voulait.

Graphique n° 2 : Les décisions à prendre à court terme et à moyen terme – Q112 - Q113

PLA Décision de planification ou d’organisation urbaines : SD, POS, PDU, DVA, PLH, plan de circulation

OPA Lancement ou avancement d’opérations d’aménagement : ZAC, ZA, ZI, projet d’aménagement…

EPH Réalisation d’équipement public ou opération ponctuelle d’habitat : hôpital, usine d’incinération, palais des congrès, équipement culturel, etc. ; construction, rénovation ou démolition de logements…

ITR Décision concernant une infrastructure lourde de transport : tracé TGV, travaux TCSP, contournement et déviation routiers ou ferroviaires, autoroute

ICO Augmentation des compétences intercommunales, dont décision à prendre sur la taxe professionnelle

CON Élaboration d’un contrat de plan, contrat de ville, ou autres contrats

AEP Réalisation d’aménagements urbains, aménagement de l’espace public

SUR Réalisation de réseaux de services urbains : assainissement, déchets, câble…

Définition des catégories

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décisions à prendre sur ce que nous pourrions appeler lamise au point d’un projet urbain : élaborer le projet deville avec la population, mettre au point le projet dedéveloppement global de la communauté de communes,relancer le schéma de développement à 15-20 ans…Le fait que les décisions de planification occupent une tellepart dans les décisions à prendre, montre, nous semble-t-il, à quel point l’organisation des territoires “bouge”.

• Nous trouvons ensuite une forte présence des déci-sions sur l’urbanisme opérationnel ou la réalisationd’équipements publics. Dans l’urbanisme opération-nel, nous trouvons essentiellement différents projetsd’aménagement à partir de l’outil “ZAC” : zone d’acti-vité ou zone industrielle, zone de logement… Il s’agitd’une délibération à prendre pour lancer ou faire avan-cer la procédure. Pour les équipements publics, il s’agitde lancer la construction de grands bâtiments publicscomme un hôpital, un palais des congrès, une usined’incinération, etc. Ici nous avons aussi comptabiliséles opérations ponctuelles liées au logement comme parexemple la destruction d’une tour…

Il est assez logique que ce genre d’opération soit sou-vent cité, puisque nous sommes dans la vocation opé-rationnelle des collectivités locales.

• Les décisions concernant une infrastructure lourdede transport concernent d’abord des routes et auto-routes et le TGV. En fait, ce sont des objectifs, soit decontournement pour dévier une partie du trafic horsde la ville, soit de création d’une nouvelle accessibili-té pour la ville (arrivée du TGV, de l’autoroute…),qui sont recherchés par ces décisions. Pour le reste, ils’agit de lancer la réalisation d’une infrastructure detransport en commun : tramway, métro…

• En cinquième position dans le tableau, nous trouvonsles décisions à prendre dans le champ de l’intercom-munalité. Cette catégorie fait écho à ce que nousavons mis en évidence plus haut où cette préoccupa-tion était déjà fortement exprimée. Cette fois, il s’agitde prendre des décisions de mise en œuvre. Le faitque cela réapparaisse dans les décisions à prendremontre bien que c’est un sujet d’actualité opération-nelle et pas seulement un vœu.

Les réponses sur les décisions à prendre en matière d’in-tercommunalité se distribuent suivant quatre grandesidées :

– élargir les compétences de la structure existante ;

– créer une nouvelle communauté ou étendre le terri-toire de celle qui existe ;

– développer une réflexion pour mettre au point unepolitique de développement concertée : cela peutêtre une charte de développement, d’harmonisationdes politiques d’habitat, etc. ;

– enfin globaliser ou harmoniser la fiscalité locale.

L’examen des réponses nous renforce dans le point de vueesquissé plus haut : à savoir que nous assistons au renfor-cement de la stratégie intercommunale des élus locaux ence moment. Cela nous paraît d’autant plus significatifque ces décisions ressortent avec une intensité non négli-geable dans les décisions à prendre.

• Trois autres types de décisions viennent ensuite dans lesréponses. Ce sont des catégories qui ont reçu peu de cita-tions. Nous avons cependant choisi de les construireainsi, car elle sont bien significatives de problématiquescommunales. Nous en rendons compte rapidement :

– la mise en place d’un contrat, que ce soit un contratde plan État-Région, un contrat de ville ou une autreforme de contrat. Il y a là un effet conjoncturel, lié àla préparation du XIIème Plan ou à la reconductionprochaine des contrats de ville. Notons cependantque la question intercommunale ressurgit là aussi, parle souci affiché par certains de se situer délibérémentdans une dynamique collective ;

– ensuite, des décisions à prendre pour l’aménagementde l’espace urbain : espaces publics et réaménage-ments de voiries essentiellement. Nous retrouvons làdes décisions liées à la qualification de la ville dontl’objectif est l’amélioration de l’image de la ville et desa convivialité ;

– enfin, des décisions pour réaliser ou rénover desréseaux de services urbains : réseaux d’assainisse-ment, de télécommunications, traitements desdéchets, etc.

• Comme nous l’avons relevé plus haut, nous pourrionsêtre étonnés par la fréquence élevée des réponses clas-sées dans la catégorie “autres”. Mais il s’agit d’une dis-persion des réponses qui ne remet pas en question lescatégories choisies. Soit les réponses sont trop géné-rales comme “rapprocher habitat-emploi-services”,soit elles sont trop diverses2 et ne peuvent donc pas seregrouper dans une catégorie unique.

Que nous apprennent les réponses sur les décisions àcourt ou moyen terme ?

Nous retiendrons principalement deux faits à mettre enévidence.Tout d’abord, s’agissant des décisions à prendre, l’in-tercommunalité fait un score remarqué. Mais ce n’estpas n’importe quelle intercommunalité. Comme nousl’avons indiqué plus haut, c’est une intercommunalitéde projet, de gouvernance, ce qui montre une préoccu-pation certaine des élus locaux pour ce sujet. Nous ver-rons d’ailleurs plus loin, dans la partie prospective, quelécho cela aura dans les questions qui se posent dans lesrapports centres-périphéries3.Second point, c’est l’intérêt marqué pour les grossesinfrastructures de transport. Elles échappent pourtantpour la plupart à la décision locale (autoroutes, contour-

2 Du régime indemnitaire du personnel municipal au changement de statut d’une SEM en passant par les manifestions pour l’an 2000… Il s’agitsouvent d’une citation isolée qui ne se rapproche d’aucune autre. Il est logique par exemple, qu’un maire mette dans ses priorités les manifesta-tions de l’an 2000, parce que sa commune se trouve à un point stratégique de la future diagonale verte qui va traverser la France, mais ce thèmene concerne pas les autres communes, etc.

3 Cf. chapitre II.

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nement, TGV), mais elles sont très fortement présentesdans la volonté décisionnelle des élus locaux. Cela tra-duit une double préoccupation : les élus considèrentqu’il y a une nécessité urgente à protéger la ville du grandtrafic d’une part, et qu’il faut améliorer la connexion decelle-ci avec les grands réseaux d’échanges d’autre part.Quand nous les questionnons sur les raisons de leur clas-sement, ils le justifient par le fait que la décision estattendue des autorités nationales et qu’ils ont un rôleimportant à jouer dans les prochains mois en matière dedialogue et de lobbying.

3. Les premiers enseignements à partir des actions prioritairespour les élus locaux

Nous arrivons au terme de cette première partie sur lespratiques et enjeux déclarés par les interviewés. Avantd’aborder les questions de prospective, que pouvons-nous en retenir ?

Nous voudrions mettre en évidence trois éléments.

• Tout d’abord, nous l’avons déjà dit, l’agglomérationest très présente dans les préoccupations affichées.Nous entendons ici l’agglomération au sens large, danstoute l’étendue de ses registres ou dans toute sa com-plexité. S’y mêlent ainsi les sujets sur les institutionsintercommunales, l’exigence de projet d’agglomérationet toutes les formes de solidarité : de l’harmonisation fis-cale à la mise en cohérence des politiques économiquesou d’habitat. Cette thématique de l’amélioration de lacohérence des politiques menées dans les ensembleurbains est au cœur des actions ou des enjeux expriméspar les élus locaux. Nous employons l’expression“ensembles urbains” à dessein : comme nous avons déjàpu le constater, c’est souvent le phénomène urbain bienau-delà des périmètres traditionnels d’agglomération,qui est considéré par nos interlocuteurs.

• Ensuite, il apparaît clairement que la notion demodèle de développement est posée, surtout à tra-vers les réponses à la première question4. Nous pou-vons d’ores et déjà affirmer, au vu de l’analyse fine desinterviews, qu’il ne faut pas donner ici à ce mot uneacception rigoureuse au sens de “modèle” à suivre. Laquestion posée est moins de chercher à suivre unmodèle théorique, que d’arriver à construire collégia-lement une image du territoire, entre élus qui repré-sentent des secteurs différents de l’espace urbain. Il ya forcément des intérêts divergents et il faut êtrecapable de coordonner les actions et les politiquesmises en œuvre. Nous pouvons déjà dire que cela vareprésenter un enjeu de la prospective urbaine.

• Enfin, il nous faut rebondir sur l’aspect transport. Ilapparaît d’abord comme un facteur important pour ledéveloppement urbain. En premier lieu, c’est l’acces-sibilité que l’on recherche ; c’est l’ouverture vers l’ex-térieur que les infrastructures créent pour l’espace

urbain. Cependant, le transport est abordé quelque-fois comme un facteur d’organisation interne, et dansce cas, ce sont alors les entraves à la fluidité qui sontdénoncées.

L’organisation des transports est un élément qui parti-cipe au modèle de développement et au projet d’agglo-mération. Ce qui explique toutes les interrogations surcertains dysfonctionnements urbains qui sont pointésici ou là dans les interviews, comme les phénomènes depollution par exemple. Cela explique, nous semble-t-il,que ce thème prenne cette importance au fil des entretiens.Les premières filières en matière de prospective s’es-quissent. Il nous faut maintenant les approfondir enabordant directement les attentes sur ce sujet qui vontfaire l’objet du chapitre suivant.

II. LES ATTENTES EN MATIÈRE DE PROSPECTIVENous abordons maintenant la deuxième partie de cetteenquête, qui porte plus spécifiquement sur les sujets deprospective. Pour approcher les attentes des élus locaux enla matière, nous avons procédé d’une double manière.

Tout d’abord, nous posions le problème des sujets deprospective à partir de questions ouvertes en deman-dant à nos interlocuteurs quels étaient, selon eux, lessujets à traiter ou les phénomènes sur lesquels ils sou-haitaient avoir un éclairage5. Cela permettait à nosinterlocuteurs de s’exprimer librement sur le sujet.Ensuite nous leur soumettions une liste de dix-septsujets de prospective (question fermée)6 en leur deman-dant de choisir sélectivement trois ou quatre sujets, ceciafin de hiérarchiser leurs choix.Enfin, à partir de ce choix, nous leur demandions depréciser sous quels angles d’approche ils souhaitaientvoir traiter les sujets qu’ils venaient de sélectionner, cequi permettait de compléter la connaissance des conte-nus commencée avec les questions précédentes.

1. Les thèmes de prospective qui émergent

Pour identifier les thèmes de prospective, nous dispo-sons de deux matériaux : les thèmes qui ressortent desdéclarations spontanées aux questions ouvertes et leschoix sélectifs faits à partir d’une liste. Les thèmes qui ressortent des déclarations spontanéesconstituent le graphique n° 3 ci-après.

Nous y constatons que les principaux thèmes qui appa-raissent sont :

– ceux liés à la forme et à l’organisation spatiale des villes,au modèle de développement ;

– tout ce qui est lié aux modes de vie, au sens large ;

– les équilibres dans les villes ou les agglomérations ;

4 “Quelles sont les principales questions qui se posent pour le développement de votre commune ? ou de votre agglomération ?”5 “Quels sont, selon vous, les événements ou les sujets qui, peu visibles aujourd’hui, pourraient cependant avoir des conséquences importantes dans

le plus long terme ?” (Q211), “Plaçons-nous dans un horizon à 15-20 ans ; quels sont les phénomènes prioritaires sur lesquels vous voudriez quel’on réfléchisse aujourd’hui, afin de mieux vous y préparer pour demain ?” (Q213).

6 La liste est présentée en encadré.

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– l’évolution du système des déplacements ;– les attentes sur l’habitat, mais aussi les questions de

mixité sociale ;– l’économique sous l’aspect “développement écono-

mique” ;– ce qui relève de la qualité, que se soit la qualité de vie

ou bien l’image urbaine.

Quant aux sujets choisis à partir d’une liste préétablie,les choix des personnes interviewées figurent dans legraphique n° 4.

Au sujet du graphique n° 4, la liste soumise était parnature très sélective, puisque l’on demandait aux élusde choisir trois thèmes prioritaires. Certains ont parfoissouhaité dépasser un peu ce chiffre… Le tableau sui-vant traduit donc les priorités affichées par les élus surcette liste.

Huit sujets représentent à eux seuls les trois quarts desattentes exprimées ici.

1. Les équilibres entre communes-centre et communes debanlieue.

2. L’évolution du temps de travail et les modes de vie.

3. L’évolution des déplacements urbains.

4. Les problèmes d’environnement (bruit, pollution,nuisances).

5. L’impact des nouveaux réseaux de télécommunications.

6. La sécurité dans les villes.

7. La démocratie au quotidien.

8. Les attentes en matière d’habitat.

À la fin de ce chapitre, nous reviendrons sur les priori-tés dans ces sujets. Pour l’instant, il nous faut entrerdans le détail pour analyser le contenu détaillé de cesattentes.

2. L’analyse détaillée des attentes

Pour la présentation nous commencerons par lesthèmes les plus cités.

Graphique n°3 : La fréquence des sujets de prospective dans les réponses spontanées (questions ouvertes)

Graphique n°4 : Sujets de prospective choisis préférentiellement sur la liste fermée

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a) La forme des villes. Vers quel modèle de développement ?

Ce thème revient très souvent dans les réponses sponta-nées. Il en ressort deux grandes lignes de préoccupations.

• Pour une très grosse majorité (trois citations sur quatre),l’intérêt se porte sur le modèle de développement.

Les questions posées sont du type : “Vers quel modèle” ou“Vers quel type de développement urbain va-t-on ?” Cesinterrogations tournent en fait toutes autour du périur-bain. La forme que prend la métropolisation est toujourssous-jacente : comment faut-il l’interpréter, commentpeut-on la traiter, comment doit-on l’organiser ?

En arrière fond, deux sous-questions méritent d’êtresignalées :

– celle du débat entre ville dense et ville étalée. Maisopposer les deux modèles ne semble pas une questionpertinente pour nombre de nos interlocuteurs : ils’agit plutôt de savoir concilier deux logiques àl’œuvre. L’une, plus historique représentée par lescentres ville et leurs quartiers proches ; l’autre, pluscontemporaine, qui est celle du desserrement de laville et de l’éparpillement de ses fonctions dans desespaces toujours plus larges ;

– celle du développement durable et de la reconstructionde la ville sur elle-même où les questions portent plu-tôt sur l’approfondissement des concepts : que doit-onmettre sous l’appellation de “ville durable”, etc.

• La seconde idée, moins souvent abordée, pose la ques-tion des facteurs qui agissent sur la forme.

Il s’agit de la destination des espaces disponibles dans lepériurbain, du problème du foncier agricole proche oulointain par rapport à la ville. Parmi les facteurs qu’ondemande d’analyser pour comprendre la dynamique desformes de la ville, il y a aussi le rôle du système de trans-port et les conséquences des évolutions démographiques.Une conclusion s’impose au vu des arguments avancésdans ce thème : pour les élus locaux, le périurbain est unfait. Ceux-ci posent moins le problème à travers le débat“ville dense/ville étalée” comme nous l’avons indiquéplus haut : cette alternative est peu discutée. Pour eux,les enjeux se situent dans les savoir-faire pour traiter,organiser, donner du corps aux espaces périurbains.

b) Les équilibres entre centre et périphérie : dynamiquede la périurbanisation ?

Lorsque l’on demande sous quel éclairage il faut abor-der ce sujet, lui aussi souvent cité, que se soit dans lesquestions ouvertes ou sur liste, les réponses se distri-buent suivant plusieurs thématiques :

• La première porte sur les facteurs qui agissent sur lesmutations de la ville, les facteurs qui jouent pourmodifier ces équilibres : l’évolution des déplacements,les formes du travail, les comportements d’habitat…

• La deuxième porte sur l’organisation de l’intercom-munalité afin de prendre en charge cette dyna-

mique de mutation : comment organiser la gestion deces espaces urbains, comment faire progresser cetteintercommunalité ? A noter aussi des demandes de pré-sentation d’expériences réussies en matière d’actionsintercommunales.

• La troisième pose la question des équilibres centre-périphérie. Celle-ci est fortement posée en termes dedynamique de la périurbanisation ou des migra-tions des villes centres vers l’extérieur. La questionqui est souvent mise en avant est : “Comment va seréaliser la répartition habitat/emploi dans le futur ?”Les soucis souvent exprimés sont le maintien des cohé-rences ou les moyens à mettre en œuvre pour organi-ser ces équilibres, que l’on considère aujourd’huicomme plus du tout assurés.

• Enfin, d’autres préoccupations s’expriment, mais avecune fréquence nettement moindre. L’une porte sur l’ac-tion que l’on pourrait dénommer “développer l’urba-nité”, c’est-à-dire “comment faire des quartiers dans lepériurbain”, comment “faire de la banlieue de la vraieville”, comment embellir la ville entraînée dans certainssecteurs dans une logique de “laideur” ? On y décèleaussi des interrogations sur la notion de centralité :que signifie aujourd’hui la notion de centralité ? Quedoit-on mettre sous la notion de centres secondairesdans les agglomérations ?

Une autre préoccupation porte sur la répartition descharges de centralités entre les différentes communes :qui doit payer, par exemple, le coût du théâtre ou l’en-tretien des grands équipements de sport, comment lesrépartir ?Dernière préoccupation, dans cette rubrique sur leséquilibres, un sujet que nous retrouverons aussi ailleurs :la “diversification de l’habitat” à l’échelle des grandsensembles urbains, c’est-à-dire “comment organiser larépartition du logement des plus défavorisés dans lesagglomérations ?”Il faut bien entendre ces préoccupations à l’aune despriorités que leur accordent les élus locaux. Le thème deséquilibres urbains (ou de la dynamique des déséquilibressi l’on s’attache aux causes) est une préoccupation majeu-re. Il arrive en tête dans les choix sur liste préétablie et entroisième position dans les réponses spontanées.Comme nous l’avons indiqué plus haut, il faut rappro-cher ce thème des questions sur la forme des villes. Cequi est en jeu aujourd’hui, c’est de savoir vers quel typede ville nous allons et comment préserver cohérences etéquilibres ?Pour être tout à fait complet dans cette rubrique sur leséquilibres, nous donnerons ici des indications qui sontressorties sous l’appellation “migration de populationentre ville et campagne”. C’est un sujet qui était propo-sé dans la liste préétablie. Il n’a pas eu beaucoup de suc-cès parce que nos interlocuteurs ont préféré s’exprimerdans le cadre plus large des équilibres.

• Ce qu’ils ont pu exprimer à cette occasion, c’est larecherche de solutions adaptées au périurbain. Lamigration des habitants vers l’extérieur amène les éluslocaux à rechercher des solutions nouvelles plus adap-tées aux espaces de la périphérie, comme par exemple en

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matière de transports en commun où de nouveauxmodes de transports collectifs plus adaptés à cemilieu sont fortement souhaités.

c) Les modes de vie : le temps et l’espace…

Sur ce sujet, les questions qui surgissent sont nom-breuses dans les angles d’approche suggérés.

• La première préoccupation porte sur le rapport autemps : que vont-être les changements à venir dans l’uti-lisation du temps pour les gens, dans les rapports entre lesoccupations du temps libre par rapport au temps de tra-vail ? La dynamique de la réduction du temps de travailest bien évidemment présente derrière ces mutations.

Les changements que l’on entrevoit dans la répartition destemps quotidiens ou hebdomadaires sont regardés en rap-port à la qualité de vie et aux modifications qu’ils pourraientproduire dans l’attitude des ménages. Dans leur positionne-ment par rapport à l’espace urbain d’abord (vont-ils cher-cher à déménager ?), dans leur manière d’utiliser leur sur-croît de temps libre ensuite. Ce qui pose alors à nos interlo-cuteurs le problème des politiques publiques et de l’aména-gement urbain pour faire face à ces changements : va-t-onavoir affaire à une demande accrue en matière d’équipe-ments culturels, en matière d’équipements de loisirs… ?

• La deuxième série de questions porte plutôt sur le rôleinducteur qu’ont les modes de vie dans la mutationdes villes.

Pour un certains nombre d’élus interrogés, ce sont lesmodes de vie et les aspirations sociales qui leurs sontliées, qui déterminent tout le reste. Les interrogationsportent donc sur la manière dont ces aspirations vontinfluencer le rapport à la ville. Certains souhaitent quel’on regarde les conséquences sociologiques de l’évolu-tion des ménages : effets de l’éclatement des familles,besoins nouveaux des jeunes ménages, mode de vie desfutures générations de personnes âgées, etc. Mais ce quiest toujours sous-jacent, c’est l’impact que cela va avoirsur le périurbain et, par voie de conséquence, sur la villecentre.Certains prolongent encore cette question pour savoircomment les citadins vont évoluer par rapport à l’es-pace : comment vont-ils choisir leur positionnementgéographique dans les espaces urbains, comment vont-ils vouloir habiter la ville ? Et une question subsidiaireest alors posée : “Quels seront demain les lieux de lasocialisation dans les villes ?”Enfin, dernière préoccupation : celle qui traduit l’inquié-tude devant l’émergence d’une société duale avec le poidsde la pauvreté et de la fracture sociale. Comment, dansces conditions, assurer la cohabitation des ethnies, faireen sorte que les plus démunis trouvent leur place dans laville, alors que ceux qui ne seront pas prisonniers de lalogique de la relégation pourront choisir librement leurlieu de résidence ?

d) L’évolution des déplacements, de la mobilité et leurarticulation avec la dynamique spatiale des territoires

Trois grands sujets ressortent sur ce thème :

• Il n’est pas surprenant de rencontrer en premier uneforte interrogation sur l’évolution générale des dépla-cements dans le long terme, les migrations alter-nantes, la mobilité des gens. C’est une question clas-sique pour les politiques urbaines. Elle est assortie dansnotre enquête de deux sous-questions : d’une part,quelles conséquences pour les équilibres des territoires,et d’autre part, que peut-on dire de l’impact des poli-tiques de transports en commun sur ces déplacements ?

• Ensuite, un second questionnement porte sur ce quel’on pourrait appeler les effets de seuil. Un certainnombre de nos interlocuteurs considèrent qu’il fautregarder les déplacements loin au-delà du périmètreconstitué d’agglomération, comme par exemple le dis-trict ou la communauté de communes. Ils souhaitentque les choses soient analysées dans le cadre du largebassin de vie et d’emploi, en liaison avec les phéno-mènes de périurbanisation. Ils considèrent qu’ils man-quent souvent de visibilité au-delà de leur périmètrepour des phénomènes qui ont de l’influence sur l’es-pace qu’ils gèrent. La remarque est d’ailleurs la mêmeque celle sur le foncier, énoncée un peu plus haut.

• Enfin, mais de manière plus marginale, deux questionsressortent avec une faible fréquence, mais méritentd’être notées. Tout d’abord, le désir de mettre en évi-dence des scénarios catastrophes. Si nos interlocuteursse disent convaincus de l’asphyxie prochaine des villespar l’engorgement, ils souhaitent par ce biais sensibili-ser leurs pairs pour agir dès maintenant et rechercherdes solutions alternatives. Ensuite, les enquêtés seposent la question des effets que l’évolution de la mobi-lité risque d’avoir sur les modes de vie, le positionne-ment de l’habitat, la pratique des loisirs et de la rési-dence secondaire. Nous retrouvons là l’interaction avecla question des modes de vie.

Avant de parler de l’environnement ou des évolutionsdu monde de la communication, il apparaît opportunde s’intéresser aux questions qui traitent de l’habitat etde la mixité. En effet, l’analyse de ces thèmes complèteles questions sur les modes de vie et des déplacementsqui viennent d’être posées.

e) Les attentes en matière d’habitat, la mixité sociale :comment va-t-on habiter la ville demain ?

Les différentes réponses recueillies dans les question-naires donnent plutôt une image contrastée de cesdeux notions. D’un côté les désirs d’habitat dans leurlogique familiale, de l’autre le besoin de rétablir de lamixité. Pourtant ils vont ensemble car ils traitent tousles deux des différentes approches de l’habitat et de sonpositionnement dans l’espace.

Nous avons rassemblé les déclarations des interviewésen trois groupes.

• Tout d’abord, comme pour les modes de vie, lesattentes ou les comportements en matière d’habitatsont considérés comme premiers dans l’attitude desménages face aux déplacements. Les élus considèrentque les choix de localisation de l’habitat sont au cœurde la problématique ville/campagne ou centre/périphé-

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rie, ou même de la problématique de la ville tout court.Ainsi, la question qu’ils posent avec une grande régula-rité, c’est de savoir ce qu’habiter en ville voudra diredemain ou, dit autrement, “quels sont les gens quihabiteront encore en ville ?”. Ils reposent ainsi à traversce thème, une question que l’on a déjà rencontrée plushaut, à savoir “vers quel modèle de ville allons-nous ?”

• Ensuite un certain nombre de questions portent sur lesdésirs des gens pour leur habitat : quels besoins expri-meront-ils demain entre l’habitat collectif et le pavillon-naire, entre l’habitat urbain traditionnel et la maison àla campagne ? Il faut aussi noter des questions sur lesbesoins de formes d’habitat spécifiques, comme parexemple celles qui permettraient d’organiser la cohabi-tation des personnes âgées avec les autres générations.On pressent ici les problèmes qui vont se poser pour lequatrième âge des “baby-boomers” et l’allongement dela durée de la vie.

Les questions précédentes sont toutes orientées vers lesgens “mobiles”, c’est-à-dire ceux qui, par leur statut,leur revenu ou leur profil, peuvent exercer un choixrelativement libre sur leur mode d’habiter.

• Le groupe de questions qui vient maintenant porte surles gens plus “captifs” de leur logement. Elles sont cen-trées sur la place du logement des plus démunis. Laplace des quartiers difficiles dans la ville de demainfait question. En partant du constat que la tendance vaplutôt dans le sens d’un accroissement des différences,la question qui est posée est la suivante : “Commentpourra-t-on intégrer ces quartiers dans la ville ou ausein des agglomérations, pour en faire des quartiers àpart entière ?” Quels moyens ou quels outils mobiliserpour parvenir à les intégrer ? Nous sommes bien icidans les risques entrevus de la création d’une sociétéduale, y compris sur le plan spatial.

f ) Les questions liées à l’environnement : le cadre devie d’abord !

Le questionnaire était plutôt orienté vers les problèmesde nuisances, puisque dans la liste de sujets qui étaitproposée dans la question Q2317, nous orientions lechoix vers le bruit, la pollution ou les nuisances.Pourtant, que ce soit dans les réponses spontanées oudans les justifications des choix dans la liste, les inter-viewés partent d’abord dans une autre direction.

• Ce sont les questions liées au cadre de vie qui ressortenten premier : l’attrait des gens pour le mode de vie “cam-pagnard” amène les élus à s’intéresser à ce qui fait l’at-tractivité de la ville. Ils voudraient savoir “de quellemanière organiser la ville pour que celle-ci soit vivable”.De ce fait, ils en viennent à s’interroger sur les critèresqui fondent la qualité des espaces urbains8. Noussommes donc ici sur le registre du cadre de vie et, d’unecertaine façon, cela rejoint les sujets sur les formes de laville que nous avons vus ci-dessus, et la qualité urbaineque nous allons traiter juste après.

• Secondairement, ce sont les questions liées au bruit etaux effets polluants de la voiture qui apparaissent dansles demandes. Il est intéressant de noter que le bruit estprésenté de manière récurrente dans les interviewscomme l’une des causes qui fait partir les gens hors dela ville. En ce qui concerne la pollution, c’est toujours lavoiture qui est citée, jamais l’industrie ou le chauffagedomestique.

• Enfin, quelques interrogations apparaissent sur l’écologieet plus particulièrement sur le sens civique : quels moyensmettre en œuvre pour l’éducation à la préservation del’environnement au sein de la cité ?

Il est alors intéressant de rapprocher ces réponses decelles qui sont apparues sous la rubrique de la qualité etl’image urbaines à travers les questions ouvertes. Eneffet, du fait de l’orientation des réponses sur le sujetprécédent, il y a ici une grande complémentarité.

g) La qualité et l’image urbaines, une conception globale

En effet, d’une certaine manière, c’est une autre facettede la qualité de l’environnement urbain qui est abordéespontanément ici par nos interlocuteurs. Trois idéesprincipales se dégagent des réponses classées dans cettecatégorie :

• La première représente la moitié des réponses collation-nées. Elle porte sur les conditions de la vie collective :Comment agir pour améliorer la qualité de la vie oumaintenir un bon niveau de services urbains ? Tout cequi a trait au fonctionnement du commerce, des ser-vices et à la qualité de l’espace public entre dans ces pré-occupations, dans un objectif de maintenir l’attractivitédes lieux urbains pour les gens.

• Secondairement, c’est la problématique des infrastruc-tures dans la ville (autoroutes) qui est plusieurs foiscitée. La question posée est de savoir comment s’endébarrasser afin de favoriser l’amélioration de la vieurbaine : ces autoroutes perturbent la ville parce qu’ellessont bruyantes et qu’elles dévalorisent les espacesqu’elles traversent.

• Enfin, le thème de l’esthétique urbaine vient ensuite :ce qui intéresse les élus, c’est de savoir comment amé-liorer l’image de la ville, en trouvant des solutionspour retraiter les entrées de villes par exemple.

h) Les nouveaux réseaux d’information ou de commu-nication, facteurs de mutations socio-économiques ?

Cette rubrique et la suivante terminent les sujets sur les-quels il était possible d’approfondir de manière détailléeles demandes des élus. Nous sommes encore ici dans descatégories de déclarations riches et variées, qui permet-tent une bonne exploitation. Au-delà de celles-ci, nousentrerons dans des sujets pour lesquels les éléments d’in-formations tirés des questionnaires sont nettement plusrares et cela rendra donc l’interprétation plus aléatoire. Concernant les nouvelles techniques de communica-

7 “Voici une liste de thèmes de prospective, pouvez-vous me dire les trois ou quatre sujets que vous aimeriez voir aborder en priorité ?” 8 Il est intéressant de noter que, dans le sondage organisé dans le cadre du débat sur la ville par le ministère de l’Équipement, les Français indiquent

comme premier critère pour s’installer en ville la nécessité d’avoir des espaces verts à proximité. In Le Monde du 23 juin 1999.

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tion, nous rencontrons deux grandes thématiques quise partagent les suffrages en parts à peu près égales.

• La première porte sur les facteurs de qualificationdes territoires urbains. Il s’agit d’abord du dévelop-pement économique : la question est de savoir quelleest l’attractivité que les réseaux performants de télé-communications procurent aux territoires équipés etquels services faut-il fournir aux entreprises ?

Mais, en glissant davantage sur le registre social, nousvoyons aussi poindre une autre préoccupation, qui estcelle du danger de marginalisation-déqualification de ter-ritoires qui ne seraient pas équipés. Ce qui fait redouter ànos interlocuteurs des risques ségrégatifs et l’émergence,là aussi, d’une société duale entre les populations quiauraient accès à l’information via ces nouvelles techniqueset celles qui en seraient coupées. L’enjeu devient alors, exprimé par certains, de savoircomment favoriser l’appropriation de ces nouvelles tech-niques par le plus grand nombre. Nous sommes ici dansle domaine du service à l’habitant et de l’accès de publicsdiversifiés à ce nouveau vecteur de communication.S’il fallait résumer les questions récurrentes sur ce sujet,nous dirions : “Quels services développer pour les entre-prises ; quels services développer pour les ménages ?”Il faut enfin noter une interrogation, qui, même si ellen’est pas très fréquente, n’est pourtant pas mineure.Ainsi, certains se demandent quel rôle les municipalitésdoivent jouer dans le développement des nouvelles tech-niques d’information et de communication : simple rôled’accompagnement ou rôle franchement actif ?

• Le second thème montre que les NTIC sont perçuescomme une révolution technique qui va enclencherbeaucoup d’évolutions sociales et industrielles. Ons’interroge donc sur celles-ci : comment cela va-t-ilinfluer sur le travail et les relations sociales autour del’emploi ? Comment vont agir les NTIC sur lesmodes de vie et le commerce (commerce électro-nique…) ? Comment vont-elles provoquer des évolu-tions dans les usages de la ville et, au final, quelsimpacts auront-elles sur la forme de ces villes ? Parexemple, est-ce que cela va produire des délocalisa-tions d’habitats ?

i) L’économie et le territoire, un exercice “acrobatique”

Dernière rubrique qui recèle donc encore suffisammentd’items dans les réponses pour en faire une exploitationsatisfaisante. Il faut d’abord constater que ce sujet n’a pasété porté par les réactions suscitées par la liste des sujetspréétablis (Q231). Dans cette question, le thème “lesentreprises et la ville” était destiné à aborder cet aspectdes choses. Mais il a recueilli peu de suffrages (septchoix). Est-ce parce que la question était mal formulée ? Par contre, le thème de l’économie est ressorti plusfranchement à partir des questions ouvertes. Nous clas-serons les attentes suivant deux registres.

• Le premier, et de loin le plus représenté, porte sur lesconditions du développement économique pour lesvilles. Nos interlocuteurs se posent des questionsconcernant les moyens d’assurer le développement éco-

nomique, le rôle de la recherche et de la technologiedans ce développement, etc. Mais dans ce domaine, ilsse posent beaucoup de questions sur l’importance desfacteurs externes au contexte local. Ce qui fait dire à unélu que “la prospective économique est un exerciceacrobatique” pour les communes. Peut-être est-ce làfinalement la raison qui pourrait expliquer la relativeabsence de ce sujet dans les attentes en matière de pros-pective ? La dynamique économique serait-elle à cepoint exogène (liée à l’internationalisation ?) que l’an-crage au territoire deviendrait secondaire ?

• Le second thème, mais qui ne fait l’objet que de deuxdéclarations, porte sur les risques de déséquilibre dans ledéveloppement et sur les moyens d’y faire face : lespopulations défavorisées qui ne captent pas les bénéficesdu développement d’une zone d’activité ou des opéra-tions d’envergure (ville nouvelle) qui “aspirent” à leurprofit, le développement des secteurs environnants…

Dans les réactions au second questionnaire, certains élusnous rappellent qu’il ne faut pourtant pas minorer les ques-tions économiques dans la prospective des territoires. Lemodèle de développement, le développement urbain ne peu-vent être séparés des questions économiques, elles-mêmes for-tement dépendantes de la mobilisation des acteurs sociaux.

j) La sécurité dans les villes et la démocratie auquotidien face à l’incivilité

Nous parlerons maintenant de deux sujets, la sécurité etla démocratie au quotidien, qui sont des sujets qui restentimportants pour les élus locaux. Même si les citationssont moins fréquentes que sur d’autres sujets, lorsquenous présentions la liste de sujets préétablis, beaucoup denos interlocuteurs élus considéraient qu’il fallait cocherces thèmes dans les priorités. Cependant, tout en gardantà l’esprit l’importance que leur accordent les élus, nous lestraiterons ici ensemble parce que l’enquête n’a pas permisde rassembler beaucoup de matériaux sur ces attentes. Ilnous semble en outre, mais ce n’est qu’une hypothèse,faute de déclarations exploitables, qu’ils sont dépendantsl’un de l’autre.

• La première chose que l’on peut dire, c’est que les élussont devant une montée de l’insécurité, voire del’incivilité dans les villes et les questions qu’ils expri-ment portent, d’une part, sur la compréhension duphénomène, et d’autre part, sur les moyens d’y faireface.

• Ensuite, la demande sur la démocratie locale traduit lebesoin de dialogue et d’écoute avec la population,notamment celle avec laquelle la distance peut parfoisêtre grande (population issue de l’immigration). Il res-sort aussi que l’évolution des modes de vie et du tempslibre pourrait, selon eux, créer une demande croissantedans ce champ de la démocratie locale.

Nous abordons maintenant des sujets que nous pou-vons considérer comme étant d’intérêts secondaires. Ilssont peu cités dans les interviews, et lorsqu’ils le sont,ils ne font pas l’objet de longs développements dans lespropos des enquêtés. Ce qui explique que nous auronspeu à livrer sur la manière d’aborder le problème.

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k) La voiture en ville : quels leviers pour agir ?

• L’essentiel du questionnement porte sur les moyensd’action et la recherche de solutions : comment orga-niser le stationnement ou bien quelle politique de tari-fication faut-il mettre en place ?

Une autre préoccupation s’est exprimée sur le meilleurschéma pour organiser la circulation dans la ville dedemain : “Quelle organisation de la circulation dans laville de demain : faut-il l’organiser par secteurs ? Faut-il mettre en place une circulation en “marguerite” ?”

l) Le gouvernement des villes : comment gérer la villecomplexe ?

Ce thème a émergé dans les questions ouvertes. Deuxidées principales en sont issues.

• L’inadéquation actuelle entre “les découpages admi-nistrativo-institutionnels et la gestion des problèmesurbains”. Cela renvoie à toutes les questions déjà abor-dées sur la progression désirée de l’intercommunalité.

• Ensuite, un certain nombre d’interrogations viennentsur la gouvernance urbaine, c’est-à-dire sur “la capacitéd’action du pouvoir politique” dans des systèmes locauxde plus en plus complexes, sur le rapport au citoyen, sur“la participation aux décisions publiques” … C’est bienle rapport de l’élu au corps social et à la société civile quiest posé ici. Peut-être avons-nous d’ailleurs ainsi laréponse à la question que nous nous posions plus hautsur l’interprétation difficile à faire quant aux attentes enmatière de démocratie locale.

m) L’avenir des financements publics et les prérogativesfutures des élus

• C’est essentiellement un climat d’incertitude qui moti-ve le questionnement des élus sur ce sujet. Commentvont évoluer la fiscalité et les finances locales ?Comment se répartiront demain les moyens entre com-munes et pouvoir d’agglomération ? Et que restera-t-ildes moyens et des responsabilités du maire quand il setrouve à la tête d’une petite commune englobée dans unensemble beaucoup plus grand ?

Pour en finir maintenant avec les attentes en matière deprospective, il faut dire que pour les thèmes restants,comme le vieillissement, les réseaux de villes, les villes euro-péennes, les services aux ménages ou les nouvelles technolo-gies de transport en commun, les informations sur lescontenus sont vraiment trop parcellaires pour en tirerparti. La seule attente exprimée, quand des motifs dechoix sont fournis, c’est d’être informé sur la question !

3. Quels thèmes prioritaires ?

Arrivés à ce stade de l’étude, nous devons nous poser laquestion des sujets à traiter en priorité. Compte tenu denotre échantillon, qui comportait un faible nombre de

personnes, il n’est pas possible d’établir un classement descitations comme on le ferait dans un sondage d’opinion.Certes, que ce soit dans les réponses spontanées (gra-phique n° 3) ou dans les sujets choisis sur une liste (gra-phique n° 4), nous voyons ressortir certains thèmes plusfréquemment que d’autres. En prenant, par exemple, toutce qui satisfait cinquante pour cent des attentes, nousvoyons émerger quelques grands thèmes de prédilection.Cependant, il faut bien garder à l’esprit que nous tra-vaillons sur des petits nombres – une citation de plus oude moins n’est donc pas très significative – et que cetteenquête s’est déroulée d’abord sur le mode qualitatif, afinde rentrer dans l’analyse détaillée des attentes. Il paraîtdonc sage de ne pas vouloir établir de classement.Nous pouvons pourtant avoir quelques informations surles sujets qui semblent les plus recherchés ou au contrairesur ceux qui n’attirent pas beaucoup les suffrages.Une première indication peut nous être fournie en croi-sant les catégories que nous avions forcément prédéter-minées par la liste de dix-sept sujets et celles issues desquestions ouvertes.9 En triant les réponses à ces der-nières, nous avons regardé s’il y avait des recoupementsentre notre manière de proposer des sujets et la maniè-re dont les élus posaient le problème spontanément.Parmi les quatorze catégories issues des réponses sponta-nées, six se recoupent assez bien entre les deux approches.

Les autres catégories se rapprochent partiellement oudivergent franchement des sujets qui avaient été propo-sés dans la liste. Nous pouvons par exemple constater lefort intérêt que les élus expriment spontanément sur lesquestions de forme de la ville, le modèle de développe-ment, l’organisation du périurbain. De la même façon,ils citent souvent les questions de qualité du cadre de

9 Rappelons que les questions ouvertes étaient “Quels sont, selon vous, les événements ou les sujets qui, peu visibles aujourd’hui, pourraient cepen-dant avoir des conséquences importantes dans le plus long terme ?” (Q211), “Plaçons-nous dans un horizon à 15-20 ans ; quels sont les phéno-mènes prioritaires sur lesquels vous voudriez que l’on réfléchisse aujourd’hui, afin de mieux vous y préparer pour demain ?” (Q213).

Tableau n° 1 : Les six catégories principales de réponses

Code catégorie Principales orientations Questions ouvertes du sens

VIEI le vieillissement de la population

MODE • les évolutions ou les attentes enmatière de mode de vie,

• l’évolution du travail ou l’évolutiondes pratiques sociales qui s’y rapportent

EQUI • les équilibres, la répartition des fonctions au sein des agglomérations,

• les cohérences au sein des villes ou des agglomérations

DEPL • les déplacements, l’évolution des transports,

• les impacts du système transport sur le reste

NTIC les nouvelles techniques de commu-nication, la société de l’intelligence

SECU la sécurité dans les villes, l’incivilitéurbaine

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vie et d’image urbaine ou, dans une moindre mesure,tout ce qui touche à ce qu’on appelle aujourd’hui lagouvernance ; toutes questions que nous n’avions pasproposées dans la liste.

En croisant alors les deux approches, nous obtenons legraphique n° 5.

À partir de cela, nous pouvons tirer quelques conclusions.

Deux grands axes : la forme des villes et l’évolution dela société urbaineTout d’abord, nous voyons très bien qu’il y a un grou-pe qui se singularise dans le haut du tableau : ce sont lessujets qui reviennent le plus souvent dans les citations.De plus, en répondant prioritairement à ces questions,nous voyons que l’on atteint facilement la moitié desattentes exprimées.

• À l’opposé, et en regardant vers le bas du tableau,nous constatons qu’il y a des sujets qui ne sont passouvent cités. Ce sont aussi des sujets sur lesquelsnous recueillons peu d’informations.

• En allant plus loin, nous constatons que ce sont plu-tôt les sujets à très large rayon d’action, sur les sujetstrès englobants, qui suscitent l’intérêt, comme lesmodes de vie, l’évolution des déplacements ou en-core les grands équilibres dans les agglomérations.

A contrario, les sujets plus spécialisés, ou plus circons-crits, n’intéressent pas beaucoup. Il en est ainsi, parexemple, pour des sujets comme la voiture en ville ou lesnouvelles technologies de transport en commun…

Ce qui nous amène à dire que les sujets prioritaires sestructurent autour de deux grandes logiques :

– d’une part, il y a tout ce qui touche à la forme, l’orga-nisation, la structure de l’urbain avec en filigrane lesformes de la métropolisation. Le thème sur les équi-libres entre centres et périphéries rejoint cette logiquepar certains aspects.

– d’autre part, tout ce qui a trait aux évolutions socié-tales : l’utilisation du temps, les changements dans letravail, les modes de vie, l’évolution de la mobilité oudes déplacements.

Il y a d’ailleurs interdépendance entre ces deuxlogiques : si l’on veut analyser l’évolution des modes devie, c’est pour mieux comprendre comment les citadinsvont se comporter dans l’espace et ainsi de suite…

• Revenons maintenant vers le bas du tableau, c’est-à-dire vers les thèmes qui ne forment pas les gros contin-gents de la demande. Nous devons aussi en tirerquelques enseignements. Dans le bas de ce tableau,nous trouvons des thèmes qui sont peu abordés dansles questions ouvertes ou peu choisis dans la liste pré-établie.

Les thèmes délaissés : réseaux de villes, villeseuropéennes…Parmi les sujets peu demandés ou bien délaissés, il fautciter :

– l’adaptation des institutions locales et la gouvernance ;

– l’évolution des financements publics et de la fiscalité ;

– les réseaux de villes ;

– le fonctionnement des villes européennes ;

– les savoir-faire pour organiser la réflexion prospective ;

– les nouvelles technologies en matière de transport encommun ;

Graphique n° 5 : Correspondances entre les questions ouvertes et fermées

Les catégories issues des questions sont détaillées dans l’annexen° 5 – Tableau 5.3

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– le vieillissement de la population ;

– la voiture en ville ;

– l’évolution des attentes en matière de services auxménages.

Nous avons vu, dans le chapitre I, que les deux pre-miers sujets faisaient l’objet de beaucoup d’intérêt surle plan opérationnel. Ce sont des sujets intéressantmoins la prospective.La faible fréquence des quatre derniers sujets peut s’ex-pliquer par le fait qu’ils sont trop restrictifs dans leurformulation. Nos interlocuteurs considèrent parfoisqu’ils s’emboîtent dans les sujets plus généraux que sontles modes de vie ou les déplacements.Par contre, en ce qui concerne les réseaux de villes ou lesvilles européennes, ces sujets pouvaient être considérés, apriori, comme importants. En effet, dans le contexte del’internationalisation de l’économie et des sociétés, danscelui de la concurrence entre pôles urbains, ou encoredans celui de la recherche de complémentarités entrevilles pour atteindre un niveau critique dans le jeu de lacompétitivité, ces approches paraissent déterminantes.Force est de constater cependant que ces thèmes neferont pas recette auprès de notre auditoire et qu’il nefaut donc pas commencer par-là.• Enfin, les méthodes ou les expériences pour initier la

réflexion prospective au sein des collectivités locales nesont pas une préoccupation majeure des élus. Raressont en effet, les démarches engagées au sein des villessur ce sujet. Le Grand Lyon avec la démarche“Millénaire 3”, qui associe collectivités publiques,milieux économiques, milieux associatifs et société civi-le, fait peut-être office de précurseur. En tout cas, cequi ressort de notre enquête, c’est que les élus semblentavoir beaucoup d’intérêt pour les questions qu’ilsposent sur l’évolution de leur ville ou de la métropoledans laquelle ils sont inclus. Par contre, ils semblentbeaucoup moins intéressés par le fait de faire partagerce questionnement par les forces vives de la ville. N’est-ce pas une erreur ? En tout état de cause, on peut seposer la question de savoir si le Certu n’aurait pas unrôle à jouer pour faire émerger cette problématique.

• Privilégier les sujets généraux qui visent à mieux com-prendre l’évolution globale de la société urbaine audétriment de sujets plus sectoriels, telle semble être laconclusion qui s’impose au vu de cette enquête.Pourtant, les élus interrogés une seconde fois ne validentpas cette vision dichotomique des choses. Si certains sou-lignent que l’enjeu de prospective urbaine se trouve biendans les questions globales de société urbaine parce“qu’elles sont les moins développées et les moins partagées”,d’autres contestent que les questions plus thématiques, oubien ciblées sur des sujets précis, doivent passer au secondrang. Ils font valoir que questions générales et questionsconcrètes vont de pair, et que les élus ont besoin d’avoirdes réflexions sur des actions à caractère opérationnel.Nous retrouvons là le souci de pragmatisme déjà soulignédans le chapitre I à propos de l’intercommunalité. Lesélus rappellent “qu’ils ont besoin de connaître ce qui afonctionné ou ce qui n’a pas fonctionné” sur des sujetscomme la voiture en ville ou les services à la population.

Il faut prendre acte que l’on ne peut dissocier les sujets géné-raux des sujets opérationnels. Cela dit, comme nous sommesici dans une démarche de prospective, il faut aussi savoirtracer la frontière entre ce qui relève des interrogations surle futur et les inflexions possibles, et ce qui relève de la dif-fusion de savoirs techniques comme les évaluations d’ac-tions, qui sont nécessaires, mais qui appartiennent plutôtau registre des études comme l’a fait remarquer un élu.

4. L’échéance de la prospective pour les élus

Nous avons cherché à savoir à quelle échéance les élusplaçaient la prospective. Ou, dit autrement, à quelterme ils avaient besoin que l’on se projette pour avoirune bonne visibilité10. Les réponses se distribuent sui-vant deux types d’échéances assez significatives. Il fautpréciser que nos interlocuteurs n’ont pas tous choisi des’exprimer sur ce point.

Pour un premier tiers des réponses, la prospective va dumoyen terme (deux à trois ans), à une durée qui nedépasse pas dix ans. Pour moitié, ces réponses sont mêmeinférieures à cinq ans et nous pouvons dire qu’il y a iciune certaine assimilation entre prospective et prévision.Pour un second tiers, les réponses sont beaucoup plusgroupées et cohérentes entre elles : la prospective, c’est unhorizon à vingt ans. C’est-à-dire une génération, précisentcertains. Néanmoins, d’autres remarquent qu’“il faut dela prospective à vingt ans, mais que malheureusement cen’est pas parlant pour le grand public ”.Ce qui amène certains à dire qu’il faut deux tempspour la prospective. Un premier temps qu’ils situententre six à dix ans afin de rester “concret”, d’avoir unevisibilité que l’on peut se représenter matériellement afinde la partager avec d’autres élus ou le public. Puis ensui-te, un second temps, qu’ils situent à vingt ou plus, pourvoir venir des inflexions significatives, pour analyser lesgrandes mutations. En fait, ce groupe minoritairemarque l’ambivalence qui s’exprime entre la vision anti-cipatrice du décideur et la difficulté de communiquer àce niveau avec ce que nous pourrions appeler le “grandpublic”, qui, lui, ne se pose pas ce genre de question.Il est alors logique de rapprocher cette catégorie de laprécédente, car ses attentes en matière de prospective sesituent bien dans la tranche “vingt ans et plus”. Ce quimontre qu’une moitié des interviewés attend bien uneprospective à l’échéance d’une vingtaine d’années.La catégorie “vague” (six citations) rassemble les réponsesinexploitables, du type : “Je ne sais pas répondre à cettequestion”, ou “la prospective doit être permanente et glis-sante” ou encore “la prospective, c’est dès maintenant”.

CONCLUSION

Un certain nombre de résultats ont déjà été présentés àla fin des chapitres I et II que nous ne reprendrons pas

10 “Pour vous, à quelle échéance se situe la prospective urbaine ?” (Q212).

Inférieur Supérieur Double Réponse Total à 10 ans à 20 ans échéance vague des réponses

exprimées

8 8 4 6 26

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ici. Nous nous bornerons maintenant à approfondirl’interprétation sur quelques points parmi les plussignificatifs.

• Construire une vision collective ; pas de pensée doctrinale sur la ville

L’orientation générale du propos qu’on leur tient estimportante pour les élus locaux. Ils n’attendent pasqu’on leur “prédétermine” un avenir défini une fois pourtoutes. Ils veulent du débat loin de la pensée doctrinale.Ils souhaitent être éclairés sous plusieurs facettes ; rece-voir des informations diversifiées, voire contradictoires,afin de se faire ensuite leur propre idée à la vue de leurexpérience. D’où leur intérêt pour des textes courts,n’ayant pas le caractère de textes affirmatifs ; ils préfèrentdes textes sous forme de contributions qui reviennentrégulièrement éclairer le sujet… L’un de nos interlocu-teurs ne nous a-t-il pas dit que cela permettait, une foissur l’autre, de corriger ou de nuancer la vision ?Les élus veulent donc s’approprier leur sujet, non qu’onleur “mâche le savoir”. Ils veulent pouvoir ensuiteconstruire une vision collective, entre élus d’abord, avecla société civile ensuite.Souvent les techniciens ou les planificateurs posent lesproblèmes urbains comme des alternatives. La situationest de couleur jaune, mais la solution verte serait bienmeilleure, et il faut modifier les politiques dans ce sens.L’attente des élus ne se situe pas tout à fait sur ce mode-là. Il nous semble que l’on peut entrevoir dans cetteenquête un décalage entre la vision de l’élu et la vision dutechnicien. Cela rejoint d’ailleurs la démonstration qu’afaite Bernard Préel, sur un registre un peu voisin, en ren-dant compte d’une enquête d’opinion sur des quartiersde la ville. Il montrait que le groupe de techniciens avaitdes diagnostics ou prônait des solutions, qui étaient trèsdivergentes par rapport à l’opinion des habitants11.S’agissant du périurbain, par exemple, les élus locaux nerecherchent pas une alternative. Pour eux, c’est un fait.La question n’est pas de savoir quel modèle de ville il fautlui substituer. La question, pour les élus, est de savoircomment accompagner cette propension des habitants,mais aussi des entreprises, à investir aujourd’hui le terri-toire d’une certaine façon. Ils posent la question de nou-velles références à trouver, de savoir gérer ces tendances,mais aussi de faire émerger de nouveaux concepts quileur manquent. Leur problème n’est pas de faire de l’anti-périurbain ; laquestion pour eux est plutôt de construire des stratégiesde périurbain.

• L’opposition ville dense – ville étalée est un faux débat

Dans les réactions qui ont accompagné le deuxième ques-tionnaire que nous avons soumis aux enquêtés, plusieursélus ont tenu à rappeler que le débat ville dense/ville éta-lée est un faux débat et qu’il contribue à occulter les liensque toute ville centre a avec un arrière-pays plus ou moinsprofond. Ils refusent de “diaboliser” le périurbain enconstatant que c’est là que se jouent beaucoup d’enjeuxpour le développement des territoires urbains aujour-

d’hui. Insistant bien sur le fait qu’il n’est pas pertinentd’opposer la ville “dense et la ville “étalée”, ils indiquentque la question, aujourd’hui, est de “contrer les dyna-miques de déséquilibre” ; déséquilibres qui peuvent s’ex-primer de manière extrêmement diversifiée sur le plan fis-cal, dans la répartition des charges de centralité, à traversla ségrégation sociale ou spatiale, dans la qualité du cadrede vie, ou d’autres choses encore.Cela dit, si tous confirment dans leurs réponses audeuxième questionnaire, que la question de la villeaujourd’hui doit se gérer collégialement entre les élusd’une agglomération, des élus ont tenu à rappeler quel’un des problèmes actuels est l’absence d’un espace dedébat dans les agglomérations, capable d’initier cetteréflexion sur le modèle de développement. Certains vontplus loin en soulignant que le caractère désordonné dudéveloppement actuel du périurbain est imputable préci-sément à cette absence de stratégie collective. Ils relèventque cet espace de débat n’a été porté ni par les “formestraditionnelles des instances statutaires, ni par les diffé-rents organismes”. Il s’agit probablement d’inventerquelque chose de nouveau. L’émergence des nouvellescommunautés issues de la loi Chevènement en fournirapeut-être l’occasion. Il y a en tous cas matière à ques-tionnement sur laquelle nous reviendrons dans unmoment.

• S’inscrire à l’échelle des agglomérations

Autre point fort, il est clair sans conteste que la dynamiquedu développement des villes rend l’échelle des aggloméra-tions incontournable aujourd’hui. Nous devrionsd’ailleurs plutôt dire des “métropoles”, tant la dimensionétendue de la ville, incluant son bassin d’emploi et sonpériurbain large, est considérée comme significative pourcomprendre ou agir sur le phénomène urbain. Quel quesoit leur statut ou leur fonction, les élus que nous avonsinterrogés positionnent nombre de problématiques à cetteéchelle.Cela éclaire bien entendu la raison pour laquelle la “pen-sée” intercommunale nous est apparue dans une phaseascendante. Mais en même temps, c’est un changementde nature de l’intercommunalité qui se profile au fil desprises de position. N’est-on pas en train de passer d’uneintercommunalité de moyens à une intercommunali-té de stratégies ? Jusqu’à une période récente, l’inter-communalité consistait surtout à mettre en commun desforces pour développer des services ou des équipements. L’enjeu présent, qui nous paraît avoir été fortementexprimé au cours de cette enquête, c’est de parvenir à semettre collectivement d’accord, entre élus, sur les straté-gies à conduire et la nécessité d’agir ensuite tous deconcert. Sans que cela ait vraiment été dit explicitement,on peut alors se demander si les institutions intercom-munales sont vraiment adaptées à cela. Car c’est bien dela gouvernance des métropoles qu’il s’agit et l’intercom-munalité telle que nous la vivons aujourd’hui n’a pas étéconçue dans cette logique. Mais la nécessité de se situer dorénavant à l’échelle del’agglomération pour définir les stratégies urbaines ne

11 Bernard Préel, “Enquête Vivre le ville”, contribution diffusée lors du colloque du même nom, organisé par la Caisse des dépôts et consignationsà Paris, en janvier 1999.

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doit pas masquer d’autres réalités. Dans le retour audeuxième questionnaire, nous avons eu une confirma-tion à 100 % sur l’idée d’agglomération, mais beaucoupd’élus ont tenu à souligner que l’échelle de la stratégie etl’échelle de la réalisation ne sont pas les mêmes. La réali-sation oblige souvent à se situer à des échelles plus basses,proches du terrain. Pour eux, l’une des difficultés réside-ra dans l’articulation entre les deux échelles et ils insistentpour dire que la notion de subsidiarité doit progresseren même temps que l’intercommunalité. Certains pen-sent que cette question est aujourd’hui trop sous-évaluéeet que l’enjeu pour demain est de l’approfondir.Dans un autre registre, ils posent aussi la question de ladémocratie au niveau de l’agglomération. Il faut que lesinstances communautaires soient élues au suffrage uni-versel : les nouvelles structures doivent avoir la légitimitéélective et la nécessité du contrôle démocratique enretour.Nous avons souligné plusieurs fois dans le cours de l’étu-de que notre échantillon, assez restreint, n’était pas repré-sentatif de la population nationale des élus locaux. Pourêtre tout à fait objectif dans l’interprétation, il faut rappe-ler que les personnes interviewées l’ont été plutôt dans despostures d’“expert”, compte tenu de la manière dont ellesont été choisies. De ce fait, leur implication dans l’inter-communalité était supérieure à la moyenne, ce qui pou-vait influer sur les opinions que nous avons recueillies.Pourtant, cette prise de conscience selon laquelle l’échel-le de l’agglomération est devenue incontournable pourtraiter nombre de problèmes urbains semble bien pro-fonde. La récente enquête menée à l’occasion du débatnational sur la ville a bien montré que l’agglomérationémergeait, pour les élus comme pour le public, commeune nouvelle entité à prendre en compte12.

• Approfondir la vision du modèle de développement

Venons-en aux sujets de prospective qui sont attendus.Nous avons vu que deux grands axes émergeaient dulot.Le premier porte sur ce qui ressort souvent sous l’appel-lation de “modèle urbain”. Il s’agit, nous l’avons dit, dece qui a rapport à la forme et à l’organisation de la villedans sa grande extension. La question qu’il faut mettreen exergue ici est qu’un certain nombre d’élus locauxsont en recherche de références, d’images, de recettespour traiter et gérer les espaces particuliers issus del’étalement urbain. Ils savent bien que les concepts tirésde la ville dense ne sont pas opérants, que l’on ne peutpas les transporter dans ces nouveaux tissus urbains, queles attentes sociales portent aussi à trouver d’autresimages références. Ils souhaitent donc que l’on puisseapprofondir la vision du modèle de développement pourintégrer cette dimension.Cette question des nouvelles images de références àtrouver pour agir dans les espaces de la ville périphé-rique est aujourd’hui, nous semble-t-il, un enjeu impor-tant pour la définition des politiques urbaines, à la foisau niveau de la ville traditionnelle et au niveau du péri-urbain.

Dans une autre direction, l’un des interviewés, au coursdu questionnaire complémentaire, souligne que le déve-loppement durable est une problématique qui préoccu-pe aujourd’hui les décideurs publics. La question est desavoir ce qui fait la “durabilité” d’un modèle de dévelop-pement, dans le contexte des agglomérations telles quenous les connaissons aujourd’hui.

• Les évolutions de la société urbaine, ses rapports à la commune,ses rapports à l’espace

L’autre axe que nous avons mis en évidence concernetoutes les questions sur les mutations de la société urbai-ne et les comportements. Les aspirations en termes demode de vie, l’utilisation du temps libre, l’évolution de lamobilité, l’exercice de la liberté individuelle, l’évolutiondes modes de consommation où l’on dit que le consom-mateur est devenu “zappeur”, tout cela interpelle beau-coup les élus. Nous pouvons aussi ranger dans cetterubrique leurs questionnements sur les désirs d’habitat,dont ils subodorent que les choses peuvent encore bouger.Les élus se posent ainsi beaucoup de questions poursavoir comment tout cela va évoluer. Mais ce qu’il nousparaît important de souligner ici, c’est l’interdépendanceentre les deux groupes de questions.Ces interrogations sur l’évolution de la sociologie de laville les intéressent parce qu’ils en attendent des élémentsde réponses dans leur métier de décideurs d’une part, surla manière dont population et agents économiques vontse distribuer dans l’espace d’autre part. Ce sont lesmarges de manœuvre du maire ou du président de l’en-tité d’agglomération, face à ce qu’ils ressentent commeune certaine “volatilité” de toutes ces fonctions dans l’es-pace, qui font l’objet de l’interrogation. Les relationsentre société urbaine et espace sont au cœur du débat.

• Les inquiétudes sur l’homogénéité de la société urbaine

Nombre de propos ont été tenus au cours de cetteenquête sur le risque de quartiers définitivement margi-nalisés, sur la crainte de l’instauration d’une ville dura-blement à deux facettes – celle qui est intégrée à la socié-té globale et celle qui est en dehors des réseaux écono-miques, culturels… –, sur la peur de ne pas savoir conte-nir la montée de l’incivilité ou de l’insécurité, etc. Cesinquiétudes, bien réelles même si elles ne représententpas le gros des déclarations que nous avons recueillies,nous paraissent importantes à noter : ne posent-elles pasen arrière fond des problématiques qui pourraient avoirbeaucoup d’influence sur les politiques liées à l’espace ?

• L’environnement : cadre de vie ou traitement des pollutions ?

Un mot encore sur la notion d’environnement. Il y aplusieurs acceptions qui sont contenues dans ce mot,riche de sens. Mais il nous semble que nous pouvonssouligner une chose. De manière implicite, les questionsliées au traitement des nuisances sont supposées pouvoirêtre résolues assez bien ; ce n’est pas là que se situe lademande, mais plutôt sur les conditions qui font l’at-tractivité d’un territoire ou au contraire sa répulsivité.

12 Débat national “Habiter, se déplacer, … vivre la ville” organisé par le ministère de l’Équipement. Enquête audiovisuelle auprès de 450 per-sonnes, réalisée par l’institut Médiascopie, Le Monde du 23 juin 1999

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Que ce soient les critères pour qu’un territoire soit vécucomme beau, comme agréable à vivre, ou que ce soitl’environnement général de la ville, amenant telle ou telleentreprise à convaincre son personnel d’y venir, ou enco-re que ce soit le bruit faisant fuir les habitants, la ques-tion récurrente de cette enquête porte sur les critères quifont qu’un espace est éligible ou non pour un certainnombre de gens ou d’acteurs.“Rien n’est jamais définitivement acquis dans cedomaine”, semblent dire nos interlocuteurs, car leniveau d’exigence évolue. Là aussi, y a-t-il risque quedes territoires captent les fonctions urbaines, et qued’autres ne les attirent plus ?

• L’avenir des villes est affaire de débat, non de modélisation

Enfin, s’il fallait trouver le mot de la fin à cette enquê-te, nous pourrions simplement souligner que l’enjeu dela prospective sur la ville, pour les élus cela s’entend,c’est d’abord et avant tout, de se créer entre eux uneculture, la plus commune possible, sur les grandesmutations probables.L’autre challenge, c’est ensuite d’arrêter des stratégiescollectives entre élus de la ville centre, des communesappelées traditionnellement “banlieue” et des com-munes rurales “rurbanisées”, mais cela relève moins de laprospective…Le deuxième questionnaire soumis aux enquêtés nous apermis de recueillir d’utiles précisions. D’une part, plusieurs élus soulignent que la collégialitéentre élus est une condition nécessaire, mais non plussuffisante. Pour construire un projet de ville valableaujourd’hui, il faut aussi associer les citoyens dans unelarge concertation. Il faut ensuite mobiliser les acteurssociaux et économiques, car projet de ville et développe-ment économique ou social ne peuvent pas être séparés.D’autre part, la loi des fréquences nous avait fait consi-dérer que l’art d’enclencher un débat prospectif avec lesforces vives des agglomérations n’apparaissait pas commeune question très prioritaire. Ce qui a fait réagir enretour plusieurs de nos interlocuteurs qui considèrent aucontraire que cette question est fondamentale. Nousl’avons vu il y a un instant, quand certains pointent l’ab-sence d’un espace de débat dans les agglomérations.Nous comprenons mieux cette nécessité d’une démarchepédagogique et interactive quand les élus montrent quela collégialité à leur niveau n’est pas suffisante. Les réac-tions à la deuxième phase de l’enquête indiquent deuxdirections : premièrement, l’enjeu sur l’intercommunali-té est autant un problème de construction d’un projetque de changement des mentalités et des habitudes detravail ; deuxièmement, le volet communication est unepièce inaliénable de toute démarche prospective sur uneagglomération.La communication, l’échange et la pédagogie sont donctout aussi importants que le fond. Nous pourrons peut-être trouver un prototype de cet art d’enclencher ledébat prospectif à travers la démarche Millénaire 3 ini-tiée par le Grand Lyon où les deux maîtres mots sontdiffusion de l’information et interactions entre tous lesmilieux de la société civile.

“Voici une liste de thèmes de prospective, pouvez-vousme dire les trois ou quatre sujets que vous aimeriezvoir abordés en priorité ?”(question fermée ; choisir trois ou quatre sujets)

A – le vieillissement de la population

B – l’évolution du temps de travail et les modes de vie

C – les migrations de population entre ville et campagne

D – les équilibres entre communes centre et communes de banlieue

E – la voiture dans la ville

F – l’évolution des déplacements urbains

G – les entreprises et la ville

H – l’impact des nouveaux réseaux de télécommunications

I – l’évolution des attentes en matière de services aux ménages

J – les attentes en matière d’habitat

K – la démocratie au quotidien

L – la sécurité dans les villes

M – les problèmes d’environnement (bruit, pollution, nuisances)

N – les nouvelles technologies de transport en commun

O – le fonctionnement des autres villes européennes

P – les réseaux de villes

Q – comment organiser la réflexion prospectiveau sein d’une commune ?

Encadré n° 2 : Liste des sujets de prospective proposés aux interviewés, à la question Q 231

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L’histoire de Millénaire 3 reste à écrire. Ce modeste texten’a que l’ambition de rappeler, du point de vue de l’au-teur, la commande politique initiale, la façon dont laMission “Prospective et stratégie d’agglomération”,constituée à cet effet, y a répondu et les suites (jusqu’àaujourd’hui) qui ont été données à la mise en œuvre duProjet de l’agglomération lyonnaise “21 priorités pour leXXIe siècle : une agglomération compétitive et rassem-blée” 2 issue de cette démarche prospective participativequi se voulait aussi permanente.Dès son arrivée aux affaires lyonnaises en 1995,Raymond Barre (Maire et Président de la CommunautéUrbaine) se rend compte qu’“il n’y a personne, parmitous les fonctionnaires de la Communauté Urbaine, quiréfléchisse à l’avenir”. Un audit commandé à laCEGOS, rendu fin 1996, pointe la même carence etpréconise la constitution d’une petite équipe prospecti-ve et stratégique. La décision est prise au printemps1997 de créer la Mission Prospective et stratégie d’ag-glomération (MPSA), “mini DATAR ou Commissariatgénéral au Plan”, comme l’appellera Raymond Barre lui-même.La composition est prédéterminée par deux principes : ilfaut un Lyonnais et un non-Lyonnais (esprit d’ouvertu-re), un économiste et un urbaniste (esprit de pluridisci-plinarité). Jean-Loup Molin est l’économiste lyonnais etmoi-même l’urbaniste non-lyonnais. Cette petite équipeest placée directement auprès du Directeur général desServices et a donc une vocation transversale large, à ladifférence de l’équipe de l’Agence d’urbanisme qui, dansles années 1980, avait conduit la démarche “Lyon 2010”,projet d’agglomération précédant la révision du SchémaDirecteur, donc préorientée “aménagement, transportset urbanisme”.Elle travaillera dans ce que j’appelle un “carré magique”.En effet, tous ses travaux seront orientés, définis, validéset contrôlés par le Président Barre lui-même (au moinstous les six mois), par le Vice-Président JacquesMoulinier en charge de la stratégie d’agglomération aumoins chaque semaine, par le Directeur général desServices, Guy Barriolade, et par le Directeur adjoint duCabinet du Maire et Président, chargé des affaires de laCommunauté urbaine, Jean-Louis Helary, presque tousles jours.

La démarche Millénaire 3 est lancée officiellement le1er décembre 1997 par la réunion du Comité des sagesdont s’est entouré Raymond Barre. Il s’agit de dix per-sonnalités (cinq lyonnaises, cinq non lyonnaises, toujourscet esprit d’ouverture et de pluridisciplinarité), chargéesd’accompagner la réflexion prospective tout au long deson déroulement, en émettant visions, suggestions et avissur le devenir de la métropole lyonnaise et sur les travauxconduits par la Mission Prospective. Leur assiduité etleurs apports seront variables et liés à leur responsabilitéprofessionnelle laissant plus ou moins de disponibilité.Les interventions de Régis Neyret, François Jullet et sur-tout de Jean Boissonnat et Jean-Baptiste de Foucaultimprégneront et orienteront particulièrement la réflexioncollective. Ce jour-là, Raymond Barre a défini très claire-ment sa commande politique et ses conseils méthodolo-giques en posant deux questions et en proposant deuxpréconisations très simples dans leur énoncé :

• Question 1 : Comment faire pour que Lyon ne soit pas ànouveau déclassée dans la compétition des villeseuropéennes ?

• Question 2 : Comment faire pour améliorer la cohé-sion sociale de l’agglomération lyonnaise, particulière-ment ségréguée socio-spatialement ?

• Préconisation 1 : Ne pas faire de prospective enchambre, ouvrir les fenêtres sur la société civile et faireparticiper à la réflexion toutes les bonnes volontés dis-ponibles à la construction collective d’un projet, seulefaçon de tendre à un maximum de cohésion sociale.

• Préconisation 2 : Ne pas se comparer aux autresagglomérations françaises, cela n’a aucun intérêt, maiss’ouvrir largement aux comparaisons européennes,seules en mesure de nous aider à répondre au défi dela compétitivité.

Forte de ce viatique précis et mobilisateur, la MissionProspective a imaginé, inventé ce qu’a été la démarcheMillénaire 3 : une prospective sociétale, au-delà descompétences et des limites géographiques de l’institutionqui l’a portée, avec l’objectif de construire collectivementun projet d’agglomération permettant de résoudre lesdéfis (à définir ensemble) à relever pour répondre auxdeux questions posées ci-dessus.

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MILLÉNAIRE 3, LA DÉMARCHE PROSPECTIVE ET PARTICIPATIVE DU GRAND LYON

Patrick Lusson1 – Octobre 2004

1 Patrick Lusson a été, jusqu’au 30 septembre 2004, Chef de la Mission puis Directeur de la prospective et de la stratégie d’agglomération au GrandLyon. Il est actuellement Directeur de la Prospective à la Région Rhône-Alpes.2 L’intégralité de ce projet d’agglomération figure en annexe de ce document.

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• Pour la prospective participative :

– Des cahiers de prospective (30 à ce jour) destinés àprésenter les enjeux du thème abordé avant lesréunions, et envoyés à l’avance aux participants inscritsaux réunions.

– Des journées de prospective mensuelles, ouvertes àtous, animées par Bernard Devez, un grand profession-nel de la prospective (ancien de la COFREMCA qui achoisi, début 1998, de relever le défi de l’animation detels débats de prospective), avec un rituel type : exposéde la question traitée par un spécialiste, universitaire ouchercheur, pendant moins de 30 minutes ; 4 ou 5répondants (10 minutes chacun) grands Lyonnais ou“Rhônalpins” expérimentateurs ou innovateurs sur laquestion traitée ; questions-réponses entre les interve-nants ; débat avec la salle (ce temps de débat étant d’aumoins 1 h 30 sur les 3 heures des réunions publiques,l’animateur et la préparation avec les intervenants legarantissant toujours).Chaque journée donnait lieu à un compte rendu,rédigé par un journaliste et à des “jalons”, l’essentielde ce que nous retenions des débats précédents, rédi-gés à partir du compte rendu par la petite équipe dela Mission et lus (et éventuellement amendés) par leDirecteur général des Services à l’ouverture de la séan-ce suivante. Ces “jalons” ont été, séance après séance,les véritables briques fabriquées collectivement duprojet d’agglomération.

Il m’apparaît que la “réussite” de Millénaire 3 résidedans cette construction collective du projet, pas à pas,grâce au climat de confiance créé par l’état d’esprit d’ou-verture de Raymond Barre (au Directeur général desServices qui lui faisait remarquer un jour que les résul-tats des réflexions étaient “un peu de gauche”, il auraitrépondu : “Vous ne pensez tout de même pas que je suisun homme de droite ?”) et de Jacques Moulinier, et parla logistique de l’opération. Les participants avaient lesentiment que rien n’était joué d’avance, qu’ils étaientécoutés et entendus individuellement, le rôle de la puis-sance publique étant de rassembler et de proposer uneinterprétation et une position collective en pointantéventuellement les désaccords.

– La lettre Millénaire 3 rendait compte deux foispar an de l’avancement du projet à un public pluslarge.

– Le site “millénaire3.com” a présenté l’intégralité desapports, des débats et des réflexions à un plus largepublic francophone à partir de l’automne 1998. Seulsles travaux européens donnent lieu à des textes enanglais.

À l’automne 1998, après les dix premiers thèmes deprospective, les défis ayant été validés par le Comité dessages, des groupes de prospective plus classiques ontimaginé les réponses possibles à ces défis sous formed’axes stratégiques (20 personnes dans chaque groupeanimé par un professionnel de la prospective venu debureaux d’études variés : Futurouest, GERPA,“Progectives”, COFREMCA…).

• Pour l’ouverture européenne :

Le Grand Lyon a initié fin 1998 un groupe de travail dansle cadre des Eurocités, “Stratégies de Développementdes Métropoles européennes”, et a ainsi mobilisé pen-dant deux ans quinze agglomérations qui ont échangé surleurs stratégies de développement mais surtout sur leurfaçon de les élaborer. Ce travail a donné lieu à des news-letters, très demandées et lues par les élus en particulier, àun rapport final et à un colloque européen dans le cadredes “Assises de la métropole” en septembre 2000. Lesexemples européens ont continuellement interrogé laréflexion lyonnaise et généré des voyages d’études duPrésident Barre et de ses principaux vice-présidents et col-laborateurs à Barcelone (organisation de la réflexion pros-pective et stratégique permanente) et à Stuttgart (organi-sation du gouvernement métropolitain élu au suffrageuniversel). Chaque agglomération a ainsi permis demettre à disposition du projet grand lyonnais des élé-ments de méthode et des projets d’équipements ou d’évé-nements leviers potentiels de son développement.Dans la dernière phase de la démarche (automne 1999-printemps 2000), des groupes dits “de stratégie”, présidéspar les principaux vice-présidents de Raymond Barre –Jacky Meyer (RPR), Jacques Mouliner (UDF), HenryChabert (RPR noiriste), Christian Philip (UDF) et Jean-Jack Queyranne (socialiste) – se sont approprié les résul-tats et ont proposé des actions concrètes qui ont fait les“21 propositions” respectivement dans les domaines dudéveloppement durable, du développement écono-mique, de l’aménagement, de la gouvernance et de lacohésion sociale.

En juillet 2000, le Comité des sages validait après les avoirdiscutées et amendées les “21 priorités” qui seront adop-tées (à l’unanimité, moins les voix du FN) en septembre2000 à l’issue des Assises de la Métropole, par un Conseilde Communauté Urbaine hors les murs (puisque setenant exceptionnellement au Palais des Congrès dans lafoulée du Colloque européen sur les stratégies de déve-loppement des villes européennes) en présence de 800 despersonnes qui avaient à un moment ou un autre partici-pé à cette “belle aventure” collective. Avant de quitter lascène politique en mars 2001, Raymond Barre nous dirasa gratitude pour “l’avoir aidé à ouvrir l’huître lyonnaise”.Ce projet a ensuite permis la création du conseil de déve-loppement le plus largement ouvert à la société civile enFrance, puisque le Collège des membres volontaires estaccessible à tous les citoyens qui souhaitent y travailler. Ila servi aussi largement de “think tank” aux programmespolitiques des équipes candidates aux élections munici-pales de Lyon, peut-être surtout à celui de GérardCollomb qui s’était personnellement intéressé à ladémarche depuis le début et l’avait fait suivre par unmembre de son équipe du IXe arrondissement dont ilétait maire durant la mandature Barre (1995-2001), lui-même présidant alors la Commission Développementéconomique du Grand Lyon.

La réalité de la majorité de gestion mise en place parRaymond Barre et reprise par G. Collomb après ses élec-tions à la mairie de Lyon puis à la Présidence de laCommunauté Urbaine, a permis à la nouvelle majorité de

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ne pas renier cet héritage légué par la précédente équipe,mais d’élaborer son plan de mandat 2001-2007 dans ledroit fil des “21 priorités” et des propositions de“Millénaire 3”. Comme l’a affirmé G. Collomb dans lesminutes qui ont suivi son élection à la Présidence duGrand Lyon : “Maintenant on va faire Millénaire 3” (sous-entendu : “Raymond Barre l’a pensé, je vais le réaliser”). Aussi Jean-Jack Queyranne, 1er vice-président au GrandLyon, en charge de la stratégie et de l’élaboration duPlan de Mandat, a-t-il écrit aux 55 maires et aux 37vice-présidents en leur envoyant les “21 priorités pourle XXIe siècle” et en leur demandant de lui faire remon-ter leurs priorités en tenant compte de la vision longterme du Projet d’agglomération.

Charte de la participation, “Espace des temps”, gouver-nance économique au bénéfice de développement,grands équipements, retrouvailles avec le fleuve (Bergesdu Rhône), aménagement pour les modes doux de cir-culation, grands événements culturels, festifs et inter-nationaux, Agenda 21 novateur car dépassant la seuleliste de bonnes intentions, tramway de l’est lyonnaisvers Saint-Exupéry, cancéropôle, stratégie internationa-le (présidence des Eurocités en 2006) … Tous ces pro-jets déjà mis en œuvre ou en cours de réalisation relè-vent ainsi de cette démarche qui a remis en branle l’ag-glomération lyonnaise en 1997 avec l’objectif de relan-cer son développement au service de ses habitants, deleur cadre de vie en plaçant l’“Homme au cœur de sonprojet”.

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“En lançant la démarche Millénaire 3, je pensais que monrôle d’homme politique était de fixer clairement le cap àsuivre, d’affirmer, sur la durée, une volonté de construire unprojet d’agglomération qui soit une véritable vision poli-tique, mais aussi de m’appuyer sur les acteurs, forces vives etsociété civile, pour nourrir le processus d’élaboration du pro-jet, redonnant de la sorte toute sa place au débat publiccontradictoire. Rôle prééminent du politique et ouverturesur la société sont indissociables. Que l’un des deux termesde l’équation soit abandonné, et c’est tout le processus quis’arrête.”

Raymond Barre

1. POURQUOI UN PROJET D’AGGLOMÉRATION ?• La nouvelle donne

Le contexte d’unification européenne, de mondialisa-tion des échanges et de renouvellement des technologiesest porteur de nouvelles perspectives de développementéconomique, social et culturel pour l’agglomérationlyonnaise. Mais aussi de risques.L’avenir n’est pas écrit à l’avance, il se construit. Pourcela, il faut à la fois s’efforcer de comprendre le mondeen devenir, d’identifier les opportunités et les contraintesqui se présenteront demain, et bâtir en conséquence unestratégie d’actions à moyen terme, se développant dansdeux directions…

• Une action collective au service de l’avenir

D’une part, un effort permanent de conception d’une citéinnovante, équilibrée et où il fait bon vivre, doit êtreconduit. Les actions en faveur de l’enseignement, de laculture et des loisirs, le plan des déplacements urbains, lapolitique de revitalisation des quartiers et toutes les actionsde proximité témoignent de cette volonté collective.D’autre part, l’agglomération lyonnaise, qui a les moyensde jouer un rôle international, doit faire preuve d’ambi-tion européenne pour l’avenir. À cet égard, le développe-ment des coopérations avec les grandes villes de Rhône-Alpes, mais aussi avec Genève, Marseille, Turin,Barcelone et Gênes est essentiel. Ces deux objectifs, loin de s’opposer, sont au contrairecomplémentaires. En effet, le rayonnement ne se décrètepas ; il est le fruit d’une société locale à la fois solidaire etentreprenante, inventive, ouverte, une société multiple eten mouvement.

Les évolutions de la société lyonnaise doivent donc êtrefavorisées afin qu’elles acquièrent un sens collectif, pourenrichir l’identité de l’agglomération et concevoir unprojet stimulant pour tous. Voilà pourquoi, à la veille du troisième millénaire, laCommunauté urbaine a pris l’initiative d’une granderéflexion sur l’avenir de l’agglomération, dont lechamp d’application dépasse ses compétences et sonterritoire, et auquel elle a proposé d’associer tous lesacteurs de la métropole lyonnaise. Cette démarche bap-tisée “Millénaire 3” a identifié les grandes évolutions de lasociété, l’émergence des nouveaux besoins, mais aussi lesdysfonctionnements et les rigidités internes à l’agglomé-ration lyonnaise qui freinent les adaptations nécessaires etpeuvent conduire à des blocages voire des … ruptures.

• Mobiliser les énergies autour de quelques visions simples et fortes

La réflexion a impliqué les élus et les services du GrandLyon autour de la mission Prospective et Stratégie d’ag-glomération chargée d’animer la démarche “Millé-naire 3”, mais aussi leurs partenaires, de nombreux habi-tants de l’agglomération, ainsi que des experts dont le rôleétait de bousculer les certitudes pour aider à construire lesvisions d’avenir à la fois ambitieuses et réalistes sans les-quelles les actions futures manqueront d’impact. Lesdébats menés au cours de nombreuses réunions ont étériches et ouverts, et en même temps ils ont fait émergerun grand nombre d’idées simples, communes à tous,jouant pleinement leur rôle de mobilisation des énergies.

• L’homme au cœur de la réflexion et du projet d’agglomération

Le thème de l’homme a été retenu pour servir de filconducteur à l’ensemble de la démarche et de laréflexion, et ce pour trois raisons :

– au moment où l’agglomération lyonnaise s’engagedans le troisième millénaire, il est essentiel qu’elle aitconscience de son identité et des valeurs qu’elle peutmobiliser pour construire son avenir. Or, l’humanis-me est un des éléments de l’identité lyonnaise ; unhumanisme pluriel, composé de sensibilités diverseset capable d’ouverture ;

– la mondialisation des échanges et les progrès extraor-dinaires des technologies de l’information et du vivantsont des mouvements irréversibles qui bouleversent lesbases de notre économie et de notre société. Il enrésulte un peu partout des craintes légitimes, qui se

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ANNEXE : LE GRAND LYON, UNE AGGLOMERATION COMPÉTITIVE ET

RASSEMBLÉE, “21 PRIORITÉS POUR LE XXIe SIÈCLE”

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traduisent par des réflexes de repli sur les communau-tés, ou encore par des attitudes de méfiance à l’égardde l’Europe. Cela invite à replacer l’homme et ses pré-occupations au cœur de la réflexion et des projets ;

– enfin, nous entrons dans l’ère de l’information. Ladynamique économique est fondée d’abord sur la valo-risation de l’intelligence et l’innovation. L’expression“il n’y a de richesse que d’hommes” n’a jamais été aussivraie. C’est sur la mobilisation des hommes et de leurspotentiels qu’il faut bâtir la stratégie.

Telle est l’ambition qui nous guide dans la démarche“Millénaire 3”.

2. LA DÉMARCHE PARTICIPATIVELe travail de démythification de la prospective, qui nedoit plus être réservée aux seuls experts, a été au centrede la démarche Millénaire 3.Quand a été engagée en décembre 1997 l’élaborationd’un projet d’agglomération centré sur l’homme afind’identifier les défis que l’agglomération doit relever pourtenir la place qui doit être la sienne à l’entrée du 3ème mil-lénaire, mais aussi les freins, les obstacles, les risques derupture à surmonter pour réussir ce positionnementinternational, personne ne s’attendait à une telle récepti-vité, à une telle mobilisation, à une telle appropriation,même si tous les espéraient vivement. Que ce soit lors des journées de prospective dont l’objec-tif était d’aborder les principaux problèmes de société àaffronter, ou à l’occasion des réunions des groupes de tra-vail chargés d’élaborer des propositions de stratégies deréponse aux défis, puis des politiques concrètes à mettreen œuvre, la démarche participative a suscité l’intérêt etl’adhésion de nombreuses personnes. Elle a été menée en partenariat avec tous les groupesreprésentatifs de la diversité de notre agglomération :mondes institutionnel, économique, universitaire, asso-ciatif, sans oublier les agents du Grand Lyon, afin de bâtirune histoire et une culture communes. C’est ainsi queplus de 1 500 personnes ont donné de leur temps, appor-té leur pierre à la réflexion collective et permis de faireémerger des vues d’avenir communes. Grâce à cette par-ticipation exemplaire, un lieu de débat citoyen, qui man-quait à la métropole, a été créé. Et la dimension collectiveet partagée de la démarche ne s’arrêtera pas là.

Parallèlement, des entretiens permettant de recueillirles sentiments des principaux responsables institution-nels de l’agglomération sur les propositions de straté-gies de réponse, ont permis d’associer formellement à ladémarche les partenaires importants que sont l’État, leConseil régional, le Conseil général, l’Université, lesChambres consulaires, le patronat, les syndicats, lesmondes culturel et cultuel.

La lettre Millénaire 3, support de communication régu-lier diffusé aujourd’hui à plus de 7 000 exemplaires,rend compte de l’avancement de la démarche et estouverte aux expériences, projets et initiatives similairesmenés dans d’autres lieux, par d’autres organismes oud’autres individus.

Les cahiers “Millénaire 3”, dont l’objectif est de donnerà tous une base commune de connaissance sur lesgrandes thématiques explorées, sont un autre moyen departage de l’information et d’expression des points devue, en versant au débat des textes de référence ou desétudes spécifiques pour chaque thème. Enfin, depuis septembre 1998, le site www.millenai-re3.com offre un forum citoyen, lieu d’expression et dedébat permanent.

De nombreuses autres agglomérations européennes seposent aussi aujourd’hui la question de leur stratégie dedéveloppement.C’est pourquoi à l’initiative de Lyon, un groupe de travaila été mis en place dans le cadre des Eurocités. Il s’agit deconnaître et de mieux comprendre les démarches enga-gées dans les grandes villes européennes afin qu’elleséchangent leurs expériences, apprennent les unes desautres et ainsi capitalisent leurs savoirs et savoir-faire pourêtre mieux armées individuellement et collectivement.Les 15 “newsletters” Métropoles européennes en projet,diffusées à 6 000 exemplaires présentent les stratégiesde développement des villes ayant participé à cetteréflexion des “Eurocités”.

3. LE PROJET • Une démarche collective permanente pour un projet partagé

Les résultats de la réflexion résumés en cinq axes straté-giques montrent que les attentes se portent autant sur le“Comment faire ?” que sur le “Que faire ?”. Il n’y a pas eneffet de recettes miracles. Le projet d’agglomération estune construction permanente, et, pour l’adapter auxmutations en cours mais surtout à venir, l’essentiel est depermettre aux aspirations, aux projets et aux ambitions dese concrétiser. Il ne s’agit donc pas simplement d’appor-ter des réponses toutes faites aux défis du futur, mais plu-tôt d’initier et d’alimenter une démarche, une manière deconstruire et d’organiser les conditions collectives de l’éla-boration du débat public, les citoyens devenant partiesprenantes du processus.C’est une révolution que nous, élus ou fonctionnaires,engageons, particulièrement en tant que puissancepublique, en reconnaissant que nous n’avons pas la solu-tion à tous les problèmes mais que notre mission est d’ai-der à imaginer et à mettre en œuvre des solutionsconstruites collectivement. Cela implique de prendre desrisques, de faire confiance, ce qui n’est pas toujours faci-le pour les “responsables” que nous sommes. Et celademande surtout une inversion de notre système de pen-sée, puisque, dans le cadre des axes stratégiques, nousdevenons des médiateurs, des “metteurs en réseau”, desagents de développement permettant de construire col-lectivement des réponses spécifiques à des questions uni-verselles plutôt que des responsables détenant la vérité etdécidant en lieu et place des acteurs. Après avoir été des pourvoyeurs de services urbains etdes aménageurs du territoire, nous devenons désormaisaussi des inspirateurs et des facilitateurs du développe-ment global, soucieux de croissance économique pouravoir les moyens de nos ambitions, mais aussi de cohé-

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sion sociale, donc de créations d’emplois et d’actionstendant à renforcer le lien social. Dans le même temps, nous devons veiller à améliorer laqualité environnementale de la cité pour la rendre plusagréable à vivre et donc plus attractive. Le thème de l’Homme retenu comme “fil rouge” denotre démarche est particulièrement adapté à cetteambition. Nous devons à la fois reconnaître les indivi-dus et leurs projets, et construire un grand dessein col-lectif aspirant à promouvoir une vision humaniste de laville. Cela permet de redonner du sens à l’actionpublique. Le besoin d’un vrai projet politique est uneaspiration largement partagée dans notre monde enprofonde mutation. Les trois ans de la démarche ont montré que l’aggloméra-tion lyonnaise et ses habitants possèdent à la fois lesmoyens et la volonté de construire un avenir réussi,ouvert sur le monde et répondant aux aspirations de tous.

Carte n° 1 : Le carrefour lyonnais, du Diamantalpin à l’Arc méditerranéen

a) Une agglomération ouverte aux cultures et aumonde reconnaissant l’Homme dans sa culture,son identité et son histoire personnelle

Retrouver le sens d’un dialogue direct entre les culturessera un des grands enjeux de l’humanité dans les annéesà venir. Aujourd’hui, cette ouverture est un facteurmajeur de cohésion sociale. Plusieurs centaines de mil-

liers d’habitants d’origines ethniques, culturelles, reli-gieuses et nationales diverses sont présents depuis desannées ou des décennies dans l’agglomération et s’yenracinent. Ce n’est que si chacun adopte une attituded’ouverture, de dialogue et de reconnaissance des cul-tures et des différences que cette mutation rapide, sou-vent brutale, sera enrichissante et bénéfique pour l’ag-glomération lyonnaise, et non-facteur de tensions voirede ruptures au sein de la société lyonnaise.C’est aussi une condition essentielle du développementéconomique de la région lyonnaise. Dans toute son his-toire, Lyon n’a jamais autant rayonné que lorsqu’elle s’estouverte au monde. À l’heure de la mondialisation, aucu-ne entreprise ne peut assurer le succès international de sesactivités sans s’ouvrir et s’adapter aux cultures de ses dif-férents partenaires étrangers. La capacité à dialoguer avecd’autres cultures devient un enjeu central pour l’entrepri-se tout entière et pas seulement pour l’équipe dirigeante. Enfin, l’ouverture culturelle de la société lyonnaise estindispensable pour que notre métropole attire et retienneles élites économiques, intellectuelles et culturelles, lescréateurs de toutes sortes et les entrepreneurs, les per-sonnes qui sont à la pointe du changement social et cultu-rel ; bref, toutes celles et tous ceux qui peuvent contribuerà faire de Lyon une métropole en phase avec son temps.

• Une métropole intégratrice

Le chemin de l’intégration est long. Il passe d’abord parl’insertion qui s’appuie sur la reconnaissance des his-toires personnelles, des mémoires, des identités et desdifférentes cultures.Les politiques sportives, culturelles et socio-éducativessont des leviers puissants de cette intégration progressive.La mise en œuvre de la loi Chevènement par laCommunauté urbaine offre une opportunité nouvelle dedéfinir des politiques sportives, culturelles et socio-édu-catives d’agglomération en faveur de cet objectif. Lecentre Maguy Marin à Rillieux-la-Pape, les projets ducentre de formation aux Arts de la rue de Zanka àOullins, de l’Escale (Peuplements et migrations) à Vaulx-en-Velin, ou du Quai des Ludes (ludothèque et centre deformation aux métiers du jeu) à Lyon, sont des exemplesparmi beaucoup d’autres de ce qui doit être encouragé.

• Une métropole internationale reconnue

L’agglomération lyonnaise constitue un pôle de dévelop-pement à vocation européenne et internationale et pré-sente un intérêt stratégique majeur pour la RégionRhône-Alpes (le réseau des huit villes-centres constitueune armature urbaine forte et un atout de la région enEurope) et pour la France en Europe (Diamant alpin :Lyon – Genève – Turin ; Alliance méditerranéenne :Lyon – Marseille – Barcelone – Gênes ; réseau desEurocités). Son positionnement et son rayonnementinternational passent par :

– le renforcement de son potentiel scientifique et uni-versitaire notamment dans les domaines nouveaux,en développant la coopération, la concertation et lacoordination ;

– le développement de ses fonctions supérieures, de sespôles d’excellence et de ses centres de décision ;

Tout à la fois sociaux, économiques et culturels, lesenjeux liés à la capacité de s’ouvrir au monde sont mul-tiples : connaître les autres cultures pour mieux seconnaître et ainsi se reconnaître ; se confronter auxautres pour mieux aborder la mondialisation ; accueillirpour mieux attirer et retenir les compétences et lestalents ; au-delà de l’élitisme et du prestige, fonder lerayonnement de la métropole sur des manifestationspopulaires et sur des projets issus de la vie socialemétropolitaine ; en un mot s’enrichir des différencesmutuelles.

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– l’accueil de nouvelles structures internationales, enparticulier d’organismes non gouvernementaux ;

– le développement du programme de conférencesinternationales et diplomatiques, conformément auxsouhaits du ministère des Affaires Étrangères ;

– l’organisation de manifestations de rayonnementinternational : Biovision, Doc Forum, …

– le développement touristique appuyé sur le classe-ment au patrimoine mondial de l’UNESCO et lavalorisation de toutes les richesses de l’agglomération.

• Une métropole accessible et accueillante

Nous devons optimiser l’accessibilité du “carrefourlyonnais” en renforçant les infrastructures, les réseauxde télécommunications (infostructures) et les équipe-ments d’accueil et de desserte de la métropole :

– contournements autoroutiers et ferrés (fret),

– liaisons ferroviaires mixtes fret et grande vitesse Rhin-Rhône et Lyon-Turin-Milan-Venise,

– Aéroport Saint-Exupéry avec l’objectif de réaliser unvéritable aéroport intercontinental (ouverture de liai-sons vers le Sud-Est asiatique, l’Amérique du Sud…),

– salle 3000 (Palais des Congrès de la CitéInternationale),

– Eurexpo,

– nouvelle cité scolaire internationale.

• Une métropole festive et créative

Être bien ensemble, faire la fête, avoir à sa disposition ungrand choix de loisirs marchands ou non, le jour commela nuit, la semaine comme le week-end, l’été comme l’hi-ver, sont aujourd’hui des opportunités très importantes des’identifier à un territoire et en constituent des expressionsd’identité culturelle.

Les loisirs et la fête s’ajoutent maintenant au travailcomme ciment de la société. L’organisation d’événementsfestifs répond à un besoin profond d’appartenance, decommunion à une société locale.La Fête des lumières, le Défilé de la Biennale de laDanse, l’Art sur la place, les Nuits métisses deVénissieux, la Fête du Livre de Bron, les festivals (Jazzà Vienne, Ambronay, Nuits de Fourvière, …) et la vienocturne sont à développer. L’implantation d’un parc àthème doit également être envisagée.L’économie et l’ingénierie culturelle, la mise à dispositionde locaux (troupes en résidence…) et pourquoi pasd’autres friches en plus des Subsistances (comme laLaiterie à Strasbourg ou la Belle de Mai à Marseille),dédiées à l’aide à la création culturelle très en amont duprocessus (espaces de formation, de répétition, de ren-contres, …), doivent être développées.

b) Une agglomération attractive et agréable à vivreattentive à l’Homme dans sa vie quotidienne

À l’avenir, le motif déterminant qui conduira des indi-vidus à s’installer sur un territoire, ou à y rester, sera laqualité que l’agglomération offre pour la vie quotidien-ne et pour le développement des projets à tous les âgesde la vie : une vie sociale ouverte, des aménagements degrande qualité, des pratiques collectives favorables à lapréservation de l’environnement, une actualité métro-politaine pétillante d’événements, une vie nocturneriche, un foisonnement d’activités culturelles et de loi-sirs, répondant à toutes les demandes : intellectuelles,ludiques, populaires, …

Cela implique :

• Un schéma de cohérence territoriale permettant un développe-ment urbain mieux organisé

L’aire urbaine lyonnaise doit se préparer, d’après les pro-jections de l’INSEE, à accueillir plus de 150 000 habi-tants supplémentaires d’ici 20 ans pour atteindre1 750 000 personnes, tout en s’adaptant à un vieillisse-ment global de sa population (doublement de la popula-tion âgée de 80 ans et plus, qui atteindra près de 85 000personnes). Aujourd’hui les 2/3 de cette croissance selocalisent hors de la Communauté urbaine, le tiers res-tant dans l’hypercentre de l’agglomération sur Lyon etVilleurbanne.Notre ambition doit être d’élaborer dans les meilleursdélais un schéma de cohérence territoriale à l’échelle del’aire urbaine métropolitaine, soit près de 250 com-munes situées sur quatre départements, contre 55 (exclu-sivement situées dans le Rhône) dans la Communautéurbaine.

Carte n° 2 : Le réseau des Villes : atout essentiel de Rhône-Alpes en Europe

Dans la compétition entre territoires, la différencerepose indéniablement sur la capacité à construire unemétropole aux multiples dimensions : écologique, fes-tive, fonctionnelle. Respecter l’environnement, amé-liorer le cadre et la qualité de vie, encourager leséchanges, valoriser les équipements, sont autant d’ac-tions à mener pour rendre l’agglomération encore plusconviviale.

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Cela doit nous per-mettre d’organiser ledéveloppement ur-bain dans de meilleu-res conditions qu’au-jourd’hui en prenantmieux en compte lesenjeux environne-mentaux (préservationet mise en valeur desespaces agricoles et naturels, qualité del ’ e a u , q u a l i t é d el’air…), l’équilibre des différents typesd’habitat (individuel/collectif – social/pri-vé…), l’organisationdes déplacements(meilleure utilisationdes infrastructuresferrées, intermodali-té…) et le polycen-trisme offrant unebonne répartitiondes équipements etser v ices urbains(commerces, servicespublics…)

• Un système de déplace-ments cohérent aux dif-férentes échelles

La Région urbaine deLyon (R.U.L.) a initiéune démarche per-mettant aux différen-tes autorités organisa-trices de transports de se rencontrer et de travaillerensemble. L’enjeu est de construire un système cohérentde déplacements, permettant de contenir la place de l’au-tomobile individuelle, à partir des liaisons inter-cités detype TER ou TGV, des liaisons périurbaines et desréseaux urbains dans la logique des Plans de déplacementsde secteurs. Nous devons arriver à une information com-mune (connaissance par l’usager des différentes offres etde leurs articulations), une tarification et une billétiqueunique telle que la “carte orange”, afin de faciliter l’utili-sation des différents modes de transport, et à une nouvel-le architecture des autorités organisatrices de transport. Laquestion du devenir du SYTRAL qui se pose à courtterme est une occasion de traiter les problèmes de dépla-cements à l’échelle de l’aire urbaine.

• Une politique de renouvellement urbain : faire la ville sur la ville

– Les grandes opérations de la Part-Dieu, de la Citéinternationale, de Gerland, de Vaise, du VIIIème arron-dissement, du centre de Vaulx-en-Velin, de la Saulaie àOullins, de la Darnaise à Vénissieux, du Confluent doi-vent être poursuivies. – Le devenir de la “première couronne Est” qui regrou-pe la majorité des grands ensembles est un enjeu

majeur pour l’agglomération dans les vingt ans quiviennent. Si ces quartiers posent des problèmes complexes et si leslogements subissent une vacance importante, dèsaujourd’hui ils représentent des potentialités fortes deredéveloppement par leur localisation, à condition deles remettre sur le marché foncier et de les engager dansle cercle vertueux de la revalorisation. – Cette politique de renouvellement urbain doit s’appuyer

sur une politique foncière audacieuse et sur la poursuitede la mise en œuvre d’une qualité urbaine ambitieuse(parcs urbains, espaces publics, espaces verts de proximi-té, reconquête des berges, centralités secondaires…),sans oublier l’indispensable structuration urbaine (parexemple à l’Est des voies ferrées de la Part-Dieu).

• Une métropole labellisée “haute qualité environnementale”

Élaborer un “Agenda 21” pour le développementdurable permettra d’entrer dans l’ère du développementglobal et de progresser par rapport aux attentes de lapopulation.Le Grand Lyon doit mettre le développement durable aucœur de toutes ses politiques en se posant pour toutes sesactions la question des avantages et des inconvénients dans

Carte n° 3 : Une agglomération entreprenante : réalisations et projets

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les trois domaines de l’économie, du social et de l’envi-ronnement.Nous devons nous organiser en conséquence en créantune mission du développement durable et en installantdes correspondants développement durable dans tousles services pour obtenir le meilleur niveau des normesenvironnementales.

Au-delà, nous devons dialoguer avec nos partenaires :

– publics quand l’échelle territoriale des problèmes àtraiter est plus large que notre propre territoire (eau,déplacements, trame verte, périurbain, …) et que lescompétences se chevauchent ;

– privés, en particulier les industriels, pour améliorerencore la prise en compte des problèmes de pollution,de risques majeurs et de développement durable.

Ceci doit se faire dans un esprit de concertation aussi largeque possible en amont des décisions, avec les citoyens etavec la société civile : comités d’usagers, pour former,informer et mener la concertation en permanence.

c) Une agglomération favorisant l’esprit d’entre-prendre et permettant à l’Homme de se réaliser parses projets

L’avenir n’est plus aux modèles tayloriens ou fordistes, niaux idéologies de masse toutes faites, qui concourentégalement à la passivité et à la déresponsabilisation despersonnes. Le siècle qui s’ouvre sera celui des individus et desentrepreneurs, au sens de personne autonome respon-sable face à son travail, professionnelle et entreprenan-te, quelle que soit sa position dans l’entreprise ou dansla société. Ce siècle sera aussi celui des “entrepreneurs d’humanité”car dans notre société mondialisée, la maîtrise des phéno-mènes collectifs et la promotion éthique personnelle etcollective sont plus que jamais nécessaires. Mais avec ledéclin des idéologies, il apparaît évident aujourd’hui quele bien commun ne préexiste pas. C’est une recherche etune construction collective permanentes à laquellechaque personne, chaque “entrepreneur d’humanité”,doit concourir avec les autres.Promouvoir et soutenir l’esprit d’entreprendre est uneexigence de l’avenir. L’ensemble du système éducatif, entant que “formateur de la personne ” et pas seulement“diffuseur de connaissances” est concerné au premierchef. Mais tous les acteurs de la vie économique, socia-le, culturelle et politique sont aussi impliqués à unniveau ou à un autre. Car il ne s’agit pas seulement depromouvoir l’esprit d’entreprendre, il faut aussiconstruire un cadre favorable à l’éclosion et au déve-loppement des projets.

Les réflexions et les résultats des travaux du Schéma dedéveloppement économique en sont la meilleure illus-tration.

• Renforcer le potentiel économique lyonnais en alliant renouvellement du tissu existant et “nouvelle économie”

Dans la compétition européenne et mondiale entre les ter-ritoires, notre agglomération possède des atouts qui doi-vent impérativement être renforcés en associant le déve-loppement endogène (création d’entreprises à partir dutissu économique existant, renforcement des liaisons uni-versité – recherche – entreprises favorisant l’innovation) etle développement exogène (délocalisations publiques,attraction, prospection et accueil d’investissementsexternes, …)Pour cela, le thème de l’innovation, facteur de renforce-ment et de renouvellement de l’ensemble du tissu écono-mique, doit être le fil rouge des politiques de développe-ment économique. Toutes les innovations sont concer-nées : technologiques, sociales, organisationnelles, com-merciales. L’enjeu pour la métropole est de promouvoirl’innovation et d’adapter en permanence les pratiquesd’innovation à la situation du moment.L’accent doit être mis également sur l’accueil des centresde décision (fonctions stratégiques) des entreprises quifonctionnent de plus en plus en réseau et ne concentrentplus forcément tous les pouvoirs dans le seul siège social.

• Développer quelques domaines d’excellence

La force de l’économie lyonnaise réside dans sa grandediversité qui lui a permis dans le passé récent de mieuxrésister à la crise que d’autres territoires.Néanmoins, aujourd’hui les efforts communs doiventêtres portés sur quelques “clusters” (grappes d’innova-tions et d’activités) qui doivent nous permettre de faireémerger des pôles d’excellence reconnus :

– les sciences de la vie symbolisées par Biovision autourdes biotechnologies, de la santé, de l’agro-alimentai-re, de la chimie, de la pharmacie, de la médecine etde l’environnement ;

– le numérique (télécommunications, médias et techno-logies) symbolisé par Infogrames, n° 2 mondial du jeuvidéo, autour de l’informatique, des logiciels, des ser-vices en ligne, des télécommunications (centres d’ap-pels…) et du multimédia et de l’image ;

– la logistique générée par le “carrefour lyonnais” quidoit nous permettre de prendre place dans le réseauRotterdam-Barcelone grâce à l’“Alliance logistique”mise en place à l’échelle de la Région urbaine de Lyon.

• Une politique d’animation économique fondée sur le “commentfaire ensemble”

Nous devons être à l’écoute des acteurs économiques, deleurs projets, de leurs innovations et de leurs expérimen-tations. Il faut faciliter la réalisation et le développementde ces projets dans l’esprit du Plan d’actions pour unemétropole technopolitaine mis en œuvre depuis deuxans : concertation, circulation de l’information, évalua-tion partagée, règles de pilotage claires et acceptées par

Au-delà des mesures favorisant l’implantation d’entre-prises ou du rôle d’aide au démarrage joué par les collec-tivités pour permettre le développement des activités dehaute technologie, un autre champ d’ingénierie de projetse révèle essentiel : celui tourné vers les personnes, pourassurer à chacun la possibilité d’être entreprenant dansson travail, aussi bien que dans sa vie sociale et culturelle.

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tous, partenariat actif entre tous les acteurs : chambresconsulaires, université, recherche, collectivités locales, syn-dicats professionnels, entreprises, syndicats de salariés, …L’agglomération lyonnaise pourrait également s’inspirerutilement de l’exemple grenoblois dans sa recherched’une plus grande cohésion.Cette démarche est le meilleur moyen de rendre plus effi-caces les politiques d’internationalisation de notre éco-nomie, d’innovation technique et sociale permanente etde développement de l’esprit d’entreprendre.

• Aider et valoriser l’économie sociale

Lyon a une forte tradition d’économie et d’innovationsociales (Économie et Humanisme, ARAVIS, Habitat etHumanisme, organisations non gouvernementales huma-nitaires, PLIES, Chronique et Semaines Sociales, …).Cette tradition doit être confortée.Bien qu’ayant un taux de chômage inférieur à la moyen-ne nationale, l’agglomération lyonnaise possède encoredes zones très touchées par le chômage. De nombreusesactions visent à améliorer cette situation, à lutter contrel’exclusion et à développer l’employabilité des personnes,en particulier dans le cadre d’une économie plus solidai-re. Les politiques d’insertion doivent être privilégiées partous les moyens (“écoles de la deuxième chance”, cultu-re, environnement, proximité, sécurité…) ; les groupe-ments d’employeurs encouragés pour donner un statutau travers d’un contrat à durée indéterminée (“contratd’activités”) à des travailleurs qui enchaînent les contratsà durée déterminée (CDD). Il n’est pas concevable delaisser sur le bord du chemin des personnes en recherched’emploi alors que le chômage diminue globalement etque des pénuries de main d’œuvre se font jour et vont sedévelopper dans certains secteurs.

d) Une agglomération favorisant les apprentissagestout au long de la vie préparant l’Homme endevenir

Les Anglo-Saxons parlent de “learning city”. Notre ambi-tion est encore plus grande puisque nous pensons qu’ilest indispensable de mettre l’accent sur l’éducation à lavie en société et à la citoyenneté. En effet, seule laconstruction collective d’un nouveau contrat social à

partir des aspirations individuelles nous permettrad’aborder le XXIe siècle avec une société moins éclatée etplus solidaire, moins violente et plus apaisée. L’éducationet la formation apparaissent donc bien comme undomaine d’action prioritaire pour relever les défis, etcomme le lieu privilégié où doit se construire dès le plusjeune âge le projet local partagé.

• L’accès à la société numérique

La maîtrise et l’appropriation des Technologies del’Information et de la Communication par le plus grandnombre est indispensable pour l’avenir. Nous observonsaujourd’hui à la fois un retard dans ce domaine par rap-port à d’autres pays et une floraison d’initiatives multiples(politique gouvernementale, “start-up”, sites associatifs,offre de formation…).L’agglomération lyonnaise dispose d’atouts majeurs dansle domaine du logiciel qu’elle doit valoriser au service duplus grand nombre.Les pouvoirs publics ont une responsabilité importantepour aider à cette appropriation. Au-delà des enjeuxque représentent les réseaux, les lieux d’accès et la for-mation, ils doivent mettre en ligne un maximum deservices en direction des habitants et surtout les fédérerdans un portail d’agglomération qui permettra à la foisde familiariser la population à ces techniques en offrantun bouquet de services organisés et lisibles et de donnerune visibilité à l’agglomération sur la “toile” mondiale(une adresse unique, un référencement acquis…).L’enjeu est ainsi de constituer progressivement un véri-table espace public sur la toile, support de services etd’information, lieu de débat et de participation, outil detransmission de valeurs collectives, espace de rencontre,outil de préservation des codes collectifs.

• La participation à la société du savoir

Nous vivons du fait de la mondialisation dans un mondede plus en plus technique, de plus en plus complexe, dontla compréhension du fonctionnement devient très diffici-le et produit de plus en plus d’“exclus de la connaissance”.De plus, des questions éthiques générées par l’utilisationdes technologies apparaissent (industrialisation de larecherche et acceptabilité du progrès technique…) dansde nombreux domaines : organismes génétiquementmodifiés, clonage, brevetabilité du vivant, biodiversité…Nous devons développer une véritable éducation dans cesdomaines en soutenant et en faisant travailler en réseauxdes opérations et des équipements comme “La main à lapâte”, Ebullisciences, Captiva, le Planétarium, … maisaussi toutes les institutions qui détiennent un savoir utileà la formation du “citoyen du monde”.Le “Musée” des Sciences et Sociétés qui va prendre placeau Confluent, permettra de familiariser la population àces questions et organisera des débats citoyens sur tousces thèmes en imaginant la tenue régulière à Lyon de“controverses”, réunissant spécialistes, élus, citoyens, etpermettant d’éclairer ces chemins nouveaux.

• La formation

Aujourd’hui, plus que jamais, il n’y a de richesse qued’homme et d’intelligence. Les territoires qui gagnent

Au-delà des indispensables connaissances théoriques etacadémiques, l’éducation et l’enseignement sont appe-lés à s’ouvrir à des missions nouvelles en prise directeavec les réalités d’aujourd’hui (formation du jeunecitoyen, apprentissage des Technologies d’Informationet de Communication, …). Les acteurs de l’éducationmais aussi de nombreux partenaires cherchent à bâtiraujourd’hui une véritable “ville apprenante”. Qu’ils’agisse des enjeux relatifs aux Technologies del’Information et de la Communication, aux languesétrangères, à l’ouverture culturelle, au débat public, àl’entrepreneuriat, à l’environnement, aux relationsinter-générationnelles, l’éducation est une exigence quiconcerne les plus jeunes dès l’école maternelle et pri-maire, les adolescents imaginant leur métier mais aussiles adultes et les plus âgés, qui devront s’adapter en per-manence aux changements technologiques, écono-miques et sociaux.

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sont ceux qui sont capables de former, d’attirer et deretenir les compétences indispensables au fonctionne-ment de l’économie et de la société. Les ressourceshumaines sont un atout stratégique majeur. La forma-tion à tous les niveaux et à tous les âges de la vie (for-mation continue) doit donc être privilégiée.L’agglomération lyonnaise représente un bassin d’em-plois important et de bonne qualité, mais ses atoutsdoivent être valorisés, entretenus et renouvelés en permanence.Les axes d’excellence (lien fort entre les établissementsd’enseignement et les entreprises, ouverture de l’offre deformation sur l’extérieur et l’international, investisse-ment dans des pédagogies innovantes…) doivent êtreidentifiés et soutenus dans les différents niveaux de for-mation (de la Société d’Enseignement Professionnel duRhône – S.E.P.R. – aux Écoles Normales Supérieures).Dans le domaine de l’insertion professionnelle, lesécoles de la deuxième chance, les formations en alter-nance doivent permettre de donner ou redonner unemploi à ceux qui sont exclus du marché du travailaujourd’hui, alors qu’apparaissent des pénuries de maind’œuvre dans certains secteurs.

• L’éducation à vivre ensemble égaux et différents

L’autonomie des personnes se développe, les bouleverse-ments que subit notre société déstructurent les relationssociales traditionnelles, les gens sont déboussolés et necomprennent pas toujours ce qui se passe. Ces change-ments rapides génèrent de la violence contre les autres(racket, …), les institutions (transports et servicespublics…) et même contre soi (drogue, suicide, maladiesmentales…).Seule l’éducation peut à long terme préserver notre capa-cité à vivre ensemble. Cela passe d’abord par la socialisa-tion dès le plus jeune âge en associant la famille, l’écoleet les activités périscolaires (comme dans les contratséducatifs locaux) et en rappelant que le contrat socialproduit des droits mais aussi des devoirs (respect desautres et des biens collectifs). Cela passe ensuite par l’ap-prentissage de la délégation et de la représentation pré-parant à la citoyenneté (conseils de classe, d’école,conseils municipaux d’enfants et de jeunes, exercice dudroit de vote…).

e) Une agglomération mettant en œuvre une démo-cratie plus participative au service de l’Hommecitoyen

Carte n° 4 : Cap vers l’aire métropolitaine : Région urbaine de Lyon et dialogue avec les inter-communalités voisines

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La vie en société ayant besoin de règles et de contrats,l’enjeu est bien celui de l’apprentissage collectif où tousles acteurs ont leur place dans un système complexe degouvernance rassemblant élus, institutions, forces viveset société civile.L’évolution de notre système de pensée et de nos modesde gestion s’avère nécessaire pour faire face à cette situa-tion, en développant une culture du droit à la parole, àl’expression et à la participation. Sans oublier de réintro-duire un équilibre entre les droits et les devoirs au traversde la notion de responsabilité, de construction collectivedu bien commun et de l’intérêt général. Cela passed’abord par la reconnaissance de chacun et de ses projets,en remplaçant par exemple l’assistance par la reconnais-sance, redonnant ainsi espoir en eux aux individus les plusen difficulté. Il ne s’agit pas – bien au contraire – de remettre en causela légitimité des élus à décider, mais de faire précéder lesphases de décision par des phases d’information, deconcertation, de large débat public permettant de mieuxlégitimer les décisions prises et d’accélérer ensuite les pro-cessus de mise en œuvre. Cohésion et lien social s’entrouveront ainsi renforcés.

• Partir des habitants

L’aspiration à une démocratie plus participative impliquede travailler en permanence et le plus en amont des déci-sions à prendre avec les citoyens et leurs associations dansles domaines de l’information, de la concertation et de laparticipation. Cet état d’esprit exige des règles claires quidevront être transcrites dans une Charte, mais aussi desactions de formation en direction des habitants tellesqu’elles sont prévues dans le contrat de ville qui vientd’être voté (habitants relais), voire la mise en œuvre decontre-expertises permettant de nourrir un débat vérita-blement contradictoire.Il conviendra aussi d’organiser régulièrement des appelsà projet thématiques permettant de susciter et d’aiderles initiatives citoyennes et l’esprit d’entreprendre.

• Mise en œuvre de la loi “Chevènement”

En attendant l’élection au suffrage universel du Conseilde Communauté qui ne manquera pas d’être la pro-chaine étape de l’histoire de l’intercommunalité enFrance, nous devons mettre en œuvre la loiChevènement (renforcement et simplification de lacoopération intercommunale) :

– exercice de nouvelles compétences (insertion, préven-tion de la délinquance, pollution de l’air, nuisancessonores…) avec pour certaines la nécessité de définir cequi est d’intérêt communautaire (culture, sports,socioculturel et socio-éducatif, logements des plusdéfavorisés…) ;

– passage à la taxe professionnelle unique générant unespace économique fiscalement homogène sur les 55communes du Grand Lyon ;

– volonté de répondre au besoin de plus de proximitéqui doit se traduire par un exercice mieux territorialisé,une certaine déconcentration des services rendus par laCommunauté urbaine et une contractualisation avecles communes (Rillieux-la-Pape, …) ou des groupe-ments de communes (Val de Saône, …) qui doiventconserver un rôle moteur dans le développement local.

• Le dialogue avec les intercommunalités voisines :la conférence des intercommunalités de l’aire urbainedans le cadre de la Région urbaine de Lyon (R.U.L.).

La gestion du bassin de vie, espace économique pertinentvécu par 1 600 000 habitants, passe par une collaborationavec les communautés de communes qui se sont progres-sivement installées autour de notre communauté urbainequi n’a pas vocation à s’étendre aux 250 communes del’aire urbaine métropolitaine. Les premières réunions detravail sont très encourageantes. La réflexion sur les dépla-cements dans le cadre de la RUL, celles sur la préparationde la Directive Territoriale d’Aménagement avec l’État,nous autorisent à imaginer d’élaborer ensemble un sché-ma de cohérence territoriale dès que la loi Solidarité etrenouvellement urbain aura été votée et de travaillerensemble sur des projets d’intérêt commun (déplace-ments, développement économique, urbanisme commer-cial, protection de l’environnement, …).Cette démarche menée dans le cadre de la RUL n’em-pêche pas des réflexions ou des actions conduites à unniveau plus large, par exemple avec Grenoble et Saint-Étienne ou dans le cadre du réseau des huit grandesagglomérations rhônalpines.

• Le Conseil de Développement

Placé auprès du Président de la Communauté urbaine,il permettra à la société civile d’être associée au déve-loppement de l’agglomération, comme le prévoit la loi“Voynet” (Aménagement et développement durable duterritoire) dans son article 23.Composé de représentants des institutions, de person-nalités qualifiées, de représentants d’associations et decitoyens, il aura pour principales missions :

– la veille sur les problèmes et les enjeux de société,

– la réflexion permanente et partagée sur toutes lesgrandes questions concernant l’agglomération,

– l’animation d’un lieu de débats à partir de ces questions,

– d’être consulté sur le projet d’agglomération, sa miseen œuvre et son suivi-évaluation.

Il pérennisera en quelque sorte l’esprit participatif de ladémarche “Millénaire 3” et jouera également le rôle de

L’éloignement des citoyens du devoir électoral, la ten-tation populiste et la montée du syndrome NIMBY(“not in my back yard” – “pas dans mon jardin”) doi-vent nous amener à nous interroger. Face au nombrecroissant de femmes et d’hommes disposant de plusen plus d’autonomie et aspirant à être les acteurs deleur propre vie, il devient indispensable de réinstaurerle dialogue et la concertation et de systématiser ledébat public. Seule la pratique du débat citoyenremettra au goût du jour la notion d’intérêt généralconstruite collectivement, sans laquelle bien des pro-jets et des aspirations resteront en suspens.

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concertation et de médiation au niveau de l’aggloméra-tion, aidant ainsi l’émergence de nouveaux projets.

4. ET MILLÉNAIRE 3 … CONTINUELa démarche Millénaire 3, démarche citoyenne exem-plaire, a contribué à renforcer une véritable relation deconfiance entre la société civile et le Grand Lyon. Elleredonne à chacun le goût d’un débat public véritable,favorise la mise en réseau d’acteurs provenant d’horizonstrès divers, donne de la visibilité aux forces montantes dela métropole et aux acteurs qui ne font pas partie desgroupes dominants de la cité. Enfin, elle a aidé l’émer-gence de nouveaux projets portés par la société civile.Il faut que la dynamique engagée se poursuive. L’accentdevra être mis à l’avenir, d’une part sur la nécessité dedévelopper le sentiment d’un enjeu de développementde la métropole partagé par tous, au-delà des positions etdes secteurs d’appartenance de chacun, d’autre part surl’impératif de faire toute leur place aux projets portés parla société civile, dans le cadre des axes de développementadoptés par la collectivité.

• Pérennité de la démarche

Ce type de réflexion prospective et stratégique doit être –on le voit bien dans d’autres villes européennes – perma-

nent car dans un monde incertain, où l’environnementévolue sans cesse, il faut sans arrêt être en veille.

• La Mission Prospective et Stratégie d’Agglomération

Elle devra à la fois animer le Conseil de Développementet poursuivre la réflexion prospective et stratégique inter-ne à la Communauté urbaine, avec des correspondantsprospective dans les services, chargés de faire le lien entrela réflexion prospective, la mise en œuvre du projet, lespolitiques communautaires et les besoins des services.

• Suivi - évaluation, adaptation

La Mission Prospective sera également chargée du suivi etde l’organisation de l’instance d’évaluation du projetd’agglomération dans le cadre du premier Plan straté-gique de mise en œuvre et proposera les adaptationséventuellement nécessaires en fonction des évolutionsconstatées du contexte.

• Initiatives innovantes

Dans le droit fil de ce qu’a initié la Mission Prospective,les initiatives intéressantes nées des multiples innovationset expérimentations proposées par les institutions et lasociété civile, seront suscitées, soutenues et valorisées parle Grand Lyon et ses services.

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I. PRÉSENTATION GÉNÉRALELe ministère fédéral de la formation et de la recherche(Bundesministerium für Bildung und Forschung ou BMBF)a décidé début 2000 de lancer – sous la forme d’unconcours à idées intitulé “Stadt 2030” – un grand pro-gramme de recherche sur le thème “Construire et habiterau XXIe siècle”.

Plus d’une centaine de communes allemandes ont parti-cipé à ce concours d’idées. Vingt-et-un lauréats ont été distingués pour leurs projetset réalisent désormais – en association avec les chercheurset en coopération avec des partenariats publics et privés –des modèles, des scénarios, des programmes intégrésstructurés autour de concepts innovants et de visions dufutur à l’échelle des communes. Les institutions et réseauxde recherche se sont appropriés de nouveaux thèmes fon-damentaux pour la recherche urbaine et le développe-ment des villes, et s’efforcent d’élaborer des modèlesapplicables afin de préparer les villes aux défis du futur.

Le D.I.F.U. est chargé de valoriser et d’exploiter ces tra-vaux de recherche – dans le cadre d’un programme d’ac-compagnement et d’évaluation. Le réseau de recherche“Stadt 2030” s’est développé entre temps pour devenir leplus grand projet de recherche sur la ville en Allemagnede la dernière décennie. En tout, soixante-deux projetsindividuels ont été financés à ce jour (fin 2003).

II. POSITIONNEMENT ET OBJECTIFS DU PROGRAMME60 % des habitants vivent aujourd’hui dans les grandesvilles ou leurs banlieues – et c’est dans ces grandes villesque se joue l’évolution future de la société allemande.

Les défis à affronter sont immenses : la pluralité culturel-le et ethnique de la population, la réduction des villes-centres et la diminution de leurs habitants, le vieillisse-ment démographique, un changement des caractéris-tiques économiques mais aussi “constitutives” (“fonda-trices”) des villes, une tendance qui se poursuit à la ˝rur-banisation˝, une réorganisation – lourde de conséquenceset de conflits futurs – des fonctions de direction politiqueet des formes de légitimité démocratique, etc.

Toutes ces évolutions ont pour effet de rendre à la foisindispensable et difficile le maintien ou le renforcementde la qualité de vie dans les villes ou les régions – avec defortes tensions inégalitaires…

La qualité de vie, la santé, une économie forte, une plusgrande responsabilité vis-à-vis de l’environnement…Contribuer à tout cela constitue le premier objectif duprogramme “Stadt 2030”. C’est pour ces différentes rai-sons que le gouvernement a décidé de le lancer, ce quitémoigne de sa volonté d’orienter fortement sa politiquede recherche vers les besoins des citoyens et de la société.

Avec le programme de recherche “Construire et vivre auXXIe siècle”, le BMBF apporte son soutien à la réalisationde stratégies d’innovation et à l’élaboration de visionsprospectives qui prennent suffisamment et durablementen compte tous ces changements majeurs dans les cadreset les conditions de la vie locale. Deux questions centralessont posées par le projet : quelles sont, dans les conditionsactuelles, les solutions ou début de solutions “qui marchent”,quelles sont les raisons du “succès” de certaines villes ? Maisaussi, quelles sont les stratégies innovantes qui permettront lemieux de faire face aux incertitudes du futur ?

Plusieurs pistes de réflexion ont été proposées dès les pre-mières phases du programme. Aux deux questions précédentes ont été en effet donnéestrès rapidement les réponses suivantes :

– Nous avons besoins d’outils et de moyens radicalementnouveaux pour renforcer la capacité des villes à attirerdes logements et de l’emploi, et pour maintenir la qua-lité de vie, la solidarité, les liens sociaux, la liberté ou lasécurité qui font que les habitants ont envie de vivredans les villes ;

– nous devons réfléchir à des stratégies innovantes pourorganiser les processus de croissance non contrôlés à lapériphérie des villes ;

– les villes et leur périphérie doivent coopérer : elles ontles unes et les autres besoin de stratégies communespour un développement urbain et régional durabledans le futur ;

– même dans les périphéries et les régions défavorisées, lesconditions de vie, de travail et d’accès aux services doi-

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“VILLE 2030” : LE PLUS GRAND PROJET DE RECHERCHE URBAINE DU DÉBUT DES ANNÉES 2000 EN ALLEMAGNE1

1 Source : synthèse réalisée par Jacques Theys et Jérôme Morneau à partir du site internet www.stadt2030.de (site du DIFU, l’Institut allemandd’urbanisme), cf. 2001 Plus, n° 62.

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vent être assurées – en dépit des bouleversements éco-nomiques prévisibles et des risques de diminution de lapopulation.

III. LA MISE EN PLACE DU PROGRAMME ET DU RÉSEAU DE RECHERCHE “STADT 2030”

Comme on l’a dit, c’est en 2000 que dans l’ensemble dela fédération a été lancé le concours “Stadt 2030” auquelont répondu cent-dix porteurs de projets associant descommunes et des scientifiques. Les villes et les instituts derecherche étaient invités à proposer les concepts d’undéveloppement urbain intégré et durable sur le longterme qui puissent être transformés en ˝visions˝,˝modèles˝, ˝idées motrices˝, ou ˝approches globales˝…Vingt-et-un projets réunissant tente-trois villes et plus de cin-quante institutions de recherche ont été finalement choisispour mener à bien le programme.

Chaque projet avait un certain nombre de conditions deforme et de contenu à remplir :

– Il était tout d’abord exigé que chaque projet soit le fruitd’une coopération équitable entre les collectivités localeset les organismes de recherche – dans une perspectivequi soit celle de la “recherche-action”. Les politiques etadministrations locales devaient, par ce biais, saisir l’oc-casion qui leur était offerte d’agir au-delà de l’horizonhabituel des affaires quotidiennes et les scientifiquesétaient, en revanche, tenus d’établir un dialogue pro-ductif avec les responsables politiques et administratifs ;

– à côté de cette exigence de partenariat entre science etpolitique, il était requis de tous les projets qu’ils garan-tissent l’interdisciplinarité la plus large possible ;

– du point de vue des contenus, il était également exigéque les projets s’attachent à la fois au développement deconcepts plausibles et à long terme, et à la descriptionde processus simples et univoques de mise en œuvre etde transfert de ces concepts dans les pratiques de moyenterme ;

– en outre, il était demandé que les modèles de dévelop-pement urbain proposés favorisent la coopération et lamise en synergie des services administratifs organisés demanière traditionnellement sectorisés ;

– l’objectif, à travers ces contraintes relativementstrictes, était finalement de faire en sorte que les pro-jets portent une attention centrale aux dilemmes fonda-mentaux, aux contradictions et aux blocages auxquels seheurtent aujourd’hui les politiques locales, “Stadt 2030”étant d’une certaine manière une invitation à dépasserces blocages à travers la coopération acteurs-cher-cheurs et la co-construction de visions prospectivespartagées.

IV. TROIS AXES DE RÉFLEXION MAJEURSDans l’orientation du programme, trois grandes théma-tiques se sont progressivement révélées commecentrales : celle de l’intégration sociale, celle des échellesterritoriales et de la coopération régionale, et celle del’identité urbaine.

La question de l’intégration sociale

Dans plusieurs des projets présentés, la capacité d’inté-gration sociale des villes – qui est une de leur fonctionfondamentale – apparaît comme fortement menacée enraison à la fois de la croissance des inégalités, de l’hétéro-généité grandissante de la population urbaine, mais ausside la fragilité chronique des budgets municipaux. Le ren-forcement des mécanismes d’intégration sociale va doncconstituer un enjeu majeur pour le futur : capacité d’évi-ter que les attentes sociales insatisfaites ne se transformenten conflits chroniques ingérables ; possibilité de mainte-nir un minimum de justice sociale et d’équité face à lacroissance des inégalités et aux risques d’exclusion ; stabi-lité des engagements municipaux malgré les incertitudesfinancières…

La question de la régionalisation et de la pertinence de l’échellecommunale

Un second axe de préoccupation forte porte sur l’évolu-tion future de “l’imbrication” de chacune des villes avecson environnement “régional” et avec d’autres villes, etsurtout sur la pertinence des découpages communaux. Lesentiment est que pour beaucoup de communes actuelles,des limites territoriales trop étroites rendent la capacité demaîtriser l’avenir inaccessible.

A la place des structures communales actuelles, une plusgrande place devrait donc être donnée à l’intervention de“personnes morales territoriales” plus grandes – éventuel-lement à l’échelle “régionale”. Une autre solution pourraitêtre d’innover dans la coopération intercommunale oudans la mise en place de “territoires de projet” dans lesquelsseraient associés de manière temporaire des acteurspublics (dont les communes) et privés. L’efficience del’institution communale est, en tout cas, une des ques-tions que la prospective doit aborder – et elle concerneaussi bien les performances fonctionnelles que d’autresaspects plus politiques comme la question de la représen-tation ou celle de la légitimité des politiques locales.

La question de l’identité locale

Sous l’effet des changements économiques et sociauxliés à la modélisation, de nombreuses villes traversent,de façon manifeste, une grave crise de leur identité cul-turelle ou “mentale”. Des “villes industrielles”, des “villesouvrières” doivent se transformer en centres de presta-tion de services, avec des personnels qualifiés etmodernes, mais dans beaucoup de cas, la croissanceurbaine n’est pas suffisante pour que ce processus detransformation se fasse dans de bonnes conditions. Lesreprésentations que les populations locales se fontd’elles-mêmes sont soumises à un effort difficile de redé-finition – avec des phénomènes d’exclusion qui rendentcette transition problématique. Cette question del’identité – comme les deux précédentes – n’est pas seu-lement posée dans les villes en crise ou défavorisées : onla retrouve également dans les agglomérations en expan-sion, dans les petites villes comme dans les grandesconurbations.

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Les trois thèmes ne sont naturellement pas exclusifs, maisils expriment bien la profondeur des défis abordés à tra-vers le projet “Ville 2030”.

5. UNE DYNAMIQUE DE DÉBAT ENGAGÉE, MAIS QUI RESTE À CONCRÉTISER

Le processus mis en place grâce au “projet 2030” s’estd’ores et déjà traduit par une très grande richesse dans lafaçon d’envisager l’avenir au niveau local : modèles deprévisions, mais aussi méthodes diversifiées de “prospecti-ve” (questionnaire Delphi, scénarios…) et surtout trèsgrande inventivité dans les manières de faire participer lapopulation au débat (“bureaux de planification”, forumscitoyens, conférences de consensus, concours d’élèves oude jeunes sur le futur de leur ville…).

L’exigence de multidisciplinarité a souvent conduit àremanier les thèmes ou hypothèses envisagés au départ –et le dialogue entre élus et organismes scientifiques aréussi à déplacer les idées défendues a priori par les unscomme par les autres. En particulier, les responsablespolitiques ou de l’administration ont été – en quelquesorte – contraints et forcés à penser de façon argumentée“au-delà de la journée ou de la semaine”. Il s’agit, enconclusion, d’une expérience exceptionnelle de dialogueentre science, politique et société civile. Mais c’est undéfi à la recherche qui n’est pas encore gagné – tant laréflexion prospective et le débat public sortent des sen-tiers classiques de la science ! Mais c’est encore plus undéfi à l’action : car il restera à donner à tous ces débatsdes débouchés concrets.

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Qui s’intéresse au développement urbain ? En ce moment cette question n’a en tous cas pas une place importante dans ledébat public en Allemagne. On trouve dans les médias quelque chose sur Iéna lorsque le Chancelier va à Iéna. La présenced’une personnalité rend alors la ville digne que l’on parle d’elle, et pour autant que durent les flashs des appareils photo etles commentaires, nous serons informés. En général, les noms des villes ne font pas long feu dans notre mémoire. Ils appa-raissent le plus souvent en liaison avec des accidents, des crimes ou des “affaires”. Il en va de même pour la “haute politique” :le sujet transversal qu’est la ville n’est pas attirant. Le gouvernement de Berlin le cantonne pratiquement dans le “ministèredes transports, du bâtiment et du logement” ; et la commission parlementaire porte le même nom. Les porte-parole des par-tis pour la politique communale sont aussi inconnus de la population que ne le sont leurs opinions sur ce sujet.

Il semble donc à l’évidence en être ainsi : si un thème intéresse les gens, ce n’est pas la “ville” en général, mais tout au plus“leur propre ville”. Les rubriques de politiques communales des journaux sont celles que l’on lit en général en premier, onconnaît mieux son maire que bien des ministres. De la réduction du trafic à la fermeture des piscines, la proximité, le faitd’être concerné et de pouvoir garder une vue d’ensemble sur le sujet, tout cela contribue à la formation de l’opinion et à sapolitisation.

Le programme de recherche “Ville 2030” du ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche veut se servir de cet intérêtlatent pour la ville où l’on habite pour mettre en place un débat local. Dans toutes les villes participantes, il n’y aura pas uni-quement un dialogue d’experts entre les administrations municipales, qui s’occupent professionnellement de “leur” ville (ils ysont bien obligés) et les groupes de chercheurs accompagnant le projet. L’idée est aussi d’initier avec la population un dialoguepublic sur les objectifs à long terme, sur les voies envisageables pour l’avenir, sur les étapes pour y parvenir.C’est à l’administration municipale plus que tout autre qu’incombe la responsabilité de structurer ce dialogue et de réunirles conditions de son succès. Elle se trouve au croisement entre les intérêts des citoyens, de la politique et des chercheurs.Dans notre tradition, cette administration ne poursuit pas ses propres intérêts, ce qui n’empêche pas, qu’au fond, il est aussidans son propre intérêt professionnel de produire des solutions de bonne qualité, pour pouvoir se mesurer aux collèguesd’autres villes et pour motiver les hommes politiques locaux à la soutenir.

L’administration a besoin de la recherche, de la politique et des citoyens – même si, d’une manière ou d’une autre, chacund’eux la dérange. Nous sommes donc obligés de nous pencher sur le rôle central que tient l’administration et sur ses rela-tions extérieures “conflictuelles” pour comprendre le sens du projet “Ville 2030”.

1. Administration et politiqueLes hommes politiques savent au moins une chose : en 2030, il ne seront plus à leur poste. Voilà qui est également vrai pourla plupart des employés administratifs, mais pour ceux-ci, la relation au long terme reste néanmoins différente : l’adminis-tration en tant que “système” peut réfléchir à long terme, contrairement à la politique. Il sera plus difficile de motiver leshommes politiques à penser ainsi.

2. Administration et citoyensEn réalité, le citoyen dérange l’administration. En général, il ne pense qu’à son intérêt particulier. La rocade – pas chez lui –, labibliothèque – ouverte le samedi –, la piscine – chauffée, s’il vous plaît –. Ce n’est que petit à petit que l’administration réaliseque les citoyens sont les experts tout désignés concernant leurs conditions de vie et que c’est leur appréciation de leurs condi-tions de vie qu’il faut améliorer. Une autocritique éclairée de l’administration permet une participation adéquate des citoyens.

3. Administration et rechercheQue la recherche se situe dans une “tour d’ivoire”, voilà une opinion consensuelle. L’administration parvient à accepter quela recherche puisse en savoir plus qu’elle sur le passé : le temps, parfois aussi la maîtrise des méthodes, lui manquent pources analyses statistiques fastidieuses, ces entretiens d’experts, etc. Ce qui est décevant, c’est que la recherche en sache à peineplus sur ce qui se passera en 2030, que l’administration elle-même. Il lui en coûte d’admettre néanmoins que les “connais-sances” systématiques extrapolées par la recherche (les scénarios par exemple) ne peuvent pratiquement pas être produitespar elle-même, sans l’aide des chercheurs !

Conclusion : “Ville 2030” est un projet du ministère de la Recherche et non pas du ministère des Transports et du Logement. Il se concentresur l’évaluation, sous forme de projections, de l’impact des grandes tendances : la mondialisation et les technologies de l’in-formation, l’évolution démographique et celle des valeurs. Un effort considérable est nécessaire pour donner à cet objectifune forme concrète dans l’espace et pour le rendre tangible (traditionnellement un point faible de nombreuses contributionsscientifiques).Les villes ne sont cependant pas des feuilles mortes ballottées par le vent, elles peuvent décider de la direction à suivre. Versoù aller ? Il est impossible de prendre cette décision sans les citoyens et sans la politique. Que signifie, par exemple, “dévelop-pement urbain durable” pour “notre” ville, une ville qui va peut-être grandir ou dont le nombre d’habitants va diminuer ? Surquels aspects de l’intégration des étrangers mettrons-nous l’accent ? Seule la recherche peut évaluer les chances de succès rela-tives des options politiques, et seule la politique peut prendre la responsabilité du choix. “Ville 2030” – à l’est comme à l’ouest,dans les régions difficiles et dans celles qui sont prospères, ce sera sans doute un défi passionnant si chacun accepte de jouerle jeu et d’ouvrir le dialogue !

Encart n° 1 : “La ville en 2030 – Qui avec qui ?”2 par Heinrich Mäding – Directeur du D.I.F.U. (mai 2000)

2 D’après la page internet : http://www.newsletter.stadt2030.de/news2.htm

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