Pourquoi ceux qui demandent h le changement changent-ils si … · 2019-11-30 · Held est le...

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Think Tank Opinions HR Today 6 | 2019 47 Annonce La nécessité voire l’hygiène du changement per- manent font partie du discours managérial cou- rant. L’environnement est VUCA 1 , et il faut s’y faire. Les «change managers» sont à la mode, pour accompagner les organisations et les collabora- teurs dans le changement. Parce que, selon la croyance dominante, les collaborateurs n’aiment pas le changement, il faut donc développer l’agili- té, l’employabilité, l’innovation à tous les niveaux pour assurer la pérennité de nos entreprises. Tout ceci est évidemment vrai, car on sait que «qui n’avance pas recule», qui ne se développe pas et reste en zone de confort se met en danger. Il s’agit donc de savoir abandonner ses certitudes, ses habitudes pour pouvoir s’ouvrir à la nou- veauté, explorer des pistes nouvelles, bref l’in- connu et l’incertain. Et ceci bien évidemment fait peur: peur de l’inconnu; de la non-maîtrise; de perdre la face ou ses acquis. Ces peurs sont à l’ori- gine de résistances voire d’actes de rébellion. Mais il y a aussi une autre peur, qui concerne les dirigeants: celle de perdre leur pouvoir. La peur freine donc le changement autant à la tête qu’à la base. Sans oublier les cadres inter- médiaires, particulièrement concernés. La peur tétanise le plus souvent, même si par- fois elle «donne des ailes», ainsi qu’on le voit ces jours autour de l’urgence climatique. Mais elle ne suffit pas, parce qu’il faut, en plus du sens de l’ur- gence, une vision, autrement dit une espérance pour un avenir meilleur 2 . On sait depuis plus de 50 ans que notre mo- dèle économique et environnemental n’a pas d’avenir, et pourtant rien ne change. On cherche aussi depuis au moins autant d’années des alter- natives à notre modèle de gestion des entreprises, sans plus de succès. Parce que l’urgence semble lointaine, et qu’il nous manque une vraie vision pour nos sociétés, nos économies et nos entre- prises. Et ce qu’on fait passer pour des visions, ce sont des modèles prédéfinis qu’on nous vend comme «La solution». Ces modèles provoquent du changement, mais pas le changement dont on aurait besoin. L’absence de vision est donc la pre- mière raison pour laquelle on amène du change- ment sans changer. Pour comprendre la seconde, il suffit de se de- mander ce qu’un nouveau modèle impliquerait pour nos dirigeants: une incertitude et une perte de repères importantes, voire totales. Or, les diri- geants ont été formés pour diriger et créer le plus de valeur avec les ressources disponibles, donc dans un cadre et un modèle clairs et définis. Or, le leadership dont nous avons besoin est un lea- dership qui véhicule le «Réussir ensemble» pour un projet qui fait sens pour toutes les parties pre- nantes (clients, collaborateurs, société, parte- naires et actionnaires), un leadership qui est au service du projet et qui place vraiment l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel, ce que dit si bien Simon Sinek: «Leaders eat last». Le vrai changement implique donc un changement de paradigme et de passer d’une logique de pouvoir à un leadership d’influence, «au centre» (pas en-dessus), où le changement vise à réussir à va- loriser ensemble, et non à épuiser, les ressources, matérielles, environnementales et humaines. Cela semble simple, mais la crainte (souvent inconsciente) qu’ont nos dirigeants de perdre leur pouvoir et leur légitimité, leur peur aussi de ne pas maîtriser le nouveau paradigme, inhibent trop souvent les meilleures intentions. Qui osera initier et porter un tel changement? Et quel conseil d’administration saura l’exiger de la part de ses dirigeants? La vraie urgence est là. Saurons-nous la saisir et l’accompagner de ma- nière appropriée? n 1 Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous 2 John Kotter, Leading Change, et son ouvrage de vulgarisation: Alerte sur la banquise. Pourquoi ceux qui demandent le changement changent-ils si peu? hrtoday.ch Know-how for tomorrow Votre politique salariale est-elle discriminante? La réponse en tapant «discrimination» sur notre moteur de recherche. Docteur en Sciences économiques, Daniel Held est le fondateur et le CEO de PIMAN, Empowering for Change à Lutry (canton de Vaud). Il accompagne et développe les organisations, les dirigeants et les indivi- dus pour le changement. www.piman.ch A propos de l’auteur Texte: Daniel Held «Le leadership dont nous avons besoin est un leadership qui véhicule le «Réussir ensemble» pour un projet qui fait sens pour toutes les parties prenantes, un leadership qui est au service du projet et qui place vraiment l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel.» Daniel Held E F S.46-47_ThinkTank_6_19.indd 47 20.11.19 10:44

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Think Tank Opinions

HR Today 6 | 2019 47

Annonce

La nécessité voire l’hygiène du changement per-manent font partie du discours managérial cou-rant. L’environnement est VUCA1 , et il faut s’y faire. Les «change managers» sont à la mode, pour accompagner les organisations et les collabora-teurs dans le changement. Parce que, selon la croyance dominante, les collaborateurs n’aiment pas le changement, il faut donc développer l’agili-té, l’employabilité, l’innovation à tous les niveaux pour assurer la pérennité de nos entreprises.

Tout ceci est évidemment vrai, car on sait que «qui n’avance pas recule», qui ne se développe pas et reste en zone de confort se met en danger. Il s’agit donc de savoir abandonner ses certitudes, ses habitudes pour pouvoir s’ouvrir à la nou-veauté, explorer des pistes nouvelles, bref l’in-connu et l’incertain. Et ceci bien évidemment fait peur: peur de l’inconnu; de la non-maîtrise; de perdre la face ou ses acquis. Ces peurs sont à l’ori-gine de résistances voire d’actes de rébellion. Mais il y a aussi une autre peur, qui concerne les dirigeants: celle de perdre leur pouvoir.

La peur freine donc le changement autant à la tête qu’à la base. Sans oublier les cadres inter-médiaires, particulièrement concernés.

La peur tétanise le plus souvent, même si par-fois elle «donne des ailes», ainsi qu’on le voit ces jours autour de l’urgence climatique. Mais elle ne suffit pas, parce qu’il faut, en plus du sens de l’ur-gence, une vision, autrement dit une espérance pour un avenir meilleur2.

On sait depuis plus de 50 ans que notre mo-dèle économique et environnemental n’a pas d’avenir, et pourtant rien ne change. On cherche aussi depuis au moins autant d’années des alter-natives à notre modèle de gestion des entreprises, sans plus de succès. Parce que l’urgence semble lointaine, et qu’il nous manque une vraie vision pour nos sociétés, nos économies et nos entre-prises. Et ce qu’on fait passer pour des visions, ce sont des modèles prédéfinis qu’on nous vend

comme «La solution». Ces modèles provoquent du changement, mais pas le changement dont on aurait besoin. L’absence de vision est donc la pre-mière raison pour laquelle on amène du change-ment sans changer.

Pour comprendre la seconde, il suffit de se de-mander ce qu’un nouveau modèle impliquerait

pour nos dirigeants: une incertitude et une perte de repères importantes, voire totales. Or, les diri-geants ont été formés pour diriger et créer le plus de valeur avec les ressources disponibles, donc dans un cadre et un modèle clairs et définis. Or, le leadership dont nous avons besoin est un lea-dership qui véhicule le «Réussir ensemble» pour un projet qui fait sens pour toutes les parties pre-nantes (clients, collaborateurs, société, parte-naires et actionnaires), un leadership qui est au service du projet et qui place vraiment l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel, ce que dit si bien Simon Sinek: «Leaders eat last». Le vrai changement implique donc un changement de paradigme et de passer d’une logique de pouvoir à un leadership d’influence, «au centre» (pas en-dessus), où le changement vise à réussir à va-loriser ensemble, et non à épuiser, les ressources, matérielles, environnementales et humaines.

Cela semble simple, mais la crainte (souvent inconsciente) qu’ont nos dirigeants de perdre leur pouvoir et leur légitimité, leur peur aussi de ne pas maîtriser le nouveau paradigme, inhibent trop souvent les meilleures intentions.

Qui osera initier et porter un tel changement? Et quel conseil d’administration saura l’exiger de la part de ses dirigeants? La vraie urgence est là. Saurons-nous la saisir et l’accompagner de ma-nière appropriée? n

1 Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous2 John Kotter, Leading Change, et son ouvrage

de vulgarisation: Alerte sur la banquise.

Pourquoi ceux qui demandent le changement changent-ils si peu?

hrtoday.chKnow-how for tomorrow

Votre politique salariale est-elle discriminante?La réponse en tapant «discrimination» sur notre moteur de recherche.

Docteur en Sciences économiques, Daniel Held est le fondateur et le CEO de PIMAN, Empowering for Change à Lutry (canton de Vaud). Il accompagne et développe les organisations, les dirigeants et les indivi-dus pour le changement. www.piman.ch

A propos de l’auteur

Texte: Daniel Held

«Le leadership dont nous avons besoin est un leadership qui

véhicule le «Réussir ensemble» pour un projet qui fait sens pour

toutes les parties prenantes, un leadership qui est au service du projet et qui place vraiment

l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel.»

Daniel Held

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