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Walusinski O. Pourquoi bâille-t-on à s’en décrocher la mâchoire. Actualités Odonto-Stomatologiques 2007;238:000-000 1 pourquoi bâille-t-on à s’en décrocher la mâchoire ? Olivier WALUSINSKI Médecine générale, F28160 Brou. [email protected] L’articulation temporo-mandibulaire est une des articulations les plus sollicitées de l’organisme. 5 % de la population éprouve des douleurs à l’ouverture de bouche et 3 % notamment en mâchant et en bâillant. En effet, c’est au cours du bâillement que l’ouverture de bouche et du pharyngo-larynx est maximale. Comme le montre une pandiculation, il existe un lien fonctionnel étroit, régulé par le tronc cérébral, entre les articulations temporo-mandibulaires et le rachis cervical, véritable «réflexe trijémino-nuqual», pendant lequel les projections propriocep- tives du trijumeau stimulent les motoneurones des masséters et de la musculature cervicale. Ce réseau neuronal, nécessaire à ces compor- tements innés, partage des liens phylogéniques, ontogéniques et ana- tomiques avec la formation réticulée activatrice du tronc cérébral par- ticipant à l’éveil et au sommeil paradoxal. Par ces liens, le bâillement apparaît comme un comportement (action coordonnée, innée, inver- sant les effets hypotonisants du sommeil paradoxal) qui procure une stimulation de l’éveil par les influx proprioceptifs en retour de la très puissante contraction musculaire engendrée. L’extrême ouverture de la bouche au cours du bâillement est la cause la plus fréquente de la luxation de la mâchoire. Les douleurs déclenchées par le bâillement sont cliniquement facilement identifiables chez des patients souffrant de dystonie ou d’algies de la face, de désordres temporo-mandi- buaires ou d’un syndrome d’Eagle. RÉSUMÉ bâillement luxation temporo-mandibulaire algies de l’articulation temporo-mandibulaire pandiculation réflexe trijémino-nuqual MOTS CLÉS RUBRIQUE ??????????? «L’instant du réveil est marqué chez tous les animaux par des pandicula- tions, action musculaire dans laquelle les muscles semblent se disposer aux contractions que les mouvements exigent. C’est à la même utilité que l’on doit rapporter le chant du coq et l’agitation de ses ailes ; enfin, c’est pour obéir à la même nécessité, qu’au lever du soleil, les nombreuses tribus des oiseaux qui peuplent nos bocages gazouillent à l’envie et font retentir les airs de chants harmonieux. Le poète croit entendre alors l’hymne joyeux par lequel le peuple ailé célèbre le retour du Dieu de la lumière.» Anthelme Richerand. Nouveaux éléments de physiologie. Caille & Ranvier. Libraires à Paris. Tome 1. 1817, p. 456.

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Walusinski O. Pourquoi bâille-t-on à s’en décrocher la mâchoire. Actualités Odonto-Stomatologiques 2007;238:000-000

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pourquoi bâille-t-onà s’en décrocher la mâchoire ?

Olivier WALUSINSKIMédecine générale,F28160 [email protected]

L’articulation temporo-mandibulaire est une des articulations les plussollicitées de l’organisme. 5 % de la population éprouve des douleursà l’ouverture de bouche et 3 % notamment en mâchant et en bâillant.En effet, c’est au cours du bâillement que l’ouverture de bouche et dupharyngo-larynx est maximale. Comme le montre une pandiculation,il existe un lien fonctionnel étroit, régulé par le tronc cérébral, entreles articulations temporo-mandibulaires et le rachis cervical, véritable«réflexe trijémino-nuqual», pendant lequel les projections propriocep-tives du trijumeau stimulent les motoneurones des masséters et de lamusculature cervicale. Ce réseau neuronal, nécessaire à ces compor-tements innés, partage des liens phylogéniques, ontogéniques et ana-tomiques avec la formation réticulée activatrice du tronc cérébral par-ticipant à l’éveil et au sommeil paradoxal. Par ces liens, le bâillementapparaît comme un comportement (action coordonnée, innée, inver-sant les effets hypotonisants du sommeil paradoxal) qui procure unestimulation de l’éveil par les influx proprioceptifs en retour de la trèspuissante contraction musculaire engendrée. L’extrême ouverture dela bouche au cours du bâillement est la cause la plus fréquente de laluxation de la mâchoire. Les douleurs déclenchées par le bâillementsont cliniquement facilement identifiables chez des patients souffrantde dystonie ou d’algies de la face, de désordres temporo-mandi-buaires ou d’un syndrome d’Eagle.

RÉSUMÉ

bâillement

luxation temporo-mandibulaire

algies de l’articulation temporo-mandibulaire

pandiculation

réflexe trijémino-nuqual

MOTS CLÉS

RUBRIQUE ???????????

«L’instant du réveil est marqué chez tous les animaux par des pandicula-tions, action musculaire dans laquelle les muscles semblent se disposer auxcontractions que les mouvements exigent. C’est à la même utilité que l’ondoit rapporter le chant du coq et l’agitation de ses ailes ; enfin, c’est pourobéir à la même nécessité, qu’au lever du soleil, les nombreuses tribus desoiseaux qui peuplent nos bocages gazouillent à l’envie et font retentir les airsde chants harmonieux. Le poète croit entendre alors l’hymne joyeux parlequel le peuple ailé célèbre le retour du Dieu de la lumière.»

Anthelme Richerand.Nouveaux éléments de physiologie.

Caille & Ranvier. Libraires à Paris. Tome 1. 1817, p. 456.

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u sein de la population adulte,5 % des personnes interro-gées se plaignent de douleurslors de la complète ouverturede la bouche et 3 % en parti-

culier au cours du bâillement (Heloë,1979). Les articulations temporo-man-dibulaires sont parmi les articulationsles plus sollicitées de l’organisme. Ellesparticipent au langage, à la mastication

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mais aussi à de multiples expressionsémotionnelles du visage comme le rire,la peur, la honte, la colère, etc.(Duchenne de Boulogne, 1862). Uncomportement, le bâillement, a lui, pourcaractéristique, de leur imposer leursamplitudes extrêmes : ouverture maxi-male, suivie d’une occlusion complètede la bouche qui n’existe dans aucuneautre situation physiologique.

Aintroduction

appareil manducateur, cou et bâillementUn appareil de dépistage ambulatoiredu syndrome des apnées du sommeil(Somnolter©) recherche les épisodes deronflements et d’efforts ventilatoirespar la mesure, de manière continue, desmouvements de la mandibule et parl’estimation de la distance intermaxil-laire. Comme l’indique la figure 1, l’am-plitude d’ouverture de la bouche lorsd’un bâillement spontané est plusimportante que l’ouverture volontaire

maximale de la bouche lors du calibragede l’appareil. À noter que l’occlusionqui suit la fin du bâillement apparaîtégalement plus accentuée que l’occlu-sion volontaire. L’analyse détaillée d’unbâillement permet d’en comprendre lesmécanismes.Les mouvements de la tête font partieintégrante du cycle ouverture/fermeturede la bouche nécessaire à la mastication,à l’élocution, au chant, mais aussi au

A gauche, calibrage de l’appareil Somnholter©, enregistrant la distance intermaxillaire. Adroite salve de 4 bâillements.

Somnolter© développé par Nomics (http://www.nomics.be) - WSL-2 Liège Science Park, rue des ChasseursArdennais, 4, B-4031 Angleur (Belgium).

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bâillement (Abrahams, 1988, 1993).D’un point de vue phylogénique, cheztoutes les espèces, ce couplage fonction-nel a une valeur adaptative, sélection-née, car elle assure une meilleure capa-cité à saisir des proies, mais aussi à sedéfendre et à combattre. Les afférencessensori-motrices oro-faciales (triju-meau) sont nécessaires au contrôle de lamotricité cervico-céphalique, c’est-à-direque l’activité fonctionnelle mandibulaireest une association de mouvements syn-chronisés de la nuque et de la mâchoiredans lesquels interviennent les articula-tions temporo-maxillaires, le rachis cer-vical et sa musculature (Zafar, 2000).L’action des muscles masséters et cervi-caux est synchronisée par une com-mande motrice commune automatiquegénérée par le tronc cérébral, («Centralpattern generating circuits» Marder,2005) c’est-à-dire les paires crâniennesV, VII, IX, X, XI, XII. Toutes ces struc-tures motrices sont activées pendant lesbâillements. T. Humphrey (1968) a parléd’un réflexe trijémino-nuqual.On appelle une pandiculation uneouverture maximale de la bouche asso-ciée à une contraction généralisée desmuscles antigravitaires ou antigravi-fiques (André-Thomas, 1949) desquatre membres avec extension com-plète de l’ensemble du rachis, portanten arrière la tête. Ce puissant étirements’accompagne d’une activation de tousles muscles de la face, et très curieuse-ment, d’une contraction simultanée desmuscles ouvrant la bouche (mylo-hyoï-diens et digastriques) et de ceux assu-rant sa fermeture (ptérygoïdiens, mas-séters, temporaux), expliquant lescontraintes importantes subies alors parles articulations temporo-mandibulaires(Forte, 1982). Simultanément, le plusgrand muscle de l’organisme, le dia-

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phragme, se contracte massivementprovoquant une ample inspiration pardes voies aériennes supérieuresouvertes à l’extrême. J. Barbizet (1958)a montré que le diamètre du pharyngo-larynx est multiplié par quatre par rap-port à la position de repos.Le bâillement apparaît ainsi comme unepandiculation partielle, c’est-à-diresans contraction des membres et dutronc et rend compte de la synchronisa-tion neuro-musculaire bucco-cervicale.La composante ventilatoire du bâille-ment et de la pandiculation ne sontdonc que la conséquence d’une activitémusculaire et non le primum movens.Ceci explique l’absence de toute modifi-cation des gaz du sang pendant et aprèsle bâillement et infirme la notionancienne d’une oxygénation cérébralequ’il induirait (Provine, 1987).Les pandiculations accompagnentl’éveil ; les bâillements surviennentespacés durant la journée, et accroissentleur fréquence quand la pression dusommeil augmente dans l’heure précé-dant l’endormissement. Physiologi-quement, un adulte bâille de 5 à 15 foispar jour (Baenninger, 1996 ; Walusin-ski, 2000). Comme il existe des petits etdes grands dormeurs, il existe «des petitset des grands bâilleurs». Les bâillementsapparaissent, en particulier, dans quatresituations de la vie quotidienne : lire,voyager en transport en commun,conduire, attendre (Greco, 1993).Les modifications d’état de vigilancesont corrélées à des variations de tonusmusculaire antigravitaire. Le systèmeproprioceptif (sensibilité profonde), parexemple des trapèzes et des masséters,envoie des influx par les fibres affé-rentes de la catégorie Ia, situées dans laracine mésencéphalique du trijumeau.

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Celles-ci forment avec les motoneu-rones des mêmes muscles une liaisonmonosynaptique, base du réflexe mas-sétérin. La pandiculation et le bâille-ment, par la contraction musculairemassive, stimulent les structures res-ponsables de l’activation corticale, parles projections de ces voies propriocep-tives sur la formation réticulée ascen-dante du tronc cérébral et le locus coe-ruleus (deux structures impliquéesdans les mécanismes de l’éveil), anato-miquement proches du noyau du triju-meau (noyau moteur des muscles man-ducateurs). À noter, en corollaire, quel’amplitude du réflexe massétérin varieparallèlement au niveau de l’éveil(Aubin et Garma, 1988).Le système nerveux végétatif est unensemble de systèmes neuronaux affé-rents et efférents régulant l’homéo-stasie (Cannon, 1933), c’est-à-dire lemaintien à leur valeur d’équilibre phy-siologique différentes constantes corpo-relles : température, pression artérielle,osmolarité, etc. L’alternance jour/nuitengendrée par la rotation terrestre déter-mine, par l’intermédiaire des noyauxsupra-chiasmatiques de l’hypothala-mus, la composante circadienne de

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l’éveil et du sommeil alors que l’hypo-thalamus (VLPO, noyau paraventri-culaire), des noyaux mésopontins, laformation réticulée ascendante du tronccérébral (locus coeruleus) et le raphéantérieur régulent la composantehoméostasique. Il existe une tendance àl’augmentation progressive de l’activitévagale (parasympathique) de la veille ausommeil lent avec pic lors du sommeilparadoxal tandis que l’activité sympa-thique décroît parallèlement. Il en résulteune hypotonie musculaire périphériquegénéralisée et tendance au collapsus desvoies respiratoires supérieures, caracté-ristiques du sommeil paradoxal, prépon-dérant en fin de nuit (Saper, 2005).L’intense activité corticale propre à cettephase de sommeil permet la transitionvers l’éveil (Campbell, 1985). La pandi-culation, et donc le bâillement, ouvrentau maximum le pharyngo-larynx et acti-vent la reprise musculaire tonique,déclenchant une augmentation de la fré-quence cardiaque, de la pression arté-rielle, du métabolisme musculaire asso-ciée à un dérouillage articulaire. On peutqualifier la pandiculation de dynamogé-nique, terme utilisé par Jean Lhermitte(1931).

ontogenèse

Le bâillement apparaît chez le fœtussimultanément à la déglutition, témoi-gnant de la fonctionnalité du tronc céré-bral alors que la myélinisation corticalen’est pas encore acquise. Une ontoge-nèse chronologiquement commune, laproximité anatomique des centres exé-cutifs, témoins de l’ancienneté phylo-génique, expliquent la synchronie des

mouvements des maxillaires et du cou.L’échographie en 3D animée (4D) per-met leur visualisation dès 12 à 14semaines de grossesse (Walusinski,2005). Dès la naissance, ce couplagefonctionnel est indispensable à la sur-vie, comme le montre l’effleurement ducoin de la bouche du nouveau-né quidétermine une rotation homolatérale de

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la tête, et permet ainsi d’attraper lemamelon pour téter, enclenchant leréflexe de succion-déglutition. Cesmécanismes neuro-moteurs intégréssont très stables et ne varient pas aucours de la vie depuis la naissance jus-qu’à un âge avancé (Humphrey, 1968).

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La vie fœtale a un rythme ultradien de90 minutes. Le bâillement indique latransition entre un état d’hypoactivitécorrélé au premier type de sommeil,forme immature de sommeil paradoxal,encore prépondérant à la naissance, etun état d’activité motrice intense (Feng,2006).La phylogenèse suggère que l’immo-bilité des poïkilothermes a évoluévers le sommeil paradoxal (Nicolau,2000). La reprise de la motricité desreptiles, dépendante de l’élévation dela température corporelle, peut s’ac-compagner d’un bâillement. Ainsi,l’ancienneté phylogénique et la préco-cité ontogénique indiquent un lienévolutif étroit entre motricité bucco-cervicale, bâillement et sommeil para-doxal.

Échographie 3D. Bâillement fœtal à 23semaines.

éthologieL’éthologie précise que le bâillement estassocié à deux autres processus homéo-stasiques contrôlés par l’hypothalamus,la satiété et la sexualité.

alimentation, dorment moins que lescarnivores et bâillent peu. Une corréla-tion existe entre le nombre de bâille-ments, la durée de sommeil, en particu-lier du sommeil paradoxal, et le niveaucalorifique de la ration alimentaire. Onpeut, dès lors, postuler que plus un ani-mal subit une pression vitale forte deprédateurs, comme les herbivores,moins il dort, moins il bâille. Plus ilingère une ration calorique élevée enpeu de temps, comme les carnivoresprédateurs, plus il jouit d’un luxe desommeil prolongé et plus il bâille. Seuleexception, les primates non humains,frugivores, ont une durée de sommeilparadoxal et un nombre de bâillementscomparables à ceux des carnivores(Halder et Schenkel, 1972).

la satiété

Chez les animaux élevés en captivité(rats, macaques, lions), il a été notédes bâillements répétés précédant lemoment des repas proposés à heuresrégulières, évoquant en cela un rythmecircadien (Holmgren, 1991).Les herbivores bâillent moins souventque les carnivores. Le rendement éner-gétique de l’herbe est faible, contraire-ment à celui de la viande. Les herbi-vores passent un temps prolongé à leur

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Chez l’homme, il est classique de res-sentir l’effet du jeûne par une fringaleavec bâillements (de même pour l’hypo-glycémie). Les excès alimentaires, enparticulier associés à une alcoolisation,génèrent somnolence et bâillementsrépétés.

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les mâles adultes. Le bâillement estsous la dépendance partielle desandrogènes ; la castration de maca-ques adultes mâles entraînent unediminution marquée de la fréquencedes bâillements tandis que des injec-tions de dihydrotestostérone exogènerétablit la fréquence des bâillements.L’injection d’un anti-androgène nonstéroïdien (hydroxyflutamide) bloqueles effets d’injections de testostérone,reproduisant les effets de la castra-tion (Deputte, 1994). Ces bâillements,restreints aux mâles adultes et auxmâles dominants dans le groupe, ontété qualifiés de «bâillements d’émoti-vité» par Deputte (1980), soulignantainsi qu’ils sont déclenchés par une«tension psychique». Ils pourraientservir à renforcer la place particulièreque l’individu occupe au sein dugroupe.

la sexualité

Chez les Macaques, que nous pren-drons pour exemple, les bâillementsapparaissent aussi après des interac-tions sociales diverses en relation avecnotamment la sexualité ou des conflits.L’éthologie montre que les mâlesbâillent plus souvent que les femelles.La fréquence des bâillements augmenteavec l’apparition des caractères sexuelssecondaires (descente testiculaire,croissance des canines), maximale chez

physiologie

Toutes les données présentées permet-tent d’interpréter pandiculations etbâillements comme une activité motriceextériorisée, d’origine sous-corticale,témoignant de processus homéosta-siques régulés par l’hypothalamus.Le noyau paraventriculaire de l’hypo-thalamus est un centre intégrateur entrele système nerveux central et le systèmenerveux végétatif périphérique. Ungroupe de ses neurones ocytociner-giques qui projettent sur des airesextra-hypothalamiques (hippocampe,tronc cérébral, moelle) contrôlent bâille-ments et érections. Leur stimulation parla dopamine et ses agonistes, des neu-ropeptides, l’ocytocine elle-même, ou

une stimulation électrique déclenchedes bâillements alors que le GABA etses agonistes et les opioïdes inhibentbâillements et érections. L’activationdes neurones ocytocinergiques néces-site une production d’oxyde nitriquedont dépend la libération de l’ocytocineextra-hypothalamique sans que lesmécanismes intimes soient actuelle-ment élucidés. D’autres moléculesmodulent les bâillements, non dans leurexpression mais dans leur fréquence etleur rythme : sérotonine, hormonessexuelles, hypocrétine, peptides endo-gènes (ACTH, MSH). L’ocytocine sti-mule une activation cholinergique auniveau de l’hippocampe, de la réticulé

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ascendante du tronc cérébral (Argiolas,1994 ; Sato-Suzuki, 1998). Enfin, l’acé-tylcholine déclenche les bâillements viales récepteurs muscariniques desmuscles effecteurs (nerfs V, VII, IX, X,XI, XII, C1-C4).La pandiculation et le bâillement pro-voquent, à l’acmé de l’ample inspira-tion, une augmentation de la pressionintra-thoracique, suivie d’une dépres-sion rapide, lors de l’expiration qui lasuit. Il en résulte un blocage du retourveineux et lymphatique suivi d’un fluxaccéléré. Il n’existe actuellementaucune donnée sur les conséquencesimmunitaires du drainage lymphatiquedu canal thoracique vers la veine cave,

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ainsi favorisé (Nolman, 2006). Parcontre, au niveau cérébral, la variationrapide et notable de la pression vei-neuse, accélère la circulation duliquide céphalo-rachidien. En consé-quence, l’augmentation de la clairancede l’adénosine, facteur réputé somno-gène, interviendrait dans l’effet stimu-lant de l’éveil du bâillement (Arrigoni,2006).L’ample inspiration du bâillement ouvreles alvéoles en atélectasie et participeà l’étalement du surfactant, comme lefait un soupir. Le bâillement dirigé estainsi utilisé dans les suites opératoiresen chirurgie thoracique, notamment(Cahill, 1978).

bâillements et pathologiesLa pandiculation et le bâillement ontpour caractéristiques d’être à la fois unsymptôme clinique, un traitement etaussi la cause de troubles patholo-giques.

fonctionnel du contrôle de la ventilationpar le tronc cérébral (Ochoa-Sepulveda,2005). L’absence de bâillements, qui s’yattache, l’oppose aux déficits corticauxsecondaires à une crise convulsive ou àun accident vasculaire cérébral où desbâillements répétés, d’origine diencé-pahlique, semblent stimuler le cortexinhibé ou lésé (Muchnik, 2003 ;Yankovsky, 2006).L’excès de bâillements, c’est-à-dire desséries de 10 à 25 bâillements succes-sifs, irrépressibles, répétés plusieursfois par jour, est actuellement le plussouvent d’origine iatrogène et secon-daire à la prise d’anti-dépressifs séro-toninergiques (Sommet, 2005). Lamigraine s’accompagne fréquemmentde nombreux bâillements rappelantceux inaugurant l’installation d’unmalaise vagal (Cronin, 1988 ; Jacome,2001). Les processus expansifs intra-

le bâillementsymptôme clinique

La raréfaction ou la disparition desbâillements, rarement spontanémentrapportée parce que peu gênante,témoigne d’un syndrome parkinsonnien(Goren, 1998), d’une consommationexcessive de caféine ou d’un effetopioïde. Dans ces derniers cas, le sevrages’accompagne d’un rebond de bâille-ments, multiples, en salves (Phillips-Bute, 1997). Le syndrome d’Ondinecongénital ou acquis (malformationsatloïdo-axoïdiennes) témoigne du défaut

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crâniens, notamment la pathologie adé-nomateuse hypophysaire, certainesformes d’épilepsie temporale peuvents’accompagner de bâillements répétitifs.Dans le cas célèbre de J.-M. Charcot, lapatiente bâillait 8 fois à la minute, soit480 fois à l’heure, était aménorrhé-rique, avait une amputation binasale deson champ visuel mais fut considéréecomme hystérique. La galactorrhéen’est pas mentionnée mais ce casévoque un adénome à prolactine(Charcot, 1889). Les accidents vascu-laires cérébraux responsables detroubles de la vigilance s’accompagnentde fréquents bâillements (Cattaneo,2006). Certaines hémiplégies s’accom-pagnent d’un mouvement du bras para-lysé vers la bouche lors du bâillement,curieux phénomène que nous avonsdécrit sous le nom de parakinésie bra-chiale oscitante (Walusinski, 2005).

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commun de toutes les formes de dys-phonies et aphonies fonctionnelles oupsychogènes. Le bâillement est une thé-rapeutique des surmenages vocaux.Elle est efficace pour combattre l’éléva-tion excessive du larynx et la constric-tion de la glotte qui les caractérisent.Ces surmenages correspondent à uneffort tonico-spastique des muscles dularynx qui provoque son ascension. Lebâillement ouvre la glotte à son maximaet repositionne le larynx au plus bas desa course, réduisant l’effort musculaire.Les professeurs de chant enseignent àleurs élèves des techniques de bâille-ments provoqués, forme de relaxationlaryngée. C’est ainsi qu’il n’est pas rarede voir des chanteurs d’opéra bâilleravant d’entrer en scène (Xu, 1991 ;Boone, 1993).La laryngectomie totale a de multipleseffets secondaires, en particulier du faitde la solution de continuité entre lesvoies aériennes basses et hautes. Nonseulement la voix est perdue, maisaussi d’autres fonctions physiologiquessont perturbées. La perte de l’odorats’ajoute aux désagréments des modifi-cations des fonctions ventilatoires et àleurs retentissements physiques et psy-chiques. L’olfaction est tantôt un phé-nomène passif survenant au cours de larespiration, tantôt un phénomène actif,inspiratoire et volontaire. La laryngec-tomie totale supprime l’olfaction pas-sive, et seule une minorité de patientsest encore capable d’olfaction volon-taire. F. Hilgers (2002) a développé unetechnique, basée sur la création d’unedépression dans la cavité buccale, géné-rant un flux d’air au travers du nez. Lespatients sont entraînés à réaliser uneimitation de bâillement maximum maisen gardant les lèvres strictement closes,

le bâillement thérapeutique

À l’acmé d’un bâillement, l’ouverture dela trompe d’Eustache aère la caisse dutympan. Associée à l’occlusion palpé-brale, la baisse de l’audition ainsi pro-voquée, concourt à une brève décon-nexion sensorielle de l’environnementdu bâilleur. Lors de pathologies rhino-pharyngées ou de variations altudinales(montagne, vols aériens), le bâillementconstitue un moyen thérapeutique dereperméabilisation tubaire assurantl’amélioration des surdités de transmis-sion, inflammatoires ou fonctionnelles(Laskiewicz, 1953 ; Winther, 2005).La musculature extrinsèque et intrin-sèque de larynx est particulièrementsensible au stress émotionnel. Sonhypercontraction est le dénominateur

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tout en aspirant leurs joues, abaissantleur langue et le plancher de la bouche.La dépression ainsi induite dans lacavité buccale favorise une aspirationd’air par le nez apportant les effluvesparfumées.La théorie végétative de James-Lange(1884-1885) postule que les afférencesen retour des contractions musculaireset la sensibilité viscérale apportent ausystème nerveux central (striatum,amygdale, insula) les perceptions corpo-relles, appelées l’intéroception, permet-tant l’élaboration consciente du schémacorporel. La pandiculation et le bâille-ment, par la puissante contraction mus-culaire qu’ils représentent, la décon-nexion de l’environnement, et lebien-être qui les suit, participent ainside l’intéroception. Les techniques derelaxation et de yoga utilisent impli-citement ces données, en déclenchanten groupe, par échokinésie, des bâille-

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ments induits, afin de perfectionner lecontrôle du tonus musculaire corporelet une acutisation des perceptions pro-prioceptives (Russell, 1891 ; Bourgne,2006).

Sur cette reconstruction en 3D, on voitl’allongement de l’apophyse styloïdedroite mesurée à 45 mm (37 mm àgauche).

En inféro-oblique, visualisation d’une cal-cification rompue du ligament stylo-hyoïde.Avec l’aimable autorisation de A. Savranlar,Zonguldak Karaelmas. University School ofMedicine, Zonguldak, Turkey.

le bâillement inducteurde pathologies

Le bâillement peut être le déclencheur,la gâchette, d’une crise de dystonieglossopharyngée, d’une névralgie vas-culaire de la face de Charlin-Sluder(Jacome, 2001). Le syndrome de MarinAmat ou syndrome de Marcus Gunninverse, consiste en une fermeture syn-cinétique des paupières d’un œil lors del’ouverture de la bouche notamment dubâillement (Oh, 2003).Le bâillement peut déclencher descrampes douloureuses des musclesgénohyoïdiens (André-Thomas, 1949).

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Par ordre de fréquence décroissante, lescauses de luxation mandibulaire sont :le bâillement, le rire, les vomissements,les soins dentaires. La luxation estantérieure, le condyle mandibulairedépasse en avant le condyle temporal ets’élève dans la fosse temporale d’où ilne peut ressortir en raison de la tonicitédes muscles masticateurs. Il s’agit leplus souvent d’une luxation bilatérale(Ugboko, 2005). Une prompte réduc-tion peut généralement être réaliséesans anesthésie. La récidive est fré-quente. Plusieurs publications rappor-tent des luxations mandibulaires com-pliquant des excès de bâillementsirrépressibles sous antidépressifs séro-toninergiques (Tesfaye, 1990 ; Pae,2003) ou lors d’induction anesthésique(Avidan, 2002).

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Les fractures d’une longue apophysestyloïde sont rares. Des douleurs de lagorge ou du cou, une mobilité réduitedu cou, un enrouement, une masselatérale du cou sont autant de signespouvant faire évoquer cette patholo-gie. Elles sont secondaires à un bâille-ment ou à un choc direct, comme aucours des accidents de la circulation(McGinnis, 1981 ; McCorkell, 1985). Ilfaut en rapprocher le syndrome d’Eagleassociant des cervicalgies latérales,déclenchées par les bâillements, la mas-tication et à la pression du processusstyloïde dans la fosse amygdalienne.La radiographie du cou montre des cal-cifications des ligaments stylo-hyoï-diens (découverte parfois fortuite) quideviennent symptomatiques avec ousans fracture (Mupparapu, 2005).

conclusion

Bâillements et pandiculations sont descomportements d’origine diencéphalique,extériorisant un processus d’homéosta-sie des systèmes d’éveil (Walusinski,2006). Sollicitant puissamment les arti-

culations temporomandibulaires, ilsconduisent vers le stomatologue, notam-ment, les porteurs de syndrome algo-dysfonctionnels de l’appareil manduca-teur, les luxations de mâchoire.

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SUMMARY

Why to yawn one’s head off,O. WALUSINSKI

The temporomandibular joint is one of the mosttaxed joints of the body. 5% of the populationfeels pain when opening the mouth wide and 3%while chewing and yawning, during which jawopening reaches its maximal course. As testi-fying during a pandiculation, a close functionalcoupling between the temporomandibular andthe cranio-cervical regions is triggered by thebrainstem through trigeminal somatosensoryprojections onto the motoneurones of the masse-ters and neck muscles during jaw-opening/closing, and notably during yawning, like a “tri-gemino-neck reflex”. The neural networks,required for these innate activities, share phylo-

genical, ontogenical and anatomical links withthe brainstem reticular formation activatedduring wakefulness and REM sleep. By theselinks, yawning appears as a behavior (fixedaction pattern inverse of REM sleep) which pro-cures an arousal reinforcement through thepowerful stretch and the neuromuscular rewiringinduced. Excessive mouth opening while yaw-ning is the commonest cause of temporomandi-bular joint dislocation. Pain elicited by yawningis a well-recognized clinical phenomenon inpatients with cranial neuralgia or dystonia, tem-poromandibular joint dysfunction syndrome orEagle syndrome.

keywords: dislocation of the temporo-mandibular joint ; temporo-mandibular dysfunction syndrome ; pandicu-lation ; trijemino-neck reflex ; yawning.